Séance du 17 novembre 1998
M. le président. « Art. 33. - L'objectif national de dépenses d'assurance maladie de l'ensemble des régimes obligatoires de base est fixé à 629,8 milliards de francs pour l'année 1999.
« Avant la première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale par l'Assemblée nationale, le Parlement est informé de la répartition prévisionnelle de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie. »
Sur l'article, la parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Permettez-moi, mes chers collègues, au cours de cette intervention sur l'article 33, de revenir sur les restructurations hospitalières projetées et, en particulier, sur les mesures prévues concernant l'Ile-de-France et l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, l'AP-HP, car cet article tend à fixer le montant de l'ONDAM.
L'évolution de 2,5 % du budget hospitalier à l'échelon national est tout juste suffisante pour reconduire l'existant et les effectifs de personnels, hors mesures nouvelles, selon la fédération hospitalière de France.
La majorité sénatoriale, comme à son habitude, veut aller encore plus loin en réduisant de un milliard de francs l'ONDAM, ce qui nous amènera à ne pas voter l'article 33.
Cela dit, le taux de 2,5 % ne permet pas au système hospitalier de faire face à ses missions nouvelles, qui lui ont été confiées, notamment, par la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, à moins qu'il n'en abandonne d'autres.
A ce sujet, pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, m'indiquer si le taux national sera réduit par la reprise de déficits de 1998 ou bien si ceux-ci feront l'objet d'une dotation supplémentaire pour l'année 1998 ?
De plus, tout indique que l'enveloppe régionale pour l'Ile-de-France au titre de 1999 sera inférieure au taux national.
Toute réforme de l'hôpital doit avoir pour objet d'apporter une réponse humaine efficace et respectueuse des besoins de la population et non pas reposer seulement sur des décisions technocratiques et comptables, dont la droite s'est fait et se fait toujours le chantre. Quel crédit peut-on accorder à ceux qui, hier, ont imposé le plan Juppé et qui, aujourd'hui, se font les défenseurs de l'hôpital public tout en voulant encore en réduire les moyens ?
Démocratiser l'hôpital public dans toute sa diversité est une nécessité absolue. Cependant, ce souci de transparence, légitime, ne doit pas servir de paravent à une démarche comptable faisant une présentation des plus contestables de la réalité, mais plutôt s'inscrire contre cette logique qui entraîne depuis deux ans des réductions de moyens de l'ordre de 1,2 milliard de francs en Ile-de-France.
Or l'AP - HP et les hôpitaux d'Ile-de-France sont présentés comme dépensiers, surdotés. Qu'en est-il réellement ?
La région d'Ile-de-France est globalement bien dotée en moyens sanitaires, même si tous les besoins sont loin d'être couverts, par exemple en psychiatrie.
On constate un équilibre en matière de soins aigus, avec une forte concentration dans les départements centraux. Le réseau francilien des voies de communication, caractérisé par une organisation radiale, explique cependant en partie cette hypertrophie de l'offre de soins au centre de la région, dans la mesure où il est souvent plus facile de se rendre à Paris que d'une ville à l'autre de la région.
En outre, chaque année, environ 60 000 patients venant de province sont soignés dans les services de l'AP - HP. Globalement, 10 % des malades hospitalisés en court séjour viennent de province.
Par ailleurs, les emplois, qui étaient en augmentation jusqu'à 1995, sont stables depuis 1996 et ont même plutôt tendance à baisser. La réorganisation de l'offre de soins se fait depuis quelque temps en accord et de concert avec l'ARH, l'agence régionale d'hospitalisation, qui est très loin d'être un modèle de démocratie, donnant ainsi des gages de participation aux différentes structures de l'ARH. Il est faux de dire que l'AP - HP décide seule.
J'ajoute que, en Ile-de-France, région qui regroupe 20 % de la population et représente 28,3 % du PIB, les hôpitaux de l'AP - HP et les autres hôpitaux franciliens sont exposés à la concentration des pauvretés et de la précarité. On y rencontre plus fréquemment des pathologies particulières - toxicomanie, sida, etc. - ainsi qu'un très grand nombre de dépressions et de suicides.
Les populations exclues de toute couverture sociale ou insuffisamment couvertes se tournent vers l'hôpital public, dont les services, et en particulier les urgences, sont engorgés. La couverture maladie universelle, qui doit être discutée très prochainement, ne pourra que contribuer à faire reculer cet état de fait.
L'AP - HP prend par ailleurs une part très importante aux missions publiques de santé. Rappelons que l'Ile-de-France totalise 40 % des formations de médecins et 50 % des publications universitaires, pour ne citer que ces exemples ; l'AP - HP prend pleinement sa part dans ce rôle majeur de l'Ile-de-France.
Et quand on évoque le coût de l'AP - HP, comment passer sous silence les difficultés de vie quotidienne des personnels d'Ile-de-France, qui ne peuvent trouver à se loger près de l'établissement qui les emploie ? N'est-il pas normal, dès lors, que les établissements franciliens, en particulier ceux de l'AP - HP, financent davantage de crèches, logements et parkings, même si la situation à cet égard n'est pas, il s'en faut, satisfaisante ?
L'uniformisation du point ISA pour les hôpitaux franciliens en général et pour ceux de l'AP - HP en particulier serait, à notre sens, une régression.
Pour résoudre les nombreux problèmes qui existent incontestablement au sein de l'AP - HP - mais pas seulement là - tels le manque de démocratie ou les insuffisances dans certains domaines, il faut mobiliser toutes ses ressources humaines et tous ses équipements autour de missions publiques.
Au lieu de sacrifier l'unicité et le statut particulier de l'AP - HP au profit d'une centralisation des pouvoirs dans les mains d'une ARH qui n'a rien de démocratique, il s'agirait d'examiner ce qui limite les potentialités ou contredit les exigences des missions de santé, en consultant les personnels et les usagers, en développant la citoyenneté dans l'entreprise.
Tous les acteurs concernés doivent ainsi pouvoir participer à cette définition des missions de l'AP-HP.
M. le président. M. le président de la commission des affaires sociales m'ayant demandé une suspension de séance, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à onze heures quarante.)