Séance du 10 novembre 1998
SERVICES AU TRANSPORT AÉRIEN
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 7, 1998-1999)
relatif à l'organisation de certains services au transport aérien. [Rapport n°
53 (1998-1999) et avis n° 44 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, le présent projet de loi a pour
objet de prendre des mesures portant sur l'exécution et le financement de
services aéroportuaires, rendues nécessaires à la suite d'un arrêt du Conseil
d'Etat du 20 mai 1998.
Par cet arrêt, le Conseil d'Etat a annulé les arrêtés fixant les taux de la
redevance pour services terminaux de la circulation aérienne - RSTCA - perçue
au profit du budget annexe de l'aviation civile. Il pose, en particulier, le
principe selon lequel le coût des services de sécurité incendie et de
sauvetage, les SSIS, ne peut être financé par redevances au motif que ces
services correspondent à des missions d'intérêt général qui incombent par
nature à l'Etat.
Cet arrêt a d'ailleurs une portée plus large que la seule redevance pour
services terminaux de la circulation aérienne.
D'une part, il remet en cause la régularité des décisions des gestionnaires
d'aérodromes qui, au même titre que l'Etat, introduisent ces coûts, pour la
part qui leur incombe, dans l'assiette de leurs redevances. En effet, si c'est
l'Etat qui procède à l'achat des véhicules de lutte contre l'incendie sur les
grands aéroports et met à disposition un technicien responsable du SSIS, les
rémunérations des personnels d'intervention et l'entretien du matériel sont à
la charge des gestionnaires. Plusieurs contentieux en cours pourraient aboutir
à des annulations de décisions de gestionnaires d'aérodromes en matière de
redevances liées à la sécurité.
D'autre part, la motivation utilisée par le Conseil d'Etat peut s'appliquer à
d'autres services d'intérêt général dont les coûts sont inclus dans l'assiette
des redevances aéroportuaires. Tel est le cas des visites de sûreté prises en
charge par le gestionnaire avec la participation de l'Etat en application de la
loi du 26 février 1996, qui a autorisé ceux-ci à avoir recours à des agents
privés.
Est aussi concernée la lutte contre le péril aviaire destinée, par des
techniques d'effarouchement, à prévenir le risque d'ingestion d'oiseaux dans
les réacteurs, comme le sont aussi les contrôles environnementaux destinés à
maîtriser les nuisances sonores ou la pollution de l'air.
Or, le fait de mettre ces dépenses à la charge des usagers remonte, pour le
service incendie, à l'origine des concessions, c'est-à-dire avant 1955, date du
premier décret précisant le régime des concessions aéroportuaires et, pour la
sûreté, à un décret récent pris après avis favorable du Conseil d'Etat.
Dans cette affaire, comme dans un certain nombre d'autres dont j'ai eu à
connaître depuis mon arrivée, il s'agit de mettre le dispositif de financement
des aéroports en conformité avec notre droit. Le Sénat a d'ailleurs beaucoup
contribué à cette remise en ordre en alertant le Gouvernement.
Il importe de mettre en place un financement de ce type de dépenses qui ne
soit pas juridiquement contestable et qui produise des ressources adaptées aux
besoins du transport aérien.
A cette fin, des dispositions ont déjà été votées en première lecture par
l'Assemblée nationale lors de la discussion du projet de loi de finances
initiale pour 1999. J'ai également eu l'occasion de les présenter au Sénat lors
de mon audition par le commission des finances et, bien entendu, des travaux
préparatoires ont été menés avec vos rapporteurs, M. Le Grand, rapporteur de la
commission des affaires économiques, et M. Collin, rapporteur pour avis de la
commission des finances.
En l'état actuel du projet de loi, ce dispositif peut être résumé en trois
points.
Tout d'abord, est créée, au profit des gestionnaires d'aérodromes, une « taxe
d'aéroport », assise sur le passager et due par les entreprises de transport
aérien public.
Ensuite, le fonds de péréquation du transport aérien est étendu - il prendra
la dénomination de « fonds d'intervention pour les aéroports et le transport
aérien » - pour prendre en charge les opérations de sécurité actuellement
financées par la RSTCA ainsi que les dépenses de péréquation des coûts des
services aéroportuaires d'intérêt général au profit des plus petits
aéroports.
Enfin, la taxe de sécurité-sûreté et la taxe de péréquation du transport
aérien sont remplacées par une taxe unique de l'aviation civile alimentant pour
partie le budget annexe et, pour partie, le fonds d'intervention pour les
aéroports et le transport aérien. Bien entendu, la RSTCA comme les redevances
des gestionnaires d'aéroports seront réduites à due concurrence.
L'opération - j'y insiste solennellement devant vous - sera neutre pour les
compagnies aériennes, car il s'agit en réalité de substituer des taxes aux
redevances. Cette opération se fera dans la plus grande transparence, sous le
contrôle des usagers du transport aérien, dans le cadre des commissions
consultatives économiques des aéroports. De plus, je demanderai à mes services
d'être particulièrement vigilants sur ce point.
Nous aurons très prochainement l'occasion, lors de l'examen du projet de loi
de finances, de débattre des éléments de ce dispositif. Des remarques
pertinentes nous ont déjà été faites, d'autres le seront aujourd'hui. Sachez
que j'en tiendrai le plus grand compte en distinguant les problèmes
d'opportunité et les problèmes juridiques, les uns comme les autres étant
également dignes d'intérêt. Dans cette perspective, le présent projet de loi a
deux objectifs.
Le premier, qui fait l'objet de l'article 1er, est de donner une assise
juridique aux services chargés de la sécurité incendie, du sauvetage et de la
lutte contre le péril aviaire. Ces missions ne sont en effet explicitement
prévues ni dans les cahiers des charges des concessions actuellement en vigueur
ni dans la loi n° 96-369 du 3 mai 1996 relative aux services d'incendie et de
secours.
Le projet de loi énonce, par conséquent, que les titulaires du pouvoir de
police exercent leurs attributions dans le cadre de la réglementation technique
définie par l'autorité administrative. Il prévoit que le service de sécurité,
d'incendie et de sauvetage est confié au gestionnaire d'aérodrome, qui peut
soit assurer directement cette mission, soit la faire assurer par un autre
service public, tels le service départemental d'incendie et de secours ou les
services du ministère de la défense lorsque ceux-ci sont implantés sur
l'aérodrome, soit encore la confier à un organisme agréé par décret.
Pour Aéroports de Paris, dont les missions sont définies par un article
spécifique du code de l'aviation civile, une mesure analogue est proposée.
Le deuxième objectif, qui fait l'objet de l'article 2, est de procéder à une
validation législative des redevances actuellement perçues par les
gestionnaires d'aérodrome et de celles qui sont perçues par l'Etat sur le
budget annexe de l'aviation civile.
Cette mesure de validation législative est destinée à assurer la continuité
des prestations de sécurité aéroportuaire. En effet, la remise en cause des
décisions des exploitants fixant le taux des redevances et des arrêtés fixant
les taux de la RSTCA a de lourdes conséquences pour l'Etat et pour les
gestionnaires d'aérodrome. Ces derniers pourraient, en particulier, renoncer à
assurer des prestations de sécurité que rien ne les oblige à assurer en l'état
actuel des choses.
Il convient donc, sans attenter à l'autorité de décisions de justice passées
en force de chose jugée, de consolider les titres de perception émis au titre
de la RSTCA et les décisions des exploitants d'aérodrome.
Par ailleurs, ces sommes ont été réellement dépensées, le service de la
sécurité incendie a été rendu et les compagnies aériennes en ont répercuté le
coût sur les billets d'avion. Comme il n'est pas possible de rembourser les
passagers, ces compagnies bénéficieraient, en l'absence de validation, d'un
enrichissement peu admissible.
C'est donc pour éviter un risque majeur de blocage du transport aérien que je
vous propose cette validation, dont l'effet doit être limité au délai
strictement nécessaire à la mise en oeuvre du futur dispositif de financement
pérenne.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de
validation qui nous est soumis aujourd'hui n'est en fait que le premier volet
d'une réforme du financement du budget annexe de l'aviation civile, que le
Sénat examinera lors de la discussion du projet de loi de finances pour
1999.
Cette réforme est réclamée depuis plusieurs années par le Sénat. Je voudrais
ici saluer plus particulièrement la pertinence des observations qui ont été
émises par notre excellent collègue Yvon Collin. Celui-ci, depuis trois ans au
moins, ne cesse de faire un certain nombre d'observations, expliquant notamment
que le Gouvernement, quel qu'il soit, devrait respecter le droit. Hélas ! année
après année, on n'a tenu aucun compte de ses remarques, pourtant frappées au
coin de l'évidence ! Si on l'avait écouté, le Parlement ne serait pas
contraint, aujourd'hui, à ce délicat exercice de validation législative.
C'est à la suite d'un arrêt du Conseil d'Etat du 20 mai dernier que le
Gouvernement a été conduit à revoir le mode de financement des services de
sécurité aéroportuaire, jusqu'alors en partie assis sur un système de
redevances payées par les compagnies aériennes, d'une part, à l'Etat - c'est le
cas de la redevance pour services terminaux à la circulation aérienne ou RSTCA
- et, d'autre part, aux gestionnaires d'aéroport.
Le Conseil d'Etat a jugé illégale la pratique consistant à inclure dans
l'assiette des redevances, qui servent à rémunérer un service rendu, des coûts
liés à des missions d'intérêt général, comme c'est le cas de celles qui sont
accomplies par les services de sécurité, d'incendie et de sauvetage.
Cette jurisprudence expose l'Etat et les gestionnaires d'aéroport à
rembourser, à l'occasion de contestations futures devant les tribunaux, des
sommes importantes correspondant à la perception d'une partie des redevances
depuis plusieurs années : environ 450 millions de francs pour l'Etat et de 1
milliard à 3 milliards de francs pour les aéroports. Ceux-ci, ne pouvant
supporter une telle charge, se tourneront vraisemblablement vers l'Etat ou les
collectivités locales pour les appeler en garantie. Cela est d'autant plus
probable que le cadre réglementaire n'oblige pas les gestionnaires d'aéroport à
exercer eux-mêmes les missions de sécurité concernées.
Dans ces conditions, une démarche en deux temps nous est proposée.
Il s'agit d'abord de consolider les titres émis et les redevances perçues tant
par l'Etat que par les aéroports : c'est l'objet de l'article 2 du présent
projet de loi, l'article 1er donnant quant à lui un fondement légal à
l'exercice par les gestionnaires d'aérodrome des services de sécurité
aéroportuaire.
Il s'agit ensuite d'adopter un nouveau système de financement de ces services
; le Gouvernement a fait voter, à l'Assemblée nationale, des amendements en ce
sens au projet de loi de finances.
Le sujet qui nous occupe ce matin n'est donc que celui de l'apurement du
passé, au moyen d'une validation législative des titres de perception des
redevances qui pourraient être invalidés par les tribunaux.
Permettez-moi, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, de m'arrêter quelques instants sur le principe même de cette
validation législative.
La validation législative d'actes administratifs, à la suite d'une décision de
justice passée en force de chose jugée, pose un problème de fond, celui de
l'indépendance et de la séparation des pouvoirs législatif et judiciaire, qui
est l'un des fondements de la République et un principe à valeur
constitutionnelle auquel nous sommes très attachés.
Ce n'est donc que sous conditions que le Conseil constitutionnel en a admis la
possibilité, considérant que le législateur ne peut faire revivre un acte
directement annulé par le juge administratif, car la loi s'analyserait alors
comme une censure directe de ce dernier et porterait en conséquence atteinte au
principe constitutionnel de séparation des pouvoirs.
La validation « préventive » d'actes administratifs, c'est-à-dire, comme c'est
le cas dans ce projet de loi, d'actes qui ne sont pas encore annulés par le
juge mais qui risquent de l'être, n'est admise, elle aussi, que sous conditions
: il ne doit s'agir ni de sanction pénale ni de sanction administrative et la
validation doit être motivée par l'intérêt général.
En tout état de cause, et par-delà les incertitudes d'ordre constitutionnel,
j'aimerais dire ici avec force la répugnance légitime qu'inspire toute
validation législative. Or, circonstance aggravante, la validation qui nous est
proposée aujourd'hui vient clore plusieurs années de péripéties et
d'annulations successives par le Conseil constitionnel et le Conseil d'Etat.
Elle donne surtout une désagréable impression de déjà vu : en effet, le 27 mai
dernier, lors de l'examen du projet de loi portant diverses dispositions
d'ordre économique et financier, sept jours seulement après l'arrêt
d'annulation du Conseil d'Etat, le Sénat avait refusé, sur l'invitation de son
rapporteur général, de voter l'amendement du Gouvernement proposant peu ou prou
la même validation que le texte qui nous est soumis aujourd'hui.
