Séance du 27 novembre 1998
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Modification de l'ordre du jour
(p.
1
).
3.
Loi de finances pour 1999.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
2
).
Budget annexe des prestations sociales agricoles (p. 3 )
MM. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances ; Louis
Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Gérard Le
Cam,Bernard Piras, Rémi Herment, Yvon Collin.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.
Adoption des crédits figurant aux articles 49 et 50.
Article additionnel avant l'article 75 (p. 4 )
Amendement n° II-50 de M. Le Cam. - MM. Gérard Le Cam, le rapporteur spécial, le ministre. - Retrait.
Agriculture et pêche (p. 5 )
MM. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances ; Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour l'agriculture ; Alain Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour la pêche : Jean-Paul Emorine, en remplacement de M. Henri Revol, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour l'aménagement rural ; Bernard Dussaut, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour les industries agricoles et alimentaires ; Albert Vecten, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l'enseignement agricole ; Jean-Marc Pastor, Rémi Herment, Serge Mathieu, Bernard Joly, Désiré Debavelaere, Gérard Le Cam, Marcel Bony, Marcel Deneux.
Suspension et reprise de la séance (p. 6 )
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
MM. Jean-Paul Emorine, Aymeri de Montesquiou, M. le président.
M. Michel Doublet, Mme Yolande Boyer, MM. Jean-Paul Amoudry, Jean-François Le
Grand, Bernard Piras, Henri de Richemont, René-Pierre Signé, Gérard Cornu.
Suspension et reprise de la séance (p. 7 )
MM. Hilaire Flandre, Yann Gaillard.
PRÉSIDENCE DE M JEAN-CLAUDE GAUDIN
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.
Crédits du titre III. - Adoption (p.
8
)
Crédits du titre IV (p.
9
)
Amendement n° II-48 de M. César, rapporteur pour avis. - MM. Hilaire Flandre,
au nom de la commission des affaires économiques ; le rapporteur spécial, le
ministre, Jean-Marc Pastor, Gérard Cornu, Albert Vecten. - Retrait.
Adoption des crédits.
Crédits du titre V. - Adoption (p.
10
)
Crédits du titre VI (p.
11
)
Mme Hélène Luc, M. le ministre.
Adoption des crédits.
Article 75 A. - Adoption (p.
12
)
Article 75 B (p.
13
)
Amendement n° II-51 de M. Le Cam. - MM. Gérard Le Cam, le rapporteur spécial,
le ministre. - Irrecevabilité.
Adoption de l'article.
Education nationale, recherche et technologie
I. - ENSEIGNEMENT SCOLAIRE (p.
14
)
MM. Jean-Philippe Lachenaud, en remplacement de M. Jacques-Richard Delong, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean Bernadaux, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l'enseignement scolaire ; Mme Hélène Luc, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l'enseignement technique ; Georges Othily.
Suspension et reprise de la séance (p. 15 )
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
4.
Dépôt d'un rapport en application d'une loi
(p.
16
).
5.
Loi de finances pour 1999.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
17
).
Education nationale, recherche et technologie
(suite)
(p.
18
)
I. - ENSEIGNEMENT SCOLAIRE
(suite)
(p.
19
)
MM. Alain Vasselle, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la
recherche et de la technologie ; Mme Hélène Luc, MM. Jean-Louis Carrère, Pierre
Hérisson, Jean-Claude Carle, Christian Demuynck, Serge Lagauche, André Bohl,
Franck Sérusclat, René-Pierre Signé.
M. le ministre, Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement
scolaire.
6.
Rappel au règlement
(p.
20
).
MM. Alain Vasselle, le ministre.
7.
Loi de finances pour 1999.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
21
).
Education nationale, recherche et technologie (suite) (p. 22 )
I. - ENSEIGNEMENT SCOLAIRE (suite) (p. 23 )
M. le rapporteur spécial, Mme le ministre délégué.
Crédits du titre III (p. 24 )
MM. Ivan Renar, le ministre.
Amendement n° II-16 de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le ministre,
Jean-Louis Carrère, Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires
culturelles ; Franck Sérusclat. - Adoption par scrutin public.
Adoption, par scrutin public, des crédits modifiés.
Crédits du titre IV (p. 25 )
Amendement n° II-17 de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le ministre,
Ivan Renar, Jean-Louis Carrère. - Adoption par scrutin public.
Adoption, par scrutin public, des crédits modifiés.
Crédits des titres V et VI. - Adoption (p.
26
)
Article 79
ter
(p.
27
)
MM. le rapporteur spécial, le ministre.
Adoption de l'article.
8.
Ordre du jour
(p.
28
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ? ...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le président.
A la demande du Gouvernement, et en accord avec la commission des finances, le
jeudi 3 décembre 1998, la discussion des crédits affectés dans le projet de loi
de finances pour 1999 à l'emploi, qui était prévue en tête de l'ordre du jour,
est reportée après l'examen des crédits de la santé et de la solidarité.
L'ordre du jour de la séance du jeudi 3 décembre 1998 est modifié en
conséquence.
3
LOI DE FINANCES POUR 1999
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances
pour 1999 (n° 65, 1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 66
(1998-1999).]
Budget annexe des prestations sociales agricoles.
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
le budget annexe des prestations sociales agricoles.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, en 1999, le budget annexe des prestations
sociales agricoles, le BAPSA, connaîtra une situation de stabilité globale par
rapport à 1998 : il s'élèvera à 89 milliards de francs, en progression de 1 %
par rapport à 1998.
Il serait sans doute fastidieux d'exposer ici les prévisions de dépenses et de
recettes du BAPSA pour 1999. En revanche, je souhaiterais évoquer quelques
points qui ont plus particulièrement attiré mon attention dans l'examen de ce
budget.
En ce qui concerne tout d'abord les dépenses du BAPSA, en 1999, les dépenses
de retraite devraient s'établir à 47 milliards de francs et demeurer le
principal poste de dépenses du BAPSA. Elles seront en progression de 3,8 % par
rapport à 1998.
Cette augmentation des dépenses de retraite, alors que le nombre de retraités
diminue, s'explique principalement par la poursuite de la revalorisation des
petites retraites agricoles depuis plusieurs années.
Il faut, en effet, se souvenir de la faiblesse des retraites agricoles : le
montant annuel de la retraite moyenne versée s'établit à 20 920 francs - hors
allocation supplémentaire du fonds de solidarité vieillesse.
Depuis 1994, des mesures significatives ont été prises en faveur des
retraités. Le projet de loi de finances pour 1999 prévoit une nouvelle mesure
de revalorisation qui concernera plus de 600 000 retraités, pour un coût de 1,2
milliard de francs en 1999 et 1,6 milliard de francs en année pleine.
En outre, la revalorisation des petites retraites agricoles est désormais un
objectif inscrit dans le projet de loi d'orientation agricole et un plan
pluriannuel de revalorisation sur 1997-2000 est prévu. Enfin, la création du
statut de « conjoint-collaborateur », prévu dans le projet de loi d'orientation
agricole, garantira des droits en assurance vieillesse plus étendus aux
conjoints qui choisiront ce statut.
Je me réjouis de l'effort continu engagé par tous les gouvernements depuis
1994 pour relever, par étapes, le niveau des plus petites retraites agricoles
et nous devons tous rester attentifs à ce que cet effort soit poursuivi dans
les années à venir.
Toujours au sujet du niveau des retraites agricoles, il me semble qu'entre les
retraites forfaitaires et proportionnelles, et la retraite complémentaire
facultative par capitalisation - « ex-COREVA » - se pose aujourd'hui la
question de la création d'un « deuxième pilier » : une retraite complémentaire
obligatoire, comme il en existe déjà dans le régime des artisans.
Je souhaiterais que cette réflexion soit poursuivie et amplifiée, et que M. le
ministre nous en donne aujourd'hui l'assurance.
Venons-en maintenant aux recettes du BAPSA.
Le financement du BAPSA pour 1999 revêt deux caractéristiques principales : la
progression des montants de contributions professionnelles, des taxes affectées
et des transferts de compensation démographique et, en conséquence, la
diminution de la subvention d'équilibre du budget général, qui se réduit de 2,9
milliards de francs - soit une baisse de plus de 37 % par rapport à 1998.
A ce sujet, je ferai deux remarques.
Tout d'abord, je tiens à relever le fait que le BAPSA demeure marqué par
l'importance des financements externes. Les contributions professionnelles ne
représenteront, en 1999, que 19 % du financement du BAPSA ; 81 % de son
financement reposera donc sur des ressources externes.
Je rappelle que cette situation s'explique par le déséquilibre démographique
et le niveau des revenus agricoles, qui ne permettent pas d'assurer l'équilibre
financier du régime par les seules cotisations sociales.
Ma seconde remarque est plus critique et porte sur le financement de la
revalorisation des retraites agricoles qui, à mes yeux, est fort
contestable.
En effet, le BAPSA bénéficie, en 1999, d'une affectation exceptionnelle de 1
milliard de francs de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la
C3S, dont il ne disposera plus dès l'an prochain.
Il s'agit donc, en 1999, de couvrir une dépense pérenne, que l'on retrouvera
tous les ans, par une recette exceptionnelle.
Comment financer cette revalorisation d'un coût annuel de 1,6 milliard de
francs ? En l'absence de recettes de C3S, et toutes choses égales par ailleurs,
ce sont 1,4 milliard de francs qu'il faudrait trouver pour équilibrer le BAPSA
en l'an 2000 ! Il est donc à craindre que la subvention d'équilibre au BAPSA ne
doive augmenter dans de fortes proportions à partir de l'an 2000. Et cette
augmentation de la subvention d'équilibre au BAPSA se fera vraisemblablement -
mais j'espère que non - au détriment des autres chapitres du budget du
ministère de l'agriculture et de la pêche.
Enfin, je ferai quelques remarques sur la gestion du régime par la mutualité
sociale agricole, la MSA.
Dans son rapport annuel de 1997, la Cour des comptes avait fait apparaître des
« irrégularités très graves » dans la gestion de la caisse centrale de
mutualité sociale agricole, qui gère, rappelons-le, le deuxième régime de
sécurité sociale de France. J'avais exprimé mon inquiétude face à cette
situation.
Depuis l'an dernier, la situation de la caisse centrale de MSA a été
régularisée et je ne peux que m'en féliciter. En effet, depuis 1997, de
nombreuses mesures de redressement ont été engagées et, afin de conforter ces
évolutions, une convention d'objectifs et de gestion a été signée entre l'Etat
et la caisse centrale.
En outre, le Gouvernement a introduit, lors de la première lecture de la loi
d'orientation agricole à l'Assemblée nationale, de nouvelles dispositions
visant à renforcer la tutelle de l'Etat sur la MSA.
Avant de terminer, je souhaite attirer brièvement votre attention sur la
situation préoccupante de la caisse locale de MSA de Corse, mise en lumière par
notre collègue de l'Assemblée nationale M. de Courson.
M. René-Pierre Signé.
Et le rapport sur la Corse !
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
Il faut reconnaître l'effort accompli dans la voie
d'une réorganisation, d'une clarification et d'un meilleur contrôle du
fonctionnement de la caisse centrale de MSA. Je resterai attentif, avec la
commission des finances, à la poursuite du redressement de la caisse centrale
comme de la caisse locale de Corse.
J'indiquerai pour terminer, mes chers collègues, que la commission des
finances vous propose d'adopter le budget annexe des prestations sociales
agricoles.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Louis Boyer,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Monsieur le
ministre, quand vous étiez rapporteur pour avis du budget annexe des
prestations sociales agricoles à l'Assemblée nationale, en 1995, vous évoquiez
déjà, à propos du domaine des prestations sociales agricoles, « un dédale où se
perdent des regards pourtant avisés »
(Sourires.).
La lecture du projet de BAPSA pour 1999 est en effet
complexe. Elle nécessite l'articulation de dispositions du projet de loi de
finances, du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet
de loi d'orientation agricole.
Les grandes lignes du BAPSA pour 1999 nous ont été clairement présentées par
M. le rapporteur spécial ; je n'y reviens donc pas. Sachant que je ne dispose
que d'un temps très limité pour traiter d'un budget de 89 milliards de francs,
la minute parlementaire aura rarement été aussi précieuse !
(Sourires.)
Je souhaite évoquer trois questions.
La première concerne l'effort d'amélioration des retraites agricoles, qui doit
être poursuivi. Leur revalorisation aurait, certes, pu être plus importante
cette année, compte tenu des marges disponibles et de la diminution importante
de la subvention d'équilibre. Il reste à préciser que le rapport inscrit dans
le projet de loi d'orientation agricole, et qui détaille par catégorie les
différentes mesures de revalorisation d'ici à 2002, permettra de donner
davantage de « corps » aux engagements pris par le Gouvernement.
Il me semble souhaitable que les retraites agricoles les plus basses
atteignent le minimum vieillesse et que soit mis fin à des disparités de
traitement qui s'expliquent par une date différente de départ à la retraite.
L'objectif d'amener les retraites les plus basses au minimum vieillesse
représente un coût « brut » - c'est-à-dire sans tenir compte des économies
induites pour le fonds de solidarité vieillesse - de 3,5 milliards de francs.
Cet objectif pourrait être atteint en 2002, si l'effort annuel constaté depuis
1994 se poursuit au même rythme.
En revanche, l'objectif évoqué de parvenir à des pensions égales à 75 % du
SMIC me semble poser des problèmes de principe. Certes, il est généreux. Mais
sa réalisation reviendrait, d'une part, à verser des pensions de retraite
nettement supérieures à celles de salariés qui ont cotisé sur un revenu
équivalant au SMIC et, d'autre part, à donner à un nombre important de
retraités agricoles des revenus supérieurs à ceux des actifs.
Par ailleurs, la mutualité sociale agricole s'est prononcée sans ambiguïté en
faveur d'un régime de retraite complémentaire obligatoire. La « faisabilité
financière » d'un tel régime est à l'étude. Compte tenu de l'importance des
charges qui pèsent sur les agriculteurs, il sera nécessaire que l'Etat
accomplisse un effort fiscal en faveur de ceux qui souscrivent à un tel
régime.
La deuxième observation concerne la caisse centrale de la mutualité sociale
agricole, qui a été reprise en main, avec courage et fermeté, par une nouvelle
équipe dirigeante. Les efforts de maîtrise des dépenses de gestion ont déjà été
couronnés de succès.
Le Gouvernement a cru bon, plus d'un an après le rapport de la Cour des
comptes, d'amender le projet de loi d'orientation agricole pour prévoir
l'institution d'un commissaire du gouvernement auprès de la caisse centrale de
la mutualité sociale agricole. Cette disposition ne m'apparaît pas, en première
analyse, très cohérente avec le souci de rendre la tutelle plus « stratégique »
et de développer les relations contractuelles entre l'Etat et la MSA par
l'adoption d'une nouvelle convention d'objectifs et de gestion. En outre,
l'expérience des entreprises publiques montre que la présence de représentants
de l'Etat dans un conseil d'administration n'est en aucune façon une
garantie.
Je voudrais souligner ici combien la MSA fait preuve de dynamisme et de
modernité en matière de réseaux et de filières de soins. Les deux premiers et
deux seuls projets approuvés par la commission Soubie émanent du régime
agricole : l'un vise à prévenir l'apparition de la carie dentaire ; l'autre
établit un réseau gérontologique. Ces deux projets correspondent aux objectifs
de la réforme entreprise par le précédent gouvernement : soigner mieux pour
dépenser moins. Le régime agricole montre ici l'exemple.
Ma troisième et dernière observation est relative au financement, à terme, du
BAPSA.
La part du financement professionnel du BAPSA, en raison de la réforme des
cotisations sociales, atteint désormais 19 %, en progression importante depuis
deux ans. Cependant, les charges sociales pesant sur les agriculteurs, qui
atteignent des taux dépassant 40 % du revenu, ne pourront pas être
augmentées.
Les transferts versés par les organismes de sécurité sociale, qui représentent
44 % des recettes du BAPSA pour 1999, ne pourront pas sensiblement croître dans
les années à venir. La ressource de la compensation démographique devra, en
effet, être révisée à la baisse en raison du choc des années 2005-2010, qui
affectera les régimes contributeurs.
En conséquence, il reste deux sources de financement : la part de TVA affectée
au BAPSA et l'augmentation de la subvention d'équilibre. J'aimerais connaître
l'état des réflexions du Gouvernement sur la question du financement, à moyen
terme, du régime des exploitants agricoles.
Je constate que, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale
pour 1999, le BAPSA perd une recette disponible, à savoir la fraction de la
contribution sociale de solidarité sur les sociétés, ou C3S, qui lui était
précédemment affectée.
La commission des affaires sociales ne s'est pas opposée à une affectation des
excédents de C3S au bénéfice du fonds de solidarité vieillesse, qui lui est
apparue plus simple. La ressource C3S s'était d'ailleurs révélée, pour le
régime agricole, plus théorique que réelle. La commission a, par ailleurs,
supprimé toute référence aux régimes bénéficiaires du « fonds de réserve » pour
les retraites, cette référence étant prématurée à partir du moment où le
Gouvernement ne précisait pas ses intentions concernant les conditions
d'alimentation et de gestion de ce fonds.
A cet égard, l'inclusion ou l'exclusion du régime agricole dans les régimes
bénéficiaires du fonds de réserve me semble mériter une discussion approfondie.
La problématique des retraites agricoles est, certes, différente de celle du
régime général et des régimes alignés, mais il m'apparaît dangereux d'exclure
a priori
une catégorie de Français du bénéfice de ce fonds, censé
conforter les régimes de retraite par répartition.
Le BAPSA bénéficie en 1999, et ce pour la dernière fois, de un milliard de
francs de C3S. Cette affectation providentielle - je note au passage que le
Gouvernement n'a pas expliqué la raison de ce montant - ne pourra pas être
renouvelée. Il sera nécessaire, dès le projet de BAPSA pour 2000, de prévoir un
financement pérenne des mesures de revalorisation des prestations vieillesse,
ce que nous souhaitons tous.
Telles sont les principales observations que je souhaitais faire. En raison de
la nouvelle mesure de revalorisation des retraites agricoles que comporte ce
BAPSA, la commission des affaires sociales a émis, à l'unanimité, un avis
favorable sur ses crédits pour 1999.
(Applaudissements.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, 6 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 5 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 8 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes
chers collègues, la discussion du budget des prestations sociales agricoles
nous donne l'occasion d'évoquer un sujet particulièrement sensible, celui des
retraites agricoles.
En effet, outre le fait qu'il concerne plus de deux millions de nos
compatriotes, il révèle l'injustice dont est victime une catégorie de la
population composée de femmes et d'hommes qui ont contribué sans compter au
développement de notre pays après la Libération, sans cependant obtenir la
reconnaissance qu'ils sont en droit d'attendre aujourd'hui de la nation.
Faut-il le rappeler ? ces travailleurs de la terre ont pratiqué ce métier
noble et exigeant dès l'âge de 12 ans ou de 14 ans, sans pouvoir bénéficier
d'un minimum de vacances !
L'état de précarité et de pauvreté dans lequel vivent les retraités de
l'agriculture est, à l'évidence, indigne d'un pays qui tire l'essentiel de son
excédent commercial de ses échanges agricoles.
L'effort de ce gouvernement en faveur de la revalorisation des retraites
agricoles, particulièrement en faveur des plus petites retraites, doit être
reconnu et apprécié à sa juste mesure. Il reflète et confirme une prise de
conscience collective assez récente des difficultés rencontrées par cette
catégorie sociale.
J'ai cependant la conviction qu'il eût été possible d'aller au-delà de la
somme de 1,2 milliard de francs - 1,6 milliard en année pleine - consentie aux
retraites agricoles, sans pour autant menacer outre mesure l'équilibre
budgétaire.
Ainsi, alors que le BAPSA bénéficie de recettes nouvelles issues de la TVA à
hauteur de 3,2 milliards de francs, la subvention du budget de l'agriculture au
BAPSA baisse, en compensation, de 2,9 milliards de francs environ. Ces deux
chiffres amènent de ma part une observation d'ordre général et une
suggestion.
Tout d'abord, dans le débat qui anime la majorité plurielle sur la nécessaire
redistribution des fruits de la croissance, il paraîtrait tout à fait indiqué
d'utiliser cette richesse liée à l'amélioration de l'activité économique au
profit des plus démunis d'entre nous, en l'occurrence les retraités
agricoles.
En conséquence, monsieur le ministre, pourquoi ne pas tirer partie de cette
marge de manoeuvre supplémentaire pour aller plus avant dans la satisfaction
des revendications légitimes des associations de retraités agricoles ?
Pour 1999, il est proposé de porter le minimum mensuel à 3 000 francs pour les
chefs d'exploitation, 2 800 francs pour les veuves, 2 500 francs pour les aides
familiaux, 2 200 francs pour les conjoints - soit respectivement une
augmentation de 250 francs, 320 francs, 400 francs et 190 francs par mois.
Une incertitude subsiste toutefois concernant la majoration mensuelle, qui
semble insuffisante pour atteindre le niveau minimal annoncé. Monsieur le
ministre, pouvez-vous nous apporter des éléments de précision sur ce point et
nous garantir que c'est bien le minimum mensuel qui constitue la référence
plancher ?
Je souhaite également attirer votre attention sur les particularités de cette
population agricole en retraite par rapport à l'ensemble des autres catégories
professionnelles.
Tout d'abord, à peine 30 % des retraités agricoles ont cotisé plus de
trente-sept années et demie au régime d'assurance vieillesse, ce qui exclut de
nombreuses personnes n'ayant pas cotisé suffisamment pour des raisons liées à
l'absence d'un régime obligatoire avant 1952, ou bien du fait de l'absence d'un
salaire stable, régulier et reconnu dans le cadre d'une exploitation le plus
souvent familiale.
Ainsi, le Gouvernement a récemment revalorisé de 500 francs les retraites des
conjoints et aides familiaux ayant cotisé cent cinquante trimestres, le système
étant dégressif jusqu'à cent trente trimestres. Ne conviendrait-il pas de
réduire cette dégressivité dans un premier temps et de tenir compte, ensuite,
des personnes qui ont cotisé moins de trente-deux ans et demi mais qui peuvent
attester une carrière plus longue dans l'agriculture ?
Enfin, la situation des polyretraités mérite également d'être étudiée de plus
près si l'on en juge par les disparités qui existent au sein de cette
catégorie. Le dépôt d'un rapport avant le 31 mars 1999, conformément à un
amendement introduit dans le projet de loi d'orientation agricole par
l'Assemblée nationale, devra permettre d'opérer la distinction entre chaque
situation vécue, pour mieux concentrer nos efforts en direction de ceux qui
connaissent les plus grandes difficultés.
S'agissant du financement global des retraites agricoles, vous évaluez,
monsieur le ministre, à 8,7 milliards de francs ce qui serait nécessaire pour
atteindre le niveau de 75 % du SMIC. Mais s'agit-il de la valeur brute ou nette
du SMIC ? Nous gardons, pour notre part, l'ambition d'un niveau de retraite à
75 % du SMIC brut, et j'insiste sur le mot « brut ».
De surcroît, ce coût mérite d'être relativisé au regard des allégements que
l'on pourrait escompter du fonds de solidarité vieillesse dont bénéficient de
nombreux retraités.
En outre, compte tenu des besoins non satisfaits parmi les retraités de
l'agriculture, une revalorisation des pensions serait génératrice de croissance
pour notre économie, à l'heure où la consommation doit être soutenue.
Enfin, une mise à contribution des banques, des industries agroalimentaires ou
de la grande distribution à cet effort collectif serait tout à fait justifiée
au regard des profits réalisés sur le travail de ces femmes et de ces hommes
aujourd'hui retraités.
A l'occasion de ce débat budgétaire, je souhaite, au nom du groupe communiste
républicain et citoyen, que le Gouvernement fasse un pas supplémentaire en
direction des retraités agricoles, dont le mécontentement, justifié, ne cesse
de grandir.
Ce geste serait d'ailleurs une simple application de l'amendement voté à
l'Assemblée nationale sur l'initiative du groupe communiste, amendement qui
tend à accélérer le rythme des revalorisations sur les premières années de la
législature en cours.
L'amendement n° II-50 que j'aurai l'occasion de soumettre au Sénat dans
quelques instants doit vous aider, monsieur le ministre, à répondre à cette
exigence d'égalité et de solidarité.
Elu de la ruralité et issu du monde agricole, j'aurais à coeur, monsieur le
ministre, de voir le gouvernement de gauche effectuer un geste significatif en
direction des retraités de l'agriculture. Ce geste serait le témoignage de la
reconnaissance qui leur est due et d'une réelle politique sociale de gauche.
M. le président.
La parole est à M. Piras.
M. Bernard Piras.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis très
heureux d'intervenir aujourd'hui sur le BAPSA comme sur le budget de
l'agriculture et de la pêche qui sont soumis à notre appréciation, car ils sont
conformes aux intérêts de ce secteur d'activité. En effet, globalement, ces
budgets, par les options qui ont été prises, préparent l'avenir, sans pour
autant oublier ou délaisser les personnes qui ont contribué à faire aujourd'hui
de notre agriculture la première au sein de l'Union européenne, avec 21 % de la
production communautaire et un solde positif de 66 milliards de francs en 1997.
Il s'agit donc, humainement et philosophiquement, et pas seulement d'un point
de vue comptable, de bons budgets.
Le budget annexe des prestations sociales agricoles regroupe diverses dépenses
de nature sociale : les prestations légales d'assurance maladie, de maternité
et d'invalidité, les prestations familiales, l'assurance vieillesse et
l'assurance chômage.
De manière globale et chiffrée, le BAPSA augmente de 1,11 % et s'élève ainsi à
89,162 milliards de francs, hors restitution de TVA, et à 94 milliards de
francs avec la restitution de TVA.
Même si, comme je l'ai souligné précédemment, le BAPSA ne concerne pas
uniquement la retraite, je souhaite centrer mon intervention sur l'assurance
vieillesse, et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord, parce que cette dépense
est la principale du BAPSA, puisqu'elle en représente plus de la moitié. En
outre, elle concerne plus de deux millions de nos concitoyens. Enfin, les
mesures les plus nettes et les plus importantes prises par le Gouvernement dans
ce projet de loi de finances sont justement relatives aux retraites agricoles,
cette dépense bénéficiant d'une augmentation de 2,5 % par rapport à 1998.
L'analyse des retraites agricoles ne peut débuter sans un constat préalable :
elles sont les plus basses de notre système de protection sociale. En effet,
pour la plupart, les retraités agricoles perçoivent une allocation inférieure
au minimum vieillesse ; le montant moyen annuel de la retraite versée s'établit
à 20 920 francs, sans le fonds de solidarité vieillesse, et à 22 430 francs
avec le fonds.
Les explications du phénomène sont multiples : la faiblesse des contributions
versées en est une. La nature récente et progressive du régime d'assurance
vieillesse agricole en est sans doute une autre. Une explication sociologique
peut sans doute être aussi avancée. En effet, pendant très longtemps, une
grande solidarité entre les diverses générations vivant toutes sur la même
exploitation a laissé penser qu'il n'était pas utile de cotiser pour les vieux
jours. Cependant, l'évolution des exploitations agricoles, qui sont de moins en
moins des lieux de vie familiale et qui s'apparentent de plus en plus à des
entreprises, fait que cette forme « d'autarcie » n'existe plus. Même si elle
n'est pas toujours perçue comme telle par les autres catégories sociales,
l'imbrication des différentes générations et la solidarité qui en découlait ont
longtemps représenté la principale ressource de survie pour les personnes qui
n'étaient plus aptes à travailler.
Quoi qu'il en soit, le constat est là : les prestations de retraite versées
aujourd'hui aux agriculteurs ne leur permettent pas de vivre décemment dans
notre société.
M. Serge Mathieu.
Très bien !
M. Bernard Piras.
Cette situation est encore aggravée par la chute des locations foncières,
lesquelles n'assurent plus un complément de revenu suffisant. Face à cela, les
pouvoirs publics ont heureusement décidé de réagir. Depuis 1994, mais surtout
depuis 1998, ils ont affiché une volonté très nette de revaloriser les
retraites les plus faibles.
En 1998, cet effort de solidarité a déjà été considéré comme une priorité
budgétaire. Ont bénéficié d'un rattrapage les conjoints ayant travaillé sur
l'exploitation et les aides familiaux, ce qui représente 274 000 personnes.
Ainsi, un retraité ayant cotisé 150 trimestres, qui touchait 18 650 francs par
an, perçoit, depuis cette revalorisation, 23 750 francs par an, c'est-à-dire
500 francs de plus par mois.
C'est dans la continuité de ce rattrapage indispensable que, pour le budget
1999, vous nous proposez, monsieur le ministre, un nouveau dispositif. Ce
dernier constitue indiscutablement une amplification de cette démarche
progressiste, et ce tant par le nombre de personnes concernées que par
l'importance des moyens accordés.
Dans le budget que nous sommes aujourd'hui amenés à discuter, 1,2 milliard de
francs pour 1999 sont ainsi consacrés à cette fin, soit 1,6 milliard de francs
en année pleine. Ce sont 607 000 retraités agricoles qui en bénéficieront.
Quel est le dispositif ?
Pour une personne ayant accompli une carrière complète en agriculture, je vous
indique le montant des pensions versées.
Pour les chefs d'exploitation, la pension s'élèvera désormais à 3 000 francs
par mois - 250 francs de plus - soit une augmentation de 8,3 %. La pension
annuelle passe ainsi à 36 000 francs, au lieu de 33 000 francs. Cette
disposition concerne 218 000 personnes.
Pour les veuves, la pension représentera 2 800 francs par mois - 320 francs de
plus - soit une augmentation de 11,4 %. La pension annuelle passe de 29 700
francs à 33 600 francs. Cette disposition concerne 174 000 personnes.
Pour les aides familiaux, le montant de la pension sera de 2 500 francs par
mois - 490 francs de plus - soit une augmentation de 20 %. La pension annuelle
passe de 24 000 francs à 30 000 francs.
Pour les conjoints, la pension s'élèvera à 2 200 francs par mois - 190 francs
de plus - soit une augmentation de 8,6 %. La pension annuelle passe de 24 000
francs à 26 400 francs.
Même si la présentation de ces chiffres peut paraître aride, j'ai souhaité la
faire pour deux raisons.
Tout d'abord, pour mettre en exergue que l'effort consenti est très important,
d'autant plus si l'on y ajoute ce qui a été réalisé en 1998, et les années
précédentes. C'est ainsi que les aides familiaux bénéficient, en deux ans, d'un
rattrapage de 1 000 francs par mois. Le Gouvernement doit en être félicité. Les
promesses qui avaient été faites en cette matière ont été tenues.
Ensuite, même si ces chiffres soulignent l'acuité de l'effort consenti, ils
démontrent par la même occasion qu'il reste encore beaucoup à faire dans ce
domaine. Si les revalorisations successives constituent bien une avancée, il ne
faut pas en rester là. Nous ne sommes qu'aux prémices de ce vaste chantier, qui
doit être mené à son terme.
Je ne doute pas que nous soyons sur ce point en parfait accord, monsieur le
ministre. C'est pourquoi je souscris à votre volonté de mener une large et
profonde réflexion sur l'avenir des retraites agricoles. Ainsi, j'attends, nous
attendons tous avec impatience le rapport, prévu par l'article 1er de la loi
d'orientation agricole, sur l'évolution prévue, catégorie par catégorie, des
retraites agricoles de 1997 à 2002. Pour ma part, je resterai très attentif aux
mesures qui seront proposées.
En effet, il ne faut pas s'y tromper, de nombreuses questions restent en
suspens, questions auxquelles il faudra bien apporter une réponse.
Il en est ainsi de la pérennisation de la revalorisation des retraites
agricoles. Bien évidemment, ce problème n'est pas propre au secteur agricole,
il se pose pour l'ensemble des prestations retraite ; c'est un problème de
société qu'il faudra bien aborder.
La situation des conjoints d'agriculteur ne doit pas non plus être délaissée.
Bénéficiant de la « présomption de participation » aux travaux de la ferme, ces
conjoints peuvent prétendre à une retraite forfaitaire annuelle de 17 336
francs, ce qui, vous en conviendrez, est dérisoire, notamment au regard de
l'importance de ces conjoints dans le bon fonctionnement des exploitations
agricoles. Je me félicite que le projet de loi d'orientation agricole
reconnaisse à ces personnes un statut de conjoint collaborateur, ce qui devrait
leur donner, notamment en matière d'assurance vieillesse, des droits plus
importants. Néanmoins, ce dossier ne doit pas être perdu de vue.
Il en est de même pour la création d'un régime de retraite complémentaire
obligatoire, et non facultative comme cela existe déjà. Vous y semblez
favorable, monsieur le ministre. D'autres s'y opposent en raison du déclin
démographique et du danger d'accroître les prélèvement sociaux sur le revenu
agricole. Un débat est donc nécessaire.
Jusqu'à présent, les dispositifs de revalorisation ont essentiellement
concerné les carrières longues, laissant de côté les polypensionnés ou les
personnes qui ont cotisé tardivement au régime agricole. A ce sujet, il semble
nécessaire de cibler de façon plus fine les revalorisations, afin de ne pas
oublier des retraités qui disposent d'une pension très faible. Il paraît donc
nécessaire de prendre en compte pour l'avenir les avantages acquis de
chacun.
Enfin - mais cette présentation n'a rien d'exhaustif - il est, de plus en plus
nécessaire de fixer un revenu minimal pour les retraités agricoles. Il est
ainsi proposé de fixer ce revenu minimal à 75 % du SMIC pour les chefs
d'exploitation, c'est-à-dire un peu plus de 4 000 francs, et au minimum
vieillesse pour les autres retraités, c'est-à-dire 3 470 francs par personne.
De tels revenus n'ont rien d'effarant, mais, au regard des sommes versées à ce
jour, nous avons bien conscience que l'effort de solidarité nationale qu'il
reste à accomplir est important.
Je souhaite que sur tous ces points, et sans doute sur bien d'autres, le
rapport qui nous sera présenté l'année prochaine sur l'assurance vieillesse
agricole permette de lancer le débat, qui devra déboucher sur des solutions.
Je désire conclure en disant que la voie suivie actuellement en matière de
retraite agricole est la bonne, mais que nous ne devons pas nous arrêter en si
bon chemin. C'est une question de justice sociale.
(Applaudissements sur les
travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Herment.
M. Rémi Herment.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après nos
excellents rapporteurs, MM. Bourdin et Boyer, j'affirme que, en 1999, le BAPSA
connaîtra une situation de stabilité globale par rapport à 1998, avec une
progression de 1,11 %.
Il convient de relever, dans ce projet de budget, une mesure en faveur des
retraites les plus faibles.
Mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même, nous ne pouvons que
nous en féliciter. Les revenus des retraités agricoles bénéficiant uniquement
des retraites forfaitaires se caractérisent, en effet, par leur grande
faiblesse.
Cependant, notre satisfaction reste mesurée, car cette disposition laisse
malheureusement les ressources des agriculteurs retraités encore en dessous du
minimum vieillesse.
Nous déplorons la diminution de la subvention d'équilibre au BAPSA.
Nous aurions préféré que les retraites puissent bénéficier des économies
réalisées, car l'augmentation prévue pour 1999 est réellement insuffisante.
S'agissant des prestations familiales, malgré une augmentation des allocations
de 1,2 %, les dépenses au titre des prestations familiales diminuent en raison,
notamment, de nouvelles règles d'appréciation de la condition de ressources qui
défavorisent, de manière inexplicable, les personnes non salariées dont les
revenus annuels sont inférieurs à 812 SMIC, c'est-à-dire 32 659 francs.
C'est la raison pour laquelle je me permets de vous demander, monsieur le
ministre, si vous comptez réformer les modalités d'évaluation des ressources
des exploitants pour l'ouverture du droit à certaines prestations familiales,
en raison des règles particulièrement injustes posées par le décret du 30
janvier 1997.
En ce qui concerne les taux des cotisations sociales, envisagez-vous, monsieur
le ministre, la diminution de un point de la cotisation pour l'assurance
maladie, invalidité et maternité des exploitants agricoles, l'AMEXA, pour
rendre aux agriculteurs le gain de pouvoir d'achat dont ils ont été privés en
1998 à l'occasion du transfert d'une partie des cotisations sur la CSG, la
contribution sociale généralisée ? N'est-il pas indispensable d'aligner
l'assiette de la CSG sur l'assiette des cotisations, qui a évolué depuis 1990,
notamment avec la possibilité d'opter pour une assiette annuelle, alors que les
règles relatives à la CSG sont restées figées ?
Je ne voudrais pas terminer mon propos sans revenir sur la revendication la
plus légitime des agriculteurs, je veux parler des retraites agricoles.
Mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même demandons avec
insistance que toutes les retraites agricoles soient revalorisées - et non pas
seulement les petites retraites - que les retraites minimales soient portées, à
brève échéance, à 75 % du SMIC net et, dans l'immédiat, au niveau du minimum
vieillesse - pour les veuves et conjoints ou aides familiaux - c'est-à-dire à 3
470 francs pour une personne seule et à 6 226 francs pour un ménage. Tous, en
effet, ont effectué un travail aussi pénible que les chefs d'exploitation.
Nous aurions souhaité que vous puissiez accorder, dès 1999, le minimum de 1
010 points pour une période complète. Il reste donc encore une étape à
franchir, puisque le projet de BAPSA ne permet d'atteindre que 900 points, pour
mettre les retraités d'avant 1997 à égalité avec les nouveaux retraités et pour
leur accorder une retraite minimale de 40 000 francs par an.
Monsieur le ministre, considérez-vous qu'il est raisonnable de financer la
dépense que constitue la revalorisation des petites retraites par une ressource
non reconductible ? En effet, le milliard de francs de produit de la
contribution sociale de solidarité des sociétés, dite C3S, affectée au BAPSA
par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, en contrepartie de
son exclusion définitive du bénéfice de cette ressource à compter de l'an 2000,
peut poser un problème grave.
Pour conclure, je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir lever
l'imprécision sur l'augmentation des retraites, qui comporte trop
d'incertitudes.
Monsieur le ministre, ce que souhaitent les agriculteurs, c'est non pas une
assistance, mais une véritable retraite, digne de notre société. Ils ont leur
fierté, car ils ont travaillé dur tout au long de leur vie, souvent quinze
heures par jours. Ils réclament seulement leur dû, et non une aumône.
(
Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR.
)
M. le président.
La parole est à M. Collin.
M. Yvon Collin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu
du poids de l'assurance vieillesse dans le budget annexe des prestations
sociales agricoles, j'aborderai, fort logiquement et exclusivement, le problème
des retraites agricoles.
Comme vous l'avez très justement exposé, monsieur le rapporteur, bien que le
nombre de retraités diminue, les dépenses de retraites augmentent de 3,8 % par
rapport à 1998, en raison - cela a été dit - de la poursuite de la
revalorisation des petites retraites agricoles.
On ne peut, bien entendu, que se satisfaire d'une mesure dont le coût fixé à
1,6 milliard de francs en année pleine permettra d'améliorer le sort d'environ
607 000 retraités.
Chaque année, l'examen des crédits relatifs à l'agriculture et au BAPSA nous
conduit à constater que les retraites agricoles sont parmi les retraites les
plus faibles dans notre pays. Le coup de pouce déjà apporté l'an dernier puis
les mesures inscrites dans le projet de loi de finances pour 1999 constituent
donc, à l'évidence, un progrès social fort attendu.
Toutefois, aussi méritant soit-il, l'effort budgétaire jaugé dans sa globalité
ne doit pas nous laisser penser que les retraités s'en sortent beaucoup mieux
sur le plan individuel.
En effet, avec 250 francs d'augmentation mensuelle, les chefs d'exploitation
percevront seulement 3 000 francs par mois. Avec 490 francs de plus, les aides
familiaux toucheront 2 500 francs mensuels. Bonifiée de 190 francs, la retraite
des conjoints se situera aux alentours de 2 200 francs.
Si l'on compare le régime de retraite agricole aux autres régimes, on constate
que la situation des retraités agricoles demeure à l'évidence précaire. Par
exemple, les retraités unipensionnés ayant travaillé dans le secteur privé
touchent en moyenne, pour une carrière complète, 8 936 francs ou, pour une
carrière diminuée à 128 trimestres, 5 787 francs. Si l'on s'intéresse
uniquement aux salariés non cadres du secteur privé, pour une comparaison plus
crédible avec les agriculteurs, la retraite moyenne descend à 7 040 francs. Les
agents de la fonction publique d'Etat de la catégorie C, toujours dans le cas
d'un seul régime de base, toucheront, quant à eux, 7 660 francs. On est donc
loin des 3 000 francs des anciens exploitants agricoles unipensionnés dont le
niveau de vie est à rapprocher de celui des commerçants dont la retraite est
également faible mais reste toutefois supérieure.
Mes chers collègues, comme vous le savez, 3 000 francs par mois, c'est à peine
plus que le revenu minimum d'insertion. On pourrait m'objecter que les
agriculteurs disposent d'un patrimoine. En réalité, on prête aux anciens
agriculteurs des ressources qui, souvent, sont assez mal appréciées.
En effet, le patrimoine des retraités agricoles est constitué essentiellement
de biens professionnels qui n'ont pas la rentabilité d'autres types de
capitaux. Les agriculteurs continuent de souffrir de la diminution constante de
la valeur foncière et locative des biens. Par ailleurs, l'exploitant agricole
partant à la retraite consent souvent des facilités financières au jeune
agriculteur qui lui succède. Les avantages procurés par les terres et l'outil
de travail ne correspondent fréquemment pas à l'idée que l'on peut s'en
faire.
Il faut en finir avec l'image du paysan, qui, dans une espèce de jardin
d'Eden, coulerait des jours heureux grâce à l'eau de son puits et aux tomates
de son potager ! Comme tout le monde, les retraités agricoles aspirent à autre
chose qu'à des revenus de subsistance. Peut-être aimeraient-ils avoir les
moyens d'accéder aux loisirs, comme peuvent le faire les autres catégories de
retraités ?
C'est pourquoi, sans méconnaître les efforts très significatifs - je le
reconnais - entrepris depuis ces dernières années en vue d'améliorer les
pensions agricoles, ne serait-il pas possible, monsieur le ministre,
d'amplifier encore davantage cette solidarité à laquelle ont droit ceux qui ont
permis à notre pays d'avoir une agriculture et une industrie agro-alimentaire
parmi les plus performantes ?
Bien entendu, je mesure les contraintes financières inhérentes à cette
demande, d'autant que le BAPSA se caractérise par l'importance de ses
ressources externes. La subvention d'équilibre, versée au titre de la
compensation démographique, progressera déjà de 4,72 % en 1999. Les
contributions professionnelles, qui s'accroîtront elles aussi, n'offrent aucune
possibilité : demander un effort supplémentaire aux actifs agricoles n'est bien
entendu pas envisageable.
La solution passe donc, en premier lieu, par le maintien du niveau des
recettes existantes. Sur ce point, je regrette quelques baisses programmées
dans le prochain BAPSA : ainsi, par exemple, la subvention budgétaire de l'Etat
chute de 37,9 % en 1999.
En second lieu, il faudrait bien évidemment chercher de nouvelles recettes.
Pourquoi ne pas envisager par exemple, au profit du BAPSA, un prélèvement sur
le produit des taxes déjà existantes perçues au titre des importations de
marchandises agricoles et agro-alimentaires provenant de pays n'appartenant pas
à l'Union européenne, cela bien entendu dans le respect des accords commerciaux
internationaux ?
Quels que soient les moyens choisis, ils pourraient permettre de répondre,
sans en passer par la création d'une retraite complémentaire obligatoire, aux
attentes des milliers d'agriculteurs qui ne bénéficieront pas de la principale
mesure de revalorisation. Je pense particulièrement aux retraités qui n'ont pas
effectué une carrière complète et qui ne sont pas polypensionnés. Il serait
souhaitable à l'évidence d'instaurer en leur faveur la proratisation des
majorations au nombre d'années de cotisation.
L'harmonisation du nombre minimal de points de retraite pour les chefs
d'exploitation, quelle que soit l'année d'accès au statut de retraité, est
également une condition de l'amélioration du sort d'un grand nombre d'anciens
agriculteurs.
Enfin, il serait plus juste de prévoir l'harmonisation de la majoration par
enfant, à partir de trois enfants, sous la forme d'un montant fixe et non pas
d'un montant proportionnel à celui de la retraite, qui accentue encore les
inégalités.
Mes chers collègues, les agriculteurs d'hier ont légué à notre pays une
agriculture à la fois diversifiée, de qualité et très productive. Tout en
respectant l'environnement, ils ont façonné nos paysages et tiré le meilleur de
nos beaux terroirs.
Aujourd'hui, sachons tous leur exprimer notre reconnaissance, sous la forme
d'une solidarité à la mesure de leurs efforts.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord remercier M. le
rapporteur spécial et M. le rapporteur pour avis de la qualité de leur travail
et leur témoigner la solidarité chaleureuse d'un ancien rapporteur pour avis du
budget du BAPSA - même si c'était dans une autre assemblée ! - ancien
rapporteur qui a été particulièrement sensible à l'évocation, par M. Boyer, de
certains de ses travaux.
Le projet de budget annexe des prestations sociales agricoles que j'ai
l'honneur de vous présenter progresse effectivement de 1,11 % en 1999. Il
s'élève à 89,162 milliards de francs compte tenu de l'amendement gouvernementa
le majorant de 400 millions de francs en vue de financer un effort
supplémentaire de revalorisation des retraites.
Ce projet de budget traduit, en recettes, l'amélioration de la situation
économique et démontre, en dépenses, la volonté gouvernementale d'améliorer
sensiblement la situation des personnes les plus défavorisées du monde
agricole.
J'évoquerai tout d'abord les recettes du BAPSA, qui, comme vous le savez,
proviennent des cotisations des agriculteurs et de la solidarité
interprofessionnelle et nationale.
L'ensemble des cotisations des agriculteurs, y compris la partie transférée
sur la CSG, est évalué, pour 1999, à 16,955 milliards de francs.
Permettez-moi d'apporter dès maintenant quelques précisions sur le bilan que
l'on peut faire de l'opération de transfert, en 1998, d'une partie des
cotisations maladie sur la CSG et de répondre ainsi aussi précisément que
possible aux questions de M. Herment. Il se dit en effet, sur ce sujet,
beaucoup d'inexactitudes qui ne sont pas toujours inspirées par la réalité des
faits.
Je m'en tiendrai aux chiffres : le tiers des exploitants ayant les plus
faibles revenus a bénéficié d'un gain de pouvoir d'achat de 5 % en moyenne ;
les retraités non imposables ont aussi bénéficié d'un gain important de pouvoir
d'achat.
Pour la quasi-totalité des autres, l'opération a été neutre.
M. Hilaire Flandre.
Il y a eu des perdants !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je vous accorde, monsieur le
sénateur, qu'on peut néanmoins trouver des perdants dans cette opération : ce
sont les exploitants dont le revenu fiscal dépasse six fois le plafond de la
sécurité sociale, soit 1 million de francs.
M. Hilaire Flandre.
Mon oeil !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Donc, effectivement, il faut
savoir cibler les mesures !
M. Hilaire Flandre.
Je vous donnerai un exemple tout à l'heure !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je l'écouterai avec beaucoup de
plaisir !
Les autres ressources du BAPSA viennent de la solidarité interprofessionnelle
et nationale, à hauteur de 81 % : le transfert au titre de la compensation
démographique en provenance du régime général s'élève à 34 milliards de francs,
en progression de 4,7 % par rapport à la loi de finances pour 1998 ; les
recettes des taxes, principalement la TVA, sont évaluées à 25,6 milliards de
francs, soit une forte progression - plus 5,77 % - par rapport à la loi de
finances pour 1998.
Vous avez, avec ces chiffres, la traduction de l'amélioration de la situation
économique, à laquelle, quoi que puissent en dire certains, l'action
gouvernementale n'est pas totalement étrangère.
J'ajoute qu'un prélèvement de 1 milliard de francs au profit du BAPSA,
prélèvement qui vient d'être approuvé par l'Assemblée nationale dans le cadre
du projet de loi de financement de la sécurité sociale, sera opéré sur le
produit de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C 3 S.
Je rassure sur ce sujet M. Herment. Bien sûr, cette mesure n'est pas
reconductible ; mais l'Etat fera son devoir. D'ailleurs, comment pourrait-il ne
pas le faire puisqu'il y est contraint dans la mesure où le BAPSA est le seul
régime social dont l'Etat est tenu d'équilibrer les comptes par le biais de la
subvention d'équilibre ?
Cette évolution particulièrement favorable en termes de ressources explique
que la subvention d'équilibre du budget de l'Etat s'élèvera à 4,9 milliards de
francs, soit une baisse de 37,2 % par rapport à 1998.
Je veux m'arrêter un instant sur cette baisse puisque plusieurs d'entre vous,
comme M. Herment et, dans une certaine mesure, M. Collin, en font reproche au
Gouvernement.
Je ne vois pas très bien au nom de quel argument on peut à la fois reprocher
au Gouvernement des dépenses excessives, comme on le fait couramment, et
expliquer, au cas d'espèce, qu'une subvention d'équilibre doit toujours
augmenter et ne jamais diminuer. En termes de bonne gestion des fonds publics,
on devrait au contraire se réjouir qu'une subvention d'équilibre baisse, comme
c'est le cas ici.
M. Collin, que j'ai écouté avec beaucoup d'attention et d'amitié, a proposé
d'instituer une recette nouvelle sur des produits importés de l'extérieur de
l'Union européenne. Je crains qu'une telle recette, si elle était instaurée, ne
tombe non dans les caisses de l'Etat français, mais dans celles de Bruxelles.
Je veux bien examiner avec attention votre proposition, monsieur le sénateur,
mais j'ai peur qu'elle ne soit pas très simple à mettre en oeuvre.
M. le rapporteur spécial m'a interrogé sur l'avenir et la situation de la
mutualité sociale agricole en Corse.
Les hasards de mon parcours m'ont fait présider pendant quelques mois, l'année
dernière, la commission d'enquête parlementaire sur la Corse. Je suis donc
assez bien placé pour connaître la situation non pas de la seule MSA, mais de
l'agriculture corse en général, qu'il s'agisse de la MSA, de la caisse
régionale du Crédit agricole, des chambres régionales, en particulier celle de
la Haute-Corse, et des nombreux agriculteurs corses en difficulté.
Je peux vous assurer, monsieur le rapporteur spécial - j'en prends
l'engagement devant la Haute Assemblée - que l'effort entrepris par l'Etat en
général, et plus particulièrement par le ministère de l'agriculture sous la
conduite de mon prédécesseur, pour remettre de l'ordre dans les structures
agricoles, notamment au sein de la MSA, sera poursuivi avec beaucoup de
rigueur.
J'aborderai maintenant la question des dépenses du BAPSA et, en premier lieu,
celle des retraites, qui ont à juste titre suscité tant de vos commentaires.
Les retraites proprement dites - retraite forfaitaire et retraite
proportionnelle, pension de réversion - progresseront globalement de 3,8 % par
rapport aux montants prévus dans le BAPSA de 1998, et ce, comme nombre d'entre
vous l'ont souligné, malgré la légère diminution prévisible du nombre de
retraités.
Cette augmentation est due à plusieurs facteurs.
Elle traduit d'abord la dernière étape de la mise en oeuvre des mesures,
étalées sur trois ans, votées en loi de finances pour 1997 en faveur des
retraites agricoles ainsi que l'application en année pleine de la mesure votée
en loi de finances initiale pour 1998 consistant à majorer de 5 100 francs les
retraites des conjoints et aides familiaux ayant validé cent cinquante
trimestres en agriculture et ayant pris leur retraite avant 1998.
Elle s'explique, ensuite, par l'extension aux aides familiaux, conjoints et
chefs d'exploitation à carrière mixte, partis en retraite après le 31 décembre
1997, du bénéfice des revalorisations de retraite jusqu'alors réservées aux
retraités d'avant 1998.
En cas de carrière complète en agriculture, ces nouveaux pensionnés auront
donc droit à une majoration égale à 6 600 francs par an.
Mais cette augmentation s'explique enfin et surtout par la mesure décidée par
le Gouvernement de relever, en 1999, les plus faibles retraites agricoles. En
effet, ce gouvernement - je réponds ainsi à M. Herment - a décidé, plutôt que
d'augmenter modérément l'ensemble des retraites, comme le faisait le
gouvernement précédent, de cibler son effort sur les plus petites retraites ;
c'est un choix politique délibéré que je vous laisse apprécier.
Cette augmentation concrétise l'engagement pris de revaloriser progressivement
les retraites des exploitants agricoles les plus modestes sur la durée de la
législature.
Cette mesure permettra, pour les exploitants ayant cotisé trente-sept années
et demie dans le régime, de porter le montant minimum de la pension à 3 300
francs par mois pour les chefs d'exploitation, soit une augmentation de 9 % -
cela concerne 218 000 retraités - et à 2 800 francs pour les veufs et les
veuves, soit une progression de 13 % pour 174 000 personnes. Par ailleurs, 215
000 autres actifs familiaux verront également majorer leur pension de
retraite.
J'ajoute que la retraite des conjoints et des personnes mariées ayant eu une
carrière mixte sera portée à 2 200 francs par mois, en augmentation de 9,5 % ;
quant aux aides familiaux et aux célibataires ayant eu une carrière mixte, ils
percevront 2 500 francs par mois, soit une progression de 24 %.
Ces sommes d'un montant de 2 200 francs ou 2 500 francs par mois peuvent à
juste titre paraître dérisoires, et l'on trouve, dans nos communes rurales,
dans nos cantons et dans nos circonscriptions, nombre d'exemples de la modestie
de ces pensions. Mais les efforts faits en faveur des aides familiaux - une
progression de 24 % du montant des retraites - montrent à quel point le
Gouvernement s'est engagé dans cette revalorisation.
Pour être complet, il faut mentionner le dispositif d'harmonisation des
carrières mixtes d'aides familiaux et de chefs d'exploitation pour 20 000
retraités. Le coût de cette mesure sera de 28 millions de francs.
Au total, l'ensemble de ces mesures concernera environ 607 000 retraités et
aura un coût de 1,2 milliard de francs en 1999, et de 1,6 milliard de francs en
année pleine.
C'est l'occasion, pour moi, de rassurer M. Le Cam : s'il y a effectivement un
décalage d'un trimestre pour la mise en oeuvre de cette revalorisation, puisque
les pensions sont versées trimestriellement, les chiffres que je viens de citer
sont bien des chiffres plancher mensuels, et le montant global sera, en année
pleine de 1,6 milliard de francs. En deux ans - 1998 et 1999 - les mesures
décidées correspondent à un coût en année pleine de 2,6 milliards de francs.
Compte tenu de l'amélioration des retraites, les dépenses du fonds de
solidarité vieillesse diminueront corrélativement de 16,1 % en valeur par
rapport à 1998.
Vous reconnaîtrez, monsieur Le Cam, que le Gouvernement fait un effort
important. Certes, ce n'est jamais assez, me direz-vous. J'y viens.
Vous évoquez l'idée de porter les retraites des agriculteurs à 75 % du SMIC.
Cette mesure coûteuse n'est pas envisageable pour des raisons de simple équité
sociale : les salariés n'atteignent ce montant de retraite qu'après avoir
cotisé à un système de retraite complémentaire, et il serait donc socialement
injuste d'instaurer cette distorsion devant les régimes de retraite. Les
agriculteurs retraités percevraient, si l'on vous suivait, 50 % de plus que les
salariés ayant cotisé sur un revenu équivalent au SMIC, et plus que bien des
agriculteurs en activité.
Je remercie MM. Piras et Collin pour la qualité de leur analyse et leur
démonstration de l'accélération, depuis deux ans, de l'effort du Gouvernement.
Je reconnais avec eux que cet effort doit être poursuivi. Le Gouvernement en
prend d'ailleurs l'engagement. Nous agirons, comme cette année, avec le souci
de traiter les cas qui n'ont pu être réglés auparavant et d'améliorer en
priorité la situation des titulaires des pensions les plus modestes.
Dans le cadre de la discussion de la loi d'orientation agricole en première
lecture à l'Assemblée nationale - nous allons aborder ces travaux devant votre
assemblée dans les prochains jours en commission et au mois de janvier en
séance publique - le Gouvernement a pris l'engagement de publier, d'ici quatre
mois, un rapport sur ce sujet afin d'obtenir tous les éléments nécessaires pour
préparer la prochaine étape de cette revalorisation.
J'ajoute, puisque MM. Bourdin et Piras m'ont interrogé sur ce sujet, que le
Gouvernement est parfaitement favorable à l'idée d'un régime de retraite
complémentaire obligatoire et que des consultations sur le sujet seront très
vite lancées puisqu'elles sont prévues par la convention d'objectif qui lie
l'Etat à la MSA.
Je serai plus bref sur les autres postes de dépense : les dépenses d'assurance
maladie, maternité et invalidité sont évaluées, pour 1999, à 33,8 milliards de
francs, soit un montant légèrement supérieur à celui qui était inscrit dans la
loi de finances de 1998.
Cette faible évolution s'explique essentiellement par les mesures générales de
régulation des dépenses de santé, qui s'appliquent au régime agricole comme aux
autres régimes.
Les dépenses de prestations familiales, évaluées à 3,9 milliards de francs,
diminuent en raison de la baisse du nombre des bénéficiaires.
Des crédits de 100 millions de francs sont prévus pour financer les étalements
et les prises en charge partielle de cotisations pour les exploitants en
difficulté.
Enfin, les crédits correspondant aux moyens de fonctionnement du BAPSA sont
transférés sur le budget général du ministère. L'Assemblée nationale a adopté,
par souci de cohérence, un amendement abrogeant certains des alinéas de
l'article 1003-4 du code rural qui mettaient ces dépenses à la charge du
BAPSA.
Comme vous le voyez, ce budget privilégie la solidarité et s'efforce
d'améliorer la situation des plus démunis. Je tiens à dire à nouveau que les
mesures prises en faveur de la revalorisation des retraites représentent un
effort important dans le contexte budgétaire actuel. Cet effort sera poursuivi
chaque année jusqu'à la fin de la législature, comme le Gouvernement s'y est
engagé.
Pour conclure, je dirai quelques mots, puisque plusieurs d'entre vous m'y ont
encouragé, sur la gestion de la MSA et sur les dispositions prises par le
Gouvernement pour tirer les leçons du rapport de la Cour des comptes.
Il s'agit non pas de mettre la MSA sous tutelle, mais tout simplement de
renforcer les moyens de contrôle de l'Etat, ce qui, chacun d'entre vous en
conviendra, est bien normal quand on connaît l'importance des fonds publics qui
s'ajoutent aux cotisations des agriculteurs. Mais qu'il soit bien clair entre
nous que l'Etat soutient les efforts courageux de la nouvelle équipe de la
direction de la MSA !
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines
travées de l'Union centriste.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le budget
annexe des prestations sociales agricoles et figurant aux articles 49 et 50 du
projet de loi.
Services votés
M. le président.
« Crédits : 93 448 048 557 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 49, au titre des services
votés.
(Ces crédits sont adoptés.)
Mesures nouvelles
M. le président.
« II. - Crédits : 898 951 443 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits inscrits au paragraphe II de l'article 50, au
titre des mesures nouvelles.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
En accord avec la commission des finances, j'appelle maintenant en discussion
l'amendement n° II-50, tendant à insérer un article additionnel avant l'article
75.
Article additionnel avant l'article 75
M. le président.
Par amendement n° II-50, MM. Le Cam, Fischer, Mme Borvo et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article
75, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le cinquième alinéa de l'article 1121 du code rural est remplacé par
deux alinéas ainsi rédigés :
« Le total de la retraite forfaitaire et de la retraite proportionnelle
représente, à compter du 1er janvier 1999, un montant minimal équivalant au
minimum vieillesse.
« Ce total est progressivement majoré à compter de la promulgation de la loi
de finances pour 1999 (loi n° ... du ...) dans un délai de trois ans pour
atteindre 75 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance brut. »
« II. - Dans le premier alinéa de l'article 980
bis
du code général des
impôts, les mots : "n'est pas" sont remplacés par le mot : "est". »
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Notre amendement a pour objet de revaloriser les retraites agricoles au niveau
du minimum vieillesse, soit actuellement 3 470 francs par mois pour toutes les
catégories de retraités.
Il vise à remédier à une disparité entre les agriculteurs et les autres
catégories sociales.
Cette inégalité s'explique pour des raisons objectives de deux ordres.
Le déséquilibre démographique de la profession est plus prononcé que pour les
salariés affiliés au régime général. On compte en effet un seul actif pour
trois retraités dans la profession agricole, contre deux pour un dans le régime
général. La logique productiviste dans laquelle la France s'est engagée depuis
1960 a eu pour effet de faire chuter le nombre d'exploitants, de dissuader
l'installation des jeunes agriculteurs et de restreindre le pouvoir d'achat des
populations agricoles.
Par ailleurs, la faiblesse relative des revenus agricoles, et par conséquent
des contributions versées, justifie le niveau dérisoire des pensions de
retraite.
Il revient donc à l'Etat et à la collectivité nationale de compenser ce
déséquilibre, dans un souci d'égalité des salariés devant le droit à une
retraite décente, et d'exprimer la solidarité nationale à ces personnes en
situation de précarité.
Enfin, notre amendement concerne tout retraité indépendamment du statut de
conjoint, d'aide familial ou de chef d'exploitation, afin d'éliminer toute
discrimination entre les catégories de retraités.
Il réaffirme, en outre, notre objectif de parvenir, d'ici à la fin de la
présente législature, au niveau de 75 % du SMIC.
Je souhaite que cet amendement soit adopté parce qu'il me paraît à la fois
réaliste et conforme aux engagements de ce gouvernement.
Enfin, il me paraît difficile de défendre l'augmentation des retraites
agricoles dans nos départements respectifs et de ne pas faire aboutir cet
amendement au niveau de la Haute Assemblée.
M. Hilaire Flandre.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
Cet amendement, bien sûr, est tout à fait louable et
l'on ne peut que souscrire à ce projet dans le temps.
Néanmoins, avant de me prononcer sur ce sujet - et en observant, d'ailleurs,
que cet amendement est si peu gagé que ce gage ne m'apparaît pas clairement
(Sourires)
- je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président.
Monsieur Bourdin, ne vous pressez pas trop pour remplacer le Gouvernement,
quand même !
(Sourires.).
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je vais effectivement, dans un
premier temps, rejoindre M. le rapporteur spécial, mais je ne veux pas
m'immiscer dans le fonctionnement du Sénat et encore moins faire des remarques
désobligeantes.
Il est vrai que cet amendement a un coût, mais qu'il n'est pas gagé, ce qui
est un peu surprenant. Permettez-moi, monsieur Le Cam, de vous répondree le
plus amicalement possible que la mesure que vous proposez coûte, si l'on s'en
tient aux chefs d'exploitation, 13 milliards de francs et que, si on l'étend,
comme vous venez de le faire en exposant les motifs de votre amendement, à
l'ensemble des catégories de retraités, elle coûte 22 milliards de francs.
C'est une première raison de mon opposition à cette mesure.
Une deuxième raison est que comme, je vous l'ai indiqué tout à l'heure,
l'application de ce type de mesure créerait des inégalités par rapport aux
salariés eux-mêmes. On ne peut se lancer ainsi, quelle que soit notre
générosité, dans des mesures qui introduisent des distorsions entre les
systèmes de retraite.
La troisième raison de la réserve du Gouvernement est que nous nous sommes
engagés, monsieur Le Cam, dans un plan pluriannuel de revalorisation, avec deux
premières étapes qui se chiffrent à 2,6 milliards de francs, ce qui n'est pas
négligeable. Nous prenons l'engagement de poursuivre cet effort et le
Gouvernement a promis qu'un rapport serait publié avant la fin des quatre
premiers mois de l'année 1999 afin d'indiquer ce que nous ferons pour les
années suivantes.
Je vous demande donc amicalement, monsieur le sénateur, de retier cet
amendement pour que je n'aie pas à m'y opposer de manière plus ferme.
M. le président.
Monsieur Le Cam, vous voilà sollicité par le Gouvernement, qui n'a pas, par
délicatesse à votre égard, invoqué l'article 40, ce qu'il aurait pu faire.
Maintenez-vous l'amendement n° II-50 ?
M. Gérard Le Cam.
Je me doutais bien que le Gouvernement invoquerait l'article 40, ou du moins
l'évoquerait, ce qui est fort regrettable pour la clarté du débat politique.
Je retire l'amendement.
M. le président.
L'amendement n° II-50 est retiré.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant le budget annexe des prestations sociales agricoles.
Agriculture et pêche
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
le ministère de l'agriculture et de la pêche.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, cette année, le budget de l'agriculture et de la
pêche n'a pas été présenté comme étant prioritaire par le Gouvernement, qui
privilégie, dans le budget général pour 1999, la justice, la sécurité et la
lutte contre l'exclusion.
Atteignant 33,5 milliards de francs en 1999, soit 2,4 % des crédits des
budgets civils, le budget de l'agriculture et de la pêche diminue de 6 % par
rapport à 1998, affichant la plus forte baisse, tous fascicules budgétaires
confondus.
Cette diminution s'explique, en fait, par la réduction, que nous venons
d'évoquer de 2,9 milliards de francs de la subvention d'équilibre accordée au
BAPSA. En effet, hors subvention d'équilibre au BAPSA, le budget de
l'agriculture s'établit à 28,2 milliards de francs, soit une augmentation de 3
% par rapport à 1998.
Pour son budget de 1999, le ministre de l'agriculture et de la pêche a annoncé
quatre priorités, en cohérence avec celles qui sont affichées dans le cadre du
projet de loi d'orientation agricole, dont ce budget devrait permettre la mise
en oeuvre.
Je tiens à rappeler à ce sujet que l'examen du budget du ministère de
l'agriculture et de la pêche pour 1999, qui comprend de nombreuses dispositions
budgétaires en relation étroite avec le projet de loi d'orientation agricole,
ne préjuge en rien les positions qui seront prises par le Sénat sur ce texte en
janvier prochain.
Les priorités affichées par le ministre demeurent donc des priorités «
classiques », où l'on retrouve certaines des priorités annoncées pour 1998, en
particulier l'installation, l'enseignement et les retraites.
La première priorité concerne le financement des contrats territoriaux
d'exploitation, les fameux CTE.
Je vous rappelle que les CTE, mesure phare du projet de loi d'orientation
agricole adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, sont destinés « à
rémunérer les exploitants pour les services non marchands qu'ils rendent à la
collectivité en matière de préservation et d'amélioration de l'environnement
naturel et à appuyer l'orientation des exploitations vers des modes de
production favorables à l'emploi, à l'équilibre des activités sur les
territoires et à la qualité des produits ».
Une ligne budgétaire spécifique leur est consacrée dans le projet de loi de
finances avec le « fonds de financement des CTE », doté de 300 millions de
francs pour 1999, auxquels devraient s'ajouter 150 millions de francs de
crédits européens, soit un total de 450 millions de francs pour la première
année.
Pour les 300 millions de francs inscrits au budget du ministère, l'abondement
de ce fonds serait opéré par redéploiement de crédits existants. En effet, 140
millions de francs proviendraient du fonds de gestion de l'espace rural, le
FGER, qui disparaîtra ; 100 millions de francs seraient prélevés sur les
crédits des offices ; 45 millions de francs proviendraient des dotations
affectées aux opérations groupées d'aménagement foncier, les OGAF, qui
disparaîtront également ; enfin, 15 millions de francs seraient pris au fonds
d'installation en agriculture, le FIA.
Je tiens à souligner que le financement du dernier tiers, soit 150 millions de
francs, par des aides communautaires demeure encore largement aléatoire : le
projet de réforme de la PAC, qui fait l'objet de négociations difficiles,
constituera un enjeu décisif pour le financement de ces contrats.
La deuxième priorité du ministre est la formation et l'installation.
Les crédits demandés pour l'enseignement, la formation et la recherche en 1999
s'établissent à 6,9 milliards de francs en dépenses ordinaires, en augmentation
de 6 % par rapport à 1998. L'année 1998 avait déjà connu une hausse de ces
crédits de 4,9 %.
En matière d'installation des jeunes, l'objectif fixé par le ministère est de
10 000 installations aidées de jeunes agriculteurs en 1999. Pourtant, l'effort
budgétaire ne nous semble pas,
a priori,
à la hauteur de cette annonce.
D'une part, les crédits de la dotation aux jeunes agriculteurs, la DJA, sont
simplement reconduits, à 645 millions de francs ; d'autre part et surtout, le
fonds d'installation en agriculture, créé en 1998, a perdu près de 10 % de ses
crédits, redéployés en direction du fonds de financement des CTE.
La troisième priorité du ministre est la sécurité et la qualité
alimentaires.
Je ne m'étendrai pas sur cette question, le Sénat ayant, à maintes reprises,
témoigné de son souci de la sécurité et de la qualité alimentaires. La crise de
la vache folle et le développement de la culture des plantes transgéniques ont
imposé un effort accru dans ce domaine.
La quatrième et dernière priorité est la revalorisation des petites retraites
agricoles. Je me contente de l'évoquer, puisque le sujet vient d'être exposé et
que le budget du BAPSA vient d'être adopté.
Après avoir rappelé les grands axes qui se dégagent de ce projet de budget
pour 1999, je souhaiterais vous faire part de quelques observations que
m'inspire son examen.
Ma première remarque porte sur la disparition du fonds de gestion de l'espace
rural, le FGER.
L'an dernier, à cette tribune, j'avais souhaité que le projet de loi
d'orientation agricole reprenne le dossier des procédures d'aménagement rural
et garantisse ainsi l'avenir du FGER. Or, cette année, le projet de loi de
finances prévoit la disparition du FGER au sein du nouveau fonds de financement
des contrats territoriaux d'exploitation. En effet, les crédits du FGER, 140
millions de francs, sont entièrement redéployés vers ce fonds et la ligne
budgétaire du FGER est désormais supprimée : en un mot, le FGER n'existe
plus.
Cette situation semble devoir constituer le dernier des épisodes de la courte
existence mouvementée qu'a connue le FGER depuis sa création en 1995.
A cet égard, je vous rappelle que le FGER avait déjà failli disparaître en
1997 en raison d'une dotation nulle dans le projet de loi de finances,
finalement portée à 150 millions de francs par les deux assemblées.
Il a fait, chaque année, l'objet de nombreuses annulations de crédits
symboliquement choquantes. A l'automne 1997, je vous rappelle également que le
ministre avait annoncé que « la sauvegarde du FGER » constituerait une de ses «
priorités pour 1998 » et, pourtant, il disparaîtra
de facto
le 31
décembre 1998.
Ma deuxième remarque concerne les crédits destinés à la forêt.
Au sujet de ces crédits, je remarque avec satisfaction que plusieurs chapitres
bénéficient de hausses de crédits pour 1999. Globalement, les engagements de
l'Etat et du Fonds forestier national, le FFN, augmentent de 2,2 % dans le
projet de loi de finances.
Toutefois, la situation financière du FFN demeure préoccupante. Je vous
rappelle en effet qu'à la suite de la réforme de la taxe forestière en 1991 le
FFN a connu une baisse brutale de ses recettes annuelles, en dépit de mesures
de redressement prises en 1994 et 1995 sur l'initiative du Sénat.
Le problème de l'affectation d'une ressource pérenne au FFN, étudiée par le
précédent gouvernement dans le cadre de sa loi d'orientation agricole, n'est
pas encore résolu. J'ai bien noté que le compte rendu du conseil des ministres
de mercredi dernier prévoit que « les objectifs et les moyens du FFN seront
revus ». Dans quel sens le financement du FFN sera-t-il ainsi « revu » ?
En outre, le rapport de notre collègue à l'Assemblée nationale Jean-Louis
Bianco, intitulé
La Forêt : une chance pour la France
et remis le 25
août dernier au Premier ministre, préconise, afin de financer l'effort de
compétitivité et d'emploi demandé à la filière bois, « une mise à niveau du FFN
». Le prochain projet de loi d'orientation forestière, qui devrait s'inspirer
des propositions contenues dans ce rapport, sera, je l'espère, l'occasion pour
le Gouvernement d'apporter une solution à cette situation.
Ma troisième remarque a trait aux calamités agricoles.
La ligne budgétaire consacrée à la subvention de l'Etat au Fonds national de
garantie des calamités agricoles est vide pour 1999. Le Gouvernement justifie
cette dotation nulle par la bonne situation de la trésorerie du fonds. Or, dans
le même projet de loi de finances, il nous propose, à l'article 74, de proroger
d'un an les majorations des taux des contributions additionnelles établies au
profit de ce fonds, « compte tenu de la situation du Fonds national de garantie
des calamités agricoles et afin de préserver ses capacités d'indemnisation ».
M. le ministre pourra sans doute nous expliquer cette présentation pour le
moins paradoxale, qui aboutit à diminuer la contribution de l'Etat et à
augmenter celle des agriculteurs...
Ma dernière remarque a trait à la question des SAFER.
Je souhaiterais évoquer, à la demande de plusieurs de mes collègues, la baisse
des droits de mutation prévue à l'article 27 du projet de loi de finances qui
risque d'avoir des conséquences négatives sur l'activité des SAFER.
Le projet de loi d'orientation agricole, adopté en première lecture par
l'Assemblée nationale, réaffirme le rôle des SAFER et, pourtant, le vote de cet
article 27, s'il ne s'accompagne pas de mesures compensatrises pour les SAFER,
ne risque-t-il pas de les mettre en difficultés ?
En ce qui concerne le projet de budget de l'agriculture et de la pêche, je
m'aperçois que la subvention de fonctionnement aux SAFER - 43,7 millions de
francs - n'est absolument pas revalorisée. Je souhaiterais donc connaître les
mesures prévues par le Gouvernement pour compenser la perte de l'avantage
compétitif accordé aux SAFER par rapport au marché libre, justifié, je le
rappelle, par leur mission de service public. La situation est urgente, car des
transactions sont d'ores et déjà différées.
Je suis arrivé au terme de mon intervention. Monsieur le président, monsieur
le ministre, mes chers collègues, je vous indique que la commisison des
finances a émis un avis favorable sur ce projet de budget.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. César, rapporteur pour avis.
M. Gérard César,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour l'agriculture.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, l'examen des crédits inscrits au budget du ministère de
l'agriculture revêt cette année une importance particulière : d'abord, parce
que nous avons changé de ministre - cela me paraît important et nous allons
pouvoir apprécier son action - ensuite, parce que l'agriculture française est
aujourd'hui soumise à deux réformes.
