Séance du 27 octobre 1998
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Modification de l'ordre du jour
(p.
1
).
3.
Organismes extraparlementaires
(p.
2
).
4.
Questions orales sans débat
(p.
3
).
APPLICATION DE L'ARTICLE 62 DU CODE DE LA FAMILLE
ET DE L'AIDE SOCIALE (p.
4
)
Question de M. Franck Sérusclat. - Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication ; M. Franck Sérusclat.
AVENIR DU SERVICE D'ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE
DE L'HÔPITAL ROBERT-DEBRÉ (p.
5
)
Question de Mme Nicole Borvo. - Mmes Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication ; Nicole Borvo.
CONDITIONS D'ORGANISATION DES SPECTACLES
FAISANT APPEL À DES ARTISTES ÉTRANGERS (p.
6
)
Question de M. Jean Boyer. - Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication ; Jean Boyer.
SITUATION DANS LES SERVICES
D'ARCHIVES DÉPARTEMENTALES (p.
7
)
Question de M. Guy Cabanel. - Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication ; M. Guy Cabanel.
CONTRÔLE DES FORAGES INDIVIDUELS (p. 8 )
Question de M. Philippe Richert. - Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication ; M. Philippe Richert.
NÉCESSITÉ DE RÉGULARISATION
DE LA PROLIFÉRATION ANARCHIQUE
DES RELAIS DE TÉLÉPHONIE MOBILE (p.
9
)
Question de M. Jacques Valade. - Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication ; M. Jacques Valade.
NUISANCES SONORES
CAUSÉES PAR LE TGV PARIS-LYON (p.
10
)
Question de M. Jean Pépin. - Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme ; M. Jean Pépin.
ÉQUIPEMENTS ROUTIERS EN SEINE-SAINT-DENIS
ET DANS LE VAL-D'OISE (p.
11
)
Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - Mmes Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme ; Marie-Claude Beaudeau.
TGV BRETAGNE-PAYS DE LA LOIRE (p. 12 )
Question de M. Josselin de Rohan. - Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme ; M. Josselin de Rohan.
AMÉNAGEMENT DE LA RN 89 (p. 13 )
Question de M. Marcel Bony. - Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme ; M. Marcel Bony.
PUBLICATION DU DÉCRET RELATIF À L'ANNUALISATION
DU TEMPS DE TRAVAIL
DANS LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE (p.
14
)
Question de M. Jean-Paul Delevoye. - MM. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation ; Jean-Paul Delevoye.
STOCKAGE ET DESTRUCTION
DES ENGINS RÉSIDUELS DE GUERRE (p.
15
)
Question de M. Marcel Deneux. - MM. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim ; Marcel Deneux.
Suspension et reprise de la séance (p. 16 )
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
5.
Scrutins pour l'élection de juges à la Haute Cour de justice
(p.
17
).
6.
Scrutin pour l'élection de juges à la Cour de justice de la République
(p.
18
).
Suspension et reprise de la séance (p. 19 )
7.
Cumul des mandats.
- Discussion d'un projet de loi organique et d'un projet de loi (p.
20
).
Discussion générale commune : MM. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à
l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim ; le président, Jacques
Larché, président et rapporteur de la commission des lois ; Bernard Plasait,
Paul Girod.
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
MM. Jean-Paul Delevoye, Philippe Adnot, Robert Bret, Guy Allouche.
8.
Election de juges à la Cour de justice de la République
(p.
21
).
9.
Prestation de serment de juges à la Cour de justice de la République
(p.
22
).
10.
Cumul des mandats.
- Suite de la discussion d'un projet de loi organique et d'un projet de loi
(p.
23
).
Discussion générale commune
(suite) :
MM. Daniel Hoeffel, André Boyer,
Jacques Peyrat, Jean-Jacques Hyest, Bernard Joly.
Renvoi de la suite de la discussion.
11.
Election de juges à la Haute cour de justice
(p.
24
).
12.
Prestation de serment de juges à la Haute cour de justice
(p.
25
).
13.
Dépôt d'une proposition de loi constitutionnelle
(p.
26
).
14.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
27
).
15.
Dépôt d'une proposition d'acte communautaire
(p.
28
).
16.
Dépôt de rapports
(p.
29
).
17.
Dépôt d'un rapport d'information
(p.
30
).
18.
Ordre du jour
(p.
31
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE
DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures trente-cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le procès-verbal de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.
2
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le président. J'informe le Sénat que la question orale sans débat n° 316 de M. Jean-Pierre Raffarin est retirée, à la demande de son auteur, de l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui.
3
ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
M. le président.
J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de procéder à
la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de deux organismes
extraparlementaires.
En conséquence, j'invite la commission des finances à présenter un candidat
appelé à siéger au sein du Conseil national du crédit et un candidat appelé à
siéger au sein du Conseil national des assurances.
Les nominations des sénateurs appelés à siéger au sein de ces organismes
extraparlementaires auront lieu ultérieurement dans les conditions prévues par
l'article 9 du règlement.
4
QUESTIONS ORALES SANS DÉBAT
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales sans débat.
APPLICATION DE L'ARTICLE 62 DU CODE DE LA FAMILLE ET DE L'AIDE SOCIALE
M. le président.
La parole est à M. Sérusclat, auteur de la question n° 270, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Franck Sérusclat.
Madame la ministre de la culture et de la communication, je ne m'attendais
pas, vous vous en doutez, à ce que ce soit vous qui veniez répondre, ce matin,
à cette question que j'avais posée à Mme Martine Aubry, voilà un an ; mais je
suis persuadé que vous avez les qualités et les capacités requises pour le
faire.
Cette question orale, qui reprend, en fait, une question écrite à laquelle je
n'avais pas eu de réponse, concerne la recherche par des enfants abandonnés,
adoptés ou non, de l'identité de leur parents d'origine.
Je ne sais si vous avez eu vous-même à vous préoccuper parfois de ces
recherches, madame la ministre ; dans l'affirmative, vous savez qu'elles sont
toujours angoissantes pour ceux qui souhaitent connaître une origine qu'ils
ignorent.
Je tiens à faire quelques rappels sur cette question, avant de vous demander
des précisions sur les chances, accrues ou non, d'aboutissement de ces
recherches. L'article 62 du code de la famille et de l'aide sociale, tel que
modifié par la loi du 5 juillet 1996 relative à l'adoption, a permis de
préciser quelque peu la situation des enfants abandonnés. Il énonce, en effet,
qu'une personne qui remet un enfant de moins d'un an au service de l'aide
sociale à l'enfance peut demander le secret de son identité, secret ne
signifiant pas anonymat.
On a également tendance à parler d'anonymat pour l'accouchement « sous X »,
alors qu'il s'agit du secret des informations données, secret que l'on peut
envisager de lever, ce qui est impossible dans le cas de l'anonymat. Celui qui
donne des indications est donc informé, au moment où il les donne, de la
possibilité d'une demande ultérieure de levée du secret.
Les documents contenant les renseignements sont ensuite conservés sous la
responsabilité du président du conseil général, qui les tient à disposition de
l'enfant, ainsi que le prévoit l'article 62-1 du code de la famille et de
l'aide sociale.
Mes questions sont les suivantes.
La demande de secret formulée par la mère interdit-elle que ce secret soit
levé, bien évidemment avec son accord et après qu'elle eut été informée de la
demande de levée de ce secret par son enfant qui la recherche ?
Les dispositions de la loi du 5 juillet 1996, date avant laquelle la
possibilité expresse de demander la levée du secret n'existait pas, sont-elles
rétroactives ?
Enfin, que penser du comportement, encore trop fréquent, des agents des
services sociaux qui ont tendance à s'opposer à cette levée du secret ou à ne
pas y donner suite en invoquant, par exemple, la notion de « secret absolu »,
qui ne figure nulle part dans les textes ?
Ainsi, je connais un cas, dans la région marseillaise, où le refus a été fondé
sur le fait que tant de femmes portaient le même nom que la mère d'origine
qu'on ne voyait pas comment on pourrait rechercher correctement la personne
concernée, alors que l'identité de cette dernière est tout de même mentionnée
dans les dossiers. De même, on a dit à une personne qui cherchait à retrouver
sa mère que celle-ci avait une déformation du palais et qu'elle avait eu un
autre enfant. On savait donc très bien de qui il s'agissait. Mais l'agent a
prétexté que ce n'était pas à lui de faire les recherches ; il aurait pourtant
pu, à la rigueur, donner le nom, de manière que la personne fasse elle-même les
recherches si elle le souhaitait.
En outre, on a invoqué la non-rétroactivité de ce texte de loi puisque, en
l'occurrence, le demandeur était né en 1956.
Je suis persuadé, madame la ministre, que vous saurez apporter des réponses
utiles à mes questions.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le président,
permettez-moi, tout d'abord, puisque c'est la première fois, je crois, que vous
assurez la présidence à l'occasion de cette séance de questions orales sans
débat, de saluer l'événement.
M. le président.
Je vous remercie, madame le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le sénateur, vous
avez marqué votre surprise en me voyant seule au banc du Gouvernement. En fait,
Mme Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, et M. Kouchner, secrétaire
d'Etat à la santé, sont retenus ce matin à l'Assemblée nationale par le débat
sur la loi de financement de la sécurité sociale, et ce en raison d'une
modification de l'ordre du jour initial.
Je serai donc polyvalente, ce matin, puisque je remplacerai également Mme
Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur le sénateur, vous avez appelé l'attention de madame la ministre de
l'emploi et de la solidarité sur l'interprétation qu'il convient de faire de
l'article 62 du code de la famille et de l'aide sociale.
Vous l'avez rappelé, la loi du 5 juillet 1996 réformant le régime juridique de
l'adoption a modifié les conditions dans lesquelles les enfants accueillis par
les services de l'aide sociale à l'enfance peuvent avoir accès à leur histoire
familiale lorsque leurs parents ou l'un d'entre eux ont demandé que soit
préservé le secret de leur identité.
Selon l'article 62 du code de la famille et de l'aide sociale, la demande de
secret est conditionnée par l'âge de l'enfant : celui-ci ne doit pas avoir
atteint l'âge d'un an. Par ailleurs, le secret ne concerne plus l'état civil de
l'enfant, il porte désormais sur l'identité des parents.
Trois obligations s'imposent en outre au service chargé de l'aide sociale à
l'enfance.
Il lui revient, en premier lieu, d'informer la personne demandant l'admission
de l'enfant de la possibilité de protéger le secret de son identité. Dans ce
cas, conformément à l'article 62, alinéa 4°, il doit en être fait mention au
procès-verbal d'admission de l'enfant.
Il appartient, en second lieu, au service d'informer la personne souhaitant
préserver le secret de son identité de la possibilité de lever ultérieurement
ce secret. Le procès-verbal doit également mentionner que cette information a
été communiquée à l'intéressé.
Il convient à cet égard de préciser que ce droit de la personne de faire
connaître, à tout moment, son identité était déjà applicable avant le vote de
la loi du 5 juillet 1996.
Enfin, il est de la responsabilité du service d'indiquer au demandeur que,
dans le cas où il lèverait le secret, seuls pourront être informés de sa
décision le représentant légal de l'enfant, l'enfant devenu majeur ou ses
descendants en ligne directe s'il est décédé. Ces informations pourront être
transmises à ces personnes, sous réserve qu'elles aient, au préalable,
expressément formulé cette demande auprès du service.
En revanche, la loi ne prévoit pas, lorsque l'enfant souhaite consulter son
dossier, que le service de l'aide sociale à l'enfance doive rechercher les
parents afin de leur faire savoir que celui-ci demande à connaître leur
identité.
Dans l'esprit du législateur, la levée du secret ne produit pleinement ses
effets que lorsque deux volontés se rencontrent : celle des parents de se faire
connaître, d'une part, et celle de l'enfant de connaître ses origines
familiales, d'autre part.
Il reste que, si cette loi paraît mieux prendre en compte que dans le passé
l'aspiration de beaucoup de personnes à connaître leurs origines familiales,
elle n'exclut pas pour autant la possibilité qu'une nouvelle réflexion soit
prochainement menée sur cette difficile et douloureuse question dont vous avez
remarquablement détaillé la problématique.
Je vous remercie, monsieur le sénateur, au nom de mes collègues, des
réflexions que vous avez bien voulu exprimer et dont je leur ferai part.
M. Franck Sérusclat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat.
Je vous remercie, madame la ministre, d'avoir bien précisé que, dans l'esprit
du législateur, la levée du secret de l'identité ne peut se faire dans de
bonnes conditions que lorsque les deux parties concernées en manifestent la
volonté.
Vous avez par ailleurs indiqué que si l'agent des services de l'aide sociale à
l'enfance n'était pas chargé de faire lui-même la recherche, il devait fournir
les éléments pour y procéder. C'est le point important. Si l'agent ne fait pas
lui-même la recherche, ce qui est tout à fait acceptable, il doit fournir les
éléments de la recherche.
S'agissant des hypothèses d'avenir, il est exact qu'avec mon ami le député
Jean-Paul Bret nous préparons une proposition de loi portant sur ce point
particulier qui sera présentée simultanément, dans les mêmes termes, à
l'Assemblée nationale, par lui, et au Sénat, par moi.
Je retiendrai les informations que vous venez de donner et que je vous
remercie à nouveau d'avoir apportées.
AVENIR DU SERVICE D'ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE
DE L'HÔPITAL ROBERT-DEBRÉ
M. le président.
La parole est à Mme Borvo, auteur de la question n° 323, adressée à M. le
secrétaire d'Etat à la santé.
Mme Nicole Borvo.
Madame la ministre, la décision de l'Assistance publique des hôpitaux de Paris
de fermer le service d'oncologie pédiatrique de l'hôpital Robert-Debré, pose de
très nombreux problèmes.
Des centaines de familles de malades, d'anciens malades, des représentants
syndicaux s'opposent actuellement au démantèlement de ce service, voulu par
l'ancienne direction depuis de longues années, pour des raisons difficilement
compréhensibles, je dois le dire.
Ce service unique de l'assistance publique a un taux d'occupation proche de
100 % et donne satisfaction aux patients et à leurs familles. Il a, sur le plan
national et international, une réputation scientifique qui le place aux
premiers rangs dans la recherche clinique et le traitement des tumeurs solides
des os.
Faire bénéficier d'autres enfants atteints par ce terrible mal de ces
traitements, c'est l'objet de ce mouvement, qui souligne le danger pour les
enfants malades, tant sur le plan psychologique que sur le plan du suivi
strictement médical, de changer d'équipe médicale, même en cas de transmission
intégrale des données. En effet, un traitement sur mesure n'est jamais
reproductible, quelle que soit la qualité des équipes.
Aux yeux de tous ceux qui s'intéressent à la question, aucun argument ne peut
justifier l'éclatement de ce service.
Par ailleurs, pourquoi couper ce service en deux alors que les cancers des os,
s'ils touchent principalement les enfants, entraînent un contrôle long qui peut
se poursuivre pendant dix ans ou plus ? La séparation des enfants et des
parents n'induira-t-elle pas fatalement un changement d'équipe médicale et
forcément du traitement lui-même pour les enfants qui sont actuellement suivis
à l'hôpital Robert-Debré ?
Quelles sont les mesures qui peuvent être prises afin de maintenir cette
entité ?
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Madame la sénatrice, vous
avez appelé l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé sur l'avenir du
service d'oncologie de l'hôpital Robert-Debré.
L'association des familles qui s'est constituée ainsi que le médecin -
puisqu'il s'agit d'un seul médecin - ont été reçus par le cabinet de M.
Kouchner et longuement écoutés.
L'Assistance publique des hôpitaux de Paris est souvent critiquée, en
particulier pour son immobilisme et pour son attitude volontiers «
parisiano-centriste ».
Dans le dossier qui nous préoccupe, l'Assistance publique des hôpitaux de
Paris prend une décision non pas de fermeture mais de transfert d'un service
vers une structure pédiatrique située à proximité, l'hôpital Trousseau, qui
jouit d'une reconnaissance indiscutable en ce qui concerne le service
d'oncohématologie. Dois-je ajouter que les deux établissements ne sont distants
que de deux à trois kilomètres, alors qu'en province les services communs sont
la règle et sont généralement uniques par région ?
J'en profite pour ajouter que la région d'Ile-de-France dispose de deux autres
structures de cancérologie pédiatrique qui offrent également aux familles des
conditions remarquables de prise en charge.
En vérité, je ne crois pas que cette décision soit contraire à la santé
publique et, à la connaissance de mon collègue, ce transfert est aujourd'hui
accepté par le médecin.
Le problème qui se pose est d'ordre humain, du fait de l'attachement très
particulier - j'insiste sur le mot « particulier » - de ces familles à un
médecin dont elles sont persuadées qu'il est le seul à pouvoir prendre en
charge correctement leur enfant. Croyez bien que M. Bernard Kouchner comprend
ce souci, que nous partageons tous, étant donné la gravité des cas. Toutefois,
je tiens à vous assurer qu'il n'y a pas et qu'il n'y aura pas de rupture dans
la prise en charge des enfants atteints de pathologies aussi graves.
Vous comprendrez bien, madame la sénatrice, que nous ne pouvons pas cautionner
l'idée selon laquelle on hospitaliserait de jeunes enfants dans un service
d'adultes où ils ne trouveraient pas l'environnement pédiatrique classique et
souhaitable en termes de soins, d'activités scolaires et de jeux.
S'agissant des enfants plus jeunes qui ont déjà commencé des traitements
lourds avec ce médecin, il paraît souhaitable qu'ils puissent continuer à être
suivis par ce médecin, et c'est ce que le cabinet de M. Kouchner lui a fait
savoir et a confirmé auprès de l'Assistance publique. Les enfants pourront donc
continuer à être suivis par le même médecin.
Il s'agit non pas de démanteler un service aux compétences reconnues, mais de
mieux organiser les activités médicales entre les différents hôpitaux de
l'Assistance publique des hôpitaux de Paris. Le transfert de l'activité
d'oncologie de l'hôpital Robert-Debré va permettre le renforcement du pôle de
cancérologie pédiatrique de l'hôpital Armand-Trousseau et du pôle de
cancérologie pour les adultes de l'hôpital Avicenne. Vous savez que le
secrétaire d'Etat à la santé est particulièrement attaché à ce dernier
projet.
En revanche, et pour répondre aux besoins de la population, ce transfert
permettra le développement de la pédiatrie générale et de la pédiatrie à
orientation pneumologique à l'hôpital Robert-Debré, favorisant ainsi une
meilleure adaptation des orientations de l'établissement.
Madame la sénatrice, M. Bernard Kouchner confirme que cette opération de
transfert intervient dans des conditions garantissant la continuité des soins
et la sécurité des enfants et des jeunes adultes qui sont actuellement
suivis.
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Vous comprendrez, madame la ministre, que je ne sois pas intégralement
satisfaite par votre réponse.
Je sais que la création d'une unité fonctionnelle d'adolescents, selon les
critères de l'OMS, c'est-à-dire d'une unité destinée aux jeunes âgés de dix à
vingt ans, dans laquelle seraient pris en charge tous les enfants, adolescents
et jeunes adultes traités actuellement dans le service d'oncologie par l'équipe
Desbois-Delépine, est une idée chère à M. le secrétaire d'Etat à la santé.
Si on lui en donne les moyens, l'hôpital Avicenne, dirigé par des
administratifs et des médecins respectés et qui savent se faire respecter, est
prêt à recevoir dans ses murs cette petite équipe de très haut niveau,
spécialisée dans le traitement des cancers rares de l'enfant et de
l'adolescent. Il n'y aurait donc aucun risque pour les enfants de dix à quinze
ans, surtout si la garde médicale spécialisée qui a permis le développement de
ces activités pointues depuis 1986 est maintenue.
Cette solution que vous n'avez, me semble-t-il, pas évoquée, permettrait de
résoudre les problèmes d'éclatement de ce service vers deux hôpitaux
différents.
Je me permets d'évoquer cette éventualité, parce que l'éclatement du service
entre les deux hôpitaux me paraît contestable. Je ne sais pas ce que les
intéressés en pensent exactement à l'heure qu'il est, mais il me semble que
l'on devrait prendre davantage en considération l'hypothèse d'un transfert
global.
CONDITIONS D'ORGANISATION DES SPECTACLES
FAISANT APPEL A` DES ARTISTES ÉTRANGERS
M. le président.
La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 299, adressée à Mme le
ministre de la culture et de la communication.
M. Jean Boyer.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les
organisateurs de festivals culturels subissent aujourd'hui d'importantes
contraintes administratives lorsqu'ils souhaitent accueillir des troupes ou des
orchestres étrangers en tournée en France.
Les producteurs établis hors de l'Union européenne, notamment dans des pays
aux structures artistiques, sociales ou culturelles très différentes des
nôtres, sont souvent dans l'incapacité de fournir toutes les pièces exigées en
France des employeurs.
Dans ces conditions, l'inspection du travail, les ASSEDIC et les caisses de
retraite se tournent vers l'organisateur du festival en France, qu'elles
considèrent comme employeur de fait.
L'organisateur se trouve alors dans l'obligation d'effectuer les déclarations
liées à l'embauche et à l'emploi sous contrat à durée déterminée des artistes
étrangers et de verser l'ensemble des cotisations et contributions sociales à
la place du producteur étranger.
Madame le ministre, ces contraintes sont totalement inadaptées aux moyens des
communes et des associations qui font appel à des troupes ou à des orchestres
étrangers pour une ou deux journées au maximum.
Je peux vous donner l'exemple du festival Berlioz, de la Côte-Saint-André, qui
accueille régulièrement des orchestres venus d'Europe et, souvent, d'Asie
centrale. Le simple fait de faire venir un orchestre d'une centaine de
musiciens pour une journée nous oblige à consacrer plusieurs jours à
l'établissement de contrats de travail et de fiches de paie individualisés et à
la recherche de justificatifs souvent impossibles à obtenir dans le pays
d'origine.
Il y a là une vraie contrainte pour les organisateurs de festivals et un
véritable frein aux échanges culturels entre la France et certains pays qui
frappent aujourd'hui aux portes de l'Europe.
Est-ce vraiment aux organisateurs français de festivals d'effectuer toutes les
démarches exigées aujourd'hui ?
L'administration ne peut-elle trouver une solution pour régler elle-même le
problème avec les pays concernés, surtout lorsque la France a signé avec eux
des conventions ?
Dans le cas où il ne serait pas possible de faire autrement, ne pourrait-on au
moins simplifier les démarches administratives ? Pourquoi ne pas envisager un
formulaire unique en fonction du cachet versé à la troupe ou à l'orchestre
étranger ?
Je vous remercie, madame le ministre, de bien vouloir répondre à ces deux
séries de questions, qui concernent non seulement les neuf cents festivals
organisés chaque année en France, mais aussi les nombreuses salles de
spectacles qui accueillent des artistes étrangers.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le sénateur, je
suis parfaitement consciente de la portée de vos questions. Aussi, je souhaite
vous apporter les éléments de réponse suivants.
Les règles relatives à l'emploi en France des artistes et techniciens du
spectacle qui restent salariés d'entrepreneurs de spectacles vivants établis à
l'étranger sont fixées par les dispositions du droit du travail et du droit de
la sécurité sociale.
Au regard du droit de travail, les obligations à respecter et les démarches à
effectuer sont notamment fixées par les dispositions de l'article L. 341-5 et
les règlements pris pour son application. Ces obligations ont été précisées
dans une circulaire établie en 1996 par le ministère de l'emploi et de la
solidarité.
Au regard de la sécurité sociale, les artistes et les techniciens affiliés
dans un des trente-trois pays ayant signé avec la France une convention
internationale de sécurité sociale sont dispensés de l'affiliation au régime
français de sécurité sociale. Ils doivent bien entendu justifier du maintien de
cette affiliation en produisant le formulaire spécifique à la convention
disponible dans leurs caisses d'affiliation d'origine.
Par ailleurs, faisant suite à la mission d'intermédiation confiée à M. Pierre
Cabanes en mars 1997, l'Etat s'est engagé à conduire certaines actions précises
en vue de mieux encadrer le régime d'indemnisation des intermittents du
spectacle.
Une de ces actions porte sur la création d'un « guichet unique » pour
simplifier les obligations sociales des entrepreneurs occasionnels de
spectacles vivants. A cet égard, une disposition législative a été adoptée ;
c'est l'article 6 de la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et
financier du 2 juillet 1998. C'est auprès d'un seul organisme habilité que ces
employeurs occasionnels procéderont désormais aux déclarations obligatoires
liées à l'embauche et à l'emploi de personnel sous contrats de travail à durée
déterminée et au versement de l'ensemble des cotisations et contributions
sociales.
A partir de la mise en oeuvre de cette mesure totalement novatrice et de
l'évaluation de son efficacité, les pouvoirs publics pourront étendre
éventuellement les procédures de simplification à l'ensemble des professionnels
accueillant des artistes étrangers, voire étudier la possibilité de proposer le
règlement de leurs obligations sous forme de forfait ainsi que vous le
suggérez.
