Séance du 18 novembre 1998
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
1.
Procès verbal
(p.
0
).
2.
Rappel au règlement
(p.
1
).
MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le président.
3.
Modification de l'ordre du jour
(p.
2
).
4.
Candidatures à des organismes extraparlementaires
(p.
3
).
5.
Candidatures à une commission d'enquête
(p.
4
).
6.
Conseil supérieur de la magistrature
- Discussion d'un projet de loi constitutionnelle en deuxième lecture (p.
5
).
M. le président.
Discussion générale : Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la
justice ; MM. Charles Jolibois, rapporteur de la commission des lois ; Jacques
Larché, président de la commission des lois ; Robert Badinter, Jean-Jacques
Hyest, Hubert Haenel, Robert Bret.
Mme le garde des sceaux.
Clôture de la discussion générale.
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
7.
Nomination des membres d'une commission d'enquête
(p.
6
).
8.
Nomination de membres d'organismes extraparlementaires
(p.
7
).
9.
Conseil supérieur de la magistrature.
- Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle en deuxième
lecture (p.
8
).
Article additionnel avant l'article 1er (p. 9 )
Amendement n° 1 rectifié de M. Charasse. - MM. Michel Charasse, Charles Jolibois, rapporteur de la commission des lois ; Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; MM. Patrice Gélard, Michel Dreyfus-Schmidt. - Retrait.
Article 1er (p. 10 )
Amendement n° 2 de M. Charasse. - MM. Michel Charasse, le rapporteur, Mme le
garde des sceaux, M. Patrice Gélard. - Retrait.
Adoption de l'article.
Article 2. - Adoption (p. 11 )
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
10.
Souhaits de bienvenue à une délégation de parlementaires bulgares
(p.
12
).
11.
Conseil supérieur de la magistrature.
- Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi constitutionnelle en
deuxième lecture (p.
13
).
Adoption, par un scrutin public à la tribune, de l'ensemble du projet de loi
constitutionnelle.
12.
Retrait d'une question orale avec débat
(p.
14
).
13.
Dépôt de propositions d'acte communautaire
(p.
15
).
14.
Ordre du jour
(p.
16
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je suis très heureux de faire ce rappel au règlement sous votre présidence,
monsieur Poncelet. D'ailleurs, votre présence au fauteuil de la présidence ne
m'étonne pas, car le débat qui va s'engager est important et par la nature du
texte, puisqu'il s'agit d'un projet de loi constitutionnelle, et par son sujet,
puisqu'il concerne le Conseil supérieur de la magistrature. Enfin notre débat
s'annonce bref et aussi, par les orateurs inscrits, d'une très grande
qualité.
Or, monsieur le président, et je suis heureux, encore une fois, de pouvoir
attirer à cet égard votre attention personnelle, en ce moment même sont réunies
trois des six commissions permanentes du Sénat, à savoir la commission des
affaires culturelles, la commission des affaires économiques et la commission
des finances. En outre, se réuniront, à dix-sept heures, la délégation du Sénat
pour l'Union européenne et, à dix-huit heures, la commission spéciale chargée
de vérifier et d'apurer les comptes ! Comme vous pouvez le constater, monsieur
le président, il y a là un véritable problème auquel il faudra bien s'attaquer
enfin.
Etant donné qu'il n'y a plus de séances de nuit au Sénat, les commissions, en
cas de besoin, pourraient peut-être se réunir, sinon de nuit, du moins en
soirée. En tout cas, il est indispensable de coordonner les travaux du Sénat de
manière à éviter un absentéisme dicté aux sénateurs par l'exercice même de leur
mandat.
(Applaudissements.)
M. le président.
Je vous remercie, monsieur Dreyfus-Schmidt, de soulever ce problème qui, vous
l'avez dit vous-même, n'est pas nouveau. Nous avons été à plusieurs reprises
interpellés sur le même sujet ; nous avons réfléchi, mais, reconnaissons-le,
nous n'avons pas encore trouvé la solution adéquate. Cependant, comme je l'ai
indiqué voilà quelques semaines dans ma première allocution, nous veillerons
ensemble à apporter les améliorations nécessaires au fonctionnement de notre
institution.
Pour l'heure, je vous invite à me communiquer par écrit la proposition que
vous venez de formuler qui, ajoutée à d'autres, nous permettra d'éviter à
l'avenir le renouvellement de ce que vous avez, à juste titre, déploré, comme
j'avais moi-même eu l'occasion de le faire dans le passé.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je vous remercie, monsieur le président.
3
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le président. J'informe le Sénat que l'éloge funèbre de Georges Mazars, initialement prévu le mardi 8 décembre, à quinze heures, est reporté au mardi 15 décembre, à seize heures.
4
CANDIDATURES À DES ORGANISMES
EXTRAPARLEMENTAIRES
M. le président.
Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien
vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de deux
organismes extraparlementaires.
La commission des affaires sociales a fait connaître qu'elle propose la
candidature de M. Roger Lagorsse pour siéger au sein du Conseil supérieur de la
coopération, et la commission des finances qu'elle propose la candidature de M.
Henri Torre pour siéger au sein du conseil d'administration de l'établissement
public de réalisation de défaisance.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à
l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai
d'une heure.
5
CANDIDATURES À UNE COMMISSION
D'ENQUÊTE
M. le président.
L'ordre du jour appelle la nomination des membres de la commission d'enquête
sur la situation et la gestion des personnels des écoles et des établissements
d'enseignement du second degré, ainsi que de ceux des services centraux et
extérieurs des ministères de l'éducation nationale et de l'agriculture, pour
l'enseignement agricole.
En application de l'article 11, alinéa 2, du règlement, la liste des candidats
présentée par les présidents des groupes et le délégué des sénateurs ne
figurant sur la liste d'aucun groupe a été affichée et les candidatures seront
ratifiées, s'il n'y a pas d'opposition, dans le délai d'une heure.
6
CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE
Discussion d'un projet de loi constitutionnelle
en deuxième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi
constitutionnelle (n° 6, 1998-1999), adopté avec modifications par l'Assemblée
nationale, en deuxième lecture, relatif au Conseil supérieur de la
magistrature. (Rapport n° 57 [1998-1999.])
Avant de vous laisser la parole, madame le garde des sceaux, permettez-moi de
vous remercier et de vous féliciter pour les propos très élogieux que vous avez
tenus, à l'Assemblée nationale, sur le règlement du Sénat, sur le
fonctionnement de notre institution et, surtout, sur la sérénité de nos
travaux.
(Applaudissements.)
Il ne m'appartient pas de porter un jugement sur le fonctionnement d'une autre
assemblée, mais, à l'évidence, nous ne pouvions pas ignorer les compliments que
vous nous avez adressés : ils nous ont fait plaisir et nous vous en remercions
encore. Je suis convaincu que chacun en tirera le meilleur parti au moment où,
précisément, notre institution est parfois interpellée.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux,
ministre de la justice.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, la réforme de la justice que j'ai engagée depuis près de dix-huit
mois maintenant est une réforme globale. Elle concerne, en premier lieu,
l'amélioration du fonctionnement de la justice au quotidien et de l'accès au
droit par nos concitoyens. Elle vise, en deuxième lieu, à garantir les libertés
de nos concitoyens. Enfin, elle a pour objectif d'assurer une justice plus
indépendante et impartiale. C'est de ce troisième volet de la réforme que le
projet de loi constitutionnelle dont nous débattons aujourd'hui en deuxième
lecture est la clé de voûte.
Je rappellerai brièvement l'économie générale de la réforme.
Presque au terme du travail parlementaire relatif à la modification de
l'article 65 de la Constitution, il m'apparaît que les deux assemblées ont
accepté l'économie générale de la réforme du Conseil supérieur de la
magistrature.
En effet, la Haute Assemblée comme l'Assemblée nationale ont partagé le souci,
qui est aussi celui du Gouvernement, de renforcer les garanties
constitutionnelles d'indépendance des magistrats du parquet de façon qu'elles
soient comparables aux garanties offertes aux magistrats du siège. Les
garanties en matière de nomination et de discipline seront assurées par un
Conseil supérieur de la magistrature rénové dont les pouvoirs sont renforcés à
l'égard des magistrats du parquet.
A cet égard, les deux assemblées se sont mises d'accord sur la nécessité de
recueillir l'avis conforme du CSM sur toutes les nominations des magistrats du
parquet à l'exception, pour votre assemblée, des procureurs généraux, sur
lesquels je reviendrai dans un instant.
Les deux assemblées ont également accepté l'idée d'étendre aux magistrats du
parquet les garanties disciplinaires dont bénéficient les magistrats du
siège.
Autre point d'accord entre les deux assemblées qui me paraît fondamental,
c'est l'idée selon laquelle la composition du Conseil supérieur de la
magistrature doit réserver une majorité aux non-magistrats.
Je l'ai dit à plusieurs reprises, la justice n'appartient pas plus aux seuls
magistrats que la santé aux seuls médecins ou encore que l'enseignement aux
seuls enseignants. Elle appartient à la nation tout entière, et la composition
du Conseil supérieur de la magistrature doit le montrer.
Je suis convaincue qu'une forte participation de non-magistrats au processus
de nominations contribuera, par un dialogue avec les magistrats, à retenir les
nominations les plus incontestables et les mieux adaptées.
Quelles sont maintenant les modifications apportées au projet de la loi
initial par le Sénat et acceptées par l'Assemblée nationale ?
Sans remettre en cause l'économie générale de la réforme que je viens de
rappeler, le Sénat, en première lecture, avait apporté des modifications que
l'Assemblée nationale a acceptées.
La première modification, sans doute la plus significative, portait sur le
maintien de deux formations distinctes du Conseil supérieur de la magistrature
: l'unecompétente à l'égard des magistrats du siège, l'autre compétente à
l'égard des magistrats du parquet. Cette modification était complétée par une
disposition qui admet explicitement l'existence d'une formation plénière pour
répondre aux demandes d'avis du Président de la République.
Il est vrai que le Gouvernement avait retenu initialement une autre
orientation, qui aurait marqué avec plus de netteté encore l'unité de la
magistrature.
Quitte à me répéter, je tiens à réaffirmer que, pour moi, l'unité du corps
judiciaire est une caractéristique essentielle de son évolution, dans la mesure
où magistrats du parquet et magistrats du siège participent également au
contrôle du respect des libertés individuelles et des droits de l'homme.
Cela dit, je suis aussi sensible au fait que les magistrats du parquet et du
siège n'exercent pas les mêmes missions. Les uns poursuivent, les autres
jugent. Les premiers accomplissent leur mission au sein d'une hiérarchie, les
seconds débattent en toute indépendance.
C'est pour cette raison que le Gouvernement n'est pas opposé au maintien de
deux formations du Conseil supérieur de la magistrature dès lors que les
magistrats tant du parquet que du siège bénéficieront des mêmes garanties et
que sera préservée l'unité de la magistrature au sein d'une formation plénière
qui rendra solennellement ses avis au Président de la République.
D'autres modifications qui avaient été apportées par votre Haute Assemblée ont
été approuvées par l'Assemblée nationale.
Il s'agit, en premier lieu, du mode de désignation des personnalités
extérieures et de leur régime d'incompatibilités.
Il s'agit, en second lieu, de la consécration par l'article 19 de la
Constitution de la pratique d'absence de contreseing de la désignation de
personnalités extérieures par le Président de la République.
Sur deux points très mineurs, l'Assemblée nationale n'a pas suivi les
modifications apportées par votre assemblée.
D'une part, l'Assemblée nationale n'a pas souhaité mentionner explicitement
dans la Constitution les présidents des tribunaux supérieurs d'appel et des
tribunaux de première instance des juridictions des territoires d'outre-mer
dont le statut est pourtant équivalent à ceux de leurs collègues de métropole.
Je crois qu'une telle proposition est sage car il ne faut pas alourdir
inutilement notre loi fondamentale dès lors que, en tout état de cause, ces
magistrats d'outre-mer bénéficient, aux termes de la loi organique, des mêmes
garanties que leurs collègues.
D'autre part, l'Assemblée nationale a complété l'insertion du nouvel article
90 dans la Constitution en rétablissant le titre XVII intitulé : « Dispositions
transitoires ».
Après la deuxième lecture au Palais-Bourbon, un point demeure, en débat.
Comme le souligne votre rapporteur, un seul point reste en discussion sur le
fond, c'est celui qui concerne les modalités de nomination des procureurs
généraux, l'Assemblée nationale ayant rétabli en deuxième lecture l'exigence
d'un avis conforme du CSM pour la nomination de ces hauts magistrats alors que
le Sénat l'avait supprimé en première lecture.
En effet, votre Haute Assemblée avait souhaité maintenir l'exception actuelle
à l'intervention du Conseil supérieur de la magistrature concernant la
nomination des procureurs généraux en adoptant à cette fin, en séance publique,
un sous-amendement.
Ainsi, votre assemblée se prononçait en faveur du maintien du régime actuel de
nomination en Conseil des ministres du procureur général près la Cour de
cassation et des trente-cinq procureurs généraux près les cours d'appel.
J'ai souligné devant l'Assemblée nationale que le Gouvernement ne pouvait pas
être favorable à cette disposition qui rompt la cohérence de l'ensemble de la
réforme, qui entend soumettre à l'avis conforme du Conseil supérieur de la
magistrature toutes les nominations aux emplois du parquet.
L'exigence d'un avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature pour la
nomination de tous les magistrats du parquet, sans exception, est en effet, à
mes yeux, la seule qui soit de nature à écarter le soupçon d'intervention de
l'exécutif dans ce domaine.
Exclure de l'avis conforme les procureurs généraux serait la plus claire
manifestation que leur carrière reste soumise au pouvoir discrétionnaire du
pouvoir exécutif.
Je soulignais d'ailleurs devant l'Assemblée nationale qu'il serait paradoxal
que les procureurs bénéficient de garanties de nomination liées à l'avis
conforme du Conseil supérieur de la magistrature alors que les procureurs
généraux, qui ont la charge de coordonner l'action des procureurs dans leur
ressort, en seraient exclus. Cette exclusion de la garantie de la nomination
sur avis conforme serait d'autant plus regrettable que le Gouvernement a
l'intention de renforcer le pouvoir hiérarchique des procureurs généraux.
Je constate avec beaucoup de satisfaction que le texte finalement adopté par
l'Assemblée nationale rejoint la position que votre commission des lois avait
prise lors de l'examen du projet de loi en première lecture, puisqu'elle-même
n'avait pas jugé nécessaire de prévoir une exception à l'avis conforme de la
formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature pour la nomination
des magistrats du parquet.
Je me félicite également que votre commission des lois, souhaitant que les
deux assemblées puissent parvenir à un accord afin de permettre l'aboutissement
de cette révision constitutionnelle, vous ait proposé de retenir la rédaction
de l'Assemblée nationale sur ce point, et donc d'accepter que l'ensemble des
magistrats du parquet soient désormais nommés sur l'avis conforme de la
formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature.
Bien entendu, je partage pleinement le souci exprimé par votre commission des
lois sur la politique pénale, sur les garanties offertes aux justiciables et la
responsabilité des magistrats, contrepartie nécessaire de leur indépendance.
S'agissant de la politique pénale, le Gouvernement doit évidemment en
conserver la maîtrise. Elle ne peut, en effet, relever que de sa seule
responsabilité, une responsabilité constitutionnelle et une exigence d'égalité,
car personne ne peut douter de ma volonté que la loi pénale soit égale pour
tous.
La discussion du projet de loi sur les rapports entre la Chancellerie et le
parquet sera l'occasion de décrire et de débattre dans la clarté des moyens mis
en oeuvre pour parvenir à cet objectif de maîtrise de la politique pénale.
Ainsi, les prérogatives des procureurs généraux seront-elles renforcées. Ils
devront veiller au respect d'une égale application de la loi sur tout le
ressort de leur cour d'appel et coordonner l'action des procureurs.
Le débat parlementaire permettra, je l'espère, de mettre en évidence le fait
que cette politique pénale peut être menée par des orientations générales bien
mieux que par des instructions données dans des dossiers individuels,
lesquelles étaient, avant que je ne les supprime, données de façon souvent très
aléatoire.
Le débat devrait aussi permettre de montrer que la transparence introduite par
les directives pénales générales applicables sur tout le territoire sont aussi
un moyen privilégié d'assurer l'égalité de tous devant la justice.
Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, le projet de loi sur les rapports
entre la Chancellerie et le parquet ne fera, si vous l'adoptez, que codifier en
droit ce qui a été ma pratique constante depuis dix-huit mois. Cette pratique
a, je crois, fait ses preuves, par exemple en matière de conflits des
transporteurs routiers, d'infractions sexuelles et de manifestations des
agriculteurs. La politique pénale a pu être menée par le Gouvernement sans
obstacle et elle continuera à l'être avec détermination.
En ce qui concerne les garanties offertes aux justiciables, un certain nombre
de réponses seront apportées par les projets de loi qui viendront bientôt en
discussion. Je citerai quelques dispositions incluses dans ces projets de
loi.
C'est la commission de recours contre les classements sans suite prévue dans
le texte sur les rapports entre la Chancellerie et le parquet.
Ce sont les garanties prévues dans le texte concernant la présomption
d'innocence, renforçant les droits de la défense et instaurant la présence de
l'avocat dès la première heure de la garde à vue, délais de procédures,
garanties au regard de la détention provisoire, protection de la dignité des
personnes mises en cause et des victimes, mais aussi des droits nouveaux donnés
à ces dernières.
C'est enfin, dans la loi organique portant statut de la magistrature,
l'instauration d'une commission d'examen des réclamations des justiciables.
Enfin, s'agissant de la responsabilité des magistrats, la réforme prévoit de
confier non seulement au garde des sceaux mais à tous les chefs de cour la
saisine du Conseil supérieur de la magistrature à titre disciplinaire. En
outre, la réforme de l'inspection des services judiciaires permettra de rendre
effective cette nouvelle politique.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les observations que je
souhaitais formuler dans mon intervention liminaire.
Je me suis donnée, en proposant cette réforme constitutionnelle, l'objectif de
rétablir une plus grande confiance dans l'indépendance de la justice. Il me
semble que nos citoyens reprennent effectivement confiance dans la justice de
notre pays. Nous devons tous nous en féliciter.
J'espère que, par une collaboration exemplaire, les deux assemblées
parviendront à un accord. Je souhaite, bien entendu, que cet accord puisse se
traduire par le vote du texte tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale
et conformément à la recommandation de votre rapporteur, me semble-t-il.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur certaines travées du
RDSE.)
M. Charles Pasqua.
Applaudissements uniquement à gauche !
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, la commission des
lois a donc examiné, en deuxième lecture, le projet de loi constitutionnelle
relatif au Conseil supérieur de la magistrature tel qu'il a été modifié, en
deuxième lecture, par l'Assemblée nationale. Celle-ci a accepté la totalité des
modifications qui avaient été introduites sur l'initiative de la commission des
lois du Sénat, à l'exception de deux dispositions techniques.
Il convient tout particulièrement de remarquer que l'Assemblée nationale,
revenant sur sa position première, a accepté, en deuxième lecture, le maintien
de deux formations spécialisées pour le siège et le parquet, et, par voie de
conséquence, leur composition en nombre et le mode de désignation de leurs
membres.
Elle a accepté aussi que ces deux formations se réunissent en formation
plénière pour exercer une compétence limitée, à savoir émettre des avis à la
demande du seul Président de la République.
La première modification technique apportée par l'Assemblée nationale, c'est
la suppression de la précision adoptée par le Sénat et visant les magistrats
des territoires d'outre-mer présidant les tribunaux supérieurs d'appel et les
tribunaux de première instance, au motif que ces juridictions ont toujours été
assimilées aux cours d'appel et aux tribunaux de grande instance et qu'une
telle précision dans un texte constitutionnel l'alourdissait et n'était donc
pas nécessaire. Nous vous proposons d'admettre ce point de vue.