En premier lieu, au plan communautaire : la nouvelle réforme de la politique
agricole commune a été longuement et parfaitement analysée par la commission
des affaires économiques au mois de juin dernier.
En second lieu, au plan national : notre agriculture doit faire l'objet d'une
nouvelle loi d'orientation. L'esprit du texte actuel exprime une évolution
significative par rapport à celui qui avait présidé à l'élaboration du premier
projet et surtout aux objectifs des précédentes lois d'orientation de 1960 et
1962. Alors que celles-ci visaient à moderniser l'agriculture dans des
structures agrandies, le projet actuel se fixe comme objectif de redéfinir la
place de l'agriculture dans la société. L'activité de production, rappelons-le,
reste la fonction première des exploitations agricoles. Mais à cette fonction
économique, insuffisamment prise en compte selon votre rapporteur, le texte du
Gouvernement consacre les fonctions sociales et environnementales.
D'ailleurs notre collègue, M. Michel Souplet, rapporteur de ce projet de loi,
devrait remettre son rapport dans les semaines à venir.
Cette double réforme de l'agriculture française doit permettre à notre
agriculture d'affronter, d'une part, la reprise des négociations agricoles dans
le cadre de l'Organisation mondiale du commerce et, d'autre part, l'intégration
des pays d'Europe centrale et orientale, tout en préservant l'identité agricole
française et européenne.
C'est dans ce contexte que s'inscrit l'avis de la commission des affaires
économiques et du Plan sur les crédits du ministère de l'agriculture.
En matière budgétaire, les crédits du ministère de l'agriculture dans le
projet de loi de finances pour 1999 sont en baisse de près de 6 % par rapport à
ceux de 1998. Hors subvention d'équilibre au BAPSA, le montant des crédits
progresse de 3 % par rapport à celui de 1998 pour s'établir à 28,2 milliards de
francs.
Quatre priorités traduisent la politique du Gouvernement.
La première priorité est de prévoir dès à présent, dans le projet de loi de
finances pour 1999, le financement des contrats territoriaux d'exploitation,
les CTE, que devrait mettre en place la loi d'orientation agricole. Ces
contrats sont destinés à guider l'intervention économique dans la voie d'un
rééquilibrage à la fois territorial et social de l'agriculture.
Ce fonds de financement des CTE est doté de 300 millions de francs mobilisés
par redéploiement - cela a déjà été dit - auxquels devraient s'ajouter, selon
M. le ministre, des cofinancements européens : ainsi, 450 millions de francs
devraient pouvoir être mobilisés dès 1999 dans l'optique des CTE.
Votre rapporteur pour avis se félicite, mes chers collègues, d'un tel effort
de prévision budgétaire de la part du Gouvernement. En revanche, il s'interroge
sur deux points essentiels.
En premier lieu, le Gouvernement a considéré dès septembre 1998 comme acquise
la mise en place des CTE. Celle-ci, si elle a fait l'objet de négociations avec
les professionnels, n'a cependant pas, à notre connaissance, été approuvée par
le Parlement.
Or, soit le Gouvernement considère qu'il s'agit d'une simple mesure d'ordre
administratif - comme cela semble être le cas, puisqu'une phase de
préfiguration des CTE est actuellement mise en oeuvre dans quatre-vingts
départements - et la légalisation d'un tel dispositif ne nous paraît alors
guère utile, soit il s'agit d'un dispositif législatif, qui nécessite un débat
et une adoption par le Parlement et, dans ce cas, c'est faire fi de la
représentation nationale que de proposer de redéployer 300 millions de francs
de crédits dès le mois de septembre 1998, six mois avant l'adoption définitive
du texte d'orientation, d'autant plus que des chapitres importants, tels que le
FGER, et les OGAF, les opérations groupées d'aménagement foncier, presque
asséchés, se trouvent dépourvus de dotations budgétaires.
En second lieu, le Gouvernement considère qu'un tiers des crédits affectés aux
CTE - si ceux-ci étaient mis en place - proviendrait de crédits communautaires.
Une telle déclaration m'étonne. Certes, il est tout à fait judicieux d'élaborer
le projet de loi d'orientation agricole à l'aune de la réforme de la PAC,
néanmoins, j'avais cru comprendre que le ministre de l'agriculture s'opposait
globalement au projet de la Commission européenne.
Monsieur le ministre, vous avez sans doute obtenu des assurances de M.
Fischler, commissaire européen chargé de l'agriculture, s'agissant du
financement des CTE. Présagent-elles d'un accord global sur les propositions de
la Commission européenne ?
(M. le ministre sourit.)
Par ailleurs, comme
je l'ai indiqué devant la commission des affaires économiques, les dernières
propositions de la Commission relatives au financement du budget communautaire
paraissent privilégier la « renationalisation » d'une part importante des aides
agricoles. Est-ce à dire qu'à trop vouloir décentraliser les aides le
Gouvernement français a précipité une politique de « renationalisation » des
aides agricoles ?
Quid
dès lors des 150 millions de francs de crédits
attendus pour le financement des CTE ?
La deuxième priorité, c'est la formation et l'installation, afin « d'assurer
l'avenir des jeunes » en agriculture.
La troisième priorité du ministère de l'agriculture concerne la sécurité et la
qualité de l'alimentation, avec une dotation en progression de 10,5 %, à la
hauteur, fort légitimement, des nouveaux enjeux liés à la protection des
consommateurs.
La quatrième et dernière priorité a trait aux retraites : il s'agit de la
deuxième étape du plan pluriannuel de revalorisation.
En 1998, une première étape a permis d'augmenter jusqu'à 500 francs par mois
la retraite de 274 000 personnes ; mais n'oublions pas, monsieur le ministre,
que les prélèvements de la contribution sociale généralisée ne sont pas du tout
appréciés par les retraités !
M. Hilaire Flandre.
A annuler !
M. Gérard César,
rapporteur pour avis.
En 1999, 1,2 milliard de francs devraient être
consacrés dans le BAPSA à la revalorisation des petites retraites agricoles. La
nouvelle mesure proposée par le Gouvernement devrait coûter 1,6 milliard de
francs en année pleine et concerner 607 000 retraités agricoles. Ces mesures
restent néanmoins inférieures à celles qui ont été adoptées de 1993 à 1995.
N'oublions pas, nous l'avons souvent tous rappelé dans cet hémicycle, que les
retraités et les OPA attendent toujours d'arriver à l'objectif de 75 % du SMIC,
pendant la présente législature comme cela a été rappelé, je crois,
dernièrement.
Mes chers collègues, la commission des affaires économiques a donné un avis
défavorable sur le projet de budget du ministère de l'agriculture et ce pour
trois raisons principales : premièrement, le caractère aléatoire et peu
compréhensible du financement du CTE, avant même que le Parlement ait statué
sur cette mesure au fond ; deuxièmement, la forte baisse des crédits affectés à
la POA - moins de 10 % - alors que nous savons pourtant tous qu'elle prépare
l'avenir par l'investissement, en particulier dans les coopératives et dans
l'agro-alimentaire ; troisièmement, la suppression des crédits affectés au
fonds de garantie contre les calamités agricoles qui constitue un enjeu grave,
surtout dans les départements situés au sud de la France, à l'heure où doit
s'engager une réflexion sur la mise en oeuvre des mécanismes d'assurance
récolte.
En conclusion, monsieur le ministre, je souhaite, au moment où se préparent
les discussions relatives aux prêts bonifiés agricoles pour 1999, attirer votre
attention sur les files d'attente celle-ci peut atteindre jusqu'à six mois dans
un certain nombre de départements et sur la nécessité d'une baisse
significative des taux d'intérêt bonifiés de l'ensemble des catégories de prêts
pour 1999 qui, par rapport aux taux du marché, à la complexité de leurs
critères d'attribution, découragent les postulants. Il est donc nécessaire de
simplifier les critères et d'augmenter, bien sûr, la bonification qui, sinon,
ne correspondrait plus à rien de significatif.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Gérard, rapporteur pour avis.
M. Alain Gérard,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour la pêche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, je tiens à rappeler que la relative faiblesse des crédits consacrés
à la pêche maritime et aux cultures marines - moins de 200 millions de francs -
ne doit pas masquer l'importance économique, sociale et culturelle de ces
secteurs en France, qui jouent un rôle essentiel en matière d'aménagement du
territoire.
L'avis de la commission des affaires économiques intervient cette année dans
un contexte national globalement positif, et ce malgré les incertitudes qui
pèsent sur le plan communautaire.
Au niveau national, la relance de la production amorcée en 1995 et en 1996 a
connu un léger repli d'environ 5 % en 1997, en parallèle avec la baisse du
nombre de navires et de pêcheurs. Malgré cette baisse, le chiffre d'affaires
pour 1997 s'accroît de 4,65 %.
Cette embellie contraste avec l'importance du montant du déficit commercial
enregistré en 1997 pour les produits de la pêche, déficit estimé à 11,2
milliards de francs.
Dans le domaine communautaire, l'année 1998 aurait dû être une « simple année
de transition », le plan de sorties de flotte 1998 étant un préalable
indispensable à la modernisation de la flotte de pêche. Ce plan vise à apurer
le retard de la flotte de pêche française au titre du IIIe programme
d'orientation pluriannuel, plus connu sous l'appellation de POP III, et à
atteindre les objectifs intermédiaires du POP IV au 31 décembre 1998.
L'interdiction des filets maillants dérivants à partir de 2002, adoptée au
Conseil pêche du mois de juin dernier, sur les bases de la proposition de la
Commission de 1994, constitue une décision lourde de conséquences pour les
pêcheurs français et, plus largement, pour les pêcheurs européens. Je considère
que cette interdiction est totalement injustifiée, puisqu'elle dépasse
largement les obligations découlant de la conférence des Nations unies sur les
stocks chevauchants et qu'elle conduit à acculer les pêcheurs à capturer des
espèces encore plus menacées.
C'est dans cet environnement que s'inscrit l'action des pouvoirs publics.
Si l'année 1997 avait été marquée par l'adoption de la loi d'orientation sur
la pêche maritime et les cultures marines, l'année 1998 a été consacrée à la
parution d'un certain nombre des textes d'application. Sur plus de 30 textes
prévus, à peine un tiers a fait l'objet d'une publication, monsieur le
ministre. Rappelons que l'article 55 de la loi, qui a donné lieu à quatre
décrets et arrêtés, a trait au régime dit COREVA de couverture complémentaire
d'assurance vieillesse agricole, qui n'a aucun rapport avec la pêche.
Si l'on peut se féliciter de l'adoption de cette loi, on peut considerer
néanmoins qu'un retard trop important dans la mise en place des textes
d'application serait préjudiciable à cet ambitieux projet lancé depuis plus de
deux ans.
Sur le second point, celui du budget proprement dit, les dotations consacrées
à la pêche maritime et aux cultures marines sont stables à 186,29 millions de
francs, soit 0,24 % d'augmentation par rapport à celles de l'année
précédente.
Les dotations ordinaires pour 1999 s'élèvent à 147,59 millions de francs, dont
95,59 millions de francs à l'Office interprofessionnel des produits de la mer,
l'OFIMER, et 52 millions de francs à la restructuration des entreprises de
pêche et de cultures marines.
Les dépenses en capital se montent à 78,9 millions de francs, c'est-à-dire un
montant identique à celui de l'année passée.
La dotation du chapitre 44-36, en quasi-reconduction avec 147,59 millions de
francs, masque néanmoins deux évolutions : ainsi l'article 20 passe de 22
millions de francs à 52 millions de francs, et l'article 30 de 125,13 millions
de francs à 95,59 millions de francs, la section sociale du Fonds
d'intervention et d'organisation des marchés des produits de la pêche maritime
et des cultures marines, le FIOM, étant transférée au Comité national des
pêches maritimes et des élevages marins.
S'agissant du chapitre 64-36, le montant de la dotation est maintenu en
autorisations de programme comme en crédits de paiement.
En raison de la stabilité des crédits affectés à la pêche maritime et aux
cultures marines, votre rapporteur pour avis vous propose de donner un avis
favorable sur les crédits destinés à ces secteurs. (
Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Paul Emorine, en remplacement de M. Henri Revol,
rapporteur pour avis.
M. Jean-Paul Emorine,
en remplacement de M. Henri Revol, rapporteur pour avis de la commission des
affaires économiques et du Plan, pour l'aménagement rural.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le contexte du projet de
loi de finances pour 1999 se révèle extrêmement important, sur les plans tant
communautaire que national, en matière d'aménagement et de développement
rural.
Au niveau communautaire, votre rapporteur tient à souligner à nouveau
l'importance des crédits européens en matière d'aménagement rural. C'est
pourquoi un examen minutieux des propositions de la Commission européenne
contenues dans l'Agenda 2000 et de ses répercussions en matière de politique
rurale est nécessaire.
Au niveau national, les semaines à venir seront décisives pour l'aménagement
rural. Le Gouvernement a en effet déposé, au mois de juillet dernier, sur le
bureau de l'Assemblée nationale un texte tendant à modifier la loi n° 95-115.
Votre rapporteur pour avis, sans procéder à un examen détaillé de ce texte -
examen qui sera effectué par notre collègue Jean Pépin - en fait dans son
rapport une première présentation et en souligne les difficultés.
De plus, cet avis est l'occasion de faire le bilan du comité interministériel
de l'aménagement et du développement du territoire qui s'est tenu au mois de
décembre 1997. Il semblerait, monsieur le ministre, que les quatre-vingts
mesures en faveur des régions et du développement du territoire adoptées à
Auch, le 10 avril 1997, ne soient plus à l'ordre du jour.
En outre, l'examen prochain par la Haute Assemblée du projet de loi
d'orientation agricole sera l'occasion d'évoquer les difficultés posées par le
contrat territorial d'exploitation.
Cet avis, qui n'a pas d'équivalent à l'Assemblée nationale, est la
manifestation de l'intérêt que le Sénat porte à l'aménagement rural. Notons,
comme chaque année, que l'aménagement et le développement de l'espace rural
sont considérés à la fois comme la déclinaison rurale d'une politique globale
de l'aménagement du territoire, comme l'un des aspects naturels de la politique
agricole et comme l'un des objets possibles de prescriptions
environnementales.
En ce qui concerne le budget, si l'on retient les seuls crédits explicitement
considérés comme d'aménagement rural dans le bleu budgétaire, les dotations
représentent près de 36,24 millions de francs, soit une baisse d'environ 3,3 %
par rapport à 1998.
La dotation budgétaire destinée au fonds de gestion de l'espace rural, dans le
projet de loi de finances pour 1999, disparaît au profit des contrats
territoriaux d'exploitation, dont le financement reste relativement incertain,
notamment en matière de crédits communautaires.
Une autre approche conduit à considérer comme des crédits d'aménagement rural
les crédits gérés par les services en charge de ce volet de la politique au
ministère de l'agriculture : la direction de l'espace rural et de la forêt.
Il faut alors ajouter aux crédits budgétairement considérés comme des crédits
d'aménagement rural les crédits d'aménagement foncier et d'hydraulique, et ceux
des grands aménagements régionaux. Ces crédits sont, eux aussi, en baisse de
17,86 % en crédits de paiement.
Le bilan est identique si l'on prend en compte les crédits destinés aux
interventions spéciales dans les zones agricoles défavorisées et aux actions
spécifiques.
Ce sont ainsi plus de 1,5 milliard de francs que le budget de l'agriculture
consacrera à la compensation de contraintes particulières, soit une baisse de
13 %.
Si l'on prend comme référence le document consacré aux concours publics à
l'agriculture, en regroupant toutes les dépenses d'aménagement rural, ce sont
environ 2,5 milliards de francs qui seraient consacrés à l'aménagement rural,
avec une participation communautaire de l'ordre des trois cinquièmes.
Monsieur le ministre, je ne peux, dans un tel contexte, que proposer de donner
un avis défavorable sur ce projet de budget pour l'aménagement rural pour 1999,
et ce pour trois raisons principales que je me permets de vous rappeler.
La première est la disparition du fonds de gestion de l'espace rural.
La deuxième est l'apparition d'un fonds pour les contrats territoriaux
d'exploitation dont le financement est plus qu'incertain, notamment au niveau
communautaire. En outre, une première étape de préfiguration des CTE a été mise
en oeuvre, alors que la représentation nationale n'a pas encore approuvé cette
disposition.
La troisième est la présentation du projet de loi d'orientation et
d'aménagement durable du territoire, qui inquiète fortement votre rapporteur
pour avis.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Dussaut, rapporteur pour avis.
M. Bernard Dussaut,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour les industries agricoles et alimentaires.
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, le chiffre d'affaires de l'industrie
agro-alimentaire a été, en 1997, de 792 milliards de francs, soit 17 % du
chiffre d'affaires industriel total. Avec 19 % du chiffre d'affaires des
produits alimentaires de l'Union européenne, les industries agro-alimentaires
représentent la deuxième industrie alimentaire d'Europe derrière
l'Allemagne.
Comme l'ensemble des années quatre-vingt-dix, l'année 1997 se caractérise par
une croissance de la consommation à domicile des ménages relativement faible.
Ainsi, la consommation des ménages en produits des industries agro-alimentaires
n'a augmenté que de 0,6 % en volume contre 0,1 % l'année précédente. Malgré
cette consommation des ménages atone, la demande intérieure a été soutenue,
principalement par le dynamisme de la restauration hors domicile, dans un
contexte de hausse des prix à la production des industries agro-alimentaires de
1,6 %.
En outre, la croissance des industries agro-alimentaires a été principalement
tirée par les exportations. Leur progression a permis d'atteindre un excédent
commercial record de 40 milliards de francs, en hausse de 25 %.
L'industrie alimentaire démontre à nouveau sa primauté au sein des secteurs
exportateurs et excédentaires de l'économie française. La France est le premier
exportateur mondial de produits alimentaires transformés devant les Etats-Unis,
les Pays-Bas, l'Allemagne et la Grande-Bretagne.
Ce bilan positif concerne aussi, monsieur le ministre, la situation de
l'emploi. En effet, après le recul de 1 % en 1996, l'emploi dans l'industrie
alimentaire a connu une croissance de 1,4 % en 1997.
Cette reprise des industries agro-alimentaires en 1997 ne doit pas masquer les
différents enjeux auxquels ce secteur est confronté.
Le premier grand défi pour l'industrie alimentaire est sa nécessaire
adaptation à l'évolution rapide du contexte international et communautaire :
mise en place et rôle grandissant de l'Organisation mondiale du commerce,
nouvelle organisation du marché au sein de l'Union européenne et perspectives
de croissance et de marchés dans le monde.
Par ailleurs, l'environnement européen devrait modifier en profondeur les
conditions concurrentielles des industries agro-alimentaires : l'élargissement
de l'Union européenne, la réforme de la politique agricole commune et
l'introduction de l'euro sont donc autant de nouveaux défis.
Enfin, les perspectives de croissance et de marchés dans le monde à l'horizon
2010, notamment en Asie et en Amérique latine, et ce malgré les crises
actuelles, devraient créer des courants d'échanges importants à destination et
en provenance de ces zones.
Ce contexte, à la fois nouveau et incertain, impose à l'industrie alimentaire
une triple exigence : elle doit répondre aux besoins du marché, assurer une
coordination des différents opérateurs de la chaîne alimentaire et adopter des
modes d'organisation et de gestion adaptés.
Monsieur le ministre, cette adaptation des industries agro-alimentaires sera
d'autant plus vite effectuée que l'environnement institutionnel public et privé
aura su créer ou améliorer les conditions de développement.
C'est dans ce contexte que s'inscrit le projet de budget pour 1999.
Signalons, à titre liminaire, que les concours publics en faveur des
industries agro-alimentaires, les IAA, représentent seulement 0,5 % du total
des dépenses destinées à l'agriculture et à la forêt et qu'ils proviennent,
pour moitié, de l'Union européenne.
Les crédits d'investissement spécifiquement consacrés aux industries
agro-alimentaires - les crédits de politique industrielle - poursuivent leur
baisse, les crédits de paiement passant de 173,18 millions de francs à 154,50
millions de francs ; les autorisations de programme avec 150,18 millions de
francs sont stables.
Rappelons que les crédits affectés à la prime d'amélioration agricole, la POA,
régionale se font en cohérence avec les interventions des collectivités
territoriales et de l'Union européenne.
Si les autorisations de programme de l'article 10 du chapitre 61-61 et de
l'article 20 du même chapitre sont reconduites, il n'en est pas de même pour
les crédits de paiement, qui baissent de 10 % à l'article 10 et de 10,78 % à
l'article 20.
Ainsi, les dotations budgétaires affectées à l'article 10 baissent de 10 % et
celles qui sont consacrées à l'article 20 de 10,78 %.
En revanche, les crédits affectés aux actions de promotion, notamment à la
SOPEXA, la société pour l'expansion des ventes des produits agricoles et
alimentaires, augmentent de 10 millions de francs. Il s'agit, monsieur le
ministre, d'un rééquilibrage après la baisse de 20 % de ces dotations dans la
loi de finances de 1998, permettant de retrouver un niveau de subvention qui
n'avait pas été atteint depuis trois ans.
Il convient d'ajouter aux crédits de politique industrielle d'autres dotations
du ministère qui concernent également l'agroalimentaire. Un grand nombre de ces
dotations sont en hausse, notamment celles qui financent les actions de
développement de la qualité et de la sécurité des produits et de promotion.
Ainsi, les crédits destinés à la sécurité et à la qualité des aliments - qui
constituent une priorité budgétaire - augmentent de 10,5 % , ceux qui sont
affectés à la promotion des signes de qualité sont majorés de 16 % et les
dotations consacrées à l'Institut national des appellations d'origine sont
portées à 76 millions de francs.
Des crédits d'autres ministères profitent également au secteur
agro-alimentaire comme ceux du ministère de la recherche et, pour partie, ceux
du ministère de l'aménagement du territoire.
Ainsi, la commission des affaires économiques et du Plan a émis un avis
favorable sur les crédits du ministère de l'agriculture consacrés à l'industrie
agro-alimentaire.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Vecten, rapporteur pour avis.
M. Albert Vecten,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour
l'enseignement agricole.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes
chers collègues, l'enseignement agricole a été, au cours de ces dernières
années, victime de son succès. La croissance de ses effectifs a coïncidé avec
une période d'austérité budgétaire qui a conduit à mettre en place une
politique que certains ont qualifiée de « croissance maîtrisée des effectifs »,
terminologie à laquelle, pour ma part, j'ai toujours préféré celle plus exacte
de « quotas ».
Prenant le prétexte d'une augmentation des effectifs qui, nous affirmait-on,
ne correspondait plus à l'évolution des débouchés professionnels, cette
politique consistait en fait à ajuster l'offre de formation aux moyens
budgétaires disponibles.
Depuis 1996, je m'y suis toujours opposé et j'ai appelé à une réflexion
prospective permettant d'ajuster les flux des diplômés à l'évolution du marché
de l'emploi.
Les chiffres de la rentrée, avec une progression des effectifs qui avoisine 2
%, confirment la tendance au ralentissement observée l'an dernier. Elle
apparaît essentiellement comme le résultat de phénomènes structurels
parfaitement prévisibles.
La forte croissance des effectifs de l'enseignement agricole ne correspondait
donc pas à un engouement irraisonné. Les résultats des examens comme ceux des
enquêtes d'insertion professionnelle des diplômés confirment d'ailleurs le
maintien des bonnes performances de l'enseignement agricole.
La progression de 6,2 % des crédits de l'enseignement agricole, qui
s'élèveront en 1999 à 6 903,36 millions de francs, si elle se confirme dans les
années à venir, permettra, je l'espère, de mener dans des conditions plus
claires la réflexion sur l'avenir de l'enseignement agricole.
Cette progression est légitime. Depuis de nombreuses années, la parité entre
l'éducation nationale et l'enseignement agricole n'était plus assurée et les
mesures positives que comporte le budget répondent à de réels besoins.
A ce titre, je me félicite que les efforts engagés l'an dernier en faveur de
la déprécarisation des personnels de l'enseignement public soient poursuivis en
1999, notamment grâce aux mesures de transformation de crédits d'heures
supplémentaires et de vacations, qui concerneront 89 emplois d'enseignants et
39 emplois de personnels non enseignants. De même, la création de 40 emplois de
personnels non enseignants se révèle particulièrement bienvenue bien qu'elle ne
puisse suffire à elle seule à combler les retards accumulés au cours des dix
dernières années. L'augmentation des dépenses pédagogiques de l'enseignement
technique permettra une prise en charge partielle des frais de stage des élèves
des filières de l'enseignement technique et professionnel, dispositif dont
j'avais souligné à de nombreuses reprises la nécessité. Je serai attentif à sa
mise en oeuvre qui permettra, je l'espère, de répondre aux attentes des
familles. Je saluerai enfin la poursuite du rattrapage - qui n'aura que trop
tardé - des subventions à l'élève de l'enseignement privé à temps plein.
Ce budget répond sur plusieurs points aux observations que j'avais formulées
l'an dernier, mais il présente également des points faibles parmi lesquels
figure le sort réservé à l'enseignement supérieur, auquel est imposé une
rigueur que rien ne justifie.
L'enseignement supérieur public ne bénéficie d'aucune création d'emploi
d'enseignant et l'effort d'investissement engagé en 1998 n'est pas poursuivi.
En ce qui concerne l'enseignement supérieur privé, dont les subventions de
fonctionnement sont reconduites à leur niveau de 1998, j'avais déjà souligné
qu'il conviendrait de réexaminer les modalités de calcul de ses subventions.
Or, le retard pris dans la négociation des nouveaux contrats comme le montant
des crédits inscrits dans le projet de budget laissent à penser que le principe
de cette réévaluation est remis en cause. Certes, la loi ne précise pas les
modalités de calcul de l'aide que l'Etat peut accorder aux écoles d'ingénieurs
privées, mais force est de constater qu'elles assument leur mission de service
public dans des conditions de plus en plus difficiles.
De telles évolutions ne peuvent qu'inquiéter dans la mesure où elles ne créent
pas les conditions d'une rénovation en profondeur de l'enseignement supérieur
agricole.
En dépit de ces réserves, le projet de budget pour 1999 permet de répondre à
une situation préoccupante à bien des égards. Je souhaite que ce contexte
budgétaire plus favorable soit l'occasion de conduire la nécessaire réflexion
sur l'avenir de l'enseignement agricole, réflexion qui doit viser un seul
objectif : l'adaptation aux débouchés professionnels.
C'est pourquoi mes chers collègues, la commission des affaires culturelles a
donné à l'unanimité un avis favorable à l'adoption des crédits de
l'enseignement agricole.
(Applaudissements.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 67 minutes ;
Groupe socialiste, 49 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 36 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 33 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 18 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor.
Monsieur le ministre, les qualificatifs attribués à votre budget au cours des
débats seront tantôt laudatifs, je m'en réjouis pour vous, tantôt critiques,
c'est le jeu de la démocratie. Les divers rapporteurs se sont bien situés dans
cette ligne, les uns étant favorables, les autres plutôt défavorables.
Le qualificatif que j'ai choisi de retenir est celui qui, à mes yeux, traduit
le mieux la réalité : le budget de l'agriculture pour 1999 est un budget de
transition. Notre collègue Mme Yolande Boyer, pour sa part, s'efforcera de
présenter le budget de la pêche.
Dernier budget élaboré avant la réforme de la politique agricole commune, le
budget de l'agriculture correspond à la situation que connaît aujourd'hui notre
agriculture, en pleine phase de mutations et qui s'apprête, notamment grâce à
la future loi d'orientation agricole, à instaurer les restructurations
nécessaires à son avenir. C'est pour cela que le monde agricole, conscient des
enjeux et des données, a accueilli globalement cette loi assez favorablement.
Toutefois, transition ne signifie pas stagnation des moyens.
En rupture avec les années précédentes, ce budget est en augmentation de 3 %,
hors subvention au BAPSA, et s'élève à 28,2 milliards de francs. Le BAPSA,
quant à lui, doté de 89 milliards de francs, augmente de 1,1 %. Doté de
recettes nouvelles, il permet la diminution de la subvention de l'Etat pour
l'équilibrer et une revalorisation très significative des retraites, deuxième
étape du processus engagé l'an dernier, mais j'y reviendrai.
Par ailleurs, ce budget pour 1999 s'inscrit dans le cadre d'une refonte de
notre politique agricole que nous avons appelée de nos voeux et qui s'est
traduite par le projet de loi d'orientation agricole, adopté par l'Assemblée
nationale, et sur lequel nous aurons à nous prononcer dans quelques semaines.
Au coeur de cette nouvelle politique, se situent les contrats territoriaux
d'exploitation. Le budget pour 1999 se devait d'accompagner leur mise en
oeuvre, ce que vous faites, monsieur le ministre, au moyen de quatre grandes
priorités que je vais aborder brièvement.
Tout d'abord, leur mise en service concrète est assurée grâce à la création
d'un fonds de financement doté de 300 millions de francs, auxquels
s'ajouteront, dès 1999, des crédits européens.
Cette dotation permettra donc pour 1999 de répondre rapidement aux attentes
déjà exprimées de mise en place expérimentale de CTE dans les départements.
L'avenir des jeunes constitue la deuxième priorité de ce budget pour 1999 :
les 6 milliards de francs qui y sont consacrés permettront l'augmentation des
crédits réservés à l'enseignement agricole et la création de 180 emplois
nouveaux, dont 115 postes d'enseignants, ce qui traduit un effort important
pour le secteur public.
Assurer l'avenir des jeunes, c'est aussi poursuivre activement la politique
d'installation : les crédits consacrés à la dotation aux jeunes agriculteurs
sont reconduits ; s'y ajouteront, là aussi, des fonds européens, ce qui
permettra, espérons-le, cette année, d'atteindre l'objectif de 10 000
installations. Les jeunes non issus du monde agricole seront aidés dans leur
installation grâce aux crédits du fonds d'installation en agriculture, le
FIA.
Le troisième axe prioritaire de ce budget, et non des moindres, est d'assurer
la sécurité sanitaire et alimentaire et de promouvoir la qualité des
produits.
La toute nouvelle Agence française de sécurité sanitaire des aliments est
dotée des moyens nécessaires, soient 35 millions de francs, y compris les
crédits des ministères de la santé et de la consommation, à l'accomplissement
des missions qui sont désormais les siennes : évaluation, veille et
expertise.
Par ailleurs, et pour faire suite au règlement européen d'avril 1997 relatif à
l'identification des bovins et à l'étiquetage des viandes, les crédits destinés
à l'identification et à la traçabilité sont doublés, l'objectif étant de
parvenir à la création d'un fichier national permettant le suivi de tout le
cheptel français - j'y reviendrai dans un instant.
Enfin, la dernière des quatre grande priorités affichées est la revalorisation
des retraites, deuxième étape, je l'ai dit, du processus engagé l'an dernier,
qui avait permis à 270 000 retraités, titulaires des plus faibles retraites, de
bénéficier d'une augmentation de 500 francs mensuels. Cette année, la mesure de
revalorisation concernera plus de 600 000 retraités, dans les conditions que
vous avez précédemment détaillées, monsieur le ministre. Je tiens à rappeler
que jamais un tel effort n'avait été consenti en direction des plus petites
retraites, même si plus d'un s'y était engagé.
Ce budget pour 1999, tel qu'il nous est proposé, se donne également les moyens
d'atteindre deux grands objectifs, grâce à des instruments plus traditionnels
de notre politique agricole. L'aménagement du territoire, cher au coeur de tant
d'élus ici, nécessite la préservation de l'espace rural.
Dans quelques semaines, lorsque nous examinerons le projet de loi
d'orientation agricole, nous aurons à dire si, oui ou non, nous voulons donner
une autre logique à notre agriculture, si oui ou non nous voulons privilégier
une occupation équilibrée de notre territoire.
Maintenir la vie dans les espaces ruraux, c'est conforter, voire augmenter les
moyens alloués aux agriculteurs, aux éleveurs qui occupent ces territoires.
Mais pour combien de temps ? Berceau des systèmes d'élevage extensif, ces
territoires doivent être défendus et soutenus, ce que vous faites, monsieur le
ministre, en reconduisant les crédits de la prime à l'herbe à hauteur de 680
millions de francs, abondés d'une enveloppe européenne identique, soit un total
de près de 1,4 milliard de francs.
La prime au maintien du troupeau de la vache allaitante est également
confortée et, d'une manière générale, ce budget consolide les actions en faveur
des zones défavorisées. Préserver l'espace rural, c'est aussi développer les
actions de préservation de l'environnement : les mesures agri-environnementales
continueront donc à être soutenues. Le soutien à l'agriculture « bio » sera
également poursuivi, puisqu'il s'agit, cette année, de la deuxième année du
plan de reconversion proposé en décembre 1997.
Après cette succincte présentation chiffrée de votre budget, monsieur le
ministre, je souhaite revenir sur quelques points importants, pour lesquels
vous nous apporterez tous les éclaircissements nécessaires.
Elu d'un département rural, je me suis employé depuis 1996, au Sénat, à
défendre l'identité de nos territoires d'élevage traditionnel et, dans ce
cadre, avec quelques collègues, nous avons tout naturellement travaillé sur la
piste de la traçabilité des viandes bovines. Cela recoupe votre objectif de
réaffirmer et de renforcer la qualité de nos produits.
Une expérimentation est aujourd'hui engagée par l'Europe, notamment sur
l'utilisation de la puce électronique. Pourriez-vous nous faire connaître
l'état d'avancement de cette expérimentation sur le territoire national ?
Le deuxième point sur lequel je souhaiterais revenir brièvement concerne les
retraites agricoles. Malgré le plan de revalorisation engagé l'an dernier et
poursuivi dans votre budget, les retraites agricoles restent parmi les plus
basses de notre système de protection sociale et, pour nombre de nos aînés, le
minimum vieillesse ne sera pas encore atteint.
Je sais - je vous ai bien entendu, monsieur le ministre - que l'on ne peut
préjuger une année à l'avance les priorités futures, mais pouvez-vous nous
préciser les suites qui pourront être réservées à ce plan de revalorisation
?
Pour rendre plus crédible mon propos, et après avoir dressé l'inventaire des
éléments positifs de votre budget, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous
faire part de quelques inquiétudes.
La mise aux normes des bâtiments d'élevage continue à susciter de vives
inquiétudes dans nos départements. Il faut adapter les obligations et les
moyens pour atteindre cet objectif. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous
modériez l'ardeur dont font preuve sur ce sujet certains représentants de votre
ministère dans nos départements.
Le devenir des opérations groupées d'aménagement foncier, les OGAF, a
également été évoqué et semble soulever quelques questions, de même que le
maintien du prélèvement opéré sur le Fonds national pour le développement des
adductions d'eau, le FNDAE.
La réduction des droits de mutation sur le foncier risque aussi de mettre pour
partie en péril l'avantage accordé aux SAFER. Il conviendrait que ces
organismes puissent être mieux protégés, afin qu'ils continuent à remplir leur
mission d'aménagement foncier.
De plus, le devenir des agences de bassin et autres compagnies d'aménagement
suscite des interrogations. Pouvez-vous nous apporter des éléments de réponse à
cet égard ?
Par ailleurs, la forêt mériterait un acte politique fort, qui ne nous semble
pas ressortir du projet de budget actuel, afin de l'affirmer définitivement
comme un axe important de notre économie nationale.
Enfin, la crise porcine me semble le révélateur des problèmes de notre
agriculture aux plans européen et mondial. Reflet de ce libéralisme poussé à
l'extrême, elle justifie que l'on trouve, par le biais de la loi d'orientation,
des solutions durables, mais aussi, dans l'optique de négociations sur la
réforme de la PAC, que l'on définisse les outils nécessaires à la régulation
des marchés.
Cela me conduit à vous interroger, monsieur le ministre, sur les négociations
relatives à la réforme de la PAC. Nous étions voilà quelques jours à Bruxelles,
quelques-uns de mes collègues et moi-même, et des informations récentes
tendraient à laisser croire que nous nous dirigerions rapidement vers un accord
prévoyant une forte renationalisation de l'enveloppe européenne, au détriment
d'une vraie politique européenne. S'il en était ainsi, cela donnerait raison à
Mme Thatcher et aux tenants du libéralisme extrême, acte gravissime pour le
devenir de notre agriculture.
En conclusion, vous affichez, monsieur le ministre, un réalisme prudent dans
l'analyse, qui nous conduit à amorcer ce nouveau virage pour notre agriculture.
Notre société demande aujourd'hui à celle-ci d'assumer de nouvelles fonctions
en matière d'environnement, d'aménagement du territoire et d'aménagement de
l'espace rural. En outre, l'impératif de compétitivité demeure, comme dans
toute activité économique.
Conscient du fait que vous explorez actuellement cette voie nouvelle, sans
surprise, mon groupe vous soutiendra et votera votre projet de budget.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen. - M. Marcel Deneux applaudit
également.)
M. le président.
La parole est à M. Herment.
M. Rémi Herment.
Votre projet de budget pour 1999, monsieur le ministre, qui reconduit
simplement les dotations de l'année précédente, ne nous semble animé ni du
souffle ni de l'ambition qui auraient été nécessaires pour mettre en chantier
la nouvelle loi d'orientation agricole.
Cela est d'autant plus inquiétant que l'action publique en faveur de
l'agriculture est aux deux tiers tributaire de crédits européens et que, si les
propositions de la Commission pour la réforme de la PAC sont acceptées telles
quelles, les conséquences budgétaires pourraient être lourdes.
Les nouveaux contrats territoriaux d'exploitation - mesure phare de la loi
d'orientation, que le Sénat examinera en première lecture au mois de janvier
prochain - ne sont dotés que de 450 millions de francs, dont 300 millions de
francs par redéploiements et 150 millions de francs sur fonds européens.
L'installation des jeunes agriculteurs s'en trouvera freinée. Quant à la
revalorisation des retraites, elle est gagée par une recette non
reconductible.
Comment un tel budget peut-il affirmer la volonté du Gouvernement d'inciter
l'agriculture française à accomplir les mutations et les restructurations
nécessaires à son avenir ? Il y a véritablement une faible relation entre les
objectifs et les moyens.
Au lieu de dégager des moyens nouveaux, vous avez procédé, tout simplement, à
des redéploiements et leurs conséquences se feront, bien entendu, sentir.
La même absence d'ambition pèse sur le programme de maîtrise des pollutions
d'origine agricole, dont la dotation stagne à 175 millions de francs depuis
trois ans.
La loi du 10 juillet 1964, organisant un régime de garantie contre les
calamités agricoles, impose à l'Etat d'affecter chaque année au fonds des
calamités agricoles une somme déterminée égale à la contribution de la
profession. Or, cette année, nous constatons que les crédits inscrits au
chapitre 46-33, relatif à la participation de l'Etat, sont entièrement réduits
à néant et que, par voie de conséquence, la situation du fonds risque à tout
moment, lors de son prochain exercice, d'être mis en péril.
Il s'agit donc d'un manquement extrêmement grave de l'Etat à ses obligations
légales.
Pour doter le fonds de financement des contrats territoriaux d'exploitation,
vous n'avez pas hésité, non plus, à vider purement et simplement certaines
lignes budgétaires. Ainsi, vous avez décidé de supprimer la dotation du fonds
de gestion de l'espace rural, le FGER. Ce fonds, créé par la loi d'orientation
pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, a
pourtant pour mission de soutenir les actions concourant à l'entretien et à la
réhabilitation d'espaces agricoles en voie d'abandon, d'éléments naturels du
paysage et d'espaces où l'insuffisance d'entretien est de nature à aggraver les
risques naturels. Il a donc, aujourd'hui plus qu'hier, un rôle essentiel.
S'agissant de la gestion de l'espace rural, il faut donner aux agriculteurs
les moyens de remplir leurs obligations. Aucun crédit supplémentaire n'est, non
plus, prévu pour contribuer à la mise aux normes des bâtiments d'élevage.
La création du CTE aurait imposé une nouvelle dynamique et des crédits
supplémentaires. Or l'Etat ne se donne pas les moyens de réussir. Créer une
nouvelle vision de l'agriculture passe par des crédits supplémentaires. Cela
est d'autant plus dommageable qu'une simple stabilité par rapport au budget de
1998 aurait suffi à alimenter de manière satisfaisante le fonds de financement
des CTE.
Le BAPSA bénéficiant cette année de crédits provenant notamment de la TVA et
de la composition démographique en forte hausse cette année grâce à la
croissance de l'économie française, la subvention d'équilibre est en
diminution.
Nous ne pouvons que regretter que le Gouvernement ait préféré retirer du
budget de l'agriculture la partie de la subvention n'allant plus au BAPSA.
Il eût été préférable de reconduire les crédits du FGER et des OGAF ou de les
utiliser pour alimenter le fonds de financement des CTE.
Comment ne pas penser que le Gouvernement se désengage de la politique
agricole et qu'il profite de la croissance actuelle pour réduire sa
participation au budget de l'agriculture pour 1999 ?
Pour le développement durable de notre agriculture, il importe de réaffirmer
certains principes, et tout d'abord celui selon lequel l'agriculteur est avant
tout un producteur, qui doit vivre de son métier et de la vente de ses
produits.
Il faut également affirmer la vocation exportatrice de l'agriculture
européenne, dont la part du marché mondial n'a cessé, en quarante ans, de
progresser, pour être aujourd'hui à égalité avec celle des Etats-Unis. Il est
temps de mettre en place un modèle européen et de cesser de faire des complexes
vis-à-vis des Etats-Unis, dont les agriculteurs vont percevoir 7 milliards de
dollars, semble-t-il.
Enfin, il ne faut pas négliger l'impératif de développement rural et de
soutien aux zones rurales fragiles ; ni la loi sur l'aménagement du territoire
ni la réforme de la PAC n'offrent, dans leur état actuel, de certitudes. Un
effort tour particulier doit, en conséquence, être accompli pour la qualité, la
diversification, la promotion de nos produits, et en particulier pour les
appellations d'origine contrôlée et pour l'agriculture biologique.
Soyez assuré, monsieur le ministre, que, lors de l'examen par le Sénat du
projet de loi d'orientation agricole, en janvier 1999, je ne manquerai pas
d'être extrêmement vigilant, avec mes collègues du groupe de l'Union centriste,
pour que ces impératifs soient sauvegardés.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi
que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Mathieu.
M. Serge Mathieu.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « Ami, si
dans l'amitié tu te plais, enrôle-toi sous la bannière des compagnons du
beaujolais ».
(Sourires).
C'est dans l'esprit de cette confrérie à
laquelle j'appartiens et au nom de près de cinquante de nos collègues, membres
du groupe d'études de la viticulture de qualité, que je prends la parole à cet
instant pour évoquer l'une des productions végétales essentielles à notre
économie, à notre balance commerciale, et décisives pour l'installation des
jeunes exploitants.
M. Gérard César.
Le Mathieu nouveau est arrivé !
(Nouveaux sourires.)
M. Serge Mathieu.
J'en viens au groupe d'études de la viticulture. Je me rejouis que de nombreux
sénateurs, parmi lesquels plusieurs de nos nouveaux collègues, aient adhéré à
ce groupe d'études. Je me félicite, en outre, que certains de nos collègues du
Languedoc aient donné leur adhésion à ce groupe, ce qui confirme l'évolution
considérable effectuée dans cette région viticole en faveur d'une politique de
qualité.
Concernant la récolte des vins de 1998, il convient de retenir qu'elle marque
un recul de 6 %. En effet, selon les prévisions établies au début du mois
d'octobre, la récolte de cette année serait de 51,5 millions d'hectolitres, au
lieu de 55,09 millions d'hectolitres en 1997. Il y a lieu, à cet égard, de se
rappeler que de fortes gelées de printemps ont touché le Languedoc-Roussillon
et la Bourgogne.
Sur ce point, monsieur le ministre, il me semble indispensable d'instituer par
voie législative un dispositif d'assurance récoltes tel que l'avait suggéré
notre ancien collègue M. Henri Caillavet, dans une proposition de loi qu'il
avait déposée au début des années quatre-vingt.
J'ajoute que les fortes chaleurs estivales ont brûlé les grappes de raisin
dans le sud de la France. Au total, la récolte diminue donc de 6 % par rapport
à 1997 et de 7 % par rapport aux cinq dernières années.
S'agissant des vins de qualité produits dans des régions déterminées, la
récolte s'établit à 24,2 millions d'hectolitres, soit respectivement 23,7
millions d'hectolitres en appellations d'origine contrôlée, AOC, 12,7 millions
d'hectolitres en vins de pays, 5,9 millions d'hectolitres en vins de table et
8,7 millions d'hectolitres en vins aptes au cognac. Seule la production des
vins de qualité supérieure, compte tenu de replantations et de changements de
cépages, augmente de 5 %, passant de 5 millions d'hectolitres à 5,3 millions
d'hectolitres.
Il y a lieu, cependant, de se réjouir que le millésime 1998 soit de qualité
excellente pour l'ensemble du vignoble.
Bien entendu, nos exportations de vins de qualité, de champagne et de
digestifs ont été gravement affectées par la crise qui sévit en Asie du Sud-Est
et au Japon. Dans ces régions du monde, nos exportations ont enregistré une
diminution sensible. Il reste donc à espérer que le rétablissement de la
situation économique de ces pays permettra une reprise de nos exportations vers
ces nouveaux marchés, en pleine expansion jusqu'à la crise.
Pour ce qui concerne les AOC, mes chers collègues, je me réjouis du classement
du Viré-Clessé, qui se substitue aux appellations du Mâcon-Viré et du
Mâcon-Clessé, du classement en AOC de l'Irancy en Bourgogne et, enfin, du
passage en AOC du vin de qualité supérieure du Cabardès.
J'en viens maintenant, au risque de me substituer aux sénateurs de la
Charente, à la situation très grave que traversent la production de cognac et,
surtout, la commercialisation de cet alcool.
Vous le savez, monsieur le ministre, mes chers collègues, 95 % de la
production de cognac va à l'exportation, singulièrement dans les pays d'Asie,
notamment le Japon, la Chine et l'Indonésie. Or, comme je l'indiquais tout à
l'heure, la crise économique très dure qui a touché ces pays a entraîné une
chute considérable des exportations de cognac vers cette région du monde. Selon
les prévisions qui ont été publiées par les pouvoirs publics et par la
profession elle-même, il faudra reconvertir en cépages de vins de pays 12 000
des 80 000 hectares de l'AOC cognac.
Cette campagne d'arrachage se décide sur un fond de climat larvé d'opposition
d'intérêts entre des viticulteurs surendettés et les grands négociants, dont
quatre fournissent 70 % du marché mondial.
Dès cet été, le ministre de l'agriculture d'alors, M. Louis Le Pensec, qui est
devenu depuis l'un de nos collègues, a engagé une concertation approfondie avec
la profession. Vous-même, monsieur le ministre, avez reçu le 12 novembre
dernier les représentants de la viticulture charentaise qui vous ont exprimé
leurs préoccupations et qui ont accepté, comme vous le suggériez, de s'appuyer
sur une dynamique professionnelle et interprofessionnelle ; des décrets tendant
à l'adaptation du vignoble seront publiés prochainement.
J'en viens maintenant, monsieur le ministre, à la réforme de l'organisation
commune de marché du vin. Le constat de la diminution de la consommation des
vins, très sensible depuis une trentaine d'années, a provoqué une forte
réduction de la superficie du vignoble européen, tout particulièrement
s'agissant des vins de consommation courante.
La politique européenne a permis d'éliminer régulièrement les excédents
structurels et les vins de mauvaise qualité, afin de rétablir l'équilibre du
marché. C'est ainsi que, depuis la campagne 1994-1995, seule est intervenue la
distillation préventive, mais aucune distillation obligatoire. On constate du
reste, pour le déplorer, un assèchement du stock des droits à plantation qui
attise la concurrence entre les producteurs souhaitant accroître les capacités
de leur vignoble.
Cette politique a eu des résultats, puisque les excédents structurels ont
régressé et que la production des vins ne bénéficiant d'aucune appellation a
fortement chuté. Pour ce qui concerne la viticulture de qualité, les volumes
ont régulièrement augmenté, ce qui a entraîné, et nous nous en félicitons, une
croissance globale des revenus de la viticulture.
Dès lors, le secteur vitivinicole communautaire est devenu l'une des premières
branches exportatrices de l'agriculture européenne.
Il convient maintenant que la réforme de l'OCM parvienne à mieux adapter la
gestion des marchés vitivinicoles aux exigences des consommateurs européens et
mondiaux. A cet effet, il est suggéré par la Commission de limiter les
interventions communautaires et de développer la compétitivité des vins
européens dans le cadre d'une politique de plus grande libéralisation.
Compte tenu de la diminution de la consommation mondiale - celle-ci va se
stabiliser à 212 millions d'hectolitres - il est indispensable de poursuivre
une maîtrise du potentiel de production comportant l'interdiction de
plantations nouvelles jusqu'en 2010 et l'attribution de primes à l'arrachage.
L'Union européenne devrait engager une gestion plus centralisée des droits de
plantation afin d'en assurer une meilleure maîtrise.
La Commission de Bruxelles a, me semble-t-il à juste titre, proposé
l'élimination régulière des superficies plantées en cépages destinés à la
production de vins « génériques ».
A cet effet, une politique d'arrachage accompagnée du versement de primes
devrait contribuer à la rénovation des vignobles avec un cofinancement de 50 %
par les producteurs et de 50 % par l'Union européenne. Il est, en outre,
préconisé de favoriser une meilleure coopération entre les différents
opérateurs de la filière vitivinicole dans le cadre des interprofessions. Bien
que formulant un avis plutôt favorable sur ces propositions de la Commissison,
la profession, en particulier la Confédération des caves coopératives
viticoles, la CCVF, émet certaines réserves et préconise une révision à
échéances rapprochées du dispositif, tous les deux ans par exemple, afin de
tenir compte de l'évolution entre la production et celle du marché.
Mes chers collègues, puisque nous avons consacré un dîner-débat à la
coopération, je voudrais à présent attirer votre attention sur le caractère
contradictoire avec le statut de ladite coopération de l'assujettissement de
ces entreprises mutualistes à la C3S.
Il est clair, et vous l'avez constaté vous-même, monsieur le ministre, que les
grands crus attirent les grands investisseurs financiers. C'est ainsi que
Saint-Emilion-Cheval Blanc a été vendu, voilà quelques semaines, au groupe
franco-belge Albert frères.
S'agissant des grands vignobles, la vente des hospices de Beaune a démontré le
caractère quelque peu irrationnel des cours, ce qui laisse craindre un cycle
fâcheux de périodes de cours élevés suivies de phases de chute des prix.
Cela dit, mes chers collègues, et pour conclure sur la viticulture, je
voudrais souligner combien ce secteur est indispensable à notre économie, à la
balance de nos comptes extérieurs et à l'installation des jeunes.
Permettez-moi de le répéter, et nous avons consacré à ce thème une réunion de
travail, le vin, si l'on en fait un usage modéré, est doté de propriétés
médicales reconnues, en particulier pour la prévention des maladies
cardio-vasculaires, ce que nos amis américains appellent le
french paradox.
C'est pourquoi les producteurs et de nombreux parlementaires ont été
choqués de lire, dans le rapport présenté par le professeur Roques, que
l'alcool et même le vin pouvaient être assimilés à une drogue de quatrième
catégorie, catégorie qui, je le rappelle, comprend l'héroïne et la cocaïne ! Il
faut démystifier le vin, promouvoir une consommation modérée, lutter contre
l'alcoolisme et éviter d'introduire le trouble dans l'esprit de nos
compatriotes.
J'en viens maintenant, mes chers collègues, à l'enseignement agricole.
Dans le projet de loi de finances pour 1999, les dotations inscrites en faveur
de l'enseignement agricole s'élèvent à 6 903 millions de francs, soit une
progression de 6,21 %, alors que le budget du ministère de l'agriculture
augmente globalement de 3 %, hors BAPSA.
Nous sommes nombreux à nous féliciter de la qualité de l'enseignement public
et privé et de la complémentarité mise en oeuvre depuis près de quinze ans en
application de la loi Rocard.
Concernant l'enseignement privé, je note, pour m'en féliciter, que les
subventions à l'enseignement technique et supérieur progressent de 8,22 % et
atteignent, dans le budget pour 1999, 2 785 millions de francs.
Mes chers collègues, je tiens à souligner l'importance décisive du rôle assuré
par les maisons familiales rurales d'éducation et d'orientation dans
l'enseignement agricole privé car, grâce à un enseignement en alternance entre
les études proprement dites et les stages en exploitation, elles favorisent
grandement l'installation des jeunes.
Permettez-moi également de souligner la diversification des filières sur
lesquelles débouche l'enseignement dispensé dans ces maisons familiales
rurales, qu'il s'agisse de l'aménagement de l'espace ou de l'animation de nos
campagnes.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'an
dernier, M. Louis Le Pensec avait tout juste « sauvé les meubles » en obtenant,
à l'issue de difficiles arbitrages, la quasi-reconduction des crédits pour
l'agriculture. Cette année, avec 33,5 milliards de francs, le budget de
l'agriculture et de la pêche diminue de 6 % par rapport à 1998, affichant la
plus forte baisse de tous les fascicules budgétaires avec celui des anciens
combattants.
Certes, il faut prendre en compte la réduction de la subvention d'équilibre
accordée au BAPSA. La hausse des recettes de TVA et des transferts de
compensation démographique, hausse prévue pour 1999, permet en effet de
diminuer la participation de l'Etat de 2,5 milliards de francs. Je regrette que
cette économie due à la reprise de la croissance, elle-même partiellement due
aux gouvernements précédents, ne profite pas davantage aux agriculteurs.
Pourtant, ce budget s'inscrit dans un environnement national et international
en pleine mutation : projet de loi d'orientation agricole, réforme de la PAC et
négociations dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce. C'est donc
le moment non pas de relâcher nos efforts, mais bien plutôt d'affirmer un
modèle français d'agriculture, en affichant une ambition nouvelle. Justement,
votre budget prépare-t-il notre agriculture à relever les grands défis de
demain ?
L'agriculture occupe plus de la moitié de la superficie de notre territoire.
Bien que minoritaires dans les zones rurales, les agriculteurs sont
gestionnaires de la majorité de l'espace rural. Jeunesse et dynamisme sont donc
essentiels pour l'aménagement du territoire et pour garder un espace rural
vivant.
Que constate-t-on, cependant ? On note la diminution du nombre d'exploitations
à un rythme constant - autour de 4 % par an - et la concentration des terres
dans des unités de plus en plus importantes. En outre, l'arrivée des jeunes est
loin de compenser les départs à la retraite.
De surcroît, l'agriculture est amenée à répondre à une demande sociale,
aujourd'hui clairement exprimée, qui dépasse largement le cadre de la seule
mission de production de denrées alimentaires je veux parler de la préservation
de l'environnement, de la qualité et de la sécurité des produits et des besoins
en loisirs, par exemple.
Dans un environnement économique libéralisé et mondialisé, il est un autre
défi lancé, celui du maintien des positions acquises par la France sur le
marché agricole européen et du développement de l'accès de ses produits aux
marchés tiers.
Largement souhaité par tous les acteurs, le projet de loi d'orientation
agricole apparaît comme un outil autorisant une meilleure performance globale,
articulant les niveaux économique, par définition, environnemental - il
s'appuie sur un patrimoine collectif à transmettre - et social, parce qu'il est
interactif en réponse aux attentes des autres groupes. Or je ne suis pas sûr
que le texte récemment adopté par l'Assemblée nationale ait pris en compte
l'ensemble de ces fonctions : la contribution du Sénat n'en sera que plus
riche.
Autre chantier important, la réforme de la PAC et celle de son financement par
l'Union européenne pour la période 2000-2006.
Monsieur le ministre, vous allez entrer dans une phase active de négociation
et nous aimerions, sinon un grand débat sur ce sujet, que j'appelle de mes
voeux, vous entendre, déjà aujourd'hui, sur les objectifs que vous comptez
défendre.
Les propositions de la Commission et les positions prises par certains de nos
partenaires, au premier rang desquels l'Allemagne, sont inquiétantes. Cette
tentative de limitation de l'effort financier doit être accompagnée d'une vraie
réflexion sur les fonctions du budget communautaire et le développement de
politiques communes nouvelles. Où en sont les négociations ? N'y a-t-il pas un
risque de renationalisation d'une politique qui a été le fer de lance de la
construction européenne ?
Quelle que soit l'importance de la partie qui se joue à Bruxelles, les choix
budgétaires nationaux sont fondamentaux.
Hormis la mise en place du fonds de financement des contrats territoriaux
d'exploitation, sur lesquels je reviendrai, les quatre priorités de ce budget
pour 1999 - installation des jeunes, revalorisation des retraites, enseignement
et formation professionnelle, sécurité et qualité alimentaire - s'inscrivent
dans la continuité.
La hausse des crédits consacrés à ces deux derniers volets répond a de réels
besoins. Mais, je renouvellerai mon interrogation de l'an dernier relative au
chantier interrompu du texte sur la qualité sanitaire des denrées alimentaires
et la redéfinition de la vocation de l'enseignement agricole.
Le projet de loi d'orientation agricole devrait permettre de discuter d'une
manière plus fondamentale que chiffrée de ces deux sujets.
S'agissant de l'installation des jeunes, je suis en revanche perplexe. J'étais
resté dubitatif sur le remplacement du fonds pour l'installation et le
développement des initiatives locales par le fonds d'installation en
agriculture malgré l'élargissement du champ et le relèvement des crédits
affectés. La mauvaise impression se confirme : cette année, ce fonds est amputé
de 15 millions de francs ! Il me paraît paradoxal de vouloir promouvoir
l'installation des jeunes en agriculture en diminuant les moyens financiers
!
Second sujet de perplexité : la dotation aux contrats territoriaux
d'exploitation, les CTE.
Vous avez souhaité, dès ce budget, dégager des moyens pour ce que vous
qualifiez « d'outil majeur au service d'une nouvelle vision de la politique
agricole ». Que vous souteniez par cette mesure un texte préparé par votre
prédécesseur, soit ! Mais, sûrement comme beaucoup d'entre nous ici, je ne
partage pas votre optimiste quant à son adoption. Or, pour l'heure, notre
assemblée n'a pas encore eu l'occasion de débattre du principe du CTE. Ne
voulant pas croire que vous négligiez notre avis, je mets cette procédure sur
le compte de l'enthousiasme. Néanmoins, c'est aller un peu vite en besogne. Les
structures professionnelles de mon département sont réservées. L'approche
pluridimensionnelle doit se retrouver dans le cadre proposé qui se mettra en
place dans une période qualifiée de « préfiguration », donc délicate. Par
ailleurs, seulement une centaine de CTE seront attribués pour environ 3 000
agriculteurs ; cela laisse prévoir des arbitrages difficiles.
Pensez-vous, monsieur le ministre, que 300 millions de francs sont suffisants
pour financer un outil de si grande ambition ? En outre, il est regrettable que
ces crédits soient obtenus au détriment d'autres actions fort utiles tels le
fonds de gestion de l'espace rural, les offices ou les opérations groupées
d'aménagement foncier.
Vous comptez trouver auprès de l'Union européenne une source de 150 millions
de francs supplémentaires. Permettez-moi d'émettre des doutes sur la réalité
d'un tel financement, compte tenu de la tournure actuelle des négociations.
Enfin, j'évoquerai brièvement le programme de maîtrise des pollutions
d'origine agricole et l'aide aux bâtiments en zone de montagne. Je le répète
chaque année : l'insuffisance structurelle des crédits et les problèmes liés à
l'absence de contractualisation de cette action dans de nombreuses régions ont
incité un grand nombre d'exploitants, découragés, à sortir du dispositif. Ce
budget n'apporte pas de perspective meilleure.
Ce sera là mon dernier point, laissant le soin à M. Aymeri de Montesquiou, mon
collègue du groupe du RDSE, d'aborder la question des retraites agricoles qui
nous préoccupe, et de développer la place de la France dans l'évolution de la
PAC dont le rôle sera fondamental dans les futures négociations de
l'Organisation mondiale du commerce.
En conclusion, monsieur le ministre, je suis favorable à la continuité des
politiques quand celles-ci répondent à des attentes et je soutiens, dans le
principe sinon dans leur traduction, les priorités que vous affichez, à
l'exception, bien sûr, du CTE sur lequel je ne me prononcerai pas aujourd'hui.
Hélas ! il est des insuffisances ou des choix que je désapprouve, et j'aurais
souhaité un peu plus de souffle et d'ambition nouvelle dans ce budget.
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Debavelaere.
M. Désiré Debavelaere.
Monsieur le ministre, au regard des enjeux essentiels pour notre secteur
agricole que sont la modernisation du modèle agricole français, sa promotion
dans le cadre de l'actuelle négociation de la nouvelle politique agricole
commune et, à terme, dans le cadre de la future négociation de l'Organisation
mondiale du commerce, je suis consterné par la faiblesse et le manque
d'ambition du projet de budget de votre ministère.
Alors que nos principaux partenaires européens consolident, développent et
modernisent leur outil agricole pour répondre à ces enjeux, vous proposez au
Parlement de négliger le modèle agricole français et de déléguer une partie de
vos attributions à votre collègue Mme Voynet, ministre de l'aménagement du
territoire et de l'environnement.
Avec 33,5 milliards de francs pour l'année 1999, soit 2,4 % des crédits des
budgets civils, ce budget, monsieur le ministre, diminue en effet de 6 % par
rapport à l'année 1998, affichant la plus forte baisse, tous fascicules
budgétaires confondus.
Vous éliminez ainsi les crédits en faveur des opérations groupées
d'aménagement foncier, du fonds d'installation en agriculture, du fonds de
gestion de l'espace rural et du fonds de garantie contre les calamités
agricoles.
Vous vous contentez, ensuite, de préserver la prime d'orientation agricole et
le budget annexe des prestations sociales agricoles, évitant, pour cette année,
la suppression pure et simple de leurs subventions.
Quant à la Société pour la promotion et l'exportation des produits agricoles,
la Sopexa, ses crédits augmentent effectivement de 6,4 %, mais après avoir été
réduits de 23 % l'an dernier. Là encore, vous vous contentez de préserver cet
outil agricole au moment précis où de nouveaux marchés s'ouvrent et où nous
avons des positions commerciales à prendre, surtout dans les pays tiers.
Par ailleurs, contrairement à vos déclarations lorsque vous étiez dans
l'opposition, vous ne tenez pas vos promesses en matière de revalorisation des
retraites agricoles. Qu'en est-il de la retraite minimale portée au niveau du
minimum vieillesse, soit 3 470 francs par mois ?
Allez-vous lever les incertitudes concernant la prétendue augmentation retenue
par l'Assemblée nationale lors de l'examen de votre projet de budget ?
Allez-vous, enfin, aligner le minimum des retraites vieillesse des veuves,
conjoints et aides familiaux sur celui des chefs d'exploitation ? Allez-vous,
enfin, remettre en cause la privation des droits de celles et de ceux qui
disposent d'un nombre insuffisant d'années de cotisation pour des motifs qui ne
leur sont pas imputables ?
Vous proposez donc au Parlement de laisser tomber le modèle agricole français,
un modèle qui permet à la France, encore aujourd'hui, d'être le deuxième
exportateur mondial de produits agricoles et le premier exportateur mondial de
produits agricoles transformés.
Le projet de budget de votre ministère, à l'instar de votre projet de loi
d'orientation agricole que le Sénat examinera au début de l'année prochaine,
porte en lui une grave erreur d'appréciation, qui place la France hors du jeu
des négociations européennes et internationales et en position de faiblesse
face à ses concurrents, tout particulièrement les Etats-Unis.
A ce titre, je me permets de vous rappeler que le
Fair Act,
la loi
cadre agricole signée par le Président des Etats-Unis le 4 avril 1996, a permis
de renforcer de 5 milliards de dollars sur cinq ans les programmes américains
d'exportation alimentaire. Cette loi contient notamment un volet commercial et
un volet de réforme du soutien aux grandes cultures.
Le
Fair Act
prévoit ainsi de poursuivre l'élimination des barrières
tarifaires, de limiter à terme le soutien dans les pays concurrents et
d'éliminer les subventions à l'exportation et les organisations centralisées
d'achat. Cette loi témoigne d'une stratégie susceptible de déboucher sur une
nouvelle mise en cause de la politique agricole commune.
Par conséquent, il est urgent que la France prenne l'initiative de proposer à
l'Union européenne de réfléchir à ses intérêts prioritaires, afin d'être en
position de force lorsque s'ouvriront, à la date prévue, les négociations en
vue de poursuivre le processus de réforme engagée par l'accord du Cycle
d'Uruguay du GATT.
Loin de montrer cette volonté à nos partenaires européens, et donc de nous
donner les moyens de promouvoir notre modèle agricole au sein de l'Union
européenne, votre projet de budget, monsieur le ministre, se contente, comme
seule proposition, d'ouvrir un nouveau guichet, le contrat territorial
d'exploitation.
Ce contrat, tel qu'il ressort du projet de loi d'orientation agricole adopté
en première lecture par l'Assemblée nationale, est destiné à orienter
l'intervention dans la voie d'un rééquilibre territorial, environnemental et
social de l'agriculture. Il est ainsi, selon moi, le symbole du partage de
responsabilité que vous acceptez avec Mme Voynet, ministre de l'aménagement du
territoire et de l'environnement.
En effet, les crédits de cette nouvelle contrainte environnementale sont
obtenus par des redéploiements budgétaires aboutissant à vider les chapitres
réservés au fonds de gestion de l'espace rural et aux opérations groupées
d'aménagement foncier.
L'installation des jeunes en agriculture, qui est en baisse depuis deux ans,
trouvera-t-elle là l'impulsion pour prendre le risque d'entreprendre ?
Pis encore, vous nous proposez cette nouvelle ligne budgétaire alors même que
ce dispositif n'a pas encore été examiné par le Sénat, et donc adopté par le
Parlement. Par cette démarche, vous manifestez que vous faites peu de cas du
Parlement.
En effet, les préfets sont d'ores et déjà en train de recruter pour former les
commissions au sein desquelles le monde agricole sera certainement
sous-représenté.
Quant au fonds, ce nouvel outil crée un véritable lien de subordination entre
l'Etat et les agriculteurs. De chef d'entreprise responsable, l'agriculteur
devient une sorte de contractuel de l'administration. La logique du tout
salariat-tout fonctionnaire, chère au Gouvernement, tend ainsi, dès l'adoption
de ce budget, à être imposée au monde agricole et rural.
De plus, l'objectif environnemental de ce contrat territorial d'exploitation,
objectif avoué et cher à Mme Voynet, dorénavant votre ministre de tutelle
(Rires sur le banc du Gouvernement et sur plusieurs travées du groupe des
Républicains et Indépendants)...
Cela vous fait rire, monsieur le
ministre,...
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Avouez que je ne suis pas le
seul !
M. Désiré Debavelaere.
... mais plus le temps passera et plus vous ressentirez le poids de cette
mainmise !
L'objectif environnemental de ce contrat territorial d'exploitation,
disais-je, primerait sur l'activité même de producteur, donc sur l'économie de
l'exploitation agricole.
Cette démarche, qui consiste à ne plus privilégier la conquête des marchés
extérieurs et la compétitivité économique, constitue une erreur politique grave
et engage l'agriculture française vers une logique d'assistance aggravée.
Je tiens à affirmer, à l'inverse de cette traditionnelle philosophie
socialiste, que la vocation économique de l'agriculture est la seule et unique
garantie d'une valorisation correcte et durable de notre espace agricole et de
la préservation d'un maximum d'emplois en milieu rural.
Cette affirmation est essentielle lorsque l'on sait que le secteur agricole
gère 85 % de notre territoire, soit 45 millions d'hectares, que l'ensemble du
secteur agro-alimentaire représente 1,6 million d'actifs, soit 46 % des
effectifs de l'industrie manufacturière, ou encore que le nombre total
d'emplois induits par l'agriculture est évalué à 3,5 millions.
Cette affirmation est encore renforcée lorsque l'on voit que le secteur
agro-alimentaire est celui qui enregistre le plus gros excédent commercial
cette année. Ce dernier progresse fortement, gagnant près de 13 milliards de
francs pour atteindre 64,3 milliards de francs. Cette augmentation, la plus
forte enregistrée depuis dix ans, a lieu dans un contexte de dynamisme
important des échanges agro-alimentaires.
Le modèle agricole français de l'an 2000 sera donc bien la résultante des
grands choix stratégiques qui doivent être définis dès aujourd'hui.
Ce projet de budget, nous le constatons, est loin de répondre à cet objectif,
ce qui prouve peut-être, une fois de plus, que l'agriculture n'est pas une
priorité pour le Gouvernement, lequel vous en fait porter la responsabilité,
monsieur le ministre !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes
chers collègues, le projet de budget de l'agriculture et de la pêche pour 1999
est à la croisée des chemins.
En effet, d'importantes échéances se présentent à nous : tout d'abord, la
réforme de la politique agricole commune, à laquelle il convient de lier la
réforme de la politique structurelle communautaire ; ensuite, l'élargissement
de l'Union européenne aux pays d'Europe centrale et orientale et, parmi eux, à
de nombreux Etats disposant d'un secteur agricole non négligeable ; enfin,
l'ouverture de négociations multilatérales dans le cadre de l'Organisation
mondiale du commerce, l'OMC, négociations lourdes de menaces pour les
producteurs agricoles.
Dans cet environnement politique et économique aux contours pour le moins
incertains, le vote par l'Assemblée nationale, le 13 octobre dernier, du projet
de loi d'orientation agricole, dont l'examen au Sénat est prévu pour le début
de l'année 1999, doit donner à notre pays les moyens et les arguments en vue
d'affronter et de résister à la vague ultralibérale véhiculée tant par la
Commission de Bruxelles que par l'OMC.
Je ne souhaite pas, dans le cadre de cette discussion budgétaire, anticiper
sur un débat que nous aurons le moment venu sur le projet de loi d'orientation
agricole. Toutefois, il est évident pour nous tous que ce texte est
indissociable des négociations en cours concernant le Paquet Santer.
Il est non moins évident, selon nous, que les avancées apportées par ce projet
de loi puissent être réduites à néant en cas de mauvaise réforme de la
politique agricole commune. Or, en l'état, le projet de la Commission de
Bruxelles est inacceptable et contraire à la politique mise en oeuvre par le
Gouvernement.
D'ailleurs, l'objectif de la Commission européenne est clairement
d'approfondir et d'étendre la réforme de 1992, dont on peut mesurer
aujourd'hui, en France, les effets dévastateurs pour l'emploi agricole et les
revenus des petits exploitants. En effet, en France, ce sont 200 000
exploitations agricoles qui ont disparu depuis 1992, et donc 300 000 actifs.
Quant à l'Union européenne, elle a perdu 2 400 000 exploitations.
Il est ainsi proposé une diminution du soutien aux prix compensée
partiellement par des aides directes aux producteurs. Cette réforme, telle
qu'elle est envisagée par les tenants du libéralisme, s'inscrit dans une
perspective de diminution progressive des concours publics à l'agriculture en
vue de livrer le secteur agricole à la loi du marché. La réduction des fonds
européens répond également à l'objectif de stabilité budgétaire sous-jacent à
la mise en place de l'euro.
En outre, les simulations réalisées par l'Institut national de la recherche
agronomique montrent que, à structure et productivité constantes, une baisse du
revenu global est prévisible pour les producteurs de viande bovine - moins 23 %
- pour les exploitations laitières - moins 11 % - ainsi que pour les céréaliers
- moins 15 %.
Dans ce cadre, les agriculteurs n'auraient d'autre choix que la course à la
productivité afin de compenser cette baisse attendue des revenus, avec les
dérives que l'on connaît en matière d'environnement et d'aménagement de
l'espace rural.
C'est pourquoi ce projet est inadmissible. L'enjeu est bien le démantèlement
de la politique agricole commune.
Nous ne sommes pas, pour autant, partisans du
statu quo
. La réforme
nécessaire de la politique agricole commune devrait garantir un prix
rémunérateur aux exploitants, renforcer l'organisation des filières et
réaffirmer les principes de la préférence communautaire de la solidarité
financière. Il est urgent, selon nous, de rompre avec une logique ultralibérale
et productiviste qui a eu pour conséquence d'orienter exclusivement notre
richesse agricole vers l'extérieur, au détriment des exploitations à taille
humaine. Très rapidement, le nombre actuel de 680 000 exploitations agricoles
serait ramené à 200 000 si rien n'était fait pour contrecarrer les projets de
Bruxelles. Nous passerions, dès lors, d'une tradition d'exploitations
familiales à une logique d'entreprise à forte intensité capitalistique telle
que défendue par la droite.
(M. Hilaire Flandre rit.)
Etant ici un représentant du département des Côtes-d'Armor, particulièrement
touché par la crise porcine,...
M. Hilaire Flandre.
Elle n'est pas capitalistique, là-bas, l'agriculture !
M. Gérard Le Cam.
... j'ai pu évaluer les conséquences néfastes du libéralisme sur les hommes,
les territoires et l'environnement.
A cet égard, nous ne pouvons nous satisfaire de mesures conjoncturelles pour
remédier à une crise d'origine structurelle.
A la suite de la peste porcine, qui s'est développée d'abord aux Pays-Bas puis
dans d'autres pays d'Europe du Nord, les grosses infrastructures ont poussé à
la production maximale pour conquérir des parts de marché. La chute des cours
aujourd'hui provoquée par cette surproduction et accélérée par la crise
internationale, qui a fragilisé la demande extérieure, aura pour conséquence
d'acculer les petits producteurs à la faillite et de renforcer le processus de
concentration des structures. Ce type d'agriculture productiviste est voué à
l'échec.
Tout d'abord, des mesures d'urgence doivent être prises : le contrôle immédiat
des effectifs des élevages au regard des autorisations, l'abattage des truies
excédentaires et de porcelets, l'attribution d'aides d'urgence en faveur des
plus jeunes récemment endettés, des 10 % d'exploitants en très grande
difficulté et des 30 % d'exploitants en situation fragilisée.
Par ailleurs, des mesures à long terme sont indispensables : la maîtrise de
l'environnement de la production et de la qualité, la stabilisation, voire le
développement des emplois de l'agro-alimentaire par le maintien d'un niveau de
production raisonnable et l'augmentation du volume des produits élaborés à
haute valeur ajoutée.
Il faudra également réviser de fond en comble les critères de l'Organisation
mondiale du commerce où prévaut la concurrence la plus sauvage et la plus
destructrice à l'image de la mondialisation.