Pour sa part, le projet de loi portant réforme de l'ordonnance du 13 octobre
1945 qui a été adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture et qui doit
revenir en débat prochainement devant la Haute Assemblée modernise une
réglementation désuète de la profession d'entrepreneur de spectacle vivant. Ce
projet prend en compte l'évolution des métiers et des pratiques contractuelles,
mais il n'a ni pour objet ni pour effet de modifier la présomption de salariat
établie par l'article L. 762-1 du code du travail.
Croyez bien que je n'ignore pourtant pas les préoccupations des organisateurs
de festivals culturels de bonne foi et, en ce qui concerne mon secteur, je puis
vous dire que j'ai donné des instructions à mes services pour qu'ils préparent
avec ceux de Mme Aubry, dès que le texte sera voté, une circulaire
d'application précisant les droits et obligations de chacun dans ce domaine,
afin que toutes les parties prenantes - employeurs, diffuseurs, exploitants de
lieux, salariés et administrations chargées des contrôles - soient clairement
informées du droit applicable et afin d'éviter des situations d'iniquité
manifeste.
Enfin, je souhaite vous rassurer sur un dernier point : dans le cadre de la
réforme de l'ordonnance, chaque entrepreneur de spectacles vivants, exploitant
de lieux, producteur et entrepreneur de tournées, diffuseur de spectacles
intervenant dans la représentation publique du spectacle devra assumer ses
responsabilités, notamment ses obligations salariales. Le projet de loi
attribue sans ambiguïté la responsabilité d'employeur à l'égard du plateau
artistique au producteur. La présomption de contrat de travail pèse en
conséquence et en premier lieu sur cet entrepreneur, ce qui délimite
restrictivement,
a contrario,
le rôle de premier plan des organisateurs
de festivals ; la situation sera ainsi beaucoup plus claire.
A l'inverse, il est bien évident que la défaillance de l'entrepreneur peut
entraîner la mise en cause des autres intervenants s'ils n'ont pas satisfait à
leurs obligations, conformément, cette fois, à une jurisprudence constante de
la Cour de cassation.
Voilà, monsieur le sénateur, le point où nous en sommes très exactement. La
circulaire qui suivra le vote de la loi permettra de clarifier la situation et
évitera certaines des difficultés qui sont rencontrées par les organisateurs de
festivals.
M. Jean Boyer.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer.
Madame le ministre, je tiens à vous remercier de votre réponse très
constructive concernant le guichet unique.
S'agissant du projet de loi portant réforme de l'ordonnance de 1945, la
disposition à laquelle vous avez fait particulièrement allusion à la fin de
votre intervention ne s'applique pas au festival Berlioz, par exemple, car nous
n'en sommes pas le producteur.
Dans ce cas précis, l'employeur est l'organisateur et supporte donc, par
définition, tous les coûts, en raison de la défaillance des producteurs
étrangers.
Très sincèrement, je pense que cette question devra être approfondie, en
tenant compte de la diversité des situations. En tout cas, je vous sais gré
d'avoir examiné ma question avec attention.
SITUATION DANS LES SERVICES
D'ARCHIVES DÉPARTEMENTALES
M. le président.
La parole est à M. Cabanel, auteur de la question n° 324 adressée à Mme le
ministre de la culture et de la communication.
M. Guy Cabanel.
Madame la ministre, j'ai souhaité vous interroger aujourd'hui sur les
difficultés actuellement rencontrées par certains services d'archives
départementales.
En effet, dans ces établissements, qui sont des services départementaux, les
personnels scientifiques et de documentation sont nommés par votre ministère et
payés par l'Etat, bien que mis à disposition du président du Conseil général.
Or ces postes scientifiques et de documentation, une fois vacants, ne sont pas
régulièrement pourvus par l'Etat. Il en résulte que les missions de collecte,
de conservation et de documentation de certains de ces services sont assurées
dans des conditions devenues malaisées, par un personnel toujours plus
réduit.
Je peux citer ici l'exemple de mon département. En Isère, sur les six postes
mis à disposition par l'Etat, seuls trois sont réellement pourvus, dont deux à
mi-temps. En effet, depuis une dizaine d'années, l'effectif théorique des
personnels scientifiques et de documentation des archives départementales de
l'Isère comprenait trois conservateurs d'archives et trois documentalistes.
Aujourd'hui, deux postes de conservateur sont pourvus, dont l'un à mi-temps, et
un seul poste de documentaliste est occupé par une personne en cessation
progressive d'activité et travaillant à mi-temps. Des difficultés de même
nature sont signalées dans d'autres départements de la région Rhône-Alpes.
Je n'ignore pas les problèmes de recrutement. C'est ainsi qu'en juillet 1998
ne sont sortis de l'Ecole nationale du patrimoine que cinq conservateurs
d'archives pour une vingtaine de postes à vacance déclarée.
Il me semble, madame la ministre, que devant une telle situation la solution
qui a été précédemment adoptée pour les bibliothèques départementales pourrait
être ici également utilisée. Il s'agit d'opérer un transfert des crédits
correspondant aux vacances d'emplois, par le biais de la dotation générale de
décentralisation. Appliquée aux services d'archives départementales, cette
opération permettrait aux départements de pourvoir directement les postes
vacants.
C'est pourquoi, madame la ministre, je vous demande de bien vouloir me faire
connaître vos intentions concernant ce problème et les mesures que vous
envisagez de prendre pour améliorer les conditions de fonctionnement des
services d'archives départementales.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le sénateur,
j'étudie à l'heure actuelle le problème posé par les archives nationales et
départementales.
La crise qu'ont connue cet été les Archives nationales n'est pas totalement
résolue. J'ai chargé M. Bélaval de rédiger un rapport relatif à l'évolution de
cette situation difficile et aux réponses à y apporter. L'intervention de
l'Etat, en particulier sa responsabilité vis-à-vis des archives départementales
et des conseils généraux, qui sont directement concernés, est également
visée.
Je suis donc très attentive à la situation des effectifs de l'Etat dans
l'ensemble des services départementaux, car l'exemple que vous donnez est
particulièrement révélateur d'une situation qui, malheureusement, touche
d'autres départements.
De nombreux postes sont publiés à échéance régulière dans les avis de vacances
diffusés aux membres des corps scientifiques et de documentation concernés.
Dans le cas de l'Isère, la procédure a été appliquée et renouvelée à
différentes reprises et continuera de l'être. Afin d'encourager d'autres
candidatures, l'expérience a même été tentée, en septembre dernier, de déclarer
la vacance d'un poste de secrétaire de documentation qui se serait substitué à
l'emploi existant de chargé d'études documentaires, et ce afin de ne pas
dégrader le service public des archives départementales.
Par ailleurs, je puis vous annoncer qu'un concours national sera organisé en
1999, afin de procéder au remplacement d'agents partis à la retraite dans les
corps de documentation de catégorie A et B. Dans ce contexte, un examen de la
situation des services départementaux d'archives sera bien entendu à nouveau
engagé.
En revanche, l'utilisation de la dotation générale de décentralisation ne me
paraît pas, à première vue, pouvoir être retenue en l'état : cette dotation, en
effet, n'est pas destinée à recueillir les crédits correspondant aux emplois
d'agents de l'Etat concernés, la mise à disposition de ceux-ci, aux termes de
l'article 66 modifié de la loi du 22 juillet 1993, ne constituant qu'une
faculté laissée à l'Etat. La réflexion doit donc être poursuivie sur ce
point.
En tout cas, je vous remercie, monsieur le sénateur, d'avoir évoqué cette
possibilité, car nous devons à la fois réexaminer le problème des postes mis à
disposition, dans la mesure où les services d'archives départementales manquent
de personnel, et améliorer la décentralisation en ce domaine. Je travaillais
hier avec le directeur de l'administration générale du ministère et nous avons
évoqué ce point particulièrement préoccupant.
J'aurai certainement d'autres éléments de réponse à vous apporter après la
publication du rapport de M. Bélaval et après examen, y compris avec mes
collègues, du devenir de ces personnels et du rôle des départements en vue
d'une organisation correcte du service public, qui relève plus directement de
leur responsabilité, mais qui engage par ailleurs l'Etat, dont je ne me
désolidarise pas du tout.
M. Guy Cabanel.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel.
Madame « la » ministre - cette expression est aujourd'hui entrée dans les
moeurs ! - je vous remercie de votre réponse si détaillée et très claire.
Cependant, je formulerai deux remarques.
Je comprends parfaitement que le mécanisme d'intervention que je vous ai
proposé dans l'urgence, c'est-à-dire l'utilisation de la dotation générale de
décentralisation, ne puisse pas être mis en oeuvre sans une réflexion plus
approfondie. Il s'agit de postes d'Etat. Je reconnais que les services
départementaux rencontreraient des difficultés à procéder à des nominations, à
moins d'utiliser les fonds pour opérer une sorte d'intérim en attendant que
soit réglé le problème des nominations suivant les critères d'Etat. Je
comprends donc vos réticences.
Permettez-moi cependant d'insister et de vous demander de réfléchir, car cette
situation ne peut perdurer.
Que les Archives nationales donnent lieu à une mission d'investigation, c'est
une bonne chose. Mais je ne voudrais pas que le problème des archives
départementales dépende trop des solutions qui seront trouvées pour les
Archives nationales.
J'attire votre attention sur le fait que, dans certains départements, les
archives départementales ont pris une importance considérable.
J'en reviens au cas de l'Isère.
Nous avons subi, comme tout le monde, une profonde mutation industrielle dans
les années quatre-vingt. Nous avons vu disparaître la métallurgie lourde et la
chaudronnerie lourde, qui étaient destinées à fournir le matériel pour les
barrages hydroélectriques. Nous avons pu développer ensuite, heureusement,
d'autres industries plus fines, plus technologiques, qui nous ont permis
d'éviter de trop graves conséquences pour la région.
Nous possédons de très riches archives qu'il faut maintenant saisir. Il y a
non seulement le courant des archives d'un département qui a un passé
historique, à travers le Dauphiné, mais encore ces archives récentes de la
société industrielle que nous ne pouvons pas laisser se dégrader.
Très franchement, le cri d'alarme que je lance en effet appelle une suite.
Vous avez proposé que la réflexion se poursuive : poursuivons-la sans trop
attendre. Il nous faut trouver des solutions.
CONTRÔLE DES FORAGES INDIVIDUELS
M. le président.
La parole est à M. Richert, auteur de la question n° 306, adressée à Mme le
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Philippe Richert.
Madame la ministre, ma question se rapporte aux réalisations de plus en plus
fréquentes de forages individuels d'eau potable et aux conséquences qui en
découlent.
En effet, bon nombre de personnes résidant dans des zones où la nappe
phréatique est facilement accessible - il y en a beaucoup en Alsace -
réalisent, pour échapper aux taxes et redevances, des puits privés destinés à
prélever directement l'eau nécessaire à la satisfaction de leurs besoins au
lieu d'utiliser le réseau public de distribution d'eau potable.
Outre les risques sanitaires pris par les usagers de ces forages individuels,
la qualité de l'eau ainsi obtenue n'étant pas toujours contrôlée, ces derniers
présentent également des risques pour les collectivités : risque notamment de
mettre en péril l'équilibre financier des services des eaux et de
l'assainissement, risque que les installations privées soient réalisées en
contravention avec le règlement départemental, risque de pollution de la nappe,
bien sûr.
Au moment où les exigences réglementaires sont de plus en plus fortes et alors
que la gestion des réseaux de distribution d'eau et de traitement d'eaux usées
nécessite des investissements particulièrement performants au niveau technique
et lourds au niveau financier, le développement accéléré, et parfois
anarchique, de ces captages opérés dans la nappe phréatique pour se soustraire
à l'effort global pose un problème.
C'est pourquoi je souhaiterais que soient précisées les bases légales sur
lesquelles les élus locaux peuvent s'appuyer pour opérer un recensement complet
des puits privés réalisés parfois en secret, ainsi que les concours qu'ils
peuvent attendre des services de l'Etat en la matière.
Je souhaiterais, par ailleurs, connaître les modalités pratiques d'application
du décret n° 67-945 autorisant la taxation forfaitaire des particuliers
s'approvisionnant partiellement ou totalement à une autre source que le réseau
public et savoir s'il est envisagé, le cas échéant, de préciser la
réglementation actuellement en vigueur.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le sénateur, vous
avez interrogé ma collègue Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de
l'environnement sur les possibilités légales, pour les élus locaux, de recenser
les puits privés permettant des prélèvements d'eau dans les nappes phréatiques
et, le cas échéant, de limiter le développement de ces forages.
L'utilisation des eaux souterraines constitue une conséquence du droit de
propriété et le législateur n'a pas souhaité restreindre l'exercice de ce droit
lorsqu'il est réservé à des fins domestiques ou assimilé à un tel usage, aux
termes de l'article 10 de la loi sur l'eau du 3 janvier 1992, votée à
l'unanimité. L'article 3 du décret du 29 mars 1993 définit ce qui est considéré
comme usage domestique de l'eau et y assimile notamment tout prélèvement
inférieur ou égal à 40 mètres cubes par jour.
Les pouvoirs publics ne peuvent donc limiter l'usage domestique des eaux
souterraines même si cet usage peut se substituer pour tout ou partie à
l'utilisation des eaux distribuées par les services publics d'alimentation en
eau potable. Réciproquement, les communes n'ont pas l'obligation légale
d'assurer la distribution d'eau potable sur la totalité de leur territoire.
En matière d'assainissement des eaux usées, la situation est différente. Dans
les zones d'assainissement collectif délimitées par les communes, les usagers
domestiques ont une obligation de raccordement au réseau public
d'assainissement et donc de participation au coût de son fonctionnement
lorsqu'ils sont desservis par ce réseau. Les communes sont en droit de tenir
compte, pour la fixation des redevances dues au titre du service
d'assainissement collectif, des volumes d'eau rejetés dans le réseau qui
proviendraient de puits privés.
Le décret n° 67-945 autorise ainsi à cette fin la taxation forfaitaire des
particuliers s'approvisionnant totalement ou partiellement à une autre source
que le réseau public. Ce décret est actuellement en cours de mise à jour en
concertation avec les représentants de l'Association des maires de France et de
la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies. Le projet de
texte révisé sera soumis à l'examen du Comité national de l'eau lors de sa
prochaine réunion puis à l'avis du Conseil d'Etat. Il devrait pouvoir être
publié au début de l'année 1999.
Il précisera les modalités de fixation des redevances d'assainissement compte
tenu des évolutions législatives intervenues depuis 1967, notamment de
l'obligation, résultant de l'article 12 de la loi sur l'eau du 3 janvier 1992,
faite à tout propriétaire ou exploitant d'une installation de prélèvement d'eau
souterraine de pourvoir celle-ci des moyens de mesure ou d'évaluation
appropriés. Cette obligation s'applique à toutes les installations de
prélèvement dans les eaux souterraines, y compris de prélèvements domestiques,
depuis le 3 janvier 1997.
M. Philippe Richert.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
Madame le ministre, je vous remercie des précisions que vous avez apportées.
Je vous suis gré notamment de m'avoir fait part du décret en préparation, qui
ouvre des perspectives.
Permettez-moi cependant de revenir sur quelques éléments du dossier.
Je tiens de nouveau à attirer votre attention sur le risque de pollution de la
nappe phréatique, risque ô combien important.
Il ne faut pas surestimer non plus les difficultés qu'il peut y avoir à
procéder à un recensement exhaustif de l'ensemble des puits déjà creusés, alors
que, très souvent, ces captages se font non pas dans l'illégalité, mais sans
publicité particulière.
Il est très délicat pour les organismes de gestion d'eau et d'assainissement
de savoir quelles taxations appliquer à l'eau prélevée, d'une part, et à l'eau
rejetée dans le réseau d'assainissement géré par la collectivité, d'autre
part.
J'espère que le décret en préparation prendra en compte l'ensemble de ces
éléments.
NÉCESSITÉ DE RÉGULARISATION DE LA PROLIFÉRATION
ANARCHIQUE DES RELAIS DE TÉLÉPHONIE MOBILE
M. le président.
La parole est à M. Valade, auteur de la question n° 328, adressée à Mme le
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Jacques Valade.
Madame le ministre, je regrette l'absence de Mme Voynet, mais je suis persuadé
que vous lui transmettrez le contenu de ma question, d'autant que celle-ci
concerne le paysage, tant urbain que rural, sujet auquel vous n'êtes pas
indifférente.
Nous constatons tous le développement considérable des téléphones mobiles. Or,
en dehors des nuisances que l'utilisation de ces petits appareils peut
engendrer dans les lieux publics, il est évident que la mise en place du réseau
nécessaire à une bonne diffusion suscite des contraintes, tant au niveau urbain
qu'au niveau rural.
Il existe deux cas de figure : ceux qui sont desservis protestent contre les
nuisances qu'occasionnent les nombreuses installations ; ceux qui ne sont pas
desservis protestent parce qu'ils estiment que l'installation des ré-émetteurs
dans leur département tarde.
Aujourd'hui, madame le ministre, je voudrais appeler votre attention sur la
prolifération des émetteurs en milieu urbain, mais également quelquefois en
milieu rural.
Au cours de la campagne électorale qui vient de se dérouler, en circulant dans
nos départements, nous avons tous pu nous rendre compte des installations tout
à fait anarchiques de ces réémetteurs que l'on voit tantôt sur un château
d'eau, voire le clocher d'une église, tantôt sur des pylônes implantés ici ou
là, au gré sans doute de la volonté des propriétaires des terrains sur lesquels
ils sont installés.
Il est clair, en outre, que la prolifération des opérateurs - actuellement il
en existe trois sur le territoire national, mais il pourrait y en avoir
d'autres dans l'avenir - aura pour conséquence la multiplication de ces
relais.
De nombreuses questions, notamment de très nombreuses questions écrites, ont
été posées à cet égard. J'en ai recensé six pour l'année 1998. Elles ont toutes
obtenu la même réponse, à savoir que nous sommes sous le régime de la loi n°
96-659 du 26 juillet 1996 - sans doute la réponse qu'on vous a préparée y
fait-elle allusion, madame le ministre - tout particulièrement, en l'occurrence
des articles 1er, 6 et 11.
Toutefois, les entreprises concernées ne ressortissent pas à l'application de
cette loi dans la mesure où leurs licences ont été accordées avant 1996. Aussi,
si on ne peut dire qu'elles font ce qu'elles veulent, cela revient un peu à
cela.
Ne pouvant faire référence à une loi, on invoque une circulaire en
préparation, des concertations avec les services déconcentrés, ce qui n'aboutit
à rien, ou la réunion d'un groupe de travail, qui devrait déboucher sur la
rédaction d'une charte de recommandations environnementales.
Quoi qu'il en soit, quelle que soit la volonté du ministre, quelle que soit la
bonne volonté du Gouvernement et, éventuellement, de l'administration, nous
sommes sous le régime du « laissez-faire ». Je vous assure que les maires, mais
également nos concitoyens ne supportent plus cette offense permanente que
constitue la mise en place de ces relais qui n'ont jamais la même forme, qui ne
bénéficient jamais du même support et qui sont quelquefois placés dans des
endroits où ils n'ont pas lieu d'être.
Les responsables des collectivités locales, tout en souhaitant une bonne
couverture du territoire communale et départementale, sont très démunis face à
ce problème.
Je souhaiterais que vous me disiez, madame le ministre, de quelle façon le
Gouvernement entend le régler.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le sénateur, vous
avez pensé que je ferais référence aux textes qui ont été évoqués dans les
différentes réponses qui ont déjà été données sur le sujet. En fait, comme vous
l'avez rappelé, l'application des textes en vigueur nous pose quelque
difficulté.
La loi de juillet 1996 a apporté un certain nombre de modifications par
rapport à ce qui existait. Mais les opérateurs de réseaux présents sur le
marché avant sa promulgation ne sont pas concernés. Aussi, nous cherchons à les
sensibiliser au problème et à les amener, petit à petit, à consulter
systématiquement les services instructeurs au niveau déconcentré à l'occasion
de tout nouveau projet d'implantation, de façon à mettre fin à cette anarchie
que vous avez relevée.
Pour ce qui est des secteurs sauvegardés, ils disposent d'un appareil
juridique suffisant pour éviter les erreurs, à condition que chacun fasse bien
son travail. Sous l'autorité du préfet, les services déconcentrés sont chargés
d'instruire les dossiers d'implantation avec la direction départementale de
l'équipement, la DDE, avec les directions régionales de l'environnement, les
DIREN, le service départemental de l'architecture et même les directions
régionales des affaires culturelles, les DRAC, le cas échéant.
Pour ce qui concerne le reste des territoires communaux, voire les milieux
naturels, en l'absence d'une réglementation spécifique sur les pylônes, une
circulaire a été adressée aux préfets pour leur demander de mettre en place des
instances de concertation entre les services déconcentrés et les opérateurs de
réseaux.
Celles-ci ont pour objectif de faire respecter les phases de consultations
préliminaires aux installations en établissant un dialogue en amont des projets
d'équipement. Elles visent également à favoriser l'insertion de ces équipements
dans l'environnement dès lors que l'on ne peut pas trouver de sites
différents.
Enfin, des discussions ont été entreprises à l'échelon national avec des
représentants des DIREN et les différents opérateurs pour mettre en oeuvre une
charte de recommandations environnementales destinée à orienter le choix des
implantations d'équipements, dans le respect des contraintes environnementales
liées à la fragilité des milieux et des paysages naturels.
Sachez, monsieur le sénateur, que, chargée, de par mes fonctions
ministérielles, de l'architecture et, par voie de conséquence, de la qualité de
l'aménagement des espaces publics, je rejoins la préoccupation de ma collègue
Mme Voynet. Mes services travaillent beaucoup en liaison avec le ministère de
l'équipement, de façon à éviter le foisonnement d'installations diverses qui
transforme parfois nos quartiers en autant de forêts de pylônes.
Le souci que vous avez manifesté est en fait celui de voir respecter la
qualité de l'environnement urbain et rural. Nous le partageons pleinement.
Je le répète, les dispositions qui existent nous amènent à inciter les
différents interlocuteurs à engager une démarche de consultation en vue de
respecter les conditions d'implantation élaborées conjointement par les
différents ministères concernés.
Je pense que la charte de recommandations environnementales, élaborée dans la
concertation mais présentant un caractère contraignant, constituera un outil
important pour les élus, qui pourront s'y référer avant de décider d'opter pour
telle implantation plutôt que pour telle autre. On évitera ainsi que les
communes ne soient en proie à la pose anarchique de relais et que le maire ne
soit systématiquement l'autorité prise à parti.
M. Jacques Valade.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Valade.
M. Jacques Valade.
Je remercie Mme le ministre de la réponse qu'elle m'a apportée, mais je dois
lui avouer que celle-ci me laisse quelque peu sur ma faim dans la mesure où
elle reprend les termes de réponses écrites qui avaient été faites à des
questions écrites.
Bien sûr, la charte qui a été évoquée laisse place à un certain espoir. Il
reste qu'une charte n'a de valeur que si elle est respectée.
Je me demande donc s'il ne faudrait pas aller un peu plus loin et durcir la
réglementation dans ce domaine. En effet, quelle que soit la bonne volonté des
différents opérateurs, ceux-ci ne sont pas insensibles aux éléments qui peuvent
leur être favorables au regard de la concurrence ; ils sont ainsi amenés à
choisir les sites les plus adéquats pour installer leurs émetteurs.
Je resterai donc attentif aux termes de la charte, mais je pense qu'il ne faut
pas en rester là.
NUISANCES SONORES
CAUSÉES PAR LE TGV PARIS-LYON
M. le président.
La parole est à M. Pépin, auteur de la question n° 298, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Jean Pépin.
Monsieur le président, ma question s'adresse effectivement à M. Gayssot mais
je constate que celui-ci est représenté par Mme Demessine, secrétaire d'Etat au
tourisme. Tout en la saluant, je la prie de bien vouloir transmettre à M.
Gayssot les remarques générales se rapportant à ma question que je serai amené
à formuler.
Ma préoccupation immédiate a trait aux importantes nuisances sonores que
subissent les habitants de la commune de Grièges, dans le département de l'Ain,
riverains de la ligne SNCF à grande vitesse Paris-Lyon.
La mise en place d'aménagements tels que des écrans antibruit permettrait
d'atténuer considérablement cette incommodité. Par conséquent, je souhaite
savoir si M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement entend
proposer la réalisation de tels équipements aux abords de la ligne à grande
vitesse Paris-Lyon, sur le territoire de la commune de Grièges.
Je me permets de rappeler qu'il s'agit de la plus ancienne ligne TGV de
France. Depuis sa mise en service initiale, voilà maintenant vingt ans, la
fréquence de passage des trains s'est fortement accrue. Parallèlement, les
exigences de nos concitoyens en matière de qualité de la vie s'est, elle aussi,
accrue et appelle, par rapport à des grands équipements de ce type, une
approche complémentaire. C'est, en fin de compte, le sens de ma question.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat au tourisme.
