Séance du 10 novembre 1998
M. le président. La parole est à M. Raffarin, auteur de la question n° 316, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Jean-Pierre Raffarin. Monsieur le ministre, je suis très heureux que vous soyiez parmi nous pour répondre en personne à cette question car, je tiens à le signaler, si vos services répondent très rapidement à tout ce qui a trait au ferroviaire, pour la route, c'est plus dur. (Sourires.) Je vous ai posé dix questions écrites en un an ; j'ai reçu deux réponses sur le ferroviaire, mais j'en attends encore huit sur la route. Notre discussion n'en sera donc que d'autant plus profitable.
Chacun le sait, les contrats de plan Etat-régions ont pris un grand retard. On peut imputer au passé beaucoup de ce retard. On a tout de même quelques inquiétudes car, à considérer les crédits de votre ministère pour 1999, on ne voit pas tellement comment un tel retard pourra être rattrapé.
Le problème de fond est de savoir comment, pour l'avenir, recrédibiliser la démarche, car le retard est tel que les acteurs locaux et les usagers doutent même de la capacité à prendre aujourd'hui des décisions en ce qui concerne non seulement les routes, mais aussi les autoroutes.
Mais j'en viens à mes questions.
D'abord, afin de recrédibiliser la démarche, êtes-vous d'accord pour que l'on puisse solder les participations, au moins à clés de financement égales ? Je comprends que l'Etat ait des retards de financement. Mais, très souvent, les collectivités territoriales ont déjà payé et, si l'on s'arrête maintenant, il y aura distorsion, les collectivités locales étant en avance par rapport à l'Etat. Si l'on veut repartir à zéro, il faut au moins repartir avec des clés de financement respectées !
On peut concevoir un certain retard, je le répète, mais l'on ne peut pas accepter que l'Etat transfère sur les collectivités territoriales les engagements qu'il a lui-même pris.
Par ailleurs, et c'est aussi important, on comprend bien que l'Etat, parce que c'est nécessaire, souhaite maîtriser la dépense publique, et la Haute Assemblée doit d'ailleurs faire des propositions dans ce sens. Mais n'est-il pas possible d'innover et, à défaut de toujours donner de l'argent, de conférer des libertés ?
Ainsi - mais je vous ai déjà posé cette question par écrit - pour les routes nationales 149, 141 et 147, par exemple, seriez-vous prêt, monsieur le ministre, à déléguer la maîtrise d'ouvrage aux collectivités territoriales pour des opérations définies en accord avec l'Etat dont elles assumeraient le financement, mais pour lesquelles l'Etat leur accorderait le remboursement de la TVA, ce qui permettrait, avec un effort financier, une programmation réelle des différents travaux ?
Une telle procédure serait de nature à donner de la souplesse aux contrats et à crédibiliser la démarche.
Enfin, vous avez pris un certain nombre d'initiatives, en matière de sécurité. Nous apprécions ces initiatives monsieur le ministre, car il est bien évident que la sécurité n'est pas assurée sur un certain nombre de routes et qu'il convient de faire des travaux. Ces travaux ne pourraient-ils pas être intégrés dans les contrats de plan Etat-régions ?
En posant cette question, je pensais notamment à la route nationale 10. En effet, si vous avez reconnu que de nombreux problèmes se posaient au sud de Bordeaux, je note qu'il y a autant d'accidents au nord de cette ville. L'Etat et les collectivités locales ne pourraient-ils pas discuter de ces problèmes pour, ensemble, définir les priorités et pour investir ?
En un mot, comment rendre à nouveau crédible la contractualisation entre l'Etat et ses partenaires, les collectivités territoriales, pour les prochaines échéances ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, pour être précis, vous avez posé dix-neuf questions écrites depuis dix-sept mois, une dizaine depuis le mois de septembre ! Je relève d'ailleurs que ce n'est pas parce que l'on pose beaucoup de questions que l'on obtient plus...
Mais je veux répondre précisément aux questions que vous me posez aujourd'hui.
D'abord, comme vous l'avez dit, il y a du retard, ce qui ne peut que nous interpeler au regard tant de la démarche contractuelle que du respect de la parole donnée. C'est une évidence.
A la fin de l'année 1997, après quatre années d'exécution, les contrats Etat-région enregistraient un taux d'exécution d'environ 57 %. A ce rythme, pour atteindre les 100 %, il aurait fallu non pas un an de plus, comme l'a décidé le précédent gouvernement, mais trois ans. Je comprends donc votre inquiétude et vos interrogations.
Très honnêtement, rien ne permet aujourd'hui de dire que ces retards pourront être comblés en un an. J'en ai conscience, et j'ai d'ailleurs déjà expliqué très franchement que nous n'atteindrions un taux de mise en oeuvre des contrats de plan que de 82 % environ.
Or, la discussion va s'engager sur le futur contrat de plan et sur les schémas de services. Le Gouvernement a décidé de mettre en oeuvre une véritable politique multimodale et je suis convaincu de recevoir l'appui de la représentation nationale à propos de l'effort en faveur du transport ferroviaire et du transport combiné. Je souhaite même que cette option soit mieux prise en compte que par le passé dans les contrats de plan.
Cela étant, je ne vous dirai pas le contraire, monsieur Raffarin : d'importants besoins demeurent en matière routière, que ce soit en termes de réalisations ou d'aménagements de sécurité.
Des progrès restent à faire pour exploiter les réseaux routiers et autoroutiers au mieux et en complémentarité. De plus, j'en suis profondément convaincu, la capacité des infrastructures existantes doit être améliorée et des voies nouvelles sont indispensables.
Face à cette situation, vous me demandez, tout d'abord, si, finalement, la délégation de maîtrise d'ouvrage de l'Etat aux régions pourrait être une solution. J'ai déjà eu l'occasion de vous répondre sur ce point et je vais donc me répéter : il me semble qu'une telle procédure ne présenterait pas d'intérêt, ni en termes de délais ni en termes financiers, parce que le mandataire n'aurait pas accès au paiement direct des entreprises et ne pourrait donc pas récupérer la TVA.
J'ajoute que la maîtrise d'ouvrage de l'Etat ne fait d'ores et déjà pas obstacle à ce que les régions accroissent leur participation sur les axes qu'elles jugent prioritaires, d'où, là aussi, nécessité de réfléchir aux clés de financement.
Concernant la route nationale 10, là encore, j'ai conscience de ce qui reste à faire dans la partie située au nord de Bordeaux. Toutefois, je rappelle qu'il existe une différence entre les parties nord et sud. Si, au nord de Bordeaux, les usagers, notamment les poids lourds, ont le choix entre l'autoroute A 10 et la route nationale 10, au sud de Bordeaux, dans les Landes, il n'y a pas d'alternative possible.
Le Sénat, dans le cadre d'une commission d'enquête, a lancé des réflexions pour étudier comment améliorer les infrastructures et le financement, réflexions sur lesquelles je compte d'ailleurs m'appuyer, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire.
On peut aussi penser que les regards doivent se tourner vers l'Europe.
A cet égard, je dois dire à la représentation nationale que le Gouvernement discute actuellement de la prolongation des concessions d'autoroutes existantes, qui était réclamée par certains.
Je ne dis pas que c'est la solution miracle, compte tenu des engagements et des décisions qui ont été pris dans le passé par mes prédécesseurs. Mais j'ai bon espoir de parvenir à une solution équilibrée dont nous connaîtrons les éléments dans quelque temps.
J'ajoute, comme l'a déclaré le Premier ministre, M. Lionel Jospin, que l'Europe est à même, aujourd'hui, avec des taux d'intérêt bas, de soutenir la croissance, en offrant, par un grand emprunt européen, aux Etats ou aux régions, les moyens d'un développement profitable à tous. Nous y travaillons et je compte sur votre soutien.
En résumé, monsieur Raffarin, le Gouvernement est conscient qu'il y a encore beaucoup à faire pour les routes et les autoroutes tant en matière de sécurité qu'en matière d'augmentation de capacité et de réalisation de voies nouvelles. Nous allons donc faire en sorte que la discussion sur les contrats de plan et les schémas de services permette de faire coïncider à la fois la parole de l'Etat, la participation des régions et le respect des engagements pris.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je note un point positif dans votre réponse, monsieur le ministre de l'équipement, des transports et du logement : vous reconnaissez que notre pays a encore des besoins importants en matière d'infrastructures routières.
A écouter Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, on peut en douter. Nous comptons donc sur votre énergie, monsieur le ministren pour imposer votre point de vue au sein du Gouvernement.
Par ailleurs, ne comptez pas sur les collectivités territoriales pour augmenter leur participation si l'Etat diminue la sienne et s'il ne se produit aucune avancée en matière d'innovation, notamment en ce qui concerne les calendriers et la maîtrise d'ouvrages déléguée.
Nous sommes donc favorables à une participation accrue des collectivités locales, mais avec une contrepartie. Sans contrepartie, on ne peut pas espérer de progrès. Il en résulterait en effet des modifications des clés de financement qui mettraient vraiment en question la décentralisation et les règles applicables aux transferts de charges. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
SUPPRESSION DE LA GARE DE CHÂTEAU-CHINON