Le concours permanent des banques, des plus grandes exploitations, des
coopératives, des intermédiaires et de la grande distribution me semble
également indispensable à un fonds de garantie des crises.
Enfin, une idée, qui ne serait pas onéreuse, me tient à coeur : il s'agit de
réconcilier producteurs et consommateurs autour d'objectifs communs de qualité,
de compréhension mutuelle, de confiance réciproque, de clarté dans
l'élaboration des prix à la production et à la vente, ainsi que d'application
et de respect par tous les citoyens des mesures en vigueur et à venir dans le
domaine de l'environnement.
La crise que nous vivons doit nous aider à faire valoir un modèle
d'agriculture alternatif fondé sur la multifonctionnalité prenant en compte,
outre la fonction économique qui doit rester essentielle, la dimension sociale,
territoriale et environnementale de notre agriculture. Elle montre de surcroît
la nécessité d'organiser la filière d'amont en aval afin d'être en mesure
d'anticiper et de contrôler la production plutôt que de subir et de s'adapter
aux aléas du marché.
Encore faut-il que cette organisation place sur un pied d'égalité l'ensemble
des acteurs de la filière, des producteurs jusqu'à la grande distribution.
Paradoxalement, la crise porcine ne profite que très peu aux consommateurs
alors que, dans le même temps, les producteurs vendent à perte. Vendre à perte
est interdit pour les commerçants ; alors, pourquoi est-ce autorisé pour les
agriculteurs ?
Sur ce point, l'idée d'un coefficient multiplicateur permettant de limiter
l'écart entre le prix à la production et le prix d'achat par le consommateur
final mérite d'être approfondie. Un tel dispositif doit nous aider à réguler le
marché dans des situations de crise aussi extrême que celle que nous vivons.
Cet environnement favorable à la réorientation de la politique agricole en
France doit vous permettre, monsieur le ministre, d'amener nos partenaires
européens sur nos positions. Je crois d'ailleurs savoir que plusieurs d'entre
eux semblent porter un intérêt croissant aux contrats territoriaux
d'exploitations.
Enfin, vous aurez certainement à coeur de faire le point devant la
représentation nationale sur ce qui ressort du conseil des ministres de
l'agriculture des Quinze, tenu cette semaine.
Compte tenu de la position qui est la nôtre dans l'Union européenne, notre
pays étant de surcroît prioritairement touché par la réforme de la politique
agricole commune, le gouvernement français doit être en mesure d'infléchir les
intentions de la Commission de Bruxelles, quitte à utiliser son droit de veto
en dernière instance.
J'en viens, à présent, aux quatre priorités du projet de budget du ministère
de l'agriculture et de la pêche pour 1999 : la mise en place du contrat
territorial d'exploitation, la formation et l'installation des jeunes, la
sécurité et la qualité de l'alimentation, ainsi que la revalorisation des
retraites agricoles, qui a déjà donné lieu à un débat. J'y reviendrai tout à
l'heure en défendant notre amendement. Je rappellerai que la subvention au
BAPSA inscrite à ce projet de budget motive l'essentiel de la réduction globale
des crédits ministériels.
Hors cette subvention d'équilibre au BAPSA, ce projet de budget, avec 28,2
milliards de francs, connaît une augmentation de 3 % par rapport à la loi de
finances initiale pour 1998, qui, il est vrai, était demeurée stable.
Ce projet de budget fait apparaître au chapître 44-84 une ligne budgétaire
supplémentaire instituant le Fonds de financement des contrats territoriaux
d'exploitation, les CTE. Ce Fonds est doté, pour la première année, de 450
millions de francs, dont le tiers provient de cofinancements européens. Les 300
millions de francs restants sont assurés par redéploiement : 140 millions de
francs sont issus du Fonds de gestion de l'espace rural, le FGER, 100 millions
de francs des offices agricoles, 45 millions de francs des opérations groupées
d'aménagement foncier et 15 millions de francs du Fonds d'installation en
agriculture, le FIA, institué en 1997.
Comme à chaque redéploiement, se posent les questions suivantes : que
deviennent les actions entreprises précédemment et comment s'effectue la
transition de telle sorte que les crédits nouveaux soient abordés sans que les
engagements d'hier soient remis en cause ?
En tout état de cause, cette procédure ne peut être que transitoire, puisque
les CTE ont vocation à être financés par le Fonds européen d'orientation et de
garantie agricole, le FEOGA.
Cependant, pour l'année 1999, compte tenu des délais législatifs et
réglementaires, les premiers CTE seront signés, au plus tôt, en septembre 1999.
Dès lors, comment financerez-vous les opérations de type agro-environnementales
destinées à se retrouver dans le CTE alors que celui-ci ne sera pas encore
opérationnel ? De même, s'agissant du FIA, pouvez-vous nous garantir que les
crédits engagés pour 1999 ne seront pas remis en cause ?
Dans l'éventualité où le CTE serait un succès - j'en juge par l'écho qu'il
reçoit parmi les représentants du syndicalisme agricole - tous les agriculteurs
ne souscriraient pas de façon massive et immédiate à cette formule. Par
conséquent, par quel biais les actions d'entretien de l'espace rural
seraient-elles financées hors du CTE ?
En outre, monsieur le ministre, êtes-vous en mesure de dresser un premier
bilan des préfigurations du CTE organisées dans plus de soixante-quinze
départements, ce qui témoigne, par ailleurs, de l'attrait de ces contrats pour
la plupart des régions rurales ?
Enfin, les CTE seront-ils suffisamment rémunérateurs pour le producteur qui
s'engage, tant il est vrai que leur réussite repose, pour une grande part, sur
les financements qui l'accompagneront ?
A cet égard, ce budget pour 1999 est un budget de transition ; mais il doit
ouvrir, pour la prochaine loi de finances, sur une dotation plus large des CTE
et, de là, sur une approche nouvelle des aides publiques à l'agriculture.
La deuxième priorité retenue dans ce projet de budget concerne l'avenir des
jeunes.
Les efforts consentis par votre ministère en faveur de l'enseignement
agricole, avec un budget en augmentation de 6 %, méritent d'être salués et
encouragés. Père d'un enfant scolarisé dans un lycée agricole, je me félicite
notamment de l'attention toute particulière portée aux crédits destinés aux
bourses, en progression de 4,3 %, au fonds social lycéen, en augmentation de 43
%, ainsi qu'à la prise en charge partielle à concurrence de 10 millions de
francs des frais de stages des élèves des filières techniques et
professionnelles. Ces différentes actions ne peuvent que valoriser le travail
des lycéens dont les familles connaissent des difficultés et se trouvent dans
l'impossibilité de subvenir aux besoins de leurs enfants.
Enfin, notons la création de 180 emplois nouveaux dans l'enseignement
technique et la transformation d'emplois précaires en 128 postes stables
répartis en postes d'enseignants et de personnels ATOSS, les personnels
administratifs, techniques, ouvriers, sociaux, de santé et de service.
A cet égard, l'engagement des élèves de l'enseignement agricole dans le
mouvement lycéen de cet automne mérite d'être entendu. Aussi, je ne doute pas,
monsieur le ministre, que les avancées de ce projet de budget soient
poursuivies et amplifiées par votre administration pour répondre à ces
attentes.
Concernant l'installation des jeunes, les crédits consacrés à la dotation aux
jeunes agriculteurs sont maintenus à 645 millions de francs.
L'objectif de 10 000 installations en 1999, dont on peut douter qu'il sera
atteint, m'amène à vous interroger sur les critères d'attribution de la
dotation aux jeunes agriculteurs. Ne conviendrait-il pas de les assouplir et de
les élargir afin d'inciter et d'accélérer l'installation des jeunes
agriculteurs ?
S'agissant de la dotation aux jeunes agriculteurs comme du Fonds
d'installation en agriculture, il serait nécessaire, me semble-t-il,
d'effectuer un bilan sur l'efficacité des aides et leur concrétisation, afin
d'en améliorer le taux de réussite.
Sachant que le rapport entre l'installation et le départ en retraite est de un
sur quatre, nous devons décupler nos efforts dans ce domaine pour inverser
cette tendance. L'Etat ne devrait-il pas mobiliser davantage le secteur
bancaire en faveur de prêts bonifiés de longue durée permettant aux jeunes de
s'installer et de moderniser leur exploitation sans entraver leur pouvoir
d'achat ?
La troisième priorité de ce projet de budget est la sécurité et la qualité
alimentaires. Cette priorité se justifie par un intérêt et une préoccupation
croissants des consommateurs pour la qualité de leur alimentation tant animale
que végétale.
La conférence des citoyens sur les organismes génétiquement modifiés a révélé
les espoirs et les craintes des populations envers la recherche dans ce
domaine. Notre position, sur ce sujet, est claire : nous ne sommes pas opposés
par principe à des expérimentations sur le patrimoine animal et végétal dès
lors que la sécurité des consommateurs est assurée et que l'environnement est
préservé. Ce peut être, au contraire, une chance pour l'humanité si la
recherche donne aux producteurs, notamment à ceux des pays pauvres, les moyens
de résister aux aléas climatiques ou écologiques.
En revanche, le pire est à craindre si la recherche scientifique est détournée
de ses missions au profit des puissances financières qui contrôlent l'industrie
agro-alimentaire.
Cela suppose le renforcement d'un contrôle efficace et indépendant et une
recherche scientifique à l'abri des pressions industrielles et financières.
Nous soutiendrons tous les efforts qui iront dans le sens du développement de
la traçabilité des filières de production, mais aussi en faveur de ce que l'on
appelle la biovigilance en amont et les contrôles de qualité en aval de la
production.
C'est pourquoi nous nous réjouissons des engagements accrus de l'Etat dans ce
domaine.
Enfin, je ne saurais conclure mon propos sur les crédits de l'agriculture sans
évoquer la mobilisation des personnels de votre ministère, qui redoutent la
suppression de 170 emplois dans les services déconcentrés et à l'administration
centrale, après une chute de 10 % des effectifs depuis dix ans. Ils demandent
la création de postes nouveaux nécessaires à l'accomplissement des missions des
directions départementales de l'agriculture et la titularisation de tous les
agents non titulaires afin de répondre aux nouvelles sollicitations que
générera l'application de la loi d'orientation agricole. Monsieur le ministre,
quelle réponse pouvez-vous leur apporter ?
L'autre volet de mon intervention concernera le budget de la pêche, qui
s'élève à environ 150 millions de francs, en progression de 0,25 %.
Voilà un an, le Parlement votait à l'unanimité la loi d'orientation pour la
pêche maritime et les cultures marines, qui comportait, outre son volet social,
les instruments en faveur d'un renforcement de la filière « pêche ». Sa
concrétisation semble tarder, alors que la loi instituant l'OFIMER vient
seulement d'être promulguée, à la suite d'une erreur de codification.
Ce secteur d'activité semble avoir retrouvé un certain équilibre économique
apparent, mais il demeure fragilisé et reste très dépendant des décisions
communautaires.
De ce point de vue, force est de constater que ce budget reste attaché à
l'application des programmes communautaires d'orientation pluriannuels de
réduction de la flotte de pêche. Ainsi, alors que nous réduisons notre capacité
maritime et que le nombre de marins diminue, la France importe de plus en plus
de produits de la mer, rendant notre balance commerciale, dans ce secteur,
largement déficitaire.
Le respect des objectifs des plans d'orientation pluriannuels, les POP, rend
plus périlleuse l'installation des jeunes pêcheurs au moment où les aides à la
construction de bateaux neufs tardent à se concrétiser. Il y a là, me
semble-t-il, une contradiction avec l'esprit de la loi d'orientation de la
pêche en faveur de l'installation des jeunes.
Compte tenu de ces observations relatives au budget de l'agriculture et de la
pêche ainsi que de l'attitude de la France dans le cadre des négociations de la
réforme de la PAC, et au bénéfice des réponses que vous nous apporterez,
monsieur le ministre, le groupe communiste républicain et citoyen votera ce
budget.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Bony.
M. Marcel Bony.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant
d'aborder certains sujets précis, je tiens à souligner ma satisfaction de voir
augmenter les crédits du budget de l'agriculture.
En tant qu'élu d'une zone de montagne, vous comprendrez que je m'attache plus
particulièrement à quatre points : en premier lieu, aux mesures en faveur de la
montagne ; en deuxième lieu, à la pluriactivité et aux problèmes divers qu'elle
engendre ; en troisième lieu, aux retraites ; enfin, en quatrième lieu, à la
politique agricole commune.
Certains de mes collègues ne manqueront peut-être pas de rappeler le
mémorandum pour la montagne présenté par le gouvernement précédent mais resté
lettre morte dans les faits.
Vous n'avez pas jugé nécessaire, monsieur le ministre, de vous livrer à votre
tour à un tel exercice, mais vous n'avez pas pour autant oublié la montagne :
vous l'avez inscrite dans un vaste projet qui en fait une véritable composante
de l'aménagement du territoire.
Dans le cadre de la discussion du projet de budget pour 1999, je ne peux ni ne
veux faire abstraction de deux projets de loi dont nous serons saisis début
1999 : la loi d'orientation agricole et la loi d'orientation pour l'aménagement
et le développement durable du territoire.
Le projet de loi d'orientation agricole, qui repose sur le contrat territorial
d'exploitation, le fameux CTE, a pour objet essentiel de traduire une politique
agricole centrée sur le territoire. La contractualisation, à laquelle
travaillent ardemment professionnels et techniciens de l'agriculture, doit
permettre de promouvoir une approche globale des exploitations affirmant le
caractère multifonctionnel de l'agriculture et favorisant l'émergence de
nouveaux projets de développement qui prennent en compte à la fois les
préoccupations environnementales, territoriales et économiques.
C'est donc un nouvel outil de développement qui va être mis à la disposition
des agriculteurs, et ils l'ont bien compris puisqu'ils participent
majoritairement, notamment les jeunes, par l'intermédiaire du CNJA, à la
conception même de ces contrats.
Dans le projet de budget pour 1999, votre politique se traduit concrètement
par la reconduction de mesures antérieures, mais aussi par l'intégration de
dispositifs nouveaux.
Ainsi, l'indemnité compensatrice de handicaps naturels, destinée non seulement
à la montagne mais aussi aux zones défavorisées, voit son enveloppe
s'accroître, même si cela est dû en partie au versement rapide de
remboursements du FEOGA : les primes sont en effet revalorisées de 1,5 %.
Certes, on peut penser que le système indemnitaire n'est pas en soi une
panacée et l'ancien agriculteur que je suis regrette qu'il faille s'en
accommoder ; mais il faut être réaliste : dans le système actuel, il n'y a
malheureusement pas de survie sans ces aides financières.
Il convient donc - et c'est ce que vous avez fait - d'abonder les crédits de
façon à permettre une réelle efficacité du dispositif.
Le relèvement du plafond communautaire par unité de gros bétail, par hectare
ou par unité de travail humain serait bien accueilli par les éleveurs de
montagne ; la mesure semble peu coûteuse et elle donnerait un peu d'oxygène aux
exploitations concernées.
De même, il serait judicieux de rendre éligible à l'ISM végétale les petites
productions végétales et fruitières, si encouragées depuis des années par le
FIDAR et dont le rôle en matière de gestion de l'espace n'est plus à
démontrer.
En ce qui concerne le chapitre relatif à la modernisation des exploitations,
qui regroupe le plan de maîtrise des pollutions d'origine agricole et les
bâtiments agricoles, je constaterai simplement que les dépenses de 1998 sont
maintenues en francs courants, ainsi que l'a relevé tout à l'heure mon ami
Jean-Marc Pastor. Or, comme vous le savez, ces aides sont essentiellement
attribuées aux zones de montagne et sont un des éléments importants de la
protection de l'environnement. Il faudra donc veiller, pour le moins, à ce
qu'elles ne diminuent pas.
Certains ont cru bon d'affirmer qu'un agriculteur est d'abord un producteur
avant d'être un aménageur du territoire. Quel besoin d'opposer les deux
concepts ? Un agriculteur est un acteur de l'aménagement du territoire au même
titre que les autres professionnels. Loin d'un corporatisme nuisible à toute
évolution, les actifs ont compris depuis longtemps, dans les zones difficiles,
la nécessité vitale du partenariat, sans même parler de solidarité. Ce n'est
pas à côté du développement rural qu'il faut faire une place au développement
agricole, c'est à l'intérieur !
Les textes en cours représentent un formidable espoir pour les agriculteurs de
montagne, qui ont toujours manifesté une volonté affirmée de faire vivre leur
activité même dans des conditions difficiles. Je sais que vous ne les décevrez
pas, monsieur le ministre, et que vous serez un porte-parole efficace dans les
négociations tant européennes que mondiales.
Mon deuxième point concerne la pluriactivité, largement encouragée par la loi
d'orientation agricole, ce qui a entraîné la crainte, pour les commerçants et
artisans, d'une concurrence déloyale.
La loi d'orientation agricole ne traitant pas de pluriactivité mais de
multifonctionnalité, ce qui paraît moins réducteur, elle permettra à tous les
acteurs de l'économie rurale de trouver leur place.
Un réaménagement de la fiscalité aurait pu être un encouragement. Il
conviendrait au moins de simplifier et d'analyser les possibilités de
détermination globale du bénéfice de l'entreprise agricole multifonctionnelle
si vous voulez réellement la stimuler.
A titre d'exemple, je dirai quelques mots de l'agritourisme.
L'équilibre entre ces deux fonctions, aménagement du territoire et économie,
devra respecter l'environnement, la qualité et l'identité forte.
Trois mots clés sont à retenir dans ce domaine : qualité, pour renforcer
l'attractivité du territoire rural ; réseau, pour une véritable démarche de
marketing qui fait défaut ; formation, car le professionnalisme et l'accueil ne
s'improvisent pas.
M. Bernard Dussaut,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Marcel Bony.
La montagne dispose d'un atout essentiel : elle est connue et reconnue comme
espace touristique. Mais il reste beaucoup de chemin à parcourir pour qu'elle
s'épanouisse comme le lieu d'une agriculture diversifiée pérenne et créatrice
d'emplois.
Votre ministère, en partenariat avec le secrétariat d'Etat au tourisme, ne
doit pas négliger cette voie.
Mon troisième point concerne les retraites agricoles. En tant qu'agriculteur
retraité, je ne peux pas ne pas en parler : sinon, j'aurais l'impression de
trahir les miens.
Personne ne conteste qu'un retard social dramatique s'est accumulé au fil des
générations : les retraites agricoles sont les plus basses du système de
protection sociale et un trop grand nombre d'anciens agriculteurs vivent avec
des pensions inférieures au minimum vieillesse, malgré l'appui financier des
autres régimes et de l'Etat.
Aujourd'hui, on admet généralement que la responsabilité de cette situation
n'incombe pas aux agriculteurs. Rendu obligatoire en 1952, le système n'a été
mis en place que très progressivement, et il n'existait pas de régime
complémentaire obligatoire. Les contributions, calculées sur le revenu
cadastral, étaient donc très faibles pour les nombreuses petites exploitations
familiales. Qui, à leur place, aurait accepté de verser des cotisations plus
importantes que celles qui étaient demandées ?
La loi de finances pour 1999 prévoit une augmentation, comme en 1998 ; 607 000
retraités agricoles sont concernés. C'est un effort positif, mais il n'est pas
encore suffisant, l'objectif est de parvenir à une retraite décente pour tous
les cotisants.
En attendant l'aboutissement du plan pluriannuel sur lequel s'est engagé le
Gouvernement, il aurait été souhaitable que les retraites soient portées au
niveau du minimum vieillesse.
Pour terminer, monsieur le ministre, j'interviendrai sur la PAC, car je
souhaiterais que l'Europe reconnaisse enfin les difficultés particulières de
production liées à l'isolement des exploitations laitières de montagne et à
leur faible litrage.
Le fermeté dont la France a fait preuve en matière de maintien des quotas est
toujours d'actualité puisqu'il semble que la Commission s'engage dans cette
voie jusqu'en 2006. Depuis avril 1998, la collecte française est en forte
baisse : près de 4 % de moins en un an. Imaginez ce qui se passe dans les zones
de moyenne montagne comme l'Auvergne, singulièrement dans le Puy-de-Dôme, où
une grande partie des revenus agricoles provient de la production laitière !
Par ailleurs, les normes communautaires entrées en vigueur le 1er janvier 1998
font peser de lourdes incertitudes sur la production fromagère traditionnelle,
qu'il faudra bien résoudre d'une manière ou d'une autre.
Les dispositions concernant qualité et identification des produits prévues
dans la loi d'orientation agricole, telle la reconnaissance définitive de la
dénomination montagne, vont dans le bon sens.
Il est grand temps de bâtir un véritable projet européen, comme il est grand
temps de définir la notion de prix mondial qui permettrait de prendre des
décisions mieux adaptées en matière de baisse des prix.
Les coûts de la production européenne sont supérieurs à ceux du marché mondial
en raison de la volonté de maintenir une population agricole nombreuse. S'il y
a baisse des prix, il y aura compensation financière, au moins partielle, mais
cette compensation ne réglera de toute façon pas les problèmes de l'adaptation
de la production à l'offre, ni celui de la maîtrise de la production.
Le rapport remis en juin 1998 au Sénat par sa mission d'information sur la
réforme de la PAC préconise qu'une nouvelle impulsion soit donnée à
l'agriculture de montagne, notamment en accentuant l'aide aux systèmes
herbagers, en préservant les droits à produire pour les productions
montagnardes, en détachant l'attribution des indemnités compensatrices de toute
contrepartie.
La réforme des fonds structurels européens peut, elle aussi, avoir des
conséquences sur les zones de montagne. Le projet prévoit la réduction de cinq
objectifs à trois, et la disparition de l'objectif 5 B consacré au
développement des zones rurales. Si l'on peut se réjouir, dans l'absolu, de la
réunion du monde rural et du monde urbain, il ne faudrait pas que les zones
rurales pâtissent de cette fusion et soient aspirées par les zones urbaines.
Cette crainte vient surtout de la référence territoriale et des critères
d'éligibilité proposés. Que se passera-t-il pour les zones rurales pauvres dans
un département où, heureusement, les zones urbaines ne rempliront pas les
critères de niveau de chômage ou de dépeuplement ?
Avant de conclure, j'aimerais parler des SAFER. J'approuve la décision de
réduire les droits de mutation sur les transactions foncières, mais elle remet
en cause, vous le savez, le rôle des SAFER puisque leurs attributaires auraient
intérêt à se passer de leurs services, leur rémunération devenant supérieure
aux frais de mutation. Or les SAFER sont un outil de régulation utile dont les
missions de service public ont permis à des jeunes agriculteurs de s'installer
dans des conditions qui n'auraient pu être réunies dans un cadre plus
libéral.
En outre, le projet de la loi d'orientation agricole vient d'étendre leurs
missions en matière d'aménagement du territoire. Dès lors, monsieur le
ministre, j'espère que vous étudierez avec bienveillance les propositions qui
vous seront soumises à ce sujet.
Globalement, votre projet de budget a le mérite de placer l'agriculture dans
une situation de cohérence avec la loi d'orientation agricole. Vous posez les
fondements de l'agriculture de demain pour affirmer dès aujourd'hui les
exigences incontournables d'un monde qui ne veut pas disparaître. Pour toutes
ces raisons, monsieur le ministre, nous voterons votre budget.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget du
ministère de l'agriculture est une compilation complexe de crédits qui
retracent les soutiens publics à l'agriculture tels que l'on a eu l'habitude,
au cours des années précédentes, de les comptabiliser. Il y a donc un besoin
global de clarification.
En effet, l'ensemble des dépenses qui, chaque année, sont affectées à
l'agriculture ou assimilées au soutien de l'agriculture comptabilise le coût
des fonctions générales que l'Etat doit assumer et ne correspond pas forcément
à des dépenses directement agricoles. C'est le cas de la protection sociale, de
l'enseignement et de la recherche.
Le niveau des concours publics à l'agriculture en 1999 s'établit sensiblement
à 173 milliards de francs. C'est une reconduction, ou presque. Cette
stabilisation est obtenue grâce au poids énorme de deux grands postes : le
BAPSA et les versements de l'Union européenne qui, à eux deux, représentent
plus de 80 % du total.
Ces chiffres, qui ne relèvent pas seulement de votre ministère, monsieur le
ministre, mais qui dépendent aussi de différents budgets de l'Etat - emploi,
travail, intérieur, BAPSA, comptes spéciaux du Trésor - ne sont pas
représentatifs du soutien apporté à l'agriculture en tant que secteur
économique.
En effet, il est possible de distinguer, dans la structure des concours
publics à l'agriculture, les crédits imputables à l'agriculture en tant que
secteur économique. Si l'on examine les crédits dévolus à l'agriculture
considérée comme un secteur économique, on constate qu'ils représentent
sensiblement 45 % de l'ensemble des dépenses, soit 78 milliards de francs, dont
11,1 milliards de francs seulement proviennent de la rue de Varenne, le solde
étant lié à la politique agricole commune.
Regardons maintenant les crédits qui ne sont pas imputables à l'agriculture
vue comme un secteur économique. En effet, les autres budgets ministériels
n'incluent pas les dépenses de formation ou de protection sociale liées à leurs
ressortissants, qui font en revanche la spécificité du budget de l'agriculture.
Ces crédits s'élèvent, dans le projet de budget qui nous intéresse, ou tout au
moins dans son environnement, à 95 milliards de francs, masse dans laquelle, là
encore, les postes principaux sont le BAPSA, pour 73 milliards de francs, en
dehors de la contribution professionnelle, l'enseignement et la recherche pour
11 milliards de francs, les comptes spéciaux du Trésor pour 2 milliards de
francs, la forêt pour 1,7 milliard de francs, et je ne déclinerai pas les
petites lignes du projet.
Finalement, si l'on observe l'évolution du budget de votre ministère et si
l'on analyse les concours publics à l'agriculture, on s'aperçoit que le levier
principal, c'est la politique agricole commune, et que les chiffres sont d'une
très grande stabilité.
Je constate donc que votre projet de budget subit de fortes contraintes et que
votre marge de manoeuvre est étroite, monsieur le ministre.
Vous affichez trois priorités, à savoir : l'enseignement, la qualité et la
sécurité alimentaires, et la revalorisation des petites retraites. Je
reviendrai tout à l'heure sur votre quatrième priorité, les CTE.
Vous dotez ces trois postes de crédits supplémentaires plus ou moins à la
hauteur des besoins, mais l'on distingue des orientations.
En revanche, si l'on cherche une orientation politique dans ce projet de
budget, on la trouve dans la création du fonds de financement des CTE. En
effet, on lui affecte 300 millions de francs de crédits, que l'on mobilise par
redéploiement, partiel ou total, des crédits relatifs aux offices, aux
opérations groupées d'aménagement foncier, au fonds de financement de l'espace
rural, au fonds d'installation en agriculture, etc.
Mais la précipitation qui accompagne cette création nous amène à nous
interroger.
En effet, on dote déjà un fonds qui n'est pas encore créé, puisque la loi
d'orientation agricole sera voté au mieux au cours du premier trimestre de
1999. Il est prématuré, monsieur le ministre, de doter une action qui n'a pas
encore été décidée et, de surcroît, les crédits que l'on prélève, parce qu'il
faut bien les prendre quelque part, manqueront ailleurs.
Je veux, à cet égard, attirer votre attention sur ce qui va se passer, par
exemple, pour les OGAF : les CTE, s'ils sont créés, ne succéderont pas
systématiquement aux OGAF ; mais si c'était le cas, ils ne pourraient au mieux
bénéficier d'une dotation qu'au troisième trimestre de l'année 1999.
Quid
donc des OGAF nouvelles - et il y en a - qui vont démarrer en
janvier 1999 et de celles qui vont poursuivre leur activité en ce même début
d'année ?
La suppression du fonds de gestion de l'espace rural fait également l'objet de
mes préoccupations. Des orateurs qui m'ont précédé ont déjà évoqué longuement
ce problème et je me bornerai à vous demander, monsieur le ministre, de mesurer
l'ampleur des déceptions, des espoirs perdus de ceux qui se sont résolument
engagés dans cette direction sur la foi de promesses gouvernementales.
Je formulerai la même remarque sur les crédits des offices, qui sont en
diminution de 100 millions de francs ; c'est peu, me direz-vous, sur quelque 3
milliards de francs - 3 % - mais c'est déjà une tendance.
Il y a fort à parier que ce sont les crédits affectés aux actions nationales
qui supporteront cette baisse, car les dépenses de fonctionnement des offices
ont un caractère quasi obligatoire lié à la politique agricole commune. En
réduisant ces crédits, monsieur le ministre, vous vous privez d'un moyen car
ces actions nationales sont un véritable levier qui permet d'orienter la
politique des différentes filières de production.
Je pense, personnellement, qu'il vaudrait mieux renforcer de façon
significative les crédits d'orientation économique des offices plutôt que de
développer un encadrement administratif des filières, par nature moins
efficaces. Il est encore temps, je crois, de proposer au CSE une réforme de
cette nature.
La ligne budgétaire du Fonds national de garantie contre les calamités
agricoles disparaît totalement. Je n'entrerai pas dans la polémique qui oppose
ceux qui pensent que les réserves sont suffisantes et ceux qui prétendent que
la loi du 10 juillet 1964 est mal appliquée.
Je dirai simplement que cette suppression est inopportune, insuffisamment
réfléchie, au moment où il est nécessaire d'avancer l'idée de la création d'un
système d'assurance récolte, voire d'assurance revenus, pour mieux affronter
les conséquences prévisibles de la réforme de la politique agricole commune.
A ce propos, je souhaite, monsieur le ministre, que l'un de vos collaborateurs
prenne le temps de lire un excellent rapport sur ce sujet que le Conseil
économique et social a adopté au début de cette semaine.
Je souhaite, par ailleurs, attirer votre attention sur la stagnation à 680
millions de francs de la prime à l'herbe : ce n'est pas le geste fort attendu
en faveur de l'élevage extensif.
Je souhaite aussi attirer votre attention sur l'érosion constante du pouvoir
d'achat des crédits destinés à la politique de la montagne, que ce soient
l'indemnité compensatrice des handicaps naturels, l'aide à la collecte du lait
en zone de montagne ou les crédits spéciaux « bâtiments d'élevage en montagne
». Tout cela n'est pas suffisant.
A propos des crédits spéciaux « bâtiments d'élevage en montagne », il est
temps de mettre fin à la confusion entre la ligne budgétaire du PMPOA et la
ligne « bâtiments de montagne ». Ces deux lignes recouvrent des objectifs
différents et requièrent donc la mise en place de budgets séparés et
identifiables.
A propos de la politique de l'investissement et, par incidence, de celle des
prêts bonifiés, je constate que les dépenses pour bonification d'intérêts
augmentent à peine malgré la forte augmentation en volume des crédits bonifiés.
Cela signifie que la bonification en pourcentage coûte de moins en moins cher
et que les taux des prêts que l'on appelle bonifiés se rapprochent de plus en
plus des taux du marché monétaire, mais cela signifie aussi qu'on bonifie très
peu alors qu'il faudrait bonifier beaucoup, car, en taux réel - le seul qui ait
une signification économique - l'argent a rarement été aussi cher.
Il faut revoir et adapter cette politique qui doit avoir une signification en
matière de développement de l'investissement productif.
Il faut mieux tirer partie de la réglementation européenne, moderniser la
règlementation des PPVS, assurer la pérennité des prêts « calamités ».
Je souhaite en outre vous rappeler, monsieur le ministre, que vous êtes par
ailleurs le ministre de tutelle des industries agro-alimentaires et
agro-industrielles, que les crédits des politiques agro-industrielles sont en
baisse, que les moyens dont dispose le ministère ont été divisés presque par
quatre en dix ans, alors qu'il y a un cofinancement communautaire.
Si on prend en compte l'effort des industries agro-alimentaires en matière
d'emploi en milieu rural, la valeur ajoutée de la branche, sa contribution au
solde du commerce extérieur, force est de constater que les incitations en ce
domaine ne correspondent pas au résultat que l'on peut légitimement en attendre
pour les années à venir.
Il faut mieux prendre en compte la réelle dimension industrielle - c'est le
premier secteur industriel français - de ces entreprises sans lesquelles le
revenu agricole n'existerait pas.
L'objet de notre débat est aujourd'hui le budget du ministère de
l'agriculture,...
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je confirme !
(Sourires.)
M. Marcel Deneux.
... je ne parlerai donc pas de la loi d'orientation - nous nous retrouverons
dans les semaines qui viennent.
L'avenir de l'agriculture française en tant qu'activité économique se décide
de plus en plus à Bruxelles, mais le budget dont vous êtes directement
responsable, qui représente moins de 20 % du total des concours publics à
l'agriculture, est aussi celui qui permet des effets de levier.
Nous souhaitons qu'il permette à l'agriculture française, dans l'avenir
européen qui se prépare, de résoudre au mieux ce que certains assimilent déjà à
une quadrature du cercle pour cette agriculture : être un secteur
économiquement fort, de plus en plus compétitif à l'échelle mondiale ; assurer,
bien sûr, la sécurité alimentaire avec des perspectives de qualité encore
améliorées et, en même temps, assurer un revenu convenable à une population
active stabilisée contribuant par son travail et sa présence à l'aménagement du
territoire dans un environnement respecté et une diversification
professionnelle organisée et encouragée.
(Applaudissements.)
M. le président.
Mes chers collègues, à ce stade du débat, nous allons interrompre nos travaux
; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze
heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant le ministère de l'agriculture et de la pêche.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Emorine.
M. Jean-Paul Emorine.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite,
en m'exprimant au nom du groupe des Républicains et Indépendants, saluer en
premier lieu le travail d'analyse des rapporteurs de nos commissions des
finances, des affaires économiques et des affaires culturelles.
Il n'est pas exagéré de dire que notre agriculture est à la croisée des
chemins.
Les difficiles crises conjoncturelles que le secteur a récemment traversées
dans un environnement international obscurci par les crises asiatique et russe
démontrent les problèmes d'adaptation à l'évolution des marchés
internationaux.
Les discussions sur les contributions financières des Etats membres de l'Union
- elles présentent le risque que la politique agricole commune ne devienne une
variable d'ajustement - le montrent également. Or, nous sommes convaincus -
mais est-il encore temps ? - qu'il convient de s'opposer fermement à toute «
renationalisation » de la PAC.
Le récent conseil agricole du mardi 24 novembre dernier a dégagé une méthode
pour avancer d'ici au sommet de Vienne. Le Gouvernement déploie parallèlement
une grande énergie pour relancer le dialogue incontournable avec
l'Allemagne.
L'axe politique franco-allemand issu des récentes élections peut-il
s'équilibrer en notre faveur ? Je crains que les bases sur lesquelles vous
engagez la négociation ne traduisent un signe de capitulation avant l'heure.
Vous seriez ainsi prêt à accepter une réduction des dépenses agricoles, à
condition que ce soit dans un cadre général où chacun ferait des sacrifices :
les agriculteurs, mais aussi les bénéficiaires des fonds structurels, les
britanniques pour la ristourne.
En ce qui concerne la PAC, je voudrais revenir sur une de mes propositions que
la mission sénatoriale d'information avait bien voulu reprendre à son compte et
qui porte sur la simplification des dossiers d'aides européennes. Les primes à
la vache allaitante et aux bovins mâles pourraient ainsi être globalisées en
fonction du nombre d'unités de gros bétail sur l'exploitation, au regard du
livre des bovins.
Vous me rétorquerez certainement que tous nos partenaires européens n'ont pas
l'équivalent de ce livre des bovins, mais pourquoi ne pas travailler dans ce
sens ?
Les agriculteurs, comme l'ensemble des citoyens de ce pays, sont saturés par
les complexités administratives. On est en train de fabriquer partout en France
des eurosceptiques ! Simplifier est donc une oeuvre d'intérêt général,
susceptible de leur redonner confiance en l'Europe.
Au sein de la Haute Assemblée, les quelques légères divergences d'appréciation
entre commissions, dues à l'interprétation des orientations stratégiques de
notre majorité politique, n'altèrent pas notre unité de vue sur les
insuffisances de ce projet de budget.
Notre agriculture doit relever des enjeux qui la placent à un tournant de son
développement. Notre collègue M. Gérard César a fort bien décrit les termes et
les thèmes du débat. Je n'y reviendrait pas. Nous partageons pleinement son
inventaire et ses diagnostics.
Toutes nos formes d'agriculture doivent être soutenues. C'est vrai non
seulement des filières les plus exportatrices, mais également des agricultures
spécifiques qui ont parfois le sentiment de ne pas avoir suffisamment l'oreille
des décideurs.
Ainsi en est-il de l'agriculture de montagne, chère à ma collègue Mme Janine
Bardou, qui reste trop souvent le parent pauvre dans la préparation des
réformes, notamment européennes.
L'absence de revalorisation des indemnités compensatrices de handicaps
naturels pour le cheptel laitier est regrettable. L'insuffisance structurelle
des crédits destinés aux bâtiments d'élevage en zone de montagne est également
un motif d'inquiétude et d'insatisfaction.
Les choix déterminants que le Gouvernement et la représentation nationale vont
devoir faire à court ou à moyen terme méritent tout le temps et toute
l'attention nécessaires à un bon dialogue républicain. Nous apprécions, sur nos
travées, monsieur le ministre, les efforts qui pourront être faits sur ce plan
et, en particulier, que soit évité le recours aux procédures d'urgence, comme
sur la loi d'orientation. Nous nous préparons, pour notre part, à un échange
constructif.
Nous allons examiner ce projet de loi d'orientation dans les prochaines
semaines.
Le présent projet de budget prend en compte les premières conséquences de ce
texte, en particulier quant au financement des contrats territoriaux
d'exploitation.
J'émettrai à cet égard trois réserves.
Premièrement, sur la méthode : nous avons à nous prononcer sur la traduction
budgétaire d'un dispositif législatif alors qu'il n'est pas encore adopté par
le Parlement.
Deuxièmement, sur les incertitudes concernant le financement ultérieur : en
pratique, pour 1999, les redéploiements se font au détriment d'autres actions
indispensables. J'y reviendrai dans un instant concernant l'intallation et
l'espace rural.
Troisièmement, sur les risques : des crédits européens sont en effet inclus
dans le mode de financement. Ne peut-on y voir le préalable à l'acceptation
d'une « renationalisation » de la PAC ?
Il conviendra, au cours du prochain débat, d'éclairer la manière dont le CTE
va s'articuler avec les aides compensatoires actuelles. Votre prédécesseur
n'avait pas été très clair sur ce point à l'Assemblée nationale, et on peut
légitimement craindre
in fine
un plafonnement de ces aides.
S'agissant du fonds de gestion de l'espace rural, je relève la pertinence des
propos de notre collègue M. Henri Revol, rapporteur des crédits de
l'aménagement rural, que j'ai présentés à sa place bien volontiers ce matin. Ce
fonds a connu, depuis sa création, une évolution fâcheuse. Il a pourtant, sur
le terrain, été employé de diverses manières, notamment au profit d'actions
conduites par les collectivités territoriales.
Je ne suis pas certain que les CTE permettront la même souplesse sur certains
travaux utilitaires d'entretien.
Il ne me semble pas non plus que le fonds de gestion des espaces naturels
prévu par le projet de loi d'orientation pour l'aménagement du territoire serve
un objectif comparable.
Les collectivités locales, qui pouvaient être antérieurement bénéficiaires du
fonds de gestion de l'espace rural, pourraient se retrouver financeurs du CTE,
comme vous l'avez laissé récemment entendre, monsieur le ministre, dans un
entretien donné à un grand quotidien du soir. Ce n'est pas ce à quoi elles
devraient s'attendre.
Ce budget comprend d'autres zones d'ombre. Ainsi en va-t-il du fonds des
calamités agricoles, dont la ligne budgétaire est bizarrement vide pour 1999.
Je partage entièrement l'analyse du rapporteur, M. Gérard César.
Monsieur le ministre, nous sommes plusieurs à réclamer une réponse précise sur
cette absence de respect des obligations de l'Etat.
Je souhaiterais également connaître votre position sur la mise en place dans
notre pays d'un mécanisme d'assurance-récolte.
Le projet de loi d'orientation prévoit la présentation d'un rapport du
Gouvernement au Parlement dans les six mois suivant la publication de loi. La
profession est favorable à un tel dispositif et elle réclame une
expérimentation rapide dans les différents secteurs de production. Or, cette
suppression de la dotation « calamités » dans le budget augure mal de la
volonté du Gouvernement de mettre en place un tel mécanisme. On voit en effet,
à travers les expériences étrangères, que la participation de l'Etat est
indispensable pour le faire fonctionner.
Comment voyez-vous la préparation de ce futur rapport gouvernemental et
considérez-vous que les délais impartis seront tenables ?
En ce qui concerne l'installation des jeunes, l'amputation du fonds
d'installation en agriculture, le FIA, à hauteur de 10 % au profit du fonds de
financement des CTE est à déplorer. On peut se demander, après notre collègue,
M. Joël Bourdin, si l'objectif des 10 000 installations pour 1999 est
réalisable. A mon sens, l'abandon du dispositif de préretraite est un facteur
d'explication de la baisse récente des installations.
Comme je l'avais exposé à votre prédécesseur, il me semble utile de maintenir
l'octroi de la préretraite aux agriculteurs qui s'engagent à céder leur
exploitation à des jeunes. C'est réalisable, car il s'agit, à 50 %, de fonds
européens.
Je me permets d'insister sur ce dossier. Mais nous aurons l'occasion d'en
rediscuter lors de l'examen de la loi d'orientation.
D'autres points méritent d'être évoqués, notamment la taxe générale sur les
activités polluantes.
Le Sénat a déjà exprimé son hostilité à cette nouvelle taxe en la
supprimant.
Une telle taxe a en effet des conséquences très négatives, à terme, sur le
financement de la politique de l'eau et sur sa gestion partenariale. Elle
matérialise, en outre, l'application stricte du principe « pollueur-payeur »,
rompant avec la politique d'incitation, de transparence et de responsabilité
précédemment engagée entre les agriculteurs et les pouvoirs publics, ne
serait-ce que pour les programmes de maîtrise des pollutions d'origine
agricole. Je regrette qu'un tel parti pris militant puisse être inscrit dans la
loi.
Enfin, le poids de la fonction publique rapporté au nombre d'agriculteurs nous
semble excessif. Cela ne vous étonnera pas venant des libéraux que nous
sommes.
A l'heure actuelle, les agriculteurs représentent un peu moins d'un million
d'actifs - ils étaient 950 000 en 1997 - et les fonctionnaires sont au nombre
de 30 243. Le ratio est donc d'environ 3 %. Comme chacun sait, la tendance est
à la baisse du nombre des actifs agricoles.
Parallèlement, de nombreux facteurs - la mise en place de l'euro comme une
gestion assainie des finances publiques - plaident en faveur d'un allégement
des charges publiques. Est-il dès lors justifiable de conserver une telle
fonction publique pour un secteur économique où la productivité est si
importante depuis une trentaine d'années ?
Interrogeons-nous sérieusement sur la pertinence de cette situation. Une
réflexion mérite d'être menée dans le cadre de la réforme de l'Etat. Dans la
lignée de ce qui avait été prévu par le précédent gouvernement, elle pourrait
passer, dans un premier temps, par un allégement des effectifs de
l'administration centrale. Ainsi, la perception qu'ont les citoyens d'une
agriculture suradministrée évoluerait peut-être.
Monsieur le ministre, je vous remercie par avance des réponses que vous
voudrez bien apporter aux observations et aux questions que je viens de
formuler. Le groupe des Républicains et Indépendants, fidèle à la stratégie
globale suivie par la majorité sénatoriale sur ce budget, suivra les
conclusions de la commission des finances.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne
reviendrai pas sur l'analyse technique de ce budget, parfaitement conduite par
le rapporteur, mon collègue M. Bourdin. Je souhaite inscrire mon propos dans
une perspective européenne à l'aune d'échéances essentielles, avant d'examiner
les crédits alloués à l'installation et aux retraites.
En effet, ce budget, qui constitue 2,4 % du budget national, n'est en rien
comparable aux sommes allouées dans le cadre de la PAC, la moitié du budget
communautaire étant consacrée à la première des politiques économiques
communes. Les concours communautaires à la France sont estimés à près de 67
milliards de francs pour 1999, soit deux fois votre projet de budget, monsieur
le ministre.
Considérant l'enjeu et la difficulté des négociations dans le cadre de
l'Agenda 2000, il y a donc de quoi être inquiet, monsieur le ministre, pour le
premier pays bénéficiaire de la PAC.
Tout d'abord, l'entrée prochaine dans l'Union de pays essentiellement
agricoles, les pays d'Europe centrale et orientale, accentuera
vraisemblablement l'aspect redistributif des politiques communautaires, et la
France devra faire face soit à une augmentation de sa contribution, soit à une
diminution de son taux de retour, voire aux deux à la fois...
Ensuite, les révisions proposées pour la réforme de la PAC sont radicales : la
forte baisse des prix d'intervention dans les trois secteurs des céréales, de
la viande bovine et du lait, et le cofinancement par les Etats des aides
directes ne sont ni acceptables par la France ni tenables pour les agriculteurs
français.
Si les baisses et les aides sont appelées à évoluer au cours des discussions,
la France ne peut accepter cette tentative de renationalisation, voire de
démantèlement accéléré de la PAC.
Monsieur le ministre, je sais votre hostilité à ces propositions, mais nous
souhaiterions connaître vos arguments pour convaincre nos partenaires.
A cette occasion, je voudrais vous suggérer, pour les céréales, une formule
qui a été bien accueillie par des experts européens. Elle permettrait de
concilier la volonté de préserver notre agriculture, de poursuivre sa vocation
exportatrice, de ne pas grever le budget agricole européen et de ne pas
renationaliser la politique agricole.
D'un côté, les agriculteurs savent qu'ils ne peuvent peser sur le marché
mondial et ils ne veulent pas dépendre de la spéculation et des cours fixés par
la bourse de Chicago ; de l'autre, ils se considèrent comme des entrepreneurs.
Nous pouvons concilier ces deux aspirations.
Garantissons aux agriculteurs le prix de la production consommée à l'intérieur
de l'Union européenne, avec une production plafond, par exemple 50 quintaux à
l'hectare payés 100 francs pour le blé. Toute production supérieure à ces 50
quintaux serait vendue au prix du marché libre, non subventionnée, et serait
mécaniquement destinée à l'exportation. L'agriculteur conserverait sa qualité
d'entrepreneur puisqu'il calculerait ses objectifs en fonction de ses
marges.
M. Jean-Louis Carrère.
Que ne l'avez-vous fait plus tôt !
M. Aymeri de Montesquiou.
Le surcoût de la consommation interne pris en charge par le consommateur
serait minime, car le prix de la matière première intervient peu dans le prix
des produits finis. Par exemple, le blé n'entre que pour 7 % ou 8 % dans le
prix d'une baguette. Alors que représentent quelques centièmes d'euro en plus
pour la ménagère européenne ?
Cette formule garantirait un revenu à l'agriculteur tout en lui conservant,
par ses choix techniques, la liberté de son volume de production. L'Europe
n'aurait plus à subventionner des exportations essentiellement françaises, ce
qui nous sortirait de l'isolement dans lequel les problèmes agricoles nous ont
trop souvent confinés. Les sommes ainsi dégagées pourraient être affectées à
l'installation des jeunes et à la ruralité dans son ensemble.
Ce système de double prix est simple dans son principe et économique dans ses
applications. Il permettrait de réconcilier les agriculteurs et leurs familles
avec l'Europe.
Les agriculteurs sont inquiets, monsieur le ministre. Ils voient les prix de
leurs productions baisser, constatent l'érosion des subventions et craignent
leur remise en cause. Ils vont se trouver dans des situations financières
extrêmement difficiles, sauf peut-être dans les grandes régions céréalières, où
les rendements avoisinent ou dépassent les 100 quintaux. La disparition de
beaucoup d'entre eux va avoir des conséquences économiques et sociales
inacceptables, et va aller à l'encontre d'une politique d'aménagement du
territoire voulue par une classe politique unanime.
Cette forte dépendance européenne de l'agriculture française ne doit pas
dédouaner le Gouvernement français de ses responsabilités nationales. Vous
auriez beau jeu, monsieur le ministre, de vous défausser sur Bruxelles, en
accusant l'Europe de tous les maux.
Vous devez constamment vous battre pour défendre l'agriculture française au
niveau européen, en ayant une marge de manoeuvre réduite. Alors, utilisez ces
33 milliards de francs de budget, dont vous êtres totalement responsable, pour
faire les bons choix !
Le projet de budget que vous soumettez à notre examen paraît dégager quatre
priorités : le financement des contrats territoriaux d'exploitation, les
crédits consacrés à la sécurité et à la qualité alimentaires, l'installation
des jeunes et les retraites.
En ce qui concerne les CTE, permettez-moi de m'étonner à mon tour que le
projet de financement de ce nouveau dispositif intervienne avant la
présentation du texte qui le crée, le projet de loi d'orientation agricole
n'étant soumis au Sénat qu'en janvier 1999. C'est vouloir préjuger le vote des
élus de la Chambre haute sur le principe même de cette mesure, et je n'ose y
voir un manque de considération. A l'origine, le projet a été plutôt bien
accueilli par la profession. Il suscite aujourd'hui des réserves, sans compter
le mécontement de ceux qui n'ont pas été associés à son élaboration, notamment
les propriétaires agricoles.
Sur le deuxième point, on peut se réjouir de l'augmentation de plus de 10 %
des crédits consacrés à la sécurité et à la qualité alimentaires : c'est
montrer qu'après la crise de l'ESB l'Etat prend ses responsabilités en matière
de sécurité sanitaire.
Permettez-moi ensuite d'attirer votre attention sur deux moments clés de la
vie des agriculteurs, à l'entrée et à la sortie de leur vie professionnelle.
Souvent séparés par quarante ans de travail, ces deux moments sont en réalité
étroitement liés.
D'un côté, les agriculteurs ne transmettront leur exploitation que s'ils
bénéficient d'une retraite décente et sont assurés du devenir de leurs terres.
De l'autre, et même si ce n'est pas leur motivation première, les jeunes
accepteront de prendre la relève à la condition de revenus justes et d'une
retraite décente.
Monsieur le ministre, en affichant un objectif volontariste de 10 000
installations aidées de jeunes agriculteurs, vous affirmez que la politique de
l'installation est une de vos priorités, et je m'en réjouis.
Cette politique, qui comprend des mesures financières, fiscales et sociales,
intervient dans un contexte démographique particulier. Tout d'abord, le nombre
de départs diminue avec l'arrivée à l'âge de la retraite de classes d'âge moins
nombreuses ; ensuite, le nombre de jeunes ruraux susceptibles de reprendre une
exploitation est en diminution, et il s'agit d'élargir le recrutement et de
favoriser l'installation de jeunes non issus du milieu agricole.
Je salue donc au passage la progression de 6 % des sommes allouées à
l'enseignement agricole. L'étroitesse des marges, la technicité indispensable
et la finesse de la gestion nécessitent une très bonne formation.
Cependant, il est évident que les moyens spécifiques que vous avez dégagés
sont insuffisants au regard de l'objectif ambitieux que vous souhaitez
atteindre, car si la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs reste
stable, les crédits du fonds pour l'installation en agriculture, que vous avez
créé l'an dernier, baissent de 10 %. Ces 10 % sont affectés au contrat
territorial d'exploitation, dont la pertinence n'est pas démontrée.
De plus, nuisant directement à l'installation des jeunes, la décision de clore
l'an dernier le régime de préretraite tel qu'il avait été modulé par la loi de
modernisation de l'agriculture en 1995 est une mauvaise décision, monsieur le
ministre, en complète contradiction avec vos objectifs. Ce système avait fait
ses preuves en permettant la libération anticipée de terres pour des jeunes qui
s'installent. Il permettait aussi à l'exploitant de partir dignement, ce qui
n'est plus du tout le cas aujourd'hui.
Vous avez supprimé un système qui fonctionnait et, paradoxalement, vous avez
maintenu des mesures qui n'étaient pas parfaitement adaptées. En effet, un
rapide bilan des programmes pour l'installation des jeunes en agriculture et le
développement des initiatives locales, les PIDIL, financés sur le fonds pour
l'installation et le développement des initiatives locales, le FIDIL, montre
que le taux de consommation des crédits est faible : 51 millions de francs ont
été engagés sur 300 millions de francs inscrits au budget. De même, les
effectifs des candidats aux stages de préparation à l'installation restent
inférieurs aux prévisions volontaristes.
De plus, comment convaincre un jeune de devenir agriculteur si le montant de
ses futurs droits à retraite est très inférieur à celui auquel pourront
prétendre les jeunes exerçant une autre profession ? La revalorisation actuelle
des retraites est bien un enjeu pour l'avenir.
Ces retraites concernent aujourd'hui plus de 2 millions de personnes qui ont
assuré la richesse de notre agriculture, la modernisation de nos campagnes et
fait la preuve d'une formidable capacité d'adaptation au monde moderne.
Cependant, la moyenne des retraites agricoles est inférieure de 30 % à la
retraite des salariés, ce qui limite également la solidarité entre les
générations.
Dans ce projet de budget, vous poursuivez une revalorisation engagée en 1994
pour la première fois depuis 1981, mais ce n'est toujours pas suffisant.
Certes, l'effort budgétaire consenti est lourd, mais n'oublions pas que la
majoration porte les pensions des différentes catégories à des montants
planchers de 2 200 francs à 3 000 francs seulement, pour une carrière complète
dans l'agriculture.
Cette revalorisation est ainsi améliorable dans son organisation comme dans
son montant.
M. Jean-Louis Carrère.
Que ne l'avez-vous fait !
M. le président.
Monsieur Carrère, vous interviendrez plus tard !
M. Aymeri de Montesquiou.
Nous avions commencé à le faire !
Que penser, en effet, de la retraite du conjoint, bien inférieure à celle des
autres catégories, alors qu'il a généralement travaillé autant ? Il y a
aujourd'hui une véritable discrimination que vous entretenez, monsieur le
ministre, le conjoint étant dans la quasi-totalité des cas une conjointe.
L'alignement de la retraite du conjoint sur celle de l'exploitant respectera
enfin l'égalité des droits entre les hommes et les femmes dans le monde
agricole.
Les propositions que je formulerai sur les montants sont précises.
Dans l'immédiat, il s'agit de porter le niveau minimal des retraites au niveau
minimum vieillesse, soit 3 470 francs pour une personne seule et 6 226 francs
pour un ménage. Comment accepter en effet que, après toute une vie de labeur,
un agriculteur dispose de ressources inférieures au RMI et inférieures à celles
de n'importe quel Français n'ayant jamais exercé d'activité professionnelle ?
C'est également inacceptable pour les polyretraités dont les revenus cumulés
n'atteignent pas le minimum vieillesse.
A brève échéance, les retraites minimales devraient être portées à 75 % du
SMIC, comme cela est promis depuis bien longtemps par les plus hauts
responsables de notre pays. L'effort budgétaire nécessaire à cette
revalorisation représenterait de 4 à 5 milliards de francs.
De manière plus fondamentale, je vous propose l'intégration du système de
retraites des agriculteurs dans le système général des retraites. Aujourd'hui,
les agriculteurs ne représentent plus que 6 % de la population active et ne
souhaitent plus être différenciés dans le domaine des retraites, même s'ils
gardent par la MSA une identité forte.
M. René-Pierre Signé.
Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?
M. Aymeri de Montesquiou.
Cette mise à plat du système de retraites est nécessaire. Il s'agit de
l'adapter pour retrouver un système de retraite juste.
En conclusion, une politique volontariste et efficace de l'installation des
jeunes agriculteurs associée à une réforme en profondeur du système de retraite
est indispensable.
Je suivrai l'avis de la commission des affaires économiques et je serai très
attentif aux réponses que vous voudrez bien nous apporter.
M. le président.
Mes chers collègues, je souhaite la bienvenue aux élèves d'un collège
d'Ille-et-Vilaine et à leur enseignant qui participent en tant qu'auditeurs à
nos travaux. Je tiens à les en féliciter. C'est une magnifique leçon
d'éducation civique !
(Applaudissements.)
La parole est à M. Doublet.
M. Michel Doublet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
budget qui nous est présenté aujourd'hui à l'occasion de l'examen du projet de
loi de finances pour 1999 est en baisse de 6 % par rapport à 1998 ; il ne fait
donc plus partie des priorités du Gouvernement. Ce constat intervient à un
moment où notre agriculture est confrontée à une double mutation : une nouvelle
réforme de la PAC et la perspective d'une nouvelle loi d'orientation
agricole.
La seule innovation inscrite dans ce projet de budget vient du financement des
CTE, qui sont dotés, pour 1999, de 300 millions de francs, auxquels devraient
s'ajouter 150 millions de francs de crédits européens. Je regrette vivement que
la dodation de ce fonds se fasse, pour 1999, par un redéploiement total ou
partiel des crédits alloués aux divers fonds existants. Je m'étonne,
d'ailleurs, que l'on puisse prévoir des crédits pour un dispositif qui n'a pas
encore reçu l'approbation du Parlement puisque le projet de loi d'orientation
agricole n'est pas encore venu en discussion devant le Sénat. Je trouve par
ailleurs très aléatoire de compter sur un financement européen. Il est en effet
à craindre que les futures négociations sur la PAC ne rendent très difficile
l'obtention d'aides communautaires.
J'apprécie, en revanche, la progression des crédits affectés à l'enseignement
agricole, qui reste l'une des priorités de ce projet de budget. Toutefois, nous
devons nous garder de lui donner un caractère de « multifonctionnalité », car
notre enseignement agricole doit garder sa spécificité et son autonomie.
Deux problèmes restent cependant en suspens.
Tout d'abord, les crédits de l'enseignement privé ne sont pas réévalués en
fonction de l'inflation, alors qu'ils devraient bénéficier des mêmes
dispositions que l'enseignement agricole public.
Ensuite, les crédits de la formation professionnelle continue sont en
régression.
En outre, l'effort budgétaire consenti en faveur de l'installation
s'essouffle. Ainsi, les crédits affectés à la dotation aux jeunes agriculteurs
sont simplement reconduits, et ceux du FIA - le fonds d'installation en
agriculture, créé en 1998, qui nous avait été présenté comme un outil moderne
destiné à promouvoir l'installation - sont réduits d'à peu près 10 % au profit
du financement des CTE. Je me demande si la baisse des crédits du FIA permettra
d'atteindre les objectifs prévus. De plus, quel bilan des actions menées grâce
à ce fonds peut-on dresser après une année de fonctionnement ?
J'ajouterai que, devant la chute du nombre des installations, on peut
s'interroger sur l'efficacité des mesures classiques. Il faut réaffirmer le
rôle politique de la bonification des prêts à l'agriculture et fixer les
objectifs, en prévoyant notamment la baisse des taux et le perfectionnement de
la réglementation, en vue de faciliter le recours à ce dispositif.
Permettez-moi maintenant, mes chers collègues, d'aborder le problème de la
revalorisation des retraites. Si je constate que celle-ci est prévue par le
projet de loi de finances pour 1999, il n'en reste pas moins que certaines
difficultés demeurent. Il faut que - parallèlement à la revalorisation
progressive des retraites, échelonnée sur plusieurs années - soit décidée dans
les plus brefs délais la revalorisation du minimum vieillesse, car les deux
tiers des personnes qui recourrent au fonds social vieillesse sont des
retraités agricoles.
De plus, le relèvement rapide du minimum vieillesse à 75 % du SMIC permettrait
de répondre à un réel besoin social.
Si ce budget affiche des priorités, il présente aussi des lacunes.
C'est le cas des mesures agri-environnementales pour lesquelles un effort
minimum a été consenti. Le budget qui leur est consacré est très nettement
insuffisant. On peut ici citer deux exemples : la prime à l'herbe et la
conversion à l'agriculture biologique. En ce qui concerne la prime à l'herbe,
de nombreuses contraintes n'ont pu être levées telles que, par exemple, le
durcissement des conditions d'attribution en 1998.
Il faudrait, en réalité, faire le contraire et élargir le champ de son
application à l'ensemble des zones à vocation herbagère pour en faire un
véritable outil de l'aménagement du territoire.
De plus, son montant devrait être revalorisé afin de rendre la mesure plus
incitative pour le maintien et l'entretien des surfaces en herbe.
Quant aux mesures de conversion à l'agriculture biologique, il conviendrait
d'en augmenter les crédits, car il s'agit d'un secteur porteur.
La mise en oeuvre du plan de relance de l'agriculture biologique doit être
impérativement poursuivie et améliorée afin de faire face à l'engouement de
plus en plus grand qu'elle rencontre.
Ce budget comporte une autre lacune : le refus de l'Etat de verser sa
quote-part au fonds national de garantie contre les calamités agricoles. C'est
une remise en cause pure et simple du principe de la parité pour le financement
de ce fonds.
Ce désengagement de l'Etat, sans précédent, augure mal de la volonté future
des pouvoirs publics de mettre en place, dans les années à venir, une assurance
récolte. Cette décision sera, je le pense, très mal perçue par nos
agriculteurs, et notamment par ceux des régions productrices de fruits et
légumes qui sont, malheureusement, souvent soumis aux aléas climatiques.
Je profite de l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui pour insister tout
particulièrement sur la crise très importante traversée par les viticulteurs
charentais producteurs de cognac. La situation a frôlé et pourrait encore
frôler prochainement, je peux en témoigner, l'explosion. Elle est en partie due
au fort taux d'endettement des exploitations, à l'effondrement du marché
asiatique et à des taxations abusives et excessives. Les pouvoirs publics ont
annoncé une série de mesures en faveur de la région délimitée Cognac. J'attends
avec impatience la mise en place du plan qui vient d'être adopté.
Deux volets de mesures ont été pris par les pouvoirs publics. Je noterai que,
sur le volet structurel, les viticulteurs reconnaissent qu'il y a eu des
efforts d'ouverture intéressants. Cependant, une concertation approfondie devra
avoir lieu sur différents points comme la mise en place de la QNV modulable
dans le plan d'adaptation, l'évolution de la fiscalité sociale des stocks de
cognac et du revenu du travail, l'amélioration de la participation du ministère
au budget de promotion, la reconversion et enfin le dossier des charges
patronales.
En revanche, sur le volet conjoncturel, les viticulteurs considèrent - je suis
de leur avis - que les mesures proposées sont très nettement insuffisantes.
Ainsi, l'aide à la trésorerie ne correspond pas totalement aux besoins de la
région délimitée : le taux pour les viticulteurs non « jeunes agriculteurs »
reste inconnu et le critère de 50 % du chiffre d'affaires total est
inacceptable.
Par ailleurs, les pouvoirs publics refusent absolument l'attribution d'une
aide directe de 1 000 francs à l'hectare pour soutenir les prix.
De plus, aucun crédit supplémentaire au titre des prises en charge des
cotisations à la mutualité sociale agricole pour 1998 n'a été accordé alors que
les crédits déjà obtenus apparaissent insuffisants.
Enfin, la mise à disposition des 20 millions de francs du FAC n'a pas été
évoquée : la région n'a encore rien reçu malgré un accord de principe.
Finalement, ce projet de budget ne fait que traduire le manque de soutien de
plus en plus fréquent de l'Etat envers nos agriculteurs. Nous ne sommes plus
ici dans une logique économique agricole et de compétitivité ; nous sommes dans
une logique administrative.
Pour toutes ces raisons, je suivrai l'avis émis par M. César, au nom de la
commission des affaires économiques.
(Applaudissements sur les travées du
RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Boyer.
Mme Yolande Boyer.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme mon
collègue Jean-Marc Pastor l'a annoncé ce matin, mon intervention portera sur le
projet de budget consacré à la pêche et aux cultures marines.
Ce budget s'élève à 190 millions de francs. Certes, comparé à l'ensemble du
budget que vous avez en charge, on pourrait considérer qu'il est d'une relative
faiblesse.
Il correspond au maintien de la dotation de 1998. Mais ce maintien est
significatif. En effet, après la grave crise subie par la pêche dans les années
1990, les crédits ont progressé de près de 30 % depuis 1995.
Je souhaite dire l'importance économique de ce secteur en France et notamment
dans une région comme la mienne, la Bretagne, première région de production,
qui fournit à elle seule la moitié des quantités. Elle est aussi la région la
plus concernée par la pêche maritime en nombre de navires puisqu'elle totalise
41 % de la puissance disponible.
Une partie très importante de ce projet de budget - 95,59 millions de francs -
est réservée aux actions structurelles de développement menées par l'OFIMER,
qui remplace le FIOM, le fonds d'intervention et d'organisation des marchés,
dont les dotations depuis 1993 ont été multipliées par quatre.
A travers la création de cet office des produits de la mer et de
l'aquaculture, il s'agit de promouvoir une véritable politique de filière. Il
doit contribuer au partenariat entre l'amont et l'aval de la filière et
favoriser, ce qui me paraît essentiel, la qualité et la promotion des produits.
Il s'agit là de la première traduction financière d'un élément majeur de la
loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines, adoptée à
l'unanimité à l'Assemblée nationale et au Sénat en 1997.
Puisque j'évoque ce texte, permettez-moi de rappeler une autre avancée,
majeure à mes yeux, relative au statut du conjoint ou, le plus souvent, de la
conjointe d'exploitant.
Les femmes embarquent rarement, mais sont très présentes dans l'exploitation ;
elles veillent à la gestion, aux relations avec les services administratifs, à
la commercialisation, à la transformation des produits.
Ce statut reconnaît à la femme un rôle dans le fonctionnement de l'entreprise
et lui confère des droits propres, non seulement des droits sociaux, mais aussi
le droit à la formation. C'est une des conquêtes des femmes du littoral, dont
on connaît le rôle essentiel au moment de la crise de la pêche.
A travers deux de ses aspects majeurs, je viens de souligner l'importance de
la loi d'orientation, mais je dois souligner aussi - je le regrette - le retard
pris dans la sortie des décrets d'application.
On ne peut aborder le sujet de la pêche française sans parler du contexte
international, particulièrement de l'Union européenne.
La réussite du POP IV doit nous permettre une relance maîtrisée de la
construction des bateaux pour un équilibre entre les ressources de la pêche et
leur exploitation.
Je me fais ici l'écho des légitimes préoccupations des professionnels,
notamment des jeunes. Ils veulent avoir l'assurance que, en dépit de la rigueur
communautaire, la France va pouvoir relancer la construction de bateaux. Je
plaide fortement pour que nous puissions retrouver notre capacité de pêche et
garder nos marins. Je sais pouvoir compter sur la fermeté du Gouvernement,
comme cela fut le cas avec votre prédécesseur, M. Le Pensec, sur le dossier des
filets maillants dérivants. Sur ce dossier, nous sommes solidaires du
Gouvernement, qui souhaite se joindre au recours des pêcheurs.
Je souhaite, en dernier lieu, aborder le sujet de la formation.
Il est bien de se battre pour défendre une profession, mais encore faut-il que
ses membres aient une bonne formation.
Valoriser la formation maritime est indispensable : pourquoi ne pas créer un
baccalauréat professionnel pêche ? Ce serait, à mon avis, un instrument de
promotion sociale et un moyen d'aligner l'enseignement maritime sur l'évolution
générale de l'enseignement en France. Je sais que la désaffection pour le
métier de marin est un phénomène général en Europe lié à deux facteurs :
l'image de la profession maritime et les conditions de travail.
Les résultats de l'enseignement maritime sont remarquables mais ils ne doivent
pas conduire à différer une modernisation qui s'avère indispensable pour
conforter son avenir. Je sais bien que les écoles ne dépendent pas de votre
ministère, mais parler de la pêche et de son avenir sans évoquer la formation
des jeunes me paraît inconcevable.
Par ailleurs, 90 % des élèves formés dans ces écoles se destinent à la pêche
et à l'aquaculture. C'est pourquoi je m'interroge sur la pertinence d'un
rattachement des écoles maritimes et aquacoles à votre ministère.
J'insisterai, en conclusion, sur la nécessité d'accélérer la parution des
décrets d'application de la loi d'orientation pour la pêche, car le retard
risque de compromettre l'efficacité d'une loi novatrice.
Votre budget, monsieur le ministre, traduit la volonté que la France conserve
une activité de pêche vivante dans une Communauté qui peut sembler rigoureuse à
son égard. C'est pourquoi le groupe socialiste votera ce budget.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais
consacrer mon intervention à l'agriculture de montagne, que notre collègue M.
Emorine a évoquée voilà quelques instants. Force est, d'abord, de constater que
ce budget ne figure pas au rang des priorités fixées par le projet de budget
qui est soumis à notre examen.
Cette analyse, monsieur le ministre, est d'ailleurs largement partagée par les
membres du groupe « montagne » de la Haute Assemblée, comme par tant et tant
d'exploitants agricoles et de responsables professionnels de nos massifs
montagneux.
Si l'indemnité compensatoire de handicaps naturels et l'aide à la restauration
des terrains en montagne répondent, au moins en partie, aux attentes, les
concours spécifiques, comme le fonds de gestion de l'espace rural, et surtout
les crédits d'aide à la modernisation des bâtiments d'élevage et à la
mécanisation connaissent une évolution très pénalisante.
De fait, l'indemnité compensatoire de handicap naturel constitue un motif de
relative satisfaction. Il faut en effet saluer sa progression de 1,5 %, qui
correspond à une revendication déjà ancienne des agriculteurs de montagne.
Mais cette augmentation ne vient que partiellement compenser la réduction de
5,5 % dont avait souffert cette ligne de crédits voilà deux ans. Au surplus,
cette révision ne concerne que les seuls bovins de la filière viande, à
l'exception des autres élevages, et vous comprendrez, monsieur le ministre, que
cette mise à l'écart puisse être mal ressentie par les éleveurs ovins et
caprins, ainsi que par les producteurs de lait, qui entretiennent bien souvent
les territoires les plus difficiles.
Je classerai également dans le registre des propositions relativement
satisfaisantes les crédits d'aide à la restauration des terrains en montagne :
leur progression, de 6,1 %, est en effet significative. Mais, pour assurer la
restauration lourde et urgente de nombreux ouvrages centenaires de protection
en haute montagne, il serait nécessaire, de l'avis des élus et des responsables
locaux, que les moyens budgétaires soient augmentés de 30 millions de francs,
afin d'adapter les possibilités de financement à l'importance des risques
pesant sur certains ouvrages du fait de leur ancienneté.
Telles sont, monsieur le ministre, les orientations qui nous paraissent aller
dans la bonne direction.
Je voudrais maintenant en venir aux choix que vous nous proposez mais sur
lesquels je ne saurais porter la même appréciation.
Je soulignerai, d'abord, que les surcoûts des contrôles et des actions
techniques de l'élevage de montagne ne sont aucunement compensés par ce projet
de budget puisque l'aide technique à l'élevage a pratiquement atteint un niveau
zéro.
Vous me permettrez, ensuite, de regretter la disparition des crédits du fonds
de gestion de l'espace rural, de 140 millions de francs en 1998.
Ces crédits devant être intégrés au nouveau fonds de financement des contrats
territoriaux d'exploitation, créé dans le projet de budget pour 1999, les
collectivités territoriales comme les propriétaires forestiers seront privés de
toute possibilité d'accéder à de tels financements, ce qui pénalisera notamment
les activités sylvicoles et pastorales, alors même qu'il n'est pas du tout
avéré que le dispositif du contrat territorial d'exploitation sera adapté aux
vastes secteurs de haute montagne ; seul, en effet, le pastoralisme a,
jusque-là, fait la preuve de sa capacité à assurer une gestion convenable de
ces espaces.
C'est pourquoi il est important qu'une alternative à l'intégration du fonds de
gestion de l'espace rural dans le fonds de financement des contrats
territoriaux d'exploitation puisse être proposée tant aux collectivités locales
de montagne qu'aux activités forestières.
En effet, si aucune mesure n'était envisagée pour accompagner les transferts
des crédits du FGER, ce fonds redeviendrait un pur instrument de la politique
agricole, alors que le législateur avait initialement prévu qu'il puisse servir
à des opérations relevant de l'aménagement non seulement des territoires
agricoles mais aussi des espaces sylvicoles.
Je voudrais maintenant aborder, monsieur le ministre, le chapitre le plus
préoccupant de ce projet de budget : celui des crédits d'aide à la
modernisation des bâtiments d'élevage et à la mécanisation.
Ces crédits sont notoirement insuffisants pour répondre aux besoins des
agriculteurs de montagne !
En effet, alors que les exploitations doivent supporter en permanence
d'importants surcoûts dans leurs investissements, en raison de l'altitude, du
relief et du climat, et sont contraintes de réaliser leurs travaux sur des
périodes très limitées de l'année, l'insuffisance des crédits disponibles
oblige de nombreux agriculteurs à renoncer à des subventions pourtant prévues
dans le dispositif de la politique agricole de l'Etat !
Cette situation a été dénoncée par l'ensemble des organisations
professionnelles agricoles des départements de montagne et a fait l'objet de
démarches renouvelées des parlementaires savoyards, en particulier, auprès de
votre ministère au cours des derniers mois ; mais ce problème urgent ne reçoit,
hélas ! aucune solution dans le projet de budget qui nous est soumis.
En effet, ne sont prévus que 45 millions de francs pour la modernisation des
bâtiments d'élevage et 1 million de francs d'aide à la mécanisation, alors que
les besoins annuels s'élèvent à 4 millions de francs dans le seul département
de la Haute-Savoie.
Il est, par conséquent, primordial qu'une solution à ce problème récurrent
puisse être enfin trouvée, d'autant que, par ailleurs, des travaux de
modernisation considérables sont imposés aux agriculteurs pour la mise aux
normes de leurs installations de fabrication, pour la délivrance par la
direction des services vétérinaires de l'agrément au 1er janvier 1999,
indispensable à la poursuite de leurs activités.
Pour ce faire, il conviendrait d'augmenter ces deux lignes budgétaires
d'environ 40 millions de francs et d'assurer le rattrapage nécessaire pour
résorber les files d'attente existantes. Pour citer une fois encore l'exemple
de la Haute-Savoie, près de 2 millions de francs de subventions, qui auraient
normalement dû être versées à ce titre en 1998, n'ont pu être mandatées jusqu'à
présent, faute de crédits.
Une telle mise à niveau des moyens budgétaires s'impose à la fois comme un
acte d'application par l'Etat de ses engagements, mais aussi comme une mesure
d'équité compte tenu de l'effort consenti par les collectivités territoriales,
qui seules financent les aides à la dépollution, imposée par la loi, des
exploitations de moins de soixante-dix unités de gros bétail.