Monsieur le sénateur, M. Jean-Claude
Gayssot, qui est actuellement à l'Assemblée nationale, m'a demandé de vous
répondre à sa place, ce que je fais bien volontiers.
Le Gouvernement est, comme vous, attentif aux conditions d'insertion des
infrastructures de transports dans l'environnement, et il se préoccupe en
particulier des nuisances sonores que subissent certains riverains.
Réseau ferré de France - RFF - poursuit les actions engagées par la SNCF pour
ramener les nuisances engendrées par la circulation des TGV sur la ligne
Paris-Lyon à hauteur de la commune de Grièges au niveau des seuils fixés par
les décrets d'utilité publique des lignes à grande vitesse construites
ultérieurement.
RFF s'est donc rapproché de l'association des riverains de Grièges et a
récemment fait part de son accord pour la mise en oeuvre et la prise en charge
de protections phoniques permettant de garantir un niveau de bruit inférieur à
65 décibels au droit de toutes les habitations situées à proximité de la
ligne.
Il a été proposé de définir cette année la nature des ouvrages à constuire -
murs et merlons - en vue de la réalisation des travaux correspondants en
1999.
Comme vous le voyez, monsieur le sénateur, les choses avancent.
Au-delà de ces propositions, RFF pourra apporter son appui technique à la mise
au point du dossier, dès lors que les concours financiers nécessaires seront
réunis, sur l'initiative des autres intervenants, pour réaliser des compléments
aux dispositions envisagées.
Dans le même esprit, à l'occasion du renouvellement du ballast, qui devrait
intervenir dans ce secteur à l'horizon 2000, les matériaux de l'ancien ballast
pourront être tenus à disposition des communes qui le souhaiteraient, dans des
conditions définies en accord avec celles-ci. Ces matériaux pourront alors
servir à la constitution des protections phoniques complémentaires.
Nous ne pouvons que nous féliciter de cette coopération, qui permettra
d'améliorer sensiblement l'environnement des riverains de cette
infrastructure.
M. Jean Pépin.
Je demande la parole.
M. le président.
Le président du conseil général de l'Ain va nous dire s'il est satisfait de
cette réponse.
La parole est à M. Pépin.
M. Jean Pépin.
En vérité, monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, je suis
partiellement satisfait.
Je suis, en effet, heureux de constater que les riverains sont enfin écoutés.
Et ils méritaient de l'être, sachant qu'ils subissent maintenant un trafic de
TGV qui n'a plus aucune commune mesure avec ce qu'il était à l'origine
puisqu'il est maintenant environ sept fois plus intense.
Il est donc indispensable d'adapter cet équipement remarquable aux besoins
actuels et futurs.
Ma satisfaction est cependant tempérée par un regret, regret de voir qu'on
fait appel aux collectivités locales pour apporter une solution à un problème
que pose un grand équipement national. Il me paraîtrait logique, s'agissant
d'un tel équipement, que cette solution fasse l'objet d'un financement
national, que ce soit par le biais de Réseau ferré de France, par celui du
budget du ministère de l'équipement, ou encore par celui d'un contrat de plan.
Je ne trouve pas normal que les collectivités locales riveraines, qui subissent
précisément les inconvénients du passage des trains à grande vitesse, soient en
plus sollicitées lorsqu'il s'agit de financer des travaux propres à atténuer
ces inconvénients.
Sous le bénéfice de cette réserve, je prends acte du souci que l'on semble
maintenant avoir quant aux nuisances sonores que peuvent engendrer de tels
équipements. Je suis d'ailleurs persuadé que c'est un aspect dont il faudra
systématiquement tenir compte lors de la conception et de la réalisation des
équipements futurs, faute de quoi, dans dix ans, nos concitoyens n'auront
aucune confiance dans la qualité phonique, notamment, de ces équipements et il
ne sera plus possible de construire quoi que ce soit.
C'est en ce sens que ma question dépasse, je crois, très largement le problème
strict de Grièges, commune de mon département que je tiens à défendre parce que
cela est aussi mon rôle.
ÉQUIPEMENTS ROUTIERS EN SEINE-SAINT-DENIS
ET DANS LE VAL-D'OISE
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau, auteur de la question n° 307, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Madame la secrétaire d'Etat, dans le cadre de la réunion d'étape sur
l'extension de l'aéroport Charles-de-Gaulle, M. le ministre de l'équipement,
des transports et du logement a intégré, au titre de l'amélioration du cadre de
vie des populations riveraines, trois actions du Gouvernement : premièrement,
s'agissant des transports en commun, le système Centaure et la tangentielle
nord ; deuxièmement, la réhabilitation des logements sociaux ; troisièmement,
la réalisation de l'autoroute A 16.
On est en droit de se demander si cette troisième action participe réellement
de l'amélioration du cadre de vie. Beaucoup sont convaincus du contraire.
Parmi les orientations du projet d'autoroute A 16 telles qu'elles sont
définies par M. Gayssot figure la reprise des études en vue d'une déclaration
d'utilité publique du raccordement à la Francilienne. Le conseil général du
Val-d'Oise a sollicité cette déclaration d'utilité publique.
Il apparaît en effet logique que le flux des véhicules venant du nord de la
France empruntent la voie circulaire qu'est la Francilienne : la circulation
serait ainsi ventilée et non contrainte de s'engouffrer dans le goulet encombré
en permanence, souvent saturé, qu'est l'autoroute A 1.
Mais les populations et les élus s'émeuvent et ne suivent plus M. Gayssot
lorsqu'il souhaite prolonger l'autoroute A 16 dans les zones urbaines du
Val-d'Oise jusqu'au boulevard intercommunal du Parisis.
M. Gayssot a reconnu à plusieurs reprises que l'autoroute A 16 ne devait pas
traverser les zones urbaines de Seine-Saint-Denis.
Tout comme lui, nous avons participé aux luttes communes des élus et des
populations de Seine-Saint-Denis et du Val-d'Oise. Aujourd'hui, nous sommes
heureux que l'autoroute A 16 ne massacre pas le parc départemental de La
Courneuve, que les villes de Stains, Dugny, La Courneuve, Saint-Denis,
Aubervilliers soient épargnées. Mais nous serions également heureux que ladite
autoroute ne puisse pas non plus sectionner de six voies parallèles les villes
de Villiers-le-Bel, de Sarcelles, d'Arnouville-lès-Gonesse et préserve Garges
de l'accroissement d'une circulation déjà insupportable.
Trois mesures qui dépendent du ministre de l'équipement, des transports et du
logement peuvent être prises.
Tout d'abord, l'Etat étant maître d'ouvrage du projet, pour qu'il soit
abandonné, il suffit que le ministre le décide.
Ensuite, le conseil régional pourra engager la procédure tendant à la levée
des emprises foncières aussi bien en Seine-Saint-Denis qu'en Val-d'Oise, à
partir de la Francilienne.
Enfin, les mêmes mesures doivent être prises pour résoudre les problèmes
d'encombrement existant aussi bien en Seine-Saint-Denis que dans le
Val-d'Oise.
De telles mesures éviteraient l'engagement des dépenses considérables que j'ai
déjà évoquées en posant une question orale relative à l'autoroute A 16,
libéreraient des terrains gelés et inutiles depuis des années et conduiraient,
avec le boulevard intercommunal du Parisis, la RD 370, la RN 1 à améliorer les
liaisons inter-banlieues transversales.
Ma question est simple : M. Gayssot est-il maintenant prêt à prendre ces
mesures ?
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat au tourisme.
Madame la sénatrice, M. Jean-Claude
Gayssot ne pouvant être présent ce matin au Sénat, ainsi que je l'ai déjà
indiqué, il m'a demandé de vous présenter sa réponse.
A la suite de sa décision du 23 septembre 1997 concernant l'autoroute A 16, M.
Gayssot a demandé au directeur régional de l'équipement de l'Ile-de-France de
mener une étude globale de circulation sur le réseau routier principal dans le
secteur limité au nord par la Francilienne, au sud par l'A 86 et le boulevard
périphérique, à l'ouest par l'A 115 et l'A 15 et, enfin, à l'est par l'A 1 et
l'A 3.
Cette étude distingue deux scénarios principaux, correspondant, le premier, à
l'arrêt de l'A 16 sur la Francilienne, et le second à sa poursuite jusqu'au
boulevard intercommunal du Parisis, le BIP.
Sur cette base, les études d'avant-projet sommaire de l'A 16 seront reprises
avec un découpage en deux phases de réalisation, à savoir
L'Isle-Adam-Francilienne, puis Francilienne-BIP. Le ministre de l'équipement,
des transports et du logement compte bien entendu, le moment venu, associer les
collectivités locales à la recherche du tracé et à la définition des mesures
d'accompagnement, avant la mise à l'enquête publique du projet.
Bien que la décision de ne pas réaliser l'A 16 en Seine-Saint-Denis soit
claire et définitive, sa traduction juridique dans les documents d'urbanisme
locaux ne pourra intervenir effectivement que lors d'une prochaine révision du
schéma directeur régional d'Ile-de-France.
La modification anticipée des plans d'occupation des sols ferait naître, en
effet, une situation d'insécurité juridique pour les projets de construction
susceptibles de se développer dans les emprises concernées.
Pour ce qui est de la route départementale 370, une déviation sous la forme
d'une voie urbaine sur les communes de Gonesse et de Villiers-le-Bel est
projetée. Il s'agit, toutefois, d'une opération dont la maîtrise d'ouvrage
serait assurée par le département du Val-d'Oise, à qui il revient de fixer les
conditions de sa réalisation.
L'Etat finance actuellement, avec le concours de la région d'Ile-de-France,
les travaux de la partie ouest du BIP entre l'A 15 et la route départementale
109, ainsi que les études des parties centre et est entre la route
départementale 109, les routes nationales 1 et 370.
La vocation de cette voie est d'assurer le désenclavement du secteur est du
Val-d'Oise et de la vallée de Montmorency et leur liaison avec les pôles
d'emploi de Roissy à l'est, de Cergy-Pontoise et La Défense à l'ouest. Elle
contribuera ainsi au délestage des voiries locales actuellement saturées, comme
les routes départementales 125 et 208.
Le BIP-Est, qui correspond à la section comprise entre Sarcelles et Gonesse, a
été déclaré d'utilité publique le 18 juillet 1990. Les services du ministre de
l'équipement vont engager une concertation locale qui permettra de déterminer
ses emprises de façon définitive et le phasage de sa réalisation. Il est prévu
que les acquisitions foncières nécessaires soient financées l'année
prochaine.
Le coût global de la section est du BIP s'élève à plus d'un milliard de
francs. M. Jean-Claude Gayssot m'a indiqué qu'il proposera que des crédits
soient inscrits pour cette opération au prochain contrat entre l'Etat et la
région, mais qu'une réalisation fractionnée devra être envisagée sur deux
plans.
Vous le voyez, madame la sénatrice, le Gouvernement est décidé à poursuivre
les efforts d'aménagement routier dans votre département.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Madame la secrétaire d'Etat, une étude globale est en cours, dites-vous. La
décision de l'arrêt de l'autoroute A 16 à la Francilienne, à la Croix-Verte,
n'a donc pas encore été prise, puisque vous avez développé les deux scénarios
possibles.
Il faut que M. Gayssot le sache : le prolongement de l'A 16 au-delà de la
Francilienne ne satisfait personne, pas même les usagers qui seraient
contraints de l'utiliser.
Le péage, puisque ce mode de financement est prévu, ajouterait à la
dégradation de l'environnement une pénalisation financière qui, si on se réfère
aux tarifs qui sont pratiqués sur le tronçon L'Isle-Adam-Beauvais, peut être
estimée à plusieurs centaines de francs par mois pour les automobilistes, qui
retomberaient dans des encombrements très importants, puisque les problèmes de
circulation entre les communes du département ne seraient pas résolus.
C'est pourquoi, avec toutes les associations de défense, y compris celles de
la Seine-Saint-Denis, alors que, comme vous venez de le réaffirmer, ce
département ne serait par touché par le passage de l'autoroute A 16, et avec de
nombreux élus, je vous propose de substituer à ce projet un certain nombre de
mesures d'accompagnement pour un mieux-vivre, sur lesquelles je vais maintenant
dire quelques mots.
Tant que les emprises foncières n'auront pas été levées, le risque existera, y
compris pour la Seine-Saint-Denis, de voir passer l'A 16. Il faut donc arrêter
l'A 16 à la Francilienne. Il faut définir une politique de transport visant à
enrayer le flux de véhicules vers le coeur de l'Ile-de-France. On ne peut
continuer à faire passer sur nos routes tous les véhicules, je pense
principalement aux camions, qui se dirigent vers Paris. Il faut développer les
transports en commun, et notamment améliorer la desserte par la voie ferrée des
ensembles urbains de Sarcelles, Garges, Villiers-le-Bel, Gonesse, Arnouville et
Goussainville. De telles mesures permettraient d'améliorer le cadre de vie.
Mais on ne peut pas dire que le prolongement de l'A 16 jusqu'au boulevard
intercommunal du Parisis à Sarcelles améliorerait le cadre de vie, déjà
fortement dégradé, des populations concernées, qui subissent les nuisances
sonores de Roissy.
Au regard de l'avenir de la région est du Val-d'Oise et de la
Seine-Saint-Denis, ces mesures doivent être prises rapidement.
TGV BRETAGNE-PAYS DE LA LOIRE
M. le président.
La parole est à M. de Rohan, auteur de la question n° 313, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Josselin de Rohan.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, lors
de l'entretien qu'il a bien voulu m'accorder, ainsi qu'à mes collègues du
conseil régional de Bretagne, M. Gayssot, ministre de l'équipement, des
transports et du logement, avait annoncé son intention de prendre une décision
en septembre sur le tracé futur de la liaison à grande vitesse entre Le Mans et
Rennes.
Ce projet, qui est inscrit au schéma national des liaisons à grande vitesse,
constitue un enjeu essentiel pour l'avenir de la Bretagne. Il est soutenu par
l'ensemble des forces politiques bretonnes.
C'est un enjeu d'aménagement du territoire au moment où s'accentuent les
risques de « périphéricisation » de la Bretagne, et d'ailleurs de l'ensemble de
la façade atlantique. Le TGV Ouest est indispensable pour permettre à notre
région, et singulièrement à sa partie occidentale, avec Brest et Quimper,
d'être reliée en trois heures à Paris et plus encore, grâce à l'interconnexion,
à l'ensemble du réseau européen de trains à grande vitesse.
Ce projet constitue ensuite un enjeu économique. Outre cette ouverture sur
l'Europe, la création d'une nouvelle ligne permettra de développer sur les
voies libérées le transport combiné de marchandises, dont le rôle deviendra
décisif, en particulier pour les produits agroalimentaires.
Le projet présente un double avantage pour la SNCF : il est assuré d'une
rentabilité particulièrement élevée au regard d'autres projets du même ordre et
il permettra une croissance du trafic de voyageurs d'environ 2 millions de
voyageurs. Le président de la SNCF s'est d'ailleurs prononcé favorablement sur
ce projet.
Les études préliminaires sont terminées. Elles ont permis d'examiner les
différents fuseaux dans lesquels pourrait s'inscrire le nouveau tracé. Il faut
aujourd'hui arrêter un choix.
Pour cette raison, je souhaiterais, madame la secrétaire d'Etat, que vous
m'apportiez des précisions sur un certain nombre de points.
D'abord, le ministre de l'équipement, des transports et du logement a-t-il
décidé le contournement du Mans, qui permettrait de gagner près de treize
minutes sur le parcours entre Le Mans et Rennes ? Ensuite, a-t-il retenu un
fuseau dans lequel pourrait s'inscrire le nouveau tracé ? En outre, a-t-il
déterminé un phasage pour la réalisation des opérations ? Enfin, les premières
phases de la réalisation du projet peuvent-elles être envisagées à l'occasion
du prochain contrat de plan ?
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat au tourisme.
Monsieur le sénateur, M. Gayssot, qui,
comme vous le savez, ne peut être présent ce matin, puisqu'il est retenu à
l'Assemblée nationale, m'a demandé de vous communiquer la réponse qu'il vous a
préparée.
Le schéma directeur national des liaisons ferroviaires à grande vitesse,
approuvé en avril 1992 après consultation des conseils régionaux, prévoit pour
la desserte de l'ouest de la France la réalisation des TGV Bretagne et Pays de
la Loire, prolongements du TGV Atlantique du Mans à Rennes et du Mans à
Angers.
L'engagement des différentes procédures s'est d'abord traduit par
l'organisation d'un débat préalable sur l'intérêt économique et social du
projet et sur ses grandes fonctionnalités. A l'issue de ce débat, un cahier des
charges a été établi et approuvé le 9 mai 1995.
En décembre 1995, les études préliminaires du projet ont été lancées ; elles
visaient à comparer différentes variantes de fuseaux. C'est sur cette base que
les collectivités locales ont été consultées entre avril et septembre 1997.
En décembre 1997, le préfet de la région Bretagne, préfet coordonnateur, a
présenté à M. Jean-Claude Gayssot ses conclusions sur les études ainsi que le
bilan des consultations.
Il ressort clairement de ces consultations que le rattachement de la Bretagne
aux grands réseaux de communication est un enjeu fort, et qu'il doit être
assuré de manière performante.
A cet égard, le ministre considère que le projet de TGV Bretagne-Pays de la
Loire, inscrit au schéma directeur, constitue une composante essentielle de ce
rattachement.
Cependant, si les deux régions sont d'accord pour améliorer les relations
ferroviaires, elles ne partagent pas la même vision des investissements à
réaliser.
M. Gayssot, comme il a déjà eu l'occasion de l'indiquer lors de son récent
déplacement à Brest, compte, dans les prochaines semaines, se prononcer sur les
résultats de la concertation concernant les fuseaux entre Le Mans et Rennes.
Il m'a indiqué que ses décisions intégreront l'ensemble des avis exprimés lors
de la consultation, notamment l'hypothèse d'une alternative de TGV pendulaire
permettant des dessertes de qualité sur l'ensemble de la Bretagne, qui est
demandée par les conseils régionaux.
M. Josselin de Rohan.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan.
Tout d'abord, je suis très heureux, madame la secrétaire d'Etat, de vous
retrouver au Sénat, où nous avons eu l'occasion de discuter ensemble de
questions qui relevaient plus du tourisme que des transports. Sur la forme, je
suis satisfait de la réponse que vous m'avez faite. Sur le fond, je constate
que M. Gayssot a usé de la prudence du serpent, car il ne s'est guère
engagé.
Aussi, je tiens à rappeler plusieurs points.
Premièrement, un engagement avait été pris de nous donner une réponse sur un
tracé à la fin septembre. Or, à ce jour, nous n'avons rien vu venir, et nous
sommes pourtant à la fin du mois d'octobre. On nous renvoie à des calendes qui,
je l'espère, ne seront pas grecques...
Il s'agit d'un choix simple. Peut-être faut-il arbitrer entre les deux termes
d'une alternative. Madame la secrétaire d'Etat, gouverner, c'est choisir !
Nous avons très clairement expliqué les raisons pour lesquelles nous avons
opté pour une voie rapide, avec contournement du Mans, entre Le Mans et Rennes.
Nous avons expliqué qu'il s'agissait d'un enjeu majeur pour le développement de
la Bretagne, faute de quoi nous nous trouverions rejetés à l'extrémité de
l'Europe sans pouvoir participer au grand réseau européen de liaisons à grande
vitesse. Il s'agit d'un élément capital pour le développement de la Bretagne,
qui a l'appui unanime des formations politiques bretonnes, et ce n'est pas si
facile !
Pour conclure, je dirai très solonnellement à M. le ministre de l'équipement,
des transports et du logement qu'il ne faudra pas atermoyer longtemps car, un
jour, toutes les forces économiques, sociales et politiques de la région
viendront demander la réponse qui ne nous est pas apportée aujourd'hui. C'est
une question sur laquelle les Bretons ne pourront rester inertes. Je le dis en
toute sérénité, mais aussi avec détermination, laquelle est, paraît-il, une
vertu de notre race.
(Sourires.)
M. le président.
Grâce à vous, nous avons appris ce qu'est la « périphéricisation ».
(Nouveaux sourires.)
AMÉNAGEMENT DE LA RN 89
M. le président.
La parole est à M. Bony, auteur de la question n° 322, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Marcel Bony.
Je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat, d'être présente pour répondre à
une question que j'avais déjà posée au mois de septembre à votre collègue M.
Gayssot. Il s'agissait alors d'une question écrite. Celle-ci étant restée sans
réponse, j'ai décidé de la transformer en question orale, car un certain nombre
d'acteurs du Puy-de-Dôme attendent avec impatience des indications de la part
de l'Etat.
Madame la secrétaire d'Etat, vous n'ignorez pas à quels problèmes nous sommes
confrontés avec la route nationale 89. J'ai d'ailleurs eu l'occasion, à
plusieurs reprises, de les exposer au Gouvernement, notamment avec M. Roger
Quilliot et avec M. Serge Godard, actuel maire de Clermont-Ferrand.
Sans vouloir faire l'historique de la situation, je tiens à dire qu'elle est
liée aux engagements pris par l'Etat le 20 janvier 1994 de mettre à deux fois
deux voies la route nationale 89 et, parallèlement, de choisir le tracé Nord de
l'A 89.
Depuis, le Conseil d'Etat a rendu un avis favorable à la réalisation du
tronçon autoroutier Saint-Julien-Puy-Lavèze/Combronde, et M. le Premier
ministre a signé le décret d'utilité publique le 9 janvier 1998.
En revanche, la route nationale n'a pas été prise en considération alors
qu'elle est et demeurera l'itinéraire naturel pour rallier l'agglomération
clermontoise ou le val d'Allier à partir de l'échangeur de
Saint-Julien-Puy-Lavèze.
Cette route est inadaptée au trafic d'aujourd'hui et de demain, et ce ne sont
pas les quelques rares travaux en cours qui en modifieront le caractère.
Selon le Centre d'études techniques de l'équipement de Bordeaux, à l'horizon
2015, le niveau de trafic supporté par la route nationale 89 devrait pourtant
être sensiblement équivalent à celui de l'autoroute, dans l'hypothèse où aucun
aménagement significatif de la nationale ne serait réalisé.
Dans ces conditions, je ne voudrais pas, madame la secrétaire d'Etat, que l'on
en vînt à présent à rechercher la rentabilité de l'autoroute au détriment de la
route nationale 89 en spéculant, d'une part, sur un allégement du péage
autoroutier et, d'autre part, sur l'interdiction de la circulation des poids
lourds sur la route nationale, ce qui me paraît aberrant.
En effet, la route nationale 89 est l'axe desservant au plus près les zones
d'activité de l'agglomération clermontoise et créant une ouverture vers le sud
du département. C'est aussi l'axe du désenclavement, de l'équilibre territorial
du département et de sa cohésion. Sa modernisation est, à mon sens, d'utilité
publique.
Aussi serais-je reconnaissant à M. Gayssot de bien vouloir envisager de
procéder dans un premier temps à des aménagements substantiels et urgents entre
La Chabanne, sur la commune de Laqueuille, et les Quatre Routes de Nébouzat,
soit une quinzaine de kilomètres, tronçon qui supporte un trafic moyen de plus
de 13 000 véhicules par jour, avec des pointes à près de 20 000 véhicules par
jour, et sur lequel se sont malheureusement produits cent deux accidents en
dix-huit mois.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat au tourisme.
Monsieur le sénateur, je vous répondrai au
nom du ministre de l'équipement, des transports et du logement, qui est ce
matin à l'Assemblée nationale.
L'autoroute A 89 est destinée à accueillir les trafics de grand transit entre
Bordeaux et Lyon. La route nationale 89, qui lui est parallèle, doit donc
retrouver, par souci de limiter strictement la concurrence entre ces deux
itinéraires et de préserver le site inscrit du parc régional des volcans
d'Auvergne, sa vocation initiale de desserte fine des territoires.
Ainsi, lors de l'examen du projet de décret déclarant d'utilité publique le
tracé de l'A 89, le Gouvernement s'est engagé à limiter strictement les
aménagements de la RN 89 et à prendre des mesures de limitation du trafic de
poids lourds sur la route nationale.
Ces principes ne signifient pas pour autant qu'aucun aménagement ne puisse
être réalisé sur la route nationale 89, en particulier en ce qui concerne la
sécurité. D'ailleurs, certains aménagements ont été prévus au titre du XIe
plan, et d'autres pourront être envisagés lors des négociations préparatoires
au prochain contrat de plan Etat-région, dès lors qu'ils sont conformes aux
principes rappelés précédemment.