La seconde modification technique apportée par l'Assemblée nationale, c'est
l'introduction d'un titre XVII, institulé « Dispositions transitoires », qui
précédera le texte proposé par l'article 2 pour le rétablissement de l'article
90 de la Constitution, dans la version adoptée par le Sénat en première
lecture. Le paragraphe II de l'article 2 vise à alléger automatiquement le
texte de la Constitution, dès que les mesures transitoires ne seront plus
nécessaires : il s'agit d'un texte d'auto-disparition automatique. Nous
acceptons ce titre XVII et son intitulé.
Enfin, l'Assemblée nationale a admis la précision constitutionnelle introduite
par le Sénat sur l'initiative de sa commission des lois et selon laquelle la
désignation des membres du Conseil supérieur de la magistrature par le
Président de la République s'effectue sans contreseing puisqu'il s'agit d'un
pouvoir propre.
En conséquence, à ce stade de l'examen parlementaire, un seul point restait en
discussion devant le Sénat, à savoir le mode de nomination des procureurs
généraux. En première lecture, en adoptant un sous-amendement de notre collègue
M. Ceccaldi-Raynaud, le Sénat avait en effet voté en faveur du maintien du
régime actuel de nomination, c'est-à-dire la nomination en conseil des
ministres sans aucune intervention du Conseil supérieur de la magistrature.
Je rappelle que, dans le système actuel, les magistrats du parquet autres que
les procureurs généraux sont nommés sur avis simple du Conseil supérieur de la
magistrature.
Le but de la réforme était de les voir nommés sur avis conforme du Conseil
supérieur de la magistrature, ce que le Sénat avait accepté, en première
lecture, sauf en ce qui concerne les procureurs généraux.
La commission a constaté le grand pas effectué par l'Assemblée nationale sur
la quasi-totalité des modifications apportées sur ses propositions au projet
initial du Gouvernement. Seules deux mesures techniques n'ont pas été
acceptées.
Elle rappelle que, dans son vote exprimé lors de la première délibération,
elle avait accepté l'avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature même
pour les nominations de procureurs généraux.
Rappelons malgré tout que le Gouvernement garde le pouvoir de
proposition,...
M. Charles Pasqua.
Heureusement !
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
... car un avis conforme, c'est un avis sur une
proposition.
C'est pourquoi la commission, fidèle en cela au premier avis qu'elle avait
exprimé, peut, sans se renier à cet égard, vous recommander de retenir la
rédaction de l'Assemblée nationale sur le dernier point en discussion. Cela
permettrait l'aboutissement de la révision constitutionnelle.
Toutefois, la commission des lois, à une très forte majorité, m'a prié
d'insister sur le fait que, dans son esprit, le garde des sceaux doit conserver
la maîtrise de l'application de la politique pénale, qui ne peut relever que de
sa seule responsabilité.
M. Paul Masson.
Bien sûr !
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Certes, la révision constitutionnelle, par force de logique
juridique, doit être votée avant la loi organique qui en résulte ; cependant,
le Sénat, en particulier sa commission des lois, restera extrêmement vigilant
sur la construction de l'édifice dont, par son vote d'aujourd'hui, il vous
donnera, j'espère, la clef de voûte.
Ainsi, mes chers collègues, si vous suivez la commission des lois, vous
permettrez, par votre vote, à une réforme constitutionnelle de toucher à son
terme. Mais le Gouvernement, par vous éclairé, madame le garde des sceaux, doit
savoir que le plus difficile reste à faire.
Hier, vous avez exposé à nouveau votre programme devant la commission des lois
: l'accès au droit, la présomption d'innocence, l'organisation hiérarchique du
parquet dans le respect d'une politique pénale définie par le garde des sceaux,
le statut des magistrats, le pouvoir disciplinaire exercé par un Conseil de la
magistrature modernisé, rénové, indépendant, veillant au respect du devoir de
réserve des magistrats, dont l'unité du corps - magistrats du siège et du
parquet confondus - est symbolisée par l'existence d'une formation plénière qui
peut être saisie pour avis à la requête du seul Président de la République.
Mes chers collègues, la commission vous propose d'adopter le texte aujourd'hui
soumis à notre vote. Mais la pierre scellée dans la voûte permet d'embrasser du
regard l'édifice qui reste à bâtir. Nous avons en effet conscience que la
réforme et les moyens nouveaux attendus doivent être appréciés dans leur
globalité avec le texte qui vous est proposé aujourd'hui.
Ce sont grâce aux réformes futures et à ces nouveaux moyens, sur lesquels le
Sénat s'est déjà exprimé avec clarté dans le passé dans plusieurs rapports, que
le texte dont nous discutons aujourd'hui et dont l'adoption vous est
recommandée par la commission des lois prendra sa véritable dimension.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur
leprésident, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, M. le rapporteur
a exprimé avec beaucoup de netteté et avec sa compétence habituelle les raisons
qui ont conduit la commission des lois à vous proposer en cet instant le
principe d'un vote conforme. Nous avons considéré qu'un certain nombre de
dispositions, votées par le Sénat en première lecture et également acceptées
par l'Assemblée nationale, sont extrêmement importantes : elles clarifient et
précisent le texte.
Ainsi, désormais, le Conseil supérieur de la magistrature ne pourra se réunir
en formation plénière que sur convocation du Président de la République. Nous
avons fait là un pas important auquel nous tenions avec quelque acharnement
compte tenu des précédents qui ne nous avaient pas toujours satisfaits. Et
grâce au vote conforme de l'Assemblée nationale, nous avons abouti sur ce
point.
D'autres dispositions acceptées par l'Assemblée nationale nous ont semblé de
nature à dicter notre conduite d'aujourd'hui.
Restait le point essentiel de la relation entre le pouvoir et les procureurs
généraux. Nous étions un certain nombre à considérer que le procureur général
était non seulement un juge mais aussi un représentant de l'Etat. Tel était le
sens du vote que nous avions émis lors de la première lecture, en adoptant un
sous-amendement, déposé par notre collègue M. Ceccaldi-Raynaud, tendant à
extraire les procureurs généraux du mécanisme envisagé pour l'ensemble des
membres du parquet.
Mais au moment de notre vote définitif, mes chers collègues, nous vous
proposons, compte tenu des conditions dans lesquelles le débat s'est déroulé au
sein de la commission, d'adopter conforme le texte transmis par l'Assemblée
nationale.
Vous avez dit, madame le garde des sceaux, que ce texte était un projet du
Gouvernement : nous l'avons noté, et nous l'admettons.
Mais c'est aussi un projet auquel M. le Président de la République a donné son
assentiment. En effet, c'est lui, et non le Gouvernement, qui a l'initiative en
matière constitutionnelle. Par conséquent, c'est simplement sur proposition du
Gouvernement et après décision du Président de la République que le mécanisme
qui nous est proposé a pu être enclenché. C'est peut-être, pour certains
d'entre nous, un élément important de la position que nous vous proposons
d'adopter aujourd'hui.
Reste le climat dans lequel est intervenu ce vote au sein de la commission. Ce
vote a été majoritaire, mais pas unanime, puisque des oppositions et des
abstentions ont été enregistrées ; surtout, une préoccupation est apparue à
l'occasion de la discussion : à quel point en sommes-nous ?
Nous en sommes à une étape de la révision constitutionnelle ; mais cette
dernière ne deviendra définitive que lorsque le vote du Congrès sera intervenu.
Or la réunion du Congrès dépend de la volonté du Président de la République. Un
journal particulièrement bien informé a annoncé que le Congrès serait réuni sur
ce texte le 18 janvier 1999. C'est peut-être aller un peu vite en besogne, et
nous attendons de connaître la volonté du Président de la République quant à la
réunion du Congrès, Congrès au cours duquel nous aurons l'occasion soit de
confirmer notre vote d'aujourd'hui, soit de prendre une autre position.
En effet, ce texte, que nous avons examiné avec le soin que vous devinez,
n'est en quelque sorte que la clé de voûte d'une construction. Il y a nombre de
dispositions juridiques et judiciaires, qui, dans leur application concrète,
sont peut-être infiniment plus importantes que celles dont nous discutons
aujourd'hui.
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est sûr !
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Après tout, modifier le Conseil supérieur de
la magistrature, pourquoi pas ? Imaginer la procédure que nous élaborons
aujourd'hui tous ensemble pour la nomination des magistrats, pourquoi pas ?
Mais le problème qui se pose à nous est le suivant : que feront ces magistrats
? Dans quel cadre agiront-ils et quelle justice rendront-ils ?
Sur ce point, au-delà de vos intentions, qui sont ce qu'elles sont et dont
nous connaissons au moins certains aspects, aucune décision formelle n'est
intervenue dans un domaine où, d'ailleurs, conformément à la nature des choses
et à la règle constitutionnelle, l'Assemblée nationale sera à même de faire
prévaloir son point de vue.
Or trois points sont essentiels : vous en avez évoqué au moins deux, qui me
paraissent importants, et il y en a un troisième. Je note d'ailleurs avec
plaisir que notre collègue M. Michel Charasse, par deux amendements que je
regrette d'avance de ne pas pouvoir adopter, y a également songé.
Premier point : quelle sera la relation entre la Chancellerie et le parquet ?
Voilà des magistrats autonomes, nommés sans aucun doute sur votre proposition,
madame le garde des sceaux, mais qui - permettez-moi cette expression -
voleront de leurs propres ailes une fois qu'ils auront été nommés. Sur ce
point, nous attendons de voir tout à fait concrètement les dispositions qui
seront prises pour maintenir ce lien qui nous paraît essentiel entre la
Chancellerie et les procureurs.
J'en viens au deuxième point, auquel nous attachons une très grande importance
et dont on parle beaucoup dans les circonstances actuelles : la présomption
d'innocence. Le Sénat y a d'ailleurs consacré des travaux extrêmement
approfondis.
Lors de la discussion sur cette question de la présomption d'innocence, nous
serons confrontés au caractère contradictoire de deux libertés essentielles :
le droit à la présomption d'innocence et le droit à l'information. Sur ce
point, il nous faudra faire preuve de beaucoup d'imagination pour parvenir à un
résultat satisfaisant.
Le troisième point porte sur la responsabilité de ces magistrats autonomes. De
quelle manière sera-t-elle engagée ? Comment pourra-t-elle être mise en oeuvre
? Lorsque vous aurez donné des directives de politique générale au parquet,
madame le garde des sceaux, qu'en sera-t-il si, d'aventure, un parquetier
quelconque ne s'y plie pas ? Quel sera votre pouvoir disciplinaire ?
M. Michel Charasse.
Bonne question !
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Mais c'est vous, cher ami, qui avez posé
cette bonne question, et j'ai d'ailleurs déjà fait état de mon regret de ne pas
pouvoir adopter vos amendements.
L'autonomie et la responsabilité sont deux aspects de la vie du magistrat que
nous entendons voir liés. C'est un point essentiel. Si ces deux aspects
n'étaient pas liés de manière tout à fait concrète et précise, cela pourrait
nous conduire à un certain nombre d'interrogations.
Madame le garde des sceaux, là encore, je ferai référence à certaines lectures
particulièrement autorisées, tout au moins à certains articles de presse. Il
paraîtrait que le Gouvernement, confronté à un certain nombre d'exigences, en
serait venu à la conclusion qu'il doit étaler dans le temps son programme
législatif. Cela concerne-t-il le texte essentiel dont je viens de vous parler
à l'instant et qui, pour un certain nombre d'entre nous, conditionnera, par les
orientations qui en jailliront, le vote que nous émettrons au Congrès ?
Voilà les quelques remarques que je tenais à présenter.
Pour conclure très rapidement mon propos, je soulignerai une fois de plus
notre rôle, au Sénat : on nous taxe d'opposition systématique, on dit que nous
sommes contre tout. Nous démontrons une fois de plus, en cet instant, que,
lorsque nous arrivons à convaincre - ce qui n'est pas toujours le cas ! -
l'Assemblée nationale de se rallier à quelques positions raisonnables, nous
sommes, au Sénat, tout à fait ouverts au point de vue de l'autre chambre.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 31 minutes ;
Groupe socialiste, 26 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 19 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout
d'abord à rappeler le cadre dans lequel nous nous trouvons : nous sommes saisis
d'une révision constitutionnelle et, pour le moment, il ne s'agit que de
cela.
J'ajouterai, pour répondre au souci de notre éminent président M. Jacques
Larché, qu'il y a un impératif, celui de la raison juridique.
Il est vrai que la révision constitutionnelle ne sera définitive que
lorsqu'elle aura été votée par le Parlement réuni en Congrès. Il est également
vrai que seul le Président de la République peut décider de la convocation du
Parlement en Congrès : c'est une prérogative constitutionnelle.
Il n'en est pas moins exact que nous devons répondre à des exigences de
contrôle de constitutionnalité et que, s'agissant d'une loi organique, ce
contrôle est obligatoire. Or la grande réforme de la justice que vous entendez
mener, madame le garde des sceaux, comporte au moins une loi organique, qui
concerne le statut de la magistrature au regard des questions de responsabilité
et de discipline.
Il est évident, par ailleurs, que nous ne pourrons pas conduire à leur terme
les discussions de ces projets de loi voués au contrôle de constitutionnalité
sans que la Constitution ait été révisée ! En clair, cela signifie que,
aujourd'hui, lorsque - je l'espère et je le crois - nous serons parvenus à un
vote conforme du Sénat et de l'Assemblée nationale, il ne restera plus au
Président de la République qu'à choisir le jour qui lui paraîtra convenable
pour que nous nous rendions à Versailles. Après cela, commencera la discussion
des autres textes.
Encore une fois, on ne saurait, dans ce domaine, pour quelque raison que ce
soit, mettre la charrue devant les boeufs.
Les choses étant ce qu'elles sont, à ce stade, je dirai, utilisant une
métaphore qui s'inscrit dans l'actualité maritime, que c'est la fin plutôt que
le début de la « Route du rhum » et que nous semblons maintenant sur une mer
d'huile avec un alizé qui nous mène à bon port. En effet, il faut le
reconnaître, nous aurons rarement vu autant de bonnes volontés ou de volontés
convergentes : les plus hautes autorités de l'Etat - je pense d'abord au
Président de la République car, vous avez raison, monsieur le président de la
commission des lois, c'est lui qui décide de la révision constitutionnelle, et
non le Gouvernement - le Gouvernement - et je vous rends un hommage
particulier, madame le garde des sceaux, car vous avez, dans cette affaire,
témoigné de cette force de conviction et de ce talent que nous saluons chaque
fois que l'occasion nous en est donnée - mais aussi le Parlement se sont
réunis. Comme on dit, c'est une association. Les Américains utilisent le terme
de
joint venture,
que je laisserai de côté pour la circonstance. C'est,
en tout cas, une coproduction entre l'Assemblée nationale et le Sénat.
Par « coproduction », il faut voir l'apport de chacun. Pourquoi ? Parce que,
si l'on regarde la composition du Conseil supérieur de la magistrature, la
paternité du dispositif revient plutôt à l'Assemblée nationale - avec,
marquons-le, une touche d'amélioration de la part du Sénat, notamment de sa
commission des lois, concernant la désignation de quatre personnalités par les
instances les plus hautes des juridictions françaises - tandis que, pour ce qui
concerne l'organisation dudit conseil, elle incombe indiscutablement au Sénat,
puisque aussi bien nous sommes passés d'une composition unique à une
composition duale, c'est-à-dire à deux formations, comme c'était le cas de
l'actuel CSM : l'une pour les magistrats du siège, l'autre pour les magistrats
du parquet.
Sur cette organisation, on peut s'interroger : était-ce véritablement la
meilleure des solutions ? Il est évident pour moi que, compte tenu du nombre de
dossiers soumis au Conseil supérieur de la magistrature - et, il faut le
reconnaître, de l'absence complète de difficultés s'agissant du plus grand
nombre, pour ne pas dire de la quasi-totalité des mouvements en cause - réunir
vingt-trois personnalités à chaque fois paraissait excessif.
J'étais convaincu, au demeurant, qu'il y aurait division en sections, que l'on
choisisse la formation unique ou la formation duale. Mais je relève en tout cas
que seuls deux membres seront, en quelque sorte, les « gardiens » des principes
dans les deux sections. Il s'agira d'abord de vous-même, madame la ministre -
parce que je ne pense pas que le Président de la République assistera à toutes
les séances : il ne viendra que pour les grandes occasions - et il s'agira
ensuite du conseiller d'Etat. C'est, je le souligne, une sorte d'hommage rendu
aux membres désignés par cette grande juridiction administrative !
S'agissant de l'ordre judiciaire, on peut relever cette curiosité, mais il
n'en reste pas moins que cette composition me paraît bonne et que nous
l'acceptons bien volontiers.
Enfin, comme l'a évoqué M. le rapporteur, il reste une question en débat, à
savoir le sort des procureurs généraux.
La commission des lois du Sénat, après l'Assemblée nationale, avait considéré,
dans un premier temps, qu'il n'y avait pas de raison de leur faire un sort
particulier. Leur nomination intervenait donc, comme pour tous les magistrats
du parquet, sur avis conforme de la formation compétente. Et puis, surprise
pour quelques-uns d'entre nous - en tout cas, je le confesse, pour ma part,
mais c'est là, sans doute, l'expression constante de ma naïveté - nous avons vu
émerger un sous-amendement, dû peut-être à une nuit pascalienne de notre
excellent collègue M. Ceccaldi-Raynaud, tendant à exclure les procureurs
généraux du mode de nomination des autres procureurs. Stupéfaction ! Surprise
!
Je me souviens, certes, de la talentueuse intervention de notre ami Michel
Dreyfus-Schmidt, mais celui-ci n'a pas pu pour autant inverser le courant
négatif, et nous nous sommes retrouvés dans une situation où, contre non pas
seulement la majorité de l'Assemblée nationale, ce qui aurait pu se concevoir,
mais aussi contre l'avis de sa commission des lois, la majorité du Sénat a
décidé que les procureurs généraux devaient continuer à être nommés selon la
même procédure qu'aujourd'hui, c'est-à-dire en conseil des ministres, comme les
préfets.
Il est bien évident qu'un tel dispositif se heurte à deux considérations
majeures.
La première, c'est que, au regard du corps de la magistrature lui-même, nous
aurions alors une situation dans laquelle les chefs de parquet au niveau le
plus élevé, c'est-à-dire le parquet général auraient des garanties
d'indépendance moindres que les chefs de parquet au niveau du tribunal,
c'est-à-dire les procureurs de la République, qui leur sont hiérarchiquement
soumis. Nous aurions ainsi plus d'indépendance au-dessous qu'au-dessus. Cela ne
me paraît pas exactement conforme à la notion même de hiérarchie !
La seconde considération, c'est que, indépendamment de l'émotion que cela peut
susciter à l'intérieur même du corps, il faut bien considérer que le seul
objectif de la loi - objectif qui est à l'origine de la réforme et qui, si j'ai
bonne mémoire, a été d'abord mis en avant par le Président de la République
lui-même - est le renforcement de l'indépendance de la magistrature. Or, avec
le dispositif qui nous est proposé, aucun magistrat ne détiendra, en
définitive, un plus grand pouvoir dans la République que les procureurs
généraux.
A cet égard, il suffit de jeter un oeil sur le projet de loi tel que vous
l'avez déposé, madame le garde des sceaux, pour constater que la disposition
qui définit les pouvoirs des procureurs généraux reprend très exactement, à une
adjonction près - la dernière phrase - les termes de l'article 36 du code de
procédure pénale qui définit aujourd'hui les pouvoirs du garde des sceaux. On
ne saurait donc mieux dire que demain, au royaume de notre justice, il y aura
trente-deux grands barons ou grands féodaux, les procureurs généraux !
Comment, dans ces conditions, parler du renforcement de l'indépendance des
magistrats s'ils continuent à être nommés, ainsi que je l'indiquais tout à
l'heure, comme des hauts fonctionnaires - parfaitement éminents et
respectables, je me plais à le souligner, et qui rendent les plus grands
services - c'est-à-dire comme des préfets et des officiers supérieurs ? Il y a
là une sorte d'illogisme saisissant que, je l'avoue, je m'explique mal, car
l'indépendance se mesure à l'aune des garanties de carrière : aussi longtemps
que la carrière des hauts magistrats sera dans la main de l'exécutif, personne
ne croira sérieusement que, parmi eux, certains ne songeront pas à leur
avancement, devançant éventuellement, par conséquent, ce qu'ils croiront être
les désirs des maîtres du pouvoir exécutif. Ce ne sera, certes, qu'une
tentation, mais chacun sait que les tentations sont diaboliques et qu'il arrive
que l'on y cède parfois : l'histoire judiciaire est, à cet égard,
exemplaire...
Quoi qu'il en soit, dès l'instant où la carrière de ceux qui, demain, seront
les maîtres de l'exercice concret, effectif et individuel de l'action publique
dépendra de l'exécutif, l'objectif fixé par le Président de la République, par
le Gouvernement et par les deux assemblées ne pourra, personne ne le fera
croire, être atteint.
La position initiale de l'Assemblée nationale et de la commission des lois du
Sénat nous semblait donc préférable et, dans ce « nous », il n'y a rien de
personnel : je ne fais ici que reprendre ce qui a été dit par le président de
la commission des lois et par notre excellent rapporteur, et, ce matin encore,
par la commission elle-même lorsqu'elle s'est prononcée en faveur d'un
traitement identique pour les procureurs généraux et pour les chefs de parquet
au niveau de chaque tribunal. C'est, encore une fois, la logique de la
réforme.
Je le dis à nouveau, ce que je viens d'évoquer concerne les nominations.
Lorsqu'on en viendra au fonctionnement du parquet, lorsqu'on examinera la
question des instructions individuelles, j'aurai alors à prendre des positions
qui ne seront pas nécessairement, vous le savez, madame le garde des sceaux,
les vôtres, même si, sur ce point, j'ai longtemps espéré vous convaincre. Mais
il y a beau temps que je sais que l'on ne convainc pas, en politique, ses
adversaires et je constate aussi que, s'agissant de cette question, je ne suis
pas arrivé non plus à convaincre mes amis. C'est ainsi : mon pouvoir de
conviction est égal à zéro. Il me reste les consolations de la feuille blanche,
même si elle vous résiste parfois aussi !
Mais je laisse de côté ces incidents pour revenir à mon propos et dire
simplement que nous sommes saisis d'une réforme importante qui constitue une
avancée nécessaire. Et je suis heureux de constater qu'à cette avancée auront
contribué presque à parts égales l'Assemblée nationale et le Sénat.
Vous me permettrez, monsieur le président de la commission, de dire avec un
certain sourire - je n'ai pu participer, hélas ! à la dernière réunion de la
commission, car je n'étais pas en France quand on a débattu de cette question -
que seule l'injonction concernant la formation plénière, lorsque les deux
sections se réunissent pour formuler des avis, a suscité de ma part un certain
scepticisme. Pourquoi ? Parce qu'il faut voir les choses telles qu'elles
sont.
D'abord, au moment où l'on témoigne ainsi de la confiance que l'on a dans la
magistrature en renforçant encore ses garanties d'indépendance, il est malvenu
d'avoir cette espèce d'inquiétude persistante, de se dire que ce n'est plus le
temps des remontrances, que l'on ne veut pas voir renaître les anciens
parlements. C'est une vision royale des choses qui n'a plus rien à voir -
croyez-le bien ! - avec la période présente.
Disons-le clairement : prévoir que la formation plénière ne se réunit qu'à la
demande du Président de la République et pour répondre à ses demandes d'avis,
cela signifie qu'on lui interdit de délibérer sur autre chose que ce que le
Président de la République souhaite.
Quelle est la fonction du Conseil supérieur de la magistrature et quand
intervient-il ? Il intervient pour les nominations et, à cette occasion, il est
amené à examiner bien d'autres problèmes. Nous savons que certains de ses
membres se rendent dans les juridictions - c'est bien la moindre des choses ! -
pour voir comment fonctionne la justice, ou à l'École nationale de la
magistrature. Par conséquent, les magistrats sont et ceux qui le deviendront
seront, de grands praticiens, de grands experts de la chose judiciaire,
parfaitement au courant des dysfonctionnements de l'institution.
Constatant ces dysfonctionnements, il est tout à fait naturel qu'ils se
réunissent en formation plénière pour faire part de leur sentiment ou pour
l'émettre.
Dès lors, je conçois parfaitement que l'on précise que le Conseil supérieur de
la magistrature ne se réunira en formation plénière que sur convocation du
Président de la République. Mais dire qu'il ne pourra délibérer que sur les
demandes d'avis qui auront été formulées par lui, cela ne paraît pas
indispensable.
Au surplus, ce sera totalement inefficace. En effet, supposons que la majorité
des membres du Conseil supérieur de la magistrature demandent au Président de
la République de tenir réunion pour délibérer sur tel sujet. Peut-on croire un
instant que le Président de la République refusera ? Imagine-t-on un conflit à
propos d'une telle requête dont le Président de la République se verrait saisir
par la majorité du Conseil supérieur de la magistrature ? Je ne le crois pas un
instant.
Cela reviendrait à dire : nous vous gardons séparés et vous ne vous réunirez
que lorsque nous vous aurons convoqués, ce qui va de soi, mais, de plus, sur le
sujet que nous aurons délimité. Telle ne sera pas la réalité !
Voilà pourquoi je tenais à marquer mon scepticisme à l'égard de cette
disposition. Ce sont là des précautions que la pratique dément promptement et
qui, si les choses ne se passent pas comme nous le souhaitons, sont sources de
conflits et non d'apaisement ou de tranquillité pour le corps judiciaire.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Dans le texte, il n'y a pas la restriction : « que ».
M. Robert Badinter.
Nous laisserons aux exégètes le soin de faire l'interprétation du texte. Celle
qu'a faite M. le président de la commission des lois était autre. Mais vous
avez raison, monsieur Dreyfus-Schmidt : le texte, à cet égard, témoigne d'une
certaine ambiguïté qui peut être intéressante.
Cela étant, tel qu'il est, le projet constitue, je le répète, un progrès
certain. Tout ce qui fortifie les garanties d'indépendance statutaire dans la
carrière des magistrats est bienvenu et conforme, me semble-t-il, au souhait de
chacun. Par conséquent, nous le voterons.
Pour le reste, madame le garde des sceaux, je sais que nous n'avons pas fini
d'avoir des rendez-vous tout au long de l'année 1999, et je m'en réjouis.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, la
dernière réforme du Conseil supérieur de la magistrature, voilà cinq ans, a,
semble-t-il donné satisfaction à l'ensemble des acteurs de la justice, à
quelques exceptions près. Quelques nominations au parquet, le Conseil supérieur
ayant un rôle consultatif en la matière, ont en effet suscité des contestations
plus ou moins vigoureuses.
Fallait-il pour autant modifier ce texte ? Au travers de ce projet de loi, on
nous le propose.
Après le vote de l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, du projet de loi
constitutionnelle modifiant l'architecture du Conseil supérieur de la
magistrature, force est de reconnaître que, pour l'essentiel, ont été retenues,
comme l'ont noté excellemment notre rapporteur M. Jolibois et notre président
M. Larché, l'essentiel des modifications apportées par le Sénat en première
lecture.
Tout d'abord, en ce qui concerne la composition du Conseil supérieur, c'est
vrai, monsieur Badinter, que des avis ont été émis dans les rapports, bien que
ce ne soit pas prévu. Mais, de toute façon, pour l'unité du corps judiciaire -
puisque c'est aussi cela qui est en cause - mieux vaut que le Conseil en
composition plénière puisse être appelé à donner des avis sur un certain nombre
de sujets concernant la magistrature, étant entendu que ces avis ne doivent pas
se transformer, comme on l'a parfois vu depuis 1993, en critiques, voire en
critiques des législations votées par le Parlement. Mais c'est là une question
de mesure, et c'est au Président de la République, garant de l'indépendance de
la justice, de veiller à ce que les choses rentrent un peu dans l'ordre, comme
l'a justement rappelé M. le président de la commission des lois.
L'essentiel demeure le maintien, au sein de cette formation plénière, de deux
formations distinctes, compétentes à l'égard des magistrats du siège et de ceux
du parquet. Si, en effet, les magistrats du siège et du parquet ont la qualité
commune de magistrat, rien ne serait pire que de confondre les missions des uns
et des autres.
Reconnaître cette unité du corps, encore qu'elle soit une exception française,
issue de la tradition, de l'organisation de la formation et peut-être de la
possibilité parfois trop largement ouverte - mais après tout, pourquoi pas, à
un certain moment de la carrière, demander au magistrat de choisir entre
devenir magistrat du siège ou magistrat du parquet ! - de passer de l'une à
l'autre des fonctions, reconnaître cela, dis-je, ne signifie nullement que l'on
doive considérer de la même manière l'indépendance du juge et celle du
procureur. Nous y reviendrons.
En définitive, il nous est proposé de créer un Conseil supérieur de la
magistrature du ministère public, déjà ébauché dans la réforme de 1993, réforme
non achevée, contrairement à l'avis de la commission des lois du Sénat, parce
qu'un certain nombre de membres de la majorité de l'assemblée s'y étaient
opposés. Un Conseil supérieur de la magistrature du ministère public, c'est à
peu près ce qu'ont préconisé aussi les présidents de cours d'appel dans un avis
unanime récent.
Ce Conseil aurait pour les magistrats du parquet des pouvoirs équivalents à
ceux qui existent pour les magistrats du siège, tous les magistrats du parquet
étant désormais nommés sur proposition du garde des sceaux, mais sur avis
conforme du Conseil supérieur de la magistrature.
La commission des lois avait proposé ce dispositif, mais notre assemblée avait
estimé qu'une exception devait être faite pour les procureurs généraux,
marquant ainsi sa volonté de réaffirmer le rôle de l'exécutif, le parquet étant
un organe de souveraineté soumis au pouvoir hiérarchique du garde des sceaux.
Dans certaines constructions, cela apparaissait un peu comme une mesure
permettant de faire vivre la navette.
Cela dit, le rôle des procureurs généraux - on l'a rappelé - si fondamental
soit-il, ne doit pas faire oublier que ce sont les procureurs qui engagent les
poursuites et mettent en oeuvre, sur l'ensemble du territoire, la politique
pénale au quotidien. Réserver un sort particulier aux procureurs généraux
n'est, dès lors, peut-être pas aussi indispensable qu'on pouvait le penser.
La solution retenue par la commission des lois traduit un équilibre. S'il
appartient au pouvoir exécutif de proposer, des garanties doivent exister pour
éviter le corporatisme et assurer un traitement égal des candidats à telle ou
telle fonction. Le déroulement des carrières doit éviter le favoritisme mais
aussi l'avancement systématique à l'ancienneté et privilégier la qualité
professionnelle et l'expérience.
C'est pourquoi l'autre volet de la réforme est aussi important. L'histoire du
Conseil supérieur de la magistrature a oscillé entre, d'une part, le
corporatisme - fatal, quelle que soit la qualité de ses membres, si les
magistrats y sont largement majoritaires - et, d'autre part, la place donnée à
l'engagement partisan, comme cela a pu exister dans des temps anciens.
Il est donc important qu'auprès des magistrats puissent siéger, en majorité,
des personnalités ayant une expérience acquise hors la magistrature. La
nomination des magistrats ne saurait s'assimiler à celle des agents du secteur
public, le Conseil supérieur étant autre chose qu'une commission administrative
paritaire améliorée, compte tenu de la mission exercée par les magistrats.
La réforme proposée atteint, nous semble-t-il, un équilibre, à condition, bien
entendu, que les personnalités nommées jouent dans le conseil un rôle actif,
apportant à cette institution l'ouverture d'esprit et l'enrichissement de leur
expérience.
Accorder des garanties aux magistrats du parquet comme à ceux du siège pour
leur nomination implique, parallèlement, que ceux-ci exercent leurs missions
dans le respect des règles régissant leurs fonctions. C'est dire que les
quelques comportements fautifs, les excès de quelques-uns doivent, pour que la
confiance de nos concitoyens envers la justice soit confortée, être sanctionnés
sans que l'esprit de corps étouffe la nécessaire responsabilité de chacun des
magistrats. D'où l'importance de la composition prévue par le projet de loi.
Mais, madame le garde des sceaux, si la réforme proposée ne souffre pas en soi
d'objection majeure, elle est, comme l'a noté M. le rapporteur, la clef de
voûte d'une réforme d'ensemble de la justice qui doit être appréciée dans sa
globalité.
A cet égard, comme l'a très bien dit le président de la commission, si je suis
prêt, avec mon groupe, à voter un texte accordant des garanties aux magistrats
du parquet, pour toutes les raisons que j'ai exposées, j'estime que ce serait
une erreur fatale que d'accorder l'indépendance au parquet.
Un sénateur de l'Union centriste.
Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest.
En effet, l'autorité de l'Etat doit s'exprimer. Or, c'est le procureur, je le
rappelle, qui engage les poursuites, qui saisit les juridictions, qui requiert
l'appel et qui met à exécution la décision, autant de missions essentielles de
l'Etat, de l'exécutif.
Vouloir laisser chacun des procureurs sans instructions autres que les
instructions générales est une erreur. Il ne faut pas vous priver, madame le
garde des sceaux, de donner des instructions, à condition qu'elles soient
écrites et versées au dossier. Il est des domaines - la lutte contre le
terrorisme, contre le trafic international de drogue, etc. - où le parquet ne
peut être livré à lui-même, où il faut une coordination au niveau du garde des
sceaux et, bien sûr, de ses procureurs généraux. A cet égard, le procureur,
encore une fois, ne peut se contenter d'instructions générales.
Voilà pourquoi nous attendons les autres textes concernant les relations
entre l'exécutif et le parquet, étant entendu qu'il faut, pour ce dernier,
maintenir le lien hiérarchique parce que la mission du procureur, qui dirige,
en outre, la police judiciaire, est d'ordre public.
Enfin, il serait paradoxal que le garde des sceaux ait les moyens d'engager
des poursuites quand le parquet ne l'aurait pas fait, car cela reviendrait à
nier le rôle de ce dernier.
Nous aurons à discuter de tout cela, de même que nous aurons à discuter des
textes relatifs à la présomption d'innocence, à l'engagement des poursuites,
textes évoqués par M. Larché.
C'est pourquoi, madame le garde des sceaux, parce que cette réforme va dans le
même sens que les précédentes et afin que la nomination des magistrats du
parquet comme ceux du siège ne soient pas entachée de suspicions, nous voterons
ce texte. Mais, bien entendu, tout cela n'aura de sens que si l'on ne
bouleverse pas totalement l'équilibre de nos institutions judiciaires. En
effet, d'autres pays ont voulu le faire imprudemment et nous connaissons les
risques qu'ils ont pris.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici à
la veille de franchir l'étape qui devrait nous conduire dans quelques mois -
mais dans quelques mois seulement - au Congrès à Versailles.
Les points de vue du Sénat et de l'Assemblée nationale se sont rapprochés,
comme l'ont rappelé M. Jacques Larché, président de la commission, et M.
Jolibois, rapporteur. Le vote conforme est cette fois à notre portée, mais des
problèmes de fond demeurent.
Avant de voter le texte qui lui est soumis, le Sénat, toujours
particulièrement attentif aux problèmes de justice, se devait de remettre une
fois encore cette réforme en perspective et de ne pas se contenter d'émettre un
vote conforme.
Ce que nous ont dit tout à l'heure MM. Jacques Larché, Charles Jolibois et
Jean-Jacques Hyest montre bien que nous voulons voter ce texte, mais en ayant
obtenu quelques garanties - j'y reviendrai dans un instant - afin d'éviter tout
malentendu sur le sens de certains votes, et afin peut-être - c'est un petit
clin d'oeil, et pourquoi pas ? - de convaincre certains de nos collègues qui
seraient encore hésitants, voire hostiles au vote de cette réforme.
Le contexte dans lequel a été adoptée la réforme constitutionnelle de 1993,
reconnaissons-le mes chers collègues, n'a pas beaucoup changé. Les « affaires »
continuent de défrayer la chronique politico-judiciaire et
médiatico-judiciaire. Nous sommes toujours en période de cohabitation. Les uns
et les autres, trop souvent encore, se jettent parfois la justice à la figure,
et le débat politique sur la justice que je voudrais, beaucoup d'autres avec
moi, pouvoir écrire avec un grand « P » et un grand « J » n'est pas toujours
apaisé.
Rappelons les origines de cette partie, mais de cette partie seulement, d'une
réforme affichant de plus grandes ambitions.
Constatant l'état de la justice française, de ses moyens, de son organisation,
de ses méthodes, de ses procédures, mais aussi le soupçon qui pesait, qui pèse
encore et pèsera encore sans doute longtemps - je pense que c'est dans la
nature des choses - sur certaines décisions judiciaires, M. le Président de la
République, Jacques Chirac, a souhaité une réforme en profondeur. Il l'a
annoncée au cours de deux déclarations solennelles en décembre 1996 et en
janvier 1997.
Pour le Président de la République comme pour nous, la réforme de la justice
devait nécessairement concerner le statut et les pouvoirs du parquet, la
présomption d'innocence, la justice de proximité et les moyens de la justice.
Ce qui compte, en effet, pour les justiciables, c'est avant tout le bon
fonctionnement de la justice au quotidien, celle de tout le monde et de tous
les jours, et celle-là ne répond pas assez aux légitimes attentes de nos
concitoyens.
La nature et la solidité de ce qu'il est convenu d'appeler le « cordon », la
légitimité de ce lien relèvent le plus souvent du symbole, très fort, certes,
mais du symbole. Mais c'est peut-être aussi l'arbre qui cache la forêt de tous
les autres problèmes, ceux qui, malheureusement, n'intéressent
qu'épisodiquement seulement le microcosme.
Quel est en effet le sentiment le plus souvent partagé, à tort ou à raison,
par une très large majorité de nos concitoyens à l'égard de la justice ?
D'un côté, certains puissants du monde économique, social, politique et
médiatique tentent d'échapper à la loi pénale commune. Cette réforme devrait
normalement rassurer l'opinion, à condition d'être accompagnée et complétée
d'une réforme du parquet et des textes régissant la présomption d'innocence.
De l'autre côté, les petits voyous, les casseurs, les agresseurs échappent
encore trop souvent à la justice. Cette dernière n'est pas toujours lisible
pour le commun des mortels. Notamment l'articulation de la chaîne, en quelque
sorte, au bon sens du terme, éducation, police, gendarmerie, justice et
exécution des peines n'apparaît pas.
Entre les deux, il y a ceux que nous rencontrons tous les jours, ceux qu'il
est convenu d'appeler les justiciables ordinaires, les honnêtes gens, ceux qui
appartiennent aux communs des mortels et qui veulent que leur procès aboutisse
dans des délais normaux, qu'il ne les ruine pas, que les décisions rendues par
la justice soient exécutées ; ces justiciables trop souvent ne comprennent rien
au fonctionnement de cette justice-là. Ils se résignent, parfois même ils se
révoltent.
Il nous faut donc revoir fondamentalement l'organisation, les méthodes et les
procédures judiciaires.
Il faut aussi, au sein de la justice - j'y insiste - faire admettre un certain
nombre de réalités et de principes. Certains magistrats et avocats doivent
faire un travail sur eux-mêmes, pourrait-on dire, admettre des changements
culturels, des changements de méthodes et des changements de techniques
indispensables et comprendre qu'ils ne sont pas propriétaires de la justice et
que c'est le Parlement qui vote la loi.
Oui, la réforme du Conseil supérieur de la magistrature perdrait tout son sens
si elle devait à jamais rester isolée, c'est-à-dire si trois autres réformes,
sans aucun doute encore bien plus fondamentales que celle-ci, étaient
oubliées.
La première est relative aux pouvoirs et à l'organisation du ministère public,
chargé de conduire, sous directives gouvernementales et en collaboration avec
le Parlement, la politique d'action publique.
La deuxième concerne l'application d'un principe fondamental, trop souvent
méconnu, et ce depuis fort longtemps, le principe de la présomption
d'innocence.
La troisième, et sans doute la plus importante, consiste à améliorer d'urgence
le fonctionnement de la justice de tous les jours, tant pénale que civile,
commerciale ou prud'homale, à condition toutefois non seulement d'octroyer à
celle-ci les moyens nécessaires, mais aussi d'en revoir structurellement
l'organisation, les méthodes et les procédures.
La grande majorité du groupe du Rassemblement pour la République votera ce
texte, mais à nos yeux, le Congrès ne pourra pas être saisi par le Président de
la République tant que deux de ces trois réformes que je viens d'évoquer ne
seront pas adoptées, en tout cas définitivement arrêtées : la clarification du
fonctionnement du ministère public, la réaffirmation de sa nécessaire
hiérarchie et la protection du principe de la présomption d'innocence.
Rappelons aussi que la réforme de 1993, pourtant substantielle, en rompant
totalement avec la conception même du Conseil supérieur de la magistrature
issue de 1958, n'a pas suffi à apaiser le débat.
Il y a eu la polémique menée au sujet de la nature du lien, celui-ci n'étant
d'ailleurs que le reflet de l'organisation des relations constitutionnelles
entre le Président de la République, le Parlement, le Gouvernement, le garde
des sceaux et la magistrature. Se sont ajoutées quelques ambiguïtés
d'interprétation - je l'avais dit en juin 1993 - et beaucoup de maladresses de
la part des services de la Chancellerie.
Tout cela doit donc naturellement nous conduire à ramener à ses justes
porportions cette réforme. Elle n'est qu'une étape vers une réforme plus
profonde de la justice. Mais une telle réforme n'est possible en France - nous
l'avons constaté trop souvent - qu'à l'occasion de ruptures politiques, et
constitutionnelles, qui seules permettent une réforme au fond de l'institution
judiciaire que les Français souhaitent profondément.
La réforme d'aujourd'hui suscite encore plus d'interrogations et
d'appréhensions que de réponses et d'apaisements. Elle ne suffira pas à
recadrer, au sens le plus noble et le plus fort du terme, la légitimité des uns
et des autres, la non-ingérence du politique dans le domaine du juge, ainsi que
les nécessaires notions d'indépendance, certes, mais aussi d'impartialité et de
responsabilité des magistrats.
Avec cette réforme, si le soupçon s'atténue, il n'est pas pour autant dissipé.
Un jour, il faudra bien aller jusqu'au bout de l'une ou l'autre des logiques
pour sortir de cette ambiguïté française et répondre aux questions
suivantes.
Les parquetiers doivent-ils nécessairement être des magistrats de plus en plus
souvent assimilés à des juges au travers des réformes successives de leur
statut - la réforme d'aujourd'hui va d'ailleurs dans ce sens - ou doivent-ils -
la question devra un jour être mise à plat et posée pour que l'on y réponde
enfin - devenir des fonctionnaires à statut spécifique ou des magistrats à
statut spécifique ?
Certes, le pouvoir d'apprécier l'opportunité des poursuites reconnu aux
magistrats du parquet, qui en fait en quelque sorte, je crois l'avoir déjà dit,
des juges dans l'aptitude majeure qui leur est ainsi reconnue, milite pour que
les parquetiers restent des magistrats.
Mais, s'ils sont magistrats, les parquetiers doivent cependant appliquer
loyalement la politique pénale définie par le Gouvernement en liaison avec le
Parlement. Ce sont en effet les procureurs généraux et les procureurs de la
République dans la conduite de l'action publique, notion qui reste d'ailleurs
toujours à définir, qui mettent en oeuvre cette politique pénale au quotidien.
Ce point contesté par certains magistrats mérite, madame la ministre, d'être
approfondi et éclairci dans les mois qui viennent.
Il me paraît essentiel, madame la ministre, que le principe de hiérarchisation
du parquet soit non seulement maintenu mais clarifié et réaffirmé, les
procureurs généraux étant les chefs de leur parquet, et les procureurs généraux
les responsables hiérarchiques de l'ensemble des procureurs de la République du
ressort de la cour d'appel. Ce n'est pas tout à fait l'état de droit actuel,
mais c'est ce à quoi nous devons parvenir.
Envisagez-vous d'aller dans ce sens quand nous examinerons les projets de loi
organiques et les projets de loi ordinaires ? Vous avez dit à l'instant, madame
la ministre, que les magistrats du parquet exercent leurs fonctions au sein
d'une hiérarchie. C'est un commencement de réponse.
Par ailleurs, les réformes successives et la pratique des parquets ne nous
conduisent-elles pas à la constitution d'une seule autorité d'enquête : le
parquet ?
En effet, si la tendance actuelle se confirme et s'affine, autrement dit si
les magistrats du parquet sont de plus en plus assimilés par le statut à des
juges et si les juges d'instruction sont de plus en plus dépouillés de leurs
pouvoirs de juge - mandat de dépôt, restriction à la liberté individuelle au
cours de certaines procédures, mais aussi généralisation des bureaux d'enquête,
qui sont devenus, dans certains parquets, de véritables cabinets d'instruction
- il n'existera plus qu'une autorité d'enquête : le procureur. Est-ce cela que
nous voulons ?
Les juges d'instruction feront alors double emploi avec leurs collègues du
siège, auxquels auront été transférés tous les domaines de restriction de la
liberté individuelle - détention préventive et contrôle judiciaire - le juge de
la liberté ou l'équivalent les ayant privés de l'essentiel de leur pouvoir de
juge.
Les juges d'instruction sont-ils appelés à disparaître, de fait sinon de droit
?
Il faut savoir où nous allons afin de ne pas nous retrouver un jour placés
dans une situation sans l'avoir voulue. Tout le processus de droit et de fait
ne préfigure-t-il pas, à l'échéance de quelques années, la fusion du juge
d'instruction et du parquet, et peut-être aussi du juge d'instruction, du
parquet et de la police judiciaire ?
Le texte issu de la navette présente des caractéristiques que j'ai déjà eu
l'occasion de rappeler.
Nous assisterons notamment à la « laïcisation » du Conseil supérieur de la
magistrature, la majorité des membres du Conseil étant désormais des
non-magistrats.
Par ailleurs, si les dix magistrats qui y siégeront sont élus par leurs pairs,
c'est une loi organique qui dévoilera la réelle représentativité du corps.
Permettez-moi de vous le redire, madame la ministre, il me semble nécessaire
que, parmi les magistrats siégeant au Conseil supérieur de la magistrature,
figurent un conseiller, un avocat général à la Cour de cassation, un premier
président et un procureur général. La cour suprême judiciaire doit en effet
être représentée lorsqu'il s'agira de formuler des propositions et des avis sur
les nominations de ses membres.
Il me paraît, en outre, indispensable que deux chefs de cour siègent au
Conseil, comme c'est aujourd'hui le cas. Nous avions retenu cette formule en
1993, parce que nous estimions que ceux qui ont en charge l'administration de
la justice au quotidien dans les cours d'appel et la gestion des ressources
humaines de celles-ci étaient les mieux placés pour apprécier le profil des
candidats et leur adéquation aux différents postes de responsabilité
àpourvoir.
Par ailleurs, et nous y reviendrons sans doute, il me paraît particulièrement
nécessaire aujourd'hui de conforter et de renforcer l'autorité des chefs de
cour et de juridiction.
S'agissant des membres du Conseil supérieur de la magistrature nommés
respectivement par le président du Sénat et par le président de l'Assemblée
nationale, on aurait pu - mais ce n'est pas mûr - envisager une ratification
des nominations par chacune des deux assemblées à la majorité qualifiée des
deux tiers.
Le Conseil supérieur de la magistrature, composé différemment, sera toujours
présidé par le Président de la République, le garde des sceaux en étant de
droit le vice-président.
La formulation du principe reprend celle de 1993, même si elle ne figure plus
au même endroit. Mais quelle est la portée exacte de cette présidence et de
cette vice-présidence ?
Avant que le texte soit voté, il faut au moins au niveau des débats
parlementaires que l'on nous dise si l'on considère que le Président de la
République et le garde des sceaux ont ou n'ont pas le droit de vote.
Le problème s'est posé à un moment de crise. Une réponse a été apportée, mais
des hésitations demeurent dans les esprits.
Abordons maintenant les attibutions du Conseil supérieur de la
magistrature.
Chaque année, le Conseil publie un rapport d'activités qui comprend souvent
des propositions, mais qui donne aussi son point de vue sur les réformes
touchant la justice.
Ces rapports ont été, parfois, des sujets de polémiques, le Conseil supérieur
de la magistrature - et là je ne suivrai pas M. Badinter - apparaissant, aux
yeux de certains, comme le conseil supérieur de la justice judiciaire, alors
qu'il n'est que celui de la magistrature. Or, je me permets de le rappeler, le
Conseil supérieur de la magistrature n'a d'existence juridique que lorsqu'il
est présidé par le Président de la République et par le garde des sceaux.
Est-ce bien votre point de vue, madame le garde des sceaux ? Cette question
est d'importance, car l'ambiguïté porte en elle les germes d'autres évolutions
que la nouvelle composition du Conseil ne manquera pas d'initier.
Si ce texte est adopté par le Congrès, tous les magistrats du parquet seront
désormais nommés sur avis conforme. La réforme est d'importance. Mais qu'en
sera-il pour les magistrats de l'administration centrale du ministère de la
justice, qui sont assimilés à des magistrats du parquet ?
Comment cela se passera-t-il également pour les magistrats détachés dans des
postes de direction ? Leur nomination relève de la compétence du conseil des
ministres ; le Conseil supérieur de la magistrature donnera-t-il son avis avant
? Un avis après coup, vous ne pouvez l'imaginer. Voilà qui va encore compliquer
votre tâche.
Madame le garde des sceaux, si la réforme est adoptée, nous aurons aussi
introduit un déséquilibre entre les procédures de nomination des premiers
présidents et procureurs généraux et des présidents et procureurs. En effet,
les présidents et premiers présidents seront nommés sur proposition du Conseil
supérieur de la magistrature à l'occasion de ce que l'on appelle un grand
conseil, c'est-à-dire un conseil tenu à l'Elysée et présidé par le Président de
la République. En revanche, leurs homologues, puisqu'ils sont sur le même rang
dans les cours et tribunaux, les procureurs généraux et les procureurs de la
République, seront nommés en petit conseil, sur simple avis.
Ce problème peut être réglé, par exemple, en prévoyant dans la loi organique
que les procureurs généraux et les procureurs de la République seront nommés
sur avis d'un conseil qui revêtira la même solennité que celle qui est
actuellement exigée pour les premiers présidents et les présidents.
Par ailleurs, madame le garde des sceaux, afin d'éviter toute possibilité de
censure par le Conseil constitutionnel, pourquoi n'avoir pas profité de
l'opportunité de cette réforme pour prévoir qu'à l'avenir les chefs de cour et
de juridiction seraient détachés pour une période de cinq ans, par exemple ?
On sait très bien qu'une telle réforme, adoptée par le biais d'une loi
organique ne passera pas nécessairement aussi facilement devant le Conseil
constitutionnel.
D'ailleurs - je verse cette remarque au débat - pourquoi ne pas imaginer que
l'ensemble des magistrats qui sont nommés pour une fonction spécifique par
décret, juges d'instance, juges de l'application des peines, juges des enfants,
juges d'instruction, le seraient pour une période renouvelable de cinq ans,
après avis du Conseil supérieur de la magistrature, ce qui éviterait ce que
j'appelle parfois les « niches de carrière » ?
En effet, il n'est pas souhaitable que la haute magistrature se sédentarise à
l'excès. Le fonctionnement de la justice serait amélioré par une plus grande
mobilité des magistrats, notamment des chefs de cour et de juridiction.
En conclusion, madame la ministre, mes chers collègues, et au risque de me
répéter, je dirai que cette réforme n'aura de sens que si, au même moment, on
adopte deux autres réformes, celle qui concerne le statut du parquet et celle
qui a trait à la présomption d'innocence.
Cette seconde réforme vise à assurer une réelle protection d'un principe
fondamental dans le droit des démocraties dignes de ce nom, la présomption
d'innocence, qui va de l'enquête préliminaire à l'audience du tribunal
correctionnel ou de la cour d'assises, en passant par la garde à vue,
l'instruction, la mise en examen, la détention, les voies de recours, et la
publicité donnée dans la presse à ces différentes phases.
La réforme actuelle n'aura de sens, ne sera lisible et crédible que si,
concomitamment, les deux autres réformes sont arrêtées.
M. Charles Pasqua.
Concomitamment !
M. Hubert Haenel.
Le temps qui séparera le vote conforme des deux assemblées sur ce texte doit
donc servir à faire adopter par l'Assemblée nationale et le Sénat les deux
réformes intimement liées à celle-ci. Comme le président de la commission des
lois, nous n'imaginerions pas pouvoir aller à Versailles sans qu'il en soit
ainsi.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Cela viendra vite !
M. Hubert Haenel.
Le temps viendra - je l'espère et il faut le souhaiter - où juges, procureurs
et politiques cesseront de se méfier les uns des autres, où chacun sera bien à
la place que lui confère l'Etat, la nation, la Constitution et les lois, pour
le plus grand bien de la République, de la démocratie et de l'Etat de droit,
valeurs stuprêmes communes aux uns et aux autres, mais trop souvent malmenées
par les uns et les autres.
Sous le bénéfice de ces observations et des réponses que vous apporterez aux
questions que je vous ai posées, madame le garde des sceaux, les sénateurs du
groupe du Rassemblement pour la République, dans leur grande majorité, voteront
le texte tel qu'il est présenté par la commission des lois.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous
voici réunis aujourd'hui pour examiner, en deuxième lecture, le projet de loi
constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature. Avouons que
depuis l'adoption, sans modification par l'Assemblée nationale, de votre texte,
madame la garde des sceaux, le 3 juin dernier, bien des changements se sont
produits.
L'on pourrait légitimement se demander, et je vous le demande, madame la garde
des sceaux : que reste-t-il de votre réforme du Conseil supérieur de la
magistrature, élément clé de celle, plus globale, de la justice que vous avez
engagée ? Et M. Jolibois, rapporteur de la commission des lois, s'en félicitait
voilà un instant.
L'objectif affiché du Gouvernement, en déposant son projet sur le bureau de
l'Assemblée nationale, était d'assurer l'impartialité et l'indépendance de la
justice à l'égard du pouvoir exécutif, et de mettre ainsi fin à la suspicion
née de la multiplication des « affaires » politico-judiciaires de ces dernières
années.
Restaurer la confiance de nos concitoyens en leur justice, en clarifiant
notamment les rapports entre justice et pouvoir politique, est un objectif
louable auquel nous ne pouvons qu'adhérer.
Pour ce faire, vous avez voulu, dans votre texte initial, renforcer les
garanties statutaires des magistrats du parquet en matière de nomination comme
de discipline. Vous avez aussi choisi d'élargir et de rééquilibrer la
composition du Conseil supérieur de la magistrature. Enfin, vous avez réaffirmé
l'unité de la magistrature.
Certes, ces mesures constituaient de réelles avancées par rapport au
dispositif existant.
Toutefois, eu égard à notre propre conception d'une justice indépendante et
d'une réforme effective du Conseil supérieur de la magistrature, nous avions
estimé, par la voix de mon ami Robert Pagès, dès le 23 juin dernier, que « Les
dispositions figurant dans le projet de loi constitutionnelle ne permettront
pas d'atteindre réellement de tels objectifs, qui sont pourtant indispensables
pour assurer une réelle indépendance à la justice à l'égard du politique. »
Nous nous étions alors prononcés pour un Conseil supérieur de la magistrature
réunifié, composé pour moitié au moins de personnalités extérieures au corps
judiciaire, désignées par l'Assemblée nationale et le Sénat, en dehors de leurs
membres et dans le respect du pluralisme. Le président du Conseil supérieur de
la magistrature aurait été élu en son sein par ses membres et le garde des
sceaux aurait été écarté de sa direction.
Quant aux magistrats du parquet, ils auraient bénéficié des garanties
constitutionnelles d'indépendance, identiques à celles des magistrats du
siège.
C'est dire si votre projet de loi, madame la garde des sceaux, selon nous, est
resté au milieu du gué.
Quant au texte, tel qu'il a été modifié par le Sénat, puisque la
quasi-totalité de ses amendements a été retenue par les députés, il montre bien
les limites d'une réforme annoncée.
Faute de réelle volonté politique, en effet, le texte sur lequel nous devons
nous prononcer aujourd'hui a très peu de points communs avec la version
originale présentée par le Gouvernement et sa logique demeure en fait très
proche du système actuel.
Malgré le soutien apporté à votre réforme par le président de la République,
le Sénat est hostile, dans sa majorité, à l'indépendance des magistrats...
(Protestations sur les travées du RPR.)
M. Josselin de Rohan.
Vous ne pouvez pas dire cela ! Ce n'est pas sérieux !
M. Robert Bret.
....et a souhaité, par conséquent, retarder la réforme du Conseil supérieur de
la magistrature, en obligeant à des navettes avec l'Assemblée nationale.
Ayant craint que les modifications apportées par la commission des lois ne
soient adoptées dans les mêmes termes à l'Assemblée nationale dès la première
lecture, vous avez eu recours, mesdames et messieurs les élus de droite, à un
sous-amendement de dernière minute, prévoyant que les procureurs généraux
continueraient d'être nommés par le pouvoir politique.
Avec l'adoption d'une telle disposition, qui vide la réforme de sa substance,
les navettes étaient assurées, et le retard du calendrier constitutionnel
également. L'Assemblée nationale a en effet rétabli l'avis conforme du Conseil
supérieur de la magistrature pour la nomination des procureurs généraux. Cette
attitude ferme aurait dû valoir pour l'ensemble des points de désaccord entre
les deux chambres.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Nous estimons, pour ce qui nous concerne, que le Sénat, contrairement aux
déclarations de M. Jacques Larché, président de la commission des lois, n'a pas
fait un pas en avant mais qu'il a procédé à une réécriture du projet
gouvernemental et que les députés ont fait preuve d'une trop grande
mansuétude.
M. René-Georges Laurin.
Pourquoi votre représentant à la commission ne l'a-t-il pas dit ?
M. Robert Bret.
Tout à fait !
Force est de constater, madame la garde des sceaux, que l'issue de la réforme
du Conseil supérieur de la magistrature dépend, depuis le début, de l'attitude
des sénateurs de droite, puisqu'une loi constitutionnelle requiert une adoption
dans les mêmes termes par chacune des assemblées.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Eh oui !
M. Robert Bret.
Il y a maintenant un véritable décalage entre l'annonce par le Gouvernement de
la mise en chantier d'un certain nombre de réformes pour améliorer et
démocratiser le fonctionnement judiciaire et le contenu du présent texte, qui
est pourtant le plus emblématique d'entre eux, puisque, depuis un demi-siècle,
l'indépendance de la justice trouve sa mesure dans la composition et les
pouvoirs du Conseil supérieur de la magistrature.
Pourquoi tant d'hésitations à l'égard d'une justice indépendante ? Pourquoi
vouloir faire des magistrats des fonctionnaires dépendants du pouvoir
politique, comme vient de nous le proposer M. Haenel, qui, au moins, à le
mérite d'être clair ?