En conclusion, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous demander que,
au-delà de ce budget et des dispositions financières que j'appelle de mes
voeux, le projet de loi d'orientation agricole, que vous présenterez
prochainement devant le Sénat, soit l'occasion de donner un signal fort aux
agriculteurs de montagne : trop souvent, ceux-ci déplorent que leurs handicaps
soient relégués au second plan et qu'ils ne reçoivent pas les légitimes mesures
de compensation qu'ils sont en droit d'attendre de la collectivité nationale.
(M. le rapporteur spécial applaudit.)
M. le président.
La parole est à M. Le Grand.
M. Jean-François Le Grand.
Monsieur le ministre, je ne dirai rien de la partie agricole de votre budget,
d'autres avant moi, notamment mes collègues MM. Doublet et Debavelaere, s'étant
excellemment exprimés sur ce sujet.
Mon propos concernera la pêche, car je souhaite attirer votre attention sur
trois points relatifs à cette activité.
Je l'évoquerai d'abord sous l'angle de la gestion des plans d'orientation
pluriannuels, les POP ; ce point touche essentiellement la Basse-Normandie.
Je ne vais pas vous abreuver de chiffres. Je voudrais simplement vous rappeler
que la Basse-Normandie est la troisième région française de production en
matière de pêche, mais qu'elle est la première, quantitativement et
qualitativement, en ce qui concerne le coquillage de pêche.
Le prélèvement global qui est opéré par la flotille de pêche en
Basse-Normandie touche moins de 1 % des espèces relevant de la gestion
communautaire. Ce prélèvement extrêmement faible nous laisse une grande
capacité de pêche pour d'autres espèces, ne faisant donc pas l'objet de quotas,
mais à haute valeur ajoutée car ce sont des espèces relativement nobles,
notamment la coquille et le coquillage de pêche.
Dans le cadre des POP nous est imposée une réduction du nombre de
kilowattheures. Il convient ici de préciser que, en Basse-Normandie, nous
n'avons que très peu de bateaux de plus de seize mètres : la plupart sont même
des bateaux de moins de douze mètres. Il s'agit donc d'une pêche côtière,
journalière : c'est ce qu'on appelle la « petite pêche ». Compte tenu de cette
double spécificité - faiblesse du prélèvement d'espèces sous quotas
communautaires, taille de la plupart des bateaux pratiquant la pêche en mer -
je souhaiterais qu'il vous soit possible, monsieur le ministre, d'aborder la
question de l'orientation pluriannuelle pour la Basse-Normandie d'une manière
un peu différente et de nous autoriser à disposer d'un peu plus de
kilowattheures.
Il ne s'agit pas d'aller au-delà de ce qui est autorisé, de faire un cas
particulier de la Basse-Normandie ; il s'agit seulement de tenir compte de la
spécificité de la pêche basse-normande, tout en pratiquant une gestion
raisonnée.
Le deuxième point que je souhaite aborder est d'ordre moins local.
Le comité interministériel d'exploitation de la mer a institué différentes
zones de pêche. Parmi elles, la zone VII constitue un vaste espace de pêche
comprenant la mer de la Manche, séparée en deux zones : VII D et VII E pour
Manche-Est et Manche-Ouest. C'est au sein de ces deux zones que sont prélevées
les espèces hors quotas communautaires.
Il ne serait pas inintéressant de se doter, au sein de la mer de la Manche,
d'une sorte de
Channel box,
comme il existe une
Irish box
dans
une autre région, et de faire en sorte que cette gestion régionalisée associe
les riverains de la mer de la Manche, c'est-à-dire les pêcheurs de
Grande-Bretagne, de Belgique et tous ceux qui viennent pêcher dans cette
zone.
Grâce à ce
Channel box,
nous pourrions pratiquer une gestion encore
plus fine de la ressource. Nous y aurions tout intérêt, afin de valoriser
encore mieux ces espèces relativement nobles, qui se vendent d'ailleurs, pour
ce qui concerne les ports bas-normands, à 60 % dans les criées.
Le troisième point découle du précédent. En effet, une gestion de type
Channel box
nous permettrait de régler les différends qui surgissent
régulièrement et que vous connaissez.
(M. le ministre sourit.)
Bien sûr,
cela vous fait sourire, monsieur le ministre. Certes, ce n'est pas la guerre
des Malouines, mais nous avons tout de même quelques difficultés pour pêcher
dans les eaux des îles anglo-normandes.
Sur ce point, je souhaite que l'on en revienne au
modus vivendi
qui
avait été trouvé en 1994, mais pour une durée relativement courte. Cette
solution serait susceptible de donner satisfaction à tout le monde. C'est tout
le problème des droits historiques : les Britanniques dénient aux Français des
droits de pêche historiques que ceux-ci revendiquent. C'est en fait une
question d'interprétation, et j'ose espérer que nous arriverons à nous mettre
d'accord.
D'ailleurs, monsieur le ministre, nous sommes sur le point de parvenir à un
accord avec le bailliage de Jersey. Les pêcheurs jersiais et les pêcheurs
français sont à peu près d'accord sur la présence de certains bateaux dans les
boxes
des environs de Jersey. Ils sont même d'accord sur les Roches
Douvres. Bref, nous sommes vraiment tout près d'un accord avec Jersey. Cela
nous permettrait probablement d'aller plus vite pour la conclusion de l'accord
à venir avec nos amis - parce qu'ils restent néanmoins nos amis - des îles du
bailliage de Guernesey.
Je serais très heureux que vous m'apportiez des réponses pertinentes à des
questions qui ne le sont pas moins, non pas parce que je les ai posées, mais
parce que ce sont les pêcheurs qui les posent.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Piras.
M. Bernard Piras.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour
apprécier le projet de budget de l'agriculture qui nous est proposé pour 1999,
il convient de situer le contexte, tant international que national, dans lequel
celui-ci intervient.
L'agriculture et le monde rural sont actuellement au centre de très nombreuses
réformes.
Ainsi, l'Agenda 2000 regroupe, d'une part, la réforme de la PAC et, d'autre
part, la réforme des fonds structurels, et ce dans la perspective de
l'élargissement de l'Union européenne.
La réforme de la PAC adoptée en 1992 reposait sur les principes suivants :
baisse significative des prix garantis, compensation des pertes de revenus par
des paiements compensatoires, instauration d'un gel des terres obligatoire.
La nouvelle réforme proposée par la Commission européenne procède d'un double
mouvement : un approfondissement de la réforme de 1992, par une nouvelle baisse
des prix et un effort pour que la PAC soit mieux perçue par les opinions
publiques. Au-delà des vives réactions suscitées par ce projet, se posent deux
problèmes principaux : la priorité accordée ou non à l'agriculture dans le
développement rural ; la prise en charge par chaque Etat membre d'une partie
des aides à l'agriculture.
La réforme des fonds structurels, qui ont pour vocation de compenser les
disparités régionales au sein de l'Union européenne, constitue l'autre volet de
l'Agenda 2000.
L'objectif 2 regrouperait les zones rurales en difficulté, les zones
industrielles en difficulté et les quartiers urbains en difficulté. Il est à
noter que ce nouveau système de zonage est moins rassurant pour le monde rural
que l'ancien puisque, auparavant, un seul et même objectif le concernait.
Pour ce qui est du contexte national, l'examen du projet de budget pour 1999
intervient entre l'adoption en première lecture à l'Assemblée nationale, en
octobre dernier, et l'examen par le Sénat, en janvier prochain, du projet de
loi d'orientation agricole. Celui-ci se caractérise avant tout par une volonté,
d'une part, de redistribution plus sélective de l'argent public et, d'autre
part, de réorientation de l'agriculture française à travers les contrats
territoriaux d'exploitation vers des modes de production plus soucieux de
l'environnement, de l'emploi, du territoire et de la qualité des produits.
A cela, il faut ajouter le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et
le développement dit « durable » du territoire, qui vient d'être déposé sur le
bureau de l'Assemblée nationale et qui doit conduire à un nouvel équilibre
entre le développement des villes et celui des campagnes.
Comme on peut le constater, il n'est pas possible d'envisager le budget de
l'agriculture sans tenir compte de toutes ces réformes substantielles,
lesquelles s'imbriquent les unes dans les autres et ne permettent pas, bien
souvent, d'obtenir une vraie lisibilité de la situation de notre agriculture au
regard des interventions et des orientations dont elle fait l'objet ainsi que
des aides dont elle bénéficie. Le spécialiste s'y perd souvent. Alors, je vous
laisse imaginer ce qu'il peut en être du profane. Il serait sans doute
judicieux que des dispositions soient prises afin de permettre une meilleure
compréhension des mécanismes.
De même que notre agriculture ne peut être envisagée de manière isolée sur le
plan européen et mondial, elle ne peut non plus être isolée du reste de la
société française, et cela du point de vue tant de l'aménagement du territoire
que de l'environnement. L'agriculture ne doit plus être envisagée comme une
simple activité économique ; elle est bien plus que cela, comme en témoigne le
contenu de la loi d'orientation agricole.
Un rapide état des lieux montre que, depuis dix ans, le nombre d'exploitations
est passé de 1 000 000 à 700 000. La taille moyenne des exploitations a
quasiment doublé, atteignant 42 hectares, avec de très fortes disparités de
surface. Le nombre d'actifs agricoles a diminué d'un quart. Les aides
représentent aujourd'hui 40 % du revenu agricole. Ainsi, si la taille des
exploitations et l'aide publique dont elles bénéficient sont de plus en plus
importantes, le nombre d'exploitations et d'emplois créés est en forte
diminution. Une telle évolution doit tous - j'y insiste - nous conduire à
préciser le rôle que nous voulons que l'agriculture joue demain au sein du
monde rural.
Je formulerai quelques remarques sur les priorités que le Gouvernement a
fixées et qui sont, je le rappelle, le contrat territorial d'exploitation, la
sécurité alimentaire, l'avenir des jeunes et la revalorisation des
retraites.
Je souscris, pour ma part, au principe du contrat territorial d'exploitaton
issu de la loi d'orientation agricole. J'y adhère dans la mesure où cela répond
à la multifonctionnalité de l'agriculture moderne et à la nécessité d'orienter
vers de nouveaux objectifs les aides publiques. Je suis d'ailleurs très
satisfait que la profession ait accueilli favorablement cette nouvelle forme
d'intervention publique.
L'effort consenti en faveur de la sécurité alimentaire s'impose aussi compte
tenu de l'actualité plus ou moins récente ; la crise bovine et la question des
plantes transgéniques sont là pour en témoigner. Le consommateur étant à la
base d'une agriculture conquérante, il est essentiel que celui-ci s'y retrouve
et que la santé publique soit privilégiée.
Lors de mon intervention sur le BAPSA, j'ai souligné que le budget de
l'agriculture pour 1999 s'inscrivait tout à la fois dans le passé et dans
l'avenir. Ainsi, s'il est indispensable de se préoccuper des générations
anciennes par une revalorisation des retraites agricoles, il l'est tout autant
de le faire pour les générations actuelles et futures.
Cette démarche passe, bien évidemment, par la mise en oeuvre de dispositions
favorisant et pérennisant l'installation des jeunes, volet qui, il faut le
rappeler ici, n'a pas été oublié dans cette loi de finances. Mais elle passe
également, et bien souvent de manière préalable, par la mise en place d'un
enseignement agricole de qualité. C'est sur ce point que portera principalement
mon intervention ; je la conclurai sur le budget consacré à notre forêt, ainsi
qu'à l'avenir de cette dernière.
Je dresserai un constat : ce secteur d'enseignement rencontre un succès
indéniable. Il devient de plus en plus difficile d'intégrer une école de ce
genre et les listes d'attente, lors de chaque rentrée scolaire, tendent à
s'allonger.
Comment justifier un tel phénomène ? En fait, les raisons identifiées sont
multiples. Il est tout d'abord une évidence : un tel enseignement plaît aux
jeunes. Sa nature concrète permet bien souvent l'intégration dans le système
scolaire d'élèves par ailleurs en difficulté.
En outre, il répond sans aucun doute à une évolution de la société,
c'est-à-dire à une attirance de plus en plus marquée pour des métiers proches
de la nature.
Par ailleurs, cet enseignement a su rapidement et efficacement s'adapter à
l'apprentissage de nouveaux métiers.
Enfin - et ce n'est sans doute pas la moindre des raisons - le succès de
l'enseignement agricole en matière d'insertion professionnelle est
incontestable : le taux d'insertion est de 60,4 % pour les brevets d'études
professionnelles agricoles, les BEPA, 81,7 % pour les brevets de technicien
agricole, les BTA, et 91,1 % pour les brevets de technicien supérieur agricole,
les BTSA. Les débouchés restent donc nombreux.
Le succès constaté de l'enseignement agricole est justifié, mais il est aussi
nécessaire. En effet, le métier d'agriculteur, ainsi que ceux qui tournent
autour, exigent et exigeront de plus en plus une connaissance et une formation
adaptées et pointues. La loi d'orientation agricole est là pour le confirmer,
les missions de notre agriculture sont désormais multiples et diverses.
L'agriculture de demain devra permettre de produire suffisamment, sans pour
autant altérer l'environnement. De même, elle devra être rentable, sans
remettre en cause un aménagement du territoire cohérent et équilibré.
L'évolution de notre agriculture, avant tout productiviste, vers la prise en
compte de nouvelles exigences, doit aussi être intégrée au sein de
l'enseignement agricole.
L'enseignement agricole doit donc préparer l'agriculteur à ces différentes
missions. Tout cela est sans compter sur la technicité toujours grandissante de
la production agricole, laquelle exige une connaissance technique de plus en
plus poussée.
La spécialisation et la diversification des métiers de la terre exigent aussi,
en contrepartie, la création de filières toujours plus diverses. Il faut non
pas encourager une recentralisation des formations de l'enseignement agricole
sur la production, mais, au contraire, favoriser une diversification, garantie
d'une revitalisation de l'ensemble de l'économie rurale. L'agriculture se
diversifie ; la formation agricole doit aussi le faire.
Enfin, l'évolution rapide des connaissances, liée sans aucun doute à une
recherche efficace, exige que les agriculteurs puissent bénéficier d'une
formation continue tout au long de leur activité. Cet aspect de l'enseignement
mérite sans aucun doute d'être développé.
L'agriculture française tient une place privilégiée sur l'échiquier mondial.
Pour la conserver, une formation de qualité des hommes et des femmes qui
contribuent à cette position dominante est indispensable.
Face à ce succès mérité et nécessaire de l'enseignement agricole, vous avez
souhaité, monsieur le ministre, ainsi que votre prédécesseur M. Louis Le Pensec
- et je dois dès à présent vous en féliciter - poursuivre une politique
volontariste dans ce domaine. Ainsi, si en 1998 le budget de l'enseignement
agricole, de la formation professionnelle et de la recherche avait déjà
progressé de 4,8 %, cette année, l'augmentation est encore plus importante
puisqu'elle s'élève à 6,2 %, le budget atteignant ainsi plus de 6,8 milliards
de francs. Un tel effort dans ce domaine n'avait pas été constaté depuis plus
de vingt-cinq ans.
Il me semble opportun de détailler cette augmentation. Si les crédits de
l'enseignement supérieur public sont en hausse de 2,2 %, il est à noter que
cinq postes d'ingénieur de recherche sont créés. Le budget consacré à
l'enseignement technique progresse, quant à lui, de 8,4 %, 115 postes
d'enseignants et soixante postes de personnels non enseignants étant créés.
Celui de l'enseignement technique privé progresse de 7,5 %. Le volet social
n'est, bien entendu, pas oublié. Les dotations consacrées aux bourses
augmentent de 4,3 %, alors que le fonds social passe de 7 à 10 millions de
francs et que des moyens sont prévus permettant la prise en charge partielle,
pour l'instant, des frais de stage des élèves. Quant au budget de recherche, il
progresse de 3,9 %.
Tous ces chiffres démontrent, mes chers collègues, que le budget qui nous est
présenté marque une prise en compte incontestable et notable de l'intérêt, mais
aussi de la nécessité de développer un enseignement agricole de qualité. Telles
sont les raisons pour lesquelles nous voterons sans ambiguïté le projet de
budget de l'agriculture.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées
socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. de Richemont.
M. Henri de Richemont.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon seul
voeu serait de pouvoir apporter les mêmes encouragements à M. le ministre de
l'agriculture.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Ne vous gênez surtout pas !
(Sourires.)
M. Henri de Richemont.
Je ne peux cependant que souscrire aux propos qui ont été tenus par mes
collègues de la majorité sénatoriale, partager leur inquiétude et m'interroger,
avec eux, sur le projet de budget de l'agriculture.
Vous comprendrez, mes chers collègues, que j'oriente particulièrement mon
intervention sur les questions liées à la crise du cognac.
A ce propos, je souhaite vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir bien
voulu présider l'utile réunion du 12 novembre dernier à laquelle vous nous
aviez conviés. Je tiens également à remercier votre directeur de cabinet pour
la qualité de cette réunion.
Monsieur le ministre, compte tenu de la gravité de la crise que connaît
actuellement la région délimitée du cognac, je voudrais rappeler que ce produit
représente aujourd'hui 82 000 hectares de vignes et 9 000 exploitations
agricoles et concerne 70 000 personnes.
Il s'agit de la première industrie de la région Poitou-Charentes, et elle
apporte 9 milliards de francs à la balance commerciale française, soit
l'équivalent de cent rames de TGV ou de vingt-cinq Airbus. En outre, cette
production amène chaque année le versement de 400 millions de francs au titre
des impôts directs.
Vous comprendrez donc l'intérêt et l'importance de cette économie, que votre
directeur de cabinet a bien voulu considérer comme faisant partie du patrimoine
de notre pays.
M. Jean-Louis Carrère.
Publicité gratuite !
M. le président.
Veuillez ne pas interrompre l'orateur, monsieur Carrère !
M. Henri de Richemont.
J'ai le droit de choisir ma publicité, mon cher collègue. Il s'agit d'un
produit qui devrait également vous être cher !
M. Jean-Louis Carrère.
Je préfère l'armagnac, pardonnez-moi !
(Sourires.)
M. Henri de Richemont.
Ce que nous voulons, c'est que le cognac ne connaisse pas les mêmes aléas et
ne subisse pas le même sort que l'armagnac. Vous vous êtes trompé de propos,
mon cher collègue !
Monsieur le ministre, vous savez que, depuis sept ans, la chute des ventes de
cognac est due à plusieurs facteurs, notamment à la crise que traverse l'Asie
du Sud-Est. En raison d'une baisse des ventes de 40 % et de la surproduction
particulièrement grave que nous connaissons, un déséquilibre chronique entre
l'offre et la demande est apparu et une augmentation importante des stocks
s'est produite.
Il faut rappeler ici avec force que les stocks du négoce n'ont pratiquement
jamais été aussi importants, tant en valeur relative qu'en valeur absolue. Dans
ces conditions, celui-ci cherche à réduire ses stocks, et ralentit par
conséquent ses achats à la viticulture, ce qui entraîne une dégradation des
prix et une baisse considérable du chiffre d'affaires, qui devrait atteindre
600 millions de francs.
Si, pour les campagnes précédentes, le chiffre d'affaires de la viticulture
avoisinait les 2,5 milliards de francs, soit 30 000 francs par hectare, le
chiffre d'affaires prévisible pour les prochaines années s'élève aujourd'hui à
1,8 milliard de francs.
Cette chute considérable des revenus se traduit par des dépôts de bilan, des
licenciements, une perte de confiance des banques et une diminution de la
valeur des stocks.
Face à cette crise, la profession s'est rassemblée et a réagi. Les
professionnels du cognac, réunis au sein du Bureau national interprofessionnel,
se sont efforcés de gérer les problèmes de la viticulture régionale.
Un plan d'adaptation du vignoble avait été déposé auprès du ministère de
l'agriculture le 24 juin 1997. Ce plan d'urgence nécessitait l'intervention de
l'Etat au travers d'aides non seulement conjoncturelles, mais également
structurelles. Après de nombreuses tergiversations, que nous regrettons, après
avoir également demandé des élections qui ont eu lieu, votre ministère a bien
voulu approuver ce plan, et je l'en remercie. Vous vous étiez engagé, monsieur
le ministre, à publier prochainement un décret au
Journal officiel
institutionnalisant ce plan. Ce décret n'est toujours pas publié et nous le
déplorons !
Nous nous réjouissons des mesures qui sont prises en ce qui concerne les aides
structurelles annoncées. Cependant, même si elles sont significatives, elles ne
permettent pas de répondre aux mesures d'urgence que requiert la situation des
exploitants.
Monsieur le ministre, l'Etat n'a pas répondu - mon confrère M. Doublet l'a
indiqué tout à l'heure - aux demandes d'aides conjoncturelles immédiates
exprimées par la profession, sous la forme soit d'une aide à l'hectare, soit
d'une aide complémentaire à la distillation préventive, afin de soulager les
trésoreries exsangues des viticulteurs.
Ce que l'interprofession, ce que la viticulture, ce qu'une région vous
demandent, monsieur le ministre, c'est de les aider à reconquérir les marchés.
Votre ministère s'était engagé à abonder à hauteur du double les fonds apportés
par la viticulture. Aujourd'hui, les viticulteurs, au travers de
l'interprofession, ont promis de mettre sur la table 7 millions de francs. Ce
sont donc 14 millions de francs que l'Etat aurait dû apporter ! Or vous ne nous
avez promis que 5 millions de francs, encore une fois pour nous implanter sur
le marché américain. Monsieur le ministre, laissons les grandes maisons
s'occuper du marché américain ! Ce qui est important pour nous, c'est de
reconquérir le marché français, c'est de réconcilier la France avec ce produit
que nous considérons comme l'un des plus nobles de notre territoire.
M. René-Pierre Signé.
Faites des efforts de communication, de promotion !
M. Henri de Richemont.
Mais il faut nous aider dans ce sens, mon cher collègue.
M. le président.
Ne vous laissez pas interrompre, mon cher collègue !
M. Henri de Richemont.
Nous demandons également, monsieur le ministre, que soient revus les droits de
consommation sur les alcools, car quelle que soit son origine, l'alcool est
toujours de l'alcool.
Nous demandons donc une baisse des droits de consommation sur le cognac au
moyen d'une juste répartition des droits indirects sur les boissons alcoolisées
en fonction de leur teneur en alcool. Il n'est pas normal, en effet, que seul
le cognac doive subir les droits de consommation sur les alcools.
Nous demandons également une révision de la loi Evin sur la publicité.
Cette loi n'a rien apporté. Elle n'a pas permis de lutter efficacement contre
l'alcoolisme. D'autres Etats de l'Union européenne ne connaissent pas de loi
similaire. Nous subissons donc là une distorsion que nous déplorons
aujourd'hui, car elle est aussi responsable de la chute des ventes de cognac en
France.
Nous demandons également la révision de la fiscalité sur le cognac et sur le
stock. Je sais que des discussions sont en cours avec M. le secrétaire d'Etat
au budget. Nous espérons qu'elles seront conduites dans un esprit positif et
qu'elles pourront aboutir.
Je vous demande également, monsieur le ministre...
M. René-Pierre Signé.
On lui demande beaucoup, au ministre !
M. Henri de Richemont.
Moi, je suis là pour ça, et vous, pour m'écouter !
Je vous demande également, monsieur le ministre, de faire en sorte que soit
rouvert le dossier des ventes hors taxes. Vous le savez parfaitement, si nous
supprimons les ventes hors taxes, cela se traduira, pour le cognac, par une
perte de 250 millions de francs de chiffre d'affaires, par la pénalisation de 2
000 hectares de vigne et par la perte de 2 500 emplois.
Enfin, nous vous demandons que, dans le projet de loi d'orientation agricole
qui viendra prochainement en discussion au Sénat, que soit envisagée d'une
manière très claire la mise en bouteille obligatoire dans la région
délimitée.
Nous ne voulons pas, quand d'autres services s'en vont aujourd'hui compte tenu
du fait que de grandes maisons sont maintenant contrôlées par des
multinationales, qu'il puisse y avoir une mise en bouteille en dehors de la
zone délimitée.
M. Jean-Marc Pastor.
C'est cela, le libéralisme !
M. Henri de Richemont.
Nous demandons également que le cognac bénéficie des mêmes aides de l'Union
européenne que le brandy. Il est anormal qu'il existe des aides pour le
stockage et la distillation du brandy, et non pas du cognac.
J'ai peut-être été trop long.
(« Dénégations ironiques sur les travées
socialistes.)
Vous voudrez bien m'excuser si je vous ai lassés par mon
argumentation, mes chers collègues, mais je suis persuadé que, en fait, vous
avez envie d'être convaincus !
Pour conclure, je souhaite, monsieur le ministre, que, dans nos préfectures,
dans nos ambassades et même, monsieur le président, au Sénat, l'on trouve plus
de bouteilles de cognac que de whisky, car le cognac, au même titre que le
champagne, est un grand ambassadeur de notre pays.
(Sourires.)
Mes chers collègues, le culte de la tradition n'exclut pas l'amour du progrès.
C'est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir prendre en
considération, dans vos débats, l'aide que notre nation doit apporter au
cognac, qui est le plus beau don de Dieu au monde.
(Applaudissements.)
M. le président.
A consommer avec modération !
La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé.
Je tiens à saluer, monsieur le ministre, la qualité du budget que vous nous
présentez aujourd'hui et dont la hausse de 3 %, certes raisonnable, est
accompagnée d'orientations que j'approuve sans réserves.
Il me semble toutefois opportun, puisque l'occasion m'en est donnée, d'attirer
votre attention sur la situation difficile de l'élevage extensif pratiqué dans
la zone du grand bassin allaitant.
Je sais, monsieur le ministre, que cette préoccupation est également la vôtre
et que vous la défendez face, notamment, aux projets de réforme de la politique
agricole commune émanant de la Commission européenne.
Le projet de budget que vous soumettez à nos suffrages comporte un instrument
général qui me semble particulièrement pertinent pour la défense de
l'agriculture extensive : il s'agit du fonds pour l'installation en
agriculture, j'y reviendrai. En quelques mots, je rappellerai tout d'abord en
quoi, à mon sens, l'élevage extensif est une composante essentielle de notre
agriculture et quelles sont les menaces qui pèsent sur lui.
L'élevage pratiqué dans le bassin allaitant - élevage principalement bovin,
bien que des efforts conduisent actuellement à un développement de la
production ovine - est c'est une première évidence ; une production de qualité,
favorable tant à la diversité de l'offre de viande qu'à la sécurité
alimentaire, mais à cette pertinence, en quelque sorte micro-économique,
s'ajoute un intérêt très clair en termes d'aménagement du territoire et de
respect de l'environnement, sans même évoquer l'entretien du paysage. Les
éleveurs de Bourgogne, d'Auvergne, du Limousin et du Morvan sont, chacun à
l'échelle de leur commune, des aménageurs ! Chacun sait que leur présence
implique celle de multiples services offerts au public et d'activités
économiques diverses, bref, de la vie dans nombre de régions fragiles.
Depuis 1992, et en dépit de ce qui a été beaucoup dit, ce secteur d'activité
crucial n'est pas encouragé par l'Europe comme il le devrait.
Quant à l'avenir de la PAC, tel que l'envisage la Commission, il est
inquiétant. Le Fonds mondial pour la nature n'a-t-il pas fait valoir, voilà
quelques jours, que l'Agenda 2000 prévoyait d'allouer 87 % des fonds
communautaires au soutien du marché, contre seulement 3 % à des mesures
agri-environnementales et 10 % au développement rural ?
Il y a là, à l'évidence, une logique qui va à l'encontre de l'intérêt des
hommes. Je sais que vous la combattez au nom de la France. Mais l'élevage
bovin, il faut également le reconnaître, souffre de faiblesses propres qui sont
connues : il est insuffisamment identifié, notamment sur le plan commercial.
Par là même, il est victime d'une forme particulièrement destructrice de
restructuration sous la forme d'un agrandissement inconsidéré de la taille des
exploitations.
C'est contre cet agrandissement que peuvent agir, entre autres orientations de
votre budget, celles qui sont relatives à l'installation et, en particulier le
fonds d'installation en agriculture. L'action des pouvoirs publics, dans ce
contexte, est marquée par une offensive tous azimuts.
J'ai ainsi noté que le budget de l'agriculture pour 1999 consacre 790 millions
de francs à la seule installation, complétés, en outre, par un financement
européen de 345 millions de francs. Sur ces crédits, 990 millions de francs
serviront à financer 10 000 installations aidées par l'Etat, qui sont à
comparer aux 9 300 jeunes agriculteurs qui ont accédé à la profession cette
année en bénéficiant d'un soutien public. Le fonds d'installation en
agriculture, doté pour 1999 de 145 millions de francs, est destiné à soutenir «
des formules innovantes ». Au total, la Cour des comptes a établi que chaque
agriculteur désireux de débuter son activité perçevait en moyenne 360 000
francs d'aides publiques, pour un coût d'installation - en constante
augmentation - estimé à 1 million de francs.
Crucial, le problème du coût de l'installation en agriculture est rendu encore
plus complexe par le « dysfonctionnement de la politique des structures », qu'à
dénoncé notamment à l'Assemblée nationale notre collègue François Patriat.
En dépit des outils mis en place par l'Etat et la profession, l'accès aux
exploitations existantes est aléatoire pour ceux qui ne peuvent ou ne veulent
reprendre l'exploitation familiale. C'est la seconde justification du fonds
d'installation en agriculture. Il s'agit de repérer les exploitations sans
successeur avant qu'elles ne soient purement et simplement absorbées par le
voisin en place, de parrainer les jeunes et d'aider à leur remplacement pendant
leur période de formation.
Beaucoup plus ambitieuse que le fonds d'intervention pour le développement
industriel local, le FIDIL, dont elle a pris la succession, cette nouvelle
mesure doit permettre à des jeunes non issus du milieu d'accéder en plus grand
nombre à la profession agricole. Il restera, pour pérenniser leur implantation,
à accompagner la mise en place de leurs projets personnels de façon adaptée à
la fois à eux-mêmes et à l'environnement socio-économique fragile qui
caractérise le bassin allaitant.
Je note d'ailleurs avec satisfaction à ce propos, que, dans votre projet de
budget, monsieur le ministre, vous nous proposez l'inscription des sommes
destinées à financer les premiers contrats territoriaux d'exploitation contenus
dans le projet de loi d'orientation que vous nous soumettrez bientôt.
Saluant, à travers votre budget, la vision prospective d'une agriculture à
visage humain qui est celle que veulent les socialistes et conscient, par
ailleurs, du fait que vous prendrez en compte les préoccupations spécifiques
que je vous soumets quant à l'avenir du bassin allaitant, c'est sans réserve,
monsieur le ministre, que j'approuverai tout à l'heure, avec mon groupe, les
crédits que vous soumettez au vote de la Haute Assemblée.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, élu d'un
département en grande partie rural, l'Eure-et-Loir, je suis naturellement très
attaché à la défense des campagnes et aux moyens qui sont donnés à nos
agriculteurs pour affronter les défis de cette fin de siècle, notamment la
mondialisation des activités et des échanges agricoles. Je suis donc, à
l'instar de la majorité de mes collègues de la commission des affaires
économiques et du Plan, très déçu, il faut bien le dire, de ce que vous nous
réservez, monsieur le ministre, dans votre budget.
Notre agriculture dispose de grands atouts qui demandent à être consolidés. Au
lieu de cela, vous vous contentez de traduire au plan financier les
orientations retenues par le projet de loi d'orientation agricole, dont nous
sommes nombreux à regretter - y compris les organisations agricoles, j'insiste
sur ce point - les limites et le manque d'ambition. Les lois d'orientation
étant rares, en effet, elles prennent une dimension toute particulière pour le
secteur agricole. En ne lui permettant pas de s'adapter au XXIe siècle, comme
cela aurait dû être son unique finalité, ce texte n'est pas loin de devenir la
loi de tous les dangers !
Mais je ne m'écarterai pas plus longtemps du sujet qui nous préoccupe
aujourd'hui. Nous aurons, monsieur le ministre, d'autres occasions de vous
exprimer notre profond désaccord sur le rôle que vous voulez faire jouer à nos
agriculteurs dans le monde de demain.
Vous fondez votre politique budgétaire sur quatre priorités.
La création d'un fonds de financement des contrats territoriaux d'exploitation
dans le projet de loi d'orientation agricole est la première d'entre elles.
Obtenu, en réalité, par redéploiement de crédits nationaux à hauteur de 300
millions de francs pour 1999, ce fonds va vider les chapitres réservés
notamment au fonds de gestion de l'espace rural et aux opérations groupées
d'aménagement foncier, les OGAF. Or, en basculant entièrement le FGER - 140
millions de francs - sur le contrat territorial d'exploitation, vous empêchez
les acteurs du monde rural de mettre en place des actions efficaces. Quant aux
OGAF qui, rappelons-le, ont vu le jour en 1970 afin de compléter, notamment
pour la montagne et les zones défavorisées, les dispositions prévues en matière
d'aménagement des structures des exploitations par les lois d'orientation
agricole de 1960 et 1962, vous les faites disparaître également. Les 45
millions de francs dont elles étaient dotées sont transférés au fonds de
financement des contrats territoriaux d'exploitation. Il est regrettable de
supprimer totalement les crédits réservés à ces opérations, quand on sait que
les contrats territoriaux d'exploitation ne seront vraisemblablement pas
opérationnels avant le dernier trimestre de 1999.
En outre, si, comme nous l'avons vu, les ressources affectées au financement
des contrats territoriaux d'exploitation sont, pour l'année prochaine,
prélevées sur d'autres affectations, ce qui, soit dit en passant, pourrait
défavoriser les agriculteurs qui ne souscriront pas de contrat de ce type -
leur signature, je le rappelle quand même, doit se faire sur la base du
volontariat - qu'en sera-t-il des années suivantes ? A combien s'élèvera le
coût des contrats territoriaux d'exploitation en année pleine ? La technique du
redéploiement risque très vite de montrer ses limites. Où prendrez-vous, alors,
l'argent nécessaire, monsieur le ministre ? Les agriculteurs ont le droit de
savoir.
Par ailleurs, vous ne pouvez l'ignorer, les contributions des OGAF à
l'émergence de dynamiques de développement local sont reconnues et appréciées.
Certes, vous avez précisé que les opérations engagées à ce titre seraient
poursuivies puis soldées en 1999, de même que pour les projets en cours au
titre du FGER. Permettez-moi toutefois de reconnaître que cela n'est qu'une
maigre consolation pour les parties concernées, notamment pour les
collectivités locales.
Vous évoquez, par ailleurs, pour abonder ce fonds, un financement
communautaire d'environ 150 millions de francs au titre des mesures
agri-environnementales. Compte tenu de l'évolution actuelle des négociations
communautaires, une telle annonce m'apparaît quelque peu prématurée.
Enfin, n'oublions pas le transfert d'une partie des crédits du fonds pour
l'installation en agriculture, de l'ordre de 15 millions de francs, mais j'y
reviendrai un peu plus tard.
Avant de clore ce chapitre sur les CTE, permettez-moi d'ajouter que si ces
contrats masquent les carences économiques du projet de loi d'orientation
agricole, rien dans votre projet de budget ne permet de combler l'absence
notable de toute mesure fiscale. Il aurait été essentiel pour l'avenir de notre
agriculture de favoriser l'installation des jeunes par un aménagement des
régimes d'imposition et la mise en place d'outils propres à faciliter
l'investissement et la transmission. Au lieu de cela, nous sommes confrontés au
risque de suradministration du secteur et de la profession, transformant en
fait nos agriculteurs en jardiniers de l'espace fonctionnarisés, et les préfets
en notaires.
Je ne m'appesantirai pas sur la deuxième priorité annoncée de votre projet
budget, le renforcement de la sécurité sanitaire, sur laquelle nous ne pouvons
que tous vous rejoindre ; les crédits augmentent de 10,5 %.
La crise de la « vache folle » a profondément modifié le comportement des
consommateurs. Comment ne pas les comprendre ? Les exigences liées à la qualité
des produits alimentaires se faisant toujours plus fortes, il importe de
dégager les moyens adaptés et suffisants en matière de sécurité sanitaire. A
l'heure où apparaissent sur les marchés les premières variétés d'OGM, les
organismes génétiquement modifiés, je salue votre votre prise de position dans
Le Monde
du 19 novembre dernier, où, questionné sur le futur système de
biovigilance sur les OGM, vous avez déclaré avec la plus grande clarté que s'il
fallait prendre un risque, vous prendriez celui de la trop grande précaution
plutôt que celui de l'aveuglement ou de l'insouciance. Je souscris totalement à
cette déclaration.
J'en viens à l'avenir des jeunes. Il paraît pour le moins difficile de
concilier promotion de l'installation des jeunes et diminution des moyens
financiers ! En matière d'installation des jeunes, l'objectif affiché est de
dix mille nouvelles installations aidées, alors que les crédits de la dotation
aux jeunes agriculteurs sont simplement reconduits et que ceux du fonds
d'installation en agriculture sont, je l'ai déjà évoqué, amputés de 10 % au
profit du fonds de financement des CTE !
Point n'est besoin de s'éterniser sur les difficultés auxquelles sont
confrontés les jeunes qui veulent aujourd'hui s'installer en agriculture. Or,
de notre capacité à résoudre ces difficultés dépendra la pérennité de notre
agriculture et l'occupation - donc l'aménagement - de notre territoire
national.
Faire perdre 15 millions de francs au fonds d'installation en agriculture qui
répond à la nécessité d'installer de nouveaux candidats sur les exploitations
libérées par les agriculteurs sans successeur est, à cet égard, me semble-t-il,
tout à fait regrettable et contraire à l'attention qu'il conviendrait de porter
à ces situations.
Il est, par ailleurs, une certitude : ce n'est pas en régentant, en encadrant
et en administrant la profession que l'on attirera et encouragera les jeunes.
Il faut, au contraire, privilégier une politique qui vise à développer les
initiatives et à susciter les vocations, afin de saisir les opportunités des
marchés qui se présentent à nous. L'opposition a son idée sur la question,
mais, là encore, il nous sera donné de la développer prochainement lors de
l'examen du projet de loi d'orientation agricole.
La revalorisation des retraites agricoles, enfin, est votre dernière priorité
inscrite au titre du BAPSA, le budget annexe des prestations sociales
agricoles. Les prestations vieillesse constituent le principal poste de
dépenses du BAPSA.
Le projet de loi d'orientation agricole prévoit, certes, la revalorisation des
petites retraites. C'et ainsi que le montant minimal de la pension devrait être
porté à 3 300 francs par mois pour les chefs d'exploitation et à 2 200 francs
pour les conjoints. L'effort consenti n'est toutefois pas suffisant dès lors
qu'il laisse les ressources des agriculteurs retraités en deçà du minimum
vieillesse.
Permettez-moi, avant de conclure, de dire un mot du F.N.G.A., Fonds national
de garantie des calamités agricoles, auquel, et pour cause, nos agriculteurs
sont très attachés.
Nombreux ont été, et j'en suis, ceux qui ont été étonnés que ce fonds ne fasse
l'objet d'aucune dotation pour 1999. Il est vrai que vous avez déclaré que, en
raison d'une trésorerie de 1,4 milliard de francs, il ne paraissait pas
nécessaire de prévoir un ligne budgétaire pour l'année à venir. Ce fonds est
normalement financé à parité par les agriculteurs et les pouvoirs publics. Or
il semblerait que l'Etat soit déjà en retard de 850 millions de francs dans sa
participation au FNGCA. Une nouvelle défection n'est sans doute pas souhaitable
si l'on veut que cet instrument demeure le pilier de la protection contre les
risques en agriculture, notamment contre ceux qui, aujourd'hui, ne peuvent pas
faire l'objet d'une assurance.
En bref, monsieur le ministre, j'ai le sentiment que vous faites passer notre
agriculture d'une logique d'entreprise à une logique de guichet. Vous ne lui
donnez pas agriculture les moyens d'être compétitive sur les marchés
extérieurs. Je relève, pour finir, que les crédits de votre ministère
constituent moins de 20 % de l'ensemble des concours publics à l'agriculture ;
cela pourrait fort bien être interprété comme un désengagement.
A tous ces égards, je crains que votre pari sur l'avenir ne soit bien risqué
!
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heure trente-cinq, est reprise à seize heure
quarante.)
M. le président.
La séance est reprise.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Flandre.
M. Hilaire Flandre.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quatre
priorités sont affichées dans le projet de budget de l'agriculture pour 1999 :
le financement des contrats territoriaux d'exploitation, la formation et
l'installation des jeunes agriculteurs, la sécurité et la qualité alimentaires,
enfin, la revalorisation des retraites agricoles.
Bien qu'elles anticipent sur le vote de la future loi d'orientation agricole
non encore examinée par la Haute Assemblée, tout au moins en ce qui concerne le
CTE, ces priorités demeurent classiques et poursuivent celles qui ont été
précédemment annoncées : préparer et faciliter l'installation des jeunes
agriculteurs, accompagner l'agriculture dans ses activités de production et ses
efforts de modernisation et d'adaptation, corriger les situations difficiles
des actuelles générations de retraités de l'agriculture. Nous pouvons souscrire
à ces priorités.
Je reprendrai brièvement chacune d'entre elles pour montrer que les moyens ne
correspondent en rien aux ambitions affichées et que derrière le rideau des
paroles se situe le néant de la réalité.
J'évoquerai tout d'abord l'installation des jeunes. La volonté affichée de 10
000 installations aidées en 1999 ne résiste pas à l'examen. Outre que cet
objectif représenterait une croissance de 10 % par rapport à la réalité des
installations pour 1997, les crédits affectés à la dotation aux jeunes
agriculteurs ne permettraient de financer que 8 000 installations environ au
taux moyen des installations en zone de plaine.
De qui se moque-t-on ? Monsieur le ministre, si l'on souhaite augmenter le
nombre d'installations en agriculture et assurer le renouvellement nécessaire
des générations, il faut tout simplement donner aux candidats des perspectives
d'avenir et ne pas les contraindre dans des mesures administratives de plus en
plus complexes et tatillonnes, ou alors il conviendrait d'adapter notre
enseignement agricole à cette réalité en apprenant aux jeunes les façons les
plus efficaces de présenter des dossiers de demande de subvention.
Ne conviendrait-il pas aussi de s'interroger sur le nombre d'installations non
aidées qui se font chaque année et qui représentent environ 30 % du total des
installations ? Elles sont le fait de jeunes très motivés, qui sont écartés des
aides par une législation inadaptée et, face à cette situation, comme on le
disait dans une émission de télévision, il y a sûrement quelque chose à
faire.
Donner aux jeunes des perspectives d'avenir, disais-je, serait le meilleur
encouragement à l'installation. Or, qu'en est-il ?
La vocation de l'agriculture a toujours été et reste de produire des biens
alimentaires ou des biens matières premières pour l'industrie de
transformation, pour assurer à la fois notre autosuffisance, pour contribuer à
l'alimentation du monde et pour participer à l'équilibre de notre commerce
extérieur.
Devenue exportatrice, l'agriculture française a besoin de l'exportation pour
assurer son développement. Or, les prises de position de votre prédécesseur à
ce sujet nous inquiètent, même et surtout parce qu'elles ont réjoui certains de
nos partenaires et concurrents.
Je sais, monsieur le ministre, qu'en matière agricole la politique
d'exportation dépend de l'Union européenne, mais plus de fermeté de notre
Gouvernement auprès de la Commission européenne doit permettre d'obtenir une
politique d'exportation plus vigoureuse, pour ne pas dire plus agressive, et
aurait permis d'éviter le retour des jachères aussi néfastes qu'inutiles.
De plus, la Commission européenne, dans un souci, certes louable, de bonne
gestion des fonds communautaires, rend plus difficile la délivrance des
certificats d'exportation et des restitutions et, en conséquence, plus
difficiles les exportations, à la plus grande satisfaction de nos principaux
concurrents sur le marché mondial.
En poursuivant dans cette voie, nous pourrons chaque année réduire de 5 % la
surface cultivée de l'Europe et développer dans les mêmes proportions les
friches, avec les conséquences qui pourraient en résulter.
Devant cette inquiétante perspective, monsieur le ministre, vos services,
jamais à court d'imagination, ont inventé l'arme absolue : le contrat
territorial d'exploitation, outil de la future loi d'orientation agricole qu'il
me semble un peu prématuré de considérer comme acquis dans la mesure où le
texte n'a pas encore été examiné dans cet hémicycle. Mais enfin, passons !
Le contrat territorial d'exploitation part sans doute d'une bonne idée et
pourrait être un bon outil prenant en compte la multifonctionnalité de
l'agriculture. Mais de nombreuses questions demeurent : comment ces contrats
seront-ils financés ? A quel niveau et avec quels crédits ? Qu'adviendra-t-il
des agriculteurs qui ne seront pas retenus dans un contrat territorial
d'exploitation ? Tous y auront-ils droit ? N'est-on pas en train de lâcher la
proie pour l'ombre ?
Nous reprendrons toutes ces questions, et bien d'autres encore, lors du débat
sur le projet de loi d'orientation agricole, au printemps prochain.
Dans l'immédiat, il nous faut bien constater que, pour alimenter cet éventuel
contrat territorial d'exploitation, disparaît le fonds de gestion de l'espace
rural et s'amenuisent les crédits des opérations groupées d'aménagement
foncier, du fonds d'installation en agriculture et des offices agricoles.
Déshabiller Pierre pour habiller Paul n'a jamais constitué une bonne politique
!
Non, monsieur le ministre, encourager l'installation, ce n'est pas confiner
les agriculteurs à quelques tâches d'entretien de l'espace ou d'environnement ;
c'est leur donner, je le répète, des perspectives d'avenir, de développement et
de progrès.
Nous sommes loin du souffle enthousiaste des lois de 1960-1962 ; et même si
nous devons nous adapter aux nouvelles contraintes du marché et aux aspirations
de nos sociétés modernes, la vision étriquée de l'agriculture de demain que
vous nous proposez ne saurait entraîner notre adhésion ni celle des candidats à
l'installation.
Avant de jeter aux orties ou d'affaiblir les outils qui ont permis à notre
agriculture de parcourir le chemin qu'elle a fait depuis les années soixante,
ne conviendrait-il pas de s'interroger ?
Cela vaut pour l'organisation économique de l'agriculture, constituée d'une
puissante industrie de transformation, premier secteur industriel de France,
avec 793 milliards de francs de chiffre d'affaires, grand pourvoyeur d'emplois
dans le milieu rural et qui contribue en outre très vigoureusement à
l'aménagement du territoire.
Or, comme je l'ai déjà dit précédemment, la tiédeur, pour ne pas dire
l'hostilité, des instances européennes en matière d'exportation et de
délivrance de restitutions menace ce secteur et risque de provoquer certaines
délocalisations d'activités. Nous attendons du gouvernement français plus de
fermeté dans ce domaine.
Cela vaut également pour les outils d'aménagement des structures agricoles.
Ainsi, les crédits alloués aux opérations groupées d'aménagement foncier
diminuent, les préretraites des agriculteurs sont supprimées, alors que cette
mesure permettait d'accélérer le renouvellement des générations et de favoriser
des installations plus précoces, le fonds de gestion de l'espace rural est
supprimé de fait, alors qu'aucune critique, bien au contraire, ne s'élevait
contre son action et le Fonds d'installation en agriculture est pour ainsi dire
mort-né !
Je voudrais également, dans ce chapitre consacré aux outils menacés, dire deux
mots des conséquences que pourrait avoir, sur l'activité des SAFER, la baisse
des droits d'enregistrement.
J'approuve cet alignement de notre fiscalité sur ce qui se pratique dans les
pays voisins, mais j'attire votre attention, monsieur le ministre, sur les
conséquences qu'une telle mesure pourrait entraîner pour l'activité des SAFER,
dont chacun s'accorde à reconnaître l'utilité en matière de répartition des
sols disponibles, de transparence des transactions et de contribution à la
réalisation des projets de l'agriculture, mais aussi des collectivités.
Je crois, monsieur le ministre, qu'il conviendra que les responsables des
SAFER se rapprochent de vos services pour étudier quelles mesures alternatives
pourraient être mises en place.
Je pourrais poursuivre l'énumération des outils menacés ou condamnés, comme si
l'ambition de chaque gouvernement se limitait à prendre le contrepied de ses
prédécesseurs, alors que l'agriculture, pour se développer, a besoin de durée
et de constance.
Mais je m'arrêterai là, pour évoquer brièvement un dernier aspect, celui de la
nécessaire revalorisation des retraites agricoles. Ceux qui m'ont précédé à
cette tribune ont abordé clairement ce sujet, sur lequel je n'aurai donc pas à
m'étendre trop longuement.
Je voudrais néanmoins dénoncer l'hypocrisie qui consiste à donner un
supplément de retraite à grand renfort d'effets d'annonce et à en reprendre
l'équivalent ou presque par le biais de la CSG.
Pour que les choses soient bien claires, je prendrai l'exemple d'une veuve
d'exploitant de 92 ans ayant élevé quatre enfants. En 1997, avant la
revalorisation des retraites par conséquent, elle percevait 2 000 francs par
mois au titre de la retraite vieillesse agricole, incluant la majoration pour
enfants, la réversion de la part de son conjoint et l'indemnité viagère de
départ majorée ; elle touchait également 2 000 francs de revenus fonciers
provenant de la location d'une exploitation agricole de dimension modeste
conquise sur les friches et terrains abandonnés à la suite de la guerre
1914-1918 dans notre région ; elle disposait enfin de quelque 1 000 francs de
revenus d'épargne représentant l'ensemble des ressources économisées sou à sou
par un couple d'agriculteurs qui n'était pas dans une situation extrêmement
florissante.
Compte tenu du montant de ces différentes ressources, cette veuve, en 1997,
était non imposable au titre tant de l'impôt sur le revenu que de la CSG.
En 1998, alors que les revenus fonciers et les revenus d'épargne de cette
personne n'ont connu aucun changement, le montant de sa retraite a augmenté de
5 000 francs annuels, conformément à l'engagement pris par M. Le Pensec, en
réponse à l'une de mes questions à cette tribune. Sa situation fiscale s'en est
trouvée quelque peu modifiée : alors qu'elle restait non imposable au titre de
l'impôt sur le revenu, elle est devenue redevable de la CSG et du RDS, sur les
revenus fonciers et les revenus d'épargne - 10 % d'imposition au total - soit 3
600 francs à payer !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
C'est moins que l'augmentation
de la retraite !
M. Hilaire Flandre.
Je dois vous dire, monsieur le ministre, que si cette personne n'était pas
décédée préalablement à l'appel de cotisations de CSG, elle aurait été
sérieusement ébranlée en constatant ce que l'Etat lui reprenait après lui avoir
annoncé une majoration de 5 000 francs de retraite !
Alors, monsieur le ministre, arrêtons de nous gargariser du relèvement des
retraites agricoles ! Regardons la situation telle qu'elle est et attelons-nous
tous ensemble à y porter remède !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos
portera brièvement sur la forêt.
M. René-Pierre Signé.
Brièvement !
M. Yann Gaillard.
Oui, brièvement au regard du temps forestier, qui, lui, est infini !
L'an dernier, à l'occasion de cette discussion budgétaire, j'avais passé en
revue un certain nombre des préoccupatons qu'éprouvent les milieux forestiers,
et notamment nos 11 000 collègues maires de communes forestières.
Je suis d'ailleurs heureux de pouvoir faire cet exposé sous l'oeil vigilant du
président du conseil général du plus grand département forestier de France.
M. Jean-Louis Carrère.
D'un des plus grands !
M. Yann Gaillard.
M. Le Pensec, ministre de l'agriculture d'alors, devenu notre collègue, avait
bien voulu me répondre par une lettre d'intentions du 22 décembre 1997 que la
fédération nationale des communes forestières de France avait jugée assez
intéressante pour la porter à la connaissance de ses adhérents dans sa
revue.
Nous avons également été fort heureux de pouvoir juger des mérites d'un
document d'un intérêt exceptionnel, le rapport Bianco, remis le 25 août dernier
à M. le Premier ministre. L'auteur, monsieur le ministre, ne vous est pas
inconnu, semble-t-il, et l'autorité qui s'attache à la position d'un
parlementaire, ancien ministre, ancien secrétaire général de l'Elysée et ancien
président de l'Office national des forêts, l'ONF, ne devrait pas vous laisser
indifférent, d'autant que c'est le Premier ministre lui-même qui l'avait chargé
fort opportunément, en décembre 1997, d'une mission de réflexion sur la
forêt.
Le rapport Bianco comportait nombre d'excellentes choses : des déclarations
d'intention, qui ont été reprises dans votre communication au dernier conseil
des ministres, et des mesures concrètes, qui, elles, hélas ! en sont
absentes.
En effet, le rapport Bianco ne se contentait pas de célébrer les 500 000
emplois de la filière bois ni même de stigmatiser la relative indifférence de
la France pour sa forêt par rapport à d'autres pays. « La France », écrit M.
Bianco, « investit quatre fois moins d'argent public dans la forêt que ses
voisins ».
C'est pourquoi il préconisait une mise à niveau budgétaire, passant par le
renforcement des deux principales charnières qui articulent le budget de l'ONF
sur celui de l'Etat : le versement compensateur, et le Fonds forestier
national.
En ce qui concerne le versement compensateur, qui comble la différence entre
les dépenses et les recettes occasionnées par les interventions de l'ONF dans
les forêts des collectivités, l'insuffisance est chiffrée par le rapport Bianco
à 130 millions de francs, le vrai chiffre étant, paraît-il, de 104 millions de
francs ; mais, peu importe ! Le présent projet de budget ne prévoit, monsieur
le ministre, que 25 millions de francs de revalorisation.
Quant au Fonds forestier national, qui est le principal instrument
d'intervention de l'Etat en matière forestière, nul n'ignore dans cette
assemblée qu'il a été sinistré depuis la réforme de la taxe forestière de 1991,
réforme imposée, comme chacun le sait, par la Communauté européenne. Chaque
année, nous nous battons - principalement dans cette assemblée, dois-je dire -
pour rattraper un peu de terrain perdu. Le rapport Bianco, lui, tranchait dans
le vif et préconisait - je dois, hélas ! employer l'imparfait - une
réévaluation de 350 millions de francs. Le projet de budget pour 1999 pour le
Fonds forestier national se contente d'enregistrer, en recettes et en dépenses,
une baisse de 1 %.
M. Le Pensec lui-même, dans la lettre qu'il m'avait adressée le 22 décembre de
l'an dernier, s'inquiétait de l'évasion fiscale dont est victime la taxe
forestière de la part, notamment, des importateurs de panneaux, à commencer par
les grandes surfaces. Une enquête, me disait le ministre, avait été demandée à
son collègue des finances.
Où en est-on aujourd'hui, monsieur le ministre ? Pouvez-vous nous répondre à
ce sujet ? Cette enquête a-t-elle même commencé ?
M. Le Pensec proposait aussi de mettre à l'étude une ressource complémentaire
assise sur l'artificialisation des espaces sous forme d'un complément à la taxe
locale de l'équipement, qui aurait été affectée à la fois à l'Office national
des forêts et au Fonds forestier national.
Nos collègues ici présents pourront reconnaître là une idée chère à la
fédération des communes forestières et à son président, le sénateur Jacques
Delong. Etes-vous toujours sur la même ligne, monsieur le ministre ?
Après avoir disjoint la partie forestière de la loi d'orientation agricole,
nous n'avions plus droit qu'à une loi de modernisation. M. Le Pensec nous avait
annoncé que ce texte serait discuté en 1999. Votre communication semble faire
état d'un dépôt avant la fin de 1999. Devrons-nous attendre l'an 2000 ou l'an
2001 ?
Enfin, par anticipation sur le débat de la seconde partie, je vous indique
tout de suite, un peu à chaud, monsieur le ministre, que le projet d'article 69
bis
, permettant aux collectivités de ne pas appliquer la prescription
trentenaire pour les parcelles plantées en bois, laisse la fédération nationale
des communes forestières perplexe. L'émotion suscitée par ce projet chez nos
amis de la forêt privée nous semble naturelle et nous craignons qu'il n'y ait
là une tentation pour certaines collectivités, au détriment de l'avenir.
En tout état de cause, sur un sujet aussi complexe, il aurait fallu une
concertation et non pas simplement une initiative parlementaire plus ou moins
améliorée par un sous-amendement du Gouvernement.
Pour me résumer, monsieur le ministre, je dirai que vos débuts, en matière
forestière, sont en demi-teinte par rapport aux espoirs qui avaient été
suscités au cours de ces derniers mois. Mais enfin, vous ne faites qu'arriver.
« Peut mieux faire », pourrait-on dire, à quoi j'ajouterai, à notre intention à
tous : « Les forêts sont infiniment patientes ; mais n'abusons pas, monsieur le
ministre, de la patience des forestiers ! »
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. Hilaire Flandre.
Bravo ! La forêt vous est reconnaissante, mon cher collègue !
(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, après l'examen du projet de BAPSA ce matin,
je vous présente cet après-midi le projet de budget du ministère de
l'agriculture et de la pêche. Je dis bien « après le projet de BAPSA », car
nous avons longuement évoqué ce projet de budget ce matin ; mais j'ai quelques
scrupules à ne pas répondre à ceux qui m'ont interrogé cet après-midi sur la
situation des retraites même si j'avais presque envie de leur dire qu'il aurait
fallu venir ce matin !
(Sourires.)
Je résumerai donc très brièvement mes propos à cet égard.
S'agissant des retraites, le gouvernement actuel a engagé un programme de
revalorisation des plus modestes d'entre elles qui s'est chiffré par 2,6
milliards de francs supplémentaires en année pleine depuis deux ans, soit un
rythme deux fois plus rapide que ce qui a été entrepris entre 1995 et 1997. Il
s'agit, j'y insiste, non pas de revaloriser l'ensemble des retraites mais de
cibler l'effort sur les plus modestes d'entre elles. C'est, pour nous,
essentiel.
Cet effort sera poursuivi, comme le Gouvernement s'y est engagé, sur
l'ensemble de la législature. Lors de la première lecture du projet de loi
d'orientation agricole à l'Assemblée nationale, le Gouvernement s'est engagé à
déposer un rapport dans quatre mois, et nous verrons alors comment cet effort
se traduira dans les années à venir, en particulier les nécessaires
harmonisations avec le Fonds de solidarité vieillesse.
Pour ce qu'est de la CSG, j'ai répondu longuement ce matin, exemples à la clé.
Au demeurant, monsieur Flandre, vous avez confirmé à l'instant à la tribune ce
que vos protestations de ce matin tendaient à nier : l'exemple de votre pauvre
femme montre qu'elle gagnera en pouvoir d'achat et son éligibilité à la CSG
s'explique par le fait que le Parlement a voté l'élargissement des bases de
cette contribution aux revenus financiers. Cette femme, parce qu'elle a
épargné, est donc devenue éligible alors qu'elle ne l'était pas, nous en sommes
d'accord, mais elle a gagné du pouvoir d'achat. Seuls ont perdu en pouvoir
d'achat les exploitants agricoles à très hauts revenus, c'est-à-dire ceux qui
ont participé à cet effort de solidarité, comme les plus aisés d'entre nous.
Mais j'arrête là sur le BAPSA.
Compte tenu du calendrier tout le monde aura remarqué que ce budget a été
préparé par mon prédécesseur et ami Louis Le Pensec. J'ai donc d'autant plus de
facilité à le défendre que - et je vous remercie de ne pas l'avoir souligné par
discrétion à mon égard - je ne suis pour rien dans sa préparation. Cela me
laisse la liberté de dire que c'est un bon budget, comme l'a souligné M.
Pastor.
J'ai écouté avec intérêt vos rapporteurs et je tiens à rendre hommage au
sérieux de leur travail et de celui qui a été effectué en commission.
J'ai aussi entendu, mesdames, messieurs les sénateurs, vos interventions,
parfois vos interrogations. Je vais tenter d'y répondre, en vous indiquant
quelles sont les priorités de ce projet de budget et quels enjeux sous-tendent
les choix opérés.
Ces enjeux, vous les connaissez. Ils sont d'abord européens, nombre d'entre
vous l'ont souligné.
L'agriculture française est en effet le premier producteur de l'Union - elle
assure 21 % de la production communautaire - et son premier exportateur, avec
un solde positif de nos échanges agro-alimentaires qui a atteint 66 milliards
de francs en 1997.
Ce solde de notre commerce extérieur est suffisamment éloquent pour que nul,
dans cet hémicycle ou ailleurs, ne puisse nier la vocation exportatrice de
l'agriculture et des industries agro-alimentaires françaises.
Cette puissance, cette vitalité de notre agriculture doivent beaucoup à la
politique agricole commune. La réforme de 1992, qui avait en son temps suscité
émotion, inquiétude et même polémique, s'est traduite par une progression
sensible des revenus agricoles - de 8 % en moyenne annuelle - même si je
reconnais que, parallèlement, elle n'est pas parvenue à enrayer la baisse
tendancielle de la population agricole.
Aujourd'hui, une nouvelle réforme de la PAC est devant nous. Le Sénat en est
bien conscient et il s'y est même préparé de la manière la plus sérieuse, comme
en témoigne l'excellent rapport qu'ont publié en juin dernier MM. Deneux et
Emorine. Je tiens à rendre hommage au travail qu'ils ont accompli et je vous
invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à consulter ce document.
Cette réforme est nécessaire pour diverses raisons, et d'abord dans la
perspective de l'élargissement. Nous ne pouvons pas agir comme s'il s'agissait
d'une échéance lointaine, située dans un avenir indéterminé. Les pays d'Europe
centrale ont besoin de l'ancrage européen pour leur stabilité économique et
politique. Et nous, à l'ouest de l'Europe, nous avons besoin de leur stabilité
et nous avons beaucoup à gagner à la consolidation de leur économie.
Dans des négociations qui seront longues et, sur certains points, très
difficiles, il est nécessaire que les Quinze soient capables de présenter aussi
vite que possible et avec précision l'acquis communautaire qu'ils demandent aux
pays candidats d'adopter.
Pour ce faire, il nous faut disposer d'un outil modernisé de politique
agricole. Une autre échéance est celle de la reprise des négociations à
l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, au début de l'an 2000.
Il est arrivé, en d'autres temps, que l'Europe ne fasse pas preuve d'une
totale cohésion et adopte une position trop défensive. Il s'agit de tirer les
leçons du passé et de faire en sorte - le Gouvernement s'y appliquera
résolument - que l'Union européenne soit en ordre de bataille avant les
négociations à l'OMC avec un esprit offensif.
Nous devons nous féliciter, à cet égard, des déclarations du gouvernement
allemand et de ses principaux responsables, qui souhaitent que cette
négociation aboutisse lors du premier semestre de 1999, sous la présidence
allemande.
En outre, nous connaissons tous l'importance de la question budgétaire dans
les négociations communautaires actuelles. Le pacte de stabilité et de
croissance s'impose à tous, j'y reviendrai tout à l'heure, et comporte d'utiles
disciplines budgétaires.
A ce choix de rigueur s'ajoutent des difficultés budgétaires invoquées par
quelques-uns de nos partenaires, notamment par les Allemands.
Enfin, j'ajoute qu'il faut vite sortir l'agriculture et les agriculteurs de
l'indécision dans laquelle ils vivent relativement aux règles de jeu qui
régiront leur activité dans les années qui viennent. Plusieurs d'entre vous ont
évoqué ce sujet et, comme eux, je pense en particulier aux jeunes agriculteurs
qui, en ce moment comme à chaque période de réforme de la PAC, gèlent leurs
décisions dans l'attente de ces éclaircissements.
J'ai remarqué, comme vous l'avez sans doute tous fait, ce tassement, sinon cet
effondrement de l'installation des jeunes agriculteurs, malgré le renforcement
des dispositifs d'aide avec la création du FIA et malgré les mesures
complémentaires prises dans beaucoup de nos régions ou de nos départements.
Comme je m'en inquiétais, depuis plusieurs mois, auprès des responsables
agricoles de mon département, ceux-ci m'ont répondu : « Monsieur Glavany,
comment voulez-vous qu'un jeune s'installe, s'endette et fasse de la
programmation économique quand il ne connaît pas les règles du jeu qui régiront
son activité économique dans les années à venir ? »
Cette explication me semble pertinente, d'autant que, à chaque fois que je
m'entretiens de ce problème avec un de mes collègues européens, il me dit : «
C'est le même problème chez nous ; à chaque négociation de la PAC, nous
constatons un effondrement de l'installation. »
Il faut donc réagir le plus vite possible pour que le mouvement d'installation
reprenne dans notre agriculture.
Cette réforme nécessaire de la PAC, je l'aborde, comme le Gouvernement
français, avec ouverture d'esprit et détermination.
Ouverture d'esprit, parce que non seulement je crois nécessaire une réforme de
la PAC, mais je souhaite que nous aboutissions prochainement. L'outil agricole
européen doit être adapté à la nouvelle étape qui s'ouvre devant nous. Il doit
notamment prendre en compte les exigences autour desquelles une nouvelle
dynamique européenne peut s'organiser. Je pense, en particulier, à l'emploi.
C'est une Europe de la croissance, pour l'emploi, contre le chômage, que nous
entendons construire. Les concordances des choix exprimés par les électeurs
depuis dix-huit mois dans la plupart des Etats membres démontrent la force du
consensus autour de cet objectif. L'agriculture et le monde rural peuvent et
doivent y participer pleinement.
Détermination, parce qu'il faut notamment défendre les acquis communautaires
de la PAC. Je me réjouis à cet égard du renfort que je reçois un peu partout,
en particulier de la part de ceux qui, en 1992, installaient des panneaux le
long de nos routes...
M. Jean-Louis Carrère.
Et des pendus !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
... et des poternes avec des
pendus, en effet, pour crier : « Non à la PAC ! » Ainsi, ceux qui, parfois avec
une violence débordante, nous accueillaient pendant les campagnes électorales
de 1992 et 1993 - j'en vois d'ailleurs certains dans cet hémicycle - sont
exactement les mêmes qui nous disent aujourd'hui : « Touche pas à ma PAC ».
M. René-Pierre Signé.
Bien sûr !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je me réjouis de leur
conversion et je reçois leur renfort avec beaucoup d'encouragement et de
chaleur car, moi, je n'ai pas changé d'avis sur la PAC et je crois qu'il est
bon que nous soyons tous rassemblés pour la défendre. La PAC a en effet été la
première grande politique européenne commune, elle a montré la voie.
A l'heure où la plupart des Etats européens jugent nécessaire un renforcement
de la coordination des politiques économiques nationales, il serait paradoxal
d'affaiblir un instrument qui a été à l'avant-garde de l'intégration
européenne. Notre agriculture n'a pas besoin de moins d'Europe, mais de plus
d'Europe, comme en témoigne, s'il fallait un exemple pour le démontrer encore,
la crise porcine actuelle, pour laquelle les solutions ne peuvent être
qu'européennes.
Ainsi, l'Europe dispose aujourd'hui d'une pluralité d'instruments de politique
agricole, notamment la préférence communautaire, les interventions sur les
marchés, les outils de régulation quantitative, les aides directes, qu'il faut
conserver tout en procédant aux adaptations nécessaires.
De ce point de vue, je veux redire ici la position du Gouvernement français,
validée par le Président de la République - puisqu'il s'agit d'une négociation
internationale - et qui se définit en quelques termes clairs : d'abord, il
s'agit du refus du cofinancement, qui porte en germe le démantèlement de la
politique agricole commune ; ensuite, il s'agit du refus de l'écrêtement des
soldes nets, qui ferait porter le poids de l'élargissement d'une manière
inégalitaire sur l'ensemble des pays d'Europe, et en particulier sur la France
; enfin, il s'agit de la volonté de maintenir le caractère communautaire de
l'organisation des marchés, comme je le disais à l'instant, ainsi que la
nécessaire maîtrise et la stabilisation des dépenses.
Voilà pourquoi, monsieur Emorine, j'ai parlé d'une « PAC économe ». Je crois
que c'est nécessaire, car nous ne pouvons ignorer la contrainte budgétaire.
Certes, je le disais tout à l'heure, les Allemands nous invitent à l'effort,
mais le pacte de stabilité et de croissance aussi ! Au demeurant, nous sommes
nous-mêmes désireux d'accomplir un tel effort, puisque nous voulons tous, sur
toutes les travées, réduire nos déficits publics.
Quoi qu'il en soit, nous ne pouvons faire comme si la contrainte budgétaire
n'existait pas, sauf à fabriquer de très belles réformes comme la Commission a
su en fabriquer, ce qui d'une certaine manière ferait plaisir à tout le monde
mais qui nous imposerait, en raison de l'impossibilité dans laquelle nous
serions de les financer, de recourir à la seule solution qui nous restait, à
savoir le cofinancement, c'est-à-dire le démantèlement de la PAC.
Nous croyons, nous, au Gouvernement, parce que nous refusons le cofinancement
pour les raisons que j'ai expliquées tout à l'heure, qu'il n'y a donc pas
d'autre choix que d'intégrer la contraite budgétaire dans la réflexion sur la
PAC.
Je crois d'ailleurs que c'est possible et pas seulement nécessaire : il
suffit, par exemple, d'abandonner la réforme sur le lait que l'évolution des
marchés n'impose plus et qui, de surcroît, est très coûteuse ; sur les grandes
productions céréalières, sur les grandes cultures ou sur la viande bovine, on
peut aussi très bien pratiquer des réductions de prix moindres, prévoir moins
de compensations, ou des compensations mieux adaptées. Et sans doute
existe-t-il d'autres pistes !
Monsieur Emorine, vous vous êtes inquiété tout à l'heure d'un éventuel
plafonnement des aides. Puis-je vous dire que, pour ce qui me concerne, je ne
m'en alarme pas ? Voilà vingt ans, voire plus, que nous sommes un certain
nombre à soutenir que les aides proportionnelles aux productions et aux
revenus, totalement inégalitaires, ont conduit à une course folle au
productionisme. Aussi un rééquilibrage serait-il sans doute, de ce point de
vue, un peu plus juste.
A cet égard je n'ai pu qu'écouter avec amusement la propostion formulée tout à
l'heure par M. de Montesquiou, qui allait dans un sens quelque peu
collectiviste, si j'ose dire, ce qui pour un libéral me paraît quelque peu
étonnant.
M. René-Pierre Signé.
C'est surprenant !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Toutefois, cela ne m'étonne pas
; sans doute tire-t-il cet état d'esprit du jeu collectif de son passé
sportif...
(Sourires.)
En tout état de cause, pour aller dans le sens d'une PAC économe, il y a
deux conditions à remplir.
Première condition : il ne faut pas demander à la seule PAC d'être économe,
c'est-à-dire qu'il ne saurait être question de demander des efforts aux seuls
agriculteurs. Il faut pouvoir dire que tout est sur la table des négociations,
et le chèque britannique, et les fonds structurels, et les fonds de cohésion,
sans oublier le financement de la PAC, voire les clés liées à une certaine
proportion du PIB.
Deuxième condition : les efforts demandés doivent être justement répartis,
d'où mon affirmation selon laquelle tout ce qui favorisera une modulation des
aides et un plafonnement ira dans le bon sens.
Les négociations autour de la PAC constituent donc un enjeu essentiel, mais
l'adaptation de notre agriculture à de nouvelles réalités et de nouvelles
attentes est tout aussi décisive.
Le budget que je vous présente est effectivement inséparable des grands
objectifs fixés par la loi d'orientation agricole. Pourquoi le nier ? J'ai, en
effet, le sentiment profond, comme l'avait eu mon prédécesseur Louis Le Pensec,
que notre politique agricole a besoin d'être refondée, d'être expliquée à la
nation, de retrouver une légitimité.
Nous connaissons tous les critiques exprimées par certains de nos concitoyens
: surproductions mal anticipées et mal régulées débouchant sur des crises
coûteuses ; détérioration de l'environnement ; insuffisante modulation des
aides en fonction du revenu, insuffisant effort vers la qualité. Tous les
éléments sont devant nous pour créer un contexte dans lequel chacun sera appelé
à consentir des efforts. La solidarité, notion que les Français ne remettent
pas en cause - à laquelle ils sont, au contraire, très attachés - doit
s'exercer dans un cadre transparent d'engagements réciproques.
C'est tout le sens de la loi d'orientation agricole. Le temps est venu de
redéfinir la place de l'agriculture dans notre société et de reformuler les
objectifs de la politique agricole, en prenant en compte à la fois ses
fonctions économiques, bien sûr, et ses fonctions environnementales,
territoriales et sociales.
Je n'oublie pas la fonction économique de l'agriculture, comme certains
d'entre vous ont voulu le laisser croire, et je ne la sous-estime pas : les
agriculteurs sont aujourd'hui et seront demain des producteurs de denrées
alimentaires et de matières premières. Sans cette fonction économique, sans
cette production, nos industries agro-alimentaires ne seraient pas le fleuron
industriel mondial qu'elles sont. Elles doivent le rester.
Toutefois, les exploitations agricoles ne pourront produire durablement que si
elles prennent en compte les exigences de protection des ressources naturelles.
De même, les jeunes ne s'installeront que s'ils trouvent un milieu rural
vivant, doté de services collectifs adaptés à leurs attentes.
Enfin, si notre agriculture doit préserver sa place dans les exportations
mondiales, c'est aussi en s'orientant vers la qualité, l'innovation, la
différenciation des produits.
Vous débattrez au mois de janvier de ces questions en séance publique, et
votre commission en sera saisie dans quelques jours. Je tenais néanmoins à vous
dire que je faisais miennes ces orientations, qui, je l'espère, pourront aussi
faire l'objet d'un consensus avec nos partenaires européens. Elles sont, en
tout cas, à la base des choix budgétaires que je vais maintenant vous
exposer.
Je voudrais d'abord insister sur le fait que le budget que je présente est en
augmentation. Avec 28,2 milliards de francs, ce budget du ministère de
l'agriculture et de la pêche augmente de 3 % par rapport à celui de 1999.
J'ai entendu certains d'entre vous expliquer que le budget de mon ministère
baisserait de 6 %, au motif que la subvention d'équilibre de l'Etat au BAPSA a
diminué. J'ai déjà répondu ce matin en vous présentant les ressources du BAPSA.
Je crois que chacun de vous devrait au contraire se réjouir qu'une subvention
d'équilibre soit revue à la baisse : tant mieux pour les finances publiques et
tant mieux pour la situation économique de notre pays !