Au-delà de la brutalité de la forme employée - cette procédure a d'ailleurs
été sanctionnée par le Conseil constitutionnel, ce qui explique que le texte
nous revienne - c'est aussi l'absence de solution durable que nous avions
désapprouvée. En effet, aucune autre solution n'était proposée, le 27 mai
dernier, pour le financement futur de ces services aéroportuaires.
Le Parlement était prié, presque sommé, d'approuver - ce qui fut fait, malgré
le désaccord du Sénat - la validation, une semaine après la décision du Conseil
d'Etat et sans que le débat de fond ait été ne serait-ce qu'engagé. Comment le
Sénat aurait-il pu souscrire à une telle démarche ?
Pourtant, les discussions budgétaires successives avaient été l'occasion - par
la voix, je l'ai déjà dit, de notre collègue Yvon Collin, rapporteur spécial de
la commission des finances - d'exprimer nos préoccupations quant au mode de
financement du budget annexe de l'aviation civile. Dans ses interventions, Yvon
Collin avait systématiquement rappelé qu'un budget annexe ne peut pas aller
au-delà du service rendu et ne doit recevoir le produit de redevances qu'à
raison de ce service rendu ; cela implique qu'il ne peut y avoir
d'élargissement dans l'utilisation de ce produit. Force m'est de répéter que
ces remarques pertinentes n'ont malheureusement, à l'époque, produit aucun
effet.
La situation me paraît différente aujourd'hui. En effet, notre souhait d'une «
remise à plat » du financement du budget annexe connaît enfin un début de
réalisation - même s'il n'est pas parfait, loin s'en faut - avec la réforme
proposée par le Gouvernement dans le projet de loi de finances. Mais nous
aurons l'occasion, monsieur le ministre, d'apporter des améliorations. Sans
doute n'atteindrons-nous jamais la perfection, laquelle, chacun le sait, n'est
pas de ce monde, sauf peut-être de celui du Sénat !
(Sourires.)
De plus, l'approbation de la validation législative paraît la moins
mauvaise des décisions. Un refus ne conduirait-il pas l'Etat - et, plus
préoccupant, les gestionnaires d'aérodrome - à devoir rembourser aux compagnies
aériennes les sommes perçues, alors que le service a bel et bien été rendu ?
Qui pourrait, dans ce cas, prétendre garantir que les passagers, qui ont
finalement supporté ce coût, seraient à leur tour indemnisés ?
Je crois qu'il est désormais sage et souhaitable, compte tenu de notre
incapacité à répondre à cette question, de faire du passé table rase en
validant les redevances perçues ces dernières années.
Pour autant, qu'on ne se méprenne pas : il ne s'agit pas de donner un
blanc-seing au Gouvernement. L'approbation de la démarche générale ne signifie
pas que la vigilance ne s'exerce pas sur sa mise en oeuvre, bien au
contraire.
Sans empiéter sur la discussion future du volet fiscal de la réforme, je
souhaite dès aujourd'hui exprimer le souhait unanime de la commission des
affaires économiques que non seulement la compétitivité des plates-formes
aéroportuaires mais aussi l'aménagement du territoire ne pâtissent pas de cette
réforme.
Dans votre propos liminaire, monsieur le ministre, vous avez abordé cette
question, et ce que vous avez dit me paraît aller dans le bon sens. Mais nous
resterons vigilants : vous savez combien ici, au Sénat, nous sommes attachés à
cette notion d'aménagement du territoire. Il ne faut pas perdre de vue la
préoccupation majeure qui avait été à l'origine de la création du fonds de
péréquation du transport aérien, à savoir la nécessité de ne pas laisser de
côté les points du territoire dont la desserte aérienne ne serait pas
suffisamment rentable.
Nous aurons l'occasion de réaffirmer avec force cette préoccupation lorsque
nous aborderons le volet fiscal de cette nouvelle organisation des redevances
aéroportuaires. D'ailleurs, monsieur le ministre, autant vous le dire tout de
suite, ces taxes d'aéroport des petites plates-formes et la métamorphose du
fonds de péréquation telle qu'elle est proposée suscitent des inquiétudes
Une fois qu'on a répondu par l'affirmative, malgré une réserve de principe, à
l'opportunité de la validation, une deuxième question se pose : peut-on
modifier un texte de cette nature ?
L'amender, en effet, n'est-ce pas cautionner un choix que nous n'acceptons pas
sans émettre des réserves, et seulement après mûre réflexion ? Je ne le pense
pas. Au contraire, j'ai le sentiment que nous devons pleinement assumer notre
mission de législateur. Quitte à valider, autant avoir le courage de bien le
faire et d'éviter ainsi que des recours futurs ne nous forcent à recommencer
une démarche aussi peu enthousiasmante. Il est toujours préférable, je crois,
d'aller jusqu'au bout de la démarche que l'on a choisie.
La commission des affaires économiques et du Plan a accepté à l'unanimité de
me suivre dans cette voie. Je la remercie vivement d'avoir su faire preuve de
pragmatisme, faisant fi d'un certain purisme juridique, d'autant qu'il était
effectivement nécessaire de corriger quelques insuffisances.
C'est la raison pour laquelle je vous proposerai tout à l'heure trois
amendements tendant à préciser la rédaction du texte.
A présent, j'exposerai brièvement le contenu des deux articles du projet de
loi qui nous est soumis.
L'article 1er confie l'exercice des missions de sécurité et de sûreté
aéroportuaires aux gestionnaires d'aérodrome. Si les exploitants assurent déjà
en fait ces attributions, rien ne les y oblige en droit, ni dans le code de
l'aviation civile ni même dans les cahiers des charges des concessions
aéroportuaires.
Les services concernés sont importants : sauvetage et lutte contre les
incendies d'avions, missions qui sont assurées par des « pompiers spécialisés »
; prévention du péril aviaire, ce qui correspond aux techniques
d'effarouchement des oiseaux pour éviter leur ingestion par les réacteurs des
avions ; participation à l'organisation des visites de sûreté, ce qui
correspond aux actions de prévention des actes de terrorisme.
Pour en revenir à l'article 1er du projet, je précise que, Aéroports de Paris
bénéficiant de dispositions spécifiques dans le code de l'aviation civile, son
cas fait l'objet d'un paragraphe à part, visant à compléter, dans le même sens
que pour les autres aéroports, les dispositions qui lui sont consacrées.
L'article 2 vise à valider législativement l'existence des redevances perçues
par l'Etat et par les gestionnaires d'aérodromes pour les services de sécurité
et de sûreté aéroportuaire, lesquelles ont été fragilisées, comme je l'ai
rappelé précédemment, par la récente jurisprudence du Conseil d'Etat.
Le paragraphe I concerne la validation des redevances aéroportuaires perçues
par les gestionnaires d'aérodromes en tant qu'elles viendraient à être
contestées devant le juge pour inclusion, dans leur base de calcul, de dépenses
relatives aux missions de sécurité aéroportuaire. Je ne reprendrai pas les
explications que j'ai fournies antérieurement.
Par souci de réalisme, je vous proposerai dans un instant de reporter la date
de prise d'effet et d'élargir l'assiette des redevances soumise à validation,
afin d'y inclure toutes les dépenses qui ont été prises en compte et d'éviter
ainsi des recours futurs. C'est ce qui a motivé, comme je vous le rappelais
voilà quelques instants, la position de la commission des affaires économiques.
En effet, ne pas compléter le dispositif reviendrait pour nous à prendre acte
de la situation existante en laissant subsister de nombreuses sources de
recours éventuels, ce qui ne manquerait pas de créer des difficultés.
Le paragraphe II concerne, quant à lui, la validation de la perception par
l'Etat de la redevance pour services terminaux à la circulation aérienne, la
RSTCA.
En conclusion, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, la commission des affaires économiques a adopté ce texte avec les
modifications que j'ai indiquées.
(Applaudissements sur les travées du RPR
et de l'Union centriste.)
M. le président.
Merci, monsieur le rapporteur. Nous ne manquerons pas de suivre votre conseil
: faisons du passé table rase !
(Sourires.)
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Yvon Collin,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, comme en avait l'habitude le président Christian
Poncelet, je veux à mon tour vous dire du haut de cette tribune, sans faire de
fioritures oratoires et au risque de mettre prématurément un terme à un
suspense insoutenable
(sourires),
que la commission des finances, saisie pour avis de ce projet
de loi, a préconisé, mais du bout des lèvres, l'adoption de l'article 2 qui,
seul, a retenu son attention.
Je veux également dire, au risque de paraître flagorner, que j'ai tout
particulièrement apprécié la qualité du rapport puis l'intervention de notre
collègue Jean-François Le Grand, rapporteur de la commission des affaires
économiques.
Je veux enfin vous dire, monsieur le ministre, que vous devez prendre la
décision de la commission des finances du Sénat pour ce qu'elle est : non pas
l'expression d'une adhésion enthousiaste à votre projet de loi, mais bien
plutôt celle d'une volonté de purger, dans l'équilibre et la sagesse, un passé
bien lourd d'inconséquences et de négligences.
Sachez aussi, monsieur le ministre, que la décision de la commission des
finances a été prise en considération des réformes du financement de certaines
missions liées au transport aérien que vous avez commencé à introduire à
l'occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 1999. A ce propos
- et j'y reviendrai - ces réformes, qui ont retenu notre attention, passent, en
l'état, par des modalités qui les rendent inacceptables à nos yeux.
J'ai évoqué tout à l'heure certaines négligences.
Sans vouloir vous contrarier, monsieur le ministre, je dois maintenir ce
propos, en considération de la façon dont vous-même et les ministres qui vous
ont précédé - je vous en donne volontiers acte - avez pris en compte les
observations que, au nom de la commission des finances, j'ai pu vous adresser
dans le passé.
Vous auriez déjà pu être alerté par l'arrêt du Conseil d'Etat du 10 février
1995, qui avait annulé la redevance pour contrôle technique.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je n'étais pas
là à l'époque !
M. Yvon Collin,
rapporteur pour avis.
Je sais bien qu'il faut boire le calice jusqu'à la
lie, monsieur le ministre !
Mais surtout, vous auriez dû prendre en considération les observations de la
commission des finances du Sénat, formulées noir sur blanc dans mon rapport sur
le budget annexe de l'aviation civile pour 1998, qui dénonçaient la dérive au
terme de laquelle les exploitants d'aérodromes avaient recours aux redevances
aéroportuaires pour financer les charges liées à l'exercice des missions de
sûreté.
Or vous n'en avez rien fait, et ce qui devait arriver arriva : le Conseil
d'Etat puis le tribunal administratif de Nice ont censuré les décisions par
lesquelles les gestionnaires du budget annexe de l'aviation civile, le BAAC, ou
ceux des aéroports avaient répercuté le coût des missions de lutte contre
l'incendie et des missions de sûreté sur les débiteurs de la redevance pour
services terminaux du contrôle aérien et des redevances aéroportuaires.
Monsieur le ministre, que l'on s'en félicite ou non, les redevances ne sont,
dans notre droit public, aucunement mobilisables pour financer les missions
d'intérêt général. Incidemment, on peut se demander si elles peuvent servir à
financer les prestations de service du BAAC. Pour avoir négligé le principe que
je viens de rappeler, vous vous présentez aujourd'hui devant nous pour nous
prier d'avaliser une validation sans laquelle le budget annexe de l'aviation
civile et les exploitants d'aéroports seraient contraints de supporter des
charges de remboursement qui, appréciées globalement, peuvent être qualifiées
de considérables.
Je voudrais apporter quelques commentaires sur ce point. Tout d'abord,
l'absence de validation de la redevance pour services terminaux de la
circulation aérienne ferait supporter au budget annexe de l'aviation civile un
remboursement de quelque 450 millions de francs.
En outre, il est bien difficile, vous le savez, d'apporter des précisions
chiffrées s'agissant des redevances aéroportuaires. On a avancé que la somme
serait comprise entre 1 milliard et 2 milliards de francs, mais tout dépendrait
des demandes des parties aux différents contentieux et, surtout, du régime de
prescription choisi par les juges.
Une question intéressante est de savoir qui devrait supporter le poids de ces
derniers remboursements. J'ai tout à l'heure indiqué que la négligence qui
imprègne cette affaire pourrait exposer les exploitants d'aéroports à devoir
s'acquitter d'une dette importante. Mais je dois immédiatement corriger cette
assertion pour mettre en évidence le fait que, au fond, ces exploitants se
retourneraient, selon toute vraisemblance, contre l'Etat, lequel aurait alors à
assumer le remboursement non seulement des 450 millions de francs que j'ai
évoqués, mais encore, probablement, des milliards de francs dont je viens de
faire état.
C'est dire, mes chers collègues, qu'en acceptant la validation qui nous est
demandée par le Gouvernement, nous retirerions à l'Etat une sacrée épine du
pied.
Lorsqu'une demande de validation nous est adressée, nous devons d'abord en
examiner l'opportunité. L'importance des enjeux financiers pour l'Etat et le
fait que, même si leur financement a été critiquable, les missions en cause ont
été assurées et ont contribué à garantir la continuité du transport aérien,
nous ont dicté une position que j'ai tout à l'heure voulu qualifier de « sage
». J'ajoute que l'ébauche d'une réforme du financement de ces missions a joué
un rôle dans la formation de l'avis de la commission des finances.
Je ne peux toutefois pas cacher que, tout en acceptant la disposition proposée
par le Gouvernement, la commission des finances est consciente des fragilités
constitutionnelles qui pourraient en affecter la pérennité.
(M. le
rapporteur opine.)
L'on pourra se reporter à mon rapport écrit sur ce
point, mais je dois aussi souligner qu'une éventuelle censure constitutionnelle
supposerait une saisine du Conseil constitutionnel, et que celle-ci ne pourrait
résulter que d'un arbitrage politique.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
j'insisterai, pour conclure mon intervention, sur un élément dont j'ai parlé
déjà à deux reprises, à savoir la réforme que vous avez introduite par voie
d'amendements, devant l'Assemblée nationale, au projet de loi de finances pour
1999.
Le texte que nous examinons ici est, en effet, difficilement dissociable de
cette réforme. Pour l'avenir, vous proposez, monsieur le ministre, de surmonter
les difficultés juridiques que vous pose le régime des redevances en créant une
taxe d'aéroport qui a presque tous les traits d'une redevance. Je ne rentrerai
pas dans le détail du régime de cette taxe, qui, assise sur le nombre de
passagers embarqués, serait due par les entreprises de transport aérien, et
dont le produit serait affecté aux différentes plates-formes aéroportuaires.
L'instauration de cette taxe est destinée à prendre le relais d'un financement
juridiquement non correct par redevance des dépenses de lutte contre l'incendie
et de sûreté.
Comme vous vous êtes trouvé embarrassé par la perspective de devoir calculer
son tarif au plus près de la réalité des coûts de ces missions dans chacun des
aéroports, vous avez mis en place un système ménageant en quelque sorte la
chèvre et le chou. Ainsi, le tarif de la taxe sera certes modulé en fonction de
la situation réelle des aéroports, mais, vous en conviendrez, pas
totalement.
En effet, une certaine dose de péréquation sera assurée grâce aux
interventions d'un nouveau compte d'affectation spéciale dont vous proposez la
création, à savoir le fonds d'intervention pour les aéroports et le transport
aérien, le FIATA. Celui-ci, produit de l'extension du champ d'intervention de
l'actuel fonds de péréquation des transports aériens, le FPTA, financerait les
dépenses de ce dernier, les dépenses de péréquation que je viens d'évoquer et,
en outre, une partie des dépenses de sûreté qui, jusqu'à présent, étaient
financées par le budget annexe de l'aviation civile.
Enfin, pour faire bonne mesure, vous prévoyez la création d'une taxe de
l'aviation civile dont le produit serait scindé en deux parties très inégales,
90 % de celui-ci étant versés au budget annexe de l'aviation civile, les 10 %
restants étant attribués au FIATA pour en financer les interventions.
Je voudrais, monsieur le ministre, insister pour que vous nous proposiez un
schéma différent de celui que vous avez fait adopter par l'Assemblée
nationale.
Permettez-moi de justifier cette invitation : votre projet de loi comporte à
nos yeux un vice rédhibitoire parce que, au fond, il ne résulte pas d'une
volonté d'apporter des réformes de fond qui pourtant s'imposent, mais est dicté
par le souci de prévenir les difficultés juridiques que pose le financement
actuel des missions d'intérêt général.
Par ailleurs, la taxe d'aéroport, telle qu'elle est conçue, pose trois
problèmes.
Son tarif peut d'abord être considéré par certains comme attentatoire à
l'aménagement du territoire. Cela a été rappelé fort justement par M. Le
Grand.
De surcroît, et surtout, l'absence totale d'affectation à un document
budgétaire de son produit et, partant, le défaut complet d'imputation
budgétaire des charges que celui-ci est appelé à financer nous paraissent
largement contraires aux dispositions de l'ordonnance organique du 2 janvier
1959.
Enfin, le choix inconditionnel de mettre cette taxe à la charge des compagnies
aériennes nous semble en contradiction avec l'idée selon laquelle les dépenses
liées aux missions devraient, au moins pour partie, compte tenu de la nature de
ces missions, être financées à travers l'impôt général, expression même de la
contribution commune que mentionne l'article 13 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen.
Je souhaite insister sur le fait que le Conseil d'Etat, dans sa décision qui
nous vaut d'être aujourd'hui réunis, a explicitement considéré que le
financement des missions en question incombait bien par nature à l'Etat.
A partir de là, on ne peut, monsieur le ministre, faire comme si les charges
liées à ces missions pouvaient être supportées par une chambre de commerce, par
une régie municipale ou même par une société privée. Il vous faut donc vous
résoudre à préciser dans le projet de budget le produit de la taxe d'aéroport
et son utilisation.
Je vous demande aussi de réfléchir à un moyen de faire financer par le budget
général la part du coût de ces missions qui correspondent à l'exercice normal,
par l'Etat, de ses attributions en matière de sécurité et de sûreté.
Tout cela devrait nous aider à limiter les effets négatifs, pour l'aménagement
du territoire, du tarif de la taxe. Lorsque vous aurez - si vous le souhaitez,
monsieur le ministre - proposé les mesures qui s'imposent pour rendre viable la
taxe d'aéroport, il nous faudra sans doute en tirer les conséquences en ce qui
concerne le « calibrage » du FIATA et celui de la taxe d'aviation civile.
Si vous ne preniez, ce dont je doute, aucune initiative susceptible de
satisfaire aux trois exigences que je veux ici rappeler - rattachement
convenable de la taxe d'aéroport, financement par le budget général des
missions de sûreté incombant normalement à l'Etat, préservation de
l'aménagement du territoire - j'ai bien peur que, lors du prochain examen du
projet de finances, la commission des finances du Sénat ne vous suive pas dans
vos propositions.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers
collègues, vous comprendrez, après avoir entendu mes propos, que si la
commission des finances a donné un avis favorable sur le texte du Gouvernement,
elle n'a pas souhaité s'associer à une quelconque initiative visant à le
compléter. C'est au terme d'un compromis douloureux qu'elle a accepté de donner
son feu vert à une validation qui, dans son principe, heurte ses convictions,
et dont le sort lui paraît dépendant, dans une large mesure, de l'absence de
recours constitutionnel.
Entraînée sur un terrain qui n'est pas le sien et qu'elle avait tout fait pour
assainir, sans être écoutée, la commission des finances ne fera rien de plus
que d'accepter, je le répète, du bout des lèvres, et telle que le Gouvernement
la présente, une disposition dont elle souhaite ne plus entendre parler, sans
doute comme vous, monsieur le ministre.
(M. le ministre sourit.)
M. le président.
La parole est à M. Fatous.
M. Léon Fatous.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous devons nous
prononcer sur le projet de loi relatif à l'organisation de certains services au
transport aérien.
Ce texte, qui comporte deux articles, ne constitue que le premier volet de la
réforme du financement du budget annexe de l'aviation civile, puisque nous en
discuterons très prochainement lors de l'examen du budget de l'aviation civile
dans le cadre du projet de loi de finances pour 1999.
Le présent projet de loi est néanmoins extrêmement important. En effet, il
répond à une double nécessité. D'une part, il s'agit de donner une assise
juridique aux services chargés de la sécurité-incendie, du sauvetage et de la
lutte contre le péril aviaire. D'autre part, il s'agit de procéder à une
validation législative de redevances qui sont actuellement perçues par les
gestionnaires d'aérodromes et de celles qui sont recouvrées au titre du budget
annexe de l'aviation civile.
Dans ce projet de loi, le Gouvernement a voulu aussi répondre à la continuité
des prestations de sécurité aéroportuaires.
En effet, à la suite de l'annulation, par le Conseil d'Etat, des arrêtés
fixant le taux de redevances de certains services, les gestionnaires
d'aérodromes risquaient de plonger dans des situations contentieuses et
financières très délicates.
Dans l'intérêt général, le Gouvernement a souhaité apurer le passé, même si,
légitimement, cela pose un certain nombre de questions juridiques.
Ce projet de loi vise à modifier les missions de chacun, à commencer par
celles des gestionnaires d'aéroports.
Cela est important, car les dispositions qui seront présentées dans le projet
de loi de finances rectificative de 1998 et dans le projet de loi de finances
pour 1999 comporteront deux éléments nouveaux.
Le premier, c'est la création d'une taxe d'aéroport assise sur le passager au
profit des gestionnaires. Le second, c'est l'extension de la taxe de
sécurité-sûreté, rebaptisée « taxe d'aviation civile au profit de l'Etat ».
Le groupe socialiste est favorable à ces réformes, comme au présent projet de
loi, et il les votera.
En effet, les propositions répondent à nos premières attentes, à savoir le
règlement d'une situation juridique complexe, une redéfinition des rôles et le
souhait que l'ensemble des réformes n'ait aucune incidence sur les moyens et
recettes du budget de l'aviation civile.
Elles sont neutres pour les compagnies aériennes et, par là même, elles
n'alourdissent pas les charges supportées par les usagers.
Enfin, elles répondent à l'ensemble des partenaires du secteur aérien.
Le groupe socialiste votera donc le présent projet de loi et les trois
amendements afférents.
(Applaudissements sur les travées socialistes. - M. le rapporteur pour avis
applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi que nous examinons aujourd'hui fait suite à un arrêt du Conseil d'Etat, en
date du 20 mai 1998, qui a annulé les arrêtés relatifs à la redevance pour
services terminaux de la circulation aérienne, la RSTCA.
Les services de sécurité, d'incendie et de sauvetage sont assimilés à des
missions d'intérêt général, qui peuvent donc être financées non par une
redevance affectée à une dépense équivalente pour un service rendu, mais par
l'impôt.
Avant d'aborder les aspects techniques du dispositif fiscal qu'il nous est
proposé de mettre en place, je souhaite évoquer en premier lieu les risques qui
découlent de l'annulation prononcée par le Conseil d'Etat.
En effet, l'enjeu, on l'aura compris, n'est pas seulement la nécessité de se
conformer à l'arrêt du 20 mai 1998 ; la véritable question est avant tout
d'ordre financier et économique.
Risque financier, tout d'abord, pour l'Etat puisque la redevance affectée au
financement des services aéroportuaires contribue pour plus d'un milliard de
francs au budget annexe de l'aviation civile, soit environ 15 % de ses recettes
d'exploitation.
Par ailleurs, dans l'hypothèse où le Gouvernement ne tiendrait pas compte de
l'arrêt du Conseil d'Etat, les compagnies aériennes seraient en droit d'exiger
le remboursement de la RSTCA.
Cela serait certes préjudiciable pour les finances publiques, mais ce serait
surtout injuste vis-à-vis des passagers qui, eux, auraient les plus grandes
difficultés à se retourner vers les compagnies aériennes pour exiger, à leur
tour, le remboursement d'une partie de leurs billets.
Ensuite, l'arrêt du Conseil d'Etat fait courir un risque aux gestionnaires
d'aéroports et à la sécurité des plates-formes. En effet, les pertes de
recettes de la RSTCA placeraient les exploitations dans l'impossibilité
d'assurer les services de sécurité, d'incendie et de sauvetage dont le Conseil
d'Etat a reconnu le caractère d'intérêt général.
Enfin, cela me conduit à évoquer le risque économique de cette décision, car
l'absence des moyens et des conditions de la sûreté des aérodromes et des
passagers entraînerait, de fait, la paralysie du trafic aérien à un moment où
la concurrence fait rage entre compagnies européennes et américaines.
C'est pourquoi je m'interroge sur l'attitude, ou plutôt sur la stratégie de
certaines compagnies aériennes du secteur privé, à l'origine de la décision du
Conseil d'Etat, qui prennent le risque, en parfaite connaissance de cause, de
créer le désordre dans le mode de gestion des aéroports pour en tirer
éventuellement partie ultérieurement. Face à cette position de la direction de
ces quelques entreprises privées, le maintien d'Air France dans le secteur
public n'en est que plus justifié.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
C'est vrai !
M. Pierre Lefebvre.
Selon nous, il est essentiel que les compagnies aériennes participent aux
dépenses de sécurité sur les aéroports. En effet, si les services pris en
charge par les exploitants s'adressent en priorité aux passagers, les
compagnies aériennes tirent profit de la capacité de ceux-ci à créer les
conditions de la sécurité.
Notre assemblée traite aujourd'hui le volet juridique du nouveau dispositif.
Le volet fiscal fera l'objet de deux articles additionnels dans le projet de
loi de finances pour 1999.
L'article 1er du présent projet de loi précise, dans le code de l'aviation
civile, les missions d'intérêt général que devront assumer et qu'assument déjà
les gestionnaires d'aéroports. Notons que ce texte va plus loin que l'arrêt du
Conseil d'Etat, puisqu'il intègre dans ces missions, outre les services de
sécurité, d'incendie et de sauvetage, le financement de la lutte contre le
péril aviaire et l'organisation des visites de sécurité. Enfin, le gestionnaire
a le choix entre la possibilité d'assurer lui-même ces missions ou de les
confier à un autre service public compétent.
L'article 2 procède rétroactivement à la validation de la RSTCA et permet de
légaliser l'ancien système de redevance.
Ce dispositif juridique s'articule avec un dispositif budgétaire plus
complexe. Les orateurs précédents, en particulier M. le rapporteur de la
commission des finances, ont développé les différents aspects de cette nouvelle
architecture fiscale. Aussi, je limiterai mon propos en insistant sur quelques
remarques plus générales.
Tout d'abord, la création de cette taxe d'aéroport a pour mérite de prendre en
compte le nombre de passagers transportés et la capacité des aéroports.
En outre, le système de péréquation mis en place en direction des plus petits
aéroports pour lesquels les recettes de la taxe seraient insuffisantes au
regard du volume des dépenses de sécurité nous paraît intéressant.
Le fonds de péréquation du transport aérien est élargi à cet effet pour
assumer une double fonction d'aménagement du territoire en soutenant les lignes
déficitaires et de financement supplémentaire des missions de sûreté
aéroportuaires, là où c'est nécessaire.
Le rapporteur, M. Jean-François Legrand, a évoqué la crainte que la
multiplication des fonctions attribuées au FPTA, le fonds de péréquation des
transports aériens, transformé en fonds d'intervention pour les aéroports et le
transport aérien, le FIATA, ne se fasse aux dépens de la fonction centrale et
initiale du fonds, à savoir assurer la desserte équilibrée de notre territoire.
Nous partageons cet avis et pensons qu'il est nécessaire de conforter et de
renforcer cette vocation d'aménagement du territoire. Aussi, nous souhaitons
que les attributions du FIATA soient clairement définies et que les comptes
soient bien séparés afin de faciliter le contrôle du Parlement à l'avenir.
Dans le cadre du débat budgétaire à l'Assemblée nationale, certains députés de
l'opposition ont fait observer, pour le regretter, que la taxe d'aéroport ne
s'applique pas au transport de fret.
Pour ce qui nous concerne, bien que nous soyons conscients des difficultés
techniques de mise en place d'une taxation équivalente du transport de
voyageurs et de marchandises, selon des normes identiques, nous estimons
nécessaire d'engager rapidement une réflexion dans ce sens et d'avancer dans
cette voie, d'autant que le trafic de fret prendra de l'importance dans les
prochaines années.
Enfin, une taxe de l'aviation civile est créée pour englober deux taxes
actuelles, l'une affectée au budget annexe de l'aviation civile, la taxe de
sécurité-sûreté, l'autre alimentant le FPTA, la taxe de péréquation du
transport aérien. Cette simplification est tout à fait positive dans la mesure
où elle n'altère pas le niveau des recettes du budget annexe de l'aviation
civile - BAAC - d'une part et du compte d'affection spéciale d'autre part.
Pour l'heure, compte tenu de ces réflexions, le groupe communiste républicain
et citoyen votera ce texte, au motif qu'il respecte l'arrêt du Conseil d'Etat
sans pour autant donner raison et satisfaction aux compagnies privées qui ont
saisi le Conseil d'Etat.
Dans le même esprit, nous voterons les amendements de la commission des
affaires économiques, qui visent à préciser avantageusement le texte et, par là
même, à éviter d'éventuels contentieux.
Il nous reste à souhaiter que les menaces de saisine du Conseil
constitutionnel, exprimées ici ou là, pour démontrer l'irrégularité du
dispositif ne soient pas suivies d'effet, afin que le nouveau système soit
opérationnel en 1999.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Mesdames,
messieurs les sénateurs, je veux d'abord remercier les différents orateurs, à
commencer par MM. les rapporteurs, de la pertinence et de la qualité de leurs
interventions.
Monsieur le rapporteur, vous avez rappelé que le Gouvernement avait souhaité
proposer à la fois une solution de validation et une solution durable de remise
en ordre du dispositif de financement des services aéroportuaires. Je tiens à
insister sur ce point, j'ai personnellement souhaité que l'on tienne
effectivement compte - enfin ! - des nombreuses observations faites notamment
par le Sénat lors de chaque discussion budgétaire.
Monsieur le rapporteur pour avis, même si votre propos pouvait parfois
paraître un peu excessif, comment ne pas comprendre que vous enfonciez le clou
quand, depuis des années, vous alertez en vain. Vous m'avez d'ailleurs reproché
d'avoir adopté à mon tour la même attitude l'an dernier, mais je pourrais vous
dire que j'arrivais !
M. Yvon Collin,
rapporteur pour avis.
Je vous en donne acte !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Face à une
situation aussi complexe, nous avons certainement eu tort de choisir la
continuité mais, depuis le début, et mes collaborateurs peuvent vous le
confirmer, j'avais réellement été sensible à ces remarques et j'avais demandé
que l'on travaille sur cette question. La décision du Conseil d'Etat nous a en
quelque sorte obligés à la remettre sur le métier.
J'ai noté dans vos propos, monsieur le rapporteur pour avis, que le Sénat
voulait manifester sa mauvaise humeur pour ne pas avoir été entendu pendant si
longtemps. Les propositions qui sont faites aujourd'hui et dans le cadre du
projet de loi de finances pour 1999 témoignent que cette période est révolue et
que le Gouvernement entend et entendra les recommandations de la Haute
Assemblée qui vont dans le sens d'une bonne application du droit et de
l'intérêt général.
