Séance du 25 novembre 1998
M. le président. « Art. 23. - I. - L'article 790 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 790 . - Les donations effectuées conformément aux dispositions du code civil bénéficient sur les droits liquidés en application des dispositions des articles 777 et suivants d'une réduction de 50 % lorsque le donateur est âgé de moins de soixante-cinq ans et de 30 % lorsque le donateur a soixante-cinq ans révolus et moins de soixante-quinze ans. »
« II. - Les dispositions du I sont applicables aux donations consenties par actes passés à compter du 1er septembre 1998.
« Toutefois, les donations-partages et les donations par deux parents, ou l'un d'entre eux, à leur enfant unique consenties conformément aux dispositions du code civil et par actes passés avant le 1er janvier 1999 bénéficient d'une réduction de 35 % lorsque le donateur est âgé de soixante-cinq ans révolus et de moins de soixante-quinze ans. »
Par amendement n° I-236, M. Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans le texte présenté par le I de cet article pour l'article 790 du code général des impôts, après les mots : « les donations », d'insérer les mots : « en pleine propriété ».
La parole est à M. Massion.
M. Marc Massion. Le présent article a pour objet de favoriser les transmissions anticipées de patrimoine, particulièrement pour les entreprises.
C'est une bonne initiative, à condition toutefois que, dans le même temps, un réel transfert du pouvoir de décision soit effectivement réalisé. Malheureusement, force est de constater que, dans les faits, ce type d'incitation manque souvent son objectif.
En effet, on constate, notamment dans les entreprises, des pratiques qui consistent à « donner sans donner ». C'est ainsi que fleurissent nombre d'ouvrages, de séminaires de formation, de conseils ou d'orientations sur ce sujet. On y trouve pêle-mêle les thèmes suivants : « Comment utiliser la société holding pour transmettre au mieux vos activités ? », ou encore : « Le démembrement de propriété et les structures sociétaires comme outils incontournables en matière de transmission de patrimoine ».
Il en ressort que, en combinant démembrement de propriété et constitution de société holding, il est possible à un chef d'entreprise de transmettre la nue-propriété de ses actifs tout en conservant les revenus et le pouvoir dans l'entreprise.
De cette manière, il est possible de profiter des avantages de la réduction des droits de succession sans transmettre véritablement l'entreprise et sans préparer utilement sa succession.
L'objet de l'amendement que nous présentons est de prévoir que les réductions de droit ne soient accordées qu'en cas de transmission de la propriété pleine et entière des biens transmis. Ainsi, l'avantage offert permettrait d'atteindre l'objectif escompté d'une vraie transmission et non plus, comme c'est le cas aujourd'hui, de constituer un effet d'aubaine pour le contribuable donateur sans entraîner d'effet économique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission est défavorable à l'amendement n° I-236, car il lui semble que, dans certains cas d'aménagement anticipé d'une succession, il peut être utile, dans un processus de transmission progressif des responsabilités, d'effectuer des donations qui ne soient pas des donations en pleine propriété ou comportant tous les éléments de la pleine propriété.
L'amendement n° I-236 contredit les intentions qui fondent, d'ailleurs opportunément, la mesure gouvernementale qui nous est proposée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. L'article 23 a pour objet d'encourager la transmission anticipée d'entreprise, ce qui, dans nombre de cas, est plutôt favorable à l'emploi.
La rédaction du Gouvernement n'opère pas de distinction entre les donations en pleine propriété - c'est ce que souhaite préciser M. Massion - ou seulement en nue-propriété.
Le Gouvernement souhaite faciliter la transmission des entreprises. L'objectif poursuivi est de faire en sorte que le plus grand nombre de chefs d'entreprise, âgés de moins de soixante-cinq ans ou a fortiori âgés de soixante-cinq à soixante-quinze ans, puissent transmettre, s'ils le souhaitent, qu'elle soit nue ou qu'elle soit pleine, l'entreprise dont ils sont les propriétaires.
Or l'amendement n° I-236 est trop restrictif et risque d'atténuer la portée et le bénéfice de la disposition qui est proposée. C'est pourquoi je demande à son auteur de bien vouloir le retirer.
M. le président. Monsieur Massion, l'amendement n° I-236 est-il maintenu ?
M. Marc Massion. Je tiens d'abord à remercier M. le secrétaire d'Etat de sa réponse, qui ne nous surprend pas. (Sourires.)
Je comprends le souci du Gouvernement de ne pas freiner les transmissions de patrimoine, en particulier des entreprises.
Je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° I-236 est retiré.