Enfin, la demande, formulée par certains responsables locaux, de mise en place
d'un fonds de concours alimenté par la Société des autoroutes du sud de la
France en vue de l'élargissement complet de la RN 89 entre Laqueuille et
Clermont-Ferrand ne peut juridiquement être reçue, car elle est contraire à
l'esprit et à la lettre de la loi de 1955 sur les autoroutes à péage.
M. Marcel Bony.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Bony.
M. Marcel Bony.
Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse, qui - je dois
l'avouer et vous le comprendrez certainement - ne peut me satisfaire, et dont
je crains qu'elle ne fasse pas non plus le bonheur de la centaine d'élus locaux
du Puy-de-Dôme constitués en association autour de la route nationale 89. Au
passage, je précise que, contrairement à ce que je viens d'entendre, la RN 89
n'est pas parallèle à l'autoroute, puisque le tronçon d'autoroute
Saint-Julien-Puy-Lavèze monte vers le Nord alors que la route nationale 89
descend vers le Sud.
J'ai omis de vous dire que les usagers de la route de Corrèze et du Cantal
sont aussi logiquement concernés, dans la mesure où la mobilité des habitants
s'est affirmée dans les relations régulières qu'ils entretiennent avec la
capitale auvergnate.
En outre, le désenclavement du massif du Sancy, très gros point fort
touristique de la région avec ses trois stations thermales, passe par une
meilleure accessibilité routière. Je pense, madame, que la secrétaire d'Etat au
tourisme que vous êtes doit être particulièrement sensible à cet aspect.
Le prochain contrat de plan Etat-région sera de toute façon insuffisant pour
répondre à la situation que je viens de vous exposer.
Je prends acte de la position de M. le ministre en regrettant que la
communauté de communes de l'agglomération clermontoise, qui représente plus de
300 000 habitants, soit ignorée, alors qu'elle constituera l'élément moteur de
la nouvelle donne de l'aménagement du territoire dans notre région Auvergne.
Merci toutefois, madame la secrétaire d'Etat, de m'avoir apporté ces
informations.
PUBLICATION DU DÉCRET
RELATIF À L'ANNUALISATION DU TEMPS DE TRAVAIL
DANS LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE
M. le président.
La parole est à M. Delevoye, auteur de la question n° 310, transmise à M. le
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation.
M. Jean-Paul Delevoye.
Monsieur le ministre, de nombreux adhérents ont interpellé l'Association des
maires de France sur le problème de la rémunération des agents territoriaux
spécialisés des écoles maternelles, plus communément appelés les ATSEM.
On rencontre d'ailleurs aujourd'hui de plus en plus fréquemment, au-delà même
de ce type d'emploi, des cas de fonctionnaires employés à temps non complet et
bénéficiant de vacances scolaires, cas qui montrent toute la difficulté de
concilier la théorie et la pratique.
En effet, en théorie - plusieurs réponses ont d'ailleurs été données en ce
sens - le traitement correspondant à la durée de travail effective durant
l'année scolaire doit être intégralement versé à ces agents durant les douze
mois de l'année, et ce sans aucune retenue tenant compte des congés scolaires,
les maires ayant alors la faculté d'employer ces fonctionnaires à d'autres
tâches.
Dans la pratique, et notamment dans les communes plus petites concernées en
plus par les regroupements pédagogiques qui imposent le recrutement des ATSEM,
l'occupation de ce type de personnel se révèle particulièrement difficile.
De ce fait, les élus ont tenté de procéder à une annualisation de la
rémunération pour tenir compte des périodes non travaillées, mais la
jurisprudence, constante sur ce point, réaffirme régulièrement la règle selon
laquelle ce type de fonctionnaire doit être rémunéré toute l'année.
L'une des conséquences de cette situation - on commence à le percevoir - est
qu'un texte très légitime en théorie se retourne finalement contre l'intérêt
même des fonctionnaires concernés, certains maires préférant désormais recruter
des agents contractuels pour une durée déterminée, ce qui va à l'encontre même
du statut du personnel et de la protection qui y est liée.
Une première approche pourrait être la polyvalence des missions. Mais - et
c'est le coeur de ma question, monsieur le ministre - une loi du 27 décembre
1994 avait apporté une solution à ces difficultés : dans sa nouvelle rédaction,
l'article 105 de la loi du 26 janvier 1984 prévoit en effet qu'à titre
expérimental, pour une durée de trois années, la durée hebdomadaire de service
peut être organisée sur une période d'un an, et ce sur la demande de l'agent ou
si les nécessités du service le justifient.
Un décret en Conseil d'Etat devait fixer les conditions d'application de cet
article, mais, à ce jour, il n'est toujours pas paru. J'attire votre attention
sur ce point, car le défaut de texte réglementaire d'application affecte aussi
d'autres fonctionnaires. Le délai toujours assez long s'écoulant entre la
promulgation de la loi et la publication des décrets - vous le savez bien,
monsieur le ministre, puisque vous venez de signer un décret concernant les
services des conseils généraux - oblige les exécutifs à faire face à la
situation et à prendre des dispositions de bon sens qui, quelquefois, sont
ensuite remises en cause par les chambres régionales des comptes.
Le fait de laisser les exécutifs des collectivités territoriales dans un vide
juridique, alors même que la loi affiche clairement une position, me paraît
tout à fait préjudiciable à l'efficacité.
Je vous serais donc très obligé, monsieur le ministre, de m'indiquer quand
vous envisagez de donner aux maires les instruments réglementaires leur
permettant de mettre en oeuvre cette annualisation de la durée hebdomadaire de
service, et ce d'autant plus que l'approche des négociations éventuelles sur
les 35 heures remettra, à l'évidence, ce sujet à l'ordre du jour.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Emile Zuccarelli,
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation.
Monsieur le sénateur, la loi du 27 décembre 1994 avait
ouvert à titre expérimental, pour une durée de trois années, la possibilité
d'organiser la durée hebdomadaire de service sur une période d'une durée
maximale d'une année, sur demande de l'agent ou si les nécessités de service le
justifiaient.
Si cette mesure n'a pas donné lieu à l'adoption des dispositions
réglementaires correspondantes en ce qui concerne les emplois à temps non
complet - et je veux bien regretter avec vous le délai parfois trop long qui
s'écoule entre la promulgation de la loi et la publication des textes
d'application - en revanche, les modalitésd'expérimentation de l'annualisation
du service à temps partiel dans la fonction publique territoriale ont fait
l'objet d'un décret publié le 24 avril 1995.
En tout état de cause, la question de l'annualisation du travail à temps non
complet dans la fonction publique territoriale - c'est là, il est vrai, un
sujet sensible - ne peut, en l'état actuel, être traitée indépendamment d'une
réflexion plus générale sur la durée et l'organisation du travail dans
l'ensemble des trois fonctions publiques.
C'est pour mieux appréhender les réalités du fonctionnement des services et
pour déterminer l'organisation du temps de travail que le Gouvernement a confié
à M. Jacques Roché le soin de dresser un état des lieux sur la réglementation
existante et sur les pratiques relatives au temps de travail et aux heures
supplémentaires dans les fonctions publiques, mission à l'issue de laquelle la
concertation s'engagera sur les prolongements possibles de cette étude.
Vous avez évoqué, monsieur le sénateur, les difficultés de gestion du
personnel rencontrées par les collectivités, notamment en ce qui concerne les
agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles. Il convient ici de
rappeler que la durée de travail des agents à temps non complet est déterminée
par un décret du 20 mars 1991 prévoyant que la délibération créant un emploi à
temps non complet fixe la durée hebdomadaire de service afférente à cet emploi
en fractions de temps complet exprimées en heures.
La jurisprudence administrative récente - elle date de 1995 - confirme qu'un
fonctionnaire à temps non complet doit accomplir un temps de travail identique
à la durée hebdomadaire de travail fixée par la délibération ayant créé son
emploi. Sa rémunération doit correspondre à cette durée hebdomadaire et ne peut
être ni minorée ni majorée.
Par ailleurs, le décret du 25 novembre 1985 relatif aux congés annuels des
fonctionnaires territoriaux fixe la durée des congés à cinq fois les
obligations hebdomadaires des agents, cette durée étant appréciée en nombre de
jours effectivement ouvrés. En conséquence, rien ne s'oppose à ce que les
collectivités locales affectent, pendant les vacances scolaires, des agents
spécialisés des écoles maternelles dans d'autres locaux que les écoles
maternelles, à condition qu'ils accueillent des enfants. Certes, la mise en
pratique n'est pas toujours simple, mais je tenais à rappeler ces données afin
d'être complet.
Telle est la réponse que je peux apporter à votre question, monsieur le
sénateur. En tout état de cause, l'essentiel du travail restera à faire lorsque
nous serons saisis des conclusions du rapport de M. Jacques Roché.
M. le président.
Les chambres régionales, elles,n'attendent pas pour saisir !
M. Jean-Paul Delevoye.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye.
Monsieur le ministre, je suis obligé de reconnaître le bien-fondé de votre
réponse, qui était conventionnelle ; toutefois, si elle respecte la lettre des
textes, elle n'en respecte pas l'esprit.
Membres du Gouvernement ou parlementaires, nous devons réfléchir, lorsque
nous élaborons un texte, à l'obligation de résultat : les décrets d'application
doivent être publiés dans un délai donné. En effet, faute de ces décrets, la
loi ne sert à rien et le pouvoir législatif est remis en cause.
Par ailleurs, à l'évidence, en l'absence de textes législatifs, c'est la
jurisprudence, soit celle des chambres régionales des comptes soit celle des
tribunaux administratifs, qui fait la loi.
Au moment où le Sénat va être saisi d'un texte relatif à la modernisation de
la vie politique, nous devons nous poser la question de notre efficacité : si
les parlementaires que nous sommes votent une loi et que les décrets
d'application ne sortent pas, à quoi bon ?
Ne pourrait-on pas, dans ces conditions, envisager d'associer à la
promulgation de la loi l'obligation de publier les décrets d'application ? Nous
éviterions ainsi les débats médiatiques que nous connaissons sur la critique de
la vie politique de notre pays, la sanction juridique l'emportant,
actuellement, sur la force de la loi.
M. Emile Zuccarelli,
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation.
Je suis entièrement d'accord !
M. le président.
Nous avons compris, monsieur le ministre, que vous approuviez le point de vue
de M. Deneux, qui est largement partagé par la Haute Assemblée.
STOCKAGE ET DESTRUCTION
DES ENGINS RÉSIDUELS DE GUERRE
M. le président.
La parole est à M. Deneux, auteur de la question n° 304, adressée à M. le
ministre de l'intérieur.
M. Marcel Deneux.
Ma question, adressée à M. le ministre de l'intérieur, porte sur le stockage
et la destruction des engins résiduels de guerre.
De nombreuses régions continuent de subir le lourd préjudice de la Première et
de la Seconde Guerre mondiale en découvrant quasi quotidiennement des obus dans
leur sous-sol.
Les maires sont les premiers à être sollicités pour déplacer, stocker en lieu
sûr ces obus, et contacter les services compétents pour en assurer la
destruction.
Ainsi, nous observons de nombreux tas d'obus sur le bas-côté de la route dans
les communes. Des maires s'engagent également à stocker - y compris, parfois,
dans la cour de leur habitation - ces obus, afin d'assurer la sécurité sur la
voie publique.
Cette situation, qui n'est pas satisfaisante, est la conséquence de l'absence
de centres de stockage et de destruction, notamment dans le département de la
Somme : les 11 et 12 juillet 1916, 1 500 000 obus y ont été tirés en trente-six
heures, dont 10 %, estime-t-on, n'ont pas explosé. Ainsi, au cours de la
dernière décennie, entre 45 et 65 tonnes d'obus ont été récupérées chaque
année.
Aujourd'hui, la seule solution proposée aux maires est la destruction de ces
obus sur le territoire de leur commune, cette dernière devant prendre en charge
la dépense afférente.
Cette situation appelle des réponses sur les dispositifs de stockage et de
destruction de ces obus, mais aussi sur la responsabilité des maires compte
tenu de la mise en oeuvre possible des articles L. 2122-27 et L. 2212-2 du code
général des collectivités territoriales, ainsi que sur la provenance des moyens
financiers nécessaires.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu appeler mon attention sur les
difficultés rencontrées par les maires à la suite de la décision, prise en mars
1997, de ne plus ramasser les munitions de guerre classiques, à l'exclusion des
bombes d'avion, dans le nord de la France.
Cette décision a notamment concerné le département de la Somme, où les maires
ont été fréquemment sollicités pour fournir les moyens nécessaires à la
destruction sur place des munitions découvertes.
Cette situation résulte de l'accident survenu en décembre 1996 au Crotoy, dans
la Somme. Après la fermeture de ce site de stockage et de destruction, les
centres de déminage d'Arras et d'Amiens n'ont plus eu la possibilité de
détruire les munitions.
Tout comme vous, j'ai considéré que cette situation ne pouvait se
prolonger.
Le point de blocage majeur concernait la reprise des destructions de munitions
sur un site approprié. Il s'avère qu'un nouveau mode de destruction,
expérimenté sur le camp militaire de Sissonne, doit permettre d'absorber
progressivement le stock de munitions de Laon-Couvron, considérablement
augmenté ces derniers mois du fait des transferts des munitions classiques du
dépôt de Vimy, dont la capacité d'entreposage était à saturation.
Ce désengorgement a permis, depuis le 1er septembre dernier, la reprise des
tournées de collecte par le service du déminage. Ainsi, les 200 demandes qui
sont actuellement en instance dans la Somme sont en voie de résorption et, dans
le courant du mois de décembre prochain, les maires de votre département vont
retrouver, en matière de déminage, la qualité de service dont ils bénéficiaient
avant l'accident du Crotoy.
Monsieur le sénateur, je suis très sensible aux éléments que vous m'avez fait
connaître concernant la sécurité publique et le pouvoir des maires, mais je
pense que les informations que je vous ai communiquées sont de nature à vous
rassurer.
M. le président.
Il y a aussi Azincourt dans le département de la Somme...
M. Marcel Deneux.
Et Crécy, monsieur le président !
M. le président.
... mais là, heureusement, il n'y a plus de flèches !
(Sourires.)
M. Marcel Deneux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux.
Monsieur le ministre, votre réponse ne me satisfait qu'à moitié en raison des
délais que vous avez évoqués. Vous nous dites que tout sera réalisé en
décembre. J'en accepte l'augure, mais les éléments recueillis sur place me
laissent supposer que nous allons subir encore longtemps une situation qui est
véritablement éprouvante : des centaines de kilos d'explosifs sont stockées
dans des conditions qui ne sont pas raisonnables ; de surcroît, cela pose des
problèmes financiers aux communes.
Permettez-moi d'espérer, monsieur le ministre, qu'une solution rapide sera
trouvée !
M. le président.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons
interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE
DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président. La séance est reprise.
5
SCRUTINS POUR L'ÉLECTION DE JUGES
À LA HAUTE COUR DE JUSTICE
M. le président.
L'ordre du jour appelle les scrutins pour l'élection de douze juges titulaires
et de six juges suppléants à la Haute Cour de justice.
Ces scrutins auront lieu dans la salle des conférences, où des bulletins de
vote sont à la disposition de nos collègues.
Pour être valables, ces bulletins de vote ne doivent pas comporter plus de
douze noms pour l'élection des juges titulaires et plus de six noms pour
l'élection des juges suppléants.
Je rappelle que la majorité absolue des suffrages exprimés est requise pour
ces élections.
Les juges titulaires et les juges suppléants nouvellement élus seront
immédiatement appelés à prêter serment devant le Sénat.
Je prie M. Jacques Machet, secrétaire du Sénat, de bien vouloir superviser les
opérations de vote.
Il va être procédé au tirage au sort de quatre scrutateurs titulaires et de
deux scrutateurs suppléants qui opéreront le dépouillement du scrutin.
(Le tirage au sort a lieu.)
M. le président.
Le sort a désigné :
Scrutateurs titulaires : MM. Xavier Darcos, Jean Huchon, Jean-François
Picheral et Louis Boyer.
Scrutateurs suppléants : MM. Charles Ceccaldi-Raynaud et Michel Bécot.
Les scrutins pour l'élection de douze juges titulaires et de six juges
suppléants à la Haute Cour de justice sont ouverts.
Ils seront clos dans une heure.
6
SCRUTIN POUR L'ÉLECTION DE JUGES
À LA COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE
M. le président.
L'ordre du jour appelle le scrutin pour l'élection de six juges titulaires à
la Cour de justice de la République et de leurs six juges suppléants.
Je rappelle que la majorité absolue des suffrages exprimés est requise pour
être élu.
Le scrutin aura lieu dans la salle des conférences, où des bulletins de vote
sont à la disposition de nos collègues.
Pour être valables, les bulletins ne peuvent comporter plus de six noms pour
les juges titulaires et de six noms pour les suppléants, le nom de chaque
titulaire devant être obligatoirement assorti du nom de son suppléant.
En conséquence, la radiation de l'un ou des deux noms, soit celui du
titulaire, soit celui du suppléant, entraîne la nullité du vote pour
l'autre.
Les juges titulaires et les juges suppléants nouvellement élus seront
immédiatement appelés à prêter serment devant le Sénat.
Je prie M. Jacques Machet, secrétaire du Sénat, de bien vouloir superviser les
opérations de vote.
Il va être procédé au tirage au sort de deux scrutateurs titulaires et d'un
scrutateur suppléant qui opéreront le dépouillement du scrutin.
(Le tirage au sort a lieu.)
M. le président.
Le sort a désigné :
Scrutateurs titulaires : MM. Pierre-Yvon Trémel et Jean-Louis Lorrain.
Scrutateur suppléant : M. Daniel Eckenspieller.
Le scrutin pour l'élection de six juges titulaires à la Cour de justice de la
République et de leurs six juges suppléants est ouvert.
Pour faciliter les opérations de vote, le Sénat va suspendre ses travaux
quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures
trente-cinq.)
M. le président.
La séance est reprise.
7
CUMUL DES MANDATS
Discussion d'un projet de loi organique
et d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion :
- du projet de loi organique (n° 463, 1997-1998), adopté par l'Assemblée
nationale, relatif à la limitation du cumul des mandats électoraux et des
fonctions et à leurs conditions d'exercice. (Scrutin public ordinaire de droit
sur l'ensemble.)
- du projet de loi (n° 464, 1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale,
relatif à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à
leurs conditions d'exercice. (Rapport n° 29 [1998-1999])
La conférence des présidents a décidé qu'il seraitprocédé à une discussion
générale commune de ces deuxtextes.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je viens à l'instant
d'aller rendre hommage aux fonctionnaires de la police judiciaire de Paris.
En effet, la brigade des stupéfiants vient de réaliser une prise très
importante en matière de trafic de drogue puisque six trafiquants ont été
arrêtés, 184 kilos de cocaïne et quantité d'armes saisis.
(Applaudissements
sur l'ensemble des travées.)
M. le président.
Monsieur le ministre, comme il vient d'en témoigner par ces applaudissements,
le Sénat s'associe aux félicitations que vous avez adressées aux forces de
police françaises, qui, une fois de plus, ont accompli consciencieusement leur
mission.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, lors de sa
déclaration de politique générale, le 19 juin 1997, le Premier ministre
mentionnait la volonté du Gouvernement d'élaborer un nouveau dispositif
limitant le cumul de mandats et fonctions. Le projet de loi dont vous êtes
saisis aujourd'hui reprend cet objectif.
Nos concitoyens souhaitent en effet que leurs élus se consacrent pleinement à
leurs mandats. Deux préoccupations se rejoignent ici : celle d'assurer un
meilleur fonctionnement de notre vie publique et celle de favoriser l'émergence
de nouvelles générations. L'arrivée aux responsabilités politiques de nouveaux
élus - et je pense tout particulièrement aux femmes - doit être encouragée. La
limitation du cumul des mandats est un des moyens de cette évolution.
En matière de cumul des mandats, la France, on le sait, fait exception parmi
les grandes démocraties européennes. Faut-il y voir un appétit particulier de
pouvoir parmi nos élites politiques ? Je ne crois pas que le tempérament
français pousse plus qu'un autre à la concentration des pouvoirs. Je crois
plutôt que le cumul s'est enraciné, au cours de notre histoire, comme une
antidote à la centralisation. La source du pouvoir local est depuis longtemps,
dans notre pays jacobin, la capacité d'intervenir auprès des administrations
centrales pour décrocher financements et faveurs. C'est le principal argument
des maires à la recherche d'un mandat parlementaire.
Il faut prendre acte des changements intervenus depuis la décentralisation.
Les pouvoirs locaux y ont gagné une nouvelle légitimité et de plus grandes
responsabilités. L'exercice simultané de plusieurs mandats est devenu souvent
hors de portée depuis la décentralisation. Il risque, dans les faits, de
transférer les pouvoirs effectifs des élus vers des fonctionnaires. Ce n'est
pas ce que souhaitent les Français.
Bien entendu, la réforme du cumul doit s'inscrire dans cette réalité
historique et administrative. Elle ne doit pas la nier. La manière dont s'est
constituée la nation n'est pas sans lien avec le sentiment diffus d'une
continuité des mandats, du local au régional et au national, du conseil
municipal au conseil général puis au Parlement. Il ne s'agit pas de briser ce
lien, mais d'en gommer les tendances les plus excessives à la concentration des
pouvoirs.
Je vous rappelle que le Premier ministre a consulté les responsables des
principales formations politiques, et a recueilli leur sentiment à propos des
limitations de cumuls, et que M. Chevènement s'est également entretenu avec les
responsables des associations d'élus, l'association des maires de France,
l'association des présidents de conseils généraux, l'association des présidents
de conseils régionaux.
Bien entendu, des divergences se sont exprimées, mais je crois que le souhait
de rechercher une nouvelle règle est apparu légitime.
La limitation du cumul des mandats que propose le Gouvernement n'est nullement
dogmatique. Il s'agit de définir des objectifs qui peuvent être atteints.
La loi de 1985 a déjà limité à deux mandats le cumul possible. C'était une
avancée considérable. Mais d'importantes lacunes subsistent. Ainsi, les maires
des villes de moins de 20 000 habitants ne sont pas concernés. Les
parlementaires peuvent toujours diriger des exécutifs locaux importants. Les
fonctions de représentants au Parlement européen ne peuvent se cumuler avec
celles de parlementaire français. Il convient donc en premier lieu de traiter
ces situations.
Je voudrais vous présenter succinctement les différentes dispositions
envisagées.
Le projet de loi organique traite en premier lieu des limitations de cumul
applicables aux députés et aux sénateurs.
L'article L.O. 297 du code électoral indique que les incompatibilités
opposables aux sénateurs sont celles qui sont opposables aux députés. C'est
donc le même régime qui prévaudra.
Une loi organique était doublement nécessaire : parce qu'il s'agit du statut
des parlementaires et parce que ce régime vaudra pour les territoires
d'outre-mer dont les dispositions institutionnelles revêtent un caractère
organique, en vertu de l'article 74 de la Constitution.
Tout d'abord, le mandat de représentant au Parlement européen ne pourra plus
être cumulé avec celui de député ou de sénateur. Le régime des sessions du
Parlement européen, l'éloignement du siège du Parlement à Strasbourg ou des
lieux de travail à Bruxelles rendent particulièrement difficile l'exercice
simultané des mandats de parlementaire national et de représentant au Parlement
européen. Ce point a fait l'unanimité des personnalités consultées. Je me
réjouis de constater l'accord sur ce point de votre rapporteur et de votre
commission des lois.
Certes, l'article 5 de l'Acte européen du 20 septembre 1976 organisant les
élections au Parlement européen indique que le mandat de représentant au
Parlement européen est compatible avec celui de parlementaire national.
Toutefois, cette disposition - qui valide un point de vue de l'Union - ne fait
pas obstacle à ce que les Etats membres édictent pour leur compte des règles de
non-cumul. Cinq pays l'ont fait, postérieurement à l'Acte de 1976, sans que
jamais une procédure en manquement ait été introduite. C'est ce qui a conduit
le Gouvernement a retenir cette première règle.
Ensuite, le mandat de député ou de sénateur deviendra incompatible avec les
fonctions de président d'un conseil régional, de président d'un conseil
général, de maire, de président du conseil exécutif de Corse, de président du
gouvernement de Polynésie française ou de président d'une assemblée de province
du territoire de Nouvelle-Calédonie.
Il s'agit par là d'éviter le cumul avec une fonction exécutive. Le critère
retenu est celui de chef d'un exécutif local. Il ne serait pas souhaitable, à
mes yeux, d'entrer dans une querelle de seuils autorisant le cumul avec un
mandat de maire de petite commune et l'interdisant pour les grandes. A quel
niveau fixer la barre ? Le Gouvernement a préféré s'en tenir au principe simple
et aisément compréhensible de la responsabilité d'un exécutif local.
Votre commission des lois et votre rapporteur, mesdames, messieurs les
sénateurs, ont émis un avis tout à fait différent, en souhaitant, toutefois,
que les parlementaires ne puissent exercer simultanément qu'une seule fonction
de responsable d'un exécutif local. Je ne nie pas que ce serait là un progrès,
mais le Gouvernement souhaite aller plus loin.
