Séance du 16 novembre 1998
M. le président. Par amendement n° 53, MM. Arnaud, Belot, Dulait, Doublet, Raffarin, de Richemont et Souplet proposent d'insérer, après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Au 1° du I de l'article 403 du code général des impôts, le tarif : "5 474 francs" est remplacé par le tarif : "5 450 francs".
« - Au 2° du I du même article, le tarif : "9 510 francs" est remplacé par le tarif : "9 467 francs".
« II. - Au a) du I de l'article 520 A du même code, le tarif : "17 francs" est remplacé par le tarif : "14,50 francs".
« III. - Au 2° de l'article 438 du même code, le tarif : "22 francs" est remplacé par le tarif : "29,60 francs".
« - Au 3° du même article, le tarif : "7,60 francs" est remplacé par le tarif : "10 francs". »
La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. Cet amendement tend à permettre une répartition solidaire de l'effort demandé dans la lutte contre l'alcoolisme entre les différents secteurs de la production d'alcool concernés.
Il s'agit d'une mesure d'équité. Il est, en effet, paradoxal que, en parlant d'alcoolisme, on ne vise que les spiritueux à 40 degrés, qui tous confondus ne représentent que 5,6 % de la consommation d'alcool pur, et les bières à 5,5 degrés, qui représentent 18 % de cette consommation, en ignorant les vins à 11,5 degrés, qui représentent 60 % de la consommation d'alcool.
La fiscalité des alcools appliquée en France est non seulement inéquitable et discriminatoire, mais elle contribue à fragiliser des secteurs de production qui souffrent actuellement d'une crise sans précédent.
Cet amendement s'inscrit dans le droit-fil des conclusions des travaux de la commission Jacquat, qui n'ont pas été publiés du fait de la dissolution. Cette commission concluait à l'existence d'une discrimination non fondée dans le traitement des taxes sur les alcools. Elle estimait impératif de tendre vers une harmonisation et d'appliquer la tarification en fonction du degré-volumique. Tel est aussi l'objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Depuis le temps que je suis le rapporteur de cette commission, je ne peux pas ne pas connaître le débat permanent que suscite la taxation sur les alcools selon qu'il s'agit des alcools forts, de la bière ou du vin.
Les différentes taxes en vigueur étant le fruit d'arbitrages très subtils, je ne souhaite pas revenir sur ce point.
Je constate, par ailleurs, que le Gouvernement a élaboré un plan visant à aider les producteurs de cognac et que celui-ci semble donner satisfaction.
Aussi, je ne peux qu'émettre un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Négatif !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 53.
M. Philippe Arnaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. Bien sûr, je maintiens cet amendement.
Mon cher collègue Descours, les arbitrages qui ont été rendus sont non pas subtils mais grossiers. Autorisez-moi à les qualifier ainsi compte tenu de la discrimination à laquelle nous avons abouti, et sur laquelle je ne reviens pas car j'en ai débattu l'année dernière et voilà deux ans.
Chacun sait qu'il existe des situations tout à fait inexplicables, et ceux qui ont sérieusement étudié ce dossier se sont accordés à reconnaître qu'il est désormais important de tendre vers une plus grande harmonisation.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 53, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 54, MM. Arnaud, de Richemont et Raffarin proposent d'insérer, après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 406 du code général des impôts est complété in fine par un alinéa ainsi rédigé :
« 7 ° les alcools mis à la disposition de chaque viticulteur exploitant dans la limite de 10 litres d'alcool pur par an. »
La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. En l'occurrence, je ferai référence à un problème que M. le rapporteur a bien voulu rappeler tout à l'heure, à savoir la situation tout à fait exceptionnelle que connaît la région de production du cognac, alors que, dans l'amendement précédent, j'évoquais non pas ce problème spécifique, mais celui, plus général, de l'équité de la taxation sur les alcools.
Le Gouvernement a adopté, après que Matignon eut arbitré entre le ministère de l'économie et des finances et le ministère de l'agriculture, un plan d'adaptation du vignoble de la région délimitée « Cognac ». Parmi les mesures proposées et vivement soutenues par le Gouvernement figurent des actions de promotion du cognac, notamment sur le marché intérieur.
Pour accompagner ces mesures, il conviendrait d'accorder à chaque viticulteur la possibilité de disposer en franchise de droits et de taxes de dix litres d'alcool pur par an, soit environ vingt-cinq bouteilles. Il faut donc introduire une nouvelle exonération des droits de consommation.
Il ne s'agit pas d'une mesure nouvelle puisque, dans les départements et les territoires d'outre-mer, dont la situation économique est difficile, les producteurs de rhum bénéficient déjà d'une telle exonération pour dix litres d'alcool pur par an, afin de permettre la promotion de ce produit.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Je comprends bien la situation délicate dans laquelle se trouve actuellement la région de Cognac, et je la déplore. Je souhaite que ses exportations reprennent, y compris en direction de l'Asie, après la fin de la crise monétaire, et que la région de Cognac retrouve une meilleure situation économique.
Cependant, la commission des affaires sociales du Sénat a toujours considéré que le privilège des bouilleurs de cru favorisait l'alcoolisme. Elle ne peut donc accepter cette franchise de droits pour dix litres d'alcool pur par an, soit vingt-cinq bouteilles. Aussi, elle émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Les bouilleurs de cru avaient disparu de l'Assemblée nationale et du Sénat depuis trente-huit ans ; nous nous en réjouissons tous, je crois. Aussi, le Gouvernement préfère ne pas les voir revenir par ce biais. C'est pourquoi il émet un avis défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 54.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Comme viennent de le dire M. le rapporteur et Mme la ministre, il serait, à l'évidence, inconvenant de rétablir, par ce biais, le privilège des bouilleurs de cru.
J'ajouterai simplement deux arguments.
D'abord, ce rétablissement serait inéquitable. En effet, pourquoi privilégier les producteurs de cognac plutôt que les producteurs d'eau-de-vie de quetsches ou autres ?
Ensuite, entre la proposition qui est formulée et le problème à résoudre, à savoir les difficultés rencontrées par les producteurs de cognac, il y a quelque chose de contradictoire. En effet, en accordant le privilège de bouilleur de cru, vous allez mettre sur le marché de l'alcool produit par de petits viticulteurs et qui sera vendu dans des conditions qui seront ce qu'elles seront, ce qui compliquera encore la situation des producteurs qui, eux, sont essentiellement des exportateurs.
M. Philippe Arnaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. Je ne prolongerai pas le débat sur ce point qui, à l'évidence, ne semble pas mobiliser.
En l'occurrence, il ne s'agit pas du problème des bouilleurs de cru.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ah bon ?
M. Philippe Arnaud. S'y référer, c'est un peu rapide.
Le problème soulevé, c'est la promotion des produits locaux. Par conséquent, je veux bien me rallier à la position de la commission et à celle du Gouvernement, mais à condition - et je souhaite obtenir une réponse sur ce point - que l'équité soit respectée. C'est pourquoi, dans l'esprit des propos qui ont été tenus voilà quelques instants, je demande la suppression de l'exonération de droits concernant les dix litres d'alcool pur par an pour les producteurs de rhum.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 54, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adpoté.)
Article 10