Séance du 10 novembre 1998
M. le président. La parole est Mme Borvo, auteur de la question n° 359, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Mme Nicole Borvo. Cette question, qui s'adresse en fait à Mme la ministre chargée de l'enseignement scolaire, concerne le xxe arrondissement de Paris, mais elle a une portée plus générale.
Le 5 octobre dernier, il a été annoncé aux parents d'élèves et aux enseignants de trois groupes scolaires du xxe arrondissement de Paris - Olivier-Métra, Planchat et rue du Retrait - que l'académie envisageant d'exclure de la ZEP, la zone d'éducation prioritaire, les écoles maternelles de ces groupes scolaires pour les transformer en REP, réseau d'éducation prioritaire.
Or le REP n'offre pas la garantie que les moyens attribués à ces écoles soient maintenus, notamment parce que l'académie de Paris conçoit ce réseau comme un sas de sortie de ZEP ; donc, à terme, elles ne seront plus ni en ZEP, ni en REP.
Pourtant, les moyens particuliers dont bénéficient ces écoles maternelles dans le cadre de la ZEP ont prouvé leur efficacité et sont toujours nécessaires, car le nombre de familles en grande difficulté continue d'augmenter dans ce quartier et le soutien aux efforts conjoints des équipes pédagogiques, qui ont permis de faire face à cet environnement difficile, demeure indispensable.
Ces mesures s'inscrivent dans un environnement parisien selon lequel le redéploiement des moyens qui restent dans notre ville devrait se faire à niveau constant. J'espère d'ailleurs, madame la ministre, que vous allez augmenter ces moyens.
En effet, ce redéploiement à niveau constant a des conséquences dommageables. Ainsi, par exemple, dans le xiiie arrondissement, où douze écoles maternelles et élémentaires ainsi que le collège Evariste-Galois sont proposés en sortie de ZEP, alors que 40 % des élèves de celui-ci sont boursiers et que, dans cet arrondissement, nombre de parents maîtrisent difficilement le français.
Pourtant, à Paris, comme le confirment les nouveaux indicateurs contenus dans le rapport Simon Moisan, une école sur quatre relève du dispositif ZEP et un collège sur cinq n'est pas un département privilégié, contrairement à ce que l'on entend trop souvent, et mérite une attention toute particulière, notamment pour que, au-delà des moyennes départementales - car il existe bien sûr de grandes différences d'un lieu à l'autre - les établissements soient bien examinés au cas par cas.
Contrairement à l'esprit des circulaires du ministère de l'éducation nationale, qui exigent que la relance des ZEP s'effectue dans la transparence totale et après une large concertation avec tous les partenaires de l'école, aucune concertation n'a été entreprise dans le xxe arrondissement, ni avec la mairie, ni avec les syndicats d'enseignants, ce qui a suscité protestations et étonnement de la part des familles et des enseignants. Mon collègue Michel Charzat, maire du xxe arrondissement, leur a apporté son soutien, parce qu'il avait souhaité et souhaite encore que la concertation ait lieu.
Les effectifs légèrement plus faibles et le taux d'encadrement légèrement plus élevé, ainsi que les aides accordées aux ZEP sont d'indéniables atouts pour la scolarité des enfants et ils contribuent à la réalisation d'une mixité sociale - à laquelle nous sommes très attachés - dans les écoles de ce quartier. Revenir à une situation « d'avant ZEP » dans ce quartier et en ces circonstances risquerait de recréer des écoles ghettos, ce que nous voulons absolument empêcher vous aussi, j'en suis sûre.
Dans ces conditions, le déclassement envisagé risque de déstabiliser sérieusement les équipes pédagogiques. Il ne faut pas sous-estimer le fait que la suppression de l'indemnité ZEP actuellement perçue par les enseignants en contrepartie des nombreuses sujétions liées à l'exercice des missions spécifiques qui sont les leurs les inciterait certainement à demander leur mutation dans d'autres écoles. Telle est la situation à Paris. Beaucoup l'ignorent, mais c'est la réalité.
Le 7 décembre 1998, une commission paritaire prendra une décision définitive. Il faut mettre à profit ce délai pour rouvrir le dossier et établir un véritable dialogue qui, en l'occurrence, me semble indispensable.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire. Madame la sénatrice, votre question révèle deux choses qui me font plaisir : d'une part, un attachement à la politique d'éducation prioritaire et, d'autre part, le fait que la révision de la carte des zones d'éducation prioritaires s'est faite en concertation puisque, comme vous venez vous-même de le dire, l'équipe pédagogique a été consultée.