Distinguer clairement entre le mandat de parlementaire, d'une part, celui de
maire, de président de conseil général ou de conseil régional, d'autre part,
constitue sans nul doute une novation, mais celle-ci correspond au saut
qualitatif que nous devons faire.
Les fonctions parlementaires en seraient, à mes yeux, revivifiées et les
fonctions de chef d'un exécutif local, cessant d'être tenues parfois, et à
tort, pour un marchepied vers de plus hautes destinées, seraient
revalorisées.
M. Charles Pasqua.
Comment peut-on penser une chose pareille !
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
A
ces dispositions retenues par le projet de loi initial du Gouvernement,
l'Assemblée nationale a ajouté d'autres dispositions tendant à rendre
incompatibles avec le mandat de parlementaire la fonction de président d'un
établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et
différents mandats tels ceux de membre du conseil de la politique monétaire à
la Banque de France, de juge des tribunaux de commerce, de membre de la
Commission européenne ou du directoire de la Banque centrale européenne, de
membre du bureau d'une chambre consulaire ou d'une chambre d'agriculture, de
membre du conseil d'administration d'une société faisant publiquement appel à
l'épargne.
Beaucoup d'entre vous souhaitent par ailleurs qu'un statut de l'élu accompagne
la limitation des cumuls de mandats et de fonctions.
Je n'ignore pas la situation de certains élus, en particulier des maires, qui
souhaitent pouvoir exercer à temps plein leur mandat. Le cumul du mandat de
maire avec celui de parlementaire n'est pas fondamentalement lié à la question
du régime indemnitaire des maires. Il ne concerne d'ailleurs aujourd'hui que
500 cas sur 36 000.
Mais une évolution du régime indemnitaire des maires est souhaitable, car nous
savons tous que ces fonctions requièrent plus de temps, de disponibilité et de
formation.
Un effort indemnitaire, dans le cas où la réforme serait adoptée, serait de
nature à encourager le mouvement que nous appelons de nos voeux afin d'amener
aux responsabilités électives de nouvelles générations d'hommes et de femmes
qui disposeraient ainsi des moyens de mieux assumer leur mandat.
C'est pourquoi le ministre de l'intérieur a accueilli favorablement un
amendement parlementaire, lors de l'examen à l'Assemblée nationale, visant à
réévaluer les indemnités des maires et à permettre à un plus grand nombre
d'entre eux d'exercer leurs fonctions à temps plein.
D'une manière plus générale, on ne peut que souhaiter une évolution du statut
de l'élu, quant aux indemnités, à la formation, à la réinsertion
professionnelle à l'issue du mandat.
Mais la sagesse commande de distinguer clairement la limitation des cumuls de
cette évolution nécessaire. Ce sont deux questions différentes. Il serait
erroné de laisser croire à l'opinion qu'une limitation de l'exercice simultané
des mandats serait compensée par un statut de l'élu.
Un statut de l'élu est souhaitable. Mais n'allons pas au-delà de ce qu'a
proposé l'Assemblée nationale et ne mêlons pas cette réforme nécessaire à celle
du cumul des mandats.
La réforme qui vous est proposée prévoit, par ailleurs, qu'un parlementaire ne
pourra détenir plus de deux mandats. C'est dire qu'en plus de son mandat de
député ou de sénateur il pourra détenir un mandat de conseiller régional, de
conseiller général, de conseiller de Paris, de conseiller à l'Assemblée de
Corse ou de conseiller municipal.
Ainsi, le projet de loi répond à l'observation de votre rapporteur, M. Jacques
Larché, et de la commission des lois, qui craignent que le dispositif prévu par
le Gouvernement ne prive le Parlement de l'expérience acquise dans les
assemblées locales.
Il n'en sera rien dès lors que les députés et les sénateurs pourront être
conseiller municipal, conseiller général ou régional, vice-président d'un
département ou d'une région, adjoint au maire.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Ils
pourront continuer de participer activement aux assemblées locales,
départementales ou régionales, y exercer des responsabilités et demeurer au
contact des citoyens.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Absolument !
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Il
n'y aura de ce point de vue ni rupture, ni césure. La continuité de l'espace
politique français sera donc préservée, mais la direction de l'exécutif, qui
requiert un engagement constant, ne pourra plus être cumulée avec l'exercice
d'un mandat parlementaire, lui-même fort prenant.
La claire opposition de votre commission des lois à l'encontre de l'amendement
voté par les députés ramenant à dix-huit ans l'âge d'éligibilité à tous les
mandats, y compris à celui de sénateur, ne m'a pas échappé ! Mais, vous le
savez, nous sommes dans le domaine d'une loi organique concernant le Sénat, et
si l'Assemblée nationale peut légitimement exprimer son point de vue, rien ne
peut être modifié sur ce point sans votre accord. Le Gouvernement, croyez-le
bien, n'a pas perdu de vue cet aspect des choses.
En ce qui concerne le cumul, un régime transitoire souple est proposé. C'est
lors du prochain renouvellement de l'un quelconque des mandats les plaçant en
situation de cumul prohibé que les parlementaires concernés auront à se mettre
en règle avec le nouveau régime des incompatibilités. Ils seront autorisés à
poursuivre leur mandat jusqu'au prochain renouvellement. Et, progressivement, à
l'image de ce qui fut la règle en 1985, le nouveau système relatif aux
incompatibilités se mettra en place.
Lorsque nous serons en régime de croisière, les modalités selon lesquelles
chaque élu devra tirer les conséquences d'une situation d'incompatibilité
seront en partie modifiées par rapport à la loi de 1985.
Ainsi, à l'avenir, un parlementaire élu à une formation incompatible disposera
de trente jours pour choisir le mandat auquel il renonce. Passé ce délai, c'est
le mandat acquis le plus anciennement qui est réputé abandonné. Il s'agit de
marquer la volonté de mieux respecter le choix des électeurs. Auparavant, on
pouvait constater que souvent les nouveaux élus démissionnaient de leurs
nouvelles fonctions aussitôt après le scrutin, ce qui ne nous paraît pas
logique.
Mais, bien entendu, cette disposition ne s'applique que dans le seul cas où
l'élu concerné n'aurait pas opté pour le mandat de son choix dans le délai
imparti de trente jours.
Un projet de loi ordinaire concerne, en second lieu, les représentants au
Parlement européen, dont le statut ne relève pas de la loi organique, et les
élus non parlementaires.
S'agissant des représentants au Parlement européen, leur statut sera, du point
de vue des cumuls de mandats, identique à celui des parlementaires nationaux.
J'ai déjà exposé les raisons qui ont conduit le Gouvernement à interpréter en
ce sens les dispositions de l'Acte du 20 septembre 1976.
Vous ne serez donc pas surpris de constater que, dans le projet du
Gouvernement, les représentants au Parlement européen ne pourront plus exercer
simultanément les fonctions de président de conseil régional ou de conseil
général, de maire ou de président d'une instance exécutive outre-mer. Ils ne
pourront exercer qu'un seul mandat supplémentaire, à choisir parmi ceux de
conseiller régional, conseiller général, conseiller de Paris, conseiller à
l'assemblée de Corse ou conseiller municipal.
Le projet de loi ordinaire régit également les incompatibilités visant les
élus non parlementaires. La règle retenue fixe à deux mandats le cumul
autorisé.
Ainsi, un maire pourra être en même temps soit conseiller général, soit
conseiller régional. Il ne pourra cependant pas cumuler sa fonction de maire
avec la direction d'un autre exécutif élu au suffrage universel direct ; il ne
pourra donc pas présider un conseil régional ou un conseil général.
Les dispositions actuelles, vous le savez, interdisent déjà à un président de
conseil régional de présider un conseil général ; elles resteront évidemment en
vigueur. De surcroît, un président de conseil régional ne pourra simultanément
être maire d'une commune.
La même disposition s'appliquera à un président de conseil général.
Mais, bien entendu, dans l'esprit que j'ai rappelé au début de mon
intervention, le chef d'un exécutif local pourra exercer simultanément un
mandat de conseiller, d'adjoint ou de vice-président dans une autre assemblée
locale.
Là encore, le projet de loi n'a pas voulu entrer dans le mécanisme des seuils.
Rien n'est plus difficile à cerner qu'un seuil. C'est une boîte de Pandore.
Pourquoi instaurer un régime différent selon que la commune a 3 400 habitants
ou 3 600 habitants ? Nous croyons qu'il est plus sage de s'en tenir au
principe, c'est-à-dire à la notion de chef d'exécutif local, qui comporte
beaucoup moins d'inconvénients que l'instauration de seuils.
Le même système transitoire que celui qui est prévu par la loi organique est
adopté pour la loi ordinaire : les élus concernés par une incompatibilité à la
date de promulgation de la loi pourront continuer d'exercer leurs mandats
jusqu'au prochain renouvellement.
Le régime de croisière sera cependant plus strict : le maire, le président de
conseil général ou de conseil régional, ou le représentant au Parlement
européen qui, à l'avenir, serait élu à une fonction nouvelle le plaçant en
situation d'incompatibilité cesserait d'exercer son premier mandat. C'est la
dernière élection, l'expression la plus récente du suffrage universel, qui
l'emporterait.
Enfin, le dispositif sera applicable dans les territoires d'outre-mer et les
collectivités territoriales d'outre-mer à statut particulier, en assimilant à
des mandats et fonctions métropolitains certains des mandats et fonctions, de
nature exécutive, propres à ces territoires et collectivités, selon une formule
que vous connaissez, qui est celle de la loi organique du 30 décembre 1985.
Mesdames, messieurs les sénateurs, telle est, rapidement présentée, l'économie
des projets de loi portant limitation du cumul des mandats. Ils exposent, de la
part du Gouvernement, un point de vue net. Le Premier ministre a lui-même
souhaité un débat approfondi au Parlement.
Je suis sûr que le Sénat saura entendre les aspirations de nos concitoyens,
qui souhaitent une clarification des règles afin que leurs élus se consacrent
pleinement à leur mandat.
Le projet du Gouvernement n'est pas dogmatique. Il définit des règles
équilibrées et réalistes. Elles ne sont pas hors d'atteinte, même si elles
introduisent une novation dans notre vie politique. Il faut savoir bousculer
des habitudes et revenir sur des situations acquises. Ne redoutons pas ce
changement : il sera utile à la démocratie représentative.
En apportant ainsi la preuve de sa capacité à réformer la représentation
politique, le Parlement, j'en suis sûr, contribuera à rétablir la confiance des
citoyens dans leurs institutions.
(Applaudissements sur les travées
socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Mes chers collègues, je vous indique que le scrutin pour l'élection des juges
titulaires et des juges suppléants à la Haute Cour de justice et à la Cour de
justice de la République sera clos dans dix minutes. Que chacun prenne ses
dispositions pour accomplir son devoir d'électeur !
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Larché,
président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration
générale.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, notre Haute Assemblée est saisie de deux textes qui traduisent, avec
beaucoup d'exactitude, l'intention exprimée par M. le Premier ministre dans sa
déclaration de politique générale de procéder à ce qu'il appelle une limitation
du cumul des mandats.
L'un d'entre eux est un projet de loi organique, puisqu'il concerne les
membres du Parlement, députés et sénateurs ; l'autre est applicable aux élus
locaux, et uniquement à eux, et relève de l'ordre législatif ordinaire.
J'ai conscience que le rapport que je dois vous présenter au nom de la
commission des lois revêt une importance et peut-être une signification
particulières, et ce à plus d'un titre.
Nos travaux, nous dit-on, intéressent l'opinion publique, une opinion publique
qui, selon certains, attendrait de nous que nous nous rangions à ce que le
Gouvernement et la majorité de l'Assemblée nationale - et pour celle-ci au
moins en apparence - souhaiteraient nous voir adopter.
Ne peut-on d'ores et déjà s'interroger sur ce qu'en la matière souhaite
réellement l'opinion ?
Ne peut-on penser que ce problème de l'exercice par le même élu de plusieurs
mandats peut être réglementé sans pour autant que l'on en vienne à une
véritable atomisation de la vie publique, et cela quoi qu'en pensent certains
théoriciens de la chose constitutionnelle qui n'auront jamais, je crois,
participé effectivement au fonctionnement d'un modeste conseil municipal ? Ne
faut-il pas rappeler que l'exercice de plusieurs mandats s'accompagne très
normalement d'une réglementation stricte des rémunérations correspondantes,
réglementation que nous avons votée et décidée ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Grâce à la gauche !
M. Jacques Larché,
rapporteur.
Ces projets intéressent aussi, à la condition que l'on
veuille bien le reconnaître, notre Haute Assemblée, qui, sur l'un des deux
textes qui nous sont soumis, dispose d'un pouvoir de décision égal à celui de
l'Assemblée nationale, pouvoir qui lui est reconnu par la Constitution.
J'insiste sur ce point : il s'agit d'un pouvoir de co-décision, et non pas,
comme on voudrait le faire croire, d'une sorte de pouvoir de blocage. Car si
l'on se sert de ce terme pour qualifier ce que nous décidons, pourquoi ne pas
l'utiliser lorsque l'Assemblée nationale s'oppose à ce que nous proposons ?
(Bravo ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants,
du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Charles Pasqua.
Très bien ! Très logique !
M. Jacques Larché,
rapporteur.
Je note sur ce point qu'un premier secrétaire de parti qui
s'est illustré - ainsi d'ailleurs que l'un de ses collègues président de
commission -, et ce récemment, par un absentéisme remarqué a cru bon de faire
planer une sorte de menace sur le Sénat.
M. Charles Pasqua.
Des noms !
(Rires.)
M. Jacques Larché,
rapporteur.
Notre président l'a immédiatement relevé. Je n'insisterai
pas.
Je poserai simplement cette question : le Sénat est-il encore en droit d'avoir
une opinion différente de celle de l'Assemblée, ou bien suffit-il que le
représentant d'un parti s'exprime au nom de quelques milliers d'adhérents pour
imposer sa volonté à la représentation nationale ?
(Très bien ! et vifs applaudissements sur les mêmes travées.)
Ce débat intéresse enfin tous ceux - et nous en sommes - auxquels, dans
les divers mandats qu'ils exercent, nos concitoyens ont manifesté leur
confiance.
Ces considérations préliminaires suffiront, je l'espère, à vous faire
percevoir l'état d'esprit dans lequel votre commission a abordé ces deux
textes. Nous en avons conduit l'étude sans aucun préjugé.
M. René-Pierre Signé.
Ça !
M. Jacques Larché,
rapporteur.
Nous avons regretté toutefois que l'Assemblée nationale ait
cru devoir surcharger le texte du Gouvernement en s'éloignant de l'objectif
initial pour aboutir à un ensemble peu cohérent.
Pour ne pas déborder outre mesure le temps qui m'est imparti, je renverrai à
l'examen des amendements l'analyse de bon nombre des dispositions qui nous sont
soumises, dont la plupart vous paraîtront certainement d'une pertinence et
d'une utilité sujettes à caution.
On y trouve, je le note, une tentative très limitée de création d'un statut de
l'élu, pratiquement sous le seul aspect de la rémunération, qui serait bien
évidemment laissée à la charge des collectivités intéressées.
On se garde de traiter ce qui est sans doute le problème essentiel :
l'inégalité des citoyens. Or nous savons qu'il y a des catégories privilégiées
dans l'accès aux mandats électifs.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Très bien !
M. Jacques Larché,
rapporteur.
Ce problème devra être abordé dans son ensemble, à l'occasion
non pas de ce texte, mais de l'étude d'un véritable statut de l'élu.
(Très
bien ! sur les travées du RPR.)
Nous aurions pu aussi légitimement espérer que la situation des ministres
serait réglée par un projet de loi constitutionnelle, qui aurait pu mettre fin,
au niveau du Gouvernement, à l'application contestable, mais empreinte d'un
certain humour, des directives du Premier ministre.
(Sourires.)
Certains de nos collègues, et je les en remercie, ont déposé une proposition
de loi constitutionnelle. Nous l'étudierons très rapidement, en examinant la
procédure applicable à une telle proposition, qui débouche obligatoirement,
vous le savez - c'est la Constitution - sur un référendum.
M. Charles Pasqua.
Enfin un référendum !
(Rires.)
M. Jean-Claude Gaudin.
Mais pas celui que vous souhaitez !
M. Jacques Larché,
rapporteur.
J'en viens à l'essentiel : faut-il limiter le cumul des
mandats ?
M. René-Pierre Signé.
Oui !
M. Jacques Larché,
rapporteur.
Dans l'affirmative, dans quelle proportion ?
En 1985, un pas important avait été fait en ce sens. Tout le problème est de
savoir si nous devons aller au-delà.
La commission a estimé que oui. Elle vous propose donc de limiter à deux le
nombre de mandats susceptibles d'être exercés, et de rendre incompatibles,
entre autres, un mandat national et un mandat européen.
Notons au passage - et cela, dans mon esprit, a une valeur symbolique - que je
vous proposerai d'éliminer de notre vocabulaire le terme de « cumul », qui
comporte une certaine charge péjorative, pour vous demander d'examiner le
problème de la compatibilité ou de l'incompatibilité des mandats
(Très bien
! sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Nous sommes d'accord pour établir un système qui repose sur un principe simple
: aucun élu ne peut, en principe, détenir plus de deux mandats, et la détention
d'un mandat implique la possibilité d'exercer une fonction exécutive. Tel n'est
pas l'avis du Gouvernement et tel n'est pas le texte voté par l'Assemblée
nationale.
M. le ministre nous a dit les motifs de son avis, que je reprendrai en
substance. Ce faisant, je voudrais vous indiquer, mes chers collègues, pourquoi
la commission n'a pas été convaincue et pourquoi elle a pensé que, en éliminant
de notre paysage politique le député-maire et le sénateur-maire, on porterait
atteinte à un équilibre qui nous paraît devoir être maintenu.
Quels sont, en substance, les motifs de la proposition du Gouvernement,
acceptée par l'Assemblée nationale ?
Tout d'abord - et je reprends les termes qui ont été employés par M. le
ministre - le système français constituerait une exception. Ce n'est d'ailleurs
pas tout à fait exact, car les pays latins offrent des possibilités identiques.
Cependant, dans une certaine mesure, c'est vrai, il y a exception. Mais c'est
notre système tout entier qui est exceptionnel : des collectivités
territoriales, peut-être trop nombreuses, mais enracinées dans notre culture et
dans notre tradition, une décentralisation amorcée, mais sans cesse, nous le
savons, battue en brèche par le jeu combiné de la représentation du pouvoir
central et de l'accumulation de règlements nationaux, qui freine les
initiatives locales.
Croit-on sincèrement que l'on ferait progresser l'équilibre nécessaire de
notre territoire et le développement économique local si on laissait sans
contrepoids le responsable de la collectivité territoriale aux prises avec
cette tentation renouvelée du pouvoir central de récupérer en tout ou en partie
ce dont la loi a entendu le déposséder ?
Par ailleurs, l'exercice de plusieurs mandats serait une des causes, et même
la cause principale, de l'absentéisme parlementaire.
C'est là une idée fausse, complaisamment entretenue.
M. Alain Fournac.
Oh oui !
M. Jacques Larché,
rapporteur.
L'absentéisme en séance publique tient, nous le savons, à
l'exigence d'un débat parlementaire requérant, en principe, la présence en
séance de tous les députés et de tous les sénateurs sur n'importe quel
problème, à n'importe quel moment et dans le cadre d'une inflation législative
que nul n'a jamais pu ou n'a jamais voulu maîtriser.
Paradoxalement, cet absentéisme que l'on prétend combattre, ne va-t-on pas
l'accroître ? Ne va-t-on pas inciter le parlementaire qui, à tort ou à raison,
se sentirait menacer par un maire ou pas un président de conseil général à une
présence accrue sur le terrain ?
(Marques d'approbation sur les travées des
Républicains et Indépendants et du RPR.)
Le système proposé aboutirait enfin, nous dit-on, à une plus grande «
circulation » des citoyens investis de fonctions électives.
Nous retrouvons là l'expression bien connue de ceux qui pensent que toute vie,
qu'elle soit professionnelle, politique ou sociale, doit être soumise à une
réglementation plus contraignante pour parvenir à un résultat souhaitable, au
détriment des espaces de liberté auxquels aspirent nos concitoyens.
Il existe, dans le domaine qui nous préoccupe, un maître que nous respectons
tous : le suffrage universel, un maître qui n'hésite pas, lorsqu'il l'estime
souhaitable, à nous faire connaître sa volonté.
Sait-on qu'en 1995 il y a eu 38 % de maires nouveaux et, en 1997, 49,8 % de
nouveaux députés - ce qui est peu d'ailleurs par rapport au séisme de 1993 !
Et dans ce Sénat qui, selon certains, ne change jamais, on a compté 50 % de
sénateurs nouveaux lors du dernier renouvellement triennal !
M. Claude Estier.
Peut-être, mais il ne change pas de majorité !
M. Jacques Larché,
rapporteur.
Mais, cher ami, cher président Estier, si la majorité ne vous
convient pas, essayez de la changer !
M. Claude Estier.
C'est ce qu'on va s'efforcer de faire !
M. Jacques Larché,
rapporteur.
Jusqu'à présent, vous n'y avez pas réussi !
Mme Hélène Luc.
Il faut changer le mode de scrutin ! Cela aurait même dû être fait depuis
longtemps !
M. René-Pierre Signé.
Vous n'osez pas changer le mode d'élection !
M. le président.
Mes chers collègues, je vous en prie ! Seul M. le rapporteur a la parole.
M. Jacques Larché,
rapporteur.
J'en arrive, enfin, à ce qui me paraît essentiel : les
sénateurs ou les députés maires ou présidents d'une institution locale sont des
éléments fondamentaux de notre vie politique.
Par leur existence même, ils servent, et ils servent tous utilement, aussi
bien les régions, les communes, les départements que la nation, qui leur ont
accordé leur confiance.
A qui fera-t-on croire que Lille et le Sénat, que Lyon et l'Assemblée
nationale se porteraient mieux si Pierre Mauroy ou Raymond Barre n'étaient pas
présents parmi nous ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
S'ils étaient présents !
M. Jacques Larché,
rapporteur.
En réalité, la proposition qui nous est faite aboutit à un
bouleversement profond des assises de notre vie publique. Tout système
politique doit connaître un certain mécanisme de recrutement de son personnel
politique.
Nous en avons un, fondé sur l'expérience. Nos concitoyens ont une totale
liberté de choix et fondent leur décision sur l'enracinement et la connaissance
personnelle de ceux auxquels ils accordent leur confiance.
Si nous mettons fin à ce qui existe, nous verrons se profiler un autre système
et peut-être, en réalité, une autre République, dominée par l'omniprésence des
états-majors des partis, qui, dans notre pays, n'ont jamais bénéficié d'une
représentativité réelle, et, dans le droit-fil de cette omniprésence,
s'ensuivra l'adoption inéluctable d'une représentation proportionnelle
généralisée.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Quelle erreur !
M. Jacques Larché,
rapporteur.
Mais nous devons, en cet instant, mener notre réflexion
jusqu'à son terme.
Ceux que nous n'aurons pas convaincus ne manqueront pas de nous taxer de
corporatisme, de conservatisme systématique,...
M. René-Pierre Signé.
Eh oui !
M. Jacques Larché,
rapporteur.
... voire de « ringardise ».
M. René-Pierre Signé.
C'est malheureux, mais c'est ainsi !
M. Jacques Larché,
rapporteur.
Et nous savons bien pourtant que si, en d'autres temps, nous
n'avions pas su nous opposer à ce que l'on nous disait déjà être la volonté
nationale, les nationalisations auraient tourné à la spoliation, la liberté de
l'enseignement ne serait plus qu'un souvenir
(Applaudissements sur les
travées du RPR et des Républicains et Indépendants)...
M. René-Pierre Signé.
Et la loi Falloux !
M. Jacques Larché,
rapporteur.
... la Nouvelle-Calédonie...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il ne faut pas exagérer !
M. Jacques Larché,
rapporteur.
... n'aurait pu se voir offrir la chance que nous venons de
lui donner de demeurer dans l'ensemble français.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Et Ouvéa ? C'est grâce à vous ?
M. Jacques Larché,
rapporteur.
La position que nous vous proposons de prendre est simple et
claire. Nous avons examiné l'essentiel du texte du Gouvernement en éliminant
des propositions intéressantes mais qui n'avaient pas de rapport direct avec
lui.
C'est, en définitive, un équilibre français que votre commission vous propose
de maintenir. Pour ce faire, je vous demanderai de bien vouloir accepter les
amendements que je défendrai en son nom.
(Applaudissements sur les travées
des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 45 minutes ;
Groupe socialiste, 38 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 29 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 27 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
7 minutes.