Par amendement n° I-237, M. Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de compléter le texte présenté par le I de l'article 23 pour l'article 790 du code général des impôts par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les donations concernent des actions ou parts de sociétés, les réductions ne s'appliquent que si elles donnent droit à la pleine propriété des actifs qu'elles représentent, directement ou indirectement. »
La parole est à M. Massion.
M. Marc Massion. Il s'agissait d'un amendement de conséquence de l'amendement n° I-236 ; bien entendu, je le retire.
M. le président. L'amendement n° I-237 est retiré.
Par amendement n° I-238, M. Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de compléter le texte présenté par le I de l'article 23 pour l'article 790 du code général des impôts par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, ces réductions de droits de mutation à titre gratuit ne sont pas applicables aux donations de sommes d'argent dont le donateur s'est réservé l'usufruit. »
La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. Cet amendement poursuit le même objectif que l'amendement n° I-236, présenté par mon ami Marc Massion. Simplement, il est de moindre portée et doit être considéré, en conséquence, comme un amendement de repli pouvant toutefois être qualifié d'« amendement de moralisation ».
Il n'y a aucune justification en effet, sauf à permettre à certains contribuables de bénéficier d'effet d'aubaine, d'offrir des réductions de droits à ceux qui réalisisent des donations d'argent, bien souvent d'ailleurs afin d'échapper à l'impôt.
Je rappelle qu'il existe un dispositif fiscal permettant de prévoir des abattements sur donations anticipées réalisées tous les dix ans. C'est amplement suffisant pour ne pas en faire plus.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nos collègues appellent l'attention du Sénat sur une étrangeté juridique, sans doute assez ancienne : je n'ai pas recherché l'origine de cette disposition, mais elle ne date certainement pas d'hier.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Il faut consulter M. Charasse !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui, M. Charasse est certainement mieux documenté que les services de la commission ! (Sourires.)
Le code civil, dans son article 587, autorise les donateurs à conserver l'usufruit de sommes en numéraire qu'ils ont données. Une telle libéralité conduit certains contribuables à procéder à des donations anticipées d'argent en nue-propriété, à seule fin, apparemment, de bénéficier de la franchise d'impôt de 300 000 francs tous les dix ans. C'est ce dont ces donateurs semblent soupçonnés.
L'article 23 ayant pour objet, dans la rédaction du Gouvernement, d'encourager les donations anticipées d'entreprise, il paraît en effet légitime de ne pas faire bénéficier des dispositions qu'il prévoit les donations de sommes d'argent.
Je crois que ce n'était pas l'objectif visé par votre dispositif, monsieur le secrétaire d'Etat, surtout si ces donations ne sont qu'un aménagement ne se traduisant finalement pas par une transmission réelle du patrimoine.
Tout cela me conduit à solliciter l'avis du Gouvernement et à lui demander s'il confirme mon analyse.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Comme l'a dit M. le rapporteur général, l'amendement défendu par M. Angels et présenté par le groupe socialiste est particulièrement judicieux, puisqu'il vise une situation assez paradoxale où une personne quelque peu fortunée donnerait une somme d'argent à son fils ou à sa fille tout en percevant, dans certains cas, les intérêts produits par cette somme. M. Angels l'a dit avec clarté et M. le rapporteur général l'a confirmé : il s'agit purement et simplement d'évasion fiscale,...
M. Jean-Philippe Lachenaud. Pas du tout !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... et cela n'a absolument aucun lien avec la transmission anticipée d'entreprise qui, elle, a une justification en termes d'emploi.
Si les personnes en cause veulent donner des sommes d'argent, par exemple à leurs enfants, en pleine propriété, alors ils bénéficient des droits réduits de mutation ; mais s'ils donnent cet argent en en gardant le produit, alors, je trouve l'amendement de M. Angels particulièrement judicieux. Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-238.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je ne comprends pas l'esprit de cet amendement...
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est un esprit de justice !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Mais je suis capable d'entendre l'esprit de justice...
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je n'en doute pas !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. ... et de m'y convertir, monsieur le secrétaire d'Etat, encore faut-il que cela me soit expliqué, et l'explication que vous avez donnée est sans doute excellente, mais elle est insuffisante pour moi. Comme je suis perfectible - en tout cas, je crois l'être - sans doute, avec les précisions complémentaires que vous ne manquerez pas de m'apporter, me convertirez-vous !
A ce que j'ai compris du patrimoine des Français, c'est qu'il pouvait être liquide ou ne pas l'être. En entendant M. le secrétaire d'Etat, j'ai eu le sentiment que le patrimoine qui n'est pas liquide serait noble et respectable et que le patrimoine liquide le serait moins.
Est-il suspect qu'un contribuable décide de procéder de manière officielle à une donation de sommes d'argent à son descendant, qu'il la fasse enregistrer et qu'il acquitte les droits de mutation ? Est-ce suspect ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Cette suspicion m'étonne ! Si l'amendement n° I-238 est adopté, que va-t-il se passer ? C'est très simple : ceux qui disposent d'un patrimoine liquide seront tentés de le transmettre sans faire de donation officielle, et ils échapperont au paiement de l'impôt !
En quelles circonstances des donations de sommes d'argent se produisent-elles ? Tout simplement, lorsque les parents, par exemple, réalisent un bien immobilier dont ils n'ont plus besoin et dont ils savent, par avance, que leurs enfants n'en seront jamais les utilisateurs.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Evidemment !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Ils réalisent donc ce patrimoine immobilier et c'est l'occasion pour eux de transmettre le patrimoine qui est ainsi devenu liquide à leurs enfants. Mais il peut se faire que ces personnes aient besoin des revenus de ce patrimoine ; ils vont donc effectuer une donation en nue-propriété de sommes d'argent qui donnera lieu à la perception de droits réduits de mutation, et qui sera soumise à la progressivité des droits de successions.
Je vois quelque paradoxe à pénaliser en quelque sorte la donation en nue-propriété de sommes d'argent, dès lors qu'une transmission de sommes d'argent peut se faire de la main à la main entre donateur et donataire - chacun sait ce qu'est un don manuel - en échappant à l'impôt sur les successions.
Je partage, monsieur le secrétaire d'Etat, le souci de justice que vous avez exprimé : comme vous, je souhaite que tous les Français soient soumis au même impôt et je ne trouverais donc pas normal que telle catégorie de biens supporte des droits de succession quand telle autre n'en supporte pas. Or, avec cette disposition, on risque tout simplement de tenter les détenteurs d'argent liquide de le soustraire à l'impôt sur les successions.
L'intention de M. Angels est certainement tout à fait pure, mais elle aura l'effet contraire de l'effet recherché.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je remercie beaucoup M. le président de la commission des finances de s'être exprimé avec autant de clarté.
Il y a deux cas bien distincts, et vous les avez précisés, monsieur Lambert.
Le premier cas est celui où, après avoir vendu un bien, le père devenu vieux, comme disait La Fontaine, donne une somme d'argent à ses enfants. Là, il n'y a absolument aucun problème : les droits de mutation sont réduits.
Le second cas est un peu plus bizarre : une personne qui dispose de liquidités, par exemple parce qu'elle a vendu un bien, donne cet argent à un de ses enfants non pas pour acheter un appartement ou un cabinet de notaire...
M. Alain Lambert président de la commission des finances. Une étude ! (Sourires.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... Excusez-moi : une étude de notaire ou autre chose, et elle demande au donataire de ne surtout rien faire de cet argent et, parfois, de lui en reverser les intérêts.
Quel est vraiment l'intérêt de donner de l'argent si on en récupère aussitôt les intérêts ?
M. Jean-Philippe Lachenaud. Mais pas le capital !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Même si on donne le capital et qu'on garde par devers soi les intérêts, ce serait choquant !
Celui qui reçoit de l'argent dont il ne peut rien faire, dont il ne doit pas profiter doit en avoir peu de plaisir et peu d'intérêt !
Je crois donc qu'il y a une difficulté. Je ne dis pas que tous ceux qui font cela obéissent à des motifs d'évasion fiscale, mais leur motivation est certainement moins claire que dans une transmission par anticipation d'un peu de patrimoine à des enfants qui ont besoin de capital pour démarrer dans la vie.
Les dons en argent ne sont pas en cause, et il ne s'agit là que d'un aspect particulier, mais qui me semble significatif.
M. le président de la commission, vous dites que, si les droits de mutation sont à taux plein, il y aura des dons manuels. Mais, s'il y a dons manuels, il n'y aura plus de constitution d'usufruit et le dispositif ne fonctionnera plus.
Selon moi, il ne s'agit pas là d'une querelle théologique sur les biens liquides et les biens solides, les biens mobiliers et les biens immobiliers. L'amendement déposé par le groupe socialiste a simplement pour objet de colmater une brèche dans une paroi. Les possibilités d'évasion fiscale sont de moins en moins nombreuses, mais la paroi se fendille tous les jours.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Pardonnez-moi d'abuser de ma fonction pour parler à nouveau, après M. le sécrétaire d'Etat, mais il s'agit de trouver une solution qui nous permette d'élaborer une bonne législation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je négligerai l'exemple que vous avez donné, le réinvestissement, parce que je ne crois pas que le bien dont vous avez parlé soit le plus courant sur le marché et je reviendrai aux choses essentielles.
Nous sommes partis d'un exemple : des parents détenteurs d'un patrimoine immobilier le réalisent et choisissent de répartir le produit de cette vente entre leurs enfants. Pourquoi le font-ils à ce moment-là ? Peut-être préfèrent-ils payer les droits de mutation par avance - ce qui dégage une rentrée fiscale anticipée pour l'Etat - parce qu'ils craignent une augmentation des taux des droits de succession dans les années qui viennent. Leur souhait d'acquitter immédiatement les droits de succession peut donc être tout à fait naturel.
Lorsque ces personnes étaient propriétaires du bien immobilier, personne ne trouvait choquant qu'elles donnent simplement la nue-propriété et qu'elles se réservent l'usufruit. Dès lors que le bien est vendu, certains n'acceptent pas qu'elles puissent transférer simplement la nue-propriété de la somme d'argent et qu'elles s'en réservent l'usufruit. Cette attitude est tout à fait étonnante puisqu'il en résulterait en effet que les biens seraient soumis à un régime différent selon qu'il s'agirait de biens immobiliers ou d'une somme d'argent.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous prie de le croire, il n'y a aucun risque, au contraire, et il est tout à fait souhaitable de permettre que tous les détenteurs de patrimoine liquide soient tentés de transmettre celui-ci à leurs enfants de manière officielle et en acquittant les droits de succession.
Si cette somme d'argent est donnée et que les parents en conservent l'usufruit, elle pourra être employée, dans un portefeuille d'obligations, par exemple, dans un nouvel immeuble - pourquoi pas ? - l'usufruit conservé par les parents se reportant sur le bien acquis et la nue-propriété sur les enfants. Ce réemploi va donc rendre tout à fait naturelle la fiscalité appliquée à l'occasion de la transmission.
Mes chers collègues - et j'en termine par là, car j'imagine que cette discussion vous agace profondément... (Mais non ! sur de nombreuses travées), voici ce qui me paraît surprenant dans l'amendement de M. Angels : pour un bien immobilier, il considère que la transmission en nue-propriété seulement est parfaitement naturelle ; en revanche, pour un bien liquide, il estime que ce n'est plus possible ; par un ailleurs, lorsque le bien redevient immobilier à l'occasion d'un emploi, il accepte tout à fait que la transmission s'opère en nue propriété seulement. Cette incohérence ne résistera pas à l'analyse. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Observons que, sur l'article 23, nous avons assisté, d'une part, à la demande de retrait des deux premiers amendements présentés par le groupe socialiste et, d'autre part, à l'acceptation de ce troisième amendement. C'est une surprise. Certains pourraient même dire que c'est un accommodement vis-à-vis de la majorité. (Protestations sur les travées socialistes.)
Nous constatons que cela s'est passé comme cela !
Ce serait un amendement de repli. Mais il ne s'agit pas du tout de repli stratégique, et cette volonté d'apparente moralisation me rappelle le proverbe : « Qui veut faire l'ange, fait la bête. »
Les arguments présentés par M. le président de la commission des finances sont en effet tout à fait convaincants.
Premièrement, le dispositif proposé est d'une irréalité économique, familiale et sociale évidente. Mes chers collègues, souvenez-vous de cette enquête parue dans l'hebdomadaire Le Point voilà quelques mois et qui montrait comment, notamment dans des milieux à revenus modestes, les parents et les grands-parents aidaient, par le mécanisme des donations, leurs enfants à se lancer dans la vie, ouvrir un petit commerce, créer une entreprise artisanale, engager une formation professionnelle continue, complémentaire et parfois coûteuse.
Pénaliser une telle possibilité sur le plan fiscal me paraît tout à fait contraire à la mise en oeuvre de la solidarité entre générations, qui s'exerce tellement aujourd'hui.
Par ailleurs, cette discrimination serait une atteinte au droit de propriété.
Le code civil a bien prévu la transmission des biens, soit en pleine propriété soit en distinguant l'usufruit et la nue-propriété. Si on les traite différemment sur le plan fiscal et si l'on pénalise la transmission en nue-propriété, on opère une discrimination et on affaiblit le libre exercice du droit de propriété.
Je considère que cet amendement réduit la liberté pour le propriétaire de disposer de son patrimoine.
En outre, sur le plan financier - et je rejoins entièrement le président de la commission des finances sur ce point, l'opération n'est pas neutre. Vous dites, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'enfant ne reçoit rien. Si, il reçoit le capital et il donne l'usufruit, qui peut être assimilé à un intérêt versé à ses parents ou à ses grands-parents. Dans ce cas-là, une déclaration est faite à l'administration fiscale et il y a imposition ou non.
Pour notre part, nous estimons, puisque nous approuvons l'esprit général du texte et des articles que nous examinons actuellement, qu'il ne doit pas y avoir d'imposition, puisque, en l'occurrence, c'est équivalent à un prêt. Mais l'enfant dispose du capital.
Je ne vois pas comment vous pouvez dire que c'est à la fois donner et reprendre. Non, ce n'est pas le cas ! Il y a une véritable donation, une véritable mutation et une possibilité d'action pour les enfants à partir de ce don déclaré qui est, dans certains cas, imposé et, dans d'autres non et qui est une pratique très fréquente et très utile pour le développement de la société.
C'est pourquoi, personnellement, je voterai contre cet amendement. (MM. Machet et Hoeffel applaudissent.)
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je voterai naturellement l'amendement n° I-238. Mais, monsieur Lachenaud, en poussant votre raisonnement jusqu'au bout, si les enfants choisissent de verser une pension alimentaire, celle-ci est imposable et ils ne bénéficient d'aucun avantage. Pourquoi voulez-vous que, lorsqu'ils choisissent l'autre formule, ils en retirent un avantage. Mais ce n'est pas le débat, et je ne le prolongerai pas.
Toutefois, puisque M. le secrétaire d'Etat et M. le rapporteur général m'ont amicalement taquiné, je leur signale que le don d'argent avec réserve d'usufruit a été validé par la Cour de cassation réunie en chamble civile : arrêt Abbé Brecq du 11 août 1880. (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° I-238, repoussé par la commission et accepté par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ? ...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 13:
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 314 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour l'adoption | 98 |
Contre | 206 |
Par amendement n° I-18, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose :
A. - De compléter le premier alinéa du II de l'article 23 par une phrase ainsi rédigée :
« Pour les donations effectuées entre le 7 octobre 1998 et le 31 décembre 1999, une réduction de 30 % est appliquée sans limite d'âge. »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant des dispositions du paragraphe A ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« III. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'extension temporaire du taux de 30 % à toutes les donations est compensée, à due concurrence, par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement est moins complexe que les précédents et nécessitera moins de recherches juridiques et historiques !
Afin d'encourager la transmission des entreprises, cet amendement vise à étendre temporairement le taux de réduction de 30 % sur les droits de mutation à toutes les donations, quel que soit l'âge du donateur.
Cette disposition ne serait toutefois applicable que pendant un an, jusqu'au 31 décembre 1999.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Cet amendement se situe dans le droit-fil du débat qui a eu lieu à l'Assemblée nationale.
Les députés ont en effet adopté un amendement qui portait le taux de réduction des droits à 50 %, sans condition d'âge, et cela jusqu'au 31 décembre 1999. Mais il a été abandonné lors de la seconde délibération.
Sans s'opposer au principe de cette disposition, le Gouvernement avait estimé qu'elle n'était admissible qu'au taux de 30 %, qui, je le rappelle, est applicable lorsque le donateur est âgé de soixante-cinq à soixante-quinze ans.
Votre proposition reprenant ce taux de 30 %, le Gouvernement reste cohérent avec la position qu'il avait adoptée à l'Assemblée nationale.
Toutefois, monsieur le rapporteur général, un point pose problème : la disposition ne peut être appliquée à compter du 7 octobre 1998.
M. Michel Charasse. Eh oui !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je vous demande donc, pour accepter votre amendement, dans un esprit républicain, de substituer la date du 25 novembre 1998, c'est-à-dire celle d'aujourd'hui, à la date du 7 octobre 1998, qui figurait dans le texte initial.
Sous cette réserve, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, acceptez-vous de modifier votre amendement en ce sens ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'accepte bien volontiers cette rectification, et je me réjouis de cette avancée.
M. le président. Monsieur le secrétaire d'Etat, levez-vous le gage ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Oui, monsieur le président.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° I-18 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, et tendant à compléter le premier alinéa du II de l'article 23 par une phrase ainsi rédigée :
« Pour les donations effectuées entre le 25 novembre 1998 et le 31 décembre 1999, une réduction de 30 % est appliquée sans limite d'âge. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-18 rectifié, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?
Je mets aux voix l'article 23, ainsi modifié.
(L'article 23 est adopté.)
M. le président. Je vous rappelle, mes chers collègues, que l'article 24 a été réservé.
Article additionnel après l'article 24