Les révisions définitives de cette carte constituent un enjeu difficile. En effet, la carte des ZEP n'ayant pas été modifiée depuis dix ans, il arrive que certaines écoles, qui devraient être intégrées dans les réseaux d'éducation prioritaires, ne le soient pas, tandis que d'autres écoles en font partie sans que cela soit toujours justifié.
A partir de là, j'ai effectivement demandé aux recteurs d'engager des discussions avec les différents groupes scolaires pour déterminer la manière de faire évoluer cette cartographie des zones d'éducation prioritaire.
Je vous rejoins totalement sur le fait que la situation du xxe arrondissement n'est ni favorisée ni privilégiée.
Il reste que j'ai à ma disposition l'état de tous les groupes scolaires du pays. Il fait apparaître que d'autres établissements, qui connaissent des difficultés bien plus graves, ont besoin, pour continuer à donner aux élèves autant de chances qu'ailleurs, d'entrer en zone d'éducation prioritaire et en réseau d'éducation prioritaire.
Le réseau d'éducation prioritaire n'est pas un sas de sortie puisque tous les établissements scolaires classés en zone d'éducation prioritaire seront également mis en réseau.
C'est le réseau d'éducation prioritaire qui va désormais porter l'ambition pédagogique des établissements bénéficiant d'un plus et qui va faire l'objet d'une contractualisation avec les recteurs, notamment pour l'attribution des moyens en personnel et en crédits pédagogiques.
Par conséquent, je tiens à être très claire avec vous : les établissements qui seront en réseau d'éducation prioritaire bénéficieront tous de la même priorité pédagogique, qu'ils soient en ZEP ou qu'ils ne le soient pas.
Ce nouveau concept me permet aussi d'associer autour des têtes de réseaux, c'est-à-dire des établissements classés en ZEP, d'autres établissements scolaires qui, sans être dans une situation scolaire aussi difficile, ont néanmoins besoin d'être associés à une réflexion commune, à une mise en commun du savoir-faire, à un pilotage académique de proximité, bref, des établissements dont les équipes ont besoin d'être confortées dans une logique consistant à donner plus aux enfants qui ont le moins.
Dans le schéma initial, j'ai été obligée de procéder à un certain nombre de redéploiements extrêmement tendus. C'est précisément à la suite de ce premier tour de piste de l'ensemble des académies que je me suis rendue compte que je ne pouvais pas, dans le cadre des moyens qui m'étaient alloués, à la fois conserver un certain nombre d'établissements en ZEP et mettre en place une véritable politique de relance de l'éducation prioritaire.
Au cours de la discussion budgétaire, M. le Premier ministre a accepté d'accorder à cette politique un complément très important, qui prendra la forme d'un amendement gouvernemental. J'espère, madame la sénatrice, que vous aurez l'occasion de soutenir cet amendement et de voter le budget de l'enseignement scolaire, car j'ai aujourd'hui les moyens de mettre en pratique une relance très importante de l'éducation prioritaire.
C'est un contexte nouveau, puisque j'ai signé aujourd'hui même les nouvelles instructions aux recteurs demandant à ces derniers de me faire parvenir, après concertation, les nouvelles propositions qu'ils seront en mesure de me faire. C'est dans ce cadre que votre préoccupation, ainsi que celle de l'ensemble des écoles du xxe arrondissement, sera prise en compte.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Vous savez que nous vous soutiendrons chaque fois que des moyens supplémentaires - moyens nécessaires et non pas gaspillés - seront accordés à l'enseignement scolaire et à l'éducation nationale.
Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour souligner que le système des ZEP doit être examiné au cas par cas. En effet, les efforts entrepris doivent être confortés. Ainsi, trop souvent, des moyens supplémentaires sont enlevés à des écoles qui, en fonction d'un certain nombre de critères, atteignent un niveau moyen égal à celui des écoles non situées en ZEP : cela se traduit par la suppression de certaines équipes, par la disparition des primes aux enseignants, etc. Or, c'est l'inverse qu'il convient à mon avis de faire.
Par ailleurs, les critères retenus - un an de retard ou plus en CE 2 et le nombre de réductions accordées pour la cantine - ne me paraissent pas valables : s'agissant du premier critère, l'effort entrepris par les enseignants doit être conforté ; il faut encourager ces derniers plutôt que de supprimer les aides dès que le taux de redoublement baisse en CE 2 ; quant à la cantine, comme vous le savez, les parents les plus en difficulté n'y mettent pas leurs enfants !
Madame la ministre, je souscris bien évidemment au dialogue ; le cas du XXe arrondissement doit être vraiment, à mon avis, l'occasion d'une action en concertation et d'un examen attentif des situations.
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