Vous avez eu raison, monsieur le rapporteur, d'insister sur le fait qu'une
validation constituait la moins mauvaise des solutions. En effet, ces
redevances, dont le Conseil d'Etat estime que la base de calcul doit être
revue, ont été payées par les compagnies aériennes, mais ont été supportées, en
fait, par les usagers, donc par les passagers, dans la mesure où les
entreprises les ont légitimement incluses dans le prix du billet. Une absence
de validation aurait donc pour effet de faire bénéficier les entreprises de ce
qu'ont payé leurs passagers.
Vous vous êtes en outre inquiété, monsieur le rapporteur, ainsi d'ailleurs que
M. le rapporteur pour avis, de la question de l'aménagement du territoire.
Ce débat relève surtout de la loi de finances, mais je puis vous annoncer que
le Gouvernement sera ouvert à des amendements qui viseraient à atténuer le
montant maximum de la taxe d'aéroport pour les plus petites plates-formes. De
même, il paraît envisageable de réduire le montant plancher de cette taxe pour
permettre aux collectivités locales qui le souhaiteraient d'aider leur aéroport
par des subventions dont l'effet final serait de réduire le coût du voyage.
De plus - je réponds ainsi à une question que vous avez soulevée lors de mon
audition par la commission des affaires économiques, et qui a d'ailleurs été
reprise par M. Lefebvre dans son intervention - je peux vous garantir qu'il
n'est pas question de réduire la péréquation des transports aériens. Cette
mission essentielle sera protégée par la structure budgétaire du FIATA - un
chapitre spécifique - et par son comité de gestion. Les crédits qui seront
votés par le Parlement seront intégralement affectés aux lignes d'aménagement
du territoire.
Ainsi, la défense des petits aéroports et des lignes à obligations de service
public garantit le maintien de l'efficacité du transport aérien au service de
l'aménagement du territoire.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous estimez que le service d'incendie et de
secours et les mesures de sûreté sur les aéroports devraient être financés non
par une taxe à la charge des usagers, mais par le budget général, c'est-à-dire
par le contribuable.
Je crois utile d'indiquer que la plupart des pays ne se sont pas engagés dans
cette voie : sous des formes diverses, c'est le secteur du transport aérien qui
finance les services rendus.
En effet, le transport aérien dispose, pour la lutte contre l'incendie et la
sûreté, de moyens qui excèdent largement ceux que tout citoyen est en droit
d'attendre de la collectivité.
Sur tout aérodrome, le dispositif de sécurité incendie est calibré de façon à
permettre une intervention sur l'avion en moins de trois minutes. Le dispositif
d'inspection filtrage des passagers n'est aussi développé dans aucun autre
moyen de transport collectif.
Le contribuable supporte d'ores et déjà la charge des forces de police
présentes sur les aéroports et celle de la gendarmerie des transports aériens,
dont 70 % de l'activité sont consacrés à la sûreté, charge à laquelle il faut
ajouter le coût de la douane, qui participe également à cette mission. C'est
donc, au total, le coût de 1 200 personnes, avec le matériel correspondant, qui
est déjà supporté par le contribuable.
Il ne me paraît par conséquent pas anormal, dans ces conditions, que le
surplus soit pris en charge par les usagers.
Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur pour avis, la compatibilité de la
taxe d'aéroport avec l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 relative aux lois
de finances ; vous estimez que le produit de cette taxe devrait être inscrit
dans un document budgétaire.
Comme le Conseil constitutionnel l'a rappelé, seul le produit des impôts
affectés à l'Etat doit figurer en loi de finances. Or, aucune disposition de la
Constitution ou de la loi organique n'interdit, à ma connaissance, d'affecter à
un gestionnaire d'aéroport le produit d'une imposition de toute nature, puisque
telle est effectivement la nature juridique de cette taxe.
Le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel ont confirmé à différentes
reprises la possibilité pour le législateur d'affecter une imposition à une
personne morale distincte de l'Etat ou des collectivités locales.
Vous exprimez en fait, dans votre question, votre souci de la transparence à
l'égard du Parlement.
Je puis vous assurer que je ferai connaître au Parlement le montant de la taxe
d'aéroport, ainsi que son utilisation.
Monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, vous avez émis
également des réserves sur le FIATA et le nouveau périmètre de ce compte
d'affectation spéciale. Le souci du Gouvernement a été effectivement, pour des
raisons de simplification, de ne pas créer de compte d'affectation spéciale
supplémentaire et d'utiliser un compte d'affectation spéciale déjà existant, le
fonds de péréquation du transport aérien.
J'ai bien noté que cette solution posait des difficultés de transparence, de
suivi de l'utilisation des ressources et même, comme l'a dit M. Lefebvre, de
contrôle. Sans doute faudra-t-il, dans le projet de loi de finances, améliorer
la gestion et la transparence du FIATA ; mais nous en reparlerons.
Je tiens à remercier M. Fatous pour la sagesse de son propos et le soutien
qu'il a apporté à la proposition du Gouvernement.
M. Lefebvre a regretté, comme l'avait d'ailleurs fait M. François d'Aubert, à
l'Assemblée nationale, lors de la discussion du projet de loi de finances, que
le fret ne soit pas taxé. Ces deux interventions me donnent à réfléchir.
Tant pour des raisons d'équité que pour des raisons juridiques - l'égalité
devant l'impôt - le fret me semble devoir être soumis, lui aussi, à la taxe
d'aéroport. Cette importante question doit encore être approfondie pour prendre
les mesures appropriées lors du vote du projet de loi de finances.
Par ailleurs, les avions de fret, comme ceux qui transportent des passagers,
sont déjà soumis à la redevance d'atterrissage qui baissera lors de la création
de la taxe d'aéroport. Il est donc normal, me semble-t-il, que ces avions
soient soumis à la nouvelle taxe. Si tel n'était pas le cas, ils
enregistreraient un avantage que vous qualifieriez alors d'« indu ».
Toutefois, il faudra tenir compte du fait que les dépenses de sûreté sont déjà
à la charge des transitaires de fret, à la différence du transport de
voyageurs. De plus, les normes de sécurité incendie sont allégées pour les
avions « tout cargo » par rapport aux avions de transport de passagers. Pour
toutes ces raisons, la taxe devra être très allégée par rapport à l'équivalence
largement utilisée, à savoir un passager égale 100 kilogrammes de fret.
Lors de l'examen du projet de loi de finances, nous aurons l'occasion de
débattre de cette question.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les réponses que je voulais
apporter à vos interventions.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
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