Pour ce qui les concerne, les moyens propres du ministère de l'agriculture
sont, je le répète, en augmentation de 3 %.
Ce budget en augmentation est un budget cohérent, comme M. Pastor l'a fort
bien souligné. Il fixe des priorités et leur affecte les dotations nécessaires,
en augmentation par rapport à l'année précédente. Il maintient les instruments
traditionnels de politique agricole dès lors qu'ils gardent leur pertinence et
sont cohérents avec les priorités définies par la future loi d'orientation
agricole.
Je vous propose donc de commencer par évoquer ces trois priorités, qui sont au
coeur du nouveau contrat avec la nation que nous proposons aux agriculteurs :
la mise en place du contrat territorial d'exploitation, la formation et
l'installation des jeunes, le renforcement de la sécurité sanitaire. La
quatrième priorité, la revalorisation des retraites agricoles, relève du BPASA
; nous en avons parlé tout à l'heure.
Le contrat territorial d'exploitation est l'outil majeur au service d'une
nouvelle vision de la politique agricole, dans laquelle est prise en compte la
multifonctionnalité de l'agriculture et qui encourage l'innovation et la
responsabilité.
Les CTE seront très certainement divers d'une région à l'autre, d'un
producteur à l'autre. La souplesse et l'imagination me paraissent essentielles
pour leur mise en place. L'essentiel est non pas la procédure mais l'objectif :
une agriculture plus productrice de valeur ajoutée et de qualité ; le
développement de l'emploi ; la préservation des ressources naturelles ;
l'occupation la plus équilibrée possible du territoire.
Surtout, un CTE est un contrat, c'est-à-dire un engagement entre l'agriculteur
et la collectivité qui crée une relation de partenariat.
Le projet de budget pour 1999 affecte 300 millions de francs à un fonds de
financement des contrats territoriaux d'exploitation.
Je reviens rapidement sur l'argument de plusieurs d'entre vous sur le thème :
comment, monsieur le ministre, vous osez prévoir 300 millions de francs dans ce
budget pour financer un CTE qui n'est même pas encore voté ! Je vous retourne
l'argument, monsieur de Montesquiou. Qu'auriez-vous dit si je n'avais pas prévu
de financement, sinon : c'est bien la preuve que vous ne croyez pas au CTE !
Tel est bien l'argument que vous auriez employé, je vous connais un peu.
Par conséquent, je préfère vous dire que nous avons prévu le financement parce
que nous croyons au CTE et que nous voulons le mettre en place dès l'année
prochaine, en fin d'année certes, parce que le calendrier parlementaire est
ainsi fait que nous discuterons de ce projet de loi au mois de janvier prochain
et qu'il sera adopté sans doute, après les navettes nécessaires, à la fin du
premier trimestre, ou au début du printemps 1999.
Toutefois, j'ai sonné le branle-bas de combat dans mon ministère pour que les
décrets d'application sortent vite. Je suis un ancien parlementaire et rien ne
m'horripilait plus, comme vous, que les lois que nous votons demandent des
mois, voire des années, avant leur entrée en application...
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
Ou ne sont jamais appliquées !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
... parce que la sortie des
décrets traîne trop. J'en redirai un mot ultérieurement.
Je souhaite donc que les décrets d'application soient pris dès l'été prochain,
afin de pouvoir signer les premeirs CTE au mois de décembre 1999. Nous avons
les ressources nécessaires pour y faire face puisque les 300 millions de francs
initiaux seront abondés de fonds communautaires à hauteur de 150 millions de
francs, soit 450 millions de francs pour l'année.
Je rassure plusieurs d'entre vous, notamment M. César, qui se sont inquiétés
du caractère aléatoire de ces 150 millions de francs en me disant : comment
pouvez-vous préjuger le fait que ces 150 millions de francs seraient
disponibles alors que nous ne connaissons pas le contenu de la prochaine PAC ?
Je leur indique qu'en 1999 nous serons toujours sous le régime de la PAC
actuelle. De plus, la réforme dont nous discutons, et qui porte le titre
d'Agenda 2000, montre bien qu'il s'agira de la réforme mise en oeuvre à partir
de l'an 2000. En 1999, nous bénéficierons des fonds actuels de la PAC ; ces 150
millions de francs sont d'ores et déjà prévus dans le cadre des mesures
agri-environnementales. Aussi n'y a-t-il aucune inquiétude à avoir.
Pour la suite, me direz-vous, les crédits européens seraient incertains. Je
réponds qu'en tout cas le transfert des crédits de développement rural sous la
PAC, comme cela est actuellement proposé par la Commission, constitue une bonne
orientation qui est soutenue par le Gouvernement français et qui devrait nous
permettre de faire face à cette obligation.
Ensuite, le redéploiement que certains soulignent à partir du FGER ou des
offices n'est pas seulement financier, il est fonctionnel. Les CTE ont vocation
à reprendre les missions du FGER comme les actions de type structurel mises en
place par les offices. Je le répète, je ne me satisfais pas de la dispersion,
je recherche la cohérence et l'efficacité.
J'ai bien vu les larmes de crocodile que certains d'entre vous ont versées sur
le FGER, création d'une loi de 1994, si je ne m'abuse ; mais je n'ai pas
entendu vos voix quand le gouvernement de M. Juppé l'avait totalement privé de
sa substance au début de l'année 1995...
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
Nous avons réinscrit les crédits !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
... et quand le Gouvernement,
avec M. Le Pensec notamment, a complètement « réabondé » ce fonds qui avait été
totalement vidé de son contenu.
Nous ne supprimons pas le FGER, nous le transférons sur le contrat territorial
d'exploitation, parce que nous pensons que ces crédits sont nécessaires pour
l'aménagement de l'espace rural ; dans le cadre des contrats territoriaux
d'exploitation, ils retrouveront tout leur sens.
La deuxième priorité consiste à miser sur les jeunes et à assurer leur avenir.
Je vais donc évoquer à la fois l'enseignement agricole, dont a parlé si
éloquemment M. Piras, et la politique d'encouragement à l'installation.
L'enseignement agricole connaît, vous avez raison de le dire, un succès
croissant. Sa qualité est reconnue, ses résultats sont incontestables,
notamment dans le domaine de l'insertion professionnelle. Les chiffres cités
par M. Piras sont à cet égard très éloquents.
Le projet de budget pour 1999 est doté de moyens de conserver et de préserver
cet atout. Avec plus de 6,8 milliards de francs, le budget de l'enseignement
agricole augmente de 6 %, soit la hausse la plus forte depuis vingt-cinq ans,
je tiens à la saluer avec vous. En outre, 180 emplois nouveaux sont créés et
128 emplois précaires sont résorbés et transformés en postes stables. Sur ces
308 postes, 99 sont des emplois d'ATOSS. J'ajoute que, pour l'encadrement des
lycées, ce seront 1 000 emplois jeunes qui seront en place au 1er janvier
1999.
Les moyens de fonctionnement augmentent quant à eux de 11,3 %. Pour renforcer
l'effort de solidarité, le fonds social lycéen est abondé de 10 millions de
francs, soit une hausse de 42 %.
S'agissant de l'enseignement supérieur agricole, qui connaît aussi un succès
croissant, le projet de loi de finances pour 1999 prévoit la création de cinq
emplois d'ingénieurs relevant des corps de formation-recherche, une
augmentation des crédits de fonctionnement de 1,78 % et la stabilisation des
autorisations de programme à hauteur de 59,6 millions de francs pour
réhabiliter, moderniser ou maintenir les bâtiments.
Quant à la récente crise lycéenne, dont l'enseignement agricole n'a pas été
absent, je tiens à dire que nous aurons des moyens supplémentaires - au moins
22 millions de francs - dans le prochain collectif budgétaire et que nous
avons, en cours, une mission d'inspection qui nous dira comment affecter au
mieux ces moyens.
Assurer l'avenir des jeunes, c'est aussi leur permettre de s'installer en
nombre suffisant, notamment de favoriser l'arrivée dans le monde agricole de
jeunes dont les parents n'étaient pas des exploitants. En 1998, a été créé le
fonds d'installation en agriculture. Il est doté de 145 millions de francs en
1999 et il servira en priorité à aider des jeunes à s'installer sur des
exploitations libérées sans successeurs.
Aujourd'hui, vous le savez, beaucoup d'agriculteurs partent à la retraite sans
qu'un membre de leur famille reprenne l'exploitation, ce qui accroît, selon les
cas, la désertification ou une excessive concentration.
Les autres instruments d'aide à l'installation sont évidemment maintenus :
enveloppe de prêts jeunes agriculteurs - 5 milliards de francs - allégements
fiscaux en faveur des installations, dotation jeunes agriculteurs - 645
millions de francs - financement de stages préparatoires à l'installation -
86,7 millions de fancs. Il est ainsi prévu d'aider 10 000 installations
nouvelles, ce qui représente un effort volontariste puisque ce chiffre est
supérieur aux installations réelles constatées ces dernières années.
Mais je redis ici ce que j'ai déjà dit ailleurs, notamment en commission ; le
tassement des installations des jeunes m'inquiète, comme vous tous. Je m'en
inquiète même si je prends en compte l'effet induit par l'« indécision » liée à
la PAC dont je parlais tout à l'heure. Je constate que les crédits de l'an
dernier ont été sous-consommés et j'aimerais bien que ceux que nous proposons
pour 1999 soient insuffisants afin de pouvoir revenir vers vous en collectif
budgétaire pour les abonder !
Je ferai le point après un an de fonctionnement du nouveau fonds
d'installation en agriculture et j'en tirerai les leçons avec vous. C'est une
des priorités que nous nous sommes fixées.
La troisième priorité, c'est la sécurité alimentaire. Il n'y a pas besoin de
longs discours pour justifier qu'il s'agisse d'une préoccupation majeure de
l'opinion publique, du Gouvernement et donc de mon ministère.
Le budget total qui lui est consacré est de 735,47 millions de francs, soit
une hausse de 8,8 %.
Les crédits consacrés à la santé animale s'élèvent à 285 millions de francs,
soit 2,3 % de plus qu'en 1998. Ceux qui sont destinés à la protection sanitaire
des végétaux se montent à 53,4 millions de francs, soit une hausse de 52,7
%.
Les services vétérinaires bénéficient d'un effort particulier : les crédits
qui leur permettent de procéder à des analyses passent de 43 à 50 millions de
francs : quarante postes supplémentaires sont créés pour le contrôle du service
public de l'équarrissage au coeur du dispositif de lutte contre la maladie de
la vache folle.
Je vous rappelle, puisque j'aborde ce sujet, que, dans l'affaire de la vache
folle, notamment lors de la dernière réunion du Conseil, l'attitude du
Gouvernement a été guidée du début jusqu'à la fin par le principe de plus
grande précaution.
Le principe de plus grande précaution prévaut à l'égard des Britanniques, de
façon à exiger de leur part les efforts nécessaires. Ainsi, 2,8 millions de
bêtes ont été abattues en deux ans. C'est un effort considérable qu'il convient
de saluer.
Nous avons également exigé de la Commission européenne le respect du principe
de plus grande précaution. Cela s'est traduit dans le dispositif dont j'ai
résumé la teneur hier encore devant vous.
En vertu du principe de la plus grande précaution, nous avons demandé à être
associés à des contrôles supplémentaires. Nous en serons tenus informés, de
manière à pouvoir, le cas échéant, suspendre la levée de cet embargo.
Le principe de la plus grande précaution fait que, aujourd'hui encore, je suis
conscient qu'il existe un problème s'agissant de la restauration collective,
laquelle ne bénéficie pas de l'étiquetage des produits que nous avons mis en
place dans les autres secteurs. Je vais donc réunir les opérateurs dans ce
domaine, afin de garantir que ce principe de plus grande précaution soit
observé.
Je répète devant le Sénat que la levée de l'embargo ne sera pas immédiate et
totale : elle sera partielle et progressive, et n'interviendra pas avant
plusieurs mois, compte tenu des principes que je viens de rappeler.
De même, les moyens destinés à renforcer le contrôle des plantes
transgéniques, ce que l'on appelle la biovigilance, sont considérablement
renforcés.
Comme vous le savez, à l'issue de la conférence des citoyens sur les OGM, les
organismes génétiquement modifiés, le Gouvernement a arrêté une position
fondée, là encore, sur le principe de précaution. Il a été décidé de mettre en
place un dispositif de traçabilité des filières de production pour les plantes
transgéniques et, sur l'initiative de la France, un règlement européen sur
l'étiquetage vient d'être adopté. Quarante-cinq emplois supplémentaires sont
créés dans les services chargés de la biovigilance, et les crédits d'analyses
passent de 35 millions de francs à 54 millions de francs.
Enfin, l'année 1999 consacrera le démarrage de l'Agence française de sécurité
sanitaire des aliments, créée par la loi du 1er juillet 1998. Celle-ci
permettra de renforcer et de rationaliser nos compétences en matière de
sécurité dans le domaine de l'alimentation humaine et animale. Elle sera dotée
de cinquante emplois et de 35 millions de francs de crédits de fonctionnement,
prélevés en trois tiers sur le budget de mon département ministériel, sur celui
du secrétariat d'Etat à la santé et sur celui du ministère chargé de la
consommation.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les trois priorités de ce
projet de budget, en étroite cohérence avec le contenu du projet de loi
d'orientation agricole.
Permettez-moi, maintenant, d'évoquer, autour de quelques grands objectifs, les
instruments plus traditionnels de notre politique agricole, et de répondre, par
là même, à quelques-unes de vos questions.
S'agissant de l'aménagement de l'espace rural, vous aurez compris que
l'ambition du projet de loi d'orientation agricole est de favoriser une
occupation équilibrée du territoire. Le contrat territorial d'exploitation en
sera l'instrument privilégié et fédérateur, mais d'autres outils demeurent.
Je dirai d'abord un mot des SAFER, puisque plusieurs membres de la Haute
Assemblée m'ont interrogé à ce propos et m'ont fait part de leurs inquiétudes
sur ce sujet, et notamment sur les conséquences induites pour les SAFER de la
baisse des droits de mutation sur les opérations foncières prévues par ce
projet de loi de finances.
Evidemment, le ministère de l'agriculture a été depuis longtemps alerté sur
ces conséquences passées inaperçues dans nos débats parlementaires. J'ai tout
de suite pris contact avec mon collègue Christian Sautter, chargé du budget :
j'ai bon espoir qu'une solution à ce problème, qui me préoccupe autant que
vous, sera apportée dans les tout prochains jours afin qu'elle figure dans le
collectif budgétaire de fin d'année.
S'agissant des crédits de prime à l'herbe dont l'objectif est le maintien du
système d'élevage extensif et qui permettent effectivement de maintenir cinq
millions d'hectares en herbe, ils sont reconduits pour un montant de 680
millions de francs.
La prime à la vache allaitante, qui bénéficie aux grandes régions d'élevages
herbagées, est dotée de 650 millions de francs.
C'est l'occasion pour moi, ici, de rassurer mon ami René-Pierre Signé qui n'en
a sans doute pas besoin. Le Gouvernement dans la réforme de la PAC est
parfaitement déterminé à défendre l'élevage extensif et donc à se battre pour
le maintien de la prime aux troupeaux de vaches allaitantes, ce qui est
d'ailleurs parfaitement cohérent avec le type d'agriculture que nous souhaitons
: une agriculture aménageuse du territoire, respectueuse de l'environnement et
tournée vers la qualité. Je veux affirmer ici la détermination du Gouvernement
français dans ce sens !
Les indemnités compensatoires de handicaps naturels, qui recouvrent
essentiellement l'indemnité spéciale de montagne et qui bénéficient à 120 000
exploitants, sont portées à 1,5 milliard de francs, soit une augmentation de
1,5 % par rapport à 1998.
J'ajoute que l'aide aux bâtiments d'élevage, qui bénéficie surtout aux
éleveurs de montagne, est reconduite à hauteur de 224 millions de francs
d'autorisation de programme et de 126 millions de francs de crédits de paiement
pour 1999, auxquels s'ajoutent 150 millions de francs du FNDAE.
Monsieur Bony, comme vous, je suis un élu d'un département de montagne, et
même si ma circonscription est plutôt en plaine, au pied de la montagne, je
connais les difficultés propres à l'agriculture dans ce type de zone. Je ferai
donc en sorte que ces mesures, abondées par des crédits européens, renforcées
par les prêts bonifiés, contribuent à maintenir une activité dynamique dans les
zones menacées par la déprise agricole.
Permettez-moi néanmoins d'insister sur l'approche générale relative à
l'agriculture de montagne. Le discours sur le handicap, qui devrait être
toujours davantage comblé par les aides publiques, ne me paraît pas être le bon
discours. L'agriculture de montagne a surtout des atouts : la qualité des
produits, un certain respect de l'environnement, une image positive. Et je
crois que notre devoir est de souligner et de renforcer ces atouts.
Je dirai un mot maintenant du fonds de calamités, qui a soulevé l'inquiétude
de beaucoup d'entre vous, en commission et ici même.
M. Gérard Cornu.
A juste titre !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Ce fonds n'est pas supprimé.
Une ligne budgétaire est maintenue, mais elle n'est pas dotée pour 1999. Ce
fonds dispose en effet de 1,4 milliard de francs en trésorerie, ce qui doit lui
permettre de faire face aux sollicitations de 1999.
En outre, la règle de parité avec la profession que certains d'entre vous ont
évoquée s'applique sur la durée. Nous ne nous mettrons donc pas en situation
d'illégalité.
Un sénateur du RPR.
On y est déjà !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Enfin, en cas de catastrophes
graves, j'ai déjà pris l'engagement, et je le reprends devant vous, que l'Etat
abonderait ce fonds si c'était nécessaire.
Enfin, toujours à propos du fonds de calamités, j'ajoute, comme certains
d'entre vous m'ont interrogé sur ce sujet, que je suis parfaitement ouvert à
l'idée d'un système d'assurance récoltes, sur le modèle d'expériences
étrangères.
Un groupe de travail du Conseil supérieur d'orientation a d'ailleurs été mis
en place. Nous attendons qu'il rende ses conclusions. Je m'engage à travailler
sur ce sujet avec détermination.
Le renforcement des filières de production est un autre grand objectif de
notre politique agricole. L'action de l'Etat, vous le savez, passe par les
offices. Leur dotation a été reconduite à hauteur de 3 milliards de francs.
Le conseil supérieur d'orientation, qui prépare la répartition entre les
différentes filières, ne s'est pas encore réuni. Avant cette concertation avec
les professionnels, vous comprendrez bien qu'il m'est difficile , voire
impossible de répondre à vos questions sur les grandes lignes de cette
répartition selon les offices.
A propos des filières, je veux dire deux mots, et d'abord un à propos de
l'intervention enflammée et passionnée de M. de Richemont.
L'accord sur le cognac - je vous remercie d'ailleurs, monsieur le sénateur, de
l'hommage que vous avez rendu à l'efficacité de mon ministère à propos de cet
accord - date d'à peine dix jours. Le décret d'application auquel vous faites
allusion est en cours de signature. Trois ministres doivent le signer. Pour
tout vous dire, nous sommes déjà deux sur trois à l'avoir signé. C'est dire que
nous sommes en bonne voie. Laissez-nous simplement le temps de faire paraître
ce décret. C'est une question de jours, peut-être même d'heures.
A propos de filières encore, je veux répondre au vibrant plaidoyer de M.
Mathieu.
(Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants, et du
RPR.)
Je veux lui dire que je partage l'essentiel de son propos, en particulier
ce qu'il a dit sur l'efficacité de l'organisation commune du marché du vin qui
a si bien tiré ce marché vers la qualité au niveau européen. Je partage aussi
son enthousiasme sur le caractère médicalement utile du vin rouge sur les
maladies cardiovasculaires,...
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Il faudra le dire à Kouchner !
Un sénateur du RPR.
Et à Evin !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
... mais j'attire son attention
sur le fait que les médecins savent bien - et il y en a dans cette salle - que
cette vertu médicale est liée au tanin et que, de ce point de vue, mieux vaut
le bordeaux et surtout le madiran que certains vins du Beaujolais.
(Exclamations.)
M. Aymeri de Montesquiou.
Bravo !
Un sénateur du RPR.
Sectarisme !
M. Hilaire Flandre.
Chacun ses goûts ! Chez nous, on préfère la bière !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
La compétitivité de la filière
agro-alimentaire mérite toute notre attention. Non que je sois inquiet à ce
sujet. Les résultats sont plus que rassurants et je ne pense pas qu'il faille
consacrer de larges dotations budgétaires à un secteur qui n'a pas besoin de
l'Etat pour prospérer.
Reste que la SOPEXA, qui regroupe les efforts des pouvoirs publics et des
professionnels pour assurer la promotion de nos produits sur les marchés
étrangers, joue un rôle utile.
Cet organisme va signer avec l'Etat une convention d'objectifs. Sa subvention,
portée à 138 millions de francs, augmente de 10 millions de francs. De même,
pour les PME innovantes qui souhaitent se moderniser pour être plus
compétitives à l'exportation, la dotation sera maintenue à 150 millions de
francs.
La préservation de l'environnement sera un élément structurant des contrats
territoriaux d'exploitation. Une enveloppe de 140 millions de francs pour des
opérations agri-environnementales est néanmoins maintenue. Je rappelle que
cette somme s'ajoute aux dotations des contrats territoriaux d'exploitation,
mais aussi à des mesures comme la prime à l'herbe, dont la vocation
environnementale est évidente.
Je veux, en outre, rappeler que le Gouvernement fera preuve d'une
détermination sans faille pour lutter contre les pollutions d'origine agricole
et - je le redis devant vous - ce n'est pas la crise du porc qui me fera
changer d'avis. C'est d'ailleurs dans l'intérêt des agriculteurs eux-mêmes qui,
au-delà du fait que, comme nous tous, ils doivent préférer boire une eau
potable et vivre dans des paysages sauvegardés, n'ont aucun avantage à voir se
développer un différend avec leurs concitoyens sur cette question.
Nous avons pris les moyens de les aider à s'adapter en inscrivant, dans le
projet de budget pour 1999, 325 millions de francs pour le programme de
maîtrise des pollutions en élevage, et je compte bien que ces crédits soient
consommés.
Permettez-moi maintenant, monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, d'évoquer deux secteurs particulièrement importants de l'action de
mon ministère, la forêt et la pêche.
Notre territoire est riche de forêts et l'attachement des Français à leur
préservation est particulièrement fort.
Il est vrai, comme l'a souligné M. Gaillard, que le Gouvernement a confié à M.
Jean-Louis Bianco une mission de réflexion et de proposition en vue d'un futur
projet de loi portant sur la modernisation forestière.
Dans son rapport, remis le 25 août dernier au Premier ministre, et intitulé
La forêt, une chance pour la France
, il met l'accent sur les modalités
de gestion durable et il estime que le potentiel de production et de
transformation de la forêt française est particulièrement riche en emplois.
Je considère - et le Gouvernement avec moi - que ce rapport est une bonne base
de travail et mes services ont commencé des consultations avec l'ensemble des
partenaires intéressés sur ces orientations.
J'ai fait, mercredi, voilà donc deux jours, une communication en conseil des
ministres pour fixer les orientations des travaux préparatoires à l'élaboration
d'un projet de loi de modernisation forestière que j'espère soumettre l'année
prochaine au Parlement.
D'ores et déjà, le budget de l'Office national des forêts est porté en 1999 à
875 millions de francs, soit une hausse de 28 millions de francs.
Je réponds donc à M. Gaillard que l'ambition forestière affichée par M. Bianco
dans son rapport est bien reprise à son compte par le Gouvernement. J'en
profite, par ailleurs, pour le rassurer à propos de l'amendement sur les
plantations adopté un peu rapidement à l'Assemblée nationale, sans que les
conséquences aient été bien mesurées. Le Gouvernement est en train de mener des
consultations avec les professionnels et au sein du Gouvernement pour essayer
de le corriger.
La pêche est une richesse de ce pays et j'ai en charge de préserver cette
activité.
J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt et d'attention l'intervention de grande
qualité de Mme Boyer sur ce sujet.
En 1998, une loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines a
été adoptée. Son principal dispositif est la transformation du FIOM en un
véritable office d'intervention, l'OFIMER.
Les textes d'application de cette loi sont soit déjà pris, soit en cours
d'adoption.
A cet égard, je tiens à rassurer ceux qui m'ont interrogé sur ce sujet,
notamment M. Gérard. Je me suis inquiété de la publication de ces textes
d'application car, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, je n'aime pas les
retards. J'ai donc demandé une accélération du processus, même si je dois vous
confier, sans manquer pour cela à la solidarité gouvernementale, que ce retard
tient plus à d'autres ministères qu'au mien. Mais ce n'est pas un motif de
satisfaction, et je ferai en sorte que ces textes soient publiés le plus
rapidement possible.
L'OFIMER sera en place au 1er janvier 1999. L'office sera une véritable
structure interprofessionnelle capable d'impulser une politique de filière. Le
transfert de la section sociale de l'office vers le comité national des pêches,
qui explique 29 millions de francs de baisse des crédits, correspond à une
décision prise dans le cadre de la loi d'orientation sur la pêche que vous avez
votée. Nul ne peut donc s'en plaindre. Il s'agit de mettre en cohérence nos
actes avec vos votes.
Mon action vise également à poursuivre la modernisation de la flotte de pêche,
qui est déjà bien entamée, et celle des équipements à terre, tels que les
équipements portuaires ou les halles à marée.
S'agissant de la flotte de pêche, la France a mis en place, en 1997, un plan
de sortie de flotte en partenariat avec les régions ou les départements. Ce
plan est en train de réussir.
A propos de la reprise de l'investissement, madame Boyer, nous venons
d'obtenir de la Commission européenne le rétablissement des autorisations de
construction de navires ainsi que les aides correspondantes, qui avaient été
suspendues en 1997, et j'ai effectivement signé, le 29 octobre - c'est
d'ailleurs l'un des premiers textes que j'ai signés - la circulaire fixant les
conditions de cette reprise.
Je tiens néanmoins à préciser que cette reprise sera modérée et maîtrisée. Ce
ne sera pas la porte ouverte en grand. Il nous faut d'ailleurs attendre le
recensement des demandes exprimées dans les commissions régionales de
modernisation de la flotte de pêche artisanale, les COREMODE, pour procéder à
la répartition des kilowatts. Nous sommes donc en train de faire ce recensement
et nous pourrons ensuite répartir ces kilowatts aussi vite que possible pour
embrayer sur cette reprise des investissements.
Mme Boyer a également évoqué l'enseignement maritime et aquacole. Je tiens à
lui préciser, s'agissant de l'avenir des personnels et des établissements, que
le Gouvernement mène une réflexion à trois niveaux tendant à donner un statut
public au personnel des écoles maritimes et aquacoles, à élever le niveau de
formation, compte tenu des exigences des métiers, enfin, à assurer le
rattachement ministériel le plus approprié.
Je n'oserai aller dans votre sens, car l'on va encore me rétorquer que le
ministère de l'agriculture est assoiffé de pouvoir et de compétence.
Mais vous avez précisé que 90 % des diplômés de l'enseignement maritime
exercent leur activité dans le secteur de la pêche et de l'aquaculture dont ce
ministère a la charge. Voilà pourquoi je suis attaché à l'évolution rapide de
ce dossier.
Monsieur Le Grand, vous m'avez interrogé sur nos rapports avec nos voisins
anglo-normands. Je vous confirme qu'un accord avec Jersey est proche. J'ai donc
bon espoir que les négociations puissent s'engager rapidement avec
Guernesey.
Au total, le niveau des crédits alloués à la pêche s'élève à environ 200
millions de francs dans le projet de loi de finances pour 1999.
Je ne saurais être complet sans évoquer l'aide alimentaire, qui ne relève pas
exactement de la politique agricole mais dont les crédits sont inscrits au
budget de mon ministère.
Sous les précédents gouvernements, la France avait accumulé un retard dans ses
engagements internationaux portant sur la fourniture de 200 000 tonnes
d'équivalents céréales par an. Ce retard était d'autant plus dommageable que la
France, dans les enceintes internationales, défend l'importance de l'aide
publique au développement et appelle notamment à un renforcement de l'aide
alimentaire. Pour 1999, le budget de l'aide alimentaire s'établit à 274
millions de francs, soit une hausse de 70 millions de francs.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je souhaitais
vous dire, et que je peux résumer ainsi, c'est qu'il s'agit d'un budget en
augmentation, cohérent, qui dote les instruments nouveaux, qui préserve les
instruments traditionnels dès lors qu'ils gardent leur pertinence. C'est un
budget qui vise à préparer l'adaptation de notre agriculture aux évolutions de
la politique agricole européenne, et qui répond, je crois, aux attentes non
seulement des agriculteurs mais aussi de tous nos concitoyens.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère
de l'agriculture et de la pêche et figurant aux états B et C.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III : 335 676 725 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV :
moins
2 661 518 390 francs. »
Par amendement n° II-48, M. César, au nom de la commission des affaires
économiques, propose de réduire ces crédits de 300 000 000 francs.
En conséquence, de porter le montant des mesures nouvelles à
moins
2
961 518 390 francs.
La parole est à M. Flandre.
M. Hilaire Flandre,
au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.
Le projet de
loi de finances pour 1999 prévoit le financement des contrats territoriaux
d'exploitation que devrait mettre en place le projet de loi d'orientation
agricole. Ces contrats seraient destinés à orienter l'intervention économique
et, par là même, à transformer profondément l'entreprise agricole.
La commission des affaires économiques et du Plan est contrainte de vous
proposer un amendement de suppression d'une ligne budgétaire qui, sciemment,
mélange tout.
La commission est bien entendu favorable à l'installation des jeunes
agriculteurs, au fonds de gestion de l'espace rural ou encore à l'intervention
des offices agricoles, mais elle estime que, dans ces domaines, les crédits
sont insuffisants.
En revanche, elle ne peut accepter que, par amalgame, des crédits soient
affectés sur le CTE alors que celui-ci n'existe pas encore. C'est faire fi de
la représentation nationale que de proposer de redéployer 300 millions de
francs, dès aujourd'hui, plusieurs mois avant l'adoption définitive de la loi
d'orientation et avant même que le Sénat ait eu l'occasion de l'examiner.
Comprenez bien qu'il ne s'agit en aucune façon de prendre position sur le
dispositif qui sera présenté dans le projet de loi d'orientation agricole dans
les jours à venir ; il s'agit de prendre le temps d'examiner le contrat
territorial d'exploitation et d'en évaluer la portée avant de se prononcer sur
les moyens que le Gouvernement souhaite y consacrer.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
Je dirai à notre collègue, m'exprimant au nom de la
commission des finances, qu'il ne faut pas tenter le diable !
M. Hilaire Flandre,
au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.
Qui
appelez-vous le diable ?
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
Moi !
Ayant le souci de réduire les déficits, j'aurais tendance à dire qu'il s'agit
d'un bon amendement !
Cela étant, pour ma part, je m'en remets à la haute compétence, en matière
d'expertise, de la commission des affaires économiques et je recommande donc la
sagesse.
M. René-Pierre Signé.
C'est un combat d'arrière-garde !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je souscris aux propos du
rapporteur spécial : il ne faut pas tenter le diable ! Mais, en l'occurrence,
il s'agirait de supprimer 300 millions de francs !
Je ne comprends pas très bien la logique de certains sénateurs qui, dans leurs
interventions, considérant que les crédits dévolus au ministère de
l'agriculture et de la pêche n'étaient pas suffisants, veulent maintenant les
réduire de 300 millions de francs pour les rendre encore plus insuffisants ! Il
ne faut évidement pas tenter le diable !
Le Gouvernement, pour sa part, souhaite que ces 300 millions de francs soient
maintenus dans le projet de budget pour le financement des CTE, auxquels nous
croyons, et leur mise en oeuvre au dernier trimestre de 1999.
Je demande donc le rejet de cet amendement.
M. René-Pierre Signé.
Bien sûr !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-48.
M. Jean-Marc Pastor.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor.
Depuis maintenant plus d'un an et demi, le ministre de l'agriculture et la
profession, plus particulièrement sur l'initiative du CNJA, ont travaillé
ensemble et sont parvenus à un accord sur les grandes orientations de la future
loi d'orientation agricole.
Or les contrats territoriaux d'exploitation sont le coeur même de ce projet de
loi, qui vient d'être adopté à l'Assemblée nationale. Des amendements déposés
par les députés ont failli dénaturer le texte et ont irrité les jeunes
agriculteurs au point que certaines permanences ont été fermées.
Aujourd'hui, vous nous présentez un amendement destiné à réduire les crédits
du projet de budget pour l'agriculture du montant qui était prévu pour les CTE,
et cela alors que quatre-vingts départements ont d'ores et déjà demandé à
participer à cette expérimentation. L'adoption de cet amendement risque de
retarder d'une année le lancement de l'expérimentation.
Pour ma part, je regrette que, subrepticement, le rapporteur pour avis de la
commission des affaires économiques, M. César, ait jugé bon de faire examiner
cet amendement en commission comme s'il s'agissait d'un simple correctif
budgétaire.
En fait, les CTE constituent l'axe majeur de votre budget, monsieur le
ministre, et sont particulièrement attendus par les jeunes agriculteurs.
Sur un choix majeur, il convient d'agir dans la transparence ; il faut donc
que sénateurs et groupes politiques s'expriment clairement et que l'on sache
qui souhaite aller de l'avant pour notre agriculture et qui profite de cette
discussion budgétaire pour faire de la politique par le petit bout de la
lorgnette et aller à l'encontre des intérêts des agriculteurs !
Le monde agricole devant connaître la position de chacun, nous vous demandons
un scrutin public sur cet amendement.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Gérard Cornu.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu.
Monsieur le ministre, les explications que vous venez de nous donner ne sont
pas convaincantes.
Pour quelle raison demandons-nous la réduction des crédits de 300 millions de
francs ? C'est tout simplement parce que le Sénat n'a pas encore examiné le
projet de loi d'orientation agricole. De plus, si j'ai bien compris, les CTE ne
seront finalement opérationnels qu'au dernier trimestre de l'année 1999.
Monsieur le ministre, vous venez aussi de nous expliquer qu'il s'agit d'un
redéploiement des crédits provenant en partie du Fonds de gestion de l'espace
rural. Lorsque vous étiez député à l'Assemblée nationale, vous avez défendu ce
fonds en demandant le maintien des crédits qui lui y étaient consacrés, comme
moi. Mais ces crédits, une fois affectés aux CTE, le seront de façon
individuelle. Or, vous savez pertinemment que le fonds de gestion de l'espace
rural ne sert pas uniquement pour des actions individuelles.
Des espaces sensibles sont déjà complètement désertés par les agriculteurs,
faute de vocation économique. Il arrive donc que les collectivités locales
soient obligées de poursuivre le mouvement, précisément pour défendre ces
espaces sensibles. C'est donc une erreur d'intégrer des crédits du fonds de
gestion de l'espace rural, comme vous l'avez dit, pour des actions
individuelles dans le cadre des CTE. C'est aller à l'encontre de la défense du
monde rural et de la gestion des espaces sensibles !
M. Bernard Piras.
Alors, retirez l'amendement !
M. René-Pierre Signé.
C'est un combat d'arrière-garde !
M. Albert Vecten.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vecten.
M. Albert Vecten.
Je ne comprends pas cet amendement de réduction des crédits de 300 millions de
francs destinés aux CTE.
Si, par malheur, la disposition du projet de loi d'orientation agricole
relative aux CTE, n'est pas adoptée, les crédits consacrés à ces derniers ne
seront pas utilisés, mais ils resteront, c'est tout !
Aujourd'hui, alors que 80 départements sont d'accord pour une telle
expérimentation, comment allons-nous faire comprendre aux agriculteurs que nous
réduisons les crédits du montant consacré au fonctionnement de ces CTE ?
Je suis président de conseil général. Lorsque des crédits ne sont pas
utilisés, on les garde !
Pour une fois que le Gouvernement prend les devants, on refuserait ? Je ne
comprends pas et je voterai donc contre cet amendement.
Mme Hélène Luc.
C'est logique. Au moins du bon sens !
M. René-Pierre Signé.
Très bien !
M. le président.
Monsieur Flandre, maintenez-vous l'amendement.
M. Hilaire Flandre,
au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.
Madame Luc,
ne vous réjouissez pas trop vite. Quand vous aurez bien compris le fond du
problème...
Ces crédits d'un montant de 300 millions de francs sont bien soustraits du
fonds de gestion de l'espace rural, des opérations groupées d'aménagement
foncier, du fonds pour l'installation en agriculture et d'une partie des
financements des offices !
Cela veut dire que Gouvernement prend les devants, monsieur Vecten, je veux
bien l'admettre.
M. Jean-Louis Carrère.
Et vous enlevez encore plus de crédits !
M. René-Pierre Signé.
Vous n'êtes pas convaincu !
M. le président.
Laissez M. Flandre s'exprimer !
M. Hilaire Flandre,
au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.
En fait, le
Gouvernement prend les devants pour supprimer des crédits consacrés à un
dispositif qui fonctionne et les affecter à un dispositif qui n'existe pas
encore ! Il convenait d'alerter la Haute Assemblée et le ministre sur un tel
phénomène.
Toutefois, compte tenu des réactions que cet amendement suscite des
explications que M. le ministre a bien voulu nous fournir, et bien que nous
n'ayons pas été convaincus, nous retirons cet amendement.
(Exclamations sur
les travées socialistes.)
M. René-Pierre Signé.
Voilà la sagesse !
M. Jean-Paul Emorine.
Mais applaudissez donc !
M. le président.
L'amendement n° II-48 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
Mme Hélène Luc.
La sagesse arrive !
M. Hilaire Flandre.
Rassurez-vous, madame, elle est là depuis longtemps !
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 86 900 000 francs » ;
« Crédits de paiement : 26 070 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 892 600 000 francs » ;
« Crédits de paiement : 351 340 000 francs. »
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Je profite de cette intervention, monsieur le ministre, pour vous souhaiter la
bienvenue dans cet hémicycle, puisque c'est la première fois que vous présentez
le budget de votre ministère. Vous voyez que la sagesse commence à l'emporter :
les crédits ont été votés !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon
intervention sur les crédits du titre VI a pour objet la situation de l'Ecole
nationale vétérinaire d'Alfort dans le département du Val-de-Marne.
Je souhaite attirer votre attention, sur les besoins les plus immédiats de cet
établissement. Vous vous rappelez que nous avions empêché la délocalisation de
cette école, que je vous invite d'ailleurs, au nom du conseil d'administration
dont je suis membre, à venir visiter.
La construction d'un centre hospitalier universitaire vétérinaire, nécessite
une somme de 75 millions de francs.
Dans le contrat de plan Etat-région, un financement de 45 millions de francs
est prévu, auquel on peut ajouter 10 millions de francs prélevés sur la
subvention complémentaire promise à l'Ecole vétérinaire dans le cadre du
contrat de plan et encore 10 millions de francs au titre de l'autofinancement
par l'établissement. Il manque donc 10 millions de francs pour la réalisation
d'un tel centre ; c'est capital pour l'école !
La question se pose, monsieur le ministre, de savoir si l'Etat est prêt à
s'engager dans ce financement complémentaire dans des délais rapides ?
En outre, la construction de ce futur hôpital nécessite le transfert de deux
services, ce qui signifie qu'une somme d'environ 10 millions de francs devrait
être mise à disposition de l'établissement le plus rapidement possible pour
permettre ces travaux préliminaires.
Par ailleurs, la remise en état des principaux équipements vétustes ou
dangereux de l'établissement nécessite une somme totale d'environ 23 millions
de francs pour répondre à cette situation d'urgence.
Je vous remercie à l'avance de votre réponse qu'attendent les étudiants de
l'école, la population de Maisons-Alfort dans le Val-de-Marne - mais pas
seulement puisqu'il s'agit de l'école de la France tout entière - et même de
très nombreux pays, tous très attachés à la rénovation et à l'image de cette
Ecole nationale vétérinaire, qui a une renommée internationale.
Je tiens à évoquer un autre sujet qui suscite l'indignation des élèves recalés
injustement au concours d'accès des écoles nationales vétérinaires.
Le 10 novembre dernier, le Sénat adoptait un amendement déposé par le groupe
du RPR et tendant à valider les concours de 1997.
Il est apparu que de nombreux candidats recalés l'ont été avec des notes
supérieures à celles qui ont été obtenues par les candidats reçus. Les élèves
ont légitimement saisi le Conseil d'Etat. Or l'article 19
bis
du projet
de loi relatif aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux
anticipe sur la décision du Conseil d'Etat.
En conclusion, au nom du groupe que j'ai l'honneur de présider, je vous
demande de favoriser la suppression de cet article lors de son examen en
deuxième lecture à l'Assemblée nationale. Il ne s'agit pas, bien évidemment, de
contester le bien-fondé des admissions déjà prononcées ; il s'agit de rétablir
les droits des candidats insidieusement écartés de l'accès aux écoles
vétérinaires au détour d'un amendement surprise.
M. Hilaire Flandre.
On régularise ! On prend tout le monde !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Madame la présidente,
s'agissant du centre hospitalier universitaire vétérinaire, le Gouvernement est
persuadé du bien-fondé d'un tel projet et souhaite l'encourager. Mais il est
lourd financièrement ! De plus, la réalisation de ce centre ne peut intervenir
qu'à l'occasion de la négociation du contrat de plan Etat-région. Nous avons
donc fixé la discussion dans ce cadre et le président du conseil d'orientation
de l'école a d'ores et déjà a été reçu à mon cabinet ces derniers jours pour ce
faire.
S'agissant du concours d'accès aux écoles vétérinaires, si l'affaire est moins
lourde financièrement, elle est plus compliquée juridiquement ! J'ai déjà eu
l'occasion de l'évoquer devant le Sénat à l'occasion de la discussion de
l'amendement auquel vous faisiez allusion lors de l'examen du projet de loi sur
les animaux dangereux.
Il est vrai que ces concours nous causent des soucis d'ordre juridique. Ils
sont le fruit d'une réforme qui a été lancée par M. Vasseur et qui devait se
mettre en place en « sifflet » sur plusieurs années.
A cet effet, des systèmes de quotas ont été constitués suivant les catégories
d'étudiants, selon qu'ils se présentaient pour la première fois ou non, etc.
Comme je l'ai dit un jour en souriant devant cette Haute Assemblée, mon
administration est plus forte pour gérer les quotas laitiers que les quotas
d'étudiants à l'Ecole vétérinaire !
(Sourires.)
Ce système de quotas a abouti à des situations absolument abracadabrantes
!
Mme Hélène Luc.
C'est sûr !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Le dernier concours a été mis
en cause par plusieurs associations d'étudiants, et ce pour des raisons
absolument contradictoires. L'affaire est devant le Conseil d'Etat.
Dans un premier temps, j'ai eu la tentation d'attendre la décision du Conseil
d'Etat. Mais j'ai été convaincu que ce n'était pas la solution de sagesse. En
effet, si, par malheur - et le risque n'est pas mince ! - le Conseil d'Etat
casse le résultat du concours, on se trouvera devant un vide juridique qui
fragilisera l'ensemble des étudiants.
Nous avons donc envisagé une validation. Nous l'avons fait ensemble, puisque
vous avez adopté à l'unanimité cette validation du concours tel qu'il s'est
déroulé et avec les résultats qui ont été publiés au mois de juin dernier.
Voilà la décision prise par le Sénat.
A l'Assemblée nationale, vos collègues députés ont souhaité faire mieux en
proposant de considérer comme acceptés au concours tous ceux qui ont eu une
note supérieure à la note du dernier reçu. Seulement, cet amendement d'origine
parlementaire est tombé sous le coup de l'article 40 de la Constitution
puisqu'il entraînait une dépense supplémentaire pour l'Etat. En outre, il n'a
pu être repris par le Gouvernement dans la mesure où le débat s'inscrivait dans
la procédure d'examen simplifiée qui existe à l'Assemblée nationale.
Nous avons préféré surseoir à l'examen de ce texte pour reprendre son examen
dans quelques jours. Je reviendrai, lors de la prochaine lecture du projet de
loi relatif aux animaux dangereux devant le Sénat, avec un amendement bien
rédigé et financé, de façon à sortir de cet embrouillamini, avec une solution
qui soit la plus satisfaisante pour tous. Je m'y engage devant vous très
solennellement, madame.
Mme Hélène Luc.
Nous devrions parvenir à trouver une solution !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
J'appelle en discussion les articles 75 A et 75 B, qui sont rattachés pour
leur examen aux crédits de l'agriculture et de la pêche.
Article 75 A
M. le président.
« Art. 75. - Les treizième à dix-septième alinéas (
b, c
et
d
du
2°) de l'article 1003-4 du code rural sont supprimés. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 75 A.
(L'article 75 A et adopté.)
Article 75 B
M. le président.
« Art. 75 B. - Il est inséré, après l'article 1121-5 du code rural, un article
1121-6 ainsi rédigé :
« Art. 1121-6.
- I. - Les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole
dont la pension servie à titre personnel a pris effet avant le 1er janvier 1997
et qui justifient de périodes minimum d'activité non salariée agricole et
d'assurance en tant que chef d'exploitation ou d'entreprise agricole accomplies
à titre exclusif ou principal peuvent bénéficier, à compter du 1er janvier
1999, d'une majoration de la retraite proportionnelle qui leur est servie à
titre personnel.
« Cette majoration a pour objet de porter le montant de celle-ci à un minimum
qui est fixé par décret et qui tient compte de leurs périodes d'assurance en
tant que chef d'exploitation ou d'entreprise agricole et d'activités non
salariées agricoles accomplies à titre exclusif ou principal. Ce même décret
précise les modalités suivant lesquelles seront déterminées les périodes
d'assurance précédemment mentionnées.
« II. - Les titulaires de la majoration forfaitaire des pensions de réversion
prévue au deuxième alinéa du VI de l'article 71 de la loi n° 95-95 du 1er
février 1995 de modernisation de l'agriculture bénéficient, à compter du 1er
janvier 1999, d'une majoration de cette dernière, lorsqu'ils justifient de
périodes minimum d'activité non salariée agricole accomplies à titre exclusif
ou principal.
« Cette majoration a pour objet de porter le montant de celle-ci à un montant
minimum qui est fixé par décret et qui tient compte de leurs périodes
d'activité non salariée agricole accomplies à titre exclusif ou principal.
« Cette majoration n'est pas cumulable avec la majoration prévue au I qui
s'applique en priorité.
« III. - Les personnes dont la retraite forfaitaire a pris effet avant le 1er
janvier 1998 bénéficient, à compter du 1er janvier 1999, d'une majoration de la
retraite forfaitaire qui leur est servie à titre personnel, lorsqu'elles
justifient de périodes de cotisations à ladite retraite, ou de périodes
assimilées déterminées par décret, et qu'elles ne sont pas titulaires d'un
autre avantage servi à quelque titre que ce soit par le régime d'assurance
vieillesse des membres non salariés des professions agricoles. Toutefois, le
bénéfice d'une retraite proportionnelle acquise à titre personnel et inférieure
à un montant fixé par décret ne fait pas obstacle au versement de ladite
majoration.
« Ce décret fixe le montant de la majoration en fonction de la qualité de
conjoint, d'aide familial et, le cas échéant, de chef d'exploitation ou
d'entreprise agricole, en fonction des durées justifiées par l'intéressé au
titre du présent paragraphe et en fonction du montant de la retraite
proportionnelle éventuellement perçue.
« S'agissant des chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole qui ont
également exercé leur activité en qualité d'aide familial, ils sont considérés
comme aides familiaux pour l'application des dispositions du présent article
dès lors qu'ils ont exercé en cette dernière qualité pendant une durée
supérieure à un seuil fixé par décret. »
Par amendement n° II-51, MM. Le Cam et Fischer, Mme Borvo et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent :
A. - I. - Dans le deuxième alinéa du paragraphe III du texte présenté par cet
article pour l'article 1121-6 du code rural, de supprimer les mots : « en
fonction de la qualité de conjoint, d'aide familial et, le cas échéant, de chef
d'exploitation ou d'entreprise agricole ».
II. - De compléter le texte présenté par cet article pour l'article 1121-6 du
code rural par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... Le total de la retraite forfaitaire et de la retraite proportionnelle
représente, à compter du 1er janvier 1999, un montant mensuel qui ne peut être
inférieur à 3 000 francs. »
B. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du A. ci-dessus, de
compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« Dans le premier alinéa de l'article 980
bis
du code général des
impôts, remplacer les mots : "n'est pas" par le mot "est". »
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Cet amendement est le prolongement de celui qui a été déposé ce matin même, à
l'occasion de l'examen du BAPSA, qui visait à porter progressivement le niveau
des retraites agricoles à 75 % du SMIC brut.
Moins ambitieux que le précédent, cet amendement représente néanmoins un
progrès significatif qui serait fort apprécié des retraités actuels mais aussi
des actifs qui espèrent pouvoir en profiter un jour.
Nous proposons donc d'aligner les retraites allouées aux conjoints, aux aides
familiaux sur le minimum fixé pour les chefs d'exploitation, c'est-à-dire 3 000
francs par mois.
La pénibilité du travail subie par ces différentes catégories étant
équivalente, aucune raison ne peut justifier une telle discrimination.
Cet amendement répond à l'une des revendications des associations de retraités
agricoles.
En outre, le coût de cette mesure me semble tout à fait supportable dans
l'immédiat. C'est pourquoi je vous demande, au nom du groupe communiste
républicain et citoyen, de l'adopter.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
Cet amendement tout à fait sympathique va dans le bon
sens ; mais, avant de donner l'avis de la commission, je souhaite connaître
l'avis du Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Les mêmes causes produisant les
mêmes effets, je suis au regret d'apporter à M. Le Cam la même réponse que
celle que j'ai faite ce matin à propos d'un amendement similaire.
D'abord, cette proposition engendrerait un coût de 2,6 milliards de francs.
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
C'est moins que ce matin !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Certes, mais c'est une dépense
non négligeable, en tout cas suffisante pour que l'article 40 de la
Constitution puisse être invoqué.
Surtout, monsieur Le Cam, cet amendement risque d'être source d'iniquité
fiscale ou sociale, comme je vous l'ai déjà indiqué, dans la mesure où l'on
serait amené à accorder les mêmes retraites à des gens qui auraient cotisé deux
ou trois fois moins. Il faut veiller, dans ce domaine, à ne pas agir de manière
si brutale.
Enfin, je l'ai dit ce matin et je le répète de manière solennelle cet
après-midi, le Gouvernement s'est engagé, avec la majorité tout entière, à
réaliser une revalorisation des retraites sur cinq ans. Nous avons déjà franchi
deux étapes non négligeables. Nous préparons la troisième, à partir d'un
rapport qui sera soumis au Parlement d'ici à quatre mois.
Je vous demande donc, monsieur le sénateur, de retirer cet amendement afin que
nous puissions travailler plus tranquillement à cette revalorisation prochaine
porteuse de plus de justice et d'efficacité.
M. le président.
Monsieur Le Cam, l'amendement n° II-51 est-il maintenu ?
M. Gérard Le Cam.
Contrairement à la position que j'ai adoptée ce matin, je ne souhaite pas
retirer mon amendement.
M. le président.
Monsieur le rapporteur spécial, l'article 40 de la Constitution est-il
applicable ?
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
Je suis au regret de constater qu'il l'est, monsieur
le président.
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° II-51 n'est pas recevable.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 75 B.
(L'article 75 B est adopté.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant le ministère de l'agriculture et de la pêche.
Au nom du Sénat, je tiens à remercier M. le ministre de l'agriculture et de la
pêche pour la bonne tenue de ce débat et pour toutes les explications qu'il a
bien voulu, au nom du Gouvernement, donner à la Haute Assemblée, laquelle y a
été sensible.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je vous sais gré de vos propos,
monsieur le président.
Education nationale, recherche et technologie
I. - ENSEIGNEMENT SCOLAIRE
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
l'éducation nationale, la recherche et la technologie : I.- Enseignement
scolaire.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Philippe Lachenaud,
en remplacement de M. Jacques Delong, rapporteur spécial de la commission des
finances,du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers
collègues, pour la première fois, et en remplacement de M. Delong, retenu pour
cause de maladie - je prie la Haute Assemblée de bien vouloir l'excuser et je
lui souhaite un complet rétablissement - il me revient l'honneur de présenter
le budget de l'éducation nationale pour sa partie enseignement scolaire.
Le budget de l'enseignement scolaire est le premier budget de la nation avec
297,74 milliards de francs, une croissance de 4,13 %, ce qui représente une
progression de 11,8 milliards de francs pour l'année 1999.
Il s'agit d'un budget extrêmement rigide du fait de sa contexture puisque 82 %
des dépenses sont des dépenses de personnel : 767 000 enseignants pour 12 600
000 élèves - je ne sais pas si j'ai bien fait le compte en relisant les
tableaux d'effectifs de l'enseignement élémentaire et secondaire.
C'est donc le premier budget de la nation que nous examinons, dans un contexte
très difficile à apprécier.
Votre tâche n'est pas commode, monsieur le ministre. En effet, il y a un
contraste saisissant entre la qualité et le bon fonctionnement reconnus au
niveau national et international de l'appareil éducatif d'une part, un malaise
récurrent, des dysfonctionnements évidents et constatés, d'autre part.
La situation est difficile à apprécier également en raison de ce que
j'appellerai une « instabilité réformatrice » qui dure depuis des années,
gouvernement après gouvernement.
Le contexte est aussi marqué par une baisse importante, durable, continue, à
moyen terme des effectifs scolaires, baisse qui est loin d'être non
significative puisque, pour l'année qui vient, ce sont 67 900 élèves de moins
qui seront scolarisés.
Dans ce contexte difficile à apprécier, il est évident, et je tiens à le
souligner, que de très nombreux aspects positifs de votre politique se trouvent
traduits dans le projet de budget. Il en est ainsi des incidences financières
des actions positives pour l'accès à l'école, pour l'égalité de cet accès, pour
la qualité de l'enseignement, pour la réforme de l'administration et de la
gestion, et toute une série de réformes que je vais très rapidement
énumérer.
Elles ont un aspect positif. Leur incidence financière a été bien mesurée et
elle est inscrite dans le projet de budget pour 1999, que nous examinons
aujourd'hui.
Je citerai la réévaluation des zones d'éducation prioritaire, les ZEP ; la
réforme des bourses des collèges ; l'aide à la scolarité ; le fonds social
collégien, qui continue ; le fonds social pour les cantines, qui est mis en
place ; l'apprentissage des langues étrangères, auquel nous tenons beaucoup.
La généralisation de cet apprentissage aux enfants de CM2 va concerner 636 000
élèves. C'est un chiffre important, qui correspond à une ambition, une vocation
européenne principalement affirmée pour l'éducation, pour les jeunes et les
enfants.
De même, le plan de lutte contre la violence, fondé sur une approche de
coopération entre tous les partenaires et tous les acteurs locaux qui peuvent
essayer de réduire la violence à l'école, est un élément positif, comme l'est
l'introduction des nouvelles technologies.
Si l'on passe du domaine de la qualité, de l'accès pédagogique aux problèmes
d'organisation et d'action administrative, on peut noter, de manière positive,
la réforme de l'administration centrale, de même que l'amorce courageuse mise
en place par circulaire de la déconcentration, qui permettra, nous l'espérons,
de rationaliser la mobilité et le mouvement des enseignants.
Je ne suis pas en train de juger la copie du ministre de l'éducation nationale
et du ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire. Ce n'est pas du tout
mon objectif, mais, puisque je parle au nom de la commission des finances, je
voulais indiquer que ces actions positives trouvaient leur traduction dans le
projet de budget et que les incidences y étaient inscrites et bien mesurées.
Tout cela va vers l'égalité des chances, vers l'école républicaine, ainsi que
vers une meilleure rationalisation et une meilleure qualité de la gestion de
l'appareil important de l'éducation nationale. Nous l'apprécions et le trouvons
positif.
En cette fin d'année 1998, à la veille de l'année 1999 - il est toujours un
peu difficile d'examiner les projets de budgets de l'éducation nationale parce
que cette période est « à cheval » sur deux années scolaires - nous éprouvons
certaines inquiétudes en ce qui concerne la politique éducative. Nous
souhaiterions que vous nous apportiez des réponses à certaines incertitudes qui
se sont manifestées soit au sein de la commission des affaires culturelles, que
préside mon collègue M. Gouteyron, soit au sein de la commission des
finances.
La première question porte sur l'avenir des écoles rurales.
Il reste 7 780 écoles uniques en France. Nous sortons du moratoire. Celui-ci a
permis, à peu près au rythme de 400 par an, de maintenir les écoles dans le
milieu rural.
Vous connaissez l'importance de la présence de l'école en milieu rural et vous
savez combien les sénateurs sont particulièrement attachés à son maintien.
Nous estimons que la mise en place des regroupements pédagogiques
intercommunaux concentrés ou dispersés - personnellement, j'ai contribué à les
mettre en place, avec tout l'environnement périscolaire nécessaire, dans le
département du Val-d'Oise, qui n'est certes pas la Lozère, ni un autre
département à vocation plus rurale - est une bonne chose. Qu'en est-il ? Quels
sont vos objectifs ? Comment comptez-vous poursuivre cet effort ?
La deuxième incertitude porte sur l'expérimentation du temps de travail.
Monsieur le ministre, vous avez fait une déclaration à ce sujet, il y a
quelque temps ; nous avons compris par la suite que nous avions mal interprété
votre déclaration : nous avions cru que l'expérimentation des écoles en matière
d'aménagement du temps de travail, expérimentation qui devait être lancée avec
l'institut pédagogique et devait porter sur 2 000 écoles, était abandonnée.
Maintenant, il semblerait qu'au contraire elle soit étendue à un plus grand
nombre d'écoles, avec une perspective plus large de mise en application, en
tenant compte des perspectives et des volontés des acteurs pédagogiques, des
enseignants et d'une meilleure adaptation aux circonstances locales. Qu'en
est-il exactement ? Quels sont vos objectifs ?
Comment comptez-vous appliquer la charte pour bâtir l'école du xxie siècle ?
Les crédits sont-ils bien en place ? Quel en sera le coût ? Voilà un élément
d'évolution pédagogique sur lequel nous n'avons pas trouvé dans le budget, ce
qui est tout à fait normal puisqu'il a été élaboré au mois de mars, de réponse
à nos questions.
Ma troisième question est d'ordre pédagogique, mais elle a une incidence
financière majeure. Qu'en est-il du rapport Meirieu et de la réforme des lycées
?
J'en viens, enfin, aux aspects ayant une incidence financière majeure, sur
lesquels je vous poserai cinq questions.
La première concerne le financement de l'introduction des nouvelles
technologies, à laquelle nous sommes favorables, à concurrence de 65 millions
de francs. Un mécanisme original de 500 millions de francs de prêts est mis en
place par l'intermédiaire de la Caisse des dépôts et consignations. Pensez-vous
vraiment que ces crédits sont suffisants dans la mesure où il faut renouveler
sans cesse les matériels et les logiciels, pour en prévenir l'obsolescence, et
former les enseignants, faute de quoi l'opération serait vouée à l'échec ?
Qu'en est-il, donc, du financement de cette vaste entreprise d'introduction des
nouvelles technologies ?
Ma deuxième question porte sur le financement de ce qu'on a appelé le « plan
Allègre pour les lycées », qui crée 10 000 emplois et représente 431 millions
de francs ; c'est du moins ce qui figure dans le budget. Nous avons cru
comprendre que le coût de ce plan, en fait, se chiffrait à 800 millions de
francs. S'agit-il donc de 431 millions de francs ou de 800 millions de francs,
somme comportant sans doute une part de redéploiements ? Bref, qu'en est-il
exactement du coût du plan Allègre et de son financement ?
Nous nous interrogeons également - c'est la troisième question - sur le rythme
et le coût de l'intégration des maîtres auxiliaires ainsi que sur l'application
du statut de professeur d'école aux instituteurs. Nous sommes plutôt favorables
à ces deux dispositions. Toutefois, nous mesurons l'incidence financière de
cette intégration et nous avons cru observer une augmentation, puis une
réduction du nombre des maîtres auxiliaires. Pourriez-vous faire le point sur
la situation actuelle de l'intégration des maîtres auxiliaires et sur
l'application du statut de professeur d'école aux instituteurs ? Où en
sommes-nous ? Où allez-vous ? Combien cela coûte-t-il ?
La quatrième question revêt encore plus d'importance. Elle a trait à
l'adéquation entre le nombre et la répartition géographique des enseignants, en
tenant compte des différentes disciplines, et l'évolution des effectifs
scolaires, aussi bien dans les collèges que dans les lycées.
Ainsi que vous le savez, le Sénat a décidé de constituer une commission
d'enquête sur ce sujet très difficile. Elle est présidée par notre collègue M.
Adrien Gouteyron.
Monsieur le ministre, vous avez souvent déclaré que les enseignants devaient
être devant les élèves : déclaration de bon sens à laquelle nous ne pouvons
qu'adhérer. Vous avez souvent indiqué que c'était peut-être plus facile à dire
qu'à faire et que cela méritait un examen approfondi de la situation réelle,
des modalités administratives de mutation, de déplacement, d'affectation, une
définition exacte des emplois, des horaires et des spécialités enseignées tant
dans les collèges que dans les lycées.
Nous souhaitons améliorer la gestion de la ressource humaine exceptionnelle
qui relève du ministère de l'éducation nationale. Nous voulons vous aider et
nous vous demandons de nous aider à voir clair sur ce sujet majeur pour
l'avenir de l'appareil éducatif.
En formulant ma cinquième et dernière question, je sais que je vais m'attirer,
comme l'an passé, vos foudres, monsieur le ministre. Vous allez me dire : «
Vous êtes favorable au développement éducatif. Vous considérez bien que c'est
un investissement, et vous nous proposez des amendements tendant à réduire les
crédits. »
M. Jean-Louis Carrère.
C'est de la démagogie !
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Non, monsieur Carrère, ce n'est pas de la démagogie !
C'est de la responsabilité !
Quand vous serez, demain, dans l'opposition, vous serez les premiers à
proposer des contre-budgets et des budgets alternatifs !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Après-demain !
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
J'espère que ce sera bien demain et non pas
après-demain !
M. Ivan Renar.
En tout cas, ce sera après Noël !
(Sourires.)
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Il y a des marges de manoeuvre, des options, des
choix. Nous le reconnaissons, ces choix se situent plutôt au niveau du budget
d'ensemble de la nation.
La discussion de la première partie du projet de loi de finances que nous
avons menée nous a permis d'indiquer au Gouvernement qu'il fallait réduire les
déficits, que le budget n'était pas adapté à la conjoncture actuelle, qu'il
fallait le réviser ; la lecture de la presse de ce matin le confirme d'ailleurs
une nouvelle fois. Bref, nous avons voulu inciter le Gouvernement, sans nous
substituer à lui, à effectuer des économies et à ralentir les dépenses.
Nous proposerons donc, au titre de la contribution à la maîtrise des dépenses
publiques, une réduction globale des crédits de l'enseignement.
Pour donner un exemple, sur les 297 milliards de francs de votre budget, la
simple revalorisation des rémunérations des enseignants au même rythme que la
revalorisation de celles de l'ensemble des fonctionnaires représente près de 6
milliards de francs.
Vous avez par ailleurs montré, monsieur le ministre, que vous étiez en mesure
de réaliser des redéploiements. Vous avez pris une mesure concernant, par
exemple, les heures supplémentaires, mesure que nous avons soutenue.
M. Jean-Louis Carrère.
Oh !
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Si, monsieur Carrère, nous l'avons soutenue, mais pas
trop, pour éviter que le ministre ne nous dise : « Ne me soutenez pas trop dans
cette affaire difficile. » Car, monsieur le ministre, vous avez dit également
qu'on ne vous y reprendrait plus et que, franchement, c'était la dernière fois
que vous feriez une économie de ce type, ce que nous comprenons.
Il est vrai qu'ayant obtenu une réduction de 631 millions de francs au titre
des heures supplémentaires, qui représentent globalement - j'attire l'attention
de mes collègues sur ce point - un montant supérieur à 6 milliards de francs,
vous avez montré que des sources de redéploiement existaient.
Quoi qu'il en soit, il faut que le budget de l'éducation nationale, premier
budget de la nation, contribue aussi, pour sa part, à l'effort de maîtrise des
dépenses publiques.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Bernadaux, rapporteur pour avis.
M. Jean Bernadaux,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour
l'enseignement scolaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre,
madame la ministre, mes chers collègues, avec 297,7 milliards de francs, le
projet de budget de l'enseignement scolaire pour 1999 progresse de 4,1 %, cette
augmentation non négligeable résultant pour une grande part de la
revalorisation des dépenses de personnel, qui représentent à elles seules 93 %
du budget.
Quelles en sont les principales caractéristiques ?
Ses crédits devraient permettre de créer 3 050 emplois d'enseignant du second
degré, 250 emplois de conseiller principal d'éducation et 616 emplois de
personnel non enseignant, dont 400 dans le secteur de la santé scolaire. Ces
emplois seront financés par un redéploiement des moyens existants.
J'indiquerai ensuite que un milliard de francs seront affectés au financement
des 60 000 emplois-jeunes de l'éducation nationale, en rappelant que 20 000 de
ces emplois ont été créés à la rentrée de 1998.
Par ailleurs, 58 millions de francs seront consacrés au recrutement de 1 000
assistants étrangers de langue dans le premier degré. L'intégration des
instituteurs dans le corps des professeurs d'école sera accélérée pour achever
le plan d'intégration en 2007 au lieu de 2011. Le dispositif indemnitaire des
personnels exerçant dans les zones d'éducation prioritaires, les ZEP, sera
rendu plus incitatif.
J'ajoute que 215 millions de francs seront consacrés à la mise en oeuvre du
plan de développement des nouvelles technologies à l'école ; ces crédits
s'ajouteront à l'enveloppe de 500 millions de francs de prêts à taux zéro qui
est destinée à soutenir l'effort des collectivités locales pour équiper les
écoles et les établissements en matériels informatiques.
Enfin, 800 millions de francs seront affectés au rétablissement des bourses,
de collège et à la création d'un troisième taux de bourse plus avantageux pour
les élèves les plus défavorisés.
J'évoquerai maintenant le problème complexe de l'adaptation des moyens de
l'éducation nationale aux besoins des élèves.
Comme vous le savez, les moyens considérables affectés à l'enseignement
scolaire doivent être appréciés dans un contexte de décroissance désormais
continue des effectifs : l'enseignement scolaire a encore perdu, en effet, 65
000 élèves à la rentrée de 1998, dont la plus grande part dans le premier
degré.
Je rappelle à cet égard que l'enseignement primaire a perdu 161 000 élèves
entre 1994 et 1997.
Il nous faut également constater que cette forte décroissance des effectifs ne
s'accompagnera en 1999 d'aucune suppression d'emplois dans le premier degré et
que le second degré bénéficiera, comme il a été vu, de la création de 3 050
emplois. Sur une plus longue période, il faut le rappeler, 40 000 emplois
supplémentaires d'enseignants ont été créés depuis dix ans dans l'enseignement
secondaire.
Ces créations d'emplois se justifient, certes, par les besoins de recrutement
induits par les départs naturels en retraite, qui peuvent être estimés à 13 800
chaque année. Ils résultent aussi de recrutements de précaution, engagés depuis
plusieurs années, pour pourvoir les postes qui se libéreront en raison des
départs massifs d'enseignants nés dans les années d'après-guerre.
On peut cependant regretter que ces recrutements de précaution n'aient pas été
davantage ciblés sur les disciplines dont les postes se libéreront en 2005.
La commission des affaires culturelles ne peut donc que relever le défaut
d'adaptation de ces recrutements aux besoins disciplinaires et stigmatiser
l'absence d'une programmation véritable des concours dans l'enseignement
secondaire.
Compte tenu de cette inadaptation des moyens aux besoins, l'éducation
nationale est traditionnellement contrainte de recourir à des variables
d'ajustement, c'est-à-dire, pour l'essentiel, aux heures supplémentaires, aux
maîtres auxiliaires, voire aux emplois-jeunes, même si ceux-ci, pour l'instant,
ne sont pas affectés directement à des activités pédagogiques.
Il convient d'indiquer que la réduction sensible du volant considérable des
heures supplémentaires, qui est d'ailleurs souhaitable, et la réduction de leur
rémunération, qui a suscité la réprobation des enseignants, ont permis de
financer une partie du coût des emplois-jeunes affectés dans l'éducation
nationale : un milliard de francs de mesures nouvelles devraient être affectés
en 1999 au financement des 20 % de leur rémunération qui est assuré par
l'éducation nationale.
Votre commission s'est par ailleurs inquiétée, je crois à juste titre, de la
montée en puissance du dispositif des emplois-jeunes, de son coût croissant, du
devenir professionnel de ces aides-éducateurs au terme de leur contrat de cinq
ans et, surtout, de leurs perspectives éventuelles d'intégration dans la
fonction publique, ou de prise en charge par les collectivités locales,
notamment dans le cadre d'un nouvel aménagement des rythmes scolaires.
S'agissant des maîtres auxiliaires, leurs effectifs sont à nouveau en
augmentation sensible. Comme vous le savez, 27 000 maîtres auxiliaires ont été
réemployés à la rentrée 1997. Mais ce réemploi n'a pas pour autant permis de
remédier aux vacances de postes constatées dans certaines disciplines.
En outre, cette mesure générale a contribué à accroître le nombre de maîtres
auxiliaires en surnombre dans d'autres disciplines, ce qui a conduit les
recteurs à recruter quelque 1 000 nouveaux maîtres auxiliaires au cours de la
dernière année scolaire.
Parmi les moyens préconisés pour mieux adapter les moyens de l'éducation
nationale aux besoins des élèves, il est vraisemblable que la déconcentration
du mouvement des enseignants du secondaire et une amélioration du système de
remplacement devraient contribuer à réduire les dysfonctionnements constatés
depuis plusieurs rentrées scolaires dans de nombreux établissements.
La commission d'enquête qui vient d'être constituée sur la gestion des
personnels de l'éducation nationale, ainsi que la mise en oeuvre du nouveau
mouvement qui devrait intervenir en 1999, devraient fournir des éléments
d'appréciation sur le bien-fondé de ces réformes.
J'ajouterai que le taux d'absentéisme des enseignants paraît être moins en
cause que le fonctionnement de leur système de remplacement, notamment dans le
secondaire. Ce système devrait être prochainement aménagé à partir des
propositions formulées par le recteur Bloch.
J'aborderai ensuite les réponses apportées par l'éducation nationale aux
inégalités sociales et à la violence en milieu scolaire. S'agissant des ZEP, il
faut bien constater que ce dispositif, déjà ancien, présente un bilan mitigé,
notamment au regard des performances des élèves. Le plan de relance engagé en
1997 devra s'efforcer de compenser la dégradation continue de ces zones
prioritaires.
Quant au plan de prévention de la violence scolaire, qui a été expérimenté
dans quelques sites sensibles à la rentrée de 1997, s'il a permis d'enregistrer
des résultats notables aux abords des établissements, du fait de l'utilisation
des aides-éducateurs et des adjoints de sécurité, il n'a pas permis d'empêcher
la montée de la violence dans les établissements et dans les classes. Le
malheureux incident qui a défrayé la chronique hier ne peut que nous
interpeller tous.
Ce plan devait être étendu à l'ensemble des établissements à la rentrée de
1998 dans le cadre des contrats locaux de sécurité, tandis que le nombre des
classes-relais, qui sont destinées à accueillir des jeunes refusant
l'institution scolaire, devrait passer de 100 à 250 à la rentrée de 1999.
J'évoquerai ensuite rapidement les perspectives de réforme de l'enseignement
scolaire. S'agissant du primaire, la charte de l'école du xxie siècle s'ordonne
autour de trois priorités : recentrage des programmes sur les apprentissages
fondamentaux, mise en place de nouveaux rythmes scolaires, rénovation du métier
du professeur d'école. Pour m'en tenir à l'essentiel, je dirai qu'il convient
d'engager sans tarder une véritable politique de la lecture, afin de prévenir
le développement de l'illettrisme. Je crois, madame la ministre, que l'ère des
colloques et des assises est aujourd'hui révolue en ce domaine et que
l'attentisme n'est plus de mise.
La commission ne peut, par ailleurs, que se féliciter du recrutement de 1 000
assistants étrangers pour étendre l'enseignement des langues vivantes en CM 2,
à la rentrée de 1998, et en CM 1, à la rentrée de 1999, ainsi que de votre
souci de sensibiliser les familles à la nécessité d'une diversification des
langues enseignées.
Quant à l'aménagement des rythmes scolaires dans le cadre du seul contrat
éducatif total, le rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles ne peut que regretter qu'il n'ait pas été tenu suffisamment compte
des multiples expériences engagées depuis 1984 et s'inquiéter de la part qui
reviendra aux collectivités locales dans l'organisation et le fonctionnement
des activités péri et extrascolaires. La commission souhaiterait également
obtenir des précisions sur les modalités de mise en oeuvre ou d'expérimentation
de ce nouvel aménagement des rythmes scolaires.
Je dirai ensuite quelques mots du collège, pour regretter que ce maillon le
plus fragile de notre système éducatif ne suscite pas, pour l'instant, de
propositions de réforme claires, alors qu'il concentre aujourd'hui l'essentiel
des difficultés : la violence comme l'échec scolaire.
Le temps n'est-il pas venu de reconsidérer le principe même du collège unique
en prenant acte du fait que la majorité des collégiens sont actuellement
scolarisés dans des classes plus ou moins clandestinement hiérarchisées ?
S'agissant du lycée, était-il nécessaire d'engager prioritairement une réforme
aussi profonde qui risque d'entraîner, à très court terme, une baisse des
exigences jusqu'alors requises des lycéens ?
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Sûrement !
M. Jean Bernadaux,
rapporteur pour avis.
Je rappellerai à cet égard une évidence : la
fonction du lycée est d'abord de dispenser des savoirs et de permettre à tous
ses élèves de suivre des parcours de réussite.
Je terminerai en évoquant les mesures annoncées le 21 octobre dernier dans le
cadre du plan d'urgence pour les lycées : ses incidences financières devraient
rester modestes pour l'Etat, l'essentiel de l'effort devant, une fois de plus,
être supporté par les régions pour aménager les locaux des lycées.
Quel sera le coût de ce plan pour l'Etat, monsieur le ministre ? On a parlé de
865 millions de francs, mais je ne trouve trace que de 431 millions de francs
!
