Séance du 16 novembre 1998
M. le président. « Art. 3 ter. - Dans le dernier alinéa de l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale, le taux : "30 %" est remplacé par le taux : "100 %". »
Par amendement n° 1, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose :
A. - De compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« II. - L'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale est applicable à la majoration de l'exonération prévue au I. »
B. - En conséquence, de faire précéder le début de cet article de la mention : « I ».
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Cet amendement se réfère à la loi du 25 juillet, à laquelle nous tenons, particulièrement à l'article L. 131-7, selon lequel « toute mesure d'exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale, instituée à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi... donne lieu à compensation intégrale aux régimes concernés par le budget de l'Etat pendant toute la durée de son application. »
Cette disposition doit naturellement être appliquée à la majoration du taux d'exonération, porté de 30 % à 100 %, des cotisations sociales patronales accordées aux associations prestataires de services à domicile par le présent article.
La commission considère en effet que le fait de ne pas prévoir une telle compensation irait à l'encontre de la loi du 25 juillet 1994. Le Gouvernement a d'ailleurs eu la même interprétation puisqu'il a ajouté, à l'article 3 bis , un alinéa portant dérogation exceptionnelle.
Nous refusons cette logique. Nous observons à cet égard que l'argumentation sur la non-compensation partielle des exonérations de charges dans l'optique des 35 heures a brisé un tabou. Mais vous nous avez dit que ce n'était pas le sujet et que, s'agissant des 35 heures, l'exonération serait compensée.
Le principe de la compensation permet, à mon sens, de clarifier les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale. Il s'agit d'une bonne gestion des caisses. On ne peut pas charger la sécurité sociale de mesures décidées par d'autres et, ensuite, se gausser d'un éventuel « trou » de la sécurité sociale !
Cet amendement a donc pour objet de compenser cette majoration du taux d'exonération, c'est-à-dire de 30 % à 100 %. Pour les premiers 30 %, c'est effectivement passé par profits et pertes.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Tout d'abord, monsieur le rapporteur, quand vous avez fait voter la loi de 1994, vous n'avez pas « rattrapé », si je puis dire, tous les textes précédents - ce qui représente entre 12 milliards de francs et 15 milliards de francs non remboursés par le budget de l'Etat à la sécurité sociale. Si vraiment vous aviez voulu le faire, vous en auriez d'ailleurs eu la possibilité pour ces 30 %. Vous ne l'avez pas fait à l'époque car cela vous a sans doute paru d'un coût trop élevé pour l'Etat, et je le comprends fort bien.
Dès lors qu'aujourd'hui vous proposez que ce relèvement de 30 % à 100 % soit totalement financé par le budget de l'Etat - ce qui, encore une fois, n'était pas le cas pour les 30 % mis en place avant la loi de 1994 -, je me demande si l'article 40 ne s'oppose pas à cet amendement. Je ne sais pas, monsieur le président, si la commission des finances sera d'accord avec moi. Mais je ne peux pas accepter qu'une charge complémentaire soit mise sur le budget de l'Etat de cette manière, alors même que vous venez de refuser un amendement permettant de financer en grande partie cette charge complémentaire que constitue le passage de 30 % à 100 % de l'exonération.
M. le président. Madame la ministre, invoquez-vous l'article 40 de la Constitution ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Oui, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Oudin, l'article 40 de la Constitution est-il applicable ?
M. Jacques Oudin, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Non, monsieur le président, il n'est pas applicable.
M. le président. L'amendement n° 1 est donc recevable.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Puis-je avoir des explications sur l'avis de la commission des finances, monsieur le président, ou cela ne se fait-il pas ?
J'aimerais en obtenir, au moins pour ma propre gouverne, afin que je comprenne pourquoi, quand on accroît de plus de 10 milliards de francs les charges de l'Etat, l'article 40 n'est pas applicable !
M. le président. La commission des finances n'a pas à motiver son avis, madame la ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ah bon ? Très bien !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Voilà, madame ! Le Gouvernement n'a pas toujours raison !
M. Jean Chérioux. C'est le règlement !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Madame le ministre, ne soyez pas de mauvaise foi ! Je n'ai jamais demandé que l'on compense les 30 %. La loi de 1994, qui passait par pertes et profits les dispositifs d'exonération antérieurs, portait sur des dispositifs en voie d'extinction. Aujourd'hui, on relance et on multiplie ces dispositifs. Mais ce n'est pas de cela que je veux parler. Vous nous reprochez de proposer un amendement qui tend à accroître les charges de l'Etat ; mais si cet amendement n'était pas voté, ce sont les charges supportées par la sécurité sociale qui s'en trouveraient alourdies.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Non !
M. Charles Descours, rapporteur. Allons donc !
Aujourd'hui, 70 % des charges sont acquittées. Vous proposez de les exonérer à 100 % : ce sont bien des rentrées en moins pour la sécurité sociale qui ne seront pas compensées.
Que vous préfériez creuser le trou de la sécurité sociale plutôt qu'accroître le déficit de l'Etat, c'est un choix politique ; mais nous, nous sommes là pour défendre la sécurité sociale, et nous disons : « Il faut compenser pour ne pas faire supporter à la sécurité sociale des exonérations qui sont décidées par l'Etat. »
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le rapporteur, je veux bien que l'on ne nous donne pas d'explications, mais encore faudrait-il que l'on ne dise pas n'importe quoi.
Vous dites que vous ne demandez pas que les 30 % antérieurs soient compensés par le budget de l'Etat. Mais 100 %, c'est 30 % plus 70 % : demander que 100 % soient compensés, c'est demander de facto que les 30 % qui, antérieurement ne l'étaient pas, le soient désormais. Ou alors votre amendement n'est pas complet.
M. Charles Descours, rapporteur. Mais l'exonération des 70 % est instaurée par le présent projet de loi !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Excusez-moi d'insister, mais, tel qu'il est rédigé, votre texte s'applique aux 100 %, puisque les 30 % n'existeront plus et seront remplacés par 100 %.
M. Charles Descours, rapporteur. Permettez-moi de redonner lecture du texte de mon amendement : « L'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale est applicable à la majoration de l'exonération prévue au I. » Il précise bien : « à la majoration de l'exonération ».
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Qu'est-ce que cela veut dire ?
M. Charles Descours, rapporteur. Cela veut dire que seule la majoration est concernée.
M. le président. Monsieur le rapporteur, permettez-moi de vous faire remarquer que, aux termes de l'article 3 ter, dans l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale, le taux « 30 % » sera remplacé par le taux « 100 % ».
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Voilà !
Le code de la sécurité sociale ne fera pas mention d'une majoration ; y sera inscrit : « 100 » à la place de « 30 ». Par conséquent, que signifierait cette expression : « L'article L. 131-7 est applicable à la majoration de l'exonération prévue au I » ?
Pour le moins votre article est donc mal rédigé.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. C'est l'article 3 ter qui est mal rédigé.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président de la commission, c'est vous qui amendez le texte du Gouvernement. Vous n'allez tout de même pas me demander de modifier mon texte pour qu'il soit en cohérence avec des amendements que vous avez décidé ultérieurement de lui appliquer !
Je le répète, il n'est pas question de majoration dans le texte du Gouvernement. Si, intellectuellement, je comprends bien à quoi vous faites allusion, juridiquement votre formule ne tient pas.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, j'aimerais bien que nous soyons tous de bonne foi !
M. Charles Descours, rapporteur. Tout arrive !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ne dites pas que je veux alourdir les charges de la sécurité sociale alors que vous venez de prendre la défense de ceux qui jouissent des plus gros revenus dans notre pays et qui bénéficient d'exonérations sans être ni dépendants ni handicapés, puisqu'ils ne touchent ni la PSD, ni l'AAH !
Pour ma part, j'ai cherché à compenser aux trois quarts le coût induit pour la sécurité sociale par ce dispositif en plafonnant les exonérations prévues à l'article 3 bis. Or vous, vous venez de supprimer cet article 3 bis. S'il y a quelqu'un qui institue deux poids deux mesures vis-à-vis de la sécurité sociale, c'est bien vous !
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Madame la ministre, sur la deuxième partie de votre intervention, je vous donne acte de votre aveu, à savoir que l'article 3 bis n'avait pour objet que de trouver de l'argent pour financer l'article 3 ter.
Je me réjouis que l'Etat soit généreux avec l'argent des autres, en décidant des exonérations pour les uns et en prenant dans la poche des autres. Parfait !
Par ailleurs, si cela peut faciliter le débat, monsieur le président, je souhaite rectifier le texte de l'amendement n° 1, pour qu'il se lise ainsi : « II. - L'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale est applicable à 70 % de l'exonération prévue au I. »
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il y avait donc bien une erreur ! Je vous sais gré de cet aveu, monsieur le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Voyez comme je vous écoute, madame la ministre !
M. le président. Il s'agit de l'amendement n° 1 rectifié.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Défavorable, monsieur le président.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1 rectifié.
M. Dominique Leclerc. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Je voudrais revenir sur la non-compensation par le budget de l'Etat d'exonérations de cotisations sociales.
Que cette exonération porte sur 30 % ou sur 70 % peu importe, c'est une question de principe alors que toute la politique de santé vise à obtenir des partenaires qu'ils dépensent moins pour une qualité au moins équivalente à celle que nous connaissons aujourd'hui.
Or, comment voulez-vous que ces partenaires adhérent à une telle démarche quand il est question d'obtenir l'équilibre des comptes sociaux par des non-compensations successives, qui sont, à mon avis, très perverses. Et l'adhésion des partenaires du système de santé, vous le savez tous, est indispensable à la réussite de notre politique.
Alors, halte aux non-compensations, qu'elles aggravent la situation du budget de l'Etat ou celle des comptes sociaux !
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Ce débat fort intéressant justifie, quatre ans après, les importantes mesures que le Parlement, et donc le Sénat - car ces dispositions sont issues d'amendements déposés devant la Haute Assemblée - avait adoptées, à savoir : le contrôle par la Cour des comptes, la légalisation du secrétariat de la commission des comptes de la sécurité sociale et l'amorce de la réforme constitutionnelle qui a été adoptée l'année suivante et qui a instauré le principe de la loi de financement de la sécurité sociale. La loi du 25 juillet 1994 avait en effet pour objet de clarifier les comptes de la sécurité sociale, et nous sommes aujourd'hui au coeur d'un débat qui s'était déjà engagé la nuit où nous avons adopté cette loi.
M. Descours a rappelé tout à l'heure les dispositions de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, qui dispose : « Toute mesure d'exonération, totale ou partielle de cotisations de sécurité sociale, instituée à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, donne lieu à compensation intégrale aux régimes concernés par le budget de l'Etat pendant toute la durée de son application. » Le dernier alinéa de ce même article éclaire le débat puisqu'il précise : « Cette compensation s'effectue sans préjudice des compensations appliquées à la date d'entrée en vigueur de ladite loi. »
Le débat qui s'est engagé à l'instant doit prendre en compte les intentions du législateur : si le Gouvernement impose des exonérations, il doit les compenser.
A mon sens, cette clarification des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale a constitué un véritable progrès. Il importe d'en appliquer les principes de la manière la plus rigoureuse. C'est ce que nous propose la commission des affaires sociales. C'est la raison pour laquelle, avec les membres de mon groupe, je voterai cet amendement.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous avez dit tout à l'heure, monsieur le rapporteur, qu'en 1994 on n'avait pas appliqué la compensation à certaines exonérations parce qu'elles allaient tomber en désuétude ou s'éteindre progressivement. Cela signifie-t-il que le gouvernement précédent pensait que l'aide à la création d'entreprise pour les chômeurs indemnisés devait s'éteindre, tout comme l'aide à domicile pour une personne âgée ou valide, les contrats emploi-solidarité, les contrats d'orientation, les associations intermédiaires, les contrats emploi consolidé, l'abattement pour temps partiel, les entreprises d'insertion, les contrats d'insertion ? La liste pourrait être longue !
Aujourd'hui, 17 milliards de francs de cotisations ne sont pas compensés. En 1994, vous n'avez pas prévu de compensation dans bien des domaines qui n'étaient pas en voie d'extinction. C'est sans doute parce que vous avez cru, et je peux le comprendre, que vous ne pouviez pas imputer les charges en cause sur le budget de l'Etat.
Je terminerai en relevant un dernier paradoxe.
Nous, nous préférons financer une exonération à 100 % au profit des associations d'aide à domicile en revenant sur une partie de l'exonération attribuée à ceux qui ont de gros moyens. Vous, vous préférez obtenir le même résultat en recourant à l'impôt, c'est-à-dire en impliquant tout le monde. Telle est la différence entre nous ; je crois qu'il fallait le noter.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. La commission des affaires sociales et la majorité du Sénat sont pour l'application de la loi de 1994 telle que l'a rappelée M. Oudin. C'est tout !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Dommage que vous ne l'ayez pas appliquée !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3 ter , ainsi modifié.
(L'article 3 ter est adopté.)
Article additionnel après l'article 3 ter