M. René-Georges Laurin.
Que faites-vous au Gouvernement ?
M. Robert Bret.
Rendre les magistrats plus indépendants - et non autonomes - ne signifie pas,
selon nous, leur donner plus de pouvoirs. Bien au contraire !
M. Josselin de Rohan.
Vous êtes un opposant !
M. Robert Bret.
Et ils n'en auront pas plus qu'ils en ont actuellement. Je pense notamment aux
pouvoirs croissants qu'ils tirent des circulaires ministérielles.
En effet, si celles-ci portaient initialement sur les choix prioritaires en
matière de politique pénale générale, peu à peu elles ont changé d'objet et
elles concernent aujourd'hui plus particulièrement les procédures pénales, à
savoir le montant des peines, le recours à la comparution immédiate ou non, qui
relèvent, pour leur part, de la loi.
De surcroît, il y a un paradoxe entre craindre les pouvoirs des juges et faire
en pratique de plus en plus appel à eux en matière pénale, notamment pour ce
qui est des « incivilités » et de la délinquance juvénile.
Le rôle social de la justice prend en effet une ampleur sans analogie dans
notre histoire contemporaine. Nous devons y être attentifs.
Si nous prenons le cas américain, qui hante bien des esprits, on constate
qu'avec la fin de l'Etat providence et au fur et à mesure que les aides
sociales ont diminué la justice pénale a pris de l'ampleur et le nombre des
personnes incarcérées a considérablement augmenté.
La réponse sociale s'est ainsi peu à peu pénalisée et la place des magistrats
dans la société devient en conséquence très importante.
Or le pouvoir d'incarcérer, de placer en détention, est tel qu'il ne peut et
ne doit revenir qu'aux magistrats dont l'indépendance doit être absolument
garantie.
M. Jean-Claude Gaudin.
Avec les abus que l'on connaît !
M. Robert Bret.
Ainsi considérons-nous l'indépendance des magistrats comme constituant avant
tout un droit du justiciable.
En effet, au regard des principes constitutionnels, tels que l'égalité des
citoyens devant la loi et la protection des libertés individuelles, cette
indépendance est la condition essentielle pour garantir le justiciable contre
toute forme d'injustices ou d'inégalités.
C'est pourquoi nous estimons que les magistrats du siège, comme ceux du
parquet, doivent bénéficier, dans leur carrière, d'une autonomie propre face au
pouvoir politique. Leur nomination doit donc relever d'un organe qui ne puisse
pas être identifié à un pouvoir politique.
Or, étant donné la part prépondérante que conservent le Président de la
République et le garde des sceaux au sein du Conseil supérieur de la
magistrature, lesquels continuent à participer à ses travaux et à voter, on
voit bien la mainmise de l'exécutif sur le judiciaire.
(Protestations sur
les travées du RPR.)
Il n'y a donc pas de révolution en ce domaine.
De plus, le Conseil supérieur de la magistrature n'a toujours pas, pour les
parquetiers, le pouvoir de proposition, qui demeure entre les mains du garde
des sceaux.
La fracture constante entre la classe politique et le corps judiciaire risque
donc de perdurer, alors qu'il aurait fallu que les politiques se réapproprient
les débats sur la justice.
Le pendant de l'indépendance renforcée des juges doit être une intervention
plus précise et plus fréquente de la loi en matière judiciaire. Le législateur
doit aussi remplir pleinement son rôle, c'est la garantie du respect du
principe de la séparation des pouvoirs : le juge en toute indépendance, dans le
cadre de la loi, et lui seul.
Quant à la composition du Conseil supérieur de la magistrature, si, pour
éviter le piège du corporatisme, celle-ci a été rééquilibrée et élargie à des
personnalités extérieures à la magistrature, nous considérons que, là aussi, le
Parlement aurait dû être associé à la nomination de ces personnalités.
Or il est prévu que les membres extérieurs soient désignés par le Président de
la République et les présidents des deux assemblées parlementaires.
Ainsi, hors période de cohabitation, pour peu qu'une même majorité politique
détienne tous les pouvoirs, ces membres qui ne sont pas magistrats auraient une
coloration politique qui rejaillirait, à n'en pas douter, sur le Conseil
supérieur de la magistrature lui-même.
Nous pourrions, en l'occurrence, nous interroger sur la légitimité
démocratique du Conseil supérieur de la magistrature.
On ne peut donc pas parler de véritable ouverture de ce dernier vers
l'extérieur.
De plus, nous considérons que le texte de loi conserve une place excessive à
la haute et moyenne hiérarchie, qui, numériquement, constitue pourtant une
faible proportion du corps judiciaire.
S'il y avait une disposition dans le texte qui nous donnait pleinement
satisfaction, c'était bien l'affirmation de l'unicité de la magistrature, avec
la mise en place d'une seule formation compétente, à la fois à l'égard des
magistrats du siège et de ceux du parquet.
Malheureusement, le souhait de la majorité sénatoriale de maintenir les deux
formations distinctes au sein du Conseil supérieur de la magistrature a été
accepté par l'Assemblée nationale, alors même que les syndicats de la
magistrature ont appelé de leurs voeux cette unicité du corps judiciaire.
Plusieurs sénateurs du RPR.
« Le » syndicat !
M. Robert Briet.
Pour les avoir tous rencontrés, nous savons que ce sont « les » syndicats !
Pour conclure, je tiens à réaffirmer que, tout en respectant les capacités
d'action du Conseil supérieur de la magistrature, il conviendrait de placer ce
dernier au coeur du débat et de l'entourer d'un contrôle dont ne seraient
exclus ni les forces politiques, ni les professions liées au fonctionnement
quotidien de la justice, ni même les citoyens.
Je le répète, l'une des clés d'une réelle indépendance de la magistrature
réside dans la réappropriation par le législateur de l'encadrement normatif du
droit.
A la lumière de ces réflexions et observations, les sénateurs communistes
s'abstiendront sur ce texte.
(Applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen.)
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, je vous remercie de vos remarques qui, une fois de plus, témoignent
de la qualité des réflexions que l'on entend au Sénat.
Pratiquement tous les orateurs qui sont intervenus dans la discussion générale
ont manifesté leurs inquiétudes sur la maîtrise de la politique pénale lorsque
la réforme aura abouti.
Ces inquiétudes, vous les avez exprimées moins à propos des nouvelles
garanties de nomination données, par le projet de loi constitutionnelle qui
vous est soumis, aux procureurs généraux et aux procureurs qu'à propos de la
suppression des instructions individuelles, qui ne vous est pas proposée
aujourd'hui, mais qui sera incluse dans un projet de loi sur les rapports entre
la Chancellerie et le parquet, instructions qui devraient être remplacées par
des instructions générales.
Vous vous êtes interrogés, monsieur le président de la commission, monsieur le
rapporteur, d'autres aussi, sur les moyens qu'aurait, dans cette perspective,
le Gouvernement de faire respecter la politique pénale qu'il est chargé de
conduire par la Constitution.
M. Michel Charasse.
Et lui seul !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je reviendrai évidemment plus en détail au moment des
débats sur ce projet de loi, sur d'autres aussi, sur les rapports entre le
parquet et la Chancellerie, mais je voudrais d'ores et déjà vous apporter
quelques éclaircissements et quelques réponses aux questions, d'ailleurs
légitimes, que vous vous posez.
Je rappelle, pour commencer, que la proposition de supprimer les instructions
individuelles par le garde des sceaux en direction des parquets et de les
remplacer par des instructions générales a été formulée par la commission
Truche - je vous renvoie aux pages 34 et 35 de son rapport.
Je rappelle également au Sénat, mais vous le savez, que cette commission a été
installée par M. le Président de la République, qui lui a donné pour mission de
réfléchir, d'une part, aux moyens de garantir l'indépendance des magistrats et,
d'autre part, à leur responsabilité.
Je rappelle encore que, lors de la remise de leur rapport, M. le Président de
la République a indiqué aux membres de la commission qu'en effet il considérait
qu'il s'agissait là d'un travail de très grande qualité.
Ce rappel général étant fait, je vais expliquer maintenant un peu plus
précisément ce que sera le dispositif de contrôle par le Gouvernement de la
politique pénale lorsque la réforme que je propose aura - je l'espère - été
adoptée.
Premièrement, les instructions générales ont le mérite - c'est leur objet même
- d'être claires, publiques et générales, c'est-à-dire de permettre à chacun de
se situer par rapport aux autres parquets au regard des citoyens.
Deuxièmement, l'expression « instructions générales » ne signifie pas
instructions mécaniques, obligatoires, lettres à lettres. Il est bien entendu
qu'il revient aux procureurs d'adapter aux circonstances de temps et de lieu
l'orientation générale.
Ce pouvoir d'appréciation - je vous le fais remarquer - existe d'ailleurs déjà
aujourd'hui dans le code de procédure pénale actuel - il est vrai que j'en ai
suspendu l'application, puisque je n'envoie plus d'instructions particulières.
Les instructions particulières sont écrites, mais la parole reste libre.
Troisièmement, il faut se souvenir que le garde des sceaux propose les
nominations des parquetiers à l'avis conforme du Conseil supérieur de la
magistrature. Par ces propositions, le garde des sceaux prend en compte les
qualités professionnelles des parquetiers.
Quatrièmement, le non-respect des instructions générales suivies par ses
collègues, s'il se produit, isolera le procureur réticent et aura pour effet de
placer ce comportement au coeur du débat public, hors du seul cercle des
magistrats, comme c'est le cas aujourd'hui. Cette transparence jouera et joue
déjà un rôle que n'avaient certes pas les instructions particulières, même
versées au dossier.
Cinquièmement, le parquet reste hiérarchisé. Je réponds là en particulier à M.
Haenel, qui s'est fait l'écho de cette préoccupation. Je l'ai voulu ainsi. Le
futur article 5 de l'ordonnance statutaire serait ainsi rédigé : « Les
magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leur chef
hiérarchique et sous l'autorité du garde des sceaux, ministre de la justice » -
ce qui suit est nouveau - « dont il met en oeuvre les directives générales.
»
En particulier, le procureur général exerce une responsabilité pouvant aller,
comme l'a souligné M. Badinter, jusqu'à l'instruction individuelle destinée aux
procureurs de son ressort. Il est garant des politiques pénales, et nombre de
procureurs généraux exercent d'ailleurs d'ores et déjà cette compétence par des
réunions fréquentes de tous les procureurs de leur ressort, réunions qui sont
générales ou qui se déroulent en ateliers sur les différentes politiques
pénales : sécurité routière, petite et moyennne délinquance, délits financiers
et délinquance des mineurs.
De cette action collective naît une volonté commune du parquet qui est
utilement communiquée aux préfets et aux services de police et de gendarmerie,
car la place de la justice par rapport aux services de police et de gendarmerie
est un élément évidemment très important.
Sixièmement, en cas de non-respect des instructions générales, la hiérarchie
jouera son rôle d'interrogation, de discussion, de mise en garde.
Septièmement, c'est seulement si tout cet appareil préalable, que je viens de
décrire, n'a pu corriger un comportement réitéré, conscient, volontaire,
public, démonstratif, gênant pour la cohérence de l'action publique que la
question du disciplinaire pourra en effet se poser.
Il faudrait alors se souvenir - et je vous demande de m'écouter avec une
particulière attention - des termes de l'arrêt Rousseau du Conseil d'Etat du 14
mars 1975, rendu sur recours en cassation contre une décision du Conseil
supérieur de la magistrature.
Il dispose : « Le fait pour les chefs de juridiction de manquer à l'obligation
de résidence, de refuser d'observer les instructions relatives à l'application
de nouvelles dispositions de procédure et de méconnaître certaines règles
relatives à la collégialité en délibéré est de nature à motiver légalement une
sanction disciplinaire à l'encontre du magistrat intéressé. En revanche,
l'autorité investie du pouvoir disciplinaire ne pourrait retenir contre un
magistrat ni le contenu des décisions juridictionnelles rendues, ni un grief
portant atteinte au secret du délibéré. »
Les poursuites disciplinaires, nous le voyons, ne sont donc pas à exclure - je
réponds ainsi à ceux qui s'étaient inquiétés de cela - mais elles ne sauraient
intervenir que dans des circonstances bien précises.
Nous observons d'ailleurs que la jurisprudence de la commission de discipline
du parquet puis du Conseil supérieur de la magistrature nous fournit, en 1978,
1987, 1993 et 1997, les exemples des sanctions disciplinaires exercées à
l'égard de membres du parquet.
Je cite : « Agissant à l'encontre des instructions formelles que le procureur
général, en vertu de son pouvoir hiérarchique, lui avait notifiées tant
verbalement que par écrit et à plusieurs reprises... ». Je cite encore, en 1987
: « A l'égard de parquetiers qui ont développé une conception personnelle des
missions du ministère public, des attributions et pouvoirs respectifs des
substituts et procureurs de la République... ». Les références sont connues,
mais je voulais rappeler le contenu de ces décisions.
La réforme repose, bien entendu, sur un certain nombre de principes dont - M.
Haenel s'en est inquiété - le principe de hiérarchie du parquet. Non seulement
ce principe sera maintenu, mais il sera renforcé.
Il sera ainsi précisé à l'article 5 de l'ordonnance statutaire que les
procureurs généraux mettent en oeuvre les directives générales du ministre de
la justice ; pour ce faire, les procureurs généraux pourront donner des
instructions aux procureurs de leur ressort, je l'ai dit tout à l'heure, mais
je préfère le rappeler.
J'ajouterai, en réponse à quelques observations particulières de M. Haenel,
que la présomption d'innocence sera renforcée - je l'ai dit dans mon discours
introductif - par la présence de l'avocat dès la première heure de la garde à
vue, par le renforcement des droits de la défense, par la limitation dans le
temps des procédures qui mettent en cause des citoyens.
Plusieurs d'entre vous - je le sais, car nous avons eu des discussions sur ce
point au sein de la commission des lois et en séance publique - se posent alors
la question du statut des parquetiers : magistrats ou fonctionnaires ? On se
pose la question sur l'ensemble des travées.
M. Michel Charasse.
Et depuis longtemps !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
J'ai déjà indiqué ma position à cet égard, mais je
souhaiterais y revenir.
Le métier de fonctionnaire est certes un très beau métier, mais il s'agit en
l'occurrence de libertés individuelles, d'honneur perdu ou retrouvé,
d'innocence, de culpabilité, et il me semble que c'est à un magistrat, fût-il
du parquet, et non à un fonctionnaire, de se porter garant du respect des
libertés individuelles.
Voilà pourquoi, pour ma part, je refuse une évolution à l'anglo-saxonne. Il me
paraît absolument nécessaire de conserver notre propre système, qui donne, en
effet, à un magistrat qui se sent garant de la protection des libertés
individuelles ce pouvoir de mener l'accusation.
Un certain nombre de questions ont été posées à propos du Conseil supérieur de
la magistrature, qui joue un rôle essentiel et fondamental dans la
République.
Certains se sont demandé s'il fallait mentionner dans le texte le vote du
Président de la République et du garde des sceaux. Je leur répondrai que nous
ne changeons rien à la situation actuelle : le Président de la République et le
garde des sceaux ne votent jamais au sein du Conseil supérieur de la
magistrature.
Faut-il maintenir une distinction entre les premiers présidents et les
procureurs généraux, chefs de cour, pour leur nomination ? La loi ne prévoit
qu'un seul Conseil supérieur de la magistrature. De fait, la séparation entre
le Conseil supérieur de la magistrature présidé par le garde des sceaux et le
Conseil supérieur de la magistrature présidé par le Président de la République
est claire : au premier, les cas de propositions par le garde des sceaux ; au
second, les cas de propositions par le Conseil supérieur de la magistrature
lui-même. Nous ne changeons rien à cette tradition ininterrompue.
Faut-il fixer un terme déterminé à certaines fonctions dans la magistrature, à
l'instar de ce qui existe déjà pour les juges des enfants et les juges de
l'application des peines ? Je n'exclus pas de le prévoir pour certains postes.
Cette modification figurera dans la réforme du statut de la magistrature en
cours d'élaboration à la chancellerie.
Comment traiter les magistrats qui sont affectés à l'administration centrale
du ministère de la justice ?
Ces magistrats sont incontestablement des magistrats. L'article 1er de la loi
organique prévoit que le corps judiciaire comprend les magistrats du siège et
du parquet, ainsi que les magistrats en fonction au ministère de la justice.
Cependant, les garanties de nomination ont pour objectif de conforter
l'indépendance juridictionnelle des magistrats. Or les MACJ, les magistrats de
l'administration centrale de la justice, n'ont pas d'activité juridictionnelle
: il s'agit là d'une distinction extrêmement importante. A propos d'activités
administratives, il n'y a en effet pas de raison que s'exercent les garanties
offertes en matière juridictionnelle. Sinon, on se heurterait à l'inconvénient
souligné par M. Haenel tout à l'heure : il n'y aurait plus aucun moyen de gérer
les services du ministère de la justice. En la matière également, notre
pratique et les textes en vigueur sont clairs.
Le président de la commission des lois, M. Badinter et M. Hyest ont exprimé
des inquiétudes quant à l'architecture globale et à la signification ultérieure
de ce projet de loi ; il est bien évident que l'essentiel des appréhensions
suscitées par ce texte ne se sont pas manifestées aujourd'hui. Je leur dirai
que ma réforme a d'abord pour objectif d'être une réforme globale en vue
d'augmenter les garanties et les droits des citoyens. Tous les textes présentés
ont cet objectif.
Cependant, cette réforme ne change pas le régime juridique du fonctionnement
de notre système judiciaire. C'est une réforme, ce n'est pas une révolution.
« Le Gouvernement définit et conduit la politique de la nation. » C'est son
devoir constitutionnel, y compris dans la politique pénale. Le ministère public
chargé d'engager des poursuites et de mettre en oeuvre la politique pénale
reste hiérarchisé. La procédure pénale reste inquisitoire et le secret de
l'enquête et de l'instruction n'est pas supprimé, il est aménagé. Les
magistrats ne deviennent pas irresponsables - je reviendrai ultérieurement sur
ce point lors de la discussion des amendements.
Les citoyens seront les premiers bénéficiaires de cette réforme. Ils
connaîtront mieux leurs droits grâce au projet de loi sur l'accès aux droits.
Ils pourront faire reconnaître leurs droits de façon plus simple grâce au
projet de loi sur la simplification des procédures pénales.
Leurs libertés seront renforcées.
L'institution judiciaire sera plus compréhensible dès lors que nous donnerons
aux citoyens la possibilité d'exercer des recours et des réclamations.
Enfin - c'est M. Bret qui a posé cette question - que reste-t-il, après les
discussions et amendements, de ma réforme du Conseil supérieur de la
magistrature ? Si ce n'est tout, c'est en tout cas l'essentiel : une
composition ouverte réunissant majoritairement des non-magistrats judiciaires ;
des attributions renforcées sur le point fondamental des garanties de carrière
pour tous les magistrats du parquet ; une nouvelle procédure disciplinaire.
C'est une réforme qui est d'abord et avant tout faite pour les justiciables.
Vous avez eu raison d'insister particulièrement sur ce point, monsieur Bret.
En présentant cette réforme, je n'avais qu'un seul objectif : restaurer la
confiance des citoyens dans notre système judiciaire et sortir de la méfiance
réciproque qui, hélas ! s'est instaurée entre les politiques et les
magistrats.
La réforme que je vous propose tend à faire prévaloir une logique
d'indépendance, de responsabilité, de transparence et de contre-pouvoir. C'est
cette logique que je vous propose de suivre non seulement dans le projet de loi
constitutionnelle qui est soumis aujourd'hui à votre approbation, mais dans
tous les textes dont vous aurez à débattre l'an prochain.
(Applaudissements
sur les travées socialistes et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La discussion générale est close.
(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
7
NOMINATION DES MEMBRES
D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE
M. le président.
J'informe le Sénat que la liste des candidats à une commission d'enquête a été
affichée et n'a fait l'objet d'aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame : MM. Jean Arthuis,
Jean Bernadaux, Gérard Braun, Jean-Claude Carle, Jean-Louis Carrère, Xavier
Darcos, Philippe Darniche, Christian Demuynck, Mme Dinah Derycke, MM. Claude
Domeizel, Jean-Léonce Dupont, Adrien Gouteyron, Francis Grignon, Jean-Philippe
Lachenaud, Serge Lagauche, Jacques Legendre, Mme Hélène Luc, MM. Jacques
Mahéas, Pierre Martin, Jacques Valade, André Vallet, membres de la commission
d'enquête sur la situation et la gestion des personnels des écoles et des
établissements d'enseignement du second degré ainsi que de ceux des services
centraux et extérieurs des ministères de l'éducation nationale et de
l'agriculture, pour l'enseignement agricole.
8
NOMINATION DE MEMBRES
D'ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
M. le président.
Je rappelle que la commission des affaires sociales et la commission des
finances ont proposé des candidatures pour deux organismes
extraparlementaires.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par
l'article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :
M. Roger Lagorsse, membre du Conseil supérieur de la coopération,
et M. Henri Torre, membre du conseil d'administration de l'établissement
public de réalisation de défaisance.
9
CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE
Suite de la discussion d'un
projet de loi constitutionnelle en deuxième lecture
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif au
Conseil supérieur de la magistrature.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la
discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du
Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
Article additionnel avant l'article 1er
M. le président.
Par amendement n° 1 rectifié, M. Charasse propose d'insérer, avant l'article
1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le troisième alinéa de l'article 64 de la Constitution est complété par la
phrase suivante : " Elle détermine les procédures applicables aux magistrats,
responsables pénalement et civilement des crimes, délits et actes accomplis
dans l'exercice de leurs fonctions, ainsi que la composition et les modalités
de fonctionnement des juridictions particulières compétentes en la matière."
»
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, pour
que les choses soient claires, j'indique d'emblée que, dans cette affaire, et
en ce qui concerne les deux initiatives que j'ai prises à travers mes deux
amendements, je n'engage évidemment pas mon groupe qui n'a pas donné son accord
; je m'exprime donc à titre personnel.
M. Hubert Haenel.
Dommage !
M. Michel Charasse.
J'ai d'ailleurs quelques scrupules à troubler cette ambiance «
Embrassons-nous, Folleville ! » puisque le Sénat, si j'ai bien compris,
souhaite, comme l'y invite sa commission, émettre un vote conforme. Mais je
pense que cette réforme ne peut pas être votée sans que nous disposions de
quelques garanties et assurances quant à ce qu'il en sera de la République
après cette révision constitutionnelle.
On imagine, monsieur le président, que je ne peux pas être opposé à
l'indépendance de l'autorité judiciaire, et aujourd'hui encore moins, puisqu'en
début d'après-midi la chambre d'accusation de Paris a annulé l'ordonnance du
juge Vichnievsky me condamnant à 10 000 francs d'amende dans une affaire que le
Sénat connaît bien puisque son bureau s'est opposé à ma conduite de force
devant le juge et que notre Assemblée, à la quasi-unanimité, a ordonné la
suspension des poursuites jusqu'en juillet dernier.
(Applaudissements.)
Comme il s'agit d'un combat que j'ai mené pour l'honneur et
l'indépendance de la fonction parlementaire, je voulais dire au Sénat combien
je m'en réjouissais !
M. Hubert Haenel.
Il y a encore la Cour de cassation !
M. Michel Charasse.
Cela m'étonnerait qu'elle soit saisie. Seul le parquet peut le faire et, à mon
avis, il n'y a pas intérêt.
(Sourires.)
Bref, mon premier amendement, n° 1 rectifié, concerne la situation des
magistrats au regard de la justice. Nous sommes un certain nombre à considérer
que, contrairement à la loi et à ce qu'on pourrait penser, ils ne sont pas
toujours égaux aux autres citoyens.
Dans une récente décision, une cour d'appel saisie par un ancien magistrat du
parquet de la Cour de cassation, aujourd'hui à la retraite et qui s'est lancé
dans les affaires, a réformé le jugement rendu en correctionnelle, en ramenant
au sursis des peines fermes prononcées en première instance. La Cour a motivé
cette clémence en précisant que cette décision était motivée « par les bons
renseignements dont dispose la Cour sur l'intéressé ».
M. Hubert Haenel.
Ah !
M. Michel Charasse.
Tout est dit !
Les magistrats ne peuvent plus continuer, à mon avis, à se juger entre eux,
mais seule la Constitution peut poser le principe d'une dérogation au droit
commun en ce qui concerne les procédures particulières qui leur sont
applicables et la composition des juridictions compétentes.
C'est l'objet de mon amendement qui renvoie à la loi organique le soin de
préciser les règles spécifiques de procédure pénale et civile qui seront
appliquées aux magistrats.
On dira - ce sont notamment mes amis MM. Badinter et Dreyfus-Schmidt qui me le
disent - que la responsabilité est contraire et contrevient à l'indépendance.
Je ne pense pas que ce soit le cas. La responsabilité est distincte de
l'indépendance comme doit l'être, pour les anciens ministres devant la Cour de
justice, ce qui relève de la responsabilité politique, dont le Parlement est
seul juge, et de la responsabilité pénale qui ne relève que de la juridiction
compétente.
Dans le cadre des magistrats du siège, les juridictions compétentes qui seront
créées par la loi organique devront faire le tri entre ce qui relève de
l'indépendance et ce qui relève de la responsabilité civile ou pénale.
En tout cas, mon amendement vise à interdire que, désormais, les magistrats se
jugent entre eux, quand ils acceptent de se juger.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Cet amendement a en tout cas le très grand mérite d'avoir
suscité, au sein de la commission, un débat fort riche sur une question qui, au
demeurant, n'est pas nouvelle, M. Charasse le sait bien, puisqu'elle remonte à
la plus haute Antiquité : qui juge les juges ?
Cette question en appelle d'ailleurs une autre : qui pourrait juger les juges
qui jugeront les juges ?
Traditionnellement, dans notre système judiciaire, le jugement n'est
susceptible d'être « jugé » que par la voie de l'appel ou par celle de la
cassation. Les comportements du magistrat qui relèvent du droit commun sont
jugés devant les juridictions de droit commun et les comportements qui sont de
nature disciplinaire sont jugés par le Conseil supérieur de la magistrature,
dont la composition et les pouvoirs font l'objet du présent texte.
Après avoir relevé tout l'intérêt du débat que soulevait cet amendement, la
commission a décidé d'émettre un avis défavorable.
Il a en effet été observé qu'il faudrait créer une juridiction spécialisée,
chargée de juger les juges, comme il en existe une qui est appelée à juger les
ministres - la Cour de justice de la République - et une autre qui est appelée
à juger le Président de la République - la Haute Cour de justice. Or la
commission des lois a estimé une nouvelle fois - puisqu'un amendement analogue
avait déjà été déposé lors de la première lecture - qu'une telle création
n'était pas opportune et qu'il fallait, pour juger les juges, s'en tenir aux
modalités traditionnelles que j'ai évoquées voilà quelques instants.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Indéniablement, cet amendement suscite la réflexion et
le débat, car il porte sur le très important sujet de la responsabilité des
magistrats.
On entend souvent dire que les magistrats sont soumis à plusieurs
responsabilités : hiérarchique, administrative, pénale, disciplinaire. C'est
vrai et c'est faux à la fois !
C'est vrai sur le plan juridique.
Les magistrats sont effectivement soumis à la responsabilité hiérarchique :
les « chefs de cour » exercent le pouvoir hiérarchique sur le parquet et, pour
le siège, ils veillent au bon fonctionnement des juridictions ; ils ont le
pouvoir d'avertissement.
Les magistrats sont également soumis à la responsabilité administrative mais,
comme pour les autres agents publics, l'Etat n'exerce presque jamais l'action
récursoire en cas de faute de service.
Les magistrats sont, bien sûr, soumis à la responsabilité pénale en cas
d'infraction pénale. Par exemple, en cas de vol de scellés ou de violation du
secret de l'instruction, les magistrats ne sont nullement exonérés de
responsabilité pénale. Heureusement, cela reste exceptionnel !
Depuis 1994, vingt-cinq procédures pénales ont concerné des magistrats ;
quinze sont toujours en cours. Permettez-moi de citer quelques-uns des motifs
de poursuite : violation du secret de l'instruction, faux et usage de faux,
violences et détention d'arme, escroquerie, violences sur mineur, recel d'abus
de biens sociaux, favoritisme, recel d'abus de pouvoir et même homicide
volontaire.
Je crois que cette énumération suffit à montrer qu'il n'y a pas d'impunité
pénale des magistrats,...
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Quelles ont été les sanctions ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... contrairement à ce que, hélas ! on entend trop
souvent.
Les magistrats sont enfin soumis à la responsabilité disciplinaire : entre
quatre et six affaires par an, au cours de ces dernières années, ont été
soumises au Conseil supérieur de la magistrature en formation disciplinaire.
Je veille aujourd'hui à ce que cette voie soit utilisée quand elle doit
l'être, et chaque fois qu'elle doit l'être. Par exemple, à la fin de 1997, un
juge des tutelles a été révoqué pour confusion d'intérêts.
Pour ma part, depuis que je suis en fonctions, j'ai saisi le Conseil supérieur
de la magistrature de huit procédures disciplinaires.
Je vous indique également que l'inspection générale des services judiciaires
est actuellement saisie de cinq enquêtes. Grâce aux crédits supplémentaires
dont je peux disposer dans mon budget, je renforce d'ailleurs les moyens de
l'inspection générale des services judiciaires pour qu'elle me tienne informée
non seulement de ce qui ne va pas mais aussi de ce qui va bien, en particulier
des expériences réussies et que nous aurions donc intérêt à étendre.
S'agissant de la responsabilité disciplinaire, demain, si vous votez ma
réforme, les « chefs de cour » pourront avoir le droit direct de poursuite. Les
soixante-douze chefs de cour pourraient ainsi saisir le Conseil supérieur de la
magistrature, qui décidera en matière disciplinaire, alors que, actuellement,
seul le garde des sceaux a ce pouvoir.
On ne peut donc parler d'impunité ou même d'irresponsabilité.
Cependant, la notion de responsabilité des magistrats ne couvre
qu'imparfaitement le mauvais fonctionnement, l'incurie, l'emportement, le
retard, la négligence, et ces fautes ne donnent pas toujours lieu aux réponses
qu'il est pourtant indispensable d'apporter, malgré les efforts accomplis en
ces sens par le garde des sceaux et le Conseil supérieur de la magistrature ces
dernières années, comme le montre d'ailleurs le dernier rapport de cette
institution.
(Mme le garde des sceaux s'interrompt un instant.)
Pardonnez-moi, mesdames, messieurs, mais il arrive un moment où le bruit de
fond devient franchement gênant.
M. Charles Pasqua.
Cela ne veut pas dire que nous ne vous écoutons pas, madame !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
J'en suis bien persuadée, monsieur Pasqua ; je vous
demanderai simplement de baisser le ton : vous pouvez continuer à parler si
cela vous chante, mais il arrive un moment où le niveau de bruit devient
discourtois.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Charles de Cuttoli.
Il n'y a plus rien à entendre !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Tout a été dit !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Un nouveau dispositif est en effet nécessaire, qui
permettrait de rappeler au magistrat ses obligations et de donner une réponse
au justiciable victime d'un mauvais fonctionnement ou d'un comportement
répréhensible, et qui protégerait aussi le magistrat des pressions et des
menaces.
C'est bien l'esprit dans lequel je compte proposer, notamment, que soit
instituée une commission de réclamation, chargée à la fois de filtrer les
plaintes et de traiter celles qu'elle aura retenues.
Voilà quelques-unes des dispositions que je prévois, pour que, en contrepartie
de la logique d'indépendance que je propose de renforcer - cette indépendance
existe déjà pour les magistrats du siège, mais nous souhaitons l'accroître pour
les magistrats du parquet - la responsabilité puisse être effectivement mise en
oeuvre lorsque cela s'avère nécessaire.
J'espère avoir pu vous convaincre, monsieur Charasse, que la responsabilité
civile et pénale des magistrats à l'occasion d'actes accomplis dans l'exercice
de leurs fonctions est d'ores et déjà posée, de même que leur responsabilité
disciplinaire, et qu'il n'est donc pas nécessaire de la mentionner dans la
Constitution.
Vous avez évoqué la possibilité de créer une juridiction particulière. J'y
suis opposée parce que rien ne justifie, à mes yeux, la création de
juridictions d'exception. Un nouvel ordre de juridiction irait à l'encontre du
principe de l'universalité du juge pénal et civil et les juridictions
d'exception sont toujours une mauvaise chose pour la République.
Telles sont les différentes raisons pour lesquelles le Gouvernement n'est pas
favorable à l'amendement n° 1 rectifié.
(Applaudissements sur certaines
travées socialistes.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1 rectifié.
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Je vais expliquer les raisons pour lesquelles je suis contre cet amendement
tout en étant pour.
(Exclamations amusées sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
Notre collègue Michel Charasse soulève un véritable problème, celui de la
responsabilité des magistrats, qui se posera de plus en plus au cours des
prochaines années devant l'opinion publique, comme celle des politiques s'est
posée.
Il faudra donc bien qu'un jour une réponse y soit apportée.
Cependant, le moment de définir cette réponse, à savoir la présente réforme du
Conseil supérieur de la magistrature, me paraît mal choisi.
En outre, je ne suis pas convaincu que la solution proposée par notre collègue
soit la bonne.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Si, elle n'est pas mal !
(Sourires.)
M. Patrice Gélard.
A ma connaissance, aucun pays n'a créé une juridiction spéciale pour juger les
magistrats.
Peut-être les solutions qu'a esquissées Mme le garde des sceaux sont-elles
bonnes : il s'agirait de repenser la façon dont sont appliquées les poursuites
disciplinaires.
Quoi qu'il en soit, ce que nous dit M. Charasse nous interpelle, comme nous
avaient interpellés ses propos sur la disparition du délit de forfaiture dans
le code pénal et comme nous interpelle aussi son amendement n° 2. Bref, il pose
une bonne question mais la solution qu'il propose ne saurait, en l'état, être
adoptée aujourd'hui. Nous n'avons pas suffisamment de recul pour apprécier
l'ensemble de ces problèmes au moment où nous débattons du Conseil supérieur de
la magistrature.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
A la différence de notre collègue M. Gélard, je ne suis pas normand, mais je
peux le rejoindre.
(Sourires.)
La question soulevée me semble en effet, à moi aussi, extrêmement
importante.
Mais surtout, je dois à la vérité de dire que je n'ai pas été convaincu,
madame le garde des sceaux, par les arguments que vous avez développés.
Vous nous avez dit : il n'y a ni impunité ni irresponsabilité puisqu'il y a
des magistrats qui sont poursuivis. Et vous avez évoqué différents crimes et
délits, mentionnant même un cas d'homicide volontaire. Mais personne n'a jamais
dit qu'un magistrat qui commet un homicide volontaire n'est pas poursuivi, et
même condamné ! Nous n'en doutons pas, Dieu merci ! Là n'est évidemment pas le
problème.
Le problème est qu'il arrive que des délits moins graves ou des
contraventions, commis par des magistrats, ne soient pas poursuivis. Nous vous
avons souvent demandé de citer des exemples de magistrats condamnés pour
conduite sous l'empire d'un état alcoolique. Sans doute ne se trouve-t-il pas
un seul magistrat pour conduire en état d'ivresse ou même pour se rendre
coupable d'un excès de vitesse puisqu'il n'existe pas un seul cas de magistrat
condamné pour de telles infractions...
Vous nous avez dit aussi que les juridictions d'exception n'étaient pas une
bonne chose. Cela est vrai, bien sûr, lorsqu'elles ont des pouvoirs anormaux.
Mais le conseil des prud'hommes et le tribunal de commerce sont des
juridictions d'exception. Et il en est de même en ce qui concerne la Cour de
justice de la République ainsi que la Haute Cour de justice.
Il existe donc des juridictions particulières pour juger certains, compte tenu
de leurs responsabilités spécifiques : cela n'a rien de choquant en soi.
Cela dit, j'admets qu'il faille approfondir la réflexion, sans préjugé, sans
passion.
De surcroît, je ne suis pas convaincu que la solution issue de cette réflexion
doive nécessairement être inscrite dans la Constitution : la loi, tout
particulièrement la loi organique, peut parfaitement traiter le problème. Je
vous donne donc rendez-vous.
Moi non plus, je ne voterai pas cet amendement. Cependant, je tenais à
souligner que le problème soulevé mérite d'être non seulement pris en
considération mais également réglé le plus rapidement possible.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Compte tenu de ce qui a été dit au cours de ce que j'appellerai sans vouloir
le dévaloriser ce « mini-débat », je me propose de reprendre tout cela lors de
la discussion du projet de loi organique sur le statut des magistrats. Par
conséquent, je retire cet amendement.
(Exclamations sur les travées du
RPR.)
M. le président.
M. Charasse est tout à fait libre de sa position, mais il sent une certaine
affection de la part du Sénat, y compris sur la décision dont il a été l'objet
aujourd'hui même.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Absolument !
M. le président.
L'amendement n° 1 rectifié est retiré.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - L'article 65 de la Constitution est ainsi rédigé :
«
Art. 65
. - Le Conseil supérieur de la magistrature est présidé par le
Président de la République. Le ministre de la justice en est le vice-président
de droit. Il peut suppléer le Président de la République.
« Le Conseil supérieur de la magistrature comprend, outre le Président de la
République et le ministre de la justice, cinq magistrats du siège et cinq
magistrats du parquet élus, un conseiller d'Etat désigné par le Conseil d'Etat
et dix personnalités n'appartenant ni au Parlement, ni à l'ordre judiciaire, ni
à l'ordre administratif. Le Président de la République, le Président de
l'Assemblée nationale et le Président du Sénat désignent chacun deux
personnalités. Le vice-président du Conseil d'Etat, le premier président de la
Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes désignent
conjointement quatre personnalités.
« La formation compétente à l'égard des magistrats du siège est composée,
outre le Président de la République et le ministre de la justice, des cinq
magistrats du siège et de l'un des magistrats du parquet, du conseiller d'Etat
et de six des personnalités.
« La formation compétente à l'égard des magistrats du parquet est composée,
outre le Président de la République et le ministre de la justice, des cinq
magistrats du parquet et de l'un des magistrats du siège, du conseiller d'Etat
et de six des personnalités.
« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard
des magistrats du siège fait des propositions pour les nominations des
magistrats du siège à la Cour de cassation, des premiers présidents des cours
d'appel et des présidents des tribunaux de grande instance. Les autres
magistrats du siège sont nommés sur son avis conforme.
« Les magistrats du parquet sont nommés sur l'avis conforme de la formation du
Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du
parquet.
« La formation compétente à l'égard des magistrats du siège et la formation
compétente à l'égard des magistrats du parquet statuent respectivement comme
conseil de discipline des magistrats du siège et des magistrats du parquet.
Elles sont alors présidées respectivement par le premier président de la Cour
de cassation et par le procureur général près ladite Cour.
« Le Conseil supérieur de la magistrature se réunit en formation plénière pour
répondre aux demandes d'avis formulées par le Président de la République.
« Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article.
»
Par amendement n° 2, M. Charasse propose, après le septième alinéa du texte
présenté par cet article pour l'article 65 de la Constitution, d'insérer un
alinéa ainsi rédigé :
« Les magistrats du parquet sont poursuivis devant le conseil de discipline, à
la requête du garde des sceaux ou de tout citoyen, en cas de non-respect des
instructions générales de politique judiciaire et pénale adressées aux parquets
par le ministre de la justice. »
La parole est à M. Charasse, qui va peut-être retirer cet amendement...
M. Michel Charasse.
Non, monsieur le président, car cet amendement traite d'un problème important,
mais moins vaste et beaucoup plus ciblé sur le texte dont nous discutons
aujourd'hui, c'est-à-dire la situation, au regard du disciplinaire, des membres
du parquet qui n'appliqueront pas les instructions générales du garde des
sceaux.
Mme le ministre a abordé le sujet tout à l'heure d'une façon qui n'est pas
inintéressante, mais je crois que la question mérite que l'on aille un peu plus
au fond.
Mes chers collègues, le Sénat va voter, dans un moment, une exception à un
principe républicain très ancien, et ce pour la première fois depuis 1789,
principe selon lequel le pouvoir exécutif ne relève que du Gouvernement,
lui-même émanation de la souveraineté nationale et responsable devant elle ou
devant ses représentants. Or, mes chers collègues, qu'on le veuille ou non, les
parquets vont exercer, demain, en toute indépendance, des attributions dans le
domaine de la mise en oeuvre et de l'application de la loi qui relèvent, dans
nos principes, du pouvoir exécutif, et de lui seul.
Présentant l'ensemble de la réforme de la justice, et pas seulement ce texte
constitutionnel, Mme le garde des sceaux nous avait indiqué clairement - elle
l'a répété plusieurs fois, y compris au cours du débat d'orientation, les
collègues qui y ont participé s'en souviennent - que la contrepartie de
l'indépendance qui allait être accordée aux membres du parquet, c'était la
responsabilité, donc la sanction, comme pour le pouvoir exécutif. Or ce texte
ne comporte rien de tel.
Certes, je me pose moi-même la question de savoir si cette disposition relève
bien de la Constitution, alors que, à l'évidence, elle peut être réglée par la
loi organique sur le statut des magistrats. Mais, comme nous n'avons pas
vraiment de garanties pour la suite, mon amendement a pour premier objet
d'entendre Mme le garde des sceaux aller un peu plus avant sur ce point
particulier, bien qu'elle l'ait déjà un peu fait il y a un moment.
La question est simple : le refus d'un magistrat du parquet de respecter, au
moins dans ses réquisitions écrites, les instructions générales de politique
judiciaire et pénale adressées par le ministre de la justice pour l'application
de la loi doit-il conduire ou non l'intéressé à répondre de son attitude devant
le conseil de discipline ?
Si Mme le garde des sceaux nous répond « oui », mon amendement n'a alors plus
de raison d'être, et nous n'en reparlerons qu'au moment du vote de la loi
organique sur le statut des magistrats.
Sinon, monsieur le président, mes chers collègues - sauf à vouloir démanteler
la République et à accepter de confier le pouvoir exécutif à des corporatismes
ou aux sentiments personnels d'une catégorie de fonctionnaires - il faut que le
Parlement prenne toutes les précautions nécessaires afin que soient respectés
et garantis nos grands principes, à commencer par celui qui est affirmé par
l'article 3 de la Constitution actuelle, selon lequel : « La souveraineté
nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la
voie du référendum.
« Aucune section du peuple ni aucun individu » - j'ajoute, fût-il magistrat du
parquet - « ne peut s'en attribuer l'exercice. »
Mon amendement vise donc à garantir ce principe.
Il applique aussi le principe d'égalité selon lequel un fonctionnaire doit
toujours respecter les instructions de son ministre, sous peine d'être déféré
devant le conseil de discipline.
Mes chers collègues, dans la République, il ne peut pas y avoir deux
catégories d'agents publics : ceux qui sont tenus d'obéir au pouvoir élu et
ceux qui n'y seraient pas tenus.
(MM. Charles Descours et Jean-Claude Carle applaudissent.)
En outre, mon amendement applique le principe d'égalité des citoyens
devant la justice, qui doit être la même partout, c'est-à-dire dans tous les
points du territoire de la République. C'était aussi un élément fondamental -
l'unité de la République - voulu par les constituants de 1789.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Charles Pasqua.
Applaudissements à droite !
(Rires.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Négatif !
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
La commission souhaite que l'on ne confonde pas l'exposé des
motifs et la méthode employée pour parvenir à l'objectif. Bien sûr, il existe
des motifs généreux et louables, et leur rappel historique est toujours
agréable à entendre.
Toutefois, il est vrai que nous ne pouvons pas inscrire dans la Constitution
une faute disciplinaire particulière de non-respect des circulaires du garde
des sceaux, de non-respect des instructions générales de politique
judiciaire.
D'ailleurs, la gêne de l'auteur de l'amendement est évidente, puisqu'il a
expliqué qu'il s'agissait d'un amendement de précaution et que, si on lui
confirmait qu'il y aurait vraiment des poursuites disciplinaires en cas de
non-respect des instructions générales, il était prêt à le retirer.
Il est vrai que, tout à l'heure, j'ai entendu Mme le garde des sceaux
expliquer clairement qu'un magistrat du parquet qui violerait de manière
répétée des instructions générales, ou qui manifesterait publiquement son
intention de ne pas les respecter, serait tout naturellement poursuivi devant
la formation disciplinaire compétente. La Constitution prévoit l'existence de
cette formation disciplinaire, mais mentionner une faute disciplinaire
particulière ne serait évidemment pas de bonne technique juridique.
Si donc la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, c'est non
pas parce qu'elle refuse, dans ce cas-là, toute poursuite devant la formation
disciplinaire, mais parce que, selon la technique juridique constitutionnelle
normale, il est implicite que toute faute de nature disciplinaire viendrait
naturellement devant la formation disciplinaire compétente aux termes de la
réforme que vous allez adopter.
M. Hubert Haenel.
Tout à fait !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je souhaite tout d'abord répondre à M. Dreyfus-Schmidt,
qui a évoqué précédemment le cas de conduite en état alcoolique.
Sachez qu'un substitut général a été condamné pour conduite en état alcoolique
en 1997. En outre, il a fait l'objet de poursuites disciplinaires engagées par
le garde des sceaux et a été sanctionné par le Conseil supérieur de la
magistrature.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Voilà un exemple supplémentaire qui prouve que l'impunité des magistrats
est à mettre au nombre des fausses croyances !
(Nouvelles exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
En ce qui concerne l'amendement n° 2 de M. Charasse, j'ai déjà apporté
tout à l'heure des éléments de réponse.
Je voudrais redire ici que le texte sur les rapports entre la Chancellerie et
le parquet apportera des précisions sur les modalités de mise en oeuvre des
instructions générales : réaffirmation du pouvoir hiérarchique ; obligation
faite aux procureurs généraux et aux procureurs de faire connaître aux
juridictions les conditions de mise en oeuvre de la politique pénale ;
obligation faite aux procureurs généraux et aux procureurs de faire rapport au
garde des sceaux de la mise en oeuvre des instructions générales ; rôle accru
des procureurs généraux sur le contrôle de l'action des procureurs, dans le
fait de veiller à l'application de la loi, ainsi que dans leur possibilité de
saisir disciplinairement et directement le Conseil supérieur de la
magistrature.
In fine
, des poursuites disciplinaires pourraient être
engagées devant un refus déterminé, constant et injustifié d'un procureur de
mettre en oeuvre des instructions générales.
Par exemple, le refus de poursuivre tout acte de racisme de façon systématique
et délibérée appelle, bien entendu, des poursuites disciplinaires. C'est le cas
aujourd'hui, car, jusqu'à présent, l'existence d'instructions individuelles et
particulières n'empêchait pas un procureur de se soustraire à ces instructions
particulières. Ce n'est pas parce qu'il y avait des instructions particulières
qu'on ne pouvait pas s'y soustraire. Par conséquent, la problématique relative
aux instructions générales est tout à fait identique à celle qui valait pour
les instructions particulières.
M. Michel Charasse.
Elles seront écrites ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Bien sûr ! Ces instructions générales seront écrites,
car il s'agit de circulaires. Elles seront présentées au Parlement, qui sera
saisi d'un rapport annuel.
N'allez pas me faire dire que la problématique du contrôle disciplinaire de
l'application des instructions générales est différente de celle qui existe, ou
qui a existé avant moi, pour les instructions particulières. C'est la même.
J'ai d'ailleurs rappelé tout à l'heure le dispositif existant.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Charles Pasqua.
Si M. Charasse voulait retirer son amendement, on gagnerait du temps !
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
La préoccupation de M. Charasse est légitime. Mais, en fait, il soulève
indirectement un problème plus grave que celui qu'il a évoqué et, ce faisant,
il porte selon moi atteinte à l'une de nos traditions républicaines
essentielles.
Nous sommes là dans le disciplinaire. Or, dans ce domaine, il est de règle, en
général, que l'on soit jugé par ses pairs.
Je ne souhaiterais pas que, dans la Constitution, on mette en cause une
formation disciplinaire particulière - celle des procureurs, en l'occurrence -
parce que nous entrerions alors dans un engrenage dangereux, ce qui risquerait
de nous obliger, un jour, à légiférer constitutionnellement sur d'autres
ordres, celui des médecins, par exemple.
On ne peut pas toucher à cet équilibre, qui remonte à une vieille tradition
républicaine établie depuis 1789, sans remettre en cause les fondements mêmes
de la République.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Je voudrais évoquer deux points particuliers à la suite de la discussion qui
vient d'avoir lieu.
Madame le garde des sceaux, lorsqu'il y avait instructions individuelles - il
peut toujours y en avoir - sauf erreur de ma part, et je parle sous votre
contrôle et sous le contrôle de ceux qui ont exercé vos fonctions, le procureur
était obligé de déposer des réquisitions écrites conformes aux instructions
reçues, mais il pouvait toujours s'en distinguer dans ses interventions orales.
La plume est serve, mais la parole est libre.
Dans le nouveau système que vous nous proposez, normalement, si j'ai bien
compris, les réquisitions du parquet devront être conformes à vos instructions
générales. Si ce n'est pas le cas, pour des raisons tenant à des circonstances
particulières, très bien ! mais, d'une manière générale, si par exemple le
garde des sceaux envoie une instruction générale très ferme sur des problèmes
de racisme, sur la manière dont on poursuit le révisionnisme ou les sectes, le
procureur doit se tenir à ses instructions.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
C'est sûr !
M. Michel Charasse.
D'où ma question, madame le garde des sceaux : que se passe-t-il s'il ne le
fait pas ? On ne va pas attendre que ce soit trois fois, quatre fois, cinq fois
ou six fois pour dire que, finalement, il exagère ! C'est, à mon avis, le
disciplinaire, comme pour n'importe quel fonctionnaire qui, s'il n'applique pas
les instructions qu'il reçoit de son ministre, doit normalement se retrouver
devant le conseil de discipline.
La question est claire : pour les instructions individuelles, c'était un autre
régime ; pour les instructions générales, à mon avis, le procureur ou le
procureur général - parce qu'on parle toujours de l'autorité hiérarchique sur
le procureur de la République, mais il y aura aussi l'autorité hiérarchique du
garde des sceaux sur le procureur général, ou alors je ne sais pas de qui - en
tout cas, pour que les instructions du garde des sceaux soient respectées, il
faut menacer de sanctions.
Quant à vous, monsieur Gélard, je m'excuse, mon cher collègue, mais vous avez
sans doute fait le lien à tort avec l'amendement précédent. Je ne modifie en
rien l'organisme chargé du disciplinaire : c'est la formation spéciale des
magistrats du parquet, qui figure dans la révision constitutionnelle du Conseil
supérieur de la magistrature, qui statuera.
Je dis simplement que, lorsqu'on ne respecte pas les décisions du garde des
sceaux, on doit aller au disciplinaire, ou risquer le disciplinaire.
Cela étant, monsieur le président, j'ai bien conscience d'encombrer le débat
avec ces questions et, contrairement à la précédente qui me paraissait d'un
niveau constitutionnel, comme je l'ai dit, nous n'avons aucune contrainte
constitutionnelle particulière qui nous interdise de régler la question dans la
loi organique sur le statut des magistrats.
Donc, madame le garde des sceaux, j'aurai le plaisir - qui ne sera pas
forcément partagé - en tout cas, en ce qui me concerne, j'aurai le plaisir de
dialoguer denouveau avec vous sur ce sujet au moment de l'examen du projet de
loi organique, parce que j'estime que c'est un principe fondamental : ou bien,
en France, c'est le Gouvernement qui gouverne ou bien ce sont les
fonctionnaires. Et si l'on commence par une catégorie de fonctionnaires,
fussent-ils magistrats, on ne sait pas où cela s'arrêtera, mais nous retournons
alors aux sections du peuple, dont la Constitution prévoit expressément
qu'elles ne peuvent pas exercer la souveraineté populaire.
M. Charles de Cuttoli.
Le gouvernement des juges !
M. Michel Charasse.
Cela étant dit, monsieur le président, je retire mon amendement.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
L'amendement n° 2 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Hélas !
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - I. - Il est rétabli, dans la Constitution, un titre et un article
ainsi rédigés :
« TITRE XVII
« DISPOSITIONS TRANSITOIRES
«
Art. 90
. - Jusqu'à sa première réunion dans la composition issue de
la loi constitutionnelle n° du , le Conseil supérieur de la magistrature
exerce les compétences qui lui sont conférées par l'article 65 de la
Constitution dans sa rédaction issue de la loi constitutionnelle n° 93-952 du
27 juillet 1993. »
« II. -
Non modifié
. »
- (Adopté.)
Les autres dispositions du projet de loi constitutionnelle ne font pas
l'objet de la deuxième lecture.
(M. Christian Poncelet remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
10
SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION
DE PARLEMENTAIRES BULGARES
M. le président.
J'ai le plaisir de saluer la présence dans notre tribune officielle d'une
délégation de parlementaires bulgares, conduite par Mme Dimitrova Moser,
présidente du groupe d'amitié Bulgarie-France, à l'invitation du groupe
sénatorial France-Bulgarie, présidé par notre collègue Guy Penne.
Au nom de la Haute Assemblée, je lui souhaite la bienvenue et je forme des
voeux pour que son séjour en France contribue à fortifier les liens d'amitié
entre nos deux pays.
(Mme le garde des sceaux, Mmes et MM. les sénateurs se
lèvent et applaudissent.)
11
CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE
Suite de la discussion et adoption
d'un projet de loi constitutionnelle en deuxième lecture
M. le président.
Nous reprenons la discussion en deuxième lecture du projet de loi
constitutionnelle, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale, en
deuxième lecture, relatif au Conseil supérieur de la magistrature.
Personne ne demande la parole ?...
Le Sénat va procéder au vote sur l'ensemble du projet de loi
constitutionnelle.
Je rappelle que la conférence des présidents a décidé qu'il serait procédé à
un scrutin public à la tribune, dans les conditions fixées par l'article 56
bis
du règlement.
Il va donc être procédé au scrutin public à la tribune.
Je vais tirer au sort la lettre par laquelle commencera l'appel nominal.
(Le sort désigne la lettre M.)
M. le président.
Le scrutin sera clos quelques instants après la fin de l'appel nominal.
Le scrutin est ouvert.
Huissiers, veuillez commencer l'appel nominal.
(L'appel nominal a lieu.)
M. le président.
Le premier appel nominal est terminé. Il va être procédé à un nouvel appel
nominal.
(Le nouvel appel nominal a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
J'invite MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 6 :
:
Nombre de votants | 313 |
Nombre de suffrages exprimés | 291 |
Majorité absolue des suffrages | 146 |
Pour l'adoption | 274 |
Contre | 17 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
12
RETRAIT D'UNE QUESTION ORALE
AVEC DÉBAT
M. le président.
J'informe le Sénat que M. Pierre Lefebvre a fait connaître qu'il retire la
question orale avec débat n° 3 qu'il avait posée à Mme le ministre de la
culture et de la communication.
Cette question avait été communiquée au Sénat le 24 février 1998.
Acte est donné de ce retrait.
13
DÉPÔT DE PROPOSITIONS
D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement (CE) du Conseil portant reconduction en 1999 des
mesures prévues au règlement (CE) n° 1416/95 établissant certaines concessions
sous forme de contingents tarifaires communautaires en 1995 pour certains
produits agricoles transformés.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-1175 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement (CE) du Conseil remplaçant l'annexe du règlement (CE)
n° 1255/96 du Conseil portant suspension temporaire des droits autonomes du
tarif douanier commun sur certains produits industriels et agricoles.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-1176 et
distribuée.
14
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au jeudi 19 novembre 1998 :
A neuf heures trente :
1. Questions orales sans débat suivantes :
I. - M. Jean-Pierre Demerliat attire l'attention de Mme le ministre de la
jeunesse et des sports sur la situation préoccupante des centres de vacances et
de loisirs.
En effet, de nombreux indices révèlent une baisse de leur fréquentation due,
pour une bonne part, à l'inquiétude des parents eu égard à la sécurité :
activités à risques, accent mis dans les médias sur certaines affaires de
pédophilie, etc.
Ces centres de vacances et de loisirs étant un indéniable facteur de brassage,
de cohésion sociale et d'ouverture, ne serait-il pas nécessaire, afin de mettre
un terme à une certaine désaffection, d'engager une grande campagne
d'information destinée à faire mieux connaître et à revaloriser les vacances et
les loisirs éducatifs ? (N° 330.)
II. - M. Michel Duffour attire l'attention de M. le ministre de l'équipement,
des transports et du logement sur les problèmes posés par le pont de Rouen à
Nanterre. Cet axe est un goulet d'étranglement et un « point noir » de la
circulation, dans le nord des Hauts-de-Seine.
Malgré les protestations de la municipalité de Nanterre et des différentes
associations de défense des riverains et de l'environnement, les projets
routiers qui se sont succédé depuis 1988 ont ignoré les problèmes du pont de
Rouen. L'emprise de l'A 86 l'occupe quasi entièrement.
Cette situation crée, outre les nuisances sonores et la pollution,
l'impossibilité d'une desserte locale entre le quartier du « petit Nanterre »
et le reste de la ville, et de grandes difficultés pour les circulations
piétonne et cycliste.
Par ailleurs, le tramway T 1 de Saint-Denis à Nanterre est annoncé comme étant
inscrit dans les priorités des années 2000. C'est pourquoi il lui demande quels
sont les types d'aménagements prévus afin d'organiser, de la façon la plus
urbaine et la plus viable, le passage du T 1 et de l'A 86 au niveau du pont de
Rouen. (N° 347.)
III. - Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat
au logement sur les conditions de stationnement des grands voyageurs qui,
périodiquement, recherchent en région parisienne un lieu d'accueil organisé.
Elle lui fait remarquer que l'absence d'aires d'accueil suffisantes en
surface, organisées en équipements, surveillées et fonctionnelles, entraîne des
difficultés de vie pour ces grands voyageurs, des incompréhensions de la part
des Franciliens et des oppositions conduisant de plus en plus souvent à des
rejets.
Elle lui demande de lui faire connaître les mesures nouvelles permettant la
création, l'organisation d'aires régionales, disposant des moyens de
fonctionnement et de surveillance, permettant une dignité de vie reconnue et
organisée de celles-ci et ceux-ci en bonne harmonie avec les populations
franciliennes. (N° 289.)
IV. - Mme Janine Bardou attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture
et de la pêche sur la situation des scieries qui sont parmi les premiers
employeurs en milieu rural, et notamment dans les zones forestières qui
couvrent désormais 27 % de notre territoire. Elles contribuent grandement à
mobiliser une ressource sylvicole abondante et renouvelable pour fournir à
l'industrie du bois une matière première homogène et classée au service de la
transformation.
Pour répondre aux enjeux soulignés par le rapport Bianco et qui pourraient
permettre un fort développement de l'emploi en zone rurale, les scieries ont
besoin d'opérer de forts investissements qui doivent être accompagnés par les
aides notamment communautaires et nationales dans les zones éligibles à ce type
d'actions.
Il est donc vital pour ce secteur comme pour les gestionnaires et
propriétaires de la forêt - Office national des forêts, communes forestières,
sylviculteurs - que la réforme en cours des fonds structurels européens
n'écarte pas
a priori
du bénéfice de ses interventions, dans son volet
sylvicole, les scieries implantées en milieu rural.
En conséquence, elle lui demande comment il compte intervenir auprès des
instances communautaires pour défendre et développer ce levier nécessaire au
développement rural. (N° 331.)
V. - M. Philippe Richert souhaite attirer l'attention de M. le ministre de
l'intérieur sur la mise en oeuvre de l'accord de Karlsruhe, signé le 23 janvier
1996 par la France, l'Allemagne, la Suisse et le Luxembourg, dont l'objectif
est de favoriser et de faciliter la coopération décentralisée entre les
collectivités des régions transfrontalières des pays signataires.
La coopération transfrontalière, grâce notamment au programme communautaire
Interreg, a en effet atteint un niveau de développement que seule l'application
de cet accord, et les nouvelles structures de coopération qu'il propose, sont
en mesure de faire progresser davantage.
Or, en dépit de son approbation par la loi n° 97-102 du 5 février 1997 et de
son entrée en vigueur le 1er septembre 1997, après achèvement des procédures
internes propres à chaque partie, cet accord demeure pour l'instant
inappliqué.
Le décret d'application, paru le 22 août au
Journal officiel,
ne
précise en effet en aucune manière ses modalités de mise en oeuvre, notamment
en ce qui concerne le régime juridique des groupements locaux de coopération
transfrontalière.
En raison de ce vide juridique, les collectivités territoriales se voient
contraintes de solliciter les services de l'Etat, pour obtenir l'aval de ce
dernier et conférer une existence légale aux groupements qu'elles envisagent de
créer. La mise en oeuvre de nombreux projets s'en trouve, de fait, différée.
Il lui demande donc s'il ne conviendrait pas d'élaborer au plus tôt les textes
d'application de cet accord et d'adresser aux collectivités une information
complète sur les différents aspects techniques et juridiques du dispositif mis
en place, voire un cadre juridique précis dans lequel des initiatives
pourraient être prises en toute connaissance de cause par les collectivités.
(N° 325.)
VI. - M. Philippe Nachbar attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur
sur les conséquences pour le département de Meurthe-et-Moselle du projet de
réorganisation des services de police et gendarmerie qui, dans son état actuel,
prévoit la suppression de quatre commissariats - Briey, Conflans, Joeuf et
Villerupt tous situés dans l'arrondissement de Briey - la dissolution de trois
brigades de gendarmerie en zone rurale - Arracourt, Bernécourt, Mercy-le-Bas -
et de huit brigades en zone urbaine - Essey transférée à Seichamps, Dombasle,
Heserange, Ludres, Maxéville, Mont-Saint-Martin, Neuves-Maisons,
Saint-Nicolas-de-Port.
Devant l'ampleur d'un tel projet, il convient de rappeler que la réforme
entreprise doit tenir le plus grand compte des spécificités locales et ne pas
aboutir à un déséquilibre accru dans la répartition des forces de sécurité.
Or les brigades de gendarmerie menacées sont situées dans des zones proches
d'agglomérations où la délinquance est contenue grâce à la prévention qu'assure
la présence des gendarmes sur le terrain. Les quatre commissariats et trois des
gendarmeries concernées - Mercy-le-Bas, Herserange, Mont-Saint-Martin - se
trouvent dans l'arrondissement de Briey, peuplé de 150 000 habitants, qui
traverse depuis de nombreuses années une crise économique exceptionnellement
grave, se traduisant par le chômage des jeunes et l'existence de secteurs
entiers de la population, fragilisés. De plus, cet arrondissement, le
Pays-Haut, est proche des frontières belge et luxembourgeoise, ce qui en fait
malheureusement un carrefour important du trafic de stupéfiants.
Le maintien du réseau des commissariats et des gendarmeries, tant en zone
rurale qu'en zone urbaine, apparaît donc essentiel pour garantir la sécurité
des populations, qui passe avant tout par la prévention de la délinquance
assurée par la proximité des forces de police et de gendarmerie. Un aménagement
équilibré du territoire passe par le maintien sur place des services publics
encore existants. La disparition ou le transfert de nouveaux services
renforcerait la désertification de secteurs fragiles.
Le danger serait grand, enfin, d'aboutir à un nouveau transfert de charges
indues sur les communes qui pourraient se voir contraintes de créer des polices
municipales pour ne pas voir l'insécurité s'aggraver.
Il lui demande, en conséquence, s'il ne lui apparaît pas préférable, compte
tenu de l'ensemble de ces élements, de maintenir une organisation des services
de police et de gendarmerie qui, en Meurthe-et-Moselle, a fait la preuve de son
efficacité. (N° 360.)
VII. - Mme Anne Heinis attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de
la solidarité sur le drame familial que constitue la maladie d'Alzheimer.
A l'occasion de la Journée mondiale consacrée à cette maladie, le 21 septembre
dernier, l'accent a été mis sur le poids de la prise en charge des malades qui
repose actuellement presque exclusivement sur l'entourage et la famille, alors
que seuls sont remboursés les soins médicaux, à vrai dire, peu coûteux. En
réponse à une question posée par l'un de ses collègues sénateur, en avril
dernier, M. le secrétaire d'Etat à la santé avait ainsi conclu : « Je vous
dirai très franchement que pour le moment, notre pays ne fait pas face à cette
affection qui engendre bien des malheurs dans les familles et suscite un
désarroi très profond. »
En effet, l'hébergement en maison de retraite médicalisée devient souvent
inéluctable et le coût en est très élevé, environ 12 000 francs par mois.
Certes, une réduction d'impôt peut être accordée, mais seulement pour les
personnes de plus de soixante-dix ans et dans la limite de 15 000 francs.
Par ailleurs, la prestation spécifique dépendance, PSD, réservée aux personnes
de plus de soixante ans, ne peut, en tout état de cause, être attribuée au-delà
d'un plafond de ressources - de 11 700 francs pour un couple - ce qui exclut
évidemment toute une catégorie de population dont les revenus sont peu
supérieurs, mais ne peuvent cependant pas assumer une telle charge.
Au moment où le Gouvernement s'engage sur le financement du pacte civil de
solidarité dont le coût en allégements fiscaux est estimé entre 6 et 7
milliards de francs par le président de la commission des lois de l'Assemblée
nationale - coût auquel il faudra inévitablement ajouter pour les régimes de
retraite, celui des pensions de réversion - elle lui demande si ces charges
supplémentaires ne sont pas déraisonnables par rapport à une meilleure prise en
charge d'un drame qui concerne entre 350 000 et 400 000 personnes et leurs
familles. (N° 352.)
VIII. - M. Bernard Fournier appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi
et de la solidarité sur les conditions particulièrement strictes d'assurabilité
qui sont opposées à certaines personnes atteintes de maladies ou de handicaps
sur lesquels la médecine a apporté une réponse au moins partielle.
Il vise notamment le cas des personnes atteintes par l'infection à HIV
sida.
L'avancée des progrès thérapeutiques, l'augmentation de l'espérance de vie, le
jeune âge de la population touchée par le sida devraient autoriser le
Gouvernement et le législateur à reconsidérer le droit applicable. En effet, la
loi n° 90-602 du 12 juillet 1990, d'une part, sanctionnant les discriminations
pour maladie et handicap, dispense les assureurs des sanctions encourues par
les autres prestataires de service ; d'autre part, la convention sur
l'assurabilité des personnes séropositives, conclue entre l'Etat et les
sociétés d'assurances le 3 septembre 1991, puis modifiée en octobre 1993, est
devenue caduque considérant le peu de cas où elle a été invoquée, et ne visait
en outre que les emprunts immobiliers. Cette convention prévoyait, au moyen du
paiement d'une surprime, une assurance décès - et non décès invalidité - pour
les séropositifs asymptomatiques.
Il faut noter de plus que la dichotomie entre les différentes phases de
l'infection n'a plus forcément d'intérêt médical.
La société change, la science progresse, le droit à son tour doit évoluer.
Il n'est pas acceptable qu'une partie de nos concitoyens, affectés par une
maladie aux conséquences dramatiques continuent de se voir privés de la
possibilité de souscrire des prêts à la consommation, parfois modestes, ou des
prêts immobiliers au seul motif que le risque qu'ils encourent n'entre pas dans
un cadre légal, tandis que la médecine leur apporte des garanties de traitement
et d'espérance de vie.
L'insertion sociale, la construction de projets de vie, mais surtout la
citoyenneté et l'estime de soi sont en jeu. Aussi, il lui demande de bien
vouloir lui indiquer quelles sont les orientations que le Gouvernement pourrait
prendre pour remédier à des solutions aujourd'hui inadaptées, et donner ainsi
un signe fort d'encouragement à une jeune génération déjà marquée par la vie.
(N° 362.)
IX. - Mme Dinah Derycke souhaite attirer l'attention de M. le secrétaire
d'Etat à la santé sur l'avenir de la gynécologie médicale.
Il s'agit d'une spécialité propre à notre pays, créée en 1966, dont
l'évolution et la personnalité de ses praticiens, comprenant 80 % de femmes, ne
sont pas détachables de ces trente années de lutte en faveur du droit des
femmes.
Cette spécialité est appelée à disparaître à moyen terme : elle a, en effet,
été supprimée en 1986 avec la création du concours de l'Internat. Elle est
devenue une matière théorique, enseignée aux gynécologues obstétriciens, dont
la formation demeure basée essentiellement sur l'obstétrique et la chirurgie.
Très peu d'entre eux pratiqueront en cabinet la gynécologie médicale. Avant
1986, cent trente gynécologues médicaux étaient formés par an. Aujourd'hui,
trente gynécologues obstétriciens pratiqueront, peut-être, la gynécologie
médicale.
L'harmonisation européenne des études ne peut être un prétexte. Cette
spécialité, que nos voisins européens nous envient, doit-elle disparaître au
motif qu'elle est une spécificité française ?
Selon un sondage SOFRES réalisé en janvier 1998, 67 % des femmes ne veulent
pas consulter un généraliste pour des problèmes gynécologiques. Ce sont autant
de femmes qui renonceront à se faire suivre régulièrement et la politique de
prévention des cancers féminins, réaffirmée par la loi de financement de la
sécurité sociale de 1999, en pâtira.
En conséquence, elle souhaite savoir s'il envisage de prendre des mesures pour
enrayer la disparition progressive des gynécologues médicaux. Si elle devait
être menée à son terme, cette disparition serait un grand recul pour les
femmes, leur santé et leurs droits. (N° 357.)
X. - M. Bernard Murat attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat aux
petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat sur l'urgence
qu'il y a à mettre en place une solution financière de prêts-relais, à la suite
de la crise rencontrée en matière de production française de peaux d'ovins. (N°
345.)
XI. - M. Christian Demuynck attire l'attention de M. le ministre de
l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur les
conséquences de la suppression des classes de quatrième technologique des
collèges depuis la rentrée scolaire de 1998.
Ces classes accueillaient auparavant des enfants issus pour la plupart de
quartiers difficiles, qui rencontrent de graves difficultés scolaires. Elles
leur permettaient ainsi de suivre une formation débouchant plus rapidement sur
le marché du travail grâce à un enseignement plus spécifique. De nombreux
stages étaient organisés durant leur scolarité et les élèves travaillaient dans
des classes dont l'effectif était allégé.
Aujourd'hui, en Seine-Saint-Denis, les collèges ne disposent pas de moyens
financiers nécessaires pour maintenir ces classes. Pourtant, une instruction
datant du 9 janvier 1998, relative à l'organisation de la rentrée scolaire 1998
dans les collèges, devait permettre de maintenir le potentiel mobilisé pour
l'enseignement dispensé dans ces classes. Les enfants concernés ont donc été
dispersés dans différentes voies qui ne sont plus adaptées à leur profil.
Il lui demande donc pour quelles raisons cette instruction n'est pas
appliquée, et s'interroge aussi sur l'avenir des troisièmes technologiques. (N°
318.)
XII. - M. Yves Rispat attire l'attention de M. le ministre de la défense sur
les fermetures de brigades de gendarmerie en zones rurales.
Il lui rappelle que depuis plus de deux mois, de nombreux départements sont
agités par les annonces, à répétition, de suppressions de brigades de
gendarmerie. A titre d'exemple, pour le département du Gers, ce sont six
brigades en juillet, puis quatre autres aujourd'hui, qui sont menacées.
Alors que les départements ruraux font des efforts financiers énormes pour
soutenir la présence des services publics, alors que nombreux sont ceux qui
prônent une politique harmonieuse et solidaire d'aménagement du territoire, il
est décidé unilatéralement, sous prétexte d'une évaluation de la délinquance
apparemment plus faible en milieu rural, de retirer de territoires entiers
l'une des institutions les plus populaires aux yeux des Français : leurs
gendarmeries.
Il souligne que garants intangibles de l'ordre républicain, assurant à tous,
et en particulier aux plus faibles d'entre nous, le droit imprescriptible à la
sécurité, les gendarmes ont un rôle prépondérant et rassurant dans la vie
quotidienne de nos populations des zones rurales.
En conséquence, sans nier l'effort nécessaire de sécurité à réaliser vers les
grands centres urbains, il lui demande de bien vouloir reprendre ce projet et
d'engager une plus large consultation avec l'ensemble des élus
etsocioprofessionnels concernés, en tenant compte non seulement de la
gendarmerie mais aussi du maintien et de l'implantation des autres services
publics en milieu rural. (N° 349.)
A seize heures et le soir :
2. Discussion du projet de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée
nationale (n°s 65 et 66, 1998-1999).
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du
contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Discussion générale.
Aucune inscription de parole de la discussion générale n'est plus
recevable.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la première partie
du projet de loi de finances pour 1999 : jeudi 19 novembre 1998, à seize
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures quarante.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
Lors de sa séance du mercredi 18 novembre 1998, le Sénat a désigné :
M. Roger Lagorsse pour siéger au sein du Conseil supérieur de la coopération,
en remplacement de M. Georges Mazars, décédé ;
M. Henri Torre pour siéger au sein du conseil d'administration de
l'Etablissement public de réalisation de défaisance.
NOMINATION DES MEMBRES
D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE
Au cours de la séance du mercredi 18 novembre 1998, ont été proclamés membres
de la commission d'enquête sur la situation et la gestion des personnels des
écoles et des établissements d'enseignement du second degré ainsi que de ceux
des services centraux et extérieurs des ministères de l'éducation nationale et
de l'agriculture, pour l'enseignement agricole :
MM. Jean Arthuis, Jean Bernadaux, Gérard Braun, Jean-Claude Carle, Jean-Louis
Carrère, Xavier Darcos, Philippe Darniche, Christian Demuynck, Mme Dinah
Derycke, MM. Claude Domeizel, Jean-Léonce Dupont, Adrien Gouteyron, Francis
Grignon, Jean-Philippe Lachenaud, Serge Lagauche, Jacques Legendre, Mme Hélène
Luc, MM. Jacques Mahéas, Pierre Martin, Jacques Valade, André Vallet.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Calendrier de réalisation du TGV Perpignan-Barcelone
377.
- 18 novembre 1998. -
M. Roland Courteau
attire l'attention de
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement
sur un nombre d'informations particulièrement inquiétantes, faisant état de la
remise en cause du calendrier de réalisation de la ligne nouvelle à grande
vitesse, sur le tronçon Perpignan-Barcelone. Il lui rappelle que lors des
débats sur la ratification de l'accord franco-espagnol au Parlement, pour la
construction de cette ligne entre Figueras et Perpignan, la date de mise en
service en 2004 avait été annoncée à plusieurs reprises. Tout en lui indiquant
qu'il s'agit là d'un maillon essentiel du projet TGV Languedoc-Roussillon, sur
l'axe Londres - Paris - Montpellier - Barcelone - Madrid - Séville, reconnu à
la fois comme le plus européen des projets européens, le plus rentable et le
plus porteur de développement économique, il lui demande de lui apporter toutes
précisions sur l'évolution de ce dossier (depuis la date de ratification du
traité franco-espagnol), les différentes phases mises en oeuvre à ce jour,
ainsi que le calendrier précis de réalisation des travaux et de mise en
service.
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mercredi 18 novembre 1998
SCRUTIN (n° 6)
sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle, adopté avec modifications
par l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, relatif au Conseil supérieur de
la magistrature.
Nombre de votants : | 313 |
Nombre de suffrages exprimés : | 291 |
Pour : | 274 |
Contre : | 17 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
1. _ M. Paul Loridant.
Abstentions :
15.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
22.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
77, dont M. Christian Poncelet, président du Sénat.
Contre :
15. _ MM. Michel Caldaguès, Charles Ceccaldi-Raynaud, Charles
de Cuttoli, Désiré Debavelaere, Christian Demuynck, Philippe François, Philippe
de Gaulle, François Gerbaud, Christian de La Malène, Paul Masson, Paul Natali,
Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte et Jean-Jacques Robert.
Abstention :
1. _ M. Roger Husson.
N'ont pas pris part au vote :
6. _ MM. Georges Gruillot, Emmanuel
Hamel, Mmes Lucette Michaux-Chevry, Nelly Olin, MM. Jacques Peyrat et Alain
Vasselle.
GROUPE SOCIALISTE (78) :
Pour :
76.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ MM. Michel Charasse et Serge
Godard.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
50.
Abstentions :
2. _ MM. Serge Franchis et Michel Mercier.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :
Pour :
42.
Contre :
1. _ M. Jacques Dominati.
Abstentions :
4. _ MM. Jean-Claude Carle, Jean Delaneau, Jacques
Larché et Michel Pelchat.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Pour :
7.
Ont voté pour
François Abadie
Nicolas About
Philippe Adnot
Guy Allouche
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Pierre Biarnès
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Louis Carrère
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Marcel Charmant
Michel Charzat
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Yvon Collin
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Marcel Debarge
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Gérard Delfau
Jacques Delong
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Claude Domeizel
Michel Doublet
Michel Dreyfus-Schmidt
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Patrice Gélard
Alain Gérard
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Jean-Noël Guérini
Hubert Haenel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Journet
Alain Joyandet
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Alain Lambert
Lucien Lanier
Gérard Larcher
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Louis Le Pensec
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
André Lejeune
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Claude Lise
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
François Marc
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Marc Massion
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Louis Mercier
Gérard Miquel
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Jacques Pelletier
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Roger Rinchet
Yves Rispat
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Simon Sutour
Martial Taugourdeau
Michel Teston
Henri Torre
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Albert Vecten
André Vezinhet
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Henri Weber
Christian Poncelet,
président du Sénat
Ont voté contre
Michel Caldaguès
Charles Ceccaldi-Raynaud
Charles de Cuttoli
Désiré Debavelaere
Christian Demuynck
Jacques Dominati
Philippe François
Philippe de Gaulle
François Gerbaud
Christian de La Malène
Paul Loridant
Paul Masson
Paul Natali
Paul d'Ornano
Charles Pasqua
Alain Peyrefitte
Jean-Jacques Robert
Abstentions
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Danielle Bidard-Reydet
Nicole Borvo
Robert Bret
Jean-Claude Carle
Jean Delaneau
Michel Duffour
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Franchis
Roger Husson
Jacques Larché
Gérard Le Cam
Pierre Lefebvre
Hélène Luc
Michel Mercier
Michel Pelchat
Jack Ralite
Ivan Renar
Odette Terrade
Paul Vergès
N'ont pas pris part au vote
MM. Michel Charasse, Serge Godard, Georges Gruillot, Emmanuel Hamel, Mmes
Lucette Michaux-Chevry, Nelly Olin, MM. Jacques Peyrat et Alain Vasselle.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes
à la liste de scrutin ci-dessus.