Compte tenu de ces observations et de ces réserves que peut susciter ce projet
de budget, la commission a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat pour
l'adoption ou le rejet des crédits de l'enseignement scolaire pour 1999.
M. le président.
La parole est à Mme Luc, rapporteur pour avis.
Mme Hélène Luc,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour
l'enseignement technique.
Monsieur le président, madame, monsieur le
ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord rendre hommage à mon
prédécesseur, M. Jean-Louis Carrère, qui, pendant plusieurs années, a rapporté
avec la compétence et la conviction que nous lui connaissons le budget de
l'enseignement technique.
(Marques d'approbation sur les travées
socialistes.)
Je dresserai d'abord un premier constat en exprimant un regret :
l'enseignement technologique et professionnel n'a pas fait l'objet d'un intérêt
prioritaire des gouvernements successifs depuis la loi de programmation de
1985.
Force est de constater, en effet, que l'augmentation de sa dotation
budgétaire, depuis plusieurs années, résulte pour l'essentiel de la
revalorisation des dépenses de personnel, que les emplois sont en stagnation,
que la précarisation des enseignants s'est plutôt développée, que certaines
formations - obsolètes ou non - se sont vidées de leurs élèves et, surtout, que
le détestable système d'orientation par l'échec vers l'enseignement
professionnel s'est perpétué. C'est, globalement, ce que vous dites, monsieur
le ministre !
J'ajouterai que les dispositions prévues par la loi quinquennale relative au
travail, à l'emploi et à la formation professionnelle sont restées quasiment
lettre morte et que, à l'exception du baccalauréat professionnel, qui constitue
l'une des réussites de ces dernières années dans le secteur éducatif, et des
formations répondant à une forte offre d'emploi, l'enseignement professionnel
ne peut globalement être considéré actuellement comme satisfaisant.
La commission des affaires culturelles ne peut donc que se féliciter du
discours novateur aujourd'hui tenu par le ministre de l'éducation nationale,
qui traduit son souci de faire de l'enseignement professionnel la « priorité
des priorités ».
Le temps est désormais venu de faire de l'enseignement professionnel une
véritable voie de réussite, aussi bien dans le domaine de l'orientation des
élèves que des formations. Le contenu de celles-ci doit être en permanence
rénové pour intégrer l'évolution des connaissances et les technologies
nouvelles, afin de déboucher sur une insertion professionnelle satisfaisante et
favoriser l'adaptabilité aux inéluctables évolutions de l'emploi et des
métiers. Cet enseignement doit également continuer à valoriser sa vocation
promotionnelle, en permettant toujours mieux la poursuite d'études
ultérieures.
S'agissant des crédits, l'enseignement technique bénéficiera, en 1999, de 37,1
milliards de francs, soit une faible progression de 1,63 % : elle est
inférieure à celle de 1998 et à celle qui est observée pour l'enseignement
scolaire.
A l'évidence, la stagnation des emplois constatée depuis plusieurs années est
directement à l'origine de nombreuses vacances de postes constatées dans
certaines disciplines, ce qui a conduit les lycéens professionnels à jouer un
rôle actif dans le récent mouvement lycéen.
Par ailleurs, je rappellerai que le manque de places dans un certain nombre de
sections de BEP, de baccalauréat ou de classes passerelles oblige de nombreux
élèves, soit à redoubler la classe de troisième, soit à être affectés dans une
spécialité qu'ils ne demandent pas, soit encore à se tourner, sans l'avoir
souhaité, vers l'apprentissage, ce qui est dommage.
Ces carences ont d'ailleurs conduit certains départements, comme le
Val-de-Marne et la Seine-Saint-Denis, à mettre en place des dispositifs de type
« SOS rentrée », avec succès d'ailleurs.
J'insisterai ensuite sur le développement de la précarisation de l'emploi dans
les lycées professionnels.
Qu'y constate-t-on ? Un recours de plus en plus important aux maîtres
auxiliaires - 8 400 sont désormais employés dans l'enseignement professionnel -
mais aussi aux personnels contractuels et vacataires et aux stagiaires des IUFM
qui sont affectés de plus en plus sur des postes de responsabilité pédagogique
laissés vacants par les professeurs de lycée professionnel.
J'indiquerai cependant que les crédits prévus pour 1999 permettront de
transformer cinq mille emplois de PLP 1 en emplois de PLP 2 et que la
disparition attendue du premier grade des professeurs de lycée professionnel
permettra, enfin, de revaloriser la pension des PLP retraités et de satisfaire
une revendication légitime.
S'agissant de l'évolution des effectifs, il nous faut constater que le nombre
des élèves de la voie professionnelle s'est stabilisé autour de 815 000, alors
que celui des élèves du second cycle général et technologique est orienté à la
baisse.
Je remarquerai également que les diplômes professionnels conduisent plus
sûrement à l'emploi que les formations générales, dont ce n'est cependant pas
la vocation première, et que la filière professionnelle a joué un rôle décisif
dans le mouvement de réduction du nombre des sorties de formation sans diplôme
: nul doute qu'une réactivation du dispositif d'insertion de l'éducation
nationale et que le développement d'une école de la deuxième chance, telle que
celle-ci est expérimentée çà et là, devraient permettre de réduire encore le
nombre trop élevé de ces sorties sans qualification qui alimentent le vivier de
l'exclusion sociale.
J'évoquerai ensuite quelques-uns des problèmes non résolus des voies
technologiques et professionnelles et, d'abord, celui de la sécurité des
établissements et de leurs équipements.
Grâce aux efforts accomplis par les régions en 1996 et 1997, la plupart des
machines dangereuses ont pu être remplacées et le taux de remise aux normes de
sécurité est désormais de 66 %. Toutefois, je souhaite rappeler, monsieur le
ministre, que l'Etat ne contribue à ces travaux qu'à hauteur de 20 %...
M. Christian Demuynck.
Eh oui !
Mme Hélène Luc,
rapporteur pour avis.
... et que les ressources des régions ne sont pas
extensibles à l'infini : elles assurent déjà de lourdes charges pour
l'entretien et la reconstruction de nombreux lycées professionnels. S'agissant
de la violence en milieu scolaire, celle-ci se développe d'une manière
spécifique et particulièrement préoccupante dans les lycées professionnels.
Comme vous le savez, mes chers collègues, l'expérimentation menée au titre du
plan de prévention de la violence lancé à l'automne dernier a permis de
mobiliser des moyens non négligeables au profit des lycées professionnels les
plus sensibles. Vous y avez affecté, monsieur le ministre, 360 emplois-jeunes.
C'est un élément positif, mais ne conviendrait-il pas également de renforcer
l'encadrement de ces établissements grâce à des personnels adultes spécialement
formés à cet effet ? Je veux citer, notamment, les personnels de la santé
scolaires, médecins et infirmiers, les assistants sociaux, les conseillers
d'orientation psychologues, les surveillants, les conseillers d'éducation et
les ATOS, les personnels administratifs, techniciens, ouvriers et de
service.
Je dirai également un mot de la situation précaire des personnels de la
mission générale d'insertion de l'éducation nationale, la MIGEN. Comme vous le
savez, monsieur le ministre, une proposition de loi visant à consolider leur
statut a été déposée au Sénat, et j'ai cru comprendre que vous y seriez
favorable. Pourriez-vous nous le confirmer ?
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous avez l'intention de développer
l'enseignement par alternance en milieu scolaire. Je souhaiterais que vous
précisiez votre conception de l'alternance - en matière de contenu, de suivi
par les équipes pédagogiques et d'implication des entreprises - en indiquant le
rôle qu'est appelé à y jouer l'apprentissage.
Enfin, après avoir souligné de nouveau la réussite des baccalauréats
professionnels, je crois devoir dire qu'il serait souhaitable d'envisager la
création d'un brevet professionnel supérieur pour ces bacheliers qui
souhaiteraient poursuivre des études ultérieures et qui ne trouvent pas dans
les établissements délivrant des diplômes d'études universitaires générales,
DEUG, les sections de techniciens supérieurs, STS, et les instituts
universitaires de technologie, IUT, des cursus adaptés à leur formation.
S'agissant de l'enseignement technologique, vous avez stigmatisé, monsieur le
ministre, son caractère trop théorique et sa dérive vers l'enseignement général
qui ne permettraient plus d'assurer à ces bacheliers la poursuite satisfaisante
de leurs études ou une insertion professionnelle convenable.
Quant à la poursuite des études, est-ce bien la raison principale ? Ne
serait-ce pas plutôt du fait de la position plus favorable des bacheliers
généraux vis-à-vis de leurs homologues de l'enseignement technique ?
Pourriez-vous nous fournir des précisions supplémentaires sur vos intentions
d'aménagement de la filière technologique et sur les objectifs de la mission
qui a été confiée à cet effet au recteur Forestier ?
J'aborderai ensuite, rapidement, les perspectives prometteuses de réforme de
l'enseignement professionnel.
Je rappellerai à cet égard que les conclusions de la table ronde que vous avez
installée et qui est animée par le recteur Marois visent à promouvoir l'image
de la voie professionnelle, à instaurer un partenariat plus étroit avec les
entreprises et à améliorer la formation et le statut des personnels.
La réforme du lycée, devrait avoir pour conséquences, sur la voie
professionnelle à la fois de permettre la poursuite d'études et l'entrée dans
la vie professionnelle, d'assurer une qualification attestée à tous les élèves,
de contribuer à la cohésion sociale des futurs citoyens en leur dispensant une
formation générale et professionnelle équilibrée et, enfin, j'allais dire
surtout, d'autoriser une orientation progressive, positive et réversible des
élèves.
Dans le même sens, le plan d'urgence des lycées annoncé le 21 octobre dernier
devrait profiter tout particulièrement aux lycéens professionnels, aussi bien
pour les associer à la préparation des emplois du temps dans le cadre de
l'allègement des programmes et des horaires que pour renforcer les capacités
d'accueil, d'animation et de surveillance des établissements situés dans des
zones difficiles.
Il nous faut également remarquer que les 4 milliards de francs du fonds
régional d'aménagement des lycées seront sans doute prioritairement affectés à
ces établissements, qu'il s'agisse de la remise aux normes en matière de
sécurité, de la construction de lieux de vie, de salles informatiques,
d'internats et aussi de bureaux destinés aux enseignants : ces derniers
devraient faciliter l'accès des parents aux lycées professionnels.
En guise de conclusion, je voudrais d'abord indiquer que la commission estime
souhaitable que la formation professionnelle initiale reste de la compétence de
l'éducation nationale.
Elle souhaite également que toutes les classes technologiques de collège
soient transférées vers les lycées professionnels afin de remotiver des élèves
en situation d'échec scolaire. La commission souhaite enfin que soit mise en
place de manière précoce une éducation aux projets personnels et aux choix
d'orientation, dès le collège, pour que
in fine
la voie professionnelle
corresponde à une motivation réelle des jeunes.
L'adaptation permanente de l'enseignement technique aux mutations des emplois
et des métiers est donc nécessaire. La future instance d'observation et de
programmation devrait la favoriser ainsi que la campagne d'information que vous
avez annoncée, monsieur le ministre.
A mon avis, la spécificité des lycées professionnels et de leurs enseignants
doit être maintenue et la formation pédagogique de ces derniers doit être
privilégiée au sein des IUFM afin de leur permettre de prendre en charge de
manière plus satisfaisante des élèves qui sont souvent confrontés à des
difficultés particulières.
Par ailleurs, ne serait-il pas souhaitable d'accorder un soutien financier
spécifique aux lycéens fréquentant des établissements professionnels afin que
ces élèves puissent choisir la formation de leur choix, sans que le coût des
équipements et des fournitures soit un obstacle et puisse les pousser vers
l'apprentissage ?
Enfin, afin de consacrer sur le plan symbolique mais aussi institutionnel la
revalorisation annoncée de cet enseignement, ne conviendrait-il pas, monsieur
le ministre, de créer une direction spécifique de l'enseignement technologique
et professionnel, voire de rétablir un secrétariat d'Etat ?
M. Jean-Louis Carrère.
Un ministère !
Mme Hélène Luc,
rapporteur pour avis.
Estimant qu'elle est saisie d'un budget d'attente,
mais tenant compte des perspectives d'une réforme d'envergure de l'enseignement
professionnel, la commission des affaires culturelles s'en remettra à la
sagesse du Sénat pour l'adoption ou le rejet des crédits de l'enseignement
technique pour 1999.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes. - M. le président
de la commission des affaires culturelles, M. le rapporteur spécial et M. Jean
Bernadaux, rapporteur pour avis, applaudissent également.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 35 minutes ;
Groupe socialiste, 29 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 23 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 22 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 15 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 14 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Othily.
M. Georges Othily.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers
collègues, l'examen du budget de l'enseignement scolaire est un exercice cette
année plus que jamais symbolique et déterminant en raison des manifestations
lycéennes qui ont émaillé l'actualité récente.
Ces manifestations ne sont pas sans rappeler, dans un contexte moins tragique,
les événements qui se sont déroulés en Guyane en novembre 1996.
Ces jeunes ont fait entendre leurs voix pour demander de nouveaux locaux, pour
dénoncer des emplois du temps trop chargés ou des effectifs enseignants
insuffisants. La consultation de M. Meirieu du printemps dernier a suscité des
espoirs : ils ne doivent pas être déçus.
Certaines réponses ont d'ores et déjà été apportées telles que la mise en
place des conseils de la vie lycéenne ou la poursuite de la déconcentration. Il
ne faut pas relâcher les efforts pour tenir les engagements pris.
A cet égard, la prévention de l'incivilité et la lutte contre la violence sont
essentielles. En effet, nos quotidiens se font trop souvent l'écho, dans la
rubrique des faits divers, d'actes de violence perpétrés à l'école.
Hier encore, nous apprenions qu'un élève de dix-sept ans avait été blessé à la
cuisse d'un coup de cutter par deux jeunes gens qui avaient auparavant tenté de
tirer sur lui avec une arme de poing, et ce dans l'enceinte du lycée
professionnel Jean-Pierre-Timbaud d'Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis.
La gravité de tels actes concerne la collectivité dans son ensemble et appelle
des réponses immédiates.
Les moyens inscrits au projet de budget de l'enseignement scolaire pour 1999
sont en hausse de 4,13 % pour atteindre 297,74 milliards de francs. Ce budget
reste le premier budget de l'Etat et celui qui augmente le plus.
Ce budget doit être à la hauteur du double défi que doit relever l'école :
demeurer un lieu de transmission du savoir, mais également être un lieu vivant
de socialisation et d'émancipation. L'école doit demeurer le lieu privilégié de
l'apprentissage de la citoyenneté.
Pour autant, le budget de l'enseignement scolaire ne devrait pouvoir échapper,
au même titre que les autres, à un effort de maîtrise des dépenses publiques.
Or, si ces dépenses augmentent, c'est bien parce que les besoins à satisfaire
en matière d'éducation sont immenses. D'ailleurs, la progression substantielle
des crédits depuis plusieurs années n'a rien résolu sur le fond.
L'essentiel est non pas de dépenser plus, mais de dépenser mieux. Une gestion
inadéquate des moyens, plus qu'une pénurie d'emplois, explique les
dysfonctionnements dont souffre l'éducation nationale.
M. Christian Demuynck.
Très bien !
M. Georges Othily.
Permettez-moi d'attirer votre attention, madame la ministre, sur la situation
de l'enseignement scolaire dans une région particulière, la Guyane, sans pour
autant ignorer que la Réunion, la Guadeloupe et la Martinique n'échappent pas
au même problème.
Les mesures de décentralisation qui ont transféré aux collectivités
territoriales la charge et la responsabilité des constructions scolaires ont,
par leurs effets de proximité, mis au jour le caractère pathologique du système
éducatif en Guyane.
L'inadaptation des structures existantes et l'absence de politique éducative
reviennent dans le débat à chaque rentrée scolaire. Or il s'agit
incontestablement d'un domaine très sensible pour l'avenir même de la société
guyanaise en particulier et de l'outre-mer en général.
En effet, la Guyane se trouve dans une situation bien différente de celle de
la métropole, où l'on constate une décroissance régulière des effectifs
d'élèves, qui, par son ampleur et son inscription dans la durée, revêt un
caractère structurel.
Au contraire, en Guyane, le réseau des établissements scolaires, composé de
cent quarante établissements pour une population scolarisée de 18 000 élèves
environ, ne parvient pas à répondre à l'ampleur de la demande scolaire.
A cela s'ajoute la très forte pression démographique, qui, selon les
projections les plus fiables, prévoit le doublement des effectifs pour 2003. La
Guyane ne pourra pas, en l'état actuel des choses, scolariser les milliers
d'enfants qui affluent avec leur famille du Surinam, du Brésil et d'Haïti.
A la lumière de ces constatations, le plan de rattrapage scolaire en faveur du
premier degré - 70 millions de francs - dont la Guyane a bénéficié en 1988
semble dérisoire. Une hausse significative des moyens est nécessaire au moins
jusqu'en 2006 pour faire face à l'arrivée massive de nouveaux élèves.
Ainsi, l'un des problèmes les plus délicats auquel la Guyane est confrontée
est celui des constructions scolaires. Les effectifs à scolariser passeront en
effet, dans le premier degré, de 27 500 en 1998 à 32 600 à la rentrée 2001, et,
dans le second degré, de 18 000 à 21 000. Il s'agit donc, au total,
d'accueillir un peu plus de 8 000 élèves supplémentaires en trois ans !
Pour les trois prochaines années correspondant à la période de
contractualisation de l'académie, les investissements à prévoir sont de l'ordre
de deux cents classes primaires, trois collèges, deux lycées professionnels et
pas moins d'une centaine de logements d'enseignants.
Dans ce contexte, madame la ministre, le plan de rattrapage éducatif mis en
place à la suite des événements de 1996 doit absolument être prolongé d'un
second volet.
Les subventions accordées par l'Etat pour la réalisation d'équipements
scolaires ne s'élèvent qu'à 10 millions de francs en autorisations de programme
et à 20 millions de francs en crédits de paiement. Cela ne me paraît pas
répondre aux immenses besoins de la Guyane. En effet, au-delà de ces questions
immobilières, la collectivité régionale ne sera pas en mesure de respecter ses
engagements face aux revendications des lycéens.
Nous avons appris avec satisfaction de M. le ministre l'éventualité d'un prêt
de 4 milliards de francs remboursable sur quinze ans. Dès cette année, pour ce
qui concerne l'emploi de la première tranche de 1 milliard de francs à taux
zéro, il serait souhaitable que les critères de répartition soient fixés comme
suit : 50 % au prorata des effectifs des lycéens constatés au 1er octobre 1998,
y compris les apprentis inscrits dans les lycées et les autres 50 % au prorata
de la dotation régionale d'équipements scolaires accordée à chaque région en
1998.
Par ailleurs, il serait bon que les effectifs des lycéens inscrits dans les
lycées privés sous contrat soient également pris en compte.
Nous sommes également confrontés au problème de la rénovation des équipements
dans les lycées professionnels.
Telles sont, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, les
préoccupations dont je souhaitais vous faire part.
L'école de la République n'est pas un service public comme les autres. Par la
transmission du savoir, elle est garante de notre avenir. Par les valeurs
qu'elle incarne, elle est le creuset où se forgent l'esprit et l'idéal
républicains. L'initiation à la vie civique en démocratie suppose
l'apprentissage des actes qui symbolisent le respect, le partage et la
solidarité.
La transmission de ces valeurs est la garantie d'une France plus juste, plus
fraternelle et plus solidaire. Pour toutes ces raisons, la majorité du groupe
auquel j'appartiens suivra les recommandations de la commission des finances.
(Applaudissements.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à vingt et une heures
trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
DÉPÔT D'UN RAPPORT
EN APPLICATION D'UNE LOI
M. le président.
J'informe le Sénat que M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier
ministre le rapport annuel du Conseil supérieur de la participation pour 1997,
en application de la loi n° 94-640 du 25 juillet 1994 relative à l'amélioration
de la participation des salariés.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
5
LOI DE FINANCES POUR 1999
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 1999.
Education nationale, recherche et technologie (suite)
I. - ENSEIGNEMENT SCOLAIRE
(suite)
M. le président.
Nous reprenons l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant l'enseignement scolaire.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers
collègues, l'évolution de l'école est cruciale pour notre société. C'est
certainement l'enjeu majeur ; les élèves n'ont pas manqué de nous le rappeler
en manifestant dans la rue voilà peu.
Monsieur le ministre, vous vous félicitez d'avoir un bon budget, car il
augmente sensiblement. En effet, il s'élève à 297,7 milliards de francs, soit
une augmentation de 4,1 % par rapport à la loi de finances initiale de 1998.
Mais il convient de rappeler que cette hausse n'est que le résultat de l'effet
mécanique de la revalorisation des salaires, que 3 % du budget sont dus à une
augmentation automatique, et que la croissance réelle du présent budget n'est
donc que de 1,1 %.
Le problème de l'éducation nationale n'est pas un problème de budget. En
effet, il ne sert pas à grand-chose d'augmenter les moyens tant qu'aucune
réforme d'envergure ne sera mise en place. Rappelons-nous que depuis dix ans le
budget est passé de 198 milliards à 350 milliards de francs, sans compter les
120 milliards de francs dépensés aujourd'hui par les collectivités locales !
Avons-nous pour autant réduit l'échec scolaire ? Nos enfants savent-ils mieux
lire et écrire en sixième ? La violence à l'école a-t-elle disparu ? Les
inégalités ont-elles été réduites ? L'insertion professionnelle est-elle
meilleure ? Malheureusement, la réponse est plutôt négative.
Il s'agit plus d'une mauvaise utilisation des moyens que d'une insuffisance de
moyens. Il convient d'insister, selon moi, sur cette mauvaise utilisation, qui
est pour partie à l'origine des dysfonctionnements que connaît notre système
éducatif et des difficultés constatées lors de la dernière rentrée scolaire qui
ont été à l'origine du récent mouvement des lycéens.
Vous savez, comme nous tous, que c'est à l'école primaire que se joue la
capacité du système à faire entrer nos enfants dans le processus
d'apprentissage afin de les rendre aptes à un maximum d'autonomie et de
polyvalence. Cela passe, à mon avis, par un effort en direction de la formation
des enseignants, par l'amélioration de la qualité des programmes, mais aussi
par l'amélioration de la qualité des équipements pédagogiques et de la qualité
de l'environnement éducatif. Soyons imaginatifs et ne prévilégions pas la
quantité au détriment de la qualité.
Comment ne pas être déçu alors que les jeunes réclament dans leur classe des
enseignants compétents et que vous ne savez que leur proposer des
emplois-jeunes ?
(M. le ministre est dubitatif.)
Ces emplois-jeunes
relèvent-ils vraiment de l'éducation nationale alors qu'un nombre important
d'enseignants se trouve toujours dans une situation de précarité et que 22 000
maîtres auxiliaires n'ont pas de perspectives de titularisation ?
Permettez-moi, à ce sujet, de contester la brutalité de votre méthode qui
consiste souvent à refuser le dialogue avec les parlementaires que nous sommes.
(M. le ministre fait un signe de dénégation.)
M. Jean-Louis Carrère.
Elle n'a d'égal que la vôtre !
M. Alain Vasselle.
La voie réglementaire est-elle la voie adéquate pour décider de financer une
partie des emplois-jeunes par une diminution brutale de la rémunération des
heures supplémentaires ?
Au-delà de ces maladresses de forme qui démontrent, selon moi, une absence de
préparation et de réflexion, je souhaiterais m'attarder sur deux points qui me
semblent essentiels et qui me préoccupent plus particulièrement ; ils avaient
d'ailleurs déjà fait l'objet, de ma part, d'une intervention l'année dernière à
l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 1998.
Le premier, c'est la généralisation de l'enseignement des langues étrangères
dans les écoles primaires. Des générations futures vont être appelées à exercer
leur activité professionnelle bien au-delà des limites de l'Hexagone. A l'heure
de l'euro, et dans un contexte d'ouverture vers l'extérieur, la maîtrise d'une
langue étrangère apparaît de plus en plus indispensable pour préparer les
jeunes à la vie du citoyen européen, en leur donnant les outils nécessaires à
la communication.
Les expérimentations qui ont été engagées par plusieurs écoles démontrent que
l'enseignement précoce d'une langue étrangère se révèle très positif pour
l'évolution scolaire de l'enfant, et ce non seulement quant à son apprentissage
de futur citoyen européen, mais également quant à son assimilation et à sa
maîtrise de la langue française. Je vous engage à tirer profit des expériences
lancées dans de nombreux départements, notamment celui que je représente,
l'Oise. Après six années d'expérimentation, tous les acteurs locaux sont
unanimes pour reconnaître les résultats positifs.
C'est pourquoi la généralisation de l'enseignement des langues vivantes à la
rentrée 1998 dans toutes les classes de CM 2 est incontestablement une
excellente chose. Le rapporteur, M. Bernadaux, a bien voulu le souligner dans
son rapport. Encore faudrait-il que les moyens soient en accord avec cette
politique.
M. Christian Demuynck.
Exact !
M. Alain Vasselle.
En effet, monsieur le ministre, l'expérience que j'ai dans mon département
nous démontre que les moyens ne suivent pas.
M. Christian Demuynck.
Eh oui !
M. Alain Vasselle.
Il ne suffit pas de faire de grandes déclarations verbales pour annoncer très
généreusement que l'on va généraliser l'enseignement des langues étrangères sur
l'ensemble du territoire,...
M. Jean-Louis Carrère.
N'importe quoi !
M. Alain Vasselle.
... et, une fois sur le terrain, constater que les moyens ne sont pas en
adéquation avec les déclarations qui sont faites.
M. Jean-Louis Carrère.
C'est le qualitatif !
M. Christian Demuynck.
Il n'y a pas de qualitatif !
M. Alain Vasselle.
Certes, le qualitatif est important ; je l'ai d'ailleurs souligné tout à
l'heure. Encore faudrait-il disposer d'un minimum de moyens pour assurer
l'enseignement d'une langue étrangère dans toutes les classes de CM 2.
Ma crainte - et j'en avais alerté Mme Ségolène Royal l'année dernière - c'est
qu'il ne faudrait pas reproduire la même expérience, que le plan « Informatique
pour tous ».
M. Christian Demuynck.
Eh oui !
M. Alain Vasselle.
On avait déclaré à un moment donné que l'ensemble des écoles primaires
seraient dotées en matériel informatique. Puis, on a su que ce matériel s'était
empoussiéré dans un certain nombre d'écoles. Les maîtres n'étaient pas du tout
préparés pour assurer l'enseignement de l'informatique. Cela a été un échec
cuisant !
M. Alain Demuynck.
Complet !
M. Alain Vasselle.
En ce qui concerne l'enseignement des langues étrangères, je redoute fortement
que l'on n'ait pas su tirer profit des expériences qui ont été menées dans
plusieurs régions françaises. En dehors de l'expérience intéressante de
l'Alsace, l'expérience a également été menée dans un certain nombre d'écoles
primaires dans différents départements, dont celui de l'Oise.
M. Jean-Louis Carrère.
Et voilà !
M. Alain Vasselle.
J'ai l'expérience, dans mon département, d'un canton rural qui comprend une
vingtaine de communes. L'enseignement précoce des langues y est assuré depuis
six ans. Les parents, les enseignants du primaires et ceux du collège sont
satisfaits.
M. René-Pierre Signé.
Tout va bien !
M. Alain Vasselle.
L'année dernière et pour cette année 1998, M. Allègre ou Mme Ségolène Royal -
je ne sais pas qui a eu la maîtrise des postes - a transformé deux postes
d'enseignant : une enseignante assurait à temps complet l'enseignement de
l'anglais pour ces vingt classes primaires aux niveaux CM 2 et CM 1 ; une autre
enseignante assurait à mi-temps l'enseignement de l'allemand ; ces deux
enseignantes ont été remises dans l'enseignement général !
M. Christian Demuynck.
Et voilà !
M. Alain Vasselle.
Il s'agissait d'instituteurs, qui assurent maintenant l'enseignement en CM 1
et CM 2, c'est-à-dire dans les autres matières.
M. René-Pierre Signé.
C'est très bien !
M. Alain Vasselle.
Nous n'avons plus de professeurs spécialisés dans l'enseignement des langues
étrangères
(M. le ministre fait des gestes de protestation.)
Monsieur le
ministre, vous faites des gestes, mais c'est la réalité ! Venez dans le
département de l'Oise et vous le constaterez !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Depuis le début, vous dites une série d'absurdités !
M. Alain Vasselle.
Venez sur le terrain et vous constaterez qu'il ne s'agit pas d'absurdités !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Monsieur le sénateur, je le répète : vous dites une série d'absurdités ! Je
fais les gestes qui me plaisent ! C'est la première fois ici que j'entends dire
que j'ai mis des emplois-jeunes pour remplacer des enseignants ! Je ne peux pas
laisser dire des choses pareilles...
M. le président.
Monsieur le ministre, vous pouvez, si vous le souhaitez, demander à
interrompre l'orateur.
M. Alain Vasselle.
Monsieur le ministre, pour l'instant, je ne vous parle pas des emplois-jeunes
!
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
... et je fais les gestes qui me plaisent !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Je ne vais pas me laisser perturber comme cela par M. Allègre, j'en ai vu
d'autres !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Moi non plus je ne me laisserai pas troubler !
M. Christian Demuynck.
Il ne connaît pas le terrain !
M. le président.
M. Vasselle a seul la parole.
M. Alain Vasselle.
Monsieur le ministre, pour le moment, je vous parle, si vous me laissez
m'exprimer, de l'enseignement des langues étrangères dans le primaire. Deux
enseignants du primaire se consacraient uniquement à l'enseignement de
l'anglais et de l'allemand. Cette année, l'inspecteur d'académie m'a dit :
c'est terminé, vous devez demander à des professeurs de collège de bien vouloir
accepter des heures supplémentaires pour assurer la pérennité de cet
enseignement dans le primaire.
La première réaction des enseignants du secondaire a été la suivante : nous
acceptons, mais uniquement dans le chef-lieu de canton, car il est hors de
question pour nous de prendre notre véhicule automobile pour aller dans les
vingt communes. Il a fallu faire preuve de force de persuasion auprès de ces
enseignants pour qu'ils consentent malgré tout à assurer un minimum d'heures.
Nous l'avons obtenu, mais nous sommes très en deçà de ce qui a été fait les
années précédentes. Cela signifie que l'on a fait marche arrière et qu'il y a
un retrait par rapport à ce qui existait antérieurement.
Je voulais attirer votre attention sur le fait que les résultats étaient
positifs et appréciés par tous. J'avais souscris à vos déclarations, monsieur
le ministre. Mme Ségolène Royal les avait confirmées l'année précédente, et
j'avais reconnu que j'étais d'accord avec elle...
M. René-Pierre Signé.
Eh bien ! nous sommes d'accord !
M. Alain Vasselle.
... sur l'initiative du Gouvernement qui consistait à généraliser
l'enseignement des langues. Encore faut-il qu'il n'y ait pas de recul là où il
était assuré et que l'on continue !
M. Christian Demuynck.
Et voilà !
M. Alain Vasselle.
Monsieur le ministre, si vous le souhaitez, je vous invite sur le terrain pour
le constater.
Résultat : les élus ont décidé de se substituer à l'Etat - j'espère que ce ne
sera pas pour une période trop longue ! - et d'assurer le même niveau
d'enseignement que celui qui existait l'année dernière. L'inspecteur de
l'enseignement primaire de mon secteur m'a dit qu'il ne pourrait pas faire
assurer l'enseignement dans le canton voisin ni dans un canton où il était
assuré auparavant parce que les moyens en personnels mis à sa disposition ne le
lui permettent pas. C'est donc un véritable problème.
M. Christian Demuynck.
Très bien !
M. Alain Vasselle.
C'est la raison pour laquelle je voulais profiter de l'examen de votre projet
de budget pour attirer votre attention sur ce point.
Pour le reste, je ne m'attarderai pas sur les problèmes de sécurité qui se
posent dans les lycées, d'autres collègues l'ont fait.
Pour en revenir à l'enseignement des langues étrangères, je serais curieux de
savoir où vous allez affecter les 1 000 assistants étrangers qui vont
intervenir. Dans certaines écoles, des enseignants du primaire qui n'ont pas
toute la compétence requise devront mener des actions de sensibilisation aux
langues étrangères. L'idéal serait donc d'attendre que l'on ait de véritables
spécialistes - des intervenants étrangers, pourquoi pas ? ou d'autres
intervenants - qui assurent l'enseignement dans l'ensemble des écoles
primaires. Or ce n'est pas le cas aujourd'hui !
J'en termine puisque j'ai épuisé le temps de parole qui m'était imparti.
M. Christian Demuynck.
C'est dommage !
M. Alain Vasselle.
Tel est le point essentiel sur lequel je voulais appeler votre attention,
monsieur le ministre. J'espère au moins que, lorsque je regagnerai mon
département, je pourrai confirmer que l'expérience continuera à la rentrée de
1999 et que l'enseignement sera assuré dans les conditions qui existaient avant
votre arrivée au ministère.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. René-Pierre Signé.
Oh ! oh !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Monsieur le président, je demande un droit de réponse pour le Gouvernement,
c'est la loi !
M. le président.
Monsieur le ministre, vous pouvez effectivement intervenir maintenant, si vous
le souhaitez. Je précise simplement que le droit de réponse relève de la loi
sur la presse, et non pas de la tradition du Parlement.
Vous avez la parole, monsieur le ministre.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
C'est la première fois que, dans cette assemblée, j'entends dire de pareilles
choses, notamment que j'aurais refusé, ne fût-ce qu'une fois, le débat avec les
parlementaires. Dans cet hémicycle, des parlementaires, qu'ils appartiennent à
la majorité ou à l'opposition, savent que chaque fois que le Sénat a demandé
que je vienne, je suis venu, y compris pour un débat général. Par conséquent,
je ne peux admettre que l'on tienne des propos comme ceux que j'ai entendus
!
Par ailleurs, il est totalement mensonger d'affirmer que j'ai remplacé des
postes d'enseignants par des emplois-jeunes. Les emplois-jeunes n'ont rien à
voir avec les enseignants !
Par conséquent, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je
suis prêt à tous les débats, mais avec des gens de bonne foi et compétents !
(Vives protestations sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
M. Pierre Hérisson.
Ne portez pas de jugement de valeur !
M. Jean-Claude Carle.
Et la démocratie parlementaire !
M. René-Pierre Signé.
Tout ce qui est excessif est insignifiant !
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers
collègues, depuis l'avènement du gouvernement de la gauche plurielle, de
nombreuses et fortes paroles ont été exprimées sur le devenir de l'école :
paroles ministérielles - la fonction y incite - paroles parlementaires -
plusieurs débats se sont tenus au Sénat, et mes amis Nicole Borvo, Ivan Renar
et moi-même y avons pris toute notre part au nom des sénateurs du groupe
communiste républicain et citoyen, notamment lors des séances des 22 octobre,
27 novembre 1997, 21 et 22 octobre dernier - paroles enseignantes, syndicales
et lycéennes aussi, à travers de nombreuses interventions, et actions, à
travers ce formidable mouvement d'une jeunesse citoyenne et lucide venant après
le mouvement remarquable de la communauté scolaire de Seine-Saint-Denis, tous
ces acteurs portant de grandes et urgentes questions qui interpellent la
société tout entière.
Dans leur diversité, mais dans une communauté d'ambition et d'exigences de
qualité et de novation, tous, de mon point de vue, pressentent et annoncent
qu'une nouvelle ère doit s'ouvrir, d'une ampleur comparable à celle des étapes
fondatrices de l'école républicaine déjà forte de ses deux cents ans de service
public et de laïcité.
Au-delà de ce que j'appellerai les ombres et les lumières de votre projet de
budget, monsieur le ministre, madame la ministre, je centrerai essentiellement
mon intervention sur le devenir à plus long terme de notre système éducatif.
Ce projet de budget montre une progression des crédits de 4,1 %, soit trois
points de mieux que l'inflation ; mais la répercussion mécanique des
dispositions antérieures limite à 0,5 % les mesures réellement nouvelles. Le
gel général des emplois dans la fonction publique empêche - je le déplore
fortement - la création des emplois qualifiés nécessaires que la transformation
des heures supplémentaires en postes nouveaux permettrait pourtant ; et quand
il y a création dans un secteur, c'est par redéploiement intégral ou par
précarisation dans un autre. Des mesures sociales pour les bourses, les
cantines scolaires, le plan anti-violence que nous avions demandés sont
crédités, ce dont nous nous réjouissons. Si l'intégration des professeurs
d'école est accélérée, la promotion à la hors-classe et la nomination des
certifiés dans le corps des agrégés pour le second degré n'est toujours pas
respectée ; et si l'on ajoute la réduction brutale de 17 % de la rémunération
des heures supplémentaires, les enseignants du second degré sont
particulièrement pénalisés. Il faut réengager sans délai le dialogue et les
négociations avec leurs représentants.
Ce faisant, il s'agit aujourd'hui non plus d'ajuster seulement ce qui existe
par des évolutions budgétaires à la marge, certes indispensables, mais de
transformer en profondeur, d'opérer le changement radical d'échelle qui
s'impose sur deux plans indissociables marchant toujours d'un même pas : le
quantitatif et le qualitatif. C'est le nouveau défi qu'appellent simultanément
le respect de l'égalité républicaine, l'avenir économique et humain de notre
pays, les mutations des connaissances et celles concomitantes de l'acte
éducatif, ainsi que la construction du devenir de chaque être humain dans son
individualité personnelle et sociale.
L'égalité républicaine, tout le monde sait qu'elle n'est, hélas ! pas réalisée
! Après une massification qui, grâce aux acquis et aux mérites de notre
enseignement, a permis de conduire 60 % d'une classe d'âge au baccalauréat, la
réussite plafonne et la démocratisation semble grippée : 20 % des enfants ont
déjà un an ou plus de retard dans l'enseignement primaire, 8 à 10 % entrent au
collège avec de très grandes difficultés, le passage de troisième au lycée,
après avoir culminé à 71 % en 1991, se tasse désormais à 67 %, 53 % des
bacheliers poursuivaient des études en 1997, alors qu'ils étaient 57 % à le
faire en 1995, et 54 000 jeunes sortent du système éducatif sans aucun diplôme.
Il y a là trop de gâchis, trop de talents stérilisés, trop de vies brisées dans
leur accomplissement potentiel.
Mais au-delà de ces butoirs à la réussite de tous, il y a profondément la
marque d'une réalité sociale qui, à l'image de la société, est très
inégalitaire. L'échec scolaire frappe durement les enfants des familles
défavorisées. Je ne rappellerai qu'un chiffre : un jeune d'une famille ouvrière
a huit fois et demie moins de chances qu'un enfant d'un milieu aisé d'obtenir
un bac général. Cette situation est terriblement accusatrice des injustices
persistantes de notre société que, avec la majorité plurielle, nous voulons
voir réduire puis disparaître, non pas en donnant moins de formation à certains
mais en offrant le meilleur à chacune et à chacun.
L'égalité devant l'école ne peut plus et ne doit plus rester en panne.
L'explosion des savoirs - c'est un mouvement qui va en s'accélérant - la
révolution des technologies et de l'information ont ouvert des perspectives
radicalement nouvelles de développement des aptitudes humaines et des sociétés.
Cela pose de plein fouet les conditions nouvelles de la transmission et de
l'appropriation des connaissances par les élèves, à la fois sur ce qu'il
convient d'enseigner et sur la manière de le faire.
C'est dire s'il nous faut aujourd'hui comme jamais penser loin pour infléchir
durablement le cours nécessaire des choses.
Mais l'investissement pour l'école n'est-il pas celui dont le résultat est le
plus vital à moyen et à long terme pour un grand pays comme la France ?
Avec mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen et avec de
nombreux acteurs de la communauté éducative, je souhaite que notre pays reste
la référence qu'il est dans ce domaine, étant certaine que, pour un
gouvernement progressiste qui veut s'inscrire sur le long cours, pour reprendre
les termes récents de M. le Premier ministre, il y a là une mission historique
à accomplir.
A l'instar de ce qui se fait par ailleurs pour la santé, nous suggérons que, à
cette fin, le Gouvernement décide d'organiser des états généraux de l'école et
de la formation en direction de l'ensemble des composantes de la société, de
notre peuple, lesquels constituent un gisement d'experts dont l'apport est
irremplaçable et qui, n'en doutons pas, se mobiliseront sur ce grand dessein
dès lors qu'on en créera les conditions favorables par une concertation de haut
niveau, la plus large et la plus ouverte possible ; disant cela, je pense
évidemment, en premier lieu, aux parents d'élèves.
Nourris de leurs contributions croisées, ces états généraux auraient vocation
à diagnostiquer, à réfléchir, à anticiper, à proposer, à bâtir notre système
éducatif de la première partie du xxie siècle.
Remettant en perspective et en cohérence des consultations et des chantiers
épars déjà engagés et permettant de dépasser des phénomènes de tension qui,
s'ils persistaient, finiraient par entraver l'action et les évolutions
pertinentes, ce grand débat national répondrait ainsi à une attente de
l'ensemble de nos concitoyens. Ces derniers placent en effet au premier rang de
leurs préoccupations - nous sommes nombreux à le ressentir sur le terrain, et
les sondages le confirment - une vision et une politique globales et
ambitieuses pour l'école, de la maternelle à l'université.
Quels objectifs nouveaux faudra-t-il promouvoir, quelles orientations, quelles
transformations, quelles configurations devra-t-on mettre en oeuvre et, en
regard de celles-ci, comment et à quel niveau la nation devra-t-elle s'y
engager en termes de programmation, de moyens, d'effectifs, de structures,
d'organisation de la vie scolaire, en termes de rapports nouveaux au savoir,
d'exigence et de qualité du service public, pour me limiter à ces grands
chapitres ?
Une telle démarche implique de reconnaître qu'on est loin d'en avoir fini avec
les efforts à consentir pour l'investissement éducatif. Je conteste en effet
vivement l'idée selon laquelle on aurait atteint une sorte de plafond et que le
problème serait seulement de mieux répartir un argent qui serait suffisant
a
priori
.
J'y suis d'ailleurs fortement encouragée, quand je constate à chaque séance
consacrée à l'examen du projet de budget la façon dont la majorité sénatoriale
érige ce principe en dogme au point de proposer des coupes aveugles dans tout
ce qui constitue des dépenses publiques utiles. Le projet de budget de
l'éducation nationale n'échappe d'ailleurs pas d'ailleurs à cette hargne
ultralibérale puisqu'une suppression de 4,5 milliards de francs de crédits est
demandée par la droite : mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, vous
irez vous en expliquer devant les lycéens ! Et sans doute n'hésiterez-vous pas
à continuer de soutenir leurs revendications.
M. Pierre Hérisson.
C'est fait !
Mme Hélène Luc.
Ce budget aurait besoin d'être conforté et amélioré, comme je l'indiquais au
début de mon intervention !
Je rappellerai, pour donner une échelle de grandeur, que le volume de ce
projet de budget est de 345 milliards de francs, alors qu'Alcatel a vu
s'évaporer 100 milliards de francs en une seule journée de bourse ! Je
rappellerai aussi que la proportion de richesses nationales consacrée à
l'éducation est restée la même depuis cinquante ans, figée à 7 % du produit
intérieur brut, dont 3,5 % pour la part du budget de l'Etat. La France se situe
d'ailleurs, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, dans la moyenne
des pays développés.
Ne devons-nous pas mettre en débat le niveau et le choix des dépenses, l'appel
à des sources de financement nouvelles, telles celles auxquelles devraient être
soumises les grandes entreprises, premières bénéficiaires de cet investissement
en capital humain réalisé par toute la collectivité ?
Ne devons-nous pas, madame la ministre, monsieur le ministre, faire nôtres ces
paroles claires et de pur bon sens des lycéens de Toulouse, paroles exprimées
au cours de leurs puissantes manifestations d'octobre : « Le centre de la
politique de l'éducation nationale doit être non plus son budget auquel elle
adapte ses élèves, mais les besoins des élèves, auxquels elle adapte son
budget. »
Cette proposition a d'ailleurs connu une première application avec
l'inscription d'un nouveau crédit de 800 millions de francs au projet de budget
pour 1999. Pour le moment, 430 millions de francs sont inscrits, mais M. le
ministre nous dira comment est inscrit le reste.
Demeurent plusieurs interrogations qui recoupent celles que j'évoquais au
début de mon intervention sur les nouveaux postes annoncés : ces derniers
sont-ils des créations réelles ou l'effet de simples redéploiements ? Quel est
leur impact réel - c'est la question primordiale pour les lycéens - en termes
de réduction d'effectifs dans les classes ? Qu'en est-il du statut des futurs
surveillants, de la formation et du devenir des aides éducateurs, du
sous-développement dramatiquement persistant des services de médecine scolaire,
des psychologues, des personnels sociaux et des personnels ATOSS ?
Voilà autant de points sur lesquels nous attendons des précisions de la part
du Gouvernement.
Aussi la position des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen
est-elle une position constructive d'interpellation pour un budget qui soit
fortifié, qui soit
boosté
- excusez cet anglicisme mais nous trouverons
certainement l'équivalent français, grâce à la richesse de notre langue ! - une
position d'appel pour que le devenir de l'école des prochaines décennies soit
mis en débat dans un grand forum nourri des apports de toute la nation. En tout
cas, les membres du groupe communiste républicain et citoyen voteront contre le
contre-budget de la droite et les graves amputations de crédits inacceptables
qu'il contient.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers
collègues, je me réjouis de voir que le budget de l'éducation nationale reste
la priorité du Gouvernement et qu'il affiche une excellente santé puisqu'il
progresse, dans son ensemble, de 4,2 %, atteignant ainsi, pour 1999, 348,78
milliards de francs.
Si l'on ne peut nier qu'il existe de réels problèmes dans ce secteur, force
est de constater que vous vous donnez les moyens de commencer à les régler, et
les chiffres sont déjà là pour le prouver.
Les crédits destinés à l'enseignement scolaire affichent, eux, la même forme :
leur progression, à peine inférieure à celle du budget de l'éducation,
s'établit à 4,1 %. Ainsi, l'enveloppe destinée aux premier et second degrés
s'élève à quelque 297 milliards de francs. Mais, comme le disait mon
instituteur, il vaut mieux vivre riche et en bonne santé que mourir pauvre et
malade.
Tous ces débats sémantiques sur le qualitatif et quantitatif m'amusent, me
distraient, mais, tout de même, s'il y a un peu de quantitatif, on peut faire
du qualitatif !
Cette augmentation de moyens doit être d'autant plus soulignée que les
effectifs, tant dans l'enseignement primaire que dans l'enseignement
secondaire, continuent de diminuer : la baisse cumulée sur deux années
scolaires consécutives, l'an dernier et l'année en cours, atteint 111 000
élèves dans l'enseignement primaire et 36 500 dans l'enseignement secondaire.
Donc, à mon sens, un budget qui s'accroît et un nombre d'élèves qui décroît,
cela doit permettre de faire du qualitatif.
Compte tenu de ces chiffres, je ne peux, monsieur le ministre, que me réjouir
des très nombreuses créations d'emplois d'enseignants qui confirment la
tendance observée l'an dernier - pas de création d'emplois mais aucune
suppression de poste en 1998 - mais qui, surtout, rompent avec la politique
d'hémorragie systématique opérée par votre prédécesseur : 4 843 suppressions
d'emplois pour la seule loi de finances de 1997 !
Ainsi, dans l'enseignement secondaire, seront créés, en 1999, 3 050 emplois
alors que les postes d'instituteur ou de professeur des écoles resteront
stables.
Je note avec satisfaction également le nombre significatif de créations
d'emplois non enseignants : 866 nouveaux postes. Je n'en ferai pas le détail,
tout le monde le connaît.
Par ailleurs, je suis satisfaite de l'effort que vous faites dans le secteur
de la santé. Vous utilisez toutes les possibilités d'emploi existantes, et je
vous en donne acte.
L'éducation nationale constitue le secteur témoin de la réussite des
emplois-jeunes : les quelque 60 000 emplois de ce type créés au titre de votre
ministère prouvent l'intérêt du système, d'autant plus que les aides-éducateurs
vont bénéficier d'une formation appropriée de 200 heures par an, grâce à une
mesure nouvelle de 8 millions de francs.
Je les rencontre, je sais ce qu'ils font, je sais qu'ils ne se substituent pas
aux enseignants et je sais que cela leur permet, chemin faisant, de se former
au travail et aux emplois.
Dans le même esprit, le recours aux assistants pour enseigner les langues
étrangères aux élèves de CM 2 - et, l'an prochain, de CM 1, si j'ai bien
compris - est une excellente idée. Pouvez-vous m'indiquez la proportion
d'étudiants étrangers et celle d'étudiants français qui seront en charge des
enfants ? Je trouve que l'idée de cet apprentissage en ayant,
a
fortiori,
recours aux jeunes d'autres pays est une excellente idée qui
favorisera l'ouverture des enfants vers ces cultures qui les environnent.
J'en ai terminé avec les créations de postes, qui reflètent la volonté
gouvernementale en matière de relance de l'emploi et s'inscrivent, ainsi, dans
le cadre d'une politique sociale.
Une ombre, cependant, subsiste. Je pense aux ATOS, les personnels
administratifs, techniciens ouvriers et de service.
M. Christian Demuynck.
Eh oui !
M. Jean-Louis Carrère.
Je considère que l'effort des régions n'est pas suffisamment relayé par
l'Etat. On compte seulement 216 emplois administratifs, techniciens, ouvriers
et de service.
Madame la ministre, monsieur le ministre, je crois que l'on ne pourra pas plus
longtemps se soustraire à cette obligation dans laquelle nous sommes
d'accompagner le formidable effort des régions, et c'est le premier
vice-président modeste d'une région qui y consacre une part très importante de
son budget qui vous le dit : nous éprouvons quelques difficultés compte tenu de
l'accroissement des surfaces et de l'évolution des modes de restauration. Il
faut en prendre conscience.
Cette politique sociale, vous la mettez en oeuvre madame la ministre, monsieur
le ministre, en poursuivant votre lutte contre les inégalités au sein du
système scolaire : après la mise en place, l'an dernier, du fonds pour les
cantines, qui complète utilement le fonds social collégien inspiré lui-même du
fonds social lycéen, créé en 1991 par Lionel Jospin, cette année verra, grâce
au vote de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions,
l'été dernier, le rétablissement des bourses des collèges, avec l'ouverture
d'un nouveau taux à 1 800 francs pour les familles les plus démunies.
D'autres aides moins directes participent de votre souci de lutte contre les
inégalités scolaires et sociales : ainsi, vous continuez de financer les
manuels scolaires, grâce à une dotation de 347 millions de francs et en vertu
du principe de gratuité des manuels, posé par la loi du 11 juillet 1975, afin
qu'à la rentrée scolaire prochaine - en septembre 1999 - les manuels de classe
de troisième puissent, à leur tour, être renouvelés.
De gros efforts sont par ailleurs entrepris pour réduire le poids physique des
manuels, et les parents d'élèves y attachent un grande importance.
J'en reviens aux aspects purement sociaux, et je tiens à saluer la relance des
zones d'éducation prioritaires, les ZEP, qui ont maintenant seize ans et qui,
préalablement à votre réforme, ont fait l'objet d'évaluations sérieuses :
assises, rapports nombreux. Le principe de discrimination positive, qui vise à
donner plus à ceux qui ont moins, est toujours d'actualité.
La mise en place de réseaux d'éducation prioritaires permettra de mieux
appréhender les situations au cas par cas, sans cloisonner les
établissements.
Je crois que l'essentiel des traductions budgétaires nécessaires à la mise en
oeuvre du plan devrait prendre effet à la rentrée 1999 : classement des
collèges dans une catégorie supérieure pour les bonifications indiciaires à
attribuer aux chefs d'établissement, revalorisation du taux de l'indemnité de
sujétion spéciale, accroissement des personnels... Je souhaiterais que l'un de
vous deux, madame la ministre, monsieur le ministre, puisse me préciser le
financement de ces mesures qui permettront d'élargir la carte des ZEP.
Par ailleurs, je me suis laissé dire que les enseignants des réseaux
d'éducation prioritaires, contrairement à leurs collègues de ZEP, ne
bénéficieraient pas de l'indemnité de sujétion spéciale. N'y-a-t-il pas quelque
injustice à mettre en place cette disparité de traitement entre des enseignants
qui effectuent les mêmes tâches devant le même type d'élèves ?
Je salue aussi ce que vous faites en matière de transport scolaire en
Ile-de-France.
Mais la liste serait trop longue et je laisse à mes collègues du groupe
socialiste le soin de dire ce qu'ils pensent de votre budget. J'aurais ainsi
voulu aborder d'autres thèmes, mais je ne le puis. MM. Sérusclat, Lagauche et
Signé apporteront toutefois leur contribution à l'analyse de ce budget.
Toujours est-il que les sénateurs socialistes sont extrêmement surpris du
degré d'irresponsabilité des membres de droite...
M. Christian Demuynck.
Oh là là !
M. Jean-Louis Carrère.
... de la commission des finances, qui prétendent supprimer, et ce pour la
deuxième année consécutive, plusieurs milliards de francs destinés à
l'éducation des jeunes. Sans doute est-ce une position plus confortable, en
termes politiciens, que la position de bon sens qui consisterait à avouer que
le budget de l'enseignement scolaire est bon et qu'il procède à de très
nombreuses avancées positives dans ce secteur.
Madame la ministre, monsieur le ministre, vous l'avez compris : nous voterons
ce budget et, à l'orateur qui a précédé Mme Luc, je dirai simplement qu'il ne
suffit pas d'être importun pour être important !
(Applaudissements sur les
travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. René-Pierre Signé.
Excellent !
M. le président.
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson.
Monsieur le ministre, madame la ministre, plus la contestation dure, plus
votre budget augmente : 500 000 lycéens dans la rue,...
M. René-Pierre Signé.
Ils ont déjà été dans la rue sous d'autres gouvernements !
M. Pierre Hérisson.
... des milliers de surveillants en grève et des professeurs démotivés
correspondent à une augmentation budgétaire de 4 %.
Il est étonnant que votre budget progresse dans de telles proportions et que
les résultats de cet effort financier ne soient pas perceptibles sur le terrain
!
Alors que les effectifs scolarisés poursuivent leur décroissance, les moyens
consacrés à l'enseignement scolaire continuent d'augmenter. C'est sans doute le
principe des vases communicants !
Dans les établissements du premier et du second degré, dans les dix ans à
venir, on prévoit une baisse de 600 000 élèves. A ce rythme, où en sera le
budget de l'éducation nationale ? Quand allez-vous remettre en cause cette
progression de crédits systématique et continue qui ne tient pas compte de
cette décrue d'effectifs ?
En réalité, monsieur le ministre, votre budget souffre d'une rigidité due à
des dépenses de personnels considérables, qui captent la quasi-totalité des
augmentations. Résultat, l'enfant que vous mettez au coeur du sytème scolaire
n'est pas prioritaire en termes budgétaires. Des 11,8 milliards de francs
d'augmentation par rapport à 1998, à quelle part aura-t-il droit ?
Au lieu de faire du qualitatif, vous faites du chiffre. La modernisation du
système éducatif que vous souhaitez mettre en oeuvre ne se traduit que par une
politique d'emploi. Certes, contribuer à faire baisser les chiffres du chômage
n'est pas un objectif condamnable en soi, mais est-ce vraiment la mission du
ministère de l'éducation nationale ?
Quant aux 60 000 emplois-jeunes, malgré vos nombreuses explications, comment
pourrez-vous éviter de les intégrer dans les effectifs du ministère, rendant le
budget de celui-ci encore plus rigide ? Cela coûtera d'ailleurs 1 milliard de
francs supplémentaire pour la seule année 1999. Et je laisse volontairement de
côté le coût de l'accélération de l'intégration des instituteurs dans le corps
des professeurs des écoles et l'accroissement du nombre des maîtres
auxiliaires.
Je n'évoquerai pas non plus vos projets à l'égard des surveillants,
massivement en grève actuellement, que vous sacrifiez pour légitimer les
emplois-jeunes.
Un premier bilan de votre politique s'impose : c'est l'augmentation de
l'emploi précaire dans l'éducation nationale, révélateur de l'insuffisance de
la gestion des ressources humaines de votre ministère.
Je ne vois pas d'antagonisme entre la maîtrise des dépenses publiques et
l'amélioration de notre système éducatif. Ce dernier objectif, qui est une
priorité, passe-t-il nécessairement par une augmentation des effectifs ? Je
réponds non, surtout face à la décroissance structurelle des enfants
scolarisés.
Comme l'a rappelé le rapporteur spécial de la commission des finances, les
dysfonctionnements constatés sont davantage le résultat d'une gestion
inadéquate des moyens que d'une pénurie d'emplois.
M. Christian Demuynck.
Eh oui !
M. Pierre Hérisson.
Dois-je vous rappeler que les pays les mieux classés pour les performances
scolaires de leurs élèves ne sont pas ceux qui dépensent le plus ?
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
C'est une erreur !
M. Pierre Hérisson.
En France, pourtant, il existe des gisements d'économie dans le budget de
l'enseignement scolaire. La révision du calcul des heures supplémentaires le
prouve, à hauteur de plus de 600 millions de francs !
Vous préparez des réformes tous azimuts. Fin août, vous annonciez une réforme
de l'école primaire dissimulée derrière la Charte pour bâtir l'école du XXIe
siècle.
Nouveaux programmes, nouveaux rythmes scolaires, nouvelle manière d'enseigner,
tels étaient les trois axes retenus. En somme, une vraie révolution que devait
valider une expérimentation en 1999 par 2 000 écoles. Or, voilà moins d'un
mois, vous avez fait machine arrière. Au risque de semer la confusion chez vos
partenaires, vous revenez sur le principe des expérimentations...
M. Christian Demuynck.
Eh oui !
M. Pierre Hérisson.
... et vous affirmez que toutes les écoles qui le souhaitent doivent pouvoir
entrer dans le dispositif de la charte.
Les syndicats s'inquiètent. Ils craignent que ce brutal revirement
compromette les chances de réussite de la réforme. Expliquez-nous, monsieur le
ministre, pourquoi vous avez opéré ce revirement.
La mise en place de cette réforme nécessitera-t-elle de recruter des
personnels supplémentaires, notamment pour les activités sportives, de recourir
devantage aux emplois-jeunes ? J'attends que vous nous apportiez des précisions
sur ces points.
J'approuve votre volonté de généraliser progressivement l'enseignement des
langues vivantes dès l'école primaire. Je précise simplement que votre
précédesseur avait largement engagé le mouvement. Il vous avait tracé la voie
(M. Carrère s'exclame).
Reste à définir la façon dont vous organiserez
la prise en charge de quelque 1 000 assistants étrangers supplémentaires dans
les écoles.
Nous ne pouvons que saluer vos efforts pour l'équipement informatique des
établissements scolaires. Vous avez évalué à 15 milliards de francs le coût de
votre plan « Nouvelles technologies ». L'Etat devra, une fois encore, faire
appel aux collectivités locales pour financer ces projets...
M. Christian Demuynck
Eh oui !
M. Pierre Hérisson.
Vous ne cessez pas de les solliciter. Elles devront également contribuer au
financement de l'aménagement des rythmes scolaires. Vous savez ce que le Sénat
pense de ces transferts de charges sans compensation.
En remettant à plat toute la réflexion sur les rythmes scolaires, je souhaite
savoir ce que vous retiendrez des expérimentations engagées par le précédent
gouvernement. Allez-vous faire table rase des expériences réussies ?
Un rapport réalisé par le Comité national d'évaluation et de suivi des rythmes
de vie de l'enfant, présidé par notre collègue M. Jean-Paul Delevoye, indique
que les expériences menées dans 230 sites pilotes et concernant 110 000 élèves
ont fait la preuve de leur efficacité.
Selon ce rapport, les enfants concernés par ces nouveaux rythmes ont davantage
que les autres « du plaisir à aller à l'école, le goût d'apprendre, le respect
des règles... Ce sont les enfants d'origine modeste qui profitent le plus de
cette démocratisation ».
Ce dispositif que vous avez contesté en arrivant au ministère, fait
indéniablement ses preuves. Allez-vous tout remettre en cause pour des raisons
idéologiques ? J'attends des précisions sur ce point.
M. René-Pierre Signé.
Idéologiques ! On aura tout entendu.
M. Pierre Hérisson.
En attendant vos propositions sur le collège - je remarque à cet égard que
vous laissez de côté le maillon faible du système scolaire, alors qu'il
nécessiterait une réforme urgente - j'en viens à votre plan pour le lycée, plan
quelque peu bousculé ces dernières semaines par les lycéens descendus en masse
dans la rue.
Je me demande à quoi a servi la grande consultation organisée au cours de
l'année. Qu'avez-vous fait des résultats des 1 800 000 questionnaires remplis
par les lycéens ? Visiblement, vous n'en avez pas tenu grand compte, puisque,
pour faire entendre les revendications contenues dans le questionnaire, ils ont
dû les crier sous vos fenêtres, monsieur le ministre !
M. Christian Demuynck.
Eh oui !
Mme Hélène Luc.
Et vous, vous supprimez des crédits ! C'est incroyable !
M. Pierre Hérisson.
Sous le coup de la précipitation, vous avez dégagé des moyens humains
supplémentaires et appelé les régions à la rescousse.
M. Christian Demuynck.
Eh oui !
M. Pierre Hérisson.
Cette crise des lycéens est révélatrice de la mauvaise administration de votre
ministère.
M. René-Pierre Signé.
Oh là là !
M. Pierre Hérisson.
Vous recrutez 14 000 personnes supplémentaires alors que le taux d'encadrement
des élèves dans le second cycle est inférieur à quatorze élèves par professeur.
Avouez qu'il y a bien là un problème majeur. Comptez sur le Sénat pour faire la
lumière sur une gestion pour le moins obscure.
Votre méthode déroute. Pour garantir le présent, vous hypothéquez l'avenir de
nos enfants.
M. René-Pierre Signé.
Tout cela est excessif et insignifiant !
M. Pierre Hérisson.
Votre projet de budget traduit cette dérive. La position de la commission des
finances vise à assainir la gestion de votre ministère. C'est pourquoi je la
suivrai.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. Christian Demuynck.
Très bien et très pertinent !
M. le président.
La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Monsieur le ministre, vous avez dit à plusieurs reprises que « toujours plus
de moyens ne résoudrait rien ». Que faites-vous cependant ?
Au mois de mai, les enseignants de Seine-Saint-Denis protestent, vous
déboursez 1 milliard de francs. Le mois dernier, les lycéens descendent dans la
rue, vous annoncez 4 milliards de francs supplémentaires pour calmer leur
mécontentement, 4 milliards qui, il est vrai, vous coûtent peu, puisque vous
demandez aux régions de les débourser.
Les régions, monsieur le ministre, ont compris depuis des années que les
constructions, les restructurations, les rénovations devaient intégrer des
équipements essentiels au confort de l'ensemble de la communauté éducative,
élèves et enseignants, Depuis dix ans, monsieur le ministre, tous nos chantiers
intègrent centres de documentation et d'information, salles et bureaux des
professeurs et salles de réunions. Les lycéens que j'ai rencontrés en
Rhône-Alpes le reconnaissent et l'apprécient.
Le programme prévisionnel des investissements que nous avons voté ce matin
même en Rhône-Alpes, à une très large majorité, intègre ces équipements que
vous semblez découvrir. Et nous faisons cela depuis quatre ans, sans augmenter
la pression fiscale.
Qu'en est-il de ce budget de l'enseignement scolaire pour 1999 ? Est-il enfin
conforme à vos discours ? Malheureusement non.
Une fois de plus, vous poursuivez cette mauvaise habitude qui consiste à se
reposer sur une augmentation des moyens pour répondre aux besoins.
C'est si facile d'augmenter un budget ! Et puis il est tellement plus
médiatique d'annoncer un budget en hausse que d'engager les réformes de fond
indispensables.
M. Christian Demuynck.
Eh oui !
M. Jean-Claude Carle.
Vous recourez donc une nouvelle fois à l'inflation budgétaire. Bien sûr, vous
vous en réjouissez et vous pensez que l'opposition sera prise de court dans ses
critiques, tandis que vos partisans vous applaudiront pour cette hausse obtenue
après de si âpres négociations avec Bercy.
Plus le temps s'écoule, et plus le fossé entre vos discours et vos actes
s'élargit.
Ce budget de l'enseignement scolaire pour 1999 est en augmentation de 4,1 %.
Eh bien, monsieur le ministre, je ne m'en réjouis pas !
Depuis 1975, les crédits de l'éducation nationale ont doublé en francs
constants, et ils représentent aujourd'hui plus du cinquième du budget de
l'Etat.
La dépense globale d'éducation, qui additionne le budget de l'Etat, celui des
collectivités locales et les dépenses des entreprises et des familles, est
passé de 445 milliards de francs en 1990 à 588 milliards de francs en 1995,
soit une augmentation de près de 150 milliards de francs.
Vous ne pouvez donc justifier la nouvelle inflation budgétaire en 1999 par le
souci d'améliorer les conditions d'études, puisque l'augmentation importante
des crédits les années antérieures n'a pas empêché les lycéens de descendre
dans la rue le mois dernier.
Cette croissance du budget depuis 1990 a d'ailleurs été essentiellement
dévolue à la revalorisation des salaires des enseignants, tandis que le montant
du premier niveau des bourses scolaires demeure, quant à lui, singulièrement
faible.
Cette année n'échappe pas à la règle et la progression des crédits tient pour
une grande part à la revalorisation des dépenses de personnel. Je vous saurai
gré, néanmoins, de la création d'un troisième taux de bourse de collège, qui
est plus avantageux pour les élèves les plus défavorisés.
Quoi qu'il en soit, la part du budget de l'enseignement scolaire dans le
budget total de l'Etat s'accroît de nouveau. Après avoir été stabilisé autour
de 17,5 % de 1995 à 1997, cette part sera de 18,4 % en 1999.
Cette augmentation est pour le moins paradoxale, car les effectifs décroissent
fortement. On a recensé 60 700 élèves de moins à la rentrée 1998 et ils seront
68 000 de moins à la rentrée 1999. De plus, dans les dix prochaines années, les
effectifs diminueront de 220 000 dans les écoles et de près de 400 000 élèves
dans le second degré.
Or, malgré cette évolution, vous augmentez les crédits de près de 12 milliards
de francs pour l'année prochaine ! Loin de supprimer des postes, vous en créez
près de 4 000 dans le second degré.
En outre, vous avez enfreint cette année votre promesse de ne plus embaucher
de nouveaux maîtres auxiliaires et vous allez créer 20 000 emplois-jeunes
supplémentaires pour des postes d'aides-éducateurs, qui viendront s'ajouter aux
40 000 déjà en place.
Et je ne parlerai pas du problème d'éthique et de l'infraction à la loi alors
que vous employez certains de ces jeunes sur des postes normalement occupés par
des titulaires !
Certes, ce budget, par-delà sa hausse, traduit, j'en conviens, quelques
priorités auxquelles, en revanche, vous ne consacrez guère de moyens. Mais
certaines priorités sont contradictoires et l'ensemble oublie des enjeux
essentiels.
Vous allouez à ces quelques priorités des sommes dérisoires. Vous n'avez pas
d'argent parce que vous ne menez pas à bien ou que vous repoussez les réformes
de fond qui vous auraient permis de dégagez les moyens de vos ambitions, et
parce que vous ne voulez pas - ou ne pouvez pas - redéployer les crédits.
Je citerai en exemple l'introduction des nouvelles technologies dans les
établissements scolaires. Les besoins sont évalués à 15 milliards de francs.
Or, le fonds de soutien aux collectivités locales n'est doté que de 500
millions de francs, soit un trentième seulement des besoins !
En outre, vos priorités sont parfois contradictoires.
Entre les enseignants et les élèves, vous avez fait le choix des élèves, nous
dites-vous. Mais entre l'éducation nationale et la politique sociale, vous
sacrifiez la première sans pour autant satisfaire la seconde.
Un milliard de francs seront affectés au financement des 60 000 emplois-jeunes
et vous tirerez ce milliard de la réduction du volant d'heures supplémentaires
des enseignants titulaires et de la baisse de leur rémunération. Résultat :
nombre de remplacements ne sont pas assurés, ce qui, entre autres, a conduit
les lycéens à descendre dans la rue.
Quant au réemploi massif des maîtres auxiliaires à la rentrée de 1997, il
s'est fait sans tenir compte des besoins effectifs.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Vous dites n'importe quoi !
M. Jean-Claude Carle.
Résultat : bien que les maîtres auxiliaires soient en surnombre, les recteurs
ont dû en recruter 1 000 nouveaux pour pourvoir des postes vacants dans des
disciplines sous-dotées !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
C'est n'importe quoi !
M. Jean-Claude Carle.
Enfin, on peut regretter, dans ce tourbillon de réformes que vous avez
annoncées, que rien ne soit fait pour le collège, qui est le maillon le plus
fragile de notre système éducatif.
M. Jean-Louis Carrère.
C'est compliqué !
M. Christian Demuynck.
Tout le monde n'est pas compétent !
M. Jean-Claude Carle.
Le collège unique concentre aujourd'hui l'essentiel des difficultés du système
éducatif, l'échec scolaire comme la violence.
Comme le dit Bernard Kuntz, président du syndicat national des lycées et des
collèges,...
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Bonne référence !
M. Jean-Claude Carle.
... « la constitution de classes hétérogènes, regroupant les élèves
indépendamment de leus savoirs et de leurs aptitudes, a très vite entraîné un
effondrement des connaissances. Et leur généralisation a suscité de vives
difficultés relationnelles ».
M. René-Pierre Signé.
Pourquoi ne les a-t-on pas laissés au pouvoir ces donneurs de leçon ?
M. Christian Demuynck.
Parce que vous avez voté, tout simplement !
M. Jean-Claude Carle.
Certaines de vos initiatives n'en sont pas moins intéressantes, j'ai déjà eu
l'occasion de vous en faire part. Mais leur réalisation laisse à désirer.
S'agissant de ce fameux « dégraissage du mammouth », vous annonciez une baisse
des effectifs d'environ 3 000. Mais, malgré le réel bouleversement de
l'administration centrale, vous n'avez réussi à supprimer qu'une centaine de
postes. Et, pour l'année prochaine, vous reprenez la vague des créations
d'emplois : 3 050 emplois d'enseignants du second degré, 250 emplois de
conseillers principaux d'éducation, 616 emplois de personnels non enseignants,
1 000 assistants étrangers supplémentaires.
La déconcentration de la gestion des enseignants est également une bonne
initiative, monsieur le ministre. Mais vous me permettrez, étant donné le
décalage avéré entre ce que vous dites et ce que vous faites, de réserver mon
jugement sur l'effectivité et l'efficacité de votre réforme à la rentrée
1999.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Quand vous aurez Gollnisch comme ministre de l'éducation nationale, ce sera
mieux !
M. Jean-Claude Carle.
A ce titre, la commission d'enquête sur la situation et la gestion des
personnels de l'éducation nationale, créée sur l'initiative du président de la
commission des affaires culturelles, M. Adrien Gouteyron, donnera des éléments
d'appréciation utiles sur cette réforme. Il est en effet de notre devoir, en
tant que représentants du peuple,...
M. René-Pierre Signé.
Du peuple, quel peuple ?
M. Christian Demuynck.
Le peuple !
M. Jean-Claude Carle
... de nous assurer que les 300 milliards de francs investis chaque année pour
l'éducation nationale sont utilisés au mieux.
Nos concitoyens ne comprennent pas comment il est possible que les lycéens
puissent manifester légitimement contre...
M. René-Pierre Signé.
Ils ont aussi manifesté contre Balladur !
M. Jean-Claude Carle.
... le manque de professeurs alors que, d'une part, le nombre des élèves
diminue et que, d'autre part, les moyens augmentent d'année en année.
La conclusion s'impose : ce ne sont pas les moyens qui font défaut, c'est la
mauvaise utilisation de ceux-ci qui est en cause. C'est d'ailleurs l'avis de
nos concitoyens. Un sondage CSA révèle ainsi que 52 % des Français pensent que
les difficultés que connaît notre système éducatif sont dues à une mauvaise
utilisation des moyens actuels.
Selon vos chiffres, il y aurait un enseignant pour douze élèves dans le
secondaire. En tenant compte des durées de présence différentes des enseignants
et des élèves au sein des établissements, on atteint une moyenne de un pour
vingt et un. Comment, dans ces conditions, expliquer que l'on ait des classes
surchargées qui dépassent parfois trente-cinq élèves ?
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Il faut écouter ce que je dis !
M. Jean-Claude Carle.
C'est l'une des énigmes que la commission d'enquête doit résoudre. Les
Français veulent savoir. Ils doivent savoir.
M. Christian Demuynck.
Exact !
M. Jean-Claude Carle.
Quant aux établissements à construire, c'est bien. Les collectivités le font,
vous l'avez vous-même reconnu.
Encore faut-il, après, les faire fonctionner correctement ! Le plan Université
2 000,...
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Hors sujet !
M. Jean-Claude Carle.
... lancé par M. Jospin quand il était ministre de l'éducation nationale, a
conduit à construire de nouveaux établissements sans vraiment songer au
financement des frais de fonctionnement ultérieurs. Vous faites preuve
aujourd'hui de la même insouciance.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Université 2 000 n'a rien à voir avec le sujet !
M. Jean-Claude Carle.
Nous ne pourrons continuer à construire ou à rénover des établissements si le
personnel assurant le fonctionnement ne suit pas.
Devant cette pénurie et cette carence, la question de l'entretien devrait
d'ailleurs faire l'objet d'un traitement un peu plus imaginatif. Des formules
telles que la concession, qui existe déjà pour la restauration, mériteraient
d'être sérieusement étudiées et expérimentées.
M. René-Pierre Signé.
Privatisez !
M. Jean-Claude Carle.
Enfin, certaines des mesures annoncées en fanfare ne sont guère que des
dispositifs existant déjà, mais sous d'autres noms.
(M. Signé proteste.)
Ainsi en est-il du conseil de la vie lycéenne qui
vient s'ajouter au conseil des délégués des élèves et dont les attributions
sont
grosso modo
identiques à celles de ce dernier.
Alors que les lycéens se plaignent de la surcharge des programmes, était-il
bien utile de créer un comité de plus ? C'était sans doute une manière subtile
de calmer provisoirement la contestation des jeunes !
Je vous l'accorde, monsieur le ministre, les réformes sont difficiles, car les
conservatismes sont pesants et les corporatismes de tous bords puissants. Des
propositions ou des réformes moins importantes que celles que vous souhaitez
sont aujourd'hui tombées aux oubliettes de l'histoire. Nombre de vos
prédécesseurs ont été contraints de dire qu'il était « urgent d'attendre ».
J'aimerais, enfin, insister sur quelques axes essentiels dont votre budget se
fait malheureusement trop peu l'écho. Je veux parler de l'orientation, de la
filière professionnelle et de la gestion de proximité.
On ne parle pas assez, vous ne parlez pas assez d'orientation. L'orientation
devrait être une véritable priorité et non pas, comme à l'heure actuelle, un
moment réservé pour ceux qui sont en difficulté. 68 % des Français estiment que
le système d'orientation n'est pas satisfaisant, regrettant l'absence de
contacts avec les entreprises et, d'une manière plus large, avec le monde des
adultes.
J'aurais d'ailleurs aimé que vous donniez une suite favorable à la proposition
que je vous avais adressée lors d'une séance de questions d'actualité et qui
visait à confier la présidence des conseils d'administration des lycées
professionnels à une personnalité extérieure, à l'instar de ce qui existe dans
l'enseignement agricole. Là encore, monsieur le ministre, votre accord verbal
ne s'est pas traduit dans les actes.
L'orientation relève d'abord de la responsabilité de la famille. Elle est
ensuite celle de l'instituteur, puis celle du professeur principal en collège
ou en lycée, enfin celle, bien sûr, des professeurs d'université.
Trente-huit pour cent des jeunes de niveau bac plus 6 déclarent ne pas avoir
de projet professionnel. Faut-il attendre aussi longtemps pour parler
d'orientation ?
Ce déficit d'orientation explique pourquoi l'offre de formation est mal
adaptée. Cette inadéquation est sous-tendue par un problème culturel. Nous
sommes dans une société - je l'ai déjà dit maintes fois - qui ne reconnaît
qu'une forme d'intelligence : celle qui résulte des disciplines abstraites,
oubliant l'autre forme qu'est l'intelligence de la main, de l'acte. Pourtant,
si notre longue histoire a retenu le nom de ses grands savants, de ses grands
mathématiciens, de ses philosophes, elle est tout aussi fière de ses grands
architectes, jardiniers et ébénistes.
Cette attitude a conduit l'enseignement technique, l'enseignement
professionnel et l'apprentissage à être considérés comme les voies de l'échec,
tandis que, dans le même temps, d'autres pays nous montraient qu'ils pouvaient
être celles de la réussite.
Des mesures incitatives seraient donc nécessaires pour revaloriser davantage
encore ces filières. Les deux précédents gouvernements en avaient pris.
M. Jean-Louis Carrère.
Vous avez combien de temps de parole ?
M. Christian Demuynck.
C'est intéressant, il faut suivre !
M. Jean-Claude Carle.
Grâce à eux, l'apprentissage sort aujourd'hui peu à peu de sa relégation
passée.
M. Jean-Louis Carrère.
Il a combien de temps, monsieur le président ?
M. Jean-Claude Carle.
Mais que fait l'actuel Gouvernement ? Il lui porte atteinte, alors même que
les effectifs d'apprentis atteignent à peine 10 % des effectifs étudiants. J'en
prends pour preuve l'article 80 du projet de loi de finances pour 1999, qui
réserve le paiement de la prime de 6 000 francs à l'embauche aux apprentis
détenant un faible niveau de qualification. Compte tenu d'un effectif
d'apprentis évalué à 230 000 en 1999, la mesure touchera environ 50 000 d'entre
eux. Cette mesure est néfaste pour l'apprentissage.
M. René-Pierre Signé.
Vive les CFA, écoles du patronat !
M. Jean-Claude Carle.
Cette baisse de l'incitation financière réduit l'« attractivité » du
dispositif de l'apprentissage à un moment où les effectifs entrant en
apprentissage connaissent une légère baisse.
Cette mesure va nuire à l'image de l'apprentissage. Elle tend à le concentrer
sur les formations de faible niveau, revenant ainsi sur tous les efforts de
promotion de l'image de marque de l'apprentissage.
Mais ne faut-il pas voir dans cette mesure une visée idéologique, qui entend
soumettre tout le monde au même moule scolaire ?
M. René-Pierre Signé.
Ça y est, voilà l'idéologie !
M. Jean-Claude Carle.
Il est dangereux d'opposer l'apprentissage à la voie scolaire, tout comme il
est dangereux d'opposer formation générale et formation professionnelle.
M. René-Pierre Signé.
Et l'idéologie libérale ?
M. Jean-Claude Carle.
L'alternance devrait être un passage obligé de tout cursus.
J'évoquerai, enfin, un dernier problème : la conception trop fermée, trop
cloisonnée de l'éducation en France.
Souvent, on parle de l'éducation nationale comme d'un objet abstrait, isolé
des autres institutions et des autres acteurs sociaux. Concrètement, cela se
traduit par un partenariat insuffisant et par une centralisation excessive.
Le partenariat doit s'établir avec tous ceux qui ont une responsabilité
éducative. L'éducation est un tout. Ce n'est pas seulement les livres qu'on lit
et les devoirs que l'on fait. C'est aussi l'apprentissage de la vie en commun,
du respect des autres et du civisme. Les acteurs de l'éducation, ce ne sont
donc pas uniquement les enseignants, quel que soit leur mérite par ailleurs.
M. Alain Vasselle.
Bien sûr !
M. Jean-Claude Carle.
La famille joue aussi un rôle considérable, inscrit à l'article 213 du code
civil.
M. René-Pierre Signé.
Travail, famille...
M. Jean-Claude Carle.
Quant à la gestion, elle reste beaucoup trop centralisée. Vous ne réglerez pas
tout de la rue de Grenelle. L'Etat doit abandonner un certain nombre de
fonctions périphériques en concluant des partenariats avec les collectivités
locales. La restauration, l'hébergement et l'entretien nécessitent du
personnel, et, malgré l'effort fait par votre prédécesseur en 1996, les
dotations en personnels ATOS sont souvent déficitaires dans de nombreux
établissements. Et je ne parle pas des universités, où la moyenne est bien
inférieure aux critères de SAN REMO, le système analytique de répartition des
moyens.
M. René-Pierre Signé.
Mais qu'y a-t-il de bon dans ce budget ?
M. Jean-Claude Carle.
Pourquoi ne pas imaginer d'autres possibilités et ouvrir des territoires
d'expérimentation, y compris dans le domaine pédagogique ? La diversité des
situations et la nécessité de réagir face aux réalités montrent les limites de
la solution unique et le bien-fondé des mesures contractuelles prises au plus
près du besoin.
Beaucoup de choses peuvent être réglées au niveau de l'établissement.
Chacun doit s'engager.
M. René-Pierre Signé.
Il en fait trop !
(Rires.)
M. Jean-Claude Carle.
Les collectivités locales doivent pourvoir aux investissements matériels pour
assurer les meilleurs conditions d'études et de confort, les chefs
d'établissement doivent disposer de davantage d'autonomie pour traiter des
affaires de l'établissement. Des contrats d'établissement devraient être
conclus entre l'Etat, les collectivités locales et les professions.
Mais la proximité, c'est aussi la cohérence au niveau du bassin de formation.
Il convient de jouer sur les complémentarités entre les établissements et sur
leur mise en réseau.
A tous ces défis, dont je ne nie pas, monsieur le ministre, qu'ils sont
difficiles à relever - je suis conscient que vous avez la volonté de vous
atteler à cette tâche - vous semblez malheureusement n'avoir qu'une seule
réponse : l'inflation budgétaire. Or l'histoire montre que ce n'est pas ou plus
la bonne réponse, qu'il est urgent d'y voir plus clair, d'engager des
redéploiements.
M. René-Pierre Signé.
C'est ce qu'a dit M. le ministre !
M. Jean-Claude Carle.
C'est pourquoi je soutiendrai les amendements de suppression de crédits des
titres III et IV de notre rapporteur. Le groupe des Républicains et
Indépendants votera le projet de budget de l'enseignement scolaire, ainsi
amendé.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers
collègues, avant d'attaquer directement l'examen du projet de budget, je
voudrais faire une citation à notre collègue Jean-Louis Carrère, après celle
qu'il a faite lui-même à propos de notre collègue Alain Vasselle. Je suis
persuadé qu'il en appréciera la source : « A force d'avoir un avis sur tout, on
finit vite par devenir un donneur de leçons. »
(M. Jean-Louis Carrère
rit.)
M. René-Pierre Signé.
Eh bien, dites donc ! Ça vous va bien !
M. Christian Demuynck.
Au risque de vous surprendre, monsieur le ministre, je tiens à vous féliciter
pour le projet de budget de l'enseignement scolaire pour 1999 que vous nous
présentez aujourd'hui et qui prévoit une progression de 4,1 % des crédits par
rapport à 1998.
Je vous remercie donc, monsieur le ministre, d'avoir entendu les élèves, les
membres du corps enseignant et les élus, qui ne cessent de demander, parfois
bruyamment, il faut le reconnaître, plus de moyens, plus d'encadrement et plus
de nouveaux locaux !
Ainsi l'éducation nationale reste le premier budget de la nation, même si
l'augmentation de ses crédits est inférieure à celle de certains autres
ministères mieux lotis. Mais on ne peut malheureusement pas se contenter de
cette lecture au premier degré. En effet, permettez-moi d'émettre quelques
réserves sur la crédibilité de vos promesses.
Sénateur de la Seine-Saint-Denis, maire d'une commune de 18 000 habitants, je
crois bien connaître les problèmes de l'enseignement...
M. Jean-Louis Carrère.
Cumul !
M. Christian Demuynck.
... et, malgré ce que vous avez dit tout à l'heure à notre collègue Vasselle,
je me sens au moins aussi compétent que vous.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Ah bon ! C'est intéressant...
M. Christian Demuynck.
Voilà quelque temps, vous avez présenté un énième plan, c'était le troisième
plan de rattrapage scolaire pour le département 93, en réponse aux
manifestations qui se sont déroulées pratiquement un an avant celles des
lycéens.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Vous avez dit trois ? Le compte n'y est pas !
M. Christian Demuynck.
J'ai trouvé intéressant, pour éclairer mon scepticisme devant le beau budget
que vous nous présentez, de faire le parallèle entre les promesses annoncées le
30 avril dernier lors de la présentation de ce troisième plan et les actes
véritablement quantifiables et vérifiables à la rentrée 1998.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Vous dites qu'il y a eu combien de plans ?
M. Christian Demuynck.
C'était le troisième plan pour la Seine-Saint-Denis. Vous ne vous souvenez
même plus du nombre de plans que vous avez faits ! Enfin bref !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je crois que vous ne savez pas compter, s'il s'agit de moi, monsieur le
sénateur. C'est grave quand même de ne pas savoir compter jusqu'à trois !
M. Ivan Renar.
C'est cela le retard scolaire !
(Rires.)
M. Christian Demuynck.
Monsieur le ministre, si vous étiez aussi véhément sur le terrain que vous
l'êtes ici, ce serait formidable pour les jeunes !
(Applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants. - Vives protestations sur les travées
socialiste.)
Vous ne manquez pas en effet une seule occasion de parler de concertation avec
les élus, les personnels enseignants, les élèves, les parents d'élèves,
affichant sur toutes les radios, les télévisions, sans parler de la presse
écrite, votre volonté de réformer l'éducation nationale,...
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Imperturbable !
M. Christian Demuynck.
... et d'annoncer, par de nombreuses déclarations, de nouveaux projets mis en
place selon vous immédiatement !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Oui !
M. Christian Demuynck.
Mais, sur le terrain, les choses se corsent ! Les actes ne suivent plus les
paroles.
M. René-Pierre Signé.
On a connu cela, les promesses non tenues !
M. Christian Demuynck.
Alors j'ai pris un certain nombre d'exemples, qui vont vous intéresser,
monsieur le ministre, j'en suis persuadé.
Le premier exemple concerne les quatrièmes technologiques, qui sont
symptomatiques de la manière dont vous procédez.
J'étais intervenu, dans cet hémicycle, auprès de Mme Ségolène Royal en mai
dernier pour m'inquiéter de la suppression prévue de ces classes dans les
collèges à la rentrée 1998.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Voulue par M. Bayrou !
M. Christian Demuynck.
Je ne le conteste pas. Vous l'avez dit, nul n'est parfait !
M. René-Pierre Signé.
En tout cas, pas vous !
M. Christian Demuynck.
Celle-ci m'a convaincu de sa bonne foi en m'affirmant avec véhémence que ces
classes ne seraient jamais supprimées puisqu'elle avait pris en ce sens des
directives en janvier 1998.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.
Ce n'est pas vrai
!
M. Christian Demuynck.
Ce n'est pas vrai, madame le ministre ?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
J'ai ajouté : là où elles fonctionnaient !
M. Christian Demuynck.
Comme j'étais persuadé que vous alliez contester, j'ai pris soin d'amener la
réponse que vous avez faite à ma question orale et je vais vous citer. Vous
pouvez toujours contester le
Journal Officiel
, si vous voulez !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Je ne parlais pas des classes qui avaient déjà disparu,
je parlais de celles qui fonctionnaient bien !
M. Christian Demuynck.
« En ce qui concerne les classes de quatrième technologique, monsieur le
sénateur, je vous confirme, que, malgré la décision réglementaire prise par M.
Bayrou de les supprimer toutes à la rentrée 1998, ce qui constituait une
décision malvenue pour le système scolaire, j'ai décidé » - c'est vous qui
parlez, madame le ministre - « de maintenir toutes celles qui subsistent dans
les collèges. »
Je suis donc sorti de cette séance de questions orales tout à fait rasséréné.
Puis, connaissant un peu votre manière de procéder et la différence qui existe
entre les promesses que vous faites et la réalité,...
M. Jean-Louis Carrère.
Vous pouvez parler !
M. Christian Demuynck.
... j'ai été voir l'inspectrice d'académie, à qui j'ai demandé si elle pouvait
remettre en place au mois de septembre les quatrièmes technologiques.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Pas remettre en place !
M. Christian Demuynck.
Vous avez raison, je lui ai demandé si elle pouvait maintenir ces classes de
quatrième technologiques.
L'inspectrice m'a répondu : « Monsieur le sénateur, je n'ai pas les moyens, ni
financiers ni matériels. »
M. Alain Vasselle.
Eh oui !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
On ne pouvait pas les rouvrir !
M. Christian Demuynck.
C'est absolument faux, ces classes n'étaient pas fermées !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Quelle mauvaise foi !
M. Christian Demuynck.
Elle a ajouté, d'ailleurs, ce qui est assez amusant : « Vous savez, les
décisions prises dans les ministères sont loin des réalités ! »
M. Alain Vasselle.
Eh oui !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
C'est facile !
M. Christian Demuynck.
En tout cas, madame le ministre, elle avait raison, puisque les quatrièmes
technologiques ont bel et bien été supprimées.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
C'est faux, il y en a qui fonctionnent !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Celles qui ont été supprimées l'ont été par M. Bayrou !
M. Christian Demuynck.
Je suis d'accord avec vous, monsieur le ministre, c'est effectivement M.
François Bayrou qui les a fait supprimer. Mais Mme le ministre nous avait dit
qu'elle les maintiendrait...
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Il en reste !
M. Christian Demuynck.
... et qu'elle ferait tout pour qu'elles restent en place.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Celles qui existaient encore à la rentrée !
M. Christian Demuynck.
... Cela ne vous a pas empêché, madame le ministre, d'affirmer...
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué
Ce n'est pas convaincant !
M. Alain Vasselle.
Ah ! c'est dur d'entendre la vérité !
M. Christian Demuynck.
... dans le numéro de
France-Soir
du 15 septembre : « Effectivement, je
suis au contraire celle qui a rétabli les quatrièmes technologiques, car j'ai
trouvé en arrivant au ministère que c'était une erreur de les avoir supprimées
».
C'est vrai,...
M. René-Pierre Signé.
On parle du budget, pas de questions personnelles !
M. Christian Demuynck.
... et vous poursuiviez : « J'ai donc demandé non seulement qu'elles soient
réouvertes, mais que leur potentiel en moyens matériels et en enseignants soit
maintenu. »
Alors que tout le monde savait que ces classes étaient supprimées, il fallait
tout de même une certaine dose de je-ne-sais-quoi pour affirmer cela !
M. René-Pierre Signé.
Ce n'est pas une séance de questions orales !
M. Christian Demuynck.
Cela a d'ailleurs beaucoup fait rire dans les collèges, permettez-moi de vous
le dire !
Je suis intervenu au Sénat le 19 novembre dernier pour en demander les
raisons. On m'a annoncé alors que d'autres directives avaient été prises et que
l'on parlait non plus de suppression, mais plutôt d'une nouvelle organisation
des classes de quatrième avec la création de « groupes de nouvelles
technologies appliquées », décision confirmée par un arrêté.
Je constate, dans cette affaire, deux choses : d'abord vous n'avez pas tenu
vos promesses ;...
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
C'est faux !
M. Christian Demuynck.
... ensuite, et c'est encore plus grave, les décisions que vous avez annoncées
le 19 novembre dernier, c'est-à-dire il y a à peine une dizaine de jours, ne
sont connues ni du recteur, ni de l'inspectrice, encore moins des principaux de
collège !
Votre ministère, il faut le reconnaître, fonctionne d'une drôle de manière.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
C'est inexact !
M. Christian Demuynck.
Je sais bien, tout est inexact !
Je vous avais demandé de venir en Seine-Saint-Denis, mais vous n'avez pas
voulu.
Deuxième exemple, la création d'un comité de suivi permanent pour rendre
transparentes les mesures prises par l'éducation nationale à l'égard de la
population. La transparence ? Un beau cheval de bataille ! Ce comité devait
être créé en septembre 1998, mais, depuis la rentrée, il n'a jamais vu le jour
!
J'ai rencontré il y a dix jours le recteur, qui m'a fait comprendre qu'il
n'était pas du tout question qu'il crée ce comité de suivi. Il m'a fait
comprendre aussi qu'il envisageait de continuer à gérer comme par le passé et
que les élus ne seraient pas associés.
Mme Ségolène Royal.
Caricature !
M. Christian Demuynck.
Des élus étaient présents avec moi ! On peut les faire venir ici si vous ne me
croyez pas !
M. Alain Vasselle.
C'est cela, leur conception du dialogue !
M. Christian Demuynck.
Exactement !
Troisième exemple : à grand renfort de publicité, on nous a annoncé la
création de 5 000 emplois-jeunes et de 3 000 nouveaux postes en trois ans, dont
800 en 1998. L'inspectrice, à la rentrée, m'a assuré que le planning était bien
réalisé. Toutefois, quand j'ai cherché à savoir dans quels collèges ces postes
avaient été créés, je n'ai obtenu aucune réponse !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Il n'y en a pas dans les collèges !
M. Christian Demuynck.
C'est tout de même surprenant lorsqu'on parle de concertation avec les élus et
qu'on se targue d'une volonté de transparence !
Mais, surtout, cela fait peser une suspicion sur la réalité des postes
réellement pourvus.
Au-delà de la création, effective ou non, de ces postes, permettez-moi de
m'arrêter quelques instants sur les 5 000 emplois-jeunes.
Tout d'abord, je reste circonspect quant à leur efficacité, car les remarques
formulées par les personnels enseignants sur le flou de leur mission ne sont
pas sans fondement.
Ensuite, bien que de nombreux emplois aient été créés, je m'étonne du procédé
qui a permis ces créations ; une partie du financement n'a été possible que
grâce à la diminution brutale, par voie réglementaire et sans concertation, de
la rémunération des heures supplémentaires des professeurs.
Par ailleurs, comment expliquez-vous la création de tant d'emplois-jeunes
quand tant d'enseignants se trouvent en situation de précarité et que plus de
20 000 maîtres auxiliaires n'ont toujours pas de perspective de titularisation,
sans parler des enseignants qui se sont trouvés sans poste à la rentrée...
M. Jean-Louis Carrère.
Avec vous, c'était sans doute mieux ?
M. René-Pierre Signé.
Et qu'est-ce qu'il a fait Bayrou ? Et Juppé ?
M. Christian Demuynck.
Vous avez beaucoup parlé en tout cas !
Enfin, la presse a réalisé plusieurs reportages sur les manifestations de ces
aides-éducateurs qui protestent contre le flou de leurs fonctions, contre leurs
horaires extensibles et surtout contre l'absence des 200 heures de formation
qui sont inscrites dans leur contrat. Au final, plusieurs d'entre eux ont
d'ailleurs déjà démissionné.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Pour aller au chômage ?
M. Christian Demuynck.
Quatrième exemple...
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Répondez ! Ils ont démissionné parce qu'ils ont trouvé un emploi, monsieur le
sénateur !
M. Christian Demuynck.
Ils ont démissionné parce que ce n'était pas clair et que vous ne teniez pas
vos engagements !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Mais non, pas du tout ! Parce qu'ils préfèrent trouver un emploi ! Ce que vous
dites est un mensonge !
M. Christian Demuynck.
Absolument pas ! Rencontrez-les et vous verrez que ce que vous dites n'est pas
la réalité !
M. René-Pierre Signé.
C'est faux !
M. Christian Demuynck.
C'est vous qui mentez !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
N'importe qui refuserait de quitter un tel poste s'il n'avait trouvé un emploi
!
M. Alain Vasselle.
C'est dur d'entendre la vérité !
M. Christian Demuynck.
Quatrième exemple : la mise en place d'un moratoire contre les fermetures de
classes...
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Ce n'est pas un débat ! C'est n'importe quoi, ce que vous racontez ! C'est un
tissu d'âneries !
M. le président.
Laissez M. Demuynck achever son intervention, monsieur le ministre.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
S'il continue ainsi, je vais effectivement le laisser parler seul : je vais
m'en aller !
M. Christian Demuynck.
Ce que je dis, c'est la réalité !
M. le président.
Poursuivez, monsieur Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Mon quatrième exemple concerne la mise en place d'un moratoire contre la
fermeture des classes.
M. René-Pierre Signé.
Provocateur !
M. Christian Demuynck.
Vous aviez dit, madame le ministre, qu'il n'y aurait aucune fermeture de
classe. Or, en Seine-Saint-Denis, je suis désolé...
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Lorsqu'il n'y a plus d'élèves, on ferme les classes
!
M. Christian Demuynck.
Alors, j'avais mal compris ! Je le dirai aux enseignants. Ils seront très
satisfaits !
M. Jean-Louis Carrère.
Il s'affole !
M. Christian Demuynck.
En tout cas, dans plusieurs villes du département, six classes ont été
fermées. Encore une fois, et je ne m'affole pas, monsieur Carrère,...
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
On ferme les portes quand il n'y a plus personne !
M. Jean-Louis Carrère.
Il déraille !
Mme Hélène Luc.
Vous connaissez mal les problèmes, monsieur Demuynck !
M. Christian Demuynck.
... des promesses ont été faites mais elles n'ont pas été tenues.
Je connais, madame Luc, les problèmes de la Seine-Saint-Denis aussi bien que
vous ceux du Val-de-Marne !
Cinquième exemple, qui concerne un point important de votre politique en
faveur de l'exclusion sociale : vous aviez annoncé, madame Royal, la création
de soixante ZEP en Seine-Saint-Denis à la rentrée de 1998. Je vous félicite de
cette annonce, qui répond véritablement aux demandes des élus et du personnel
enseignant mais qui n'a pas été totalement concrétisée puisque nous ne
comptons, à ce jour, que cinquante-trois ZEP, qui n'ont d'ailleurs pas toutes
les moyens de fonctionner. Vous avez fourni un très gros effort, c'est vrai,
mais pourquoi avoir annoncé soixante si vous ne pouviez réaliser que
cinquante-trois ?
M. Jean-Louis Carrère.
Mais où ? De quoi parle-t-il ?
M. Christian Demuynck.
Vous avez frustré bon nombre d'enseignants qui croyaient fermement en vos
promesses et qui n'ont eu que l'amère surprise de se voir une nouvelle fois
trompés.
M. Jean-Louis Carrère.
Vous ne parlez pas du budget !
M. Christian Demuynck.
C'est le budget, ça !
A la lecture de ces quelques exemples très concrets et qui ne prêtent pas à
polémique...
M. René-Pierre Signé.
Question locale !
M. Christian Demuynck.
... puisqu'ils reflètent simplement la réalité, on constate qu'il ne suffit
pas d'augmenter les crédits pour obtenir des résultats.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Ce n'est pas ainsi que vous obtiendrez des moyens supplémentaires pour votre
circonscription !
M. Christian Demuynck.
C'est du chantage, monsieur le ministre !
M. René-Pierre Signé.
Provocateur !
M. Christian Demuynck.
De toute façon, nous n'avons rien !
Voilà plusieurs années que ce budget augmente mais, on en a un peu plus la
preuve tous les jours, plus d'argent ne signifie pas une meilleure école et
surtout pas une meilleure gestion de votre ministère.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
On a vraiment besoin du non-cumul des mandats ! Comme ça, vous serez au courant
! Vous maîtriserez vos dossiers !
M. Christian Demuynck.
Je suis sur le terrain et, vous, vous n'y êtes pas ! C'est ça, la grande
différence !
M. le président.
Monsieur le ministre, laissez l'orateur s'exprimer. Vous lui répondrez tout à
l'heure.
Poursuivez, monsieur Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Je reprends le fil de mon propos.
C'est la raison pour laquelle, depuis mai 1998, j'ai été un de ceux qui ont
demandé la création d'une commission d'enquête sénatoriale...
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Encore une !
M. Christian Demuynck.
... sur les modalités de gestion des personnels enseignants de l'enseignement
secondaire.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Il fallait en constituer une pour Bayrou !
M. Christian Demuynck.
Comme vous le savez, cette commission d'enquête a été mise en place récemment,
et je suis heureux d'en faire partie.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Vous allez vous informer, c'est bien ! C'est formidable !
M. Christian Demuynck.
Laissez-moi finir ! Je suis néanmoins désolé qu'on soit obligé d'en arriver
là...
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Il faut aussi apprendre à compter !
M. Christian Demuynck.
... pour obtenir des renseignements et permettre aux parlementaires de
participer au processus de réflexion sur le fonctionnement et l'avenir de
l'éducation nationale.
Monsieur le ministre, votre budget...
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Vous n'en avez pas parlé ! Vous ne parlez pas du budget : vous parlez de vos
petits problèmes locaux !
M. Christian Demuynck.
... votre budget est bon...
M. René-Pierre Signé.
Pas vous !
M. Christian Demuynck.
... dans sa présentation.
Vous avez promis un certain nombre de choses pour la Seine-Saint-Denis. J'ai
démontré que vous ne teniez pas vos engagements. Vous ne tiendrez pas davantage
ceux que vous prenez dans ce budget.
Monsieur le ministre, les exemples que j'ai évoqués donnent à votre budget une
autre dimension. Vous promettez, promettez et promettez encore, mais vous ne
tenez pas véritablement vos promesses.
Je vais encore me montrer plus précis. La ville de Neuilly-Plaisance, dont je
suis maire, organise et finance seule les cours d'anglais...
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Vous recommencez ! Ce n'est pas un débat sur la Seine-Saint-Denis !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Ce n'est même plus la Seine-Saint-Denis, c'est
Neuilly-Plaisance !
M. Christian Demuynck.
Ecoutez, monsieur le ministre !
Ma ville finance donc seule les cours d'anglais pour les élèves depuis les
grandes sections maternelles jusqu'au CM 2, et cela depuis neuf ans.
Avant l'été, vous avez annoncé la prise en charge de ces cours pour les CM 2,
en expliquant tout l'intérêt qu'il y avait pour les jeunes à connaître ces
langues vivantes, ce dont je suis tout à fait convaincu. Toutefois, nous avons
choisi de maintenir notre effort, c'est-à-dire de garder nos professeurs. Bien
nous en a pris, car en septembre, en octobre, en novembre, rien ne s'est passé.
Nous attendons toujours les professeurs nommés par votre ministère !
Entre vos promesses et la réalité sur le terrain, la différence est de taille
!
Vous parlez également, madame Royal, de la difficulté de scolariser des jeunes
en échec scolaire, qui sont de plus en plus violents et de plus en plus jeunes.
Vous soulignez, à juste titre, qu'aucune institution ne peut répondre seule à
ce problème et vous avez proposé de créer des classes-relais qui pratiqueraient
l'alternance : excellente initiative s'il en est, qui permet d'extraire le
jeune du cadre de son quartier.
C'est dans ce sens que nous avons créé à Neuilly-Plaisance, voilà deux ans,
une « école de la deuxième chance », qui permet à des jeunes des communes de
Seine-Saint-Denis qui se trouvent en difficulté dans le système scolaire de
suivre une formation dans un institut d'enseignement rural et de mécanique
agricole dans la Nièvre, afin de se réorienter et surtout d'avoir un emploi
assuré à leur sortie.
L'an passé, tous les élèves qui ont bénéficié de cette action ont trouvé un
emploi.
Cette expérience donnant de bons résultats, nous avons décidé de la
renouveler.
M. Jean-Louis Carrère.
Essayez d'élargir le débat !
M. Christian Demuynck.
Bien entendu, c'est la mairie et ses partenaires qui sont seuls en charge de
ce dispositif.
Malgré mes nombreuses interventions auprès des ministres concernés que vous
êtes, je n'ai obtenu aucune écoute.
M. Jean-Louis Carrère.
Il ne parle que de lui !
M. Christian Demuynck.
Mais c'est des jeunes que je parle ! Je parais jeune, c'est vrai, mais je ne
vais plus à l'école !
Je n'ai donc pas obtenu l'écoute qui m'aurait laissé espérer un soutien
financier de l'éducation nationale.
Le maire est seul, toujours seul, et l'on comprend aisément que nombre de
maires aient décidé de ne pas se représenter lors des prochaines échéances.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Aux sénatoriales non plus !
M. Christian Demuynck.
Attendez l'avenir, madame le ministre. Rira bien qui rira le dernier !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Ce n'est pas à moi que vous pouvez le dire, je n'ai jamais cumulé de
mandats.
M. Christian Demuynck.
C'est dommage parce que vous connaîtriez le terrain !
Les exemples que j'ai cités sont probants. Vous annoncez des projets, des
réformes, des initiatives, des réflexions auxquelles les élus ne sont pas
associés, et encore moins les parlementaires. Mais surtout, et c'est le plus
grave à mon sens, vos propres services n'en sont même pas tenus informés. Seuls
les médias semblent être au courant de votre politique.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je n'ai jamais entendu des choses aussi inacceptables, jamais de ma vie !
M. Christian Demuynck.
Pour terminer, permettez-moi de vous indiquer une piste de travail. Vous
évoquez dans votre budget le nécessaire rétablissement des missions
fondamentales de l'école primaire, celle-ci n'assurant plus, notamment,
l'apprentissage de la lecture et de l'écriture. Outre ce manquement, l'école
n'assure plus non plus son rôle social, qui permettait dans le passé le passage
dans le monde du travail.
M. Jean-Louis Carrère.
On aura tout entendu !
M. Christian Demuynck.
Aujourd'hui, l'inadéquation entre l'enseignement et le marché relève de
l'absurde : formation inadaptée, classes d'apprentissage délaissées, absence
d'orientation en conformité avec la demande des employeurs.
Monsieur le ministre, l'école a un rôle important d'intégration, d'égalité
sociale, de transmission des valeurs républicaines, d'éducation civique, de
culture générale. C'est aussi cela, la lutte contre l'exclusion, mais elle se
doit aussi de former les jeunes aux métiers de demain.
M. Jean-Louis Carrère.
Et à l'honnêteté intellectuelle !
M. Christian Demuynck.
C'est ainsi que nous pourrons répondre d'une manière plus fine au grave
problème de l'emploi, alors que les chefs d'entreprise sont désespérés de ne
pouvoir recruter des jeunes.
Voilà, brièvement formulées
(Rires et exclamations sur les travées
socialistes)
, les remarques que je tenais à présenter sur votre budget, qui
ne prend pas en compte l'avenir et ne répond pas aux enjeux de demain.
Mme Hélène Luc.
Mais quelles sont vos propositions ?
M. Christian Demuynck.
Je reviendrai un peu plus tard pour mes propositions, madame Luc, si vous le
souhaitez.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Ce n'est pas généreux pour les jeunes ! Quelle
tristesse !
M. le président.
La parole est à M. Lagauche.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Un peu de fraîcheur !
M. Jean-Louis Carrère.
Vive la gauche !
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à M. Lagauche et à lui seul.
M. Serge Lagauche.
La priorité donnée à l'éducation par le Gouvernement s'affirme, cette année
encore, par la régularité de l'effort budgétaire consacré à l'enseignement
scolaire puisque le budget s'élève à plus de 297,7 millions de francs pour
1999, en hausse de 4,1 % malgré une baisse des effectifs.
Il s'agit en effet de profiter de cette baisse des effectifs pour continuer la
modernisation du système scolaire engagée par vous-mêmes, madame la ministre,
monsieur le ministre, ainsi que pour améliorer l'encadrement des élèves, et
prioritairement des élèves scolarisés en zones d'éducation prioritaire, de
manière à donner réalité au principe de l'école pour tous.
Réaliser l'école pour tous, c'est avant tout lutter contre les inégalités en
assurant les meilleures conditions possibles de scolarité pour les moins
favorisés.
Le Gouvernement agit résolument dans cette voie : retour au système des
bourses gérées par les établissements, doté de 150 millions de francs
supplémentaires, soit 950 millions de francs de crédits ; revalorisation des
bourses des lycées, qui représentent un crédit de plus de 31 millions de francs
en année pleine ; reconduction du fonds social pour les cantines, à hauteur de
250 millions de francs ; consolidation des fonds sociaux des collèges et des
lycées.
Les conditions sociales des élèves ont naturellement un impact très fort sur
leur bien-être physiologique et psychologique, bien-être indispensable à une
bonne scolarité.
Contrairement au gouvernement précédent, qui n'a jamais honoré les engagements
de François Bayrou dans le cadre du nouveau contrat pour l'école, le
gouvernement de Lionel Jospin, lui, manifeste un engagement continu pour la
médecine scolaire.
Ainsi, l'effort important consenti en 1998, avec la création de 125 emplois
d'infirmiers et de 125 emplois d'assistants sociaux au 1er janvier 1998, a déjà
été complété par 185 nouveaux postes dans ces deux catégories de personnel au
1er septembre 1998.
Mais vous n'en restez pas là. Le projet de budget pour 1999 prévoit, en effet,
la création de 400 postes médico-sociaux, soit, sur deux ans, un total de 30
médecins, 485 infirmiers et 485 assistants sociaux.
De plus, possibilité sera donnée aux étudiants en médecine d'effectuer des
stages en milieu scolaire.
Cependant, si les manques en médecine scolaire s'évaluent nécessairement en
termes de besoins, ils doivent être évalués aussi en termes de pratiques. Dans
ce domaine, comme dans tous les autres, l'école doit s'ouvrir davantage à son
environnement extérieur.
M. Christian Demuynck.
Oui !
M. Serge Lagauche.
La médecine scolaire doit s'investir dans un véritable partenariat avec la
médecine de ville et la médecine hospitalière, afin de travailler en réseau.
Cette coordination, madame la ministre, figure dans votre plan d'action pour
renforcer la mission de santé publique de l'école, présenté le 11 mars 1998.
Mais qu'en est-il du projet pilote des départements de l'Oise et de
Seine-Saint-Denis ? Voilà qui fera plaisir à mon collègue M. Demuynck !
M. Christian Demuynck.
Effectivement !
M. Serge Lagauche.
Ne conviendrait-il pas d'accélérer le mouvement afin d'assurer une densité
suffisante des services de santé scolaire par département, sachant que la
prévention passe par des dépistages systématiques dès le plus jeune âge ?
La généralisation des comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté,
prévue par la circulaire n° 98-108 du 1er juillet 1998, est un élément du
nécessaire développement du travail en réseau et de l'ouverture de l'école sur
son environnement.
En effet, la démarche de ces comités, présidés par le chef d'établissement,
se fonde sur la participation de l'ensemble des acteurs de l'établissement, des
élèves, des parents et des partenaires extérieurs.
A ce titre, pouvez-vous nous préciser comment, dans les faits, s'effectue
cette participation dans les 2 500 comités d'éducation à la santé et à la
citoyenneté existants, et dans quelle proportion les personnels médicaux et
sociaux y ont un rôle effectif ?
Des efforts sont également menés en direction de la prévention, avec
l'instauration de vingt heures annuelles d'éducation à la santé pour les
classes de quatrième.
Sachant que, pour passer de manière effective dans les comportements, la
prévention en matière de santé doit intervenir dès le plus jeune âge, ne
faudrait-il pas développer, parallèlement au repérage des difficultés des
enfants, une meilleure éducation à la santé dès la maternelle, sous forme de
jeux, par exemple ?
Garantir l'égalité des chances exige prioritairement de tout faire pour
éradiquer les sorties du système scolaire sans qualification, que connaissent
malheureusement 60 000 de nos jeunes chaque année.
Outre la relance des ZEP et la création des réseaux d'éducation prioritaire,
il est indispensable de développer les classes relais destinées à l'accueil
temporaire des collégiens en très grande difficulté. L'objectif est fixé à 100
classes relais pour 1998-1999, puis 250 pour 1999-2000.
Qu'en est-il, à ce jour, de la mise en oeuvre de ce dispositif expérimental
?
Parce que l'école de la deuxième chance doit être un droit pour tous ceux qui
en ont besoin, il convient également de développer une véritable politique de
diversification et de suivi des expériences de pédagogie adaptée, car c'est à
l'école de s'adapter à la diversité des élèves et non l'inverse.
L'école de la deuxième chance de Marseille est, comme les six autres
établissements alternatifs de l'Union européenne lancés par Edith Cresson,
commissaire européen à l'éducation, un bon exemple de pédagogie adaptée.
L'école de la deuxième chance propose un cursus de deux ans qui mêle exercices
pratiques, apprentissage de la vie en collectivité et - c'est essentiel ! -
stages grâce à un contrat d'entreprise avec perspective d'embauche. Bien sûr,
le taux d'encadrement y est plus élevé et la démarche est fondée sur les
savoirs des élèves, quels qu'ils soient, pour les amener à réapprendre les
bases qui leur manquent.
Dans la perspective d'une meilleure intégration scolaire, une relance des
réseaux d'aide spécialisée doit aussi intervenir.
Cette relance devra être centrée sur le fonctionnement pédagogique des réseaux
d'aides spécialisées, dans le cadre des projets de circonscription, et non sur
leur fonctionnement administratif, comme cela a trop longtemps été le cas.
Peut-être trouverons-nous dans ces outils pédagogiques des réponses efficaces
au processus d'exclusion au sein même du système scolaire. C'est ce que je
souhaite vivement. Mais cela ne sera possible que par un suivi rigoureux de ces
expériences et un contrôle réel de leur efficacité.
Enfin, le rôle de la maternelle dans l'intégration scolaire, et plus
spécifiquement de la préscolarisation avant l'âge de trois ans, se révèle
fondamental : c'est le plus tôt possible que le système scolaire doit
s'attacher à lutter contre les inégalités.
Pour un meilleur accueil des tout petits, vous avez mis l'accent, madame la
ministre, sur les « classes-passerelles », afin d'assurer une transition plus
douce entre la crèche ou le milieu familial et l'école.
Pouvez-vous nous préciser quels moyens sont affectés pour leur développement,
de même que leurs conditions d'installation et de fonctionnement ?
Plus généralement, les jeunes et leurs parents, surtout, attendent de l'école
et des études qu'elles les préparent mieux au métier et à l'emploi. Or nul
n'est en mesure de prévoir les évolutions des métiers. Cependant, ce dont nous
sommes sûrs, c'est que les facultés d'adaptation et de reconversion inhérentes
à un haut niveau de formation et de culture seront primordiales.
D'où le rôle prépondérant des disciplines telles que les langues étrangères
dans toute leur diversité et l'informatique.
Mais à la multiplication des disciplines scolaires doit correspondre pour les
enseignants une véritable politique de formation initiale et continue. Priorité
est donc donnée, pour l'année 1998-1999, aux nouvelles technologies de
l'information et de la communication, dans le cadre de la formation
continue.
Pour la généralisation de l'enseignement des langues en classes de CM 2, une
mesure d'un peu plus de 58 millions de francs permettra l'embauche de mille
assistants supplémentaires.
Pour l'informatique, une première réponse est apportée dans le cadre du plan
d'introduction des nouvelles technologies dans l'enseignement. Mais il ne
faudrait pas qu'arriver à un niveau correct de connexion à Internet des
établissements scolaires, ces équipements soient sous-utilisés par manque de
personnel compétent ou, pire, par manque de projet éducatif.
De même, les langues tout comme l'informatique nécessitent un apprentissage
actif par petits groupes, soit pour privilégier l'oral, maillon faible de notre
enseignement en langues étrangères, soit pour pratiquer les nouvelles
technologies qui n'autorisent pas un enseignement passif.
Pour conclure, j'aborderai avec vous la pratique de la citoyenneté dans les
établissements scolaires. C'est un thème prioritaire dans la politique scolaire
du Gouvernement, que ce soit au travers de la charte pour l'école du XXIe
siècle, la réforme des lycées ou le plan de lutte contre la violence en milieu
scolaire.
Trop longtemps, la citoyenneté n'a été entendue que sous l'angle de
l'éducation civique. C'est un aspect important et il est pris en compte avec,
par exemple, la comptabilisation de cette matière au brevet des collèges.
Mais l'éducation à la citoyenneté doit être, aussi et surtout, une mise en
pratique, des comportements concrets de responsabilisation, d'autonomie,
l'élaboration de projets... C'est l'objectif des « initiatives citoyennes pour
apprendre à vivre ensemble ».
C'est aussi l'objectif des conseils de la vie lycéenne, qui sont en train de
se concrétiser. Mais pour une véritable pratique démocratique et citoyenne au
sein de la communauté scolaire, les conseils de la vie lycéenne ne doivent pas
être les simples frères jumeaux des conseils d'administration d'établissement,
c'est-à-dire sans réel pouvoir d'intervention et de proposition pour les
élèves.
Nous le voyons, le budget de l'enseignement scolaire pour 1999, et tout
particulièrement ses mesures nouvelles sont au service de la concrétisation des
réformes ambitieuses annoncées par le Gouvernement, depuis la déclaration de
politique générale de Lionel Jospin.
Oser réduire les crédits, c'est assurément réduire les perspectives de
modernisation de l'enseignement scolaire et, plus encore, les perspectives
d'avenir de nos jeunes qui nous ont montré leur attachement à un enseignement
de qualité pour tous.
C'est pourquoi nous ne pouvons qu'approuver ce budget qui s'inscrit dans la
continuité et l'approfondissement de l'action du Gouvernement pour faire de
notre école une véritable école de l'égalité des chances pour tous.
Par conséquent, la majorité sénatoriale, dans sa grande sagesse, selon
l'expression consacrée, s'honorerait de faire de même.
(Applaudissements sur
les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain
et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Bohl.
M. André Bohl.
Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, je
ne vais pas m'associer aux discussions générales. Je suis simplement concerné
par un problème que je suis obligé d'évoquer au niveau national, faute d'avoir
trouvé une solution sur le plan local. Il s'agit de la question de l'éducation
physique et sportive, qui est actuellement traitée par la mise à disposition
des collèges et lycées d'établissements municipaux.
Ces établissements municipaux sont pris en charge par les communes ou les
groupements de communes. Je voudrais savoir comment sortir de ce dilemme qui
veut qu'actuellement les départements ou les régions disent qu'il ne leur
appartient pas de reprendre ces établissements, pendant que les collèges et les
lycées assurent n'avoir pas les moyens de les reprendre.
Ma question est simple ! Pardonnez-moi, je suis très bref, mais, à cette heure
de la nuit, cela me paraît préférable.
M. René-Pierre Signé.
Bravo !
M. le président.
La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat.
Madame la ministre, monsieur le ministre, je me réjouis de votre projet de
budget. Je n'interviendrai pas sur les points que mes camarades ont évoqués,
car je partage totalement leur opinion.
Au moment de prendre la parole sur un sujet qui me passionne - peut-être un
peu trop ! - et qui peut apparaître quelquefois comme une antienne à laquelle
je serais trop attaché, j'hésite, car je ne voudrais pas que mes propos soient
pris comme une critique, alors qu'ils se veulent de simples suggestions
concernant plus particulièrement les nouvelles techniques d'information et de
communication.
Votre projet de budget prévoit des crédits afin de développer les ressources
pédagogiques multimédia pour les établissements publics du premier et du second
degré. Je m'en tiendrai au premier degré.
Vous me pardonnerez si mon intervention peut paraître quelque peu excessive
et, de ce fait, comme critique d'une insuffisance. En effet, je ne souhaite en
rien m'associer aux propos idéologiques tenus par la droite de notre assemblée
qui, par principe, a adopté des positions d'hostilité exagérées qui ne
correspondent nullement à ce projet de budget...
M. René-Pierre Signé.
Positions injustifiées !
M. Franck Sérusclat.
Elles sont, en effet, parfaitement injustifiées !
Mes quelques réflexions concernent ce que l'on a appelé, dans la loi Jospin de
1989, les trois cycles d'apprentissage, initial ou d'approfondissement, entre
deux et onze ans.
Le premier cycle concerne près de 6 millions d'enfants. Votre projet de
budget, madame la ministre, prévoit 65 millions de francs pour poursuivre le
financement des nouvelles technologies. Une telle distance existe entre ces
deux chiffres que je souhaite vous faire part de ma préoccupation : comment
sera assurée l'égalité des chances depuis l'école maternelle jusqu'au collège
et au lycée ? En revanche, des initiatives ont d'ores et déjà été prises
s'agissant du lycée.
J'accorde une attention toute particulière à cette égalité des chances et à la
nécessité de dispenser un apprentissage progressif des nouvelles technologies
d'information et de communication. Comme vous l'avez indiqué en commission des
affaires culturelles, nous avons la responsabilité d'apprendre à lire, à écrire
et à parler. Or aujourd'hui coexistent deux façons d'apprendre à lire et à
écrire. Elles se complètent sans s'opposer : d'une part, la méthode classique,
celle de l'apprentissage que nous connaissons dès l'école maternelle en
manipulant le crayon, le pinceau, puis progressivement la plume et le stylo,
et, d'autre part, l'ordinateur.
Nous ne pouvons éviter que, dès cette étape des tout premiers apprentissages,
ne se produise cette rencontre entre deux moyens d'apprendre à lire et à
écrire. Les difficultés sont différentes d'une technique à une autre, tout
simplement parce qu'il faut manier deux alphabets et que l'écriture et la
finalisation de la pensée sont facilitées par l'ordinateur.
Par conséquent, une aide importante doit être apportée au développement de
l'usage progressif de ces deux méthodes.
Vous devriez avoir la chance de pouvoir concrétiser, à l'école maternelle et
primaire, une initiative analogue à celle de Jules-Ferry, qui décida que tous
les enfants de France devaient apprendre à lire et à écrire progressivement.
Aujourd'hui, vous devez, me semble-t-il, leur faire enseigner l'usage de
l'ordinateur, dont l'intérêt est d'ores et déjà reconnu par des expériences
réalisées dans 15 % à 20 % d'écoles avec les moyens du bord, et qu'il
conviendrait non seulement d'aider, mais de diffuser.
Et c'est là où la première question se pose : faut-il un ordinateur par
enfant, comme il a son stylo ou sa trousse, ou bien un ordinateur pour deux
enfants ? En tout état de cause, il est hors de question d'en rester à la
situation actuelle d'un seul ordinateur pour quatre écoles maternelles et un
seul ordinateur par école primaire !
Or il est évident que les 65 millions de francs prévus ne sont pas à la
hauteur d'un tel projet. Plusieurs milliards de francs seraient nécessaires
pour que l'apprentissage des nouvelles technologies d'information et de
communication soit efficace dès le début de la scolarité.
Est-il possible d'imaginer une répartition des moyens de financement entre
l'Etat, les collectivités locales et les familles ? Il est évident que la mise
en place d'ordinateurs et les fournitures scolaires constituent la fonction
première des collectivités locales. Or il n'est pas pensable qu'elles puissent
seules dégager une vingtaine de milliards de francs. Je me permettrai donc de
faire une comparaison un peu sacrilège : on vient de consacrer 20 milliards de
francs à un programme d'essais en laboratoire d'armes nucléaires dissuassives,
à une époque où, pour l'instant, rien ne justifie une inquiétude d'attaque
militaire. Quel serait l'ennemi ? Pourquoi ne pourrions-nous pas disposer
également de 20 milliards de francs pour l'enseignement ?
Si l'école ne réussit pas à s'adapter, ne peut-on craindre que l'enseignement
ne se déplace dans la famille ? Aujourd'hui, des élèves peuvent travailler chez
eux par l'intermédiaire du Web. Un enfant a dit : « Mon instituteur est sur le
Web. »
Par conséquent, le problème est de savoir si l'école saura s'adapter à
l'évolution de notre société, donc à l'usage de ces outils numériques,
lentement et correctement appris pour en connaître toutes les subtilités, mais
en évitant les duplicités.
C'est à cela que je vous convie. J'espère que vous parviendrez à promouvoir
cette démarche dans des temps aussi courts que possible et en la développant de
façon aussi importante que possible dès l'école maternelle.
(Bravo ! et
applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé.
Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues,
j'apprécie le budget de l'enseignement scolaire. C'est un bon budget, en
progression significative. Face aux problèmes et aux défis qu'elle doit
affronter, l'éducation nationale a, en effet, dégagé un certain nombre d'axes
intéressants, qui mérient d'être salués.
Faute de temps, je limiterai mon propos aux ZEP et à l'embauche
d'aides-éducateurs.
Je me réjouis donc, en particulier, de l'effort de relance des ZEP mené par
votre ministère. Vous avez raison de refuser la dualité entre une école où on
étudierait et une autre où l'on ne chercherait qu'à résoudre des problèmes
sociaux. Je me réjouis d'une politique scolaire refusant la fatalité des
générations perdues.
Redonner la priorité aux ZEP comme vous le faites, c'est prendre acte des
succès de cette démarche depuis seize ans, et donc bien considérer que les
jeunes issus de familles en grande difficulté peuvent réussir et trouver leur
place dans la société. C'est faire preuve d'ambition et d'exigence pour eux et
envers eux, dans un cadre adapté qui leur offre les meilleures chances
possibles et dès le plus jeune âge.
A cet égard, un rapport déjà ancien, mais toujours d'actualité, rappelle, dans
ses conclusions, à quel point l'origine sociale demeure déterminante dans la
réussite scolaire des élèves. Concrètement, ces enfants souffrent souvent, du
fait des problèmes de leurs parents, de retards multiples d'apprentissage et de
socialisation. Un certain nombre se voient adresser la parole pour la première
fois en français au jour de leur première rentrée scolaire. Des carences
affectives sont également observées dans un nombre de cas qui n'est pas
négligeable. Mais comment en serait-il autrement quand la misère écrase jusqu'à
l'espoir de s'en sortir ?
En qualité d'élu d'une région rurale, j'applaudis à la volonté de votre
ministère d'articuler l'impulsion donnée aux ZEP avec les actions d'aménagement
du territoire. Cette mesure, appuyée sur le contrat de réussite fondé sur les
mêmes programmes et sur le réseau d'éducation prioritaire, est tout aussi
intéressante, loin des cités où se concentrent de façon spectaculaire les
problèmes économiques et culturels des enfants, dans les zones rurales, qui
voient, elles aussi, s'accroître la pauvreté à un rythme inquiétant. Cette
pauvreté est d'ailleurs parfois subie par des familles qui ont cru adoucir leur
situation en quittant la ville pour la campagne.
Il faut également encourager une scolarisation précoce, dès l'âge de deux ans
; c'est le meilleur moyen de renforcer les chances de ces enfants. Chaque année
passée à grandir sans école aggrave le retard des futurs élèves des
établissements situés dans les ZEP.
Enfin, je voudrais attirer votre bienveillante attention sur la situation des
aides-éducateurs. Madame, monsieur le ministre, madame le ministre, vous faites
preuve de solidarité et de volonté en matière d'emploi, en prévoyant l'embauche
de 20 000 aides-éducateurs, au titre de ce budget dans le cadre du dispositif
des emplois-jeunes défini par la loi du 16 octobre 1997. Leur nombre sera ainsi
porté à 65 000. Précisons rapidement ce que recouvrent ces postes.
Les aides-éducateurs travaillent en majorité dans les écoles et ont été
particulièrement affectés aux établissements situés en zone sensible et en zone
rurale. Ils évoluent donc le plus souvent dans un environnement instable, dans
ces zones où la souffrance scolaire se fait beaucoup plus entendre que la sage
parole des enseignants, qui y jouent un rôle inestimable et reconnu. Ils
exercent des fonctions d'aide à la surveillance et d'aide au travail personnel.
Cela permet de faire progresser la pédagogie vers plus d'individualisation et
plus de suivi, ce qui constitue un biais considérable pour fournir aux élèves
en difficulté le soutien dont ils ont besoin et que l'égalité des chances
exige.
Il s'avère que la présence des aides-éducateurs est devenue, au bout d'un an à
peine, tout simplement indispensable. En effet, ils ont amélioré le climat
difficile qui régnait dans certains collèges et servent de manière générale de
médiateurs entre les élèves et le corps enseignant.
Autant dire qu'ils contribuent à l'édification d'établissements scolaires
adaptés à l'élève, qui peut trouver, auprès d'eux, une écoute précieuse. Ils
participent donc à la réforme et à l'amélioration du système éducatif
français.
Dans cette perspective, je me permets d'attirer votre attention sur un
décalage délicat entre, d'une part, l'importance du travail des
aides-éducateurs sur le terrain et, d'autre part, la fragilité de leur statut.
Il est vrai que la loi du 16 octobre 1997 en fait des salariés de droit privé
et exclut ainsi la pérennisation de leur emploi dans la fonction publique.
Pourtant, ne serait-il pas envisageable de faciliter le suivi de formations
dans le cadre de leur projet professionnel - c'est un droit prévu par la loi du
16 octobre 1997 - formations qui leur ouvriraient plus facilement les portes à
de nombreux emplois liés à l'enseignement scolaire ? Je pense ici, par exemple,
aux concours de recrutement d'enseignants de niveau bac plus 3.
Les aides-éducateurs manifestent une certaine inquiétude quant à leur avenir
professionnel et soulignent également les difficultés qu'ils rencontrent pour
obtenir des formations et l'existence d'horaires inégaux selon les
établissements. Ils méritent d'être entendus.
Certains parlent de passerelles à développer, permettant aux aides-éducateurs
de passer dans d'autres secteurs, dans des collectivités locales ou des
associations. L'éducation nationale aurait pourtant beaucoup à perdre et peu à
gagner à se séparer d'un tel savoir-faire, d'une telle richesse pratique.
Il n'en demeure pas moins que vous consacrez budgétairement cette grande
innovation que constituent les aides-éducateurs. Pour cette raison, et pour
bien d'autres qui ont été exposées par mes collègues du groupe socialiste, je
voterai, ainsi que mon groupe, sans réserve, ce budget.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget de
l'éducation nationale est le premier budget de l'Etat. Il importe donc qu'il
soit examiné avec soin et avec rigueur, comme il est normal que les débats
qu'il suscite donnent lieu à un certain nombre d'échanges. Il est non moins
normal que ces échanges, par-delà les sensibilités politiques, aient pour
finalité d'améliorer l'ensemble de notre système éducatif : tel est, en tout
cas, ma conception de la démocratie parlementaire !
Parlons d'abord du budget dans sa globalité. Je crois savoir qu'un amendement
tend à le réduire.
Mme Hélène Luc.
Vous avez bien compris !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Que les choses soient claires : étant, je crois, le premier d'une longue série
de ministres de l'éducation nationale à décider des redéploiements et à
remettre un certain nombre de wagons sur les rails - par exemple, payer des
heures supplémentaires annuelles pour trente-six semaines quand elles sont
faites sur trente-six semaines et non pas pour quarante-deux semaines - je me
sens totalement libre de vous dire que ce n'est pas parce que nous avons remis
de l'ordre dans une maison qui en manquait que le budget de l'éducation
nationale est pour autant suffisant.
Nous n'avons pas le meilleur budget de l'éducation nationale au monde. Nous
dépensons moins, beaucoup moins que les Etats-Unis. Nous manquons énormément de
postes et, dans l'enseignement supérieur, ce manque de postes se mesure non pas
en dizaines mais en centaines. Nous manquons de postes d'ATOS, d'infirmières,
de médecins, et de tout ce qui fait l'environnement de l'école. Simplement, je
considère qu'il faut faire un certain nombre d'efforts de gestion avant de
réclamer des moyens supplémentaires. Telle est ma stratégie.
Il n'est pas question que je cesse de réformer.
Il est de bon ton de dire qu'il y a trop de fonctionnaires. J'ai demandé à
Sciences Po de recenser le nombre d'agents qui, aux Etats-Unis d'Amérique - des
Etats qui donc ne sont pas spécialement socialistes ...
M. René-Pierre Signé.
Ça non ! Pas encore !
M. Alain Vasselle.
Heureusement !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
... travaillent dans les services publics, c'est-à-dire dans les transports,
les hôpitaux, et l'enseignement. Eh bien ! le total est supérieur au nôtre,
sauf que, là-bas, la moitié de l'enseignement est privé, la moitié des
transports et la moitié des hôpitaux sont privés.
Donc, que ceux qui se plaignent du trop grand nombre de fonctionnaires se
déclarent contre l'enseignement public, contre le service public de la justice,
contre l'hôpital public. Alors, et alors seulement, ce sera cohérent !
M. René-Pierre Signé.
Très bien !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Il faut diminuer le nombre des fonctionnaires ? Soit, mais jamais personne ne
me dit qu'il y a trop d'infirmières, trop de juges, trop d'agents
administratifs dans les communes, ...
M. Jean-Louis Carrère.
Ou de gendarmes !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
... trop de gendarmes, en effet, ou trop de policiers !
Je ne suis pas de ceux qui pensent qu'il faut affaiblir le service public. La
démographie nous est favorable, mais nous ne profiterons pas de la baisse des
effectifs d'élèves pour diminuer en conséquence le nombre des personnels. Non,
car c'est une chance unique pour faire de notre éducation nationale, qui est de
bonne qualité mais qui peut encore être améliorée, la première du monde. Ce
n'est pas au moment où se présente cette opportunité qu'il faut diminuer notre
effort.
Mon engagement, il est totalement pour l'école républicaine. Notre école
républicaine, je la crois menacée par une vague de libéralisme qui accrédite
l'idée qu'elle pourrait être bien meilleure si elle fonctionnait sur des moyens
privés. Et c'était le sens tout à fait clair de l'intervention de M. Carle,
dont je connais les engagements par ailleurs.
M. René-Pierre Signé.
C'est ce que nous avons entendu.
M. Jean-Claude Carle.
Pas du tout !
M. René-Pierre Signé.
Mais si !
M. Jean-Claude Carle.
Absolument pas !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Le service public, qui, certes, doit rester fidèle à ses principes, n'est pas
uniquement l'égalité pour tous. Pour moi, il doit être en même temps à la
pointe de la modernité. Un service public qui serait en retard serait un
service public affaibli.
Le service public doit être le meilleur pour assurer les conditions de la
justice sociale. Mme Royal et moi-même avons un principe : l'école de la
République doit être son propre recours. Le propre recours, ce ne sont pas les
cours particuliers pour les enfants de riches. Le propre recours, ce n'est pas
laisser l'aménagement des rythmes scolaires à un autre ministère. Le propre
recours, ce n'est pas penser que, pour se moderniser, l'école doive se
moderniser de l'extérieur.
Depuis que nous sommes arrivés à la tête de l'éducation nationale, nous avons
lancé un certain nombre de réformes de gestion. Il n'est ni possible ni
raisonnable de gérer de manière centralisée 1 200 000 fonctionnaires. Je dis
parfois que je suis le premier employeur du monde. Et de loin, pourrais-je
ajouter, car ceux qui me suivent n'en sont qu'à 200 000 personnes. Personne
n'est dans mes talons ! Pour gérer ce million de fonctionnaires, nous avons
continué ce que Lionel Jospin avait amorcé...
M. René-Pierre Signé.
Et que M. Bayrou a oublié !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
... et que, malheureusement, mon prédécesseur n'a absolument pas poursuivi
puisqu'il a, au contraire, recentralisé. C'est ainsi que nous avons déconcentré
le mouvement, en concertation avec l'ensemble des partenaires syndicaux. Un
décret est en cours d'application.
Est-ce que cela marchera ? Est-ce que cela ne marchera pas ? Cela marchera
sûrement mieux que la centralisation qui prévalait auparavant, et je vais vous
en donner une preuve.
Jusqu'à présent, les enseignants faisaient leur demande de mutation entre
décembre et janvier, mais recevaient leur affectation entre la fin juillet et
le début septembre. Certains ne disposaient que de quatre jours pour déménager
de Dunkerque à Marseille ! Dans le nouveau système déconcentré, ils feront leur
demande en février - en avril pour ceux qui ne changent pas d'académie - et ils
auront le résultat le 20 juin ; autrement dit, ils auront deux mois et demi
pour se préparer. De plus, les concours de recrutement auront lieu désormais
après le mouvement, et non plus avant, ce qui, par conséquent, donnera
l'opportunité aux proviseurs et aux recteurs d'ajuster les effectifs en
fonction des besoins.
Nonobstant quelques difficultés que l'on risque de constater ici ou là pour la
première année d'application du dispositif, au total, nous aurons fait un grand
pas en avant.
Je passe sur la réforme de l'administration centrale, qui est déjà
d'importance, pour en venir à la deuxième réforme de gestion : la politique
contractuelle. Au lieu de nous battre tous les ans pour un poste d'instituteur
ici, un poste d'enseignant dans un collège là, une négociation sera désormais
menée avec les rectorats, responsables de leur gestion, sur la base d'un plan
pluriannuel.
S'agissant du rattrapage des inégalités, nous sommes fiers d'avoir strictement
tenu les engagements pris pour la Seine-Saint-Denis,...
M. Christian Demuynck.
Non !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
... même si, au coin de votre rue, monsieur Demuynck, il manquait quelque
chose.
M. Christian Demuynck.
Pas au coin de ma rue : dans tout le département !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Nous avons strictement tenu nos engagements !
M. Christian Demuynck.
Vous ne voulez pas reconnaître vos erreurs. Vous pourriez être honnête, au
moins !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Monsieur le sénateur, la Seine-Saint-Denis a fait l'objet du premier plan de
rattrapage. Vous avez été au gouvernement pendant quatre ans, et rien n'a été
fait !
M. Christian Demuynck.
Cela n'a rien à voir : je parle de vos promesses !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Mes promesses ont été intégralement tenues, comme l'ensemble des élus de la
Seine-Saint-Denis le reconnaissent.
M. Christian Demuynck.
Mais non !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je suis au regret de vous le dire.
M. Christian Demuynck.
Quand avez-vous rencontré ces élus, monsieur le ministre ?
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Monsieur le sénateur, je rencontre régulièrement celui qui représente la
Seine-Saint-Denis.
M. Christian Demuynck.
Ah oui !
M. Claude Allègre.
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je rencontre régulièrement un conseiller général...
M. Christian Demuynck.
C'est le conseil général qui est compétent ?
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Oui, il l'est en Seine-Saint-Denis. Parfaitement !
M. Christian Demuynck.
Je ne savais pas qu'il l'était pour les écoles maternelles, les écoles
primaires, les collèges et les lycées...
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Vous avez beaucoup de choses à apprendre sur l'école ! J'ai pu le constater
tout à l'heure en vous écoutant !
(M. Demuynck s'exclame.)
M. le président.
Je vous en prie, monsieur Demuynck, n'interrompez pas M. le ministre !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Il peut m'interrompre ; je lui répondrai, et sur le même ton.
M. le président.
Mais c'est moi qui préside, monsieur le ministre.
(Sourires.)
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Vous avez raison, excusez-moi.
Dans le même temps, nous avons donné des moyens et un plan pluriannuel à la
Guyanne - 280 postes ont été créés cette année - ainsi qu'à la Réunion, en
Guadeloupe et en Martinique. L'ensemble de ces départements auxquels s'ajoutent
un certain nombre de zones limitrophes de la Seine-Saint-Denis étaient en
retard depuis des années, et personne n'avait apporté la moindre solution. Que
faisait-on ? On envoyait des maîtres auxiliaires tous les ans à la dernière
minute. Or, il n'y a plus de création de postes de maître auxiliaire, si ce
n'est les 1 000 postes qui ont été créés immédiatement. Tant qu'il y avait le
mouvement national, il fallait bien ajuster. Nous en avons intégré 6 000 cette
année. Nous en intégrerons 6 000 l'an prochain, suivant les règles
républicaines, c'est-à-dire des concours, et non des recrutements par une
mesure générale.
Dans l'enseignement public français, il n'existe plus d'emploi précaire en ce
qui concerne les enseignants. Malheureusement, il en reste encore parmi les
personnels ATOS, et j'y reviendrai un mot tout à l'heure.
Nous nous sommes attaqués au problème de l'absentéisme, et j'en dirai quelques
mots car cela a été très mal compris. L'absentéisme n'est pas le fait des seuls
enseignants. A l'éducation nationale, l'habitude était prise de convoquer des
enseignants à tout moment sans se préoccuper des élèves, de mobiliser des
collèges pour faire passer des concours, toujours sans se préoccuper des
élèves, etc. Le programme « Pas de classe sans enseignant » a fait diminuer de
deux tiers la non-fréquentation des classes. Tous les parents d'élèves et les
associations qui les représentent le savent.
Il fallait remettre un certain nombre de choses sur les rails. Cela concernait
non pas l'enseignant de base ou la responsabilité de quiconque, mais un système
qui se dégradait d'année en année et dans lequel on ne prêtait pas suffisamment
attention au fait que lorsqu'on provoque, par exemple, une réunion pédagogique
à tel moment, on met des enfants dans la rue.
Cette année, au sein de mon administration centrale, j'ai constaté que l'on
avait convoqué quarante eneignants pendant dix jours pour tester je ne sais
quoi sans se préoccuper du fait qu'ils délaissaient leur classe. Il ne suffit
pas de remplacer un enseignant. En effet, quand un enfant change de maître
trois fois dans l'année, alors qu'il suit l'apprentissage fondamental, il en
subit les conséquences. Ce n'est pas un problème de remplacement. La continuité
est extrêmement importante dans l'enseignement.
Un certain nombre de choses devaient être remises en ordre et il fallait
engager des réformes.
Je vais vous indiquer dans quels domaines, selon moi, l'enseignement avait
pris du retard, à tel point que l'on entend parfois des élus abonder dans ce
sens.
Tout d'abord, s'agissant du primaire, nombreux étaient ceux qui avait
abandonné l'idée selon laquelle l'école pourrait enfin prendre en compte les
rythmes de l'enfant, l'enseignement des langues étrangères, la pratique des
sciences comme le fait « La main à la pâte », la musique ou le sport pour tous.
Mon prédécesseur ayant tellement baissé les bras, c'est le ministre chargé de
la jeunesse et des sports qui a dû se préoccuper de ce problème.
Vous m'interrogez sur le rapport Delevoye. Ce rapport comporte un inconvénient
pour le ministre de l'éducation nationale : il ne prend pas en compte les
performances scolaires. Or je pense que l'école n'est pas un lieu
d'amusement.
M. Christian Demuynck.
Ça, c'est vrai !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
C'est pourquoi j'ai demandé personnellement aux inspecteurs de l'éducation
nationale d'établir un rapport pour connaître les résultats, car c'est cela qui
m'importe. Pour moi, l'école, c'est d'abord un lieu où l'on apprend. Si l'on
s'y amuse, c'est bien, mais c'est d'abord un lieu fait pour apprendre.
M. Christian Demuynck.
Nous sommes d'accord !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Par conséquent, il ne faut pas dire que c'est un grand succès. Cela étant, je
trouve très positif que, à l'époque, M. Drut ait suppléé la carence de
l'éducation nationale. Lorsque j'organiserai le lancement de l'école du xxie
siècle, je demanderai à M. Drut de venir prendre la parole. Pour ma part, je
n'éprouve pas de problèmes idéologiques. Je veux améliorer l'école.
S'agissant de cette opération, aucun attermoiement ne s'est manifesté. Un
point s'est dégagé : le succès considérable des expériences de rythmes
scolaires. Je me suis aperçu que le nombre d'enseignants, le nombre d'écoles
qui avaient réalisé des expériences de rythmes scolaires était très supérieur à
l'estimation donnée au départ, à savoir environ 2 000. Je ne vois pas de quel
droit nous les aurions exclus. Comme l'Institut pédagogique national ne peut
assurer le suivi que de 2 000 écoles, nous prenons un échantillon de 2 000 sur
l'ensemble. Je ne vois pas au nom de quoi j'aurais été amené à dire : « vous,
vous n'entrez pas dans l'expérience » ou « vous, vous y entrez ». Nombreux sont
les établissements à avoir fait cette expérience, mais l'éducation nationale,
globalement, ne le faisait pas.
A cet égard, je dois le dire, les aides éducateurs ont été une aubaine
extraordinaire dans cette opération, car l'école de demain n'est plus l'école
d'hier. Pour apprendre tout ce qu'il convient de savoir, une seule personne ne
suffit pas.
C'est aussi le cas en ce qui concerne les assistants de langues. Sur ce point,
je vous précise - c'est une information importante - que nous avons introduit
une nouveauté : lorsque nous négocions avec un pays étranger un certain nombre
d'assistants de langues, nous négocions la contrepartie d'assistants de
français dans ce pays. Par conséquent, quand vous votez un budget pour 1 000
assistants de langues, vous votez en même temps le budget de l'aide pour 1 000
Français qui vont dans des pays étrangers enseigner le français. Ainsi, j'ai
négocié au Mexique 100 assistants de langues et 100 Français iront dans ce pays
enseigner notre langue. Cela permet de favoriser l'apprentissage non seulement
des langues étrangères en France, mais également du français hors de nos
frontières. Le dispositif prévoit une participation financière pour aider nos
jeunes.
J'en viens à la réforme des lycées. La plus grande injustice qui existe dans
notre pays est due à l'inflation des programmes. Je défie quiconque - je suis
prêt à lui faire passer un examen quand il veut dans ma spécialité - de
comprendre ce qui est écrit dans les manuels de terminale. Dans ces livres,
figurent mes propres travaux, d'ailleurs « estropiés », qui n'ont rien à y
faire. Si un élève est aidé, par ses parents ou en prenant des leçons
particulières, il passe. Tel n'est pas le cas quand il est seul et issu d'une
famille modeste.
M. Jean-Louis Carrère.
Eh oui !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je veux donc des programmes qui se concentrent sur l'essentiel.
Abaissera-t-on le niveau ? Assurément non ! Comment pouvez-vous penser, ne
serait-ce qu'un instant, que je veuille abaisser le niveau ? Je veux, au
contraire, l'élever. Je veux qu'il y ait moins de choses mais qu'elles soient
mieux sues. En effet, à l'heure actuelle, on propage l'à-peu-près. Quand les
jeunes arrivent à l'université, ils ne savent pas toujours rédiger, ils
connaissent nombre de détails mais ignorent des choses essentielles. Je veux
que l'on revienne à l'essentiel, aux connaissances de base et que l'on aide les
élèves.
Il existe une véritable industrie du cours particulier. Les élèves qui
obtiennent leur diplôme avec mention sont souvent des élèves aidés ; ce n'est
pas normal. Dans les grandes écoles, le nombre d'enfants issus de familles
modestes a reculé en valeur absolue. Mais la cause d'échec ne se situe pas
seulement en premier cycle, elle est aussi avant.
Troisième point sur lequel l'école ne s'est pas modernisée : l'enseignement en
alternance au niveau professionnel. Sous des prétextes idéologiques, elle a
refusé l'enseignement en alternance. Nous avons négocié très longtemps, durant
toute cette année, pour mettre sur pied ce qui s'appellera « l'enseignement
professionnel intégré », c'est-à-dire un enseignement entièrement en alternance
qui sera proposé à partir de l'année prochaine pour l'enseignement
professionnel.
L'enseignement technologique, c'est un autre problème, plus difficile, sur
lequel nous progressons. En effet, cet enseignement est à cheval entre
l'enseignement général et l'enseignement professionnel. Il a une tendance
fâcheuse à basculer dans l'enseignement général et théorique, alors qu'il
devrait basculer de l'autre côté.
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
C'est vrai !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je ne fais pas de promesses inconsidérées. Je ne vous promets pas que je
résoudrai le problème de l'enseignement technologique, qui est difficile.
On ne réglera ces problèmes qu'en adaptant les nouvelles technologies. Il faut
entrer dans les nouvelles technologies, il faut qu'elles pénètrent. Nous avons
fait un bilan de leur utilisation en France, notamment à Marseille. Nous
établirons un nouveau bilan l'an prochain. La pénétration des nouvelles
technologies, ce n'est pas seulement la mise en place des appareils, c'est
aussi la pédagogie et la création de logiciels.
Dans dix jours, aura lieu un concours de création d'entreprises. Dans ce cadre
sera organisé un concours de création de logiciels éducatifs pour inciter les
Français à créer de tels logiciels.
Les nouvelles technologies sont au coeur de la rénovation de notre
enseignement, et nous nous dirigeons vers cet objectif. M. Sérusclat estimait
que ce n'était pas aussi rapide et égalitaire qu'il le souhaitait. C'est vrai,
mais nous progressons.
Actuellement, 90 % des lycées et 70 % des collèges sont connectés à Internet.
L'équipement des écoles primaires démarre. L'Etat fait un effort. Je suis
d'accord avec vous, monsieur le sénateur, l'effort devrait être plus important.
Nous ferons le maximum.
Je terminerai par un point qui me tient à coeur. Ayant replacé un certain
nombre de modes de fonctionnement de ce ministère sur des bases démocratiques
et claires,...
M. René-Pierre Signé.
Saines !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
... permettant au ministre d'effectuer son travail et de dialoguer avec les
différents acteurs, des conclusions ont été tirées, en généralisant sur le
problème des enseignants.
Contrairement aux nombreuses personnes qui s'expriment sur ce sujet, je
connais les enseignants. Non seulement je suis enseignant, mais je continue à
enseigner, tout en exerçant mes fonctions de ministre. Mes parents étaient
enseignants. Ma fille est enseignante. Mon frère est enseignant et ma femme
également. Donc, j'appartiens à ce milieu.
L'enseignement est une tâche difficile. L'année dernière, lorque certains
fonctionnaires de Bercy se sont mis à faire des calculs sur le nombre d'heures
de travail des enseignants, leur rémunération, et en ont conclu qu'il fallait
augmenter les horaires des enseignants, je leur ai fait savoir qu'il faudrait
me passer sur le ventre pour augmenter lesdits horaires.
Actuellement, notre action est en train de permettre une amélioration pour
tout le monde. Pour faire l'école du XXIe siècle, nous allons, avec des
éducateurs sportifs, des éducateurs musicaux et des assistants de langue,
discuter en même temps de l'aménagement du temps de travail des
instituteurs.
Vingt-sept heures par semaine dans un quartier difficile - vous le savez en
Seine-Saint-Denis - c'est un travail très dur.
M. Christian Demuynck.
Tout à fait d'accord !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Les enseignants concernés ont droit à un allégement de charges. Ce que nous
allons réaliser, et que personne n'a fait auparavant, c'est l'aménagement du
temps de travail des enseignants, l'amélioration du temps de travail et des
conditions de vie.
Pour les enseignements des lycées, l'idée, c'est qu'au lieu de faire dix-huit
heures de cours magistraux les certifiés feront quinze heures - quatorze heures
pour les professeurs de français - plus trois heures ou quatre heures d'aide
aux élèves. Cela permettra aussi de remettre à égalité les obligations de cours
entre les agrégés et les certifiés. Nous allons donc vers une meilleure égalité
entre les deux catégories. Dans le même temps, une aide effective sera apportée
aux élèves qui ont le plus de difficultés. Ainsi, ils pourront se faire aider à
un moment, ce qui est souhaitable pour tout le monde.
Il en est de même pour l'enseignement professionnel. L'enseignement en
alternance va naturellement libérer un certain nombre d'heures, allégeant ainsi
la charge des professionnels, lesquels pourront donc travailler en entreprise
et se tenir ainsi au fait des nouvelles techniques de l'entreprise.
En effet, monsieur le sénateur, vous m'avez reproché tout à l'heure de
remplacer dans l'enseignement professionnel les professionnels par des
maîtres-auxiliaires. Si c'est quelque peu vrai, c'est simplement parce que,
dans certains métiers, nous ne trouvons plus de professionnels disponibles. Tel
est le cas actuellement dans les métiers du bois, secteur dans lequel nous ne
trouvons plus de professionnels acceptant de venir enseigner. Le marché de
l'emploi repartant, nous nous heurtons à un déficit d'enseignants pour les
lycées professionnels. C'est un problème très sérieux et extrêmement difficile
à résoudre, en particulier en Seine-Saint-Denis. L'engagement de
maîtres-auxiliaires permet donc de régler cette question.
Par ailleurs, une négociation est intervenue s'agissant des lycées
professionnels. Ces derniers, grâce aux régions, bénéficient aujourd'hui, pour
la plupart, de très bons équipements qui ne sont utilisés qu'un tiers du temps
dans l'année. Ces équipements pourront constituer des plates-formes
technologiques que les petites et moyennes entreprises et les petites et
moyennes industries pourront venir utiliser dans le cadre du contrat
d'alternance.
M. Ivan Renar.
Très bien !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Par conséquent, ce sur quoi je m'engage, je m'y engage vraiment. Mais je ne
résous pas tout.
La déconcentration constitue un premier mouvement. Il faudra la réussir, faire
en sorte que les choses se passent correctement, normalement, et ainsi, par
exemple, que tous les ordinateurs fonctionnent. Je ne promets pas que tout se
passera impeccablement, mais nous essaierons de faire au mieux.
Je ne trouve pas que le projet de budget de mon ministère soit suffisant. Ce
que je souhaiterais, c'est que, pendant la période où nous réformons, nous ne
soyons pas soumis à de trop grandes contraintes budgétaires, quitte ensuite à
nous apercevoir peut-être qu'il y a trop d'enseignants ici ou là. Avec la
gestion centralisée qui est celle des enseignants de l'enseignement secondaire,
il est très difficile d'adapter les choses.
Etait en outre en vigueur un règlement que vous ne connaissez peut-être
pas,...
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Mais si !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
... dont j'ignore pourquoi on l'avait pris, et qui avait pour effet que les
candidats reçus au concours de l'agrégation faisaient leur année de
fonctionnaires stagiaires dans l'académie où ils avaient préparé le concours.
Résultat : tous les philosophes faisaient leur stage en responsabilité à Paris,
et c'était la même chose en mathématiques.
De même, l'académie de Toulouse ayant, je ne sais pourquoi, des réussites
exceptionnelles aux CAPES professionnels, elle avait des excédents dans un
certain nombre de spécialités professionnelles. Il a fallu de longues
négociations pour obtenir que les stages se fassent là où des besoins
existaient.
Cela prend du temps de remettre de l'ordre dans cette maison !
Mais la centralisation, mesdames, messieurs les sénateurs, est une illusion
!
Je voudrais, en terminant, rendre hommage à Jules Ferry sur un point qui n'est
ni simple ni simpliste. Quand il a voulu fonder l'école républicaine, il y
avait en France le même nombre d'enseignants du primaire, c'est-à-dire
d'instituteurs potentiels - la plupart travaillaient dans l'enseignement privé,
et, pendant dix ans, la réforme de Jules Ferry s'est d'ailleurs faite en
utilisant les enseignants du privé -, que de professeurs agrégés à l'heure
actuelle.
Son adjoint Ferdinand Buisson et lui-même se demandaient s'il fallait
organiser un concours national d'instituteurs. Et ils eurent l'idée de génie de
créer les écoles normales, c'est-à-dire de déconcentrer d'entrée de jeu et de
situer ces écoles dans chaque département, c'est-à-dire près des gens ! Tout le
monde s'est senti en quelque sorte propriétaire de son école normale, et
personne n'a accusé Jules Ferry et Ferdinand Buisson de ne pas être
républicains sous prétexte qu'ils déconcentraient.
Evidemment, il n'existait que quelques dizaines de lycées - un à Bordeaux,
deux à Lyon - et c'est pourquoi le recrutement n'avait pas besoin d'être
déconcentré.
Aujourd'hui, on fait passer le CAPES de lettres modernes à Paris. Cette
épreuve, assurée par trente jurys différents qui sont côte à côte, est
qualifiée de concours national. Non ! Ce sont trente concours nationaux, mais
on se raccroche au mythe de l'égalité par la centralisation. Est-ce vraiment
une réalité ?
Par conséquent, seule la déconcentration permettra, à mon avis, à ce service
public d'être le meilleur, et même - je n'ai pas peur de le dire - d'être le
meilleur du monde ; en effet, nous pouvons avoir le meilleur système
d'éducation du monde !
Les socialistes ont fait la décentralisation, dont personne, aujourd'hui, ne
se plaint.
M. René-Pierre Signé.
Pourtant, ils l'ont combattue !
M. Alain Vasselle.
Seulement ses effets pervers !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Il me semble donc dans l'ordre des choses qu'ils procèdent, dans l'avenir, à la
déconcentration dans le respect des valeurs de l'école républicaine, auxquelles
je suis fondamentalement attaché.
(Bravo ! et applaudissements sur les
travées socialistes et celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre délégué.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, compte tenu de l'heure tardive,
mon intervention sera relativement brève.
Je voudrais tout d'abord remercier Mme et MM. les rapporteurs, en particulier
M. Lachenaud, qui a bien voulu remplacer M. Delong, rapporteur spécial, Mme Luc
et M. Bernadaux, rapporteurs pour avis de la commission des affaires
culturelles, ainsi que l'ensemble des sénateurs qui ont contribué utilement à
la discussion.
Ce débat a été quelque peu agité, et je voudrais sans tarder répondre en
abordant l'un des premiers thèmes évoqués par plusieurs d'entre vous - la
relance de l'éducation prioritaire - et corriger ainsi certaines inexactitudes
qui ont été émises, en particulier s'agissant du département de la
Seine-Saint-Denis.
Monsieur Demuynck, les engagements en Seine-Saint-Denis ont été tenus : alors
que 60 ZEP avaient été promises, il y en aura beaucoup plus. En effet, 150
écoles élémentaires, 142 écoles maternelles et 53 collèges sont entrés en ZEP à
la rentrée de 1998. Pour les seuls collèges, un élève sur deux de
Seine-Saint-Denis sera en zone d'éducation prioritaire. Par conséquent, par
rapport à cet effort sans précédent, vous avez émis un certain nombre de
contrevérités !
(M. Christian Demuynck proteste.)
M. René-Pierre Signé.
Eh oui !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Ce faisant, vous ne rendez service ni aux
établissements scolaires ni au personnel enseignant ! J'étais ce matin en
Seine-Saint-Denis,...
M. Christian Demuynck.
Où ?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué
... à l'occasion du salon du livre à Montreuil.
J'ai rencontré un certain nombre d'enseignants. Ils sont actuellement engagés
avec beaucoup d'énergie sur l'émergence des contrats de réussite, c'est-à-dire
l'effort qualitatif que les établissements scolaires sont prêts à faire pour
accompagner ces moyens supplémentaires. Quelle que soit la sensibilité
politique que l'on défend, on doit être au coude à coude avec ces équipes, qui
ont un travail considérable à accomplir.
Voilà qui me permet d'évoquer rapidement les grands principes présidant à
cette relance de l'éducation prioritaire. Tout d'abord, la mise en place des
réseaux d'éducation prioritaires va permettre de sortir de la logique du tout
ou rien, de la logique de zone, de ghetto : soit on était en ZEP, soit on
n'avait rien du tout ! Aujourd'hui, la mise en place des réseaux va permettre à
un certain nombre d'établissements scolaires - écoles, collèges et lycées - de
se regrouper, de mutualiser leurs ressources pédagogiques et de recevoir des
moyens supplémentaires de l'académie.
Ces réseaux d'éducation prioritaire sont engagés dans la définition et la
signature de contrats de réussite. Il est en effet important, lorsque l'Etat
accorde des moyens supplémentaires, que l'utilisation de ces derniers soit
évaluée, ciblée sur des actions pédagogiques prioritaires à partir du
diagnostic fait réseau par réseau, établissement par établissement, bien
orientée, et que soient associés les différents partenaires puisqu'un certain
nombre de problèmes, telle la question aiguë de la violence, par exemple,
doivent être réglés en partenariat avec les parents et avec les acteurs de la
politique de la ville.
Bref, la carte des réseaux d'éducation prioritaires et des ZEP est en cours de
redéfinition. Elle se fait grâce à des moyens supplémentaires puisque 129
millions de francs de crédits supplémentaires sont prévus, grâce à un
amendement gouvernemental, afin de relancer la politique d'éducation
prioritaire, ce qui nous permettra de classer au total 190 collèges
supplémentaires en zones d'éducation prioritaires, 80 collèges en sortant
parallèlement. C'est un exercice délicat, mais la crédibilité de la politique
de l'éducation prioritaire nécessite à mon avis une révision de la carte
scolaire afin que nous soyons bien certains de donner vraiment plus là où cela
est réellement nécessaire.
Ces moyens supplémentaires permettront donc la création de 12 000 indemnités
de sujétion spéciale supplémentaires, c'est-à-dire que 12 000 enseignants
verront leur rémunération augmenter et ainsi reconnaître effectivement la
difficulté d'exercice de leur travail.
Tous les collèges situés en ZEP se verront intégrés dans une catégorie
supérieure.
Enfin, il est bien évident que ces crédits prévoient aussi des actions
pédagogiques particulières qui vont permettre d'accompagner les contrats de
réussite que j'évoquais tout à l'heure.
Toujours dans cette logique de lutte contre les inégalités et contre les
exclusions, je voudrais rapidement évoquer les efforts relatifs à une politique
sociale ambitieuse.
Tout d'abord, les bourses des collèges sont rétablies et améliorées, leurs
moyens globaux passant progressivement de 800 millions de francs à plus d'1
milliard de francs, soit un accroissement de plus de 35 % sur deux ans.
Le plan pour la santé scolaire constitue un axe très important de la politique
sociale. Il prévoit 400 créations d'emploi de médecins, d'infirmières et
d'assistantes sociales, le développement d'actions de prévention, l'intégration
d'un module de vingt heures d'éducation à la santé dans les collèges, la
reconduction du fonds social pour les cantines à hauteur de 250 millions de
francs - cela fait pour moi partie d'une politique de santé au sens large - et
celle des fonds sociaux pour les collèges et les lycées à hauteur de 310
millions de francs. A cet égard, j'ai donné des instructions pour que ces
crédits puissent permettre le financement de dépenses de santé.
Tous les établissements scolaires doivent mettre en place des comités
d'éducation à la santé et à la citoyenneté. Un crédit nouveau de 5 millions de
francs est prévu pour rendre ce dispositif opérationnel.
Je voudrais enfin aborder le dispositif de lutte contre la violence, thème qui
a été évoqué par plusieurs d'entre vous.
Nous avons renforcé des actions à portée éducative dans un but de prévention
de la violence : il en est ainsi de l'éducation civique et de l'apprentissage
du respect de la loi, de la maternelle au baccalauréat.
Par ailleurs, les classes relais, qui visent à rescolariser des collégiens
entrés dans un processus de rejet de l'institution scolaire, sont développées :
leur nombre est passé de 60 à 100, cette année ; il sera porté à 250 à la
rentrée de 1999.
Les dispositifs « écoles ouvertes » ont été renforcés : le nombre d'écoles
ouvertes a été pratiquement doublé grâce à des crédits complémentaires.
Enfin, un travail sur le règlement intérieur et les chartes de vie scolaire a
été encouragé au sein des établissements scolaires ; en particulier, tous les
contrats de réussite que j'évoquais tout à l'heure devront comporter un travail
sur les chartes de vie scolaire et les droits et les devoirs des élèves.
En deuxième lieu, toujours s'agissant de la violence, nous avons donné une
impulsion interministérielle très forte et, pour la première fois, un texte
commun à l'éducation nationale, à la justice, à la police, à la gendarmerie et
à la politique de la ville a été rédigé à destination de tous les
établissements scolaires. Un guide pratique a été élaboré pour indiquer aux
chefs d'établissement la conduite à tenir dans les situations de violence, des
incivilités comme la violence verbale - là aussi, il faut prendre des mesures
afin qu'elle ne se dégrade pas en phénomène de violence plus aigue - jusqu'aux
problèmes de racket.
Ainsi, une campagne contre le racket a été lancée, avec la diffusion d'une
brochure tirée à 3 millions d'exemplaires dans les collèges et la mise en place
d'un numéro vert SOS violence au ministère.
Ce numéro vert a également fonctionné dans la lutte contre le bizutage, grâce
à l'adoption par la représentation nationale de la loi tendant à réprimer cette
pratique. Pour la première fois, des actions en justice ont d'ailleurs été
engagées pour mettre fin définitivement à ces comportements d'extrême violence
dans les établissements scolaires.
Enfin, ont été renforcées aussi avec beaucoup de détermination la lutte contre
toutes les formes de maltraitance et la lutte contre toutes les formes d'abus
sexuels, et l'opération des « passeports de prudence » en classe primaire a été
renouvelée cette année. Les dispositifs de soutien qui font suite à des
signalements de maltraitance, qu'ils soient exercés dans le milieu scolaire ou
dans les familles, sont maintenant opérationnels sur l'ensemble du
territoire.
En troisième lieu - et ce sera le dernier point que j'aborderai, car il a bien
fallu faire un choix entre les nombreux thèmes qui vous intéressent, mesdames,
messieurs les sénateurs, ce qui m'empêchera de répondre à l'ensemble de vos
questions - je voudrais évoquer la défense de l'école rurale.
Quelles sont les grandes lignes de notre politique en la matière, à la lumière
des conclusions du rapport que j'avais demandé à M. Lebossé pour défendre
l'école rurale et lui donner un nouveau souffle ?
Une instruction, qui est actuellement en consultation syndicale, va
prochainement être diffusée à l'ensemble du système scolaire afin de renforcer
un mouvement de défense de l'école rurale, mais aussi un mouvement
d'imagination, d'émergence des projets.
C'est ainsi que les regroupements pédagogiques intercommunaux, qui ont été
évoqués par certains d'entre vous et dont certains se trouvent à bout de
souffle, devront évoluer vers la mise en place de réseaux d'écoles rurales qui
bénéficieront de moyens d'accompagnement afin que, sur le territoire, se
dessine une cartographie cohérente de pôles scolaires durables susceptibles de
freiner le départ des élèves vers les chefs-lieux de cantons, de remobiliser
des équipes pédagogiques, de leur donner l'envie de travailler en réseaux,
c'est-à-dire en équipes, par l'intermédiaire des nouvelles technologiques ou
par le biais de maîtres itinérants qui vont pouvoir améliorer la
préscolarisation des élèves, à l'école maternelle en particulier.
Des mesures de lutte contre l'isolement des maîtres et des élèves seront mises
en place et encouragées.
Un certain nombre de mesures de formation, liées à la mise en place de
programmes spécifiques de formation initiale et continue des maîtres, seront
adaptées à la réalité de l'enseignement en milieu rural.
Enfin, des mesures d'amélioration de la liaison entre les collèges et les
écoles seront encouragées et tous les départements devront mettre en place un
groupe de travail sur l'avenir des petits collèges, en particulier en
développant à nouveau les internats dans les collèges, pour essayer d'attirer
vers les petits villages ruraux des potentiels d'internes, ce qui permettra aux
élèves d'avoir une plus grande motivation scolaire mais aussi d'avoir accès à
la multiplicité des options. Il faut en effet suffisamment d'élèves pour avoir
accès à cette diversité d'enseignement.
Quoi qu'il en soit, je crois qu'il n'y a pas de fatalité dans la
désertification rurale, que l'école est souvent l'un des derniers services
publics en milieu rural et qu'elle doit donc participer pleinement à la
politique de l'aménagement du territoire. Le ministère est en tout cas prêt à
accompagner très fortement les efforts que les collectivités locales
souhaiteront accomplir dans cette direction.
C'est également la raison pour laquelle j'ai veillé à ce que soit inscrite
dans les contrats de plan Etat-région la possibilité de cofinancer les
internats dans les collèges, soit pour l'accueil des élèves de proximité, soit
pour l'accueil des élèves urbains de la même académie, soit encore pour
l'accueil des élèves de milieu urbain plus éloignés, à l'instar de l'expérience
qui a déjà été tentée dans certains départements.
Je ne veux pas terminer cette intervention sans présenter quelques
observations sur les amendements que défendra tout à l'heure M. Lachenaud au
nom de la commission des finances et qui visent à réduire ce budget de
plusieurs milliards de francs.
Monsieur le rapporteur spécial, je crois que, lorsque l'on vote des
amendements, au Sénat ou dans tout autre assemblée, il faut s'interroger sur
leurs conséquences sur le terrain. C'est ce qui fait le sel de la
responsabilité politique !
En l'occurrence, l'appel que vous lancez à la majorité sénatoriale en vue de
supprimer des moyens pour le système scolaire se traduira inévitablement sur le
terrain par une réduction du nombre des postes. Je vais prendre un exemple que
vous connaissez bien, monsieur Lachenaud, celui du Val-d'Oise. Si nous
appliquons votre principe, nous ne pourrons pas refaire en 1999 ce qui a été
fait lors de la dernière rentrée : alors que les effectifs scolaires en
primaire ont diminé de 1 700 élèves, nous aurions dû reprendre soixante-dix
postes si nous avions appliqué le principe que vous demandez à vos collègues de
voter à l'instant, et qui consiste à appliquer à la stricte baisse des
effectifs le niveau du budget de l'enseignement scolaire. Or votre département
n'a rendu que vingt-cinq postes, c'est-à-dire que nous y avons maintenu
quarante-cinq postes, ce qui est un effort considérable qui nous a permis de
répondre, en particulier, à la situation d'insuffisante préscolarisation des
élèves, puisque ne sont scolarisés dans ce département que 16 % des enfants de
moins de trois ans.
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Nous l'avions noté !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Par conséquent, je crois qu'il faut être prudent et
écarter toute idéologie dans ce domaine car, si vous diminuez les effectifs,
monsieur le sénateur, cela signifie très concrètement que, dans le département
du Val-d'Oise, il y aura beaucoup moins d'enfants qui seront scolarisés parce
qu'il faudra bien prendre les postes quelque part.
Je crois aussi devoir vous rappeler que le département du Val-d'Oise a été
prioritairement servi dans le domaine des emplois-jeunes.
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Nous l'avions noté !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Vous avez ainsi bénéficié de 1 350 emplois-jeunes ; 1
100 sont déjà recrutés et en poste, les 250 autres sont en cours de
recrutement.
Alors, monsieur le sénateur, si vos amendements sont adoptés, il faut que vous
sachiez à quoi cela correspond sur le terrain !
Si M. Delong avait été présent - et nous lui souhaitons, bien sûr, un prompt
rétablissement - je lui aurais dit, puique c'est lui qui devait défendre ces
amendements - mais il pourra lire mes propos au
Journal officiel
- que
son département a un ratio nombre d'instituteurs pour 100 élèves qui est un des
meilleurs de France.
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Laissons-le se remettre ! Ne lui annonçons pas une
mauvaise nouvelle !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Il sera intéressé par ma réponse !
Alors que le calcul arithmétique que vous nous proposez, qui est fondé
uniquement sur la baisse démographique, aurait conduit à plus de 100 retraits
de postes dans ce département si nous avions voulu l'aligner sur la moyenne
nationale, dans le département de M. Delong, des dotations ont permis le
maintien en milieu rural de classe de quatorze à dix-sept élèves, la mise en
place sur la ZEP de Saint-Dizier d'un collège hors les murs, un appui
supplémentaire de douze maîtres pour les enseignants des classes qui avaient
besoin d'un réseau de soutien pour les élèves en difficulté.
Aussi, messieurs de la majorité sénatoriale, avant de proposer des
amendements, il faut, je le répète, mesurer très concrètement leurs
conséquences sur le territoire parce qu'on ne peut pas proposer dans cette
enceinte des baisses de crédits et des baisses d'effectifs et manifester sur le
terrain avec les parents d'élèves pour obtenir des ouvertures de classes ! Nous
saurons nous en souvenir.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. René-Pierre Signé.
Ils sont très illogiques !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, je voudrais, pour terminer de façon paisible en cette nuit qui
commence, livrer à notre méditation commune cette belle phrase de Marguerite
Yourcenar dans les
Mémoires d'Hadrien
: ...
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Un très beau livre !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
... « Notre erreur, c'est parfois d'essayer d'obtenir
de chacun les vertus qu'il n'a pas et de négliger de cultiver celles qu'il
possède. »
Mesdames, messieurs les sénateurs, notre budget vise à la fois à cultiver les
potentiels qui existent mais aussi à créer des talents nouveaux. C'est pourquoi
nous vous demandons de le voter !
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je m'aperçois que je n'ai pas répondu à une question importante qui m'a été
posée concernant les aides-éducateurs.
Mme Hélène Luc.
Vous n'avez pas non plus répondu aux miennes, monsieur le ministre !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Lesquelles ? Pardonnez-moi si je n'ai pas répondu totalement à vos questions,
mais je vous ai dit qu'il y aurait un grand débat, je vous ai répondu
longuement sur l'enseignement professionnel, je vous ai dit aussi ma
préoccupation vis-à-vis de l'enseignement technologique.
Mais j'en reviens aux emplois-jeunes.
Premièrement, de 25 % à 30 % des aides-éducateurs trouvent un emploi au cours
de leur contrat. Autrement dit, il y aura un renouvellement global en cinq ans
et, si je souhaite la pérennisation des emplois, je ne souhaite pas celle des
personnes. C'est ainsi, il convient de le noter, que les titulaires
d'emplois-jeunes qui ont réussi le concours d'entrée dans les IUFM sont
beaucoup plus nombreux que les surveillants d'externat.
Deuxièmement, l'année dernière, 33 % des titulaires d'emplois-jeunes, en
moyenne, suivaient une formation. Ils sont cette année 70 %, avec de grandes
fluctuations géographiques puisque, dans certains départements, ce taux atteint
90 % alors que dans d'autres, malheureusement, comme la Seine-Saint-Denis, il
n'est que de 40 %.
J'ai dit aux recteurs que, tant qu'ils n'auraient pas 100 % de titulaires
d'emplois-jeunes en formation, ils n'auraient plus d'emplois-jeunes. Je veux en
effet que les titulaires de ces emplois suivent une formation. Cela étant, les
taux que nous connaissons avec les emplois-jeunes dépassent de deux fois et
demie ceux qui ont été atteints par les contrats emploi-solidarité. Mais, je
l'ai dit, j'inciterai les recteurs à développer encore les formations.
Permettez-moi de vous indiquer au passage pourquoi je n'ai pas été un grand
fanatique des emplois-jeunes dans les collèges et les lycées. Je craignais, en
effet, depuis le début, un risque de confusion avec les surveillants
d'externat, les MI-SE, dans le jargon. A ces derniers, qui ont récemment fait
grève, je veux dire que nous appliquons le décret du 28 février 1938, qui
dispose, en son article 2, que les surveillants d'externat doivent être de
futurs enseignants, en son article 4 que, en cas d'absence des professeurs, ils
remplacent ceux-ci et font, s'ils ont les titres adéquats, les cours à leur
place, en son article 5 que leurs horaires et leurs emplois du temps doivent
leur permettre de poursuivre leurs études. Or, aujourd'hui, malgré cela, le
taux d'échec moyen des surveillants d'externat est de quatre sur cinq. En
effet, assurer vingt-huit heures de surveillance par semaine, cela ne permet
pas de mener à bien des études. C'est même impossible pour les études
scientifiques, parce que l'on demande plus d'heures de présence à l'université.
C'est la loi, et nous n'avons pas l'intention de la changer, mais de
l'appliquer.
Lorsque nous disons, s'agissant des 3 000 recrutements supplémentaires de
MI-SE, que la priorité doit être donnée aux élèves de première année d'IUFM,
qui, pour quatorze heures de travail, toucheront 3 500 francs par mois, somme
cumulable avec une bourse si leur condition sociale le justifie, petit à petit
nous rétablissons un système qui n'aurait jamais dû être supprimé, c'est-à-dire
les allocations pour les premières années d'études.
Il est normal, selon moi, que l'éducation nationale accorde un préfinancement
à ceux qui se destinent à l'enseignement.
6
RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour un rappel au règlement, en application de l'article
36 du règlement du Sénat.
M. le président.
Vous avez la parole pour cinq minutes, monsieur Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Ma faible expérience du fonctionnement de cette assemblée ne m'a pas permis de
réagir « à chaud » aux remarques de M. le ministre lors de mon intervention.
Monsieur le président, veuillez m'excuser de le faire maintenant, après les
réponses des ministres.
M. le président.
C'est la place à laquelle elle doit se tenir, monsieur le sénateur.
M. Alain Vasselle.
Monsieur le ministre, vous avez fait preuve d'une certaine nervosité -
peut-être est-ce dû aux récentes manifestations des lycéens - pendant les
interventions d'au moins deux membres de notre Haute Assemblée. Vous n'avez
cessé de les interrompre et vous ne leur avez pas permis de s'exprimer en toute
sérénité.
Vous avez employé des mots qui ne sont pas dignes du climat dans lequel nous
travaillons dans cette enceinte. Lors de mon intervention notamment, vous avez
parlé d'absurdités, de mensonge et d'incompétence. Si vous aviez été un peu
plus attentif à mes propos, monsieur le ministre, vous ne l'auriez pas fait.
Permettez-moi de relire la phrase en cause : Comment ne pas être déçu, alors
que les jeunes réclament dans leurs classes des enseignants compétents et que
vous ne savez que leur proposer des emplois-jeunes ? »
En disant cela, monsieur le ministre, je n'ai pas prétendu que vous aviez
remplacé des postes d'enseignants par des emplois-jeunes,...
M. René-Pierre Signé.
C'était ambigu !
M. Alain Vasselle.
... ni que vous aviez créé des emplois-jeunes pour faire face à l'insuffisance
du nombre des enseignants.
Je voulais simplement rappeler la demande des jeunes lorsqu'ils avaient
manifesté dans les rues et lorsqu'ils étaient venus vous interpeller en votre
qualité de ministre : « plus d'enseignants » réclamaient-ils, et votre réponse
a été des emplois-jeunes.
Je n'ai pas dit que c'était pour remplacer les enseignants, j'ai voulu
exprimer l'insatisfaction des élèves par rapport à la demande qu'ils avaient
émise. C'était cela, et rien d'autre.
En ce qui concerne votre conception du dialogue, monsieur le ministre, il
s'agit en fait d'une récidive. L'année dernière, en effet, avec courtoisie,
avec calme - je ne me souviens plus si vous étiez présent ou si seule Mme
Ségolène Royal était au banc des ministres - j'avais appelé l'attention du
Gouvernement sur les difficultés que nous rencontrions dans mon département en
matière d'expérimentation de l'enseignement des langues étrangères aux jeunes
enfants. J'attendais une réponse, mais il n'y a pas eu de dialogue, puisque
qu'aucune indication ne m'a été apportée.
Aujourd'hui, j'ai à nouveau appelé l'attention du Gouvernement sur le décalage
entre les déclarations généreuses qui ont été faites sur le plan national par
le ministère et ce que je constate sur le terrain. J'attends à nouveau des
réponses. C'est ce qui m'a conduit à affirmer qu'il y avait un manque de
dialogue entre vous-même, monsieur le ministre, et les parlementaires,
notamment le sénateur que je suis.
Enfin, en ce qui concerne les emplois-jeunes encore, vous avez précédé la loi
en lançant les recrutements dès l'annonce de leur création et en prenant un
certain nombre de décrets d'application les concernant.
Ces deux exemples justifiaient mes affirmations quant au manque de dialogue
avec les parlementaires et à propos des emplois-jeunes par rapport aux
enseignants. C'est tout.
J'espère que cette mise au point sera suffisante pour lever les ambiguïtés
éventuelles qui pourraient s'être glissées entre nous à travers les propos que
j'ai tenus, et je souhaite qu'enfin un peu plus de sérénité revenienne dans le
débat budgétaire entre vous, monsieur le ministre, le parlementaire que je
suis, et un de mes collègues que vous avez interpellé tout à l'heure et
interrompu à plusieurs reprises.
Vous remarquerez en outre, monsieur le ministre, que nous avons été
respectueux de vous-même, puisque vous avez été peu ou pas interrompu pendant
toute la durée de votre intervention.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Monsieur le sénateur, si j'ai mal compris votre phrase, je vous prie de m'en
excuser, c'est tout à fait anormal de ma part.
Par ailleurs, un décompte a été fait récemment par le ministre chargé des
relations avec le Parlement, qui montre que je suis le ministre qui a passé le
plus de temps au Sénat - il se trouve que c'est ainsi - entre les réunions de
commissions et les séances publiques. Je crois que personne, dans cette
assemblée, dans les commissions, ne m'a vu compter mon temps pour répondre à
toute question.
Si vous avez un problème particulier dans votre région, monsieur le sénateur,
sachez que nous sommes à votre disposition, quand vous voulez, pour en parler.
Pour ne pas prendre obligatoirement la forme d'une intervention, ce n'en sera
pas moins efficace. Beaucoup nous adressent un courrier et l'on étudie le
problème soulevé, que ces lettres émanent de parlementaires de la majorité ou
de l'opposition. C'est ainsi que fonctionne la République.
Parfois, l'administration ne réagit pas assez vite, ayant beaucoup de
problèmes à régler par ailleurs, mais nous répondons.
Si l'on n'a pas répondu sur un problème de ce type, s'il y a dysfonctionnement
à cet égard, c'est encore une fois parce que l'application à l'ensemble du
territoire d'une mesure prise nationalement, à partir de la rue de Grenelle,
est parfois difficile à mettre en oeuvre.
Enfin - je ne dis pas cela pour diminuer mes impatiences - je suis très calme
sur le sujet des manifestations. Vous avez constaté qu'elles ne m'ont pas fait
changer d'avis et qu'elles ne m'ont pas ému non plus.
Je vous fais remarquer que nous avions dit que nous prendrions des postes sur
les listes supplémentaires des concours, car je ne veux pas faire de dérogation
et recruter des maîtres auxiliaires ; nous avons recruté 480 professeurs
supplémentaires.
Je répète ce que j'ai dit à ce moment-là. Ma conviction est que, pour
l'enseignement secondaire, nous ne manquons pas globalement de professeurs,
mais que la répartition est mal faite et ne peut pas légalement être faite
autrement. J'y insiste bien devant vous, qui êtes les gardiens de la loi.
Permettez-moi de vous donner un exemple. Des enseignants dans Paris-centre
n'ont pas d'affectation. Ils voulaient enseigner en Seine-Saint-Denis. Ils sont
donc allés voir le recteur de Paris en lui demandant de les affecter en
Seine-Saint-Denis. Le recteur leur a dit : « Je n'ai pas le droit, je n'ai pas
de dossier de gestion de personnel. La réglementation ne me permet pas de vous
affecter dans cette académie. Si je vous affecte en Seine-Saint-Denis et qu'il
vous arrive un accident, vous n'êtes pas couverts. »
Nous avons dû recourir à une procédure spéciale pour donner cette
autorisation. La loi dispose en effet qu'il appartient à la direction du
personnel de la rue de Grenelle de gérer les enseignants du second degré et que
les recteurs n'ont pas l'autorisation, ce qui crée bien des
dysfonctionnements.
A partir du mouvement de l'an prochain, je crois que nous pourrons ajuster
quelque peu, mais cela prendra un certain temps pour l'enseignement secondaire.
En revanche - je cite toujours ces exemples - dans le primaire, qui est
déconcentré depuis longtemps, et dans l'enseignement supérieur, les universités
étant autonomes, il y a proportionnellement beaucoup moins de tensions
d'ajustement que dans le secondaire, parce que les dossiers sont gérés
localement.
Je ne prétends pas que la déconcentration soit la solution à tous les
problèmes, mais elle permettra un meilleur ajustement.
Vous avez enfin évoqué les comités locaux d'éducation, auxquels Mme Royal
tient beaucoup.
Je vais vous parler très franchement : dans certains endroits, cela se passe
très bien, et, dans d'autres, des personnels éprouvent une certaine réticence à
l'idée de travailler avec les élus. Ils travaillent avec les élus sous une
forme bilatérale, mais ils ont du mal à l'accepter sous une forme
institutionnelle. Ce n'est pas l'habitude dans notre « maison » et travailler
avec des élus au sein de certains organismes apparaît souvent comme un manque
de neutralité de l'éducation nationale.
Mme Royal et moi-même sommes tous les deux extrêmement attachés à cette forme
de collaboration. Nous expliquons inlassablement l'avantage que représentent
pour chacun le dialogue, le rapprochement des acteurs de terrain. Nous y
réussissons plus ou moins bien.
Pour ma part, je suis prêt à le reconnaître, monsieur Demuynck, je ne pense
pas que nous ayons tout résolu. Mais je vous assure que ma collègue qui a lancé
cette idée la première et moi-même, nous y travaillons en permanence. Nous
disons : il faut travailler avec les élus, les consulter. Certains recteurs et
inspecteurs d'académie le font, d'autres sont plus réticents. Dans cette
maison, on a en effet toujours l'impression que, quand on leur demande de
dialoguer avec les élus, on leur demande de se vendre à je ne sais quel diable
; c'est d'ailleurs un sentiment largement répandu au sein de la fonction
publique française. Je leur demande pourtant non pas d'obéir aux élus, mais de
dialoguer avec eux.
Mme Hélène Luc.
Ça c'est vrai !
7
LOI DE FINANCES POUR 1999
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances.
Education nationale, recherche et technologie (suite)
1. - ENSEIGNEMENT SCOLAIRE
(suite)
M. le président.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant l'enseignement scolaire.
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Il me revient, au terme de cette discussion, de
présenter, en ma qualité de rapporteur spécial de la commission des finances,
des amendements auxquels vous avez, madame le ministre, fait allusion.
Je me permettrai, en toute sérénité, de vous répondre, ayant lu Les Mémoires
d'Hadrien, à seize ans. Ce livre m'avait été remis par mon père qui était
enseignant proviseur, un lycée de province, le lycée Gay-Lussac et dont j'ai
constaté dans un article paru hier dans
Le Monde
qu'il avait de très
bons résultats pour les préparations à Cachan, et pour d'autres types de
concours...
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.
Cela prouve que nous
n'avons pas baissé les moyens !
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
J'ai malheureusement le privilège par rapport à vous
d'avoir quelques décennies de plus et, madame, d'être un homme, et je crois
avoir bien ressenti et bien compris ce livre qui porte sur l'écoulement du
temps, le temps qui passe, la vie, l'expérience que l'on acquiert et la
sérénité que l'on gagne.
Cette sérénité, je crois que j'en suis empreint, et je l'ai montré au début de
cette discussion concernant le budget du ministère de l'éducation nationale.
J'ai cru apercevoir un petit sourire ironique quand vous avez parlé du
Val-d'Oise, madame le ministre. Or, vous avez pu noter que mon intervention
portait sur le budget de l'éducation dans sa globalité, premier budget de
l'Etat, et que je m'étais strictement abstenu d'évoquer toute question locale
qui, normalement - je le dis peut-être à mes collègues en même temps qu'à vous
- ne doit pas apparaître à ce stade de la discussion budgétaire.
A propos du Val-d'Oise, malgré tout, parce que je ne peux pas ne pas vous
donner mon sentiment, nous avons noté vos efforts spécifiques dans ce
département et nous avons considéré qu'ils étaient équitables parce que la
situation y est dramatique.
Depuis trente ans, je travaille dans le Val-d'Oise, notamment dans le secteur
éducatif. Il suffit de citer les noms de Garges-lès-Gonesse, Goussainville,
Argenteuil, Sarcelles, Villiers-le-Bel... pour imaginer ce qu'il en est.
Il faut avoir assisté à la mise en place des écoles, des collèges et des
lycées, responsabilité que j'ai exercée à tous les niveaux depuis trente
ans.
Quelque trente lycées et quelque quarante collèges ont été construits et j'ai
toujours travaillé dans la coopération, animé par une conviction certaine.
Ce que vous avez fait était juste, nous le reconnaissons. Nous espérons que
vous continuerez, parce que cela répond aux nécessités de la qualification et
de la formation des jeunes du Val-d'Oise.
Pour ce qui est des amendements, ne faisons pas semblant de croire que, dans
le cadre des institutions de la République et telles que fonctionnent la
Constitution et l'ordonnance de 1959 sur les projets de loi de finances et sur
la réelle répartition des rôles, des compétences et du pouvoir final de
décision en matière financière entre l'Assemblée nationale et le Sénat, nos
amendements pourraient conduire à la catastrophe que vous avez évoquée, nous le
savons bien. Telle n'est pas la portée de nos amendements, telle n'est pas du
tout leur signification.
Je le dis à Mme Luc, comme je l'ai indiqué tout à l'heure à Mme la ministre,
j'irai la tête haute sur le terrain, comme je l'ai fait depuis trente ans, avec
des références, un bilan et une action dans le domaine éducatif qui n'a rien à
envier à personne.
Créer une université nouvelle, dépenser chaque année 400 millions de francs
pour reconstruire des collèges à dimension humaine en consentant un réel effort
de qualité, rénover et construire des lycées, mettre en place tout le système
éducatif de la ville nouvelle : quand vous aurez ces références-là, madame la
ministre, vous pourrez peut-être me dire que je ne suis pas capable d'aller sur
le terrain !
Mme Hélène Luc.
Les lycéens jugeront, les professeurs aussi !
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Tout à fait, et je ne crains pas leur jugement !
Lorsqu'il n'y avait plus d'élèves dans les classes, j'étais un des rares élus
à dire qu'il fallait accepter les fermetures ! Qui avais-je en face de moi pour
refuser ces fermetures et manifester ?
Je connaissais personnellement tous les recteurs et tous les inspecteurs
d'académie de la région d'Ile-de-France. Ils me disaient qu'ils prenaient des
mesures raisonnables, qu'il fallait bien s'adapter aux situations, en
l'occurrence qu'il fallait bien fermer une classe à Pontoise - dans la commune
dont j'étais le maire - pour en ouvrir une dans la ville nouvelle. Et
j'acceptais cette mesure impopulaire pour ma ville, mais qui relevait d'une
bonne gestion des ressources humaines, d'une bonne rationalité, d'une bonne
localisation des personnels, indispensable pour accueillir les populations.
Cela étant dit, et en vous demandant de m'excuser, mais j'y ai été conduit à
la fois par la réflexion de Mme Luc et par votre dernière expression dans la
conclusion du débat, monsieur le ministre, je dois présenter les amendements de
réduction, et c'est un rôle difficile.
M. Jean-Louis Carrère.
C'est cela, le problème, car ce n'est plus en adéquation avec ce que vous
venez de dire !
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Il n'est pas nouveau !
M. Jean-Louis Carrère.
L'Assemblée nationale ne l'acceptera pas.
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Nous l'avons déjà fait l'an dernier ; nous le
referons l'année prochaine, parce qu'il est dans le rôle de l'opposition de
dresser et d'établir un budget alternatif.
Nous l'avons dit à M. Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie ; nous l'avons dit jour et nuit à M. Sautter, secrétaire d'Etat au
budget. Nous faisons ce budget alternatif parce que nous ne voulons pas rejeter
brutalement l'ensemble des budgets sans discussion. Nous ne pouvons pas faire
ce que nous a suggéré de manière tout à fait insidieuse M. Strauss-Kahn, à
savoir : ne respectez pas la Constitution, ne respectez pas l'ordonnance de
1959. Tantôt augmentez un budget, tantôt réduisez tel autre. Ce sera un vrai
contre-budget, un vrai budget alternatif !
Cette suggestion malicieuse, je pense, de sa part, puisqu'il est d'une
intelligence diabolique, bien évidemment nous ne la suivrons pas. Notre seule
méthode consiste donc, pour établir un budget alternatif qui réponde à nos
objectifs, à travailler sur trois points : réduire les dépenses, réduire les
prélèvements obligatoires, réduire les déficits.
Une analyse vraiment objective - regardons autour de nous, ne fermons pas les
yeux ! - nous prouve tous les jours la nécessité d'adapter ce budget à une
conjoncture qui, malheureusement, n'évolue pas comme nous le souhaiterions.
M. René-Pierre Signé.
Elle évolue mieux qu'avant pourtant.
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Pour faire aboutir ces mesures, nous devons présenter
des amendements.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Monsieur le rapporteur spécial, me permettez-vous de
vous interrompre ?
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Bien volontiers, madame le ministre.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre, avec l'autorisation de M. le rapporteur
spécial.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Monsieur le rapporteur spécial, vous avez fait état de
votre expérience à laquelle je rends volontiers hommage.
Je crois que les décisions que nous prenons sur le plan national ont un impact
local extrêment direct. Mais je voudrais souligner que ce ne fut pas chose
aisée d'obtenir les arbitrages budgétaires que nous avons obtenus avec Claude
Allègre.
Nous l'avons fait parce que nous avons la conviction que nous devons lutter
pour l'égalité des chances à l'école et qu'un certain nombre de points doivent
être rattrapés.
Vous avez fort bien décrit la situation scolaire dans votre département. Vous
savez que l'actuel gouvernement en a pris acte précisément et qu'à cette
rentrée scolaire, à la prochaine rentrée scolaire et à la rentrée suivante nous
voulons rétablir l'égalité des chances en donnant davantage là où les élèves et
les équipes éducatives en ont le plus besoin. C'est le fondement même de cette
augmentation budgétaire.
Vous le savez ; vous avez même développé une argumentation qui va à l'encontre
des amendements que vous allez défendre, monsieur le sénateur.
Mme Hélène Luc.
Absolument !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Vous venez de développer une argumentation que je
partage, qui fait état justement d'un besoin scolaire très important, y compris
dans le département que vous connaissez bien, et vous allez, à l'instant,
défendre des amendements qui précisément nous empêcheront de mener cette
politique de justice scolaire !
Monsieur le sénateur, au nom de la logique politique que vous venez vous-même
de développer, je vous demande de retirer ces amendements.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur spécial.
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Nous donnons acte aux ministres de leur capacité de
dialectique et de dialogue avec le Sénat. Nous l'avons constaté à la commission
des affaires culturelles, M. le président Gouteyron le confirmera peut-être
tout à l'heure. Moi, je l'ai constaté personnellement en commission des
finances.
La logique globale de réduction des dépenses porte sur 26 milliards de francs.
J'attire votre attention sur le fait que, l'année dernière, vous avez annulé
des crédits pour un montant de 21 milliards de francs. C'est là une indication
globale.
(Mme Ségolène Royal, ministre délégué, et M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie,
protestent.)
Je ne parle pas du ministère de l'éducation nationale, bien sûr.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Ah bon ! J'ai cru que j'allais avoir une attaque !
(Sourires.)
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Je voulais vous prouver que notre proposition est
responsable et raisonnable.
Mme Hélène Luc.
Non, elle n'est pas raisonnable !
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Par ailleur, nous considérons qu'un certain nombre de
relavorisations globales de la fonction publique et que les dépenses globales
progressent de manière excessive par rapport au rythme de la production et de
l'inflation.
Hier, j'ai eu la même mission difficile pour les crédits du Premier ministre.
M. Sautter m'a dit que pour un premier coup d'essai, c'était un coup de maître
! Aujourd'hui, bien sûr, c'est beaucoup plus difficile. Il s'agit de masses
financières nettement plus importantes. Cela étant, c'est indispensable pour
parvenir à un nouvel équilibre budgétaire.
M. René-Pierre Signé.
Mais ce n'est pas un coup de maître !
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Monsieur le président, lorsque vous m'y inviterez, je
défendrai les amendements.
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C concernant l'éducation nationale, la recherche et la technologie : I. -
Enseignement scolaire.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III : 3 323 314 472 francs. »
La parole est M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar.
Madame la ministre, monsieur le ministre, je partage votre ardente pétition
pour l'école de la République. Je veux attirer votre attention et celle de
notre assemblée sur la situation particulière de l'académie de Lille, qui
regroupe les départements du Nord et du Pas-de-Calais.
Je m'explique : cette académie a une double particularité. D'abord, c'est la
plus jeune de France : on compte 30,7 % de jeunes de moins de vingt ans contre
26,5 % en France.
Ensuite, la proportion d'élèves défavorisés ayant de grandes difficultés
sociales est très importante : 40 % des élèves du second degré sont boursiers ;
un élève sur cinq arrive en retard en CM 2. Les retards scolaires s'accentuent
encore plus au collège : 34 % en moyenne des élèves sont en retard de scolarité
à la fin du collège. Cette moyenne est encore plus importante dans certains
secteurs. Elle atteint 50 % dans les villes de Roubaix et de Tourcoing. Si 65 %
d'une classe d'âge accèdent au niveau de la terminale, ce pourcentage régresse
depuis trois ans. La région compte toujours moins de diplômés que la moyenne
nationale.
Ce recul est inquiétant, parce qu'il traduit celui de la demande sociale
d'éducation et parce qu'il affecte aussi, à l'autre bout de la chaîne,
l'enseignement supérieur.
Evidemment, les inégalités sociales expliquent ces chiffres et les différences
très importantes qui existent au sein même de la région.
Je ne veux pas, ici, égrener les chiffres et statistiques du tableau noir de
la région Nord - Pas-de-Calais. Je me garderai bien, en outre, de sombrer dans
un misérabilisme qui masquerait les efforts accomplis, je pense en particulier
à ceux des collectivités locales et aux vôtres, monsieur le ministre.
Mais il faut avoir un regard objectif : l'analyse de la situation concrète de
cette académie montre combien sont grands encore les retards existants et
combien est justifiée la demande d'un traitement qui, s'il n'est pas
inégalitaire, doit tout au moins répondre à ces immenses besoins. Or, je ne
pense pas que l'effort de l'Etat dans cette région, depuis des décennies, ait
été à la hauteur des particularités régionales, à savoir l'importance de la
population scolarisée et scolarisable, et l'importance de l'échec et du retard
scolaires.
La région Nord - Pas-de-Calais est l'avant-dernière région française en termes
de dépenses d'éducation de l'Etat. Ces dépenses par lycéen sont inférieures de
10 % à la moyenne nationale, et le même constat peut être fait en matière de
personnels d'encadrement.
Je tenais à le dire au moment où nous allons engager, les uns et les autres,
les discussions sur les contrats de plan Etat-région et sur l'aménagement du
territoire.
En attendant, vous comprendrez, mes chers collègues, que j'aie une raison
supplémentaire de voter contre les amendements scandaleux de la majorité
sénatoriale,...
Mme Hélène Luc.
En effet !
M. Ivan Renar.
... qui visent à réduire de façon drastique les crédits du ministère, car cela
n'aidera pas à régler la situation que je viens d'évoquer. Au contraire, cela
contribuera à l'aggraver.
Madame la ministre, vous avez fait référence tout à l'heure à Marguerite
Yourcenar, qui est née dans cette région du Nord - Pas-de-Calais. Le livre dont
vous parliez tout à l'heure,
Mémoires d'Hadrien,
évoque le temps qui
passe. J'ajouterai, pour citer le poète, et s'agissant toujours du temps qui
passe, que « le temps d'apprendre à vivre, il est déjà trop tard ».
C'est pour cela que, en ce qui concerne ma région, je ne me plains pas, mais
je porte plainte !
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je voudrais indiquer à M. Renar, tout en appuyant ses propos, que je me suis
personnellement beaucoup impliqué pour cette région du Nord - Pas-de-Calais.
Déjà, lorsque j'étais conseiller spécial auprès de Lionel Jospin, alors
ministre de l'éducation nationale, nous avions créé deux universités nouvelles,
qui fonctionnent d'ailleurs très bien, et renforcé l'université de Lille. Un
effort exceptionnel a été également consenti en matière de dotations, et encore
cette année.
S'agissant de la décroissance démographique, qui est, dans cette région, une
des plus fortes de France, nous n'avons pas opéré de redéploiement en nous
fondant sur les règles arithmétiques pour tenir compte des problèmes de cette
région.
Mais il est vrai, monsieur Renar, que nous avons encore un effort à faire pour
les lycées.
Le problème, vous le connaissez : nous avons beaucoup de mal à stabiliser le
personnel qui est nommé dans cette région. Les va-et-vient sont tellement
fréquents que le président de la région Nord - Pas-de-Calais m'a demandé, pour
maintenir le personnel, de prendre des mesures quelque peu militaires, qui
ressemblaient à de la réquisition !
M. Ivan Renar.
Je suis vice-président de cette région et nous avons effectivement discuté de
ces propositions.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Il est difficile d'en arriver là, mais je vous promets en tout cas que le
Gouvernement continuera à attacher une attention toute particulière à la région
Nord - Pas-de-Calais, comme aux régions de l'Est qui ont été sinistrées par la
crise minière, comme aux banlieues qui sont dans une situation difficile.
Je tiens d'ailleurs à dire à M. Lachenaud et aux représentants du Val-de-Marne
que, l'an prochain, nous ferons en sorte qu'un plan comparable à celui de la
Seine-Saint-Denis soit réalisé pour les communes limitrophes des départements
du Val-d'Oise et du Val-de-Marne. En effet, les frontières des départements ne
correspondent pas exactement aux frontières des quartiers qui, depuis des
années, ont souffert de manques de dotations. L'effort sera donc poursuivi et
élargi.
M. le président.
Par amendement n° II-16, M. Delong, au nom de la commission des finances,
propose de réduire les crédits du titre III de 3 966 945 359 francs et, en
conséquence, de porter le montant des mesures nouvelles à
moins
643 630
887 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Cet amendement a pour objet d'apporter une
contribution à l'effort de maîtrise des dépenses de l'Etat.
Dans ce but, il opère, d'une part, une économie ciblée sur l'ensemble des
chapitres de ce titre, dont le montant gagera la progression de 8 020 000
francs des crédits du chapitre 36-10 et de 1 062 726 000 francs des crédits du
chapitre 36-71 correspondant à la rémunération et à la formation de 61 600
contrats d'emplois-jeunes.
Il opère, d'autre part, une réduction de 1 % du montant des crédits de chacun
des chapitres des parties 1 à 3 et de 5 % du montant des crédits de chacun des
chapitres des parties 4 à 7 de ce titre.
Le montant total des crédits inscrits au titre III s'établit, avant la
réduction proposée, à 253,4 milliards de francs, la mesure nouvelle de 431 223
946 francs introduite par le Gouvernement pour financer son plan en faveur des
lycées étant prise en considération.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Monsieur le président, je ne vais pas beaucoup vous étonner : je considère que
cet amendement est irrecevable...
(Murmures.)
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Pas juridiquement !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
... moralement irrecevable à mes yeux.
M. le président.
Ah ! La présidence s'inquiétait !
(Sourires.)
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
J'ai entendu trois rapports extrêmement précis et, à bien des égards, très
positifs puisqu'ils approuvaient certains aspects de notre politique et
faisaient des suggestions pour l'améliorer. Il va de soi qu'à ces suggestions
correspondaient nécessairement des dépenses. Or l'aboutissement de tout cela,
c'est une soustraction ! Il y a là quelque chose qui m'échappe, bien que je
comprenne la logique générale du Sénat.
Sans chercher à me substituer à mon collègue Dominique Strauss-Kahn, qui a une
intelligence positive et non pas diabolique, je veux tout de même signaler que
ce gouvernement a non seulement satisfait aux critères de Maastricht mais que,
cette année, le déficit représentera probablement 2,8 % du PIB et que, l'an
prochain, il se situera probablement à environ 2 %. Vous le savez, c'est
au-dessous de ce seuil que nous pourrons voir notre dette diminuer, ce qui est
l'objectif.
Ce gouvernement est donc celui qui a fait l'effort le plus marqué pour réduire
la dette.
Telles sont les raisons qui font que j'ai du mal à comprendre cette volonté de
réduction du budget de l'éducation nationale.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-16.
M. Jean-Louis Carrère.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère.
Moi, j'aime le débat parlementaire, j'aime trouver des arguments. Je suis à ce
point passionné par le débat que je recherche toujours des moyens de m'opposer.
Mais, en l'espèce, s'opposer pour s'opposer me paraît dérisoire et même un peu
misérable.
Tout à l'heure, monsieur le rapporteur spécial, c'était très émouvant de vous
entendre. Mais, l'an dernier, c'était très émouvant aussi. Et il a fallu toute
l'habileté politique de l'actuel président du Sénat pour essayer de « changer
de disque » et transposer le débat vers un sujet sur lequel il ne portait
absolument pas.
Vous ne pouvez pas, sous prétexte de vous opposer au Gouvernement, décider
d'amputer un budget dont vous savez pertinemment, vous le premier, qu'il aurait
besoin d'être, au contraire, conforté. Ce n'est pas possible ! Et moi qui aime
tant m'opposer, je vous le dis sincèrement, connaissant l'éducation nationale
comme je la connais, je n'obéirais pas à mon groupe s'il me demandait de
commettre une telle erreur politique.
Je serais même tenté de vous dire : il y a quelques rusés parmi nous et, si
vous le souhaitez, nous vous donnerons des conseils pour justifier mieux votre
opposition, mais ne suivez surtout pas cette voie-là !
Une telle démarche donne de notre pratique parlementaire une image exécrable.
Elle ne peut pas être comprise par l'opinion publique, encore moins par les
parents d'élèves, par les lycéens et par les enseignants. Retirez donc cet
amendement ! Il n'y a aucun scandale à ne pas voter ce budget, mais trouvez un
autre argument ! Ne proposez pas de minorer ce bon budget de l'éducation
nationale.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Ivan Renar.
Jean-Louis, tu as bien parlé !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Monsieur le
président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà
en effet un moment important.
Jean-Louis Carrère, membre de la commission des affaires culturelles, lui
aussi toujours passionné, cherche à nous donner mauvaise conscience et son
intervention m'incite à m'exprimer en tant que président de cette
commission.
Je veux en effet moi aussi rappeler, après Jean-Philippe Lachenaud, qu'on ne
peut pas juger l'attitude de la majorité du Sénat sur chaque fascicule
budgétaire sans tenir compte du choix politique qu'elle a opéré sur l'ensemble
du budget, et, en particulier, des décisions qu'elle a prises lors de l'examen
de la première partie du projet de loi de finances.
On ne peut pas comprendre ce qui se passe ici ce soir si l'on ne se souvient
pas que le Sénat a voté 27 milliards de francs de réduction des dépenses et 12
milliards de francs de réduction de la charge des citoyens et des entreprises,
cela se traduisant par 15 milliards de francs de réduction du déficit.
C'est, je l'ai dit, un choix politique. Nous estimons en effet que cette
politique-là, appliquée continûment pendant plusieurs années avec courage et
persévérance, finirait par rendre notre société plus dynamique et plus
imaginative.
M. René-Pierre Signé.
Vous avez été au pouvoir !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Ce serait une
société qui intégrerait plus facilement ses jeunes et qui dégagerait plus
facilement les moyens nécessaires pour aider ceux qui sont en difficulté.
M. René-Pierre Signé.
Ils ont la révélation tardive !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Tel est notre choix
politique.
Il est vrai que, sur chaque fascicule budgétaire, nous devons prendre des
positions difficiles,...
M. René-Pierre Signé.
Mais pourquoi sur ce budget ?
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
... qui exigent un
certain courage.
Mais je veux demander aux deux ministres ici présents, que je remercie de
leurs explications, à la passion parfois foisonnante, s'ils ont bien lu, dans
les rapports, deux paragraphes que je vais essayer de résumer.
Dans le premier degré de l'enseignement scolaire public, entre la rentrée de
1992 et celle de 1997, l'effectif des élèves scolarisés a diminué de 227 000.
L'effectif des professeurs des écoles ou instituteurs n'a évidemment pas baissé
: il a légèrement augmenté.
Dans le second degré public, au cours de la même période, on a dénombré 20 500
élèves supplémentaires, soit une progression modérée. Face à cette légère
hausse, combien d'emplois ont été créés ? Eh bien, 12 050 emplois ont été créés
pour 20 500 élèves de plus !
Madame la ministre, monsieur le ministre, qui peut dire qu'entre ces deux
dates la situation de l'enseignement s'est améliorée ? Qui peut dire que les
élèves les plus faibles ont été mieux soutenus ? Qui peut dire que les
enseignements fondamentaux ont été mieux assurés ? Qui peut dire qu'il y a eu
moins de violences dans les classes ?
Je sais bien que la société a évolué, qu'un certain nombre de difficultés ont
surgi ou se sont amplifiées. C'est incontestable. Personne ne peut le nier.
Cependant, si je cite ces chiffres, c'est pour bien montrer - mais vous le
savez, madame la ministre, monsieur le ministre, et d'ailleurs, parfois, vous
le dites - qu'il ne suffit pas d'augmenter les moyens pour régler les
problèmes.
Je vous donne acte de vos efforts. Il est vrai que vous avez entrepris un
certain nombre d'actions, engagé quelques réformes, parmi lesquelles il en est
d'importantes.
Vous venez de dire que vous voulez aller plus loin. C'est en effet ce que nous
attendons de vous. Considérez le vote qui va être émis tout à l'heure, j'en
suis sûr, par la majorité du Sénat comme une incitation à aller effectivement
plus loin. Mais n'utilisez pas certains arguments comme celui qui voudrait
faire croire que ceux qui vont voter les amendements de la commission des
finances sont contre l'école publique. Non, ils ne sont pas contre l'école
publique ; ils veulent que l'école publique soit plus efficace.
Mme Hélène Luc.
Non !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Mais ils savent
qu'il ne suffit pas d'injecter des moyens supplémentaires pour la rendre plus
efficace. Tel est, essentiellement, le sens de leur vote.
En ce qui me concerne, je vais m'abstenir. Pourquoi ? Non pas, évidemment,
pour me désolidariser de la majorité sénatoriale, dont je comprends la
démarche, démarche à laquelle j'adhère, comme je viens de l'expliquer.
M. René-Pierre Signé.
Vous n'êtes pas très convaincant !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Peut-être, mon cher
collègue, mais en tout cas je suis convaincu !
M. René-Pierre Signé.
Quand on est convaincu, on est convaincant !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
On a beaucoup parlé
de la commission d'enquête, qui commencera ses travaux dans un peu plus d'une
semaine. Je vais avoir l'honneur de la présider puisque mes collègues m'ont
accordé leur confiance. Si je m'abstiens, ce soir, c'est pour une raison et une
seule : je ne veux pas avoir l'air de préjuger les résultats de cette
commission ; je ne veux pas que mon vote soit interprété comme un signal
négatif à l'égard des enseignants.
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Cette commission
d'enquête - je tiens à le redire ce soir - n'et pas une commission de défiance
à l'égard de quiconque. Nous espérons, madame, monsieur le ministre, que ses
conclusions nous permettront d'y voir plus clair. Elle a un seul objectif, si
je puis parler au nom de ses membres, c'est de faire progresser notre système
éducatif, de le rendre plus efficace, pour le plus grand bien des enfants de ce
pays.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Franck Sérusclat.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat.
J'ai écouté avec une très grande attention M. le président de la commission
des affaires culturelles. Il nous a dit qu'il s'abstiendrait sur cet
amendement. Il a également parlé de la nécessité de prévoir des moyens
importants pour l'adaptation de l'école à l'évolution de la société.
Or, en amputant les crédits de 4 milliards de francs, on réduit les
possibilités d'adapter l'enseignement à l'enfant pour qu'il soit en accord avec
cette société. Et je reviens aux ordinateurs !
Monsieur le ministre, vous avez présenté un certain nombre d'arguments pour
que l'école soit aussi adaptée que possible à la société. Aujourd'hui, ne pas
donner les moyens ou empêcher que ces moyens soient suffisants pour aborder
cette transformation profonde et nécessaire, par l'usage des outils numériques
dans l'école et à travers le cheminement qui doit être le sien, c'est-à-dire
depuis l'école maternelle jusqu'à la sortie du lycée, est déraisonnable.
Par conséquent, il faut non pas s'abstenir, mais voter contre cet amendement,
et ce sans option politique partisane. Diminuer de 4 milliards de francs ces
crédits est une décision politique partisane, et uniquement cela !
M. René-Pierre Signé.
Eh oui, c'est illogique !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-16, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des
finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
19:
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 310 |
Majorité absolue des suffrages | 156 |
Pour l'adoption | 211 |
Contre | 99 |
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre III.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 20. M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 20:
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 310 |
Majorité absolue des suffrages | 156 |
Pour l'adoption | 211 |
Contre | 99 |
« Titre IV : 2 154 481 711 francs. »
Par amendement n° II-17, M. Delong, au nom de la commission des finances,
propose de réduire ces crédits de 518 358 227 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Cet amendement a le même objet que le précédent :
apporter une contribution à l'effort de maîtrise des dépenses du budget de
l'Etat.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Au risque de surprendre le Sénat, le Gouvernement est défavorable à cet
amendement.
(Sourires.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-17.
M. Ivan Renar.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
J'insisterai brièvement sur deux points concernés par cet amendement, qui va
aggraver la situation.
Tout d'abord, seuls trente postes de médecins seront affectés à la santé
scolaire sur les quatre cents postes qui sont inscrits. C'est réellement trop
peu, quand on sait que, l'an passé, aucun poste de médecin n'a été créé.
Pourtant, selon le rapport du Haut Comité de la santé publique de 1997, il
faut créer des postes de médecins scolaires ayant reçu « une sensibilisation
pour l'ensemble de la communauté scolaire... ». Médecins scolaires,
infirmières, conseillers d'orientation, psychologues, assistantes sociales : le
suivi sanitaire et social des enfants et des jeunes est un tout et appelle un
renforcement significatif des équipes. Déjà, il faudrait aller plus loin que ce
que prévoit le projet de budget que nous examinons.
Ensuite, de nombreuses associations en charge d'enfants handicapés attirent
notre attention sur la nécessité de renforcer les efforts accomplis par le
ministère de l'éducation nationale en direction de ces enfants. La faiblesse
des structures - mais ce n'est pas là le seul facteur - le souci de
l'intégration et les trop rares expériences menées conduisent de plus en plus à
privilégier l'accueil de ces enfants au sein de l'école plutôt que dans le
cadre de structures spécialisées.
L'école républicaine, dont le fondement demeure l'ouverture à l'ensemble des
enfants, se doit de conforter ces demandes et d'y répondre chaque fois que
c'est possible.
Certes, cela impose des moyens particuliers, mais on peut être persuadé des
retombées positives de telles mesures de mixité pour l'ensemble de la
communauté éducative.
L'amendement va donc aggraver la situation non seulement dans le domaine de la
santé scolaire, déjà difficile, mais aussi sur le terrain, qui reste à
conquérir, de l'accueil des enfants handicapés. Donc, une fois non, deux fois
non, trois fois non !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Jean-Louis Carrère.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère.
Sans vouloir rallonger le débat, je souhaite vous faire part de mon
émotion.
Nous en sommes réduits, pour justifier une économie globale, à diminuer des
crédits permettant de financer des emplois-jeunes ! Cela devient carrément
pathétique ! Je ne suis pas sûr que le Sénat, pour lequel nous avons tous
respect et enthousiasme, sorte grandi d'une telle attitude.
Je fais appel à la sagesse de la Haute Assemblée. Je lui demande de réfléchir
et à ses auteurs de retirer cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° II-17, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des
finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ? ...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
21:
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 311 |
Majorité absolue des suffrages | 156 |
Pour l'adoption | 212 |
Contre | 99 |
Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre IV.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ? ...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 22:
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 311 |
Majorité absolue des suffrages | 156 |
Pour l'adoption | 212 |
Contre | 99 |
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 623 000 000 francs ; « Crédits de
paiement : 444 960 000 francs. »
Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 85 000 000 francs ; « Crédits de
paiement : 51 200 000 francs. »
Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
J'appelle en discussion l'article 79
ter
, qui est rattaché pour son
examen aux crédits de l'enseignement scolaire.
Article 79
ter
M. le président.
« Art. 79
ter
. - Les personnels en service au 1er janvier 1997 à
l'Ecole nationale des métiers du bâtiment (Felletin, Creuse) intégrée dans
l'enseignement public en application de la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959
sur les rapports entre l'Etat et les établissements d'enseignement privés qui
justifient au 1er janvier 1998 de services effectifs d'une durée équivalente à
un an au moins de services à temps complet pourront, à compter de cette date,
sur leur demande et dans la limite des emplois budgétaires créés à cet effet,
être nommés puis titularisés dans les corps correspondants de la fonction
publique.
« Un décret en Conseil d'Etat fixera les conditions d'intégration, de
vérification de l'aptitude professionnelle et de classement des personnels
intéressés. »
Je vais mettre aux voix l'article 79
ter.
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
J'imagine que beaucoup d'entre vous connaissent
l'Ecole nationale des métiers du bâtiment. La région a pris une bonne décision
en lui conférant le statut d'établissement public et en en tirant les
conséquences pour le personnel. Je vous invite donc, mes chers collègues, à
voter cet article.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Le Gouvernement est favorable à cet article !
(Sourires.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 79
ter
.
(L'article 79
ter
est adopté.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant l'enseignement scolaire.
8
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui, samedi 28 novembre 1998, à dix heures trente, quinze
heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1999, adopté par
l'Assemblée nationale (n°s 65 et 66, 1998-1999).
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du
contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Budget annexe des Monnaies et médailles :
Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur spécial (rapport n° 66, annexe n° 41).
Economie, finances et industrie :
I. - Charges communes et articles 77 et 78 et comptes spéciaux du Trésor
(articles 51 à 53, 53
bis
, 54 à 58) :
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra, rapporteur spécial (Charges communes,
rapport n° 66, annexe n° 10) ;
M. Paul Loridant, rapporteur spécial (Comptes spéciaux du Trésor, rapport n°
66, annexe n° 45).
II. - Services communs et finances (et consommation) :
M. Bernard Angels, rapporteur spécial (services financiers, rapport n° 66,
annexe n° 11) ;
Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (consommation et concurrence, avis n° 68, tome IX).
III. - Industrie (et Poste) :
M. Jean Clouet, rapporteur spécial (rapport n° 66, annexe n° 12) ;
M. Francis Grignon, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (industrie, avis n° 68, tome V) ;
M. Jean Besson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
et du Plan (énergie, avis n° 68, tome VI) ;
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (technologies de l'information et Poste, avis n° 68,
tome XXI).
IV. - Petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat (et article n°
79) :
M. René Ballayer, rapporteur spécial (rapport n° 66, annexe n° 13) ;
M. Jean-Jacques Robert, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (avis n° 68, tome VIII).
Commerce extérieur :
M. Marc Massion, rapporteur spécial (rapport n° 66, annexe n° 14) ;
M. Michel Souplet, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (avis n° 68, tome X).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu
pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits
budgétaires pour le projet de loi de finances pour 1999
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires
et articles rattachés du projet de loi de finances pour 1999 est fixé à la
veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie,
non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 1999
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième
partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour
1999, est fixé au vendredi 4 décembre 1998, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le samedi 28 novembre 1998, à une heure vingt.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du vendredi 27 novembre 1998
SCRUTIN (n° 19)
sur l'amendement n° II-16, présenté par M. Jacques-Richard Delong, au nom de la
commission des finances, tendant à réduire les crédits du titre III de l'état B
du projet de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale
(budget de l'Education nationale, recherche et technologie. - I. - Enseignement
scolaire).
Nombre de votants : | 319 |
Nombre de suffrages exprimés : | 310 |
Pour : | 211 |
Contre : | 99 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
13.
Contre :
4. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer et
Yvon Collin.
Abstentions :
5. _ MM. Georges Berchet, Pierre Jeambrun, Pierre
Laffitte, Georges Othily et Jacques Pelletier.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
96.
Abstention :
1. _ M. Adrien Gouteyron.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ MM. Christian Poncelet, président du
Sénat, et Gérard Larcher, qui présidait la séance.
GROUPE SOCIALISTE (78) :
Contre :
78.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
49.
Abstentions :
3. _ MM. Jean Bernadaux, André Bohl et Francis
Grignon.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :
Pour :
47.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Pour :
6.
Contre :
1. _ M. Gérard Delfau.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Ont voté contre
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Abstentions
MM. Georges Berchet, Jean Bernadaux, André Bohl, Adrien Gouteyron, Francis
Grignon, Pierre Jeambrun, Pierre Laffitte, Georges Othily et Jacques
Pelletier.
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Gérard Larcher, qui présidait
la séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification,
conformes à la liste de scrutin ci-dessus.
SCRUTIN (n° 20)
sur le titre III de l'état B du projet de loi de finances pour 1999, adopté
par l'Assemblée nationale (budget de l'Education nationale, de la recherche et
technologie. - I. - Enseignement scolaire).
Nombre de votants : | 319 |
Nombre de suffrages exprimés : | 310 |
Pour : | 211 |
Contre : | 99 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
13.
Contre :
4. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer et
Yvon Collin.
Abstentions :
5. _ MM. Georges Berchet, Pierre Jeambrun, Pierre
Laffitte, Georges Othily et Jacques Pelletier.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
96.
Abstention :
1. _ M. Adrien Gouteyron.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ MM. Christian Poncelet, président du
Sénat, et Gérard Larcher, qui présidait la séance.
GROUPE SOCIALISTE (78) :
Contre :
78.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
49.
Abstentions :
3. _ MM. Jean Bernadaux, André Bohl et Francis
Grignon.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :
Pour :
47.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Pour :
6.
Contre :
1. _ M. Gérard Delfau.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Ont voté contre
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Abstentions
MM. Georges Berchet, Jean Bernadaux, André Bohl, Adrien Gouteyron, Francis
Grignon, Pierre Jeambrun, Pierre Laffitte, Georges Othily et Jacques
Pelletier.
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Gérard Larcher, qui présidait
la séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes
à la liste de scrutin ci-dessus.
SCRUTIN (n° 21)
sur l'amendement n° II-17, présenté par M. Jacques-Richard Delong, au nom de la
commission des finances, tendant à réduire les crédits du titre IV de l'état B
du projet de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale
(budget de l'Education nationale, recherche et technologie. - I. - Enseignement
scolaire).
Nombre de votants : | 319 |
Nombre de suffrages exprimés : | 311 |
Pour : | 212 |
Contre : | 99 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
13.
Contre :
4. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer et
Yvon Collin.
Abstentions :
5. _ MM. Georges Berchet, Pierre Jeambrun, Pierre
Laffitte, Georges Othily et Jacques Pelletier.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
96.
Abstention :
1. _ M. Adrien Gouteyron.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ MM. Christian Poncelet, président du
Sénat, Gérard Larcher, qui présidait la séance.
GROUPE SOCIALISTE (78) :
Contre :
78.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
50.
Abstentions :
2. _ MM. Jean Bernadaux et Francis Grignon.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :
Pour :
47.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Pour :
6.
Contre :
1. _ M. Gérard Delfau.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Ont voté contre
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Abstentions
MM. Georges Berchet, Jean Bernadaux, Adrien Gouteyron, Francis Grignon, Pierre
Jeambrun, Pierre Laffitte, Georges Othily et Jacques Pelletier.
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Gérard Larcher, qui présidait
la séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes
à la liste de scrutin ci-dessus.
SCRUTIN (n° 22)
sur le titre IV de l'état B du projet de loi de finances pour 1999, adopté par
l'Assemblée nationale (budget de l'Education nationale, de la recherche et
technologie. - I. - Enseignement scolaire).
Nombre de votants : | 319 |
Nombre de suffrages exprimés : | 311 |
Pour : | 212 |
Contre : | 99 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
13.
Contre :
4. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer et
Yvon Collin.
Abstentions :
5. _ MM. Georges Berchet, Pierre Jeambrun, Pierre
Laffitte, Georges Othily et Jacques Pelletier.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
96.
Abstention :
1. _ M. Adrien Gouteyron.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ MM. Christian Poncelet, président du
Sénat, Gérard Larcher, qui présidait la séance.
GROUPE SOCIALISTE (78) :
Contre :
78.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
50.
Abstentions :
2. _ MM. Jean Bernadaux et Francis Grignon.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :
Pour :
47.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Pour :
6.
Contre :
1. _ M. Gérard Delfau.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Ont voté contre
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Abstentions
MM. Georges Berchet, Jean Bernadaux, Adrien Gouteyron, Francis Grignon, Pierre
Jeambrun, Pierre Laffitte, Georges Othily et Jacques Pelletier.
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Gérard Larcher, qui présidait
la séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes
à la liste de scrutin ci-dessus.