Mes chers collègues, dix-sept orateurs étant inscrits dans la discussion
générale, je suis conduit à vous inviter à la concision, tout devant être dit,
bien entendu.
Dans la suite de la discussion générale commune, la parole est à M.
Plasait.
M. Bernard Plasait.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le tome
V de ses mémoires, Michel Debré a intitulé l'un de ses chapitres : « Un cumul
d'un quart de siècle ». Il a donc été pendant vingt-cinq ans député de la
Réunion, conseiller général et maire d'Amboise. Il parle longuement des
avantages qu'il a tirés de ce cumul et des effets réciproques, dans l'exercice
de sa fonction, du mandat de député et de ses deux mandats locaux dans la
métropole.
La situation qu'il décrit était loin d'être exceptionnelle. Surtout depuis la
IIIe République, la possession d'un mandat électif national se cumulait
traditionnellement avec plusieurs mandats locaux, soit qu'il s'agisse de
l'aboutissement d'un
cursus
, soit, au contraire, que la qualité de
député ou de sénateur entraîne l'attribution d'autres mandats électifs.
L'Histoire nous apprend que, tant pour les mandats nationaux que pour les
mandats locaux, le droit électoral français a longtemps témoigné d'une très
nette indifférence à l'égard des questions d'incompatibilité.
Je rappellerai d'ailleurs que, déjà sous la Révolution, Mirabeau et Boissy
d'Anglas souhaitaient, par exemple, que nul n'accédât à une place dans
l'organisation politique sans avoir précédemment exercé une fonction d'un ordre
inférieur.
Même à l'époque du suffrage censitaire, l'élection semblait avoir une portée
telle que l'exercice par un élu d'autres fonctions, électives ou non, ne
semblaient pas devoir être pris en considération. Cette attitude n'a pu qu'être
amplifiée à partir de 1848, c'est-à-dire que l'institution du suffrage
universel a renforcé la valeur quasi mythique de l'élection.
Pour les mandats nationaux et locaux, les cas d'inéligibilité et surtout
d'incompatibilité étaient réduits au minimum. La pratique des candidatures
multiples à la députation avait encore, dans les premières années de la IIIe
République, une valeur de symbole même si, dans ce cas, le cumul de plusieurs
mandats dans les assemblées législatives était impossible.
Le cumul du mandat de député ou de sénateur avec des fonctions publiques non
électives a encore été possible, pour certaines d'entre elles, jusque vers les
années vingt.
En revanche, en ce qui concerne les fonctions électives, si l'on excepte
l'interdiction de cumul des mandats de députés et de sénateurs, aucune
interdiction n'était formulée.
Le cumul fut donc licite, et à tous les degrés, jusque dans les années
quatre-vingt.
Je mentionnerai toutefois que, le 28 novembre 1902, la Chambre des députés
adopta une proposition de loi interdisant le cumul du mandat de député ou de
sénateur avec celui de conseiller de Paris, proposition que le Sénat, dans sa
sagesse, ne vota pas, ce dont je lui suis reconnaissant car il me permet
aujourd'hui de m'exprimer.
Cela étant, la situation a profondément changé avec les deux lois du 30
décembre 1985, l'une organique et l'autre ordinaire, qui réglementent le cumul
des mandats.
Et voilà que, fidèle à ses engagements électoraux du printemps de 1997, le
Gouvernement ouvre de nouveau le débat sur la limitation du cumul des mandats
électoraux et des fonctions par les deux textes dont nous entamons la
discussion.
Monsieur le ministre, la présentation de ces deux projets de loi a le mérite
de poursuivre au Parlement un débat récurrent dans l'opinion. Ces textes
comportent toutefois des solutions fort discutables et, plus encore, occultent
l'essentiel.
Mais je voudrais faire observer que, dans ce débat récurrent, le Gouvernement
cède aussi, pardonnez-moi, monsieur le ministre, à la démagogie.
Faut-il limiter les cumuls des mandats en allant plus loin que la loi actuelle
? Oui. La commission des lois nous propose de ramener la limite actuelle de
trois mandats à deux seulement, mais deux mandats exercés dans leur plénitude,
c'est-à-dire comportant éventuellement une fonction exécutive.
Faut-il aller dans le sens d'une certaine tendance antiparlementariste,
hostile aux cumulards, au point de risquer d'altérer l'efficacité de la
démocratie ?
Le vocabulaire n'est jamais innocent et l'utilisation du mot « cumulard »,
comme on dirait « chauffard », vise à discréditer par la consonnance
désobligeante du mot. Il suggère le cumul de prébendes ou d'avantages divers.
Je crois que le Gouvernement aurait été mieux inspiré en expliquant aux
Français que le cumul, c'est avant tout l'addition de tâches souvent ingrates
et souvent indispensables au bon service du citoyen.
Aura-t-on satisfait les Français, aura-t-on fait oeuvre utile lorsqu'on aura
réservé la fonction parlementaire à des spécialistes, belles têtes bien pleines
qui savent tout de la théorie, mais souvent rien de la pratique ?
Par ces deux textes, monsieur le ministre, vous ouvrez le débat, comme
d'ailleurs l'avaient fait vos prédécesseurs, et nous nous en félicitons.
Mais il y a débat et débat.
Vous avez choisi la voie du débat parlementaire, et nous nous en félicitons
également.
M. René-Pierre Signé.
On ne peut pas faire autrement.
M. Bernard Plasait.
Permettez-moi alors de m'étonner de découvrir, en lisant la presse du soir,
que le Gouvernement brandit la menace du recours au référendum.
M. René-Pierre Signé.
C'est le Président de la République qui décide.
M. Bernard Plasait.
Le Gouvernement aurait-il peur de sa propre majorité ? Il est vrai, ce n'est
un secret pour personne, que les députés socialistes n'ont approuvé le texte
que du bout des lèvres - du bout des doigts - avec sans doute le secret espoir
de voir le Sénat réintroduire plus de mesure et plus de sagesse.
M. Claude Estier.
C'est vous qui le dites !
M. Alain Gournac.
Et il le dit !
M. Bernard Plasait.
A n'en pas douter, le plus grand nombre se serait bien volontiers contenté de
quelques aménagements, dont nul d'ailleurs ne conteste la légitimité, à la
législation actuelle.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il fallait le faire !
M. Bernard Plasait.
Il faut d'abord constater que le législateur est appelé à intervenir dans un
domaine où une législation existe déjà, législation qui est issue de la même
majorité gouvernementale, certes singulière à l'époque car les communistes
avait déjà quitté l'exécutif.
Ces lois de 1985 ont fait l'objet d'un consensus assez général. Il est assez
vraisemblable que l'adoption de la loi du 2 mars 1982 sur la décentralisation
augmentant les compétences des autorités locales et principalement des
exécutifs locaux, le renforcement des structures des régions, notamment
l'élection des conseillers régionaux au suffrage universel depuis la loi du 10
juillet 1985 auront été des facteurs déterminants d'une nouvelle conception de
l'élu local par rapport à l'élu national.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ce n'est pas ce que vous disiez à l'époque !
M. Bernard Plasait.
Il est tout aussi indéniable que la situation de certains élus - celle, par
exemple, de tel sénateur-maire d'une grande ville qui était, avant la loi,
président de conseil général, conseiller régional et, de surcroît,
parlementaire européen - plaidait pour une limitation plus stricte du cumul des
mandats et des fonctions.
La loi organique du 30 décembre 1985 a donc établi un article L.O. 141 du code
électoral par lequel « le mandat de député est incompatible avec l'exercice de
plus d'un des mandats électoraux ou fonctions électives énumérés ci-après :
représentant à l'Assemblée des communautés européennes, conseiller régional,
conseiller général, conseiller de Paris, maire d'une commune de 20 000
habitants ou plus, autre que Paris, adjoint au maire d'une commune de 100 000
habitants ou plus, autre que Paris ». Conformément à l'article L.O. 297, la
même règle concerne les sénateurs.
En conséquence, à partir de la fin de la période transitoire, un député ou un
sénateur ne peut cumuler son mandat avec plus d'un des mandats ou d'une des
fonctions énumérées dans l'article L.O. 141.
Cela veut dire aussi qu'il peut encore cumuler ces deux mandats ou fonctions
avec celui ou celle de conseiller municipal quelle que soit l'importance de la
commune, de maire d'une commune de moins de 20 000 habitants ou d'adjoint au
maire d'une commune de moins de 100 000 habitants.
La loi ordinaire du 30 décembre 1985 est, quant à elle, venue compléter les
dispositions de la loi organique dans un domaine où le cumul faisait l'objet de
moins de critiques, celui des mandats locaux.
Bien entendu, le cumul avec une troisième fonction est possible dans les mêmes
conditions que pour les parlementaires. Ainsi, un député au Parlement européen
peut cumuler sa fonction avec celle de conseiller régional et celle de maire
d'une commune de moins de 20 000 habitants.
Dans le même esprit, un parlementaire national peut être président d'un
conseil régional ou général et maire d'une commune de moins de 20 000
habitants.
Etant donné certaines situations particulières et, plus encore, compte tenu de
ce qui constitue l'exception française au regard des Etats de l'Union
européenne et des Etats-Unis - où le cumul est soit interdit, soit très peu
pratiqué - le président de l'Assemblée nationale avait constitué en 1994 un
groupe de travail intitulé « Politique et argent ».
Ce groupe a abordé le problème du cumul des mandats et ses réflexions ont
abouti à l'élaboration de deux avants-projets de propositions de loi. Ces
textes correspondaient déjà à une aggravation du système, conduisant à une
interdiction du cumul du mandat parlementaire avec la fonction d'exécutif local
: président de conseil régional, président de conseil général, maire d'une
ville de 100 000 habitants et plus.
Bien que refusant la solution extrême qui consisterait à interdire purement et
simplement le cumul d'un mandat national avec un mandat local, le Gouvernement
va encore au-delà des propositions de 1994.
Il envisage en effet - c'est l'objet de l'article 2 du projet de loi organique
- de rendre incompatible l'exercice d'un mandat parlementaire avec une fonction
exécutive dans une collectivité territoriale, quelle qu'en soit la taille, ou
avec plus d'un mandat local. Suivant ce schéma, il serait, en particulier, mis
fin à la figure classique du sénateur-maire ou du député-maire. Sans reprendre
les arguments pertinents développés par notre éminent collègue le président
Jacques Larché dans son excellent rapport, je ferai trois observations à
l'encontre de cette disposition.
J'observerai, en premier lieu, que les Français, lorsqu'on les interroge,
désapprouvent certes, dans leur très grande majorité, le principe du cumul des
mandats ; en 1985, déjà, trois Français sur quatre s'y déclaraient hostiles.
Cependant, les électeurs favorisent, par leur vote, la pratique du cumul. Comme
l'écrivait, en 1991, le professeur Albert Mabileau : « c'est en fin de compte
l'électeur qui, pour une grande part, est responsable du cumul, lui qui, par
son comportement, affirme la légitimité démocratique d'un mécanisme de
capitalisation des mandats qui participe effectivement très largement à la
structuration du système politique ».
En deuxième lieu, on ne saurait passer sous silence les sérieux avantages
fonctionnels que présente le cumul, celui-ci conférant à l'exercice des mandats
un maximum d'efficacité. Il offre d'abord aux élus nationaux la possibilité de
garder le contact avec les réalités quotidiennes auxquelles sont confrontés les
citoyens, en même temps que ces élus traitent des grands problèmes du pays au
nom de l'intérêt général.
L'intérêt porté à la gestion de proximité n'a sans doute jamais été aussi
prononcé que dans la société actuelle. C'est exactement le sens des propos du
président de la République, qui déclarait le 20 novembre 1997, devant
l'association des maires de France, qu'« il est essentiel que celles et ceux
qui ont la lourde responsabilité d'élaborer la loi ne soient pas coupés des
réalités du terrain, et que nos députés et nos sénateurs restent à l'écoute de
la France ».
M. Jean-Guy Branger.
Très bien !
M. Bernard Plasait.
Par ailleurs, leur position ambivalente permet aux élus en situation de cumul
d'être à la fois les interlocuteurs privilégiés des administrations locales et
nationales et d'assurer entre ces deux échelons une communication directe, sans
devoir recourir à des relais politiques ou à des intermédiaires
administratifs.
Enfin, en troisième lieu, à l'encontre de ces avantages, les opposants au
cumul n'ont de cesse d'en souligner les inconvénients fonctionnels : manque de
disponibilité de l'élu cumulant, incapable, malgré son professionnalisme, de
faire face à la totalité de ses innombrables obligations, désertant, s'il est
parlementaire, les bancs du Palais du Luxembourg ou du Palais-Bourbon pour
jouer, selon l'expression désormais consacrée de Pierre Mazeaud, les «
assistantes sociales » dans sa circonscription.
Il néglige ainsi sa fonction essentielle de représentant de la nation pour
tenir son rôle local de médiateur entre ses électeurs et les institutions ou
bien il compromet, au contraire, sa réélection, s'il se consacre à sa fonction
parlementaire en délaissant le terrain local. Cruel dilemme que d'éminents
sénateurs, certes bien organisés, législateurs à Paris, présidents dans leur
département, ont depuis longtemps dépassé.
Concernant l'absentéisme des parlementaires, on a dit tout et son contraire,
ou presque. Imaginons simplement ce que seraient les débats d'une assemblée
législative dont tous les membres seraient en permanence présents ! La
technicité de nos travaux et la complexité des textes rendent indispensable la
spécialisation dans tel ou tel domaine. Je crois que, sur ce point, un effort
de pédagogie envers nos concitoyens s'impose.
Cela étant, entre le
statu quo
qui consisterait à ne rien changer et
les solutions extrêmes qui tendraient soit à consacrer le principe « un homme,
un mandat », soit, comme le font les projets du Gouvernement, à établir des
incompatibilités excessives, le groupe des Républicains et Indépendants
soutiendra sans réserve les propositions équilibrées de la commission des
lois.
Cependant, je regrette vivement que ces deux projets, qui vont trop loin dans
les incompatibilités, occultent l'essentiel. En un mot, le Gouvernement « met
la charrue avant les boeufs ».
Oui, monsieur le ministre,
quid
des membres du Gouvernement ? Et plus
encore, qu'en est-il du statut de l'élu ?
En ce qui concerne les ministres, bien sûr, nous connaissons la réponse. Voici
celle de M. Chevènement, rapportée le 23 avril dernier par
Paris Match :
« La jurisprudence instaurée par le gouvernement Jospin suffit. » Ah bon ?
Nouvelle source du droit, sans doute...
La Constitution de la Ve République a introduit en France l'incompatibilité
entre les fonctions ministérielles et le mandat parlementaire.
Le premier alinéa de l'article 23 de la Constitution dispose ainsi que « les
fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l'exercice de tout
mandat parlementaire, de toute fonction de représentation professionnelle à
caractère national et de tout emploi public ou de toute autre activité
professionnelle ». Selon le deuxième alinéa du même article, « une loi
organique fixe les conditions dans lesquelles il est pourvu au remplacement des
titulaires de tels mandats, fonctions ou emplois ».
Comme l'indique le doyen Georges Vedel dans le rapport du comité consultatif
pour la révision de la Constitution du 15 février 1993, ce système a, de l'avis
général, mal fonctionné : d'abord, parce qu'un ministre qui quitte le
Gouvernement peut très légitimement vouloir retrouver un rôle politique ;
ensuite, parce que le cumul avec les mandats locaux n'est en aucune façon
réglementé.
En effet, comme l'a très justement souligné, lors des débats de la commission
des lois, notre excellent collègue Daniel Hoeffel, se pose le problème des
relations entre le ministre et son suppléant. La situation actuelle, marquée
notamment par l'organisation d'élections partielles lorsque les ministres
quittent le Gouvernement, n'est pas satisfaisante.
A cet égard, monsieur le ministre, je souhaiterais savoir quelles solutions le
Gouvernement envisage pour remédier à cette situation, source de confusion pour
les électeurs, onéreuse pour les finances publiques.
Quant aux autres mandats électifs, ils sont, à l'exception de celui de député
européen, compatibles en France avec l'exercice d'une fonction ministérielle,
alors que, dans la plupart des autres pays européens - Allemagne, Belgique,
Danemark, Espagne, Italie, Pays-Bas, Portugal et Royaume-Uni - la situation
inverse prévaut.
Avec la France, l'Irlande est le seul pays à ne pas restreindre l'exercice,
par un ministre, d'un mandat électif local, ce qui a conduit le rapport Vedel à
suggérer de modifier la Constitution pour y inscrire de nouvelles
incompatibilités.
C'est la raison pour laquelle, dans le souci de respecter la hiérarchie des
normes et de ne pas transformer la loi fondamentale en un inventaire à la
Prévert, j'ai déposé, avec plusieurs de nos collègues, deux propositions de
loi.
L'une, de nature constitutionnelle, tend à compléter le premier alinéa de
l'article 23 de la Constitution en inscrivant que « les autres incompatibilités
seront fixées par une loi organique ».
L'autre, de nature organique, vise à renforcer la limitation du cumul des
fonctions exécutives locales et nationales, étant entendu qu'un ministre, comme
du reste un parlementaire, doit pouvoir, me semble-t-il, conserver un lien avec
les réalités quotidiennes à travers l'exercice d'un mandat local.
En outre, le fait de ne prévoir aucune disposition particulière concernant les
ministres accrédite l'idée selon laquelle la pratique suffit à régler le
problème. Dès lors, le même raisonnement peut s'appliquer à tous les élus visés
par les deux présents projets de loi et rendre ainsi ces derniers sans
objet.
Une conclusion s'impose : la meilleure garantie contre le cumul excessif des
mandats reste encore le suffrage universel. A l'électeur de décider.
Dans le même esprit, le Gouvernement propose de renforcer la limitation du
cumul des mandats électoraux et des fonctions électives avant même d'avoir
établi un véritable statut de l'élu. C'est aller, je crois, bien vite en
besogne.
Nos collègues députés ne s'y sont d'ailleurs pas trompés, qui ont profité de
l'occasion de ces deux textes pour ouvrir cinq autres débats, certes très
importants, mais périphériques par rapport aux projets initiaux :
incompatibilités avec diverses activités, âge d'éligibilité, statut de l'élu
local, fonctionnement des assemblées parlementaires et même participation des
parlementaires à la vie administrative de leur département.
Il va sans dire que ces sujets de première importance, qui dépassent les
simples considérations matérielles et financières, nécessitent une longue et
profonde réflexion que, je n'en doute pas, le Sénat aura à coeur de
conduire.
Enfin, je regrette que, en présentant ces textes, le Gouvernement n'ait pas
évité deux écueils.
Le premier écueil consiste à estimer que le cumul des mandats est un problème
que l'on peut traiter en soi, de manière isolée, sans considérer qu'il s'insère
dans un ensemble comprenant tout à la fois le monde politique, l'appareil
administratif et la société civile.
On ne peut, en cette matière, copier telle ou telle législation étrangère, car
mentalités et comportements diffèrent d'un pays à l'autre.
Pour répondre à la question : « Quelle est la meilleure législation relative
au cumul des mandats ? », on serait tenté de faire appel à l'autorité du sage
Solon, qui aurait certainement répondu : « Dites-moi d'abord pour quel peuple,
et à quelle époque. »
Le second écueil consiste à estimer qu'en France les moeurs politiques
seraient fondamentalement modifiées par la législation et qu'une bonne loi,
c'est-à-dire une loi sévère, suffirait à régler définitivement l'ensemble du
problème.
L'exemple le plus frappant est celui de l'incompatibilité entre mandat
parlementaire et fonction ministérielle, que j'ai déjà évoquée. Nous savons
que,
de jure,
la loi est respectée. Mais nous savons aussi que,
de
facto,
cette espèce de cumul existe toujours. Ce rappel incite donc à la
prudence.
En conclusion, un cumul réglementé des mandats électifs, national et local,
pragmatique et non dogmatique, comme nous le propose, dans sa sagesse, notre
commission des lois, permet de suivre l'excellent conseil de Clausewitz selon
lequel « l'investigation et l'observation, la philosophie et l'expérience ne
doivent jamais se mépriser ni s'exclure mutuellement : elles sont garantes
l'une de l'autre ».
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, de l'Union centriste et du RPR, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Un ancien président de conseil général !
M. Paul Girod.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'un d'entre
nous vient de me saluer du titre d'ancien président de conseil général. Eh
bien, c'est un titre que je revendique !
Je le revendique parce qu'il me renvoie à une période de ma vie pendant
laquelle j'ai été amené à me dévouer, autant que je l'ai pu, au service de mes
concitoyens. Même si le corps électoral, à sept voix près, ne m'a pas reconduit
lors du dernier renouvellement, j'ai la faiblesse de croire que mon action dans
ces fonctions n'a pas été totalement inefficace.
Monsieur le ministre, les propos que je vais tenir ne vous plairont sans doute
guère, mais je crois qu'il est de mon devoir de les énoncer à cette tribune.
Il y a, dans ce débat, une part de non-dit qui me gêne beaucoup, car elle
consiste à opposer insidieusement l'élu au peuple. Or, à mes yeux, dans une
démocratie, c'est quelque chose que l'on n'a absolument pas le droit de faire.
D'ailleurs, la Constitution de 1958 indique expressément que « la souveraineté
appartient au peuple, qui l'exerce par ses représentants. »
Dès lors, il ne me paraît pas de bonne manière pour un gouvernement, pour un
parti ou pour quiconque d'essayer de détacher les seconds du premier.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Dans cette affaire, j'ai un peu peur qu'on ne tombe, pour des raisons de
facilité tactique ou de mode, dans ce piège.
M. René-Pierre Signé.
Pas du tout !
M. Paul Girod.
Il ne me semble pas qu'en la matière, on doive légiférer au niveau de ce que
j'appellerai le résumé, pour ne pas dire le slogan. Si certains problèmes sont
réels, je ne suis toutefois pas sûr qu'ils soient appréhendés au bon
endroit.
Le vrai problème, je l'ai vécu à un échelon extrêmement modeste, lorsque
j'étais vice-président d'une région, chargé des affaires économiques, tout en
étant président du comité d'expansion de mon propre département, chargé des
mêmes sujets, pour une fraction de cette région donc.
Lorsque je voyais arriver un dossier à l'origine parfois incertaine, je me
trouvais au fond de moi-même déchiré, faute de savoir dans quelle direction il
était de mon devoir d'orienter le dossier ; j'étais partagé entre une double
tentation : celle de l'objectivité régionale et celle de la responsabilité
départementale.
Ce n'est pas au niveau de la fonction exécutive de président de conseil
général que j'ai occupée par la suite à l'exclusion de toute autre - que ce
problème s'est trouvé posé, mais dans la confusion dans la même personne de
deux devoirs contradictoires.
Je pense donc qu'il aurait été plus judicieux de soumettre à nos concitoyens
le problème différemment. En effet, de deux choses l'une : ou bien l'élu qui
vit ce genre de situation est une personne scrupuleuse et honnête - et c'est ce
qui arrive dans 99,9 % des cas - et elle connaît alors un déchirement qui la
gêne dans ses prises de décision ; ou bien - et c'est le cas du 0,1 % restant -
elle l'est moins et elle est tentée de privilégier sa carrière.
A mon sens, il aurait été plus honnête de dire que c'est à ce niveau-là -
celui des confusions ou des conflits de devoirs vécus par une même personne -
que se situe le problème.
Etre législateur, cela signifie concourir, pour un huit-centième de
l'expression législative - et seulement législative - à la vie nationale, à une
oeuvre collective, par des avis et des votes.
Etre responsable d'un exécutif, c'est prendre des décisions, que ce soit au
niveau ministériel, régional, départemental ou municipal.
Et je crois que nous aurions tout intérêt à nous efforcer de mettre un terme à
cette confusion-là. Trop pratiquée dans le passé, sous tous les gouvernements,
par trop de responsables, elle est encore aujourd'hui trop pratiquée dans nos
régions par ceux qui sont à la fois président d'un exécutif régional ou
départemental et maire d'une ville importante de leur aire d'action. Il y a là,
me semble-t-il, un vrai problème.
Quant au mandat, c'est autre chose.
Le mandat, c'est l'apport à une réflexion collective. Or pourquoi priver cette
réflexion collective de l'expérience de ceux qui, sur place, dans le détail et
dans la totalité, savent ce qu'est la vie de nos collectivités territoriales
?
Je perçois là une erreur de méthode, et je déplore que l'ambiance médiatique
qui entoure ce débat amène à déplacer le problème, sapant ainsi, sans même en
avoir conscience, une partie de la solidarité élémentaire nécessaire entre les
élus et notre peuple.
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE
DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye.
Monsieur le ministre, poursuivant la logique du propos de mon ami Paul Girod,
je tiens à attirer votre attention sur un point auquel je sais que le
républicain que vous êtes est sensible, de même d'ailleurs que Jean-Pierre
Chevènement, avec lequel nous nous en étions entretenus : les futures échéances
municipales de 2001 n'échapperont pas aux risques de démagogie, de populisme et
d'extrémisme. Aussi, je crois qu'il est aujourd'hui de notre intérêt, aux uns
et aux autres, de réfléchir sur ce qui nous permettrait de répondre à une
attente de nos concitoyens en restaurant la crédibilité du politique.
