Séance du 24 novembre 1998
M. le président. « Art. 19. - I. - A l'article 279 du code général des impôts, il est rétabli un b decies ainsi rédigé :
« b decies. Les abonnements relatifs aux livraisons d'électricité et de gaz combustible, distribués par réseaux publics ; ».
« II. - Au 2° du 1 du I de l'article 297 du code général des impôts, la référence : " b nonies " est remplacée par la référence : " b decies ". »
Sur l'article, la parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. Toutes les études le montrent, la TVA n'est pas un impôt satisfaisant du point de vue de la redistribution. D'après les conclusions du rapport du Conseil des impôts de 1983, « la TVA est globalement dégressive par rapport au revenu brut ». Le rapport Ducamin arrivait à la même conclusion : « Le poids du prélèvement indirect apparaît décroissant en fonction du revenu des ménages. » On y constatait également que « les impôts indirects sont d'autant plus lourds que la taille du ménage est importante ».
Enfin, une étude de l'INSEE datant de 1997 montrait que les prélèvements indirects représentaient 7 % des revenus pour les ménages les plus aisés et 13 % pour les plus défavorisés.J'ai rappelé ces éléments, pour montrer que, s'il y a un impôt à réduire, c'est bien la TVA. C'est pourquoi, à l'inverse de nos collègues de la majorité sénatoriale, c'est sur cet impôt, et non pas sur l'impôt sur le revenu, que nous souhaitons mettre l'accent pour réduire les impôts d'Etat.
Parmi les différentes possibilités de réduction du poids de cet impôt, la meilleure réside dans le passage au taux réduit de la TVA sur les produits de première nécessité. En effet, du fait de son coût financier - plus de 30 milliards de francs par point - et du risque de répercussion seulement partielle sur les prix à la consommation, il n'est pas opportun de revenir dès aujourd'hui sur l'augmentation fâcheuse du taux de TVA normal réalisé en 1995 par le gouvernement de M. Juppé.
Je rappelle que, lors de la discussion de la loi de finances pour 1998, les travaux d'amélioration, de transformation ou d'aménagement réalisés dans les logements sociaux à usage locatif étaient passés au taux réduit. Le projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier avait également étendu le taux réduit de TVA à la construction et aux travaux sur les logements-foyers.
Aujourd'hui, le Gouvernement propose le passage au taux réduit des abonnements d'électricité et de gaz, de la collecte et du traitement des déchets faisant l'objet d'un tri sélectif, de certains appareillages pour handicapés ainsi que des travaux d'amélioration réalisés par les bailleurs de logements sociaux privés.
Il a, de surcroît, annoncé qu'il demanderait à la Commission européenne d'élargir la liste des produits et services pouvant être soumis au taux réduit, déclarant que la baisse de la TVA se poursuivrait les prochaines années.
Ces choix sont les bons, et nous les soutenons, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. le président. La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. L'article 19 vise à instituer et - nous tenons à le souligner de façon liminaire - une mesure dont nous réclamons depuis plusieurs années l'application.
Vous ne pourrez donc, pour le coup, que prendre en compte notre satisfaction devant l'annonce de cette mesure tout à fait favorable aux ménages et, en partie aussi, aux entreprises.
Lors du relèvement du taux normal de la TVA appliquée aux abonnements EDF-GDF, nous avions en effet fait part de notre opposition à une mesure dont il est aujourd'hui démontré qu'elle pouvait être rapportée.
Nous eussions cependant préféré que même la démarche qui a animé le Gouvernement sur cette question l'amène jusqu'à la mise en place d'un quota de consommation individuelle soumis au taux réduit pour chacun des abonnés. Mais cela ne semble pas encore possible. J'indique pourtant, afin que nul ne l'ignore ou ne l'oublie, que l'article 14 du projet de loi relatif à la taxe intérieure sur les produits pétroliers rompt avec la règle propre de non-déductibilité des droits d'accises en mettant en place un contingent de consommation de gazole pour les professionnels, contingent dont la « philosophie », si l'on peut dire, est assez proche de ce que nous souhaitons voir appliquer pour les consommateurs.
S'agissant de l'imputation de la TVA sur les factures des usagers du service public de l'électricité et du gaz, permettez-moi ici de souligner que, de par l'existence de deux monopoles publics de distribution, nous sommes clairement assurés aujourd'hui de l'impact immédiat sur les tarifs à la clientèle de la mesure dont nous débattons.
Vous nous permettrez donc à ce titre de mettre une nouvelle fois en évidence le fait que l'ouverture éventuelle des marchés de distribution du gaz et de l'électricité ne constitue pas nécessairement la solution la plus adaptée à la situation. Il est encore temps, de notre point de vue, de faire en sorte que les vertus du service public à la française soient défendues à l'échelon européen et puissent nettement imprégner la logique de fonctionnement des services publics conçue au travers des directives.
L'efficacité de nos deux opérateurs n'est en effet plus à prouver. Qui plus est, une part importante de l'indépendance énergétique du pays réside dans les efforts et le fruit des investissements qu'ils ont pu réaliser depuis plus de cinquante ans.
Cette donnée ne peut et ne doit, au moment de l'examen de cet article, être oubliée.
M. le président. Sur l'article 19, je suis saisi de huit amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-179, MM. Oudin, Besse, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Gaillard, Haenel, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent :
A. - De rédiger ainsi le texte présenté par le I de l'article 19 pour le b decies de l'article 279 du code général des impôts :
« b decies . Les abonnements et les livraisons d'électricité et de gaz combustible distribués par réseaux publics ; ».
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant de l'application du A ci-dessus, de compléter l'article 19 par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... . - La perte de recettes résultant de l'extension de l'assujettissement au taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée est compensée à due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-152, M. Revol propose :
A. - De rédiger comme suit le texte présenté par le I de l'article 19 pour le b decies de l'article 279 du code général des impôts :
« b decies . La fourniture de gaz et d'électricité :
« 1° les abonnements relatifs aux livraisons d'électricité et de gaz combustible, distribués par réseaux publics ; »
« 2° la location de citernes de gaz butane et propane. »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant du A ci-dessus, de compléter l'article 19 par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... . - La perte de recettes qui résulte pour l'Etat de l'extension du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée à la location de citerne de gaz butane et propane est compensée à due concurrence par une augmentation des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-111, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent :
A. - De rédiger comme suit le texte présenté par le I de l'article 19 pour le b decies à insérer dans l'article 279 du code général des impôts :
« b decies . Les abonnements relatifs aux livraisons d'électricité, de gaz combustible et d'énergie calorifique distribués par réseaux publics. »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant de l'application du A ci-dessus, de compléter l'article 19 par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... . - La perte de recettes résultant de l'abaissement du taux de TVA sur les abonnements aux réseaux de chaleur est compensée par le relèvement à due concurrence du taux du prélèvement libératoire prévu à l'article 200 A du code général des impôts. »
Les deux amendements suivants sont identiques.
Le premier, n° I-153, est présenté par Mmes Bardou et Heinis, M. Revet et les membres du groupe des Républicains et Indépendants.
Le second, n° I-180, est déposé par MM. Oudin, Besse, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Gaillard, Haenel, Joyandet, Ostermann et Trégouët.
Tous deux tendent :
A. - A rédiger ainsi le texte proposé par le I de l'article 19 pour le b decies de l'article 279 du code général des impôts :
« b decies . Les abonnements relatifs aux livraisons d'électricité, de gaz combustible et d'énergie calorifique, distribués par réseaux publics ; »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant de l'application du A ci-dessus, à compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... . - La perte de recettes résultant de l'extension de l'assujettissement au taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée est compensée à due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-226, M. Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent :
A. - Dans le texte présenté par le I de l'article 19 pour rétablir le b decies du code général des impôts, de remplacer les mots : « et de gaz combustible » par les mots : « de gaz combustible et d'énergie calorifique » ;
B. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du A ci-dessus, après le I de l'article 19, d'insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... . - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant de l'extension du taux réduit de TVA aux abonnements relatifs aux livraisons d'énergie calorifique sont compensées à due concurrence par une hausse des droits prévus aux articles 403, 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-48 rectifié, MM. Belot, Branger, Doublet, Adnot, Arnaud, Badré, Barnier, Baudot, Borotra, Bourdin, Cabanel, Chaumont, Clouet, Demilly, Faure, Paul Girod, Gouteyron, Hérisson, Hoeffel, Lesbros, du Luart, Michel Mercier, Ostermann, Oudin, Raffarin et Fréville proposent de compléter le texte présenté par le I de l'article 19 pour le b decies de l'article 279 du code général des impôts, par les mots : « ainsi que ceux relatifs aux livraisons d'énergie calorifique à usage domestique distribuées par des réseaux publics de chaleur utilisant des énergies locales et renouvelables. »
Par amendement n° I-140, MM. Joly, de Montesquiou et Pelletier proposent :
A. - A la fin du texte présenté par le I de l'article 19 pour le b decies de l'article 279 du code général des impôts, de remplacer les mots : « réseaux publics » par les mots : « des opérateurs publics ou agrémentés » ;
B. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du A ci-dessus après le paragraphe I de l'article 19, d'insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« ... . - Les pertes de recettes résultant de l'extension du bénéfice du taux réduit de TVA aux abonnements relatifs aux livraisons d'électricité et de gaz combustible distribués par des opérateurs agrémentés sont compensées à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Cazalet, pour défendre l'amendement n° I-179.
M. Auguste Cazalet. Cet amendement vise à élargir le champ d'application de la baisse du taux de la TVA prévue à l'article 19 pour les abonnements relatifs aux livraisons d'électricité et de gaz combustible.
M. le président. L'amendement n° I-152 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Loridant, pour défendre l'amendement n° I-111.
M. Paul Loridant. Nous nous sommes évidemment félicités de cet article 19, qui « rend » en quelque sorte près de 4 milliards de francs aux usagers du gaz et de l'électricité.
Pour autant, une question n'est pas tout à fait résolue par le texte initial du projet de loi : celle de la taxe sur la valeur ajoutée appliquée aux réseaux de chaleur.
Vous me permettrez, en préambule, de souligner encore une fois que l'ensemble des amendements présentés dans le cadre de ce débat prévoient de réduire, sur un certain nombre de biens et de services, le taux de TVA appliqué et, très concrètement, de faire passer ces biens et services du taux normal au taux réduit.
Cette situation n'est pas nouvelle et illustre une fois de plus la nécessité d'une réduction du taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée, réduction qui devrait, à notre avis, tendre à rapprocher progressivement le taux pratiqué dans notre pays de celui qui est considéré comme une base par les directives européennes, c'est-à-dire un taux compris entre 15 % et 16 %.
Il est en effet relativement clair que le maintien à haut niveau du taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est un obstacle à toute relance économique, comme l'a montré abondamment le relèvement de ce taux voté en juillet 1995.
Pour en revenir à notre amendement, il convient de rappeler un certain nombre de données.
Les systèmes de chauffage urbain ont comme spécificité d'être en général directement gérés par des concessionnaires de services publics - sociétés d'économie mixte, syndicats de gestion ou opérateurs privés - et d'avoir, dans le passé, contraint les collectivités territoriales à supporter d'importants coûts d'investissement, pour une rentabilité qui n'a pas toujours été assurée ou qui ne l'a été qu'au bout de plusieurs années d'exploitation.
C'est notamment vrai pour les collectivités qui se sont engagées dans le processus de développement des réseaux alimentés par la géothermie. Partant en effet d'une idée en apparence assez séduisante, la mise en place des réseaux fonctionnant à la géothermie a été marquée, au fil des ans, par des difficultés importantes d'exploitation liées, notamment, à l'inadéquation des techniques de forage et d'exploitation qui ont été pratiquées dans notre pays.
Si des solutions ont été trouvées à une certaine époque, notamment sur la douloureuse question du taux d'intérêt des emprunts destinés au financement des investissements, ceux-ci ayant, la plupart du temps, été souscrits au début des années quatre-vingt, il n'en demeure pas moins qu'une sensible réduction des coûts pourrait procéder d'un abaissement des charges d'abonnement aux réseaux par réduction du taux de TVA aujourd'hui pratiqué.
J'indiquerai à ce propos que, contrairement aux abonnements EDF-GDF, et précisément parce que les investissements nécessaires à l'exploitation du réseau ont été importants, les abonnements aux réseaux de chaleur constituent souvent environ la moitié des redevances payées par les usagers, et même, dans certains cas, près de 60 % !
Un retour au taux réduit pour ces abonnements aurait donc un effet immédiat sur le niveau des factures acquittées par les usagers.
Au surplus, j'ajoute, monsieur le secrétaire d'Etat, que le coût de la mesure, selon nos estimations, serait relativement modique : de 100 millions de francs à 200 millions de francs, ce qui nous paraît devoir emporter votre sympathie pour cet amendement. (Sourires.)
Je me permets d'insister, les réseaux de chaleur sont souvent situés dans des zones urbaines sensibles, dans de grands ensembles ou dans des cités qui sont, par ailleurs, concernées par les problèmes des banlieues.
Il serait absolument indispensable, monsieur le secrétaire d'Etat, par parallélisme, que les abonnements aux réseaux de chaleur profitent de ce que vous proposez pour les abonnements au gaz et à l'électricité, ne serait-ce que pour éviter les distorsions de concurrence.
C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous invite instamment à adopter cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont, pour présenter l'amendement n° I-153.
M. Ambroise Dupont. Cet amendement tend à éviter de créer une distorsion de concurrence entre la distribution d'électricité et de gaz et la distribution du chauffage urbain. De ce fait, il est prévu d'aligner les taux de TVA applicables aux différentes sources d'énergie.
M. le président. La parole est à M. Cazalet, pour défendre l'amendement n° I-180.
M. Auguste Cazalet. Il a le même objet que l'amendement n° I-153.
M. le président. La parole est à M. Angels pour présenter l'amendement n° I-226.
M. Bernard Angels. Cet amendement vise à étendre aux abonnements aux réseaux de chaleur la baisse de TVA prévue par l'article 19. Je ne reviens pas sur les arguments qui ont déjà été développés.
Il s'agit d'éviter un traitement différencié en fonction des sortes d'énergie. De plus, de nombreuses communes étant équipées d'un réseau de chauffage urbain, leur appliquer également la baisse de TVA permettrait de réduire la facture de chauffage pour environ un million de familles, souvent modestes, qui sont concernées par ce mode de chauffage.
Pour ces deux raisons, il serait donc logique et utile d'appliquer le taux réduit de TVA à l'ensemble des abonnements relatifs aux livraisons d'énergies distribuées par réseaux publics.
M. le président. La parole est à M. Belot, pour défendre l'amendement n° I-48 rectifié.
M. Claude Belot. Il s'agit de la même philosophie. Je souhaite faire un rappel historique car je suis ce type de question depuis fort longtemps.
En 1995, votre prédécesseur, monsieur le secrétaire d'Etat, avait affirmé que l'Europe exigeait que nous supprimions ce type de tarif binôme, qui organise souvent la tarification énergétique. Tout le monde avait adopté ce dispositif.
Aujourd'hui, la situation est différente, puisqu'on nous dit que le gaz et l'électricité, mais pas les réseaux de chaleur, auront un taux minoré de TVA dans leur tarif binôme pour la partie fixe. Or les réseaux de chaleur sont pratiquement le seul vecteur pour mettre en oeuvre de nouvelles énergies, des énergies renouvelables intéressantes comme la géothermie qui a été évoquée voilà un instant par M. Loridant, mais aussi le bois, les ordures ménagères et beaucoup d'autres choses. Le discours que l'on entend est surprenant : il faudrait supprimer le nucléaire, l'électricité, et développer les énergies renouvelables. Or, aujourd'hui, nous est proposé un article aux termes duquel les énergies condamnées doivent être encouragées sur le plan fiscal tandis que les énergies encouragées doivent être découragées sur le plan fiscal ! Telle est la situation que l'on nous demande de créer.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le lobby d'EDF est certes très puissant dans tous les cercles du pouvoir, notamment au sein de cette maison, mais il faut parvenir à traiter d'une façon identique l'ensemble des fournisseurs d'énergie lorsqu'il existe un tarif binôme.
A l'échelon européen, on a peut-être songé uniquement au gaz et à l'électricité, toujours pour les raisons que j'ai évoquées voilà un instant, mais cette situation n'est pas convenable. Et si l'Europe maintient cette situation, il faudra obtenir de sa part qu'elle étende cette réglementation à l'ensemble des fournisseurs d'énergie, en particulier pour les immeubles collectifs, à toutes les sources d'énergie.
Nous sommes nombreux, je crois, à avoir relevé cette situation. Il est important que ce sujet soit traité. D'ailleurs, on peut très bien imaginer qu'une personne saisisse la direction de la concurrence à Bruxelles pour distorsion flagrante. Aussi, ne créez pas une telle situation ou étendez-là à l'ensemble des bénéficiaires potentiels.
M. le président. La parole est à M. Joly, pour présenter l'amendement n° I-140.
M. Bernard Joly. Le projet de loi de finances pour 1999 prévoit, en son article 19, l'application du taux réduit de la TVA aux « abonnements relatifs aux livraisons d'électricité et de gaz combustible, distribués par réseaux publics ». Si elle était adoptée en l'état, une telle disposition instaurerait clairement une distorsion de concurrence au détriment des distributeurs et des usagers du GPL, le gaz de pétrole liquéfié, et serait en cela contraire à l'article 12-3-b de la sixième directive européenne.
En effet, la distribution de GPL combustible assurée par citernes individuelles fait souvent l'objet d'une location sur laquelle pèse un taux de TVA de 20,60 %. Les mensualités, de l'ordre de 150 francs hors taxes, ne comprennent pas le coût de consommation de l'énergie facturée par ailleurs : elles constituent donc une redevance similaire aux abonnements EDF ou GDF visés par l'article mentionné.
Il nous semblerait donc légitime que le taux réduit de TVA s'applique également à la location des citernes de gaz butane et propane, d'autant qu'elle répond le plus souvent aux besoins de ménages modestes, soit environ 300 000 foyers qui, pour la plupart, sont installés en milieu rural.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n° I-179, I-111, I-153, I-180, I-226, I-48 rectifié et I-140 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout d'abord, la commission comprend bien l'intention qui anime les auteurs de l'amendement n° I-179, et elle la partage certainement. Cependant, elle fait observer que le coût de cette mesure serait très élevé, probablement de l'ordre de 10 milliards de francs. De plus, cette initiative, pour souhaitable qu'elle soit du point de vue des consommateurs de gaz et d'électricité, n'est pas compatible avec la stratégie d'ensemble défendue par la commission des finances concernant la nécessité de limiter le déficit public. Après avoir pris acte de l'intention exprimée par nos collègues, il leur est donc demandé de bien vouloir retirer cet amendement.
S'agissant des amendements n° I-111, I-153, I-180 et I-226, qui portent sur l'application du taux réduit de TVA aux abonnements aux réseaux de chaleur, nous partageons, sur le fond, le souci des différents groupes de développer les réseaux de chaleur à la fois pour des raisons sociales et environnementales. Toutefois, en l'état actuel, cette extension du taux réduit ne paraît pas conforme au droit communautaire. Nous ne pouvons donc qu'inciter le Gouvernement à progresser dans ses négociations avec la Commission en vue d'obtenir que la liste des matières éligibles au taux réduit soit allongée et puisse notamment comporter les réseaux de chaleur. Dès lors que nous ne sommes pas en conformité avec le droit communautaire, il n'est pas possible d'émettre un avis favorable.
M. Paul Loridant. Il y a distorsion de concurrence ! Et le grand marché ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'amendement n° I-48 rectifié vise à étendre le taux réduit de TVA aux abonnements aux réseaux de chaleur utilisant les énergies renouvelables, ce qui est un cas particulier dans le sujet général qui a été évoqué. De même que pour les réseaux de chaleur pris de façon générale, l'extension souhaitée n'est, hélas ! pas conforme au droit communautaire. En effet, cette activité ne figure pas sur la liste annexée à la directive communautaire. Cependant, la Commission s'est engagée à progresser dans le sens souhaité. Là aussi, il faut inciter le Gouvernement à faire en sorte que cet engagement devienne effectif. De plus, cher collègue Belot, cet amendement n'est pas gagé.
Enfin, l'amendement n° I-140 a pour objet d'étendre le taux réduit de TVA aux abonnements au gaz distribué par citerne individuelle. Cette question est intéressante, mais, là encore, nous ne sommes pas en conformité avec la directive communautaire. La Commission ne peut donc émettre qu'un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Compte tenu des explications très complètes de M. le rapporteur général, je serai plus succinct.
Je commencerai par l'amendement n° I-179, présenté par M. Cazalet et visant à appliquer le taux réduit de TVA aux consommations de gaz et d'électricité. Monsieur Cazalet, le coût de cette mesure s'élève à 15,5 milliards de francs ; nous n'avons pas les moyens de mettre en oeuvre une telle disposition en 1999.
Quant à l'extension du taux réduit de la TVA aux réseaux de chaleur, qui fait l'objet des amendements présentés respectivement par MM. Loridant, Dupont, Cazalet, Angels et Belot, je confirme que cela n'est pas euro-compatible. Le 7 octobre dernier, M. Monti, commissaire européen chargé de la fiscalité, a d'ailleurs écrit à M. Strauss-Kahn et à moi-même pour le réaffirmer.
Mais rassurez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs, nous allons continuer à insister pour que les différents réseaux de chauffage, qu'il s'agisse du gaz, de l'électricité ou des réseaux de chaleur, soient traités de façon équivalente.
Enfin, j'évoquerai la location de citernes individuelles, taxée au taux réduit de TVA. Là encore, c'est euro-incompatible.
Je suis défavorable à l'ensemble des amendements présentés sur l'article 19.
Je voudrais saluer très rapidement les exposés liminaires de MM. Angels et Foucaud. Ils ont bien manifesté la volonté du Gouvernement et de la majorité qui le soutient de donner la priorité à la baisse de la TVA, impôt qui pèse sur toutes les familles. Ils ont rappelé à juste titre que, si nous devons baisser le taux de la TVA sur les abonnements à EDF et GDF, c'est parce que, dans le budget pour 1995, nous étions passés du taux réduit au taux normal.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-179.
M. Auguste Cazalet. Je le retire, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° I-179 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-111.
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. L'argument de l'euro-incompatibilité a l'art de me hérisser le poil, et vous me permettrez de ne pas le juger recevable. Lorsqu'on a signé le traité de Maastricht, quand on siège à la Commission de Bruxelles et que l'on n'a à la bouche que les maîtres mots de libre marché et de libre concurrence, alors que, à l'évidence, il y a une distorsion de concurrence, il me paraît insupportable de s'abriter derrière la lettre d'un commissaire pour persister à soutenir une disposition qui contrecarre les règles de la concurrence.
A titre personnel, je regrette que le Gouvernement ne saisisse pas de temps à autre l'occasion, sur des sujets finalement futiles par rapport aux grands enjeux de la construction européenne, d'affirmer son indépendance en reconnaissant, par exemple, au parlement français la possibilité d'aligner le taux de TVA relatif aux abonnements aux réseaux de chaleur sur celui qui s'applique aux abonnements à EDF et GDF.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-111, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s I-153 et I-180, repoussés par la commission et par le Gouvernement.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-226.
M. Bernard Angels. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-226 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-48 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-140.
M. Bernard Joly. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. La commission et le Gouvernement ont souligné l'euro-incompatibilité de cet amendement. Personnellement, je considère que c'est plutôt la distorsion de concurrence qui est euro-incompatible ! Je suis donc tout de même assez étonné de la position qu'ont prise et M. le rapporteur général et M. le secrétaire d'Etat.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-140, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 19.
(L'article 19 est adopté.)
Article additionnel après l'article 19
M. le président.
Par amendement n° I-53 rectifié, M. Mélenchon propose d'insérer, après
l'article 19, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 278
bis
du code général des impôts est complété par
les dispositions suivantes :
« A compter du 1er janvier 1999, la taxe sur la valeur ajoutée est perçue au
taux réduit de 5,5 % en ce qui concerne les opérations portant sur :
« - la consommation de gaz et d'électricité ;
« II. - Les pertes de recettes engendrées par l'application du I sont
compensées par une majoration à due concurrence des droits prévus aux articles
219 et 885 U du code général des impôts. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
Article 20