Or je ne crois pas que nous atteindrons cet objectif en méprisant nos
institutions et en les divisant en deux catégories : les bonnes, celles qui
votent dans le sens souhaité ; les mauvaises, celles qui s'opposent.
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste, ainsi que
sur certaines travées du RDSE.)
Il convient au contraire de redonner tout son lustre au débat politique, qui
fait défaut à notre pays au moment même où la population française s'interroge
sur son devenir. Je ne crois pas qu'il faille accentuer cette dérive de notre
démocratie en s'appuyant sur les médias plus que sur les convictions, sur les
émotions plus que sur les idées.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Jean Chérioux.
Tout à fait !
M. Jean-Paul Delevoye.
Par ailleurs, comme vous l'avez souvent indiqué, et je suis tout à fait de cet
avis, on ne peut pas à la fois afficher des principes et refuser de se les
appliquer à soi-même, car le peuple a ce bon sens qui lui permet de détecter
immédiatement les attitudes hypocrites.
Comment qualifier l'attitude qui consiste, après avoir affirmé qu'un ministre
doit être ministre à plein temps et, donc, ne plus exercer de mandat local - et
je soutenais cette position - à oser mettre en place un maire potiche, tandis
que le ministre, dorénavant adjoint, conserve en réalité les pleins pouvoirs
municipaux ?
MM. Alain Gournac et Paul Masson.
Très bien !
M. Jean-Paul Delevoye.
L'association des maires de France, qui s'est interrogée sur ce sujet avec une
liberté d'appréciation d'autant plus grande que les lectures des uns et des
autres étaient très différentes, a dégagé quelques points de convergence
forts.
C'est ainsi que la fonction ministérielle doit être strictement incompatible
avec tout autre mandat. Je pense qu'il aurait d'ailleurs fallu aller plus loin,
en indiquant que le ministre doit être seulement et entièrement ministre.
M. Jacques Peyrat.
Absolument !
M. Jean-Paul Delevoye.
En revanche, il serait bon d'envisager une révision constitutionnelle pour
permettre à l'ancien ministre de revenir enrichir le Parlement de son
expérience ministérielle, ce qui n'est pas prévu aujourd'hui.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Paul Masson.
Absolument !
M. Jean-Paul Delevoye.
En outre, l'examen d'une loi doit être effectué dans un esprit prospectif. A
cet égard, nous sommes convaincus que ces textes sont sous-tendus par toute une
série d'arguments destinés à promouvoir le slogan : « Un homme, un mandat ». Je
partage totalement à l'analyse de M. le président Jacques Larché : « Un homme,
un mandat », tel est bien l'objectif sous-jacent au débat : l'Assemblée
nationale n'a-t-elle pas voté toute une série d'incompatibilités avec
l'exercice d'activités privées ou consulaires ? Il est clair qu'il s'agissait
de mettre en évidence le conflit d'intérêts personnels, pour éviter qu'un
parlementaire ne soit porteur d'intérêts catégoriels.
« Un homme, un mandat », non seulement cela signifie un seul mandat, mais cela
anticipe la modification du mode de scrutin. Avec l'application de ce slogan,
c'est évidemment l'émergence de la logique des partis, au prix de la
déstructuration de notre esprit national.
M. Alain Gournac.
Absolument !
M. Jean-Paul Delevoye.
Cette évolution serait, à mon sens, préjudiciable à notre nation.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Jean-Paul Delevoye.
Vous avez évoqué, monsieur le ministre, trois arguments : une exception
française, un risque de transfert de pouvoirs sur les fonctionnaires et la
volonté d'éviter la concentration des pouvoirs. Si je partage votre analyse,
j'arrive toutefois à des conclusions diamètralement opposées.
Il y a effectivement une exception française. Pourquoi ?
D'abord parce que je crois que, contrairement à ce qui se passe dans la
majorité des pays européens, l'origine de la pratique du cumul est à rechercher
en France plus dans le mode de fonctionnement des partis politiques que dans la
loi.
Ensuite, parce que nous ne sommes pas dans un Etat fédéral. Si nous étions en
Allemagne, par exemple, on pourrait parfaitement concevoir qu'une autonomie
fiscale, une autonomie de pouvoirs et une autonomie de compétences entraînent
de facto
une césure entre un pouvoir local et un pouvoir national. Mais
nous sommes dans un Etat contractuel, et la décentralisation, que voulait
Gaston Defferre, consistait à promouvoir un partenariat effectif entre l'Etat
et les collectivités locales. A l'évidence, ce partenariat renforce le fait que
quelqu'un puisse à la fois siéger au Parlement et assumer des responsabilités
locales. A moins - mais loin de moi l'idée de vous prêter une telle
arrière-pensée ! - que vous ne cherchiez actuellement à revenir à la
centralisation...
M. Paul Masson.
Tiens, tiens !
M. Jean-Paul Delevoye.
Un certain nombre de convergences autorisent cette interrogation.
Devant le congrès de l'APCG, vous vous êtes défendu d'avoir, en plaçant, dans
la loi de finances, une grande partie de la taxe professionnelle sous dotation
à échéance de cinq ans, procédé à une quelconque recentralisation des moyens.
Je persiste pourtant à y voir le retour d'une tutelle financière de l'Etat sur
les collectivités locales.
M. Alain Gournac.
Nous aussi !
M. Paul Masson.
C'est évident !
M. Jean-Paul Delevoye.
Non content de nous faire subir actuellement une tutelle normative, veut-on
inventer demain une tutelle politique et essayer de casser la représentation de
tout ce qui comporte un caractère local ici, au sein des assemblées ?
En outre, je relève une contradiction entre les propos du rapporteur à
l'Assemblée nationale, M. Bernard Roman, et votre analyse.
A en croire M. Roman, le cumul serait à la fois la conséquence de la
décentralisation et un obstacle à l'approfondissement de cette dernière, alors
que vous voyez dans le cumul l'antidote à la centralisation.
Quel est notre objectif ? Je suis persuadé qu'aujourd'hui il eût fallu - et
cette assemblée est tout à fait bien placée pour le faire - s'interroger sur le
recul dorénavant pris par nos concitoyens par rapport à la chose politique.
Ils mesurent aujourd'hui l'impuissance de la classe politique à tenir ses
promesses. Semblant pressée de démontrer son inutilité, elle est en train de se
laisser aller soit à l'absentéisme, soit aux discours les plus populistes, les
plus extrêmes, les plus démagogiques.
Notre démocratie ne souffre pas aujourd'hui d'un quelconque cumul de
fonctions, mais d'une sorte de
zapping
émotionnel, qui perturbe
profondément notre électorat, le rendant de plus en plus sceptique à l'égard de
la chose publique, voire de l'Etat, tant il est convaincu que le vice est
davantage récompensé que la vertu, tandis que la loi de la rue remplace la loi
républicaine et que le débat sur les médias vaut débat dans l'hémicycle.
(Très bien ! sur les travées du RPR.)
Le dérapage de nos sociétés avancées constitue un véritable problème, qui
aurait mérité, me semble-t-il, de faire l'objet d'une réflexion entre les
instances gouvernementales et les parlementaires que nous sommes. L'ensemble
des pays sont confrontés à cette difficulté au moment où la montée de la
précarisation, de la pauvreté et de la délinquance condamne la vie politique à
se radicaliser.
Soulignés par M. le rapporteur, des problèmes de fond, qui me semblent mériter
un autre débat, restent posés. Je pense à l'inégalité des citoyens devant
l'exercice du mandat. Je pense - vous y faisiez vous-même allusion, monsieur le
ministre - au décrochage du politique par rapport à l'extraordinaire avancée
technologique et, donc, à sa dépendance intellectuelle par rapport à ceux que
vous appelez les technocrates, ou les fonctionnaires.
Je pense également à l'extraordinaire dépendance du pouvoir des parlementaires
ou des hommes politiques de terrain par rapport aux partis politiques, au sein
desquels il arrive que l'on taise ses convictions par esprit de discipline.
Est-ce cela le libre exercice de la démocratie ?
M. Emmanuel Hamel.
Non !
M. Jean-Paul Delevoye.
Je crois que, contrairement à ce que vous dites, c'est en renforçant l'assise
locale d'un élu qu'on lui permet de conforter son indépendance et son
objectivité.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
Il peut alors les cultiver, comme cela a été fort justement dit lors
d'un débat en 1968.
J'observais alors l'émergence des conseils régionaux. A l'époque, les
parlementaires, toutes tendances confondues, soulignaient l'intérêt pour les
députés de pouvoir siéger au sein des conseils régionaux. En effet, loin de se
contenter d'y représenter les populations qui les auraient élus, ils y feraient
aussi entrer la notion de grandeur nationale, propice à la conciliation des
intérêts locaux.
Sur un problème qui n'est absolument pas du même niveau, celui de
l'absentéisme, permettez-moi d'exprimer une crainte née d'un constat : l'homme
qui s'engage en politique a envie d'être élu par affection, par ambition ou
pour remplir une mission. A suivre votre proposition, le risque est grand de
voir le parlementaire, dorénavant exclu de l'exercice d'un exécutif local dans
une circonscription de 100 000 habitants, percevoir immédiatement le maire
d'une commune de 60 000 habitants, par exemple, comme son futur concurrent. Le
risque est grand de le voir s'empresser - pardonnez-moi l'expression - de le «
marquer à la culotte », provoquant alors la réaction du maire, qui
marginaliserait le parlementaire !
(Approbations sur les travées du
RPR.)
Mme Hélène Luc.
Que signifie ce calcul politique ?
M. Jean-Paul Delevoye.
Le système produirait donc, non pas la formidable convergence de talents
souhaitable, mais une neutralisation de compétences.
M. Jean Chérioux.
Eh oui !
M. Jean-Paul Delevoye.
Et, sur le terrain, les ambitions contrariées feraient le lit de
l'immobilisme.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains
et Indépendants.)
Ce qui me paraît important, c'est ce que démontre une étude américaine
consacrée, depuis vingt-cinq ans, à l'évolution des territoires dans le monde :
il apparaît que les facteurs dominants ont cessé d'être le travail et le
capital pour devenir la capacité des hommes à se réunir sur un territoire, donc
la puissance du politique.
Lorsque les électeurs portent aujourd'hui leur choix sur des « cumulards »,
pour reprendre un terme employé dans la presse, ce n'est pas pour le seul
plaisir d'apporter une prime au cumul, c'est parce que celui-ci leur paraît
garant d'un pouvoir assez fort pour être en mesure d'apaiser leurs inquiétudes
locales.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
Aussi, dans un Etat qui aujourd'hui fonctionne mal, au point de transférer ses
faiblesses sur les épaules du pouvoir local, dans un Etat qui laisse se
développer un sentiment antiparlementariste sur lequel il convient de porter
attention et qui rappelle la situation de la noblesse de l'Ancien Régime,
laquelle était trop privilégiée mais n'avait pas assez de résultats, nous
devons veiller à restaurer le politique, à restaurer la démocratie locale et,
pour ce faire, nous devons suivre les propositions de la commission des
lois.
C'est la raison pour laquelle nous soutenons, monsieur le rapporteur, toutes
vos propositions, au premier rang desquelles : un mandat national et un
exécutif local.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Obligatoire ?
M. Jean-Paul Delevoye.
Les choses sont ainsi claires, cohérentes et efficaces.
Je rends hommage au Sénat, qui a su faire preuve d'anticipation et d'esprit
moderne. Je rend aussi hommage à la volonté que vous avez exprimée, monsieur le
rapporteur, en accord avec le président du Sénat, M. Poncelet, de faire suivre
cette loi d'une mission qui, au sein du Sénat, devra réfléchir au statut de
l'élu, à la nature des indemnités, à différents problèmes qui se posent à la
fonction publique territoriale, afin de combler le vide juridique actuel, car,
aujourd'hui, la jurisprudence met quelquefois en porte-à-faux l'efficacité de
nos collectivités territoriales.
Devant nous s'ouvre un grand chantier, qui sera véritablement centré sur ce
qui nous préoccupe : l'efficacité de l'action publique.
(Bravo ! et
applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Adnot.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Un président de conseil général !
M. Philippe Adnot.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le
dispositif qui nous est soumis aujourd'hui a une grande importance pour
l'avenir de notre démocratie, car il conditionne la qualité de notre action de
parlementaire ou d'élu local.
Sur le plan national, nous devons affirmer avec force notre volonté de
maintenir une représentation riche de sa diversité de par les origines
sociologiques et professionnelles de ses membres, mais également en raison du
contenu de nos expériences respectives.
Soyons clairs : le fait d'exercer plusieurs mandats ne rend pas meilleur
parlementaire - ce serait d'ailleurs une analyse désobligeante - mais il
garantit une représentation plus équilibrée, car le mandat local est le seul
passeport pour ceux qui n'ont pas suivi le parcours initiatique de l'ENA.
De la même façon, le fait d'exercer un mandat unique n'est pas le gage de
davantage de présence ou d'activité. A ceux qui en douteraient, je recommande
de consulter l'étude conduite sur ce sujet à l'Assemblée nationale.
L'aspect le plus négatif d'un texte par trop restrictif concerne, à
l'évidence, la qualité potentielle de l'action de l'élu local.
En effet, cette dernière dépend non pas du temps qu'on lui consacre, mais de
la capacité dont on dispose pour intégrer les réseaux qui, aujourd'hui, sont
les relais essentiels d'une information de qualité nécessaire à une bonne prise
de décision.
Que souhaitons-nous ?
Des élus locaux, le nez dans le guidon, loin des centres de décision et
d'information, démunis face à leur propre technostructure ou face à celle de
l'Etat ?
Ou bien des élus ouverts sur le monde et sur les autres, qui apportent le
fruit de leur expérience mais qui sont aussi susceptibles de profiter, en
retour, des bienfaits de l'échange ?
A cet égard, n'est-il pas curieux que ceux qui, dans d'autres domaines, comme
l'économie, la culture ou l'éducation, prônent la rencontre et l'ouverture
soient prêts à en fermer la porte aux seuls élus locaux ?
On voit bien quels seraient les véritables vainqueurs de cette opération :
ceux qui sont géographiquement proches des lieux de décisions nationaux -
l'Ile-de-France, par exemple - ou régionaux ; ceux qui, ayant « fait l'ENA »,
auraient toujours la possibilité d'en appeler à leur réseau personnel
représenté par tel ministre, tel directeur de cabinet ou tel responsable de
parti.
A ce stade, je souhaiterais évoquer mon expérience personnelle. J'ai été élu
président du conseil général après avoir été élu sénateur. Je puis l'affirmer
aujourd'hui : nous avons mené à terme, dans l'Aube, un certain nombre de
dossiers déterminants qui n'auraient jamais vu le jour si je n'avais eu la
chance de vous côtoyer, de bénéficier de vos expériences, de rencontrer, grâce
au Sénat, des chefs d'entreprise, des intellectuels, des décideurs au sens
large et noble du terme.
L'avenir de nos territoires dépend de la capacité de leurs élus à s'ouvrir sur
le monde et sur les autres. Par une loi absurde, ne nous en privez pas ! Et si
d'aventure l'un ou l'autre d'entre nous est véritablement persuadé que les élus
seront meilleurs s'ils ont un seul mandat, eh bien, que diable ! pourquoi
faudrait-il une loi ? Que ne mettent-ils en pratique, volontairement et
immédiatement, leurs convictions ? Nous serons admiratifs devant leurs forces
et leurs qualités décuplées. Mais peut-être ce résultat n'est-il pas certain...
Mes chers collègues, on nous rebat les oreilles d'une « exigence de l'opinion
», mais de quelle opinion ?
Je viens, dans le cadre d'une campagne sénatoriale particulièrement
intéressante, au cours de 431 réunions, de rencontrer les maires et les
conseillers municipaux de toutes opinions et de toutes origines de mon
département. Aucun d'entre eux n'a mis ce sujet au centre de ses
préoccupations.
M. Hilaire Flandre.
C'est vrai !
M. Philippe Adnot.
Certains se sont simplement inquiétés des conséquences négatives de cette
réforme.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Philippe Adnot.
Sur ce texte, les gens du peuple, les électeurs, sont avec nous. Parce que le
texte proposé par la commission des lois du Sénat est bon, ouvert et modéré, je
le soutiendrai en conscience.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe
communiste républicain et citoyen partage pleinement le sens de la démarche du
projet gouvernemental.
Nous pensons, comme M. le Premier ministre, qu'il est souhaitable de
s'attaquer au cumul des mandats.
Qui pourrait nier, dans cette assemblée, que nous assistons aujourd'hui à une
crise de la représentation politique ?
Mais cela ne justifie pas pour autant une désaffection de nos concitoyens pour
la chose publique, bien au contraire.
Les études d'opinions le démontrent clairement. Le développement, depuis
quelques années déjà, de ce qu'il est convenu d'appeler le mouvement social
souligne que nombre de ceux qui souhaitent faire de la politique se détachent
des créneaux habituels pour tenter d'inventer de nouvelles formes
d'intervention.
Il faudrait être aveugle pour ne pas percevoir dans la multiplication des
mouvements de contestation des jeunes ou dans les luttes pour le logement, ou
pour l'égalité des droits l'émergence d'un nouveau type d'intervention des
citoyens.
Les partis politiques et leurs élus se trouvent donc confrontés à un défi :
combler le fossé qui s'est creusé entre le représenté et le représentant au fil
des désillusions et des promesses électorales non tenues.
C'est dans cet environnement que le concept de modernisation de la vie
politique est apparu.
Je préfère d'ailleurs le terme de démocratisation à celui de modernisation.
C'est bien par la réappropriation du fait politique par le citoyen que nos
institutions se renouvelleront.
Ces projets de loi, qui ont pour objet de restreindre le cumul des mandats,
s'inscrivent dans cette stratégie.
Comme je l'ai indiqué d'emblée, les sénateurs du groupe communiste républicain
et citoyen sont favorables aux principes affichés et s'opposent en cela à
l'attitude de la majorité du Sénat.
Nous sommes favorables au non-cumul des mandats pour trois raisons
essentielles.
Premièrement, limiter le cumul des mandats aboutira à resserrer les liens
entre l'élu et le citoyen, en permettant au premier de se consacrer pleinement
à sa fonction élective.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Robert Bret.
Certains affirment que c'est en conservant au parlementaire son mandat local
de maire qu'on lui permet de garder un contact avec le terrain. Je ferai
simplement remarquer qu'il n'est pas question, dans le projet de loi,
d'instaurer un non-cumul absolu, loin s'en faut.
Le député ou le sénateur peut demeurer élu local et il peut même être membre
d'un exécutif municipal, départemental ou régional. L'argument essentiel qui
est souvent avancé, celui du danger d'une coupure entre l'échelon local et
l'échelon national, tombe du même coup. Le non-cumul des mandats est une
aspiration forte des Françaises et des Français.
M. Hilaire Flandre.
C'est vous qui le dites !
M. Robert Bret.
Ce sont les Français qui le disent ! Allez voir à l'extérieur, sortez de
l'hémicycle et vous verrez !
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Il ne s'agit aucunement de tomber
dans la démagogie, mais force est de constater que la concentration de nombreux
pouvoirs entre les mains des mêmes représentants symbolise, aux yeux de
l'opinion publique, la captation des leviers de commande par une caste, même si
le terme est excessif.
(Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Dominique Braye.
Démagogie !
M. Robert Bret.
Je reconnais d'ailleurs qu'il existe un risque, avec ces projets de loi, d'une
dérive vers un débat « anti-élus ». C'est pourquoi j'insisterai dans un instant
sur la nécessité d'une globalisation de la réflexion sur les institutions.
Deuxièmement, nous estimons que réduire le cumul permettra d'éviter les
conflits d'intérêts entre le local et le national. Il nous semble important,
dans le cadre du développement de la décentralisation, de bien associer la
responsabilité politique nationale à celle qui est exercée à l'échelon
local.
Le directeur de la revue
Commentaire,
Jean-Claude Casanova, appelait,
dans un article du
Figaro,
à se placer dans la perspective de la
décentralisation : « Le cumul pouvait se justifier dans une France centralisée,
où tout s'obtenait à Paris, pas dans un pays qui aspire à une véritable
décentralisation. Que les maires des petites communes restent députés peut se
concevoir, c'est le problème des seuils, mais non les grands responsables
locaux, maires des grandes villes et présidents des conseils généraux et
régionaux. »
Troisièmement, et je m'arrêterai plus longuement sur ce point, restreindre le
cumul peut donner un coup de fouet au rajeunissement et à la féminisation de la
fonction élective.
Mme Hélène Luc.
Absolument !
M. Robert Bret.
Il n'est pas suffisant de l'affirmer, il faut créer les conditions pour que de
nouvelles générations, et plus particulièrement des femmes, puissent prendre
des responsabilités de premier plan. La démocratie est gagnante si le cercle
des décideurs se féminise, se diversifie et s'élargit.
Il est indéniable que le développement du cumul lié au maintien du scrutin
majoritaire uninominal bloque l'évolution nécessaire.
Aussi, je souhaite insister sur la question de la place des femmes dans la vie
politique. Il n'est plus possible de laisser perdurer une situation que, pour
notre part, nous déplorons.
Nous savons que tous les groupes ne réagissent pas ainsi dans notre
hémicycle.
Lors de la préparation du débat avorté sur la réforme régionale, certains
collègues de droite se sont élevés en commission contre l'instauration de la
parité dans la constitution des listes, car la mesure anticipait sur une
éventuelle réforme constitutionnelle ! Nous pensons pourtant qu'il faut hâter
le pas.
Lors du dernier renouvellement sénatorial, sur les 102 sièges à pourvoir,
seule une femme a été élue.
M. Claude Estier.
Une socialiste !
M. Robert Bret.
En effet, monsieur Estier !
Les femmes ne représentent que 10,9 % des députés, 24 % des conseillers
régionaux - grâce à la proportionnelle - et 7,4 % des conseillers généraux.
Quant au Sénat, il amplifie naturellement le phénomène, puisqu'il comprend à
peine plus de 5 % de femmes - mais elles composent plus de 30 % de notre
groupe, monsieur Estier.
Alors que la parité s'impose aujourd'hui, il est d'une logique implacable de
créer les conditions de sa mise en oeuvre en libérant des places électives.
La réduction du cumul le permettra, car revivifier la démocratie nécessite des
mesures porteuses de nouveauté radicale.
Dans
Le Monde,
M. Guy Carcassonne a écrit : « Le cumul a une perversité
ultime : aussi longtemps qu'il n'est pas juridiquement interdit, il est
politiquement obligatoire. L'élu est amené à se tailler son fief, par crainte
des mauvais jours, par crainte de la concurrence au sein de son propre camp...
»
J'ai bien parlé de mesures au pluriel car là est notre seule interrogation sur
la démarche qui accompagne ces projets de loi. Leur portée sera limitée, voire
nulle, si une réforme profonde de nos institutions n'est pas engagée
simultanément.
Tout d'abord, la mise en cause du cumul va de pair, selon nous, avec
l'instauration totale ou modulée, selon les scrutins, de la proportionnelle.
(Ah ! sur le banc des commissions.)
C'est, selon nous, indispensable pour les élections législatives. Ce n'est pas
une question technique. Les solutions ne manquent pas. Nos voisins d'Outre-Rhin
ont un mode de scrutin qui présente de très grands avantages, ils ne sont pas
atteints par l'instabilité ou l'inefficacité.
Mon propos réjouit peut-être les adversaires les plus acharnés de la
proportionnelle, puisqu'ils trouvent là un élément dans leur détermination à ne
rien changer.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois du Sénat, estimait en
commission que « de tels projets, ceux relatifs au non-cumul, préludaient,
comme celui sur la parité, à la généralisation du mode de scrutin à la
proportionnelle ».
M. Christian Bonnet, quant à lui, indiquait que cela « induirait la mise en
oeuvre généralisée du mode de scrutin proportionnel ».
J'en conclus que nous convergeons, monsieur le rapporteur, sur la logique que
porte le projet. Mais votre approche est à l'opposé de la nôtre ! Ce que vous
diabolisez nous semble, au contraire, une mesure de sagesse.
M. Alain Juppé a écrit sans sourciller, le 26 mars dernier : « La
proportionnelle pourrit la démocratie ». Le député-maire de Bordeaux ne manque
pas d'aplomb, alors que chacun sait à quel point le scrutin majoritaire déforme
la réalité électorale ! La droite ne dirigeait-elle pas le pays, voilà deux
ans, en détenant 84 % des sièges avec 44 % des voix ? Et n'oublions pas que,
par exemple, la dixième circonscription des Bouches-du-Rhône réunit 102 000
électeurs inscrits, alors que la deuxième circonscription de Lozère en compte
26 000 !
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Alain Joyandet.
Et les territoires ?
M. Guy Fischer.
C'est la vérité !
M. Robert Bret.
C'est une réalité ! Et elle mine la démocratie, avec l'absence de prise en
compte de la diversité des opinions, la mise en cause du pluralisme, même.
Il est certain que, avec le scrutin majoritaire, le passage obligé, pour les
organisations politiques, est de présenter une personne déjà implantée pour
assurer l'élection.
Pourquoi rajeunir, féminiser - renouveler, en un mot - dans ces conditions
?
Il n'y aura de parité, de pluralisme, et donc de retour à la confiance entre
élus et électeurs, sans proportionnelle.
M. Hubert Falco.
Ce n'est pas vrai !
M. Robert Bret.
C'est notre conviction !
Après ce rappel, vous ne serez pas étonné, monsieur le ministre, que je
souhaite connaître l'état d'avancement de la réflexion gouvernementale sur ce
point.
Ensuite, une seconde raison souvent avancée pour défendre le projet de loi est
l'absentéisme parlementaire. Or, si je n'ai pas repris cet argument
précédemment, c'est parce qu'il me semble illusoire. En effet, la cause
profonde d'un certain absentéisme parlementaire est non pas une présence
excessive dans une circonscription - car on peut espérer que, demain, les
parlementaires seront toujours présents parmi la population et le seront même
plus encore - mais bien l'affaiblissement du rôle même du Parlement. Ce dernier
est, en effet, enserré dans une tenaille : d'une part, la Constitution de 1958,
qui organise la relation entre l'exécutif et le législatif dans le cadre d'un
système semi-présidentiel ;...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Absolument !
M. Robert Bret.
... d'autre part, le cadre de plus en plus contraignant des autorités
européennes.
La Constitution de 1958, en restreignant le domaine de la loi face à celui du
règlement, en instaurant des procédures telles que l'article 49-3 ou l'article
40, interdit, de fait, les initiatives budgétaires ou la maîtrise de l'ordre du
jour, qui demeurent compétence exclusive du Gouvernement.
La Constitution a transformé progressivement les assemblées en chambres
d'enregistrement. Et ce n'est pas la session unique, instaurée depuis 1995, qui
aura arrangé les choses, comme le notent avec clairvoyance de nombreux
parlementaires, même si leurs remèdes ne sont pas les nôtres.
La réduction des pouvoirs du Parlement, c'est aussi la mise en oeuvre concrète
d'institutions européennes qui imposent à notre pays l'application de leurs
directives.
L'Assemblée nationale et le Sénat doivent absolument revendiquer un pouvoir de
contrôle réel, en amont, sur les propositions de directive. Il faut pour cela
réformer rapidement l'article 88-4 de la Constitution.
Limiter le cumul des mandats ne sera efficace que si la citoyenneté est à
l'ordre du jour là où l'individu est confronté aux rapports sociaux, à
l'autorité.
C'est vrai pour les quartiers comme pour les entreprises, c'est vrai pour les
établissements scolaires, le mouvement lycéen le démontre.
Ces projets de loi n'assureront donc pas à eux seuls une réelle
démocratisation des institutions. Mais ils marquent un premier pas, que nous
approuvons et que nous soutenons, monsieur le ministre.
Nous partageons aussi l'idée de l'extension des incompatibilités aux domaines
professionnel et économique, même si, sur ce dernier point, le texte issu de
l'Assemblée nationale nous paraît timide. Nous proposerons donc quelques
amendements en ce sens.
Nous partageons également l'idée de l'élaboration d'un statut de l'élu. Cet
aspect apparaît indissociable de l'idée même du non-cumul et du renouvellement
des élus.
Nous avions, à l'Assemblée nationale, regretté que le seul aspect des
indemnités complète le projet de loi dit ordinaire.
Il y avait, de toute évidence, un risque d'incompréhension dans l'opinion
publique et, par ailleurs, une insuffisance, car, même si les crédits d'heures
sont accrus, il faut aller plus loin sur le plan des autorisations d'absence et
de la sécurité de l'emploi.
Ce dernier point est important, car il garantit également le renouvellement et
la diversité des élus au sein même de notre assemblée.
Nous aurons, sur cette question du statut de l'élu, à vous proposer également
des amendements.
Au moment où la question du statut de l'élu se pose avec force, je me
félicite, monsieur le rapporteur, que la commission des lois ait rejeté, ce
matin, l'amendement présenté par MM. de Rohan, Arthuis et de Raincourt,
amendement qui n'avait pour objet que de désigner les fonctionnaires comme
boucs émissaires, au nom d'un prétendu objectif d'équité devant contribuer à
instaurer une égalité devant le risque électoral. Ainsi, l'exposé des motifs de
cet amendement prévoyait notamment que, « tout fonctionnaire ayant déjà
accompli un mandat parlementaire et qui se trouve réélu perd son droit à
réintégration au sein de la fonction publique ».
M. Hilaire Flandre.
Très bien !
M. Pierre Mauroy.
C'est scandaleux !
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains
et Indépendants.)
Mme Hélène Luc.
C'est très bien d'avoir rejeté cet amendement !
M. Guy Fischer.
Oui, il était scandaleux !
M. Robert Bret.
Pour résumer mon propos, la majorité sénatoriale de droite s'oppose aux
projets de loi restreignant le cumul des mandats. Par les amendements qu'elle
propose, elle dénature les textes originels.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen sont en désaccord
total avec cette attitude conservatrice.
Ils craignent même que l'image du Sénat - et nous en avons débattu en
commission des lois - ne souffre gravement si la majorité persiste dans son
refus.
(Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, sous réserve des
interrogations que j'ai rappelées, soutiennent les deux projets de loi et
s'opposeront à tout texte dénaturé.
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Monsieur le président, permettez-moi de m'adresser d'abord à vous pour vous
dire à quel point je me réjouis d'intervenir en ce jour où vous présidez pour
la première fois nos travaux.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dans ce
mille-feuille administratif et politique qu'est devenue la France, le système
de pouvoir est désormais inextricable. Les élus de la nation, qui devraient
être des exemples, sont jour après jour mis en cause par un discours
antipolitique et antiparlementaire qu'alimente la déprime économique et
sociale.
Les ministres et les parlementaires s'efforcent d'agir, c'est-à-dire de
réformer, mais ils exigent des Français une somme d'efforts qu'ils ne
s'imposent jamais à eux-mêmes. Leur crédibilité n'en est que plus ébranlée.
Il est devenu urgent d'envoyer un signe fort de notre volonté de clarifier nos
structures politiques. La démocratisation et la modernisation de notre vie
politique sont désormais des enjeux majeurs.
M. Hilaire Flandre.
Jusqu'à présent, c'est bien !
M. Guy Allouche.
L'interdiction de cette grande spécialité hexagonale qu'est le cumul des
mandats et des fonctions exécutives fait partie des décisions susceptibles de
désamorcer la crise du politique.
M. Hilaire Flandre.
Et voilà !
M. Guy Allouche.
Ce défi de démocratisation et de modernisation est multiforme, puisqu'il
s'agit tout à la fois de rendre à la politique le lustre qui fait sa noblesse,
la place qui doit être la sienne au coeur de la démocratie, de réhabiliter, de
renouveler l'action politique afin de réinventer les pratiques quotidiennes des
élus.
Le Parlement a besoin de retrouver son rang et son rôle. Il ne dépend que des
parlementaires - et d'eux seuls - d'être à la pointe de cette reconquête. Le
débat sur la limitation du cumul des mandats marquera notre fin de siècle,
parce qu'il est, à sa manière, emblématique d'une nouvelle approche du
politique et d'une volonté de transformer le paysage politique.
La conviction d'un éloignement des élus vis-à-vis des citoyens ne doit pas
être prise à la légère. La critique dénonçant l'immobilisme et l'archaïsme du
monde politique est-elle réellement sans fondement ?
La limitation du cumul est l'une des réformes majeures à entreprendre pour
réconcilier les Français avec leurs élus. Elle est l'une des plus symboliques
pour la simple raison qu'elle est directement compréhensible par l'opinion.
C'est vers un changement de culture politique que nous devons nous acheminer,
et il nous faut opérer un retournement de perspective, malgré de nombreuses
résistances. Le temps est venu d'abandonner l'actuelle culture oligarchique
pour nous ouvrir aux vertus de la démocratie pluraliste.
Cet appel à la modernisation et à la rénovation ne saurait nous conduire à
instruire le procès des adeptes du cumul. C'est un phénomène ancien. Demeuré
restreint sous la IIIe République et sous la IVe République, il s'est fortement
aggravé sous la Ve République, au point qu'en changeant de dimensions les
conséquences négatives sont apparues avec plus d'évidence.
Les causes de ce phénomène sont la résultante de notre système institutionnel
découlant de la Constitution de 1958.
C'est la centralisation politique et administrative du pays. Déjà, en 1955,
Michel Debré disait : « Le cumul des mandats est l'un des procédés de la
centralisation politique et administrative du pays. » En fait, le cumul fait
figure de rouage central.
C'est aussi la faiblesse des partis politiques. Celle-ci a plus facilité
l'accès au pouvoir de quelques-uns que la participation des citoyens à la vie
publique.
Enfin, c'est l'affaiblissement et la dévalorisation du Parlement. Conçue pour
permettre à l'exécutif d'être tout puissant, la Ve République ne laisse aux
assemblées qu'un statut mineur.
Face à cela, les parlementaires semblent se désintéresser du travail
législatif.
(Protestations sur les travées du RPR.)
N'ayant pas la possibilité d'agir sur les événements et parce que
l'exercice de leurs mandats locaux leur procure davantage de satisfactions,
leur présence au Parlement ne se révèle pas indispensable.
Le cursus de l'homme politique passe aujourd'hui par le cumul des mandats.
Même les hauts fonctionnaires qui accèdent directement et rapidement au mandat
parlementaire s'efforcent de vite se constituer une assise électorale en
sollicitant le suffrage des électeurs aux élections locales.
M. Hilaire Flandre.
A Cintegabelle ?
M. Guy Allouche.
Il n'y a pas lieu de jeter l'opprobre sur les praticiens du cumul car, comme
le dit le professeur Guy Carcassonne : « Aussi longtemps qu'il n'est pas
juridiquement interdit, le cumul est politiquement obligatoire. » C'est donc
bien au cumul qu'il faut s'attaquer sans faiblesse.
Il est temps de moderniser la vie politique. La fin du cumul des mandats
répond à une attente de nos concitoyens. En 1995, Lionel Jospin en avait fait
l'un des axes de sa campagne présidentielle, et il s'y est de nouveau engagé en
1997.
Le résultat des urnes laisse penser que les Français sont attachés à cet
objectif. Ce mouvement d'opinion est porté par une puissante aspiration à la
transparence de la vie politique, à l'égalité et à l'ouverture du monde
politique à la société civile.
Nous disons moderniser et non moraliser, car le cumul des mandats est trop
souvent diabolisé. Il serait la source de tous nos maux, notamment la
corruption généralisée de la classe politique.
Ces critiques n'arrangent et ne servent que ceux qui les formulent à dessein.
Et, si ce projet de loi prévoit l'interdiction du cumul du mandat parlementaire
avec une fonction exécutive locale, c'est aussi pour protéger la fonction
parlementaire contre elle-même, tant il est incontestable que c'est toujours au
titre de leur fonction exécutive locale que les parlementaires ont eu des
comptes à rendre à la justice.
M. Jean-Jacques Hyest.
Ceux qui ne sont pas parlementaires aussi !
M. Guy Allouche.
La limitation du cumul des mandats relève du respect des électeurs et des
fonctions exercées. Croit-on vraiment que les Français sont dupes d'une telle
situation ? Peut-on dire que chaque mandat est essentiel et ne pas se consacrer
pleinement à la tâche pour laquelle on a été élu ?
Cette limitation apportera par ailleurs l'oxygène nécessaire à une vie
politique française bouffie de conflits d'intérêts et une meilleure
identification des pouvoirs.
M. Hilaire Flandre.
Tous élus !
M. Guy Allouche.
La réalité du cumul, c'est l'entrave à la concurrence, c'est-à-dire à
l'égalité d'accès aux mandats et à l'égalité de représentation des électeurs.
Limiter le cumul provoquera une dynamique de renouvellement, un rajeunissement
et une féminisation qui ont déjà trop tardé parce que les praticiens du cumul
ont toujours cru que leurs pouvoirs seraient amoindris s'ils étaient
partagés.
De fait, ces derniers ne se sont pas encore aperçu qu'ils en perdaient chaque
jour davantage et ils continuent de se crisper sur l'accumulation de mandats et
fonctions au lieu de se battre pour la redéfinition et le renforcement de
chacun d'eux par un exercice plein et entier.
La limitation du cumul permettra un plus grand partage des responsabilités
électives, concourant par là même à une plus grande efficacité, une plus grande
disponibilité. De nouveaux élus apparaîtront, passionnés de démocratie ; ils
s'affirmeront davantage comme des citoyens actifs et non plus comme des
consommateurs civiques.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Oh !
M. Guy Allouche.
La décentralisation impose de séparer plus nettement les responsabilités
nationales et locales, devenues particulièrement importantes.
N'est-il pas anormal, au regard du principe d'égalité, qu'un président de
conseil général ou régional s'accorde une subvention qu'il se réclame à
lui-même comme maire d'une commune de son département ? C'est un exemple parmi
bien d'autres !
Dès lors que l'on considère que les parlementaires doivent être plus
disponibles pour exercer leur mandat, on ne peut manquer de s'interroger sur le
véritable contenu de leur pouvoir, donc sur le rôle du Parlement. Il n'est pas
de démocratie sans débat, et donc sans Parlement. Le Parlement ressemble
parfois à un théâtre d'ombres, alors qu'il constitue la tribune de notre
démocratie, le coeur de notre système représentatif et délibératif.
Le Parlement incarne les vertus du suffrage universel ; il est le lieu de
l'élaboration collective de la loi et du contrôle de l'exercice du pouvoir.
Il faut sans cesse rappeler que ce qui manque au Parlement, mes chers
collègues, ce ne sont pas tant des pouvoirs - et à quoi bon en demander
davantage ? - que des parlementaires pour les exercer. Peu présents, les
parlementaires sont faibles. Alors, faibles, ils sont de moins en moins
présents et finissent par se laisser convaincre, voire impressionner, par les
membres des cabinets ministériels et la haute administration.
M. Jean Chérioux.
Voilà un bel exemple d'autoflagellation !
M. Guy Allouche.
« L'absentéisme des parlementaires en séance publique est favorisé par
l'archaïsme des techniques du débat parlementaire et n'est pas lié au nombre
des mandats et fonctions exercés », écrivez-vous, monsieur le rapporteur. Ce
n'est que très partiellement vrai.
Et, si le Parlement travaille mal, mes chers collègues, qui en porte la
responsabilité ? N'est-ce-pas vous, monsieur le rapporteur, qui avez coutume de
dire - je reprends votre formule parce que je la trouve belle - qu'avec « la
session unique version Juppé-Séguin » on fait plus mal en 120 jours ce que l'on
ne faisait déjà pas bien en 170 jours et deux sessions ?
M. Jacques Larché,
rapporteur.
Eh oui ! Cette formule n'est pas mauvaise !
M. Guy Allouche.
Et qui a défendu la session unique en tant que rapporteur ?
M. Jacques Larché,
rapporteur.
C'est moi !
M. Guy Allouche.
Oui, c'est vous ! Et, aujourd'hui, vous la critiquez, alors que déjà, à
l'époque, nous faisions les reproches que vous faites aujourd'hui.
Et qui a limité à seulement trois jours par semaine le travail parlementaire
afin d'en accorder tout autant à l'exercice d'une fonction exécutive local ?
M. Jacques Larché,
rapporteur.
C'est encore moi !
(Sourires.)
M. Guy Allouche.
Oui, c'est encore vous, monsieur le rapporteur !
En cela, vous n'avez fait que justifier la remarque de ceux qui disent que la
fonction parlementaire est simplement l'appoint de la fonction exécutive
locale.
M. Jacques Larché,
rapporteur.
Cela, ce n'est pas de moi !
M. Guy Allouche.
Non, cette formule, je l'emprunte à Philippe Séguin.
Quant à l'inflation législative et à la maîtrise de l'ordre du jour par le
Gouvernement, tout comme vous je ne les apprécie pas ; mais ce qui nous
différencie, monsieur le rapporteur, c'est que, moi, je n'ai pas fait campagne
pour l'adoption de la Constitution de 1958.
M. Jacques Larché,
rapporteur.
Moi non plus !
M. André Diligent.
Vous n'étiez pas né, monsieur Allouche !
(Rires.)
M. Guy Allouche.
Oh si, cher ami, vous me rajeunisser un peu trop !
Vous affirmez, monsieur le rapporteur, que l'on n'a jamais démontré le lien
entre l'absentéisme parlementaire et le nombre de mandats exercés. On ne
démontre pas des évidences ; le mandat parlementaire n'offre pas le don
d'ubiquité. Quant aux présidents d'assemblées locales, ils sont très présents
parce qu'ils bénéficient de structures administratives et de facilités
matérielles.
De deux choses l'une : soit l'on néglige une partie des devoirs que confère
l'élection ; soit l'on délègue à des fonctionnaires des prérogatives que les
citoyens croient avoir confiées à des élus qui leur rendront compte.
Quelle argumentation développent les opposants à cette réforme ? Le cumul
conforte le nécessaire enracinement local et l'approche de la réalité, ainsi
que la parfaite connaissance des problèmes des Français. Quelle outrecuidance
de prétendre cela, mes chers collègues !
Les dernières élections législatives, en 1997, ont démontré avec éclat comment
des notables bien établis peuvent être battus par de jeunes candidates et
candidats sans autre mandat local, moins bien implantés que les députés
sortants et souvent peu connus du grand public.
M. Jean Chérioux.
Alors, il n'y a pas inégalité !
M. Guy Allouche.
Pour ce qui est du Sénat, je ne m'étendrai pas non plus sur le cas de nouveaux
collègues, élus le 27 septembre dernier au scrutin majoritaire et qui, sans
être titulaires d'un mandat local, ont battu des présidents de conseils
généraux en exercice.
M. Jacques Peyrat.
Oh ! Les vilains !
M. Guy Allouche.
A contrario,
ceux qui ont été battus en 1997 et en 1998 ont-ils pour
autant déclaré qu'ils allaient démissionner de leurs mandats locaux au motif
qu'ils n'auraient plus les moyens de les remplir correctement faute de cumuler
? On ne les a pas entendus !
M. Jean Chérioux.
C'est un pur sophisme !
M. Guy Allouche.
Mes chers collègues, je vous invite à réfléchir !
Quand des électeurs ne réélisent plus leur maire à l'Assemblée nationale ou au
Sénat, sont-ils à ce point masochistes pour se priver de la prétendue
efficacité particulière de leur ex-parlementaire ? On prête souvent aux
électeurs des intentions ou des désirs qui n'existent, en fait, que dans la
tête de ceux qui veulent cumuler.
Le système français est sans équivalent. Dans le reste de l'Europe, le cumul
est très peu pratiqué. Qui pourrait croire pour autant que les citoyens de ces
pays sont moins bien représentés et moins bien défendus que les Français ?
Ces députés européens qui ne cumulent pas, qui ne seraient donc pas experts de
la chose locale,...
M. Hilaire Flandre.
Cela explique bien des choses !
M. Guy Allouche.
... comment se fait-il qu'ils aient été reconduits pendant plusieurs
législatures, alors que, chez nous, cette fameuse connaissance du terrain, de
la réalité locale et des attentes des Français n'a pas empêché les défaites
cuisantes et alternées de toutes les majorités depuis près de vingt ans ?
Comment expliquez-vous cela, mes chers collègues ?
M. Jean Chérioux.
Par le scrutin proportionnel !
M. Jacques Peyrat.
C'est Satanas !
M. Hilaire Flandre.
Ce sont les partis qui désignent !
M. Guy Allouche.
Dans le système qui nous est proposé par les deux projets de loi, un
parlementaire pourra toujours rester conseiller municipal, conseiller général
ou conseiller régional. Nous n'allons pas vers le mandat unique !
L'argument de la connaissance du terrain est d'autant moins recevable qu'en ce
qui concerne le député le scrutin majoritaire uninominal suppose
l'établissement de liens directs entre l'élu d'une circonscription et des
électeurs, et exige donc la présence sur le terrain. Simplement, les élus le
seront dans de meilleures conditions, des conditions leur permettant d'être
réellement présents à l'Assemblée nationale trois ou quatre jours par semaine,
et le reste du temps au contact permanent de leurs électeurs.
Un parlementaire qui reçoit dans ses permanences ou qui sillonne sa
circonscription a toutes les occasions d'être confronté aux problèmes et aux
attentes de son électorat, sans qu'il ait besoin pour autant de gérer une
commune un département ou une région.
Quant au sénateur, que l'on ne me dise pas qu'il lui faut détenir une fonction
exécutive locale pour bien faire son travail ! J'ai même la faiblesse de penser
que cette fonction, dévoreuse de temps tant elle est prenante, nuit au contact
que nous devons avoir aussi fréquemment que possible avec nos grands
électeurs.
Au regard de l'article 24 de la Constitution, le cumul n'est pas obligatoire
pour un sénateur. Nous représentons les collectivités territoriales par notre
collège électoral. Un tiers de nos collègues n'ont aucun mandat local...
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Ils aimeraient bien en avoir !
M. Guy Allouche.
... et leur élection n'est entachée d'aucune irrégularité. Leur présence parmi
nous n'appauvrit pas le Parlement, bien au contraire. Je serais même tenté de
dire que cela leur permet peut-être d'appréhender les débats de société avec
plus de facilité et surtout avec le recul nécessaire à l'intérêt général, à
l'attente de la population.
Le parlementaire élu local aura toujours tendance à voter la loi en pensant
d'abord aux intérêts de la collectivité qu'il représente. Nous appelons tous de
nos voeux une réforme de la fiscalité locale tant les dispositions actuelles
nous paraissent parfois absurdes et injustes. Certes, la présence de très
nombreux élus locaux devrait donner à penser que cette réforme serait débattue
par des praticiens et des experts. Qui ne voit cependant que la discussion
d'une telle réforme sera toujours abordée sous l'angle restreint des intérêts
de chacun ? L'addition des intérêts particuliers n'a jamais représenté
l'intérêt général.
Le Parlement est l'incarnation d'un des plus puissants lobbies de France : le
lobby des exécutifs locaux, qui empêche ou atténue toute réforme.
Il en est de même avec la réforme des structures locales, la réduction du
nombre des communes, sans parler du devenir des départements. Tant que le cumul
des mandats, et surtout celui des fonctions exécutives, persisteront, il sera
difficile d'affirmer que les parlementaires ont réellement en charge les
intérêts de la nation.
Il est de bon ton de tempêter contre l'emprise technocratique. Mais en
cumulant, mes chers collègues, vous rendez-vous compte que nous favorisons en
quelque sorte et que nous développons cette technostructure ? Nous savons tous
que celui qui conçoit, applique et administre une décision est toujours plus
puissant que celui qui la prend. La réalité du pouvoir passe par ceux qui sont
présents et qui suivent les dossiers. Nous connaissons des exécutifs
territoriaux qui préfèrent déléguer à une technocratie puissante plutôt qu'à
des vice-présidents qui travaillent avec eux.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Ils ne vont pas déléguer à leurs adversaires !
M. Guy Allouche.
Aucun mandat politique ne peut s'exercer par délégation à des collaborateurs.
Le pouvoir existe toujours ; la question est de savoir s'il est exercé par
celui qui est élu à cette fin ou par ceux que l'élu a choisis.
M. Jean Chérioux.
Dites cela aux ministres !
M. Guy Allouche.
La responsabilité de l'élu devant les citoyens s'accommode mal de ces hommes
de l'ombre qui font le travail à la place des « cumulants », souvent absents et
dont l'agenda est surchargé.
Alors, mes chers collègues, pas de boucs émissaires ! Ayons l'honnêteté de
reconnaître qu'à force de ne pas exercer pleinement fonctions et mandats nous
avons laissé le champ libre à l'administration. Le cumul, c'est, en fait,
l'impotence parlementaire face à l'administration, sauf dans les domaines où
les élus nationaux défendent ce à quoi ils tiennent le plus.
La critique du technocrate est toujours un paravent. En effet, comment le
praticien du cumul pourrait-il se passer de l'énarque ou du haut fonctionnaire
qu'il est content de trouver près de lui - ou à sa place, lorsqu'il est absent
- pour étudier et traiter les dossiers que lui-même n'a plus le temps de
regarder ?
M. Jean Chérioux.
Supprimez les administrateurs !
M. Guy Allouche.
En commission des lois, la semaine dernière, l'un de nos collègues, maire
d'une ville importante, nous disait : « Moi, je peux être au Sénat. Pourquoi ?
Parce que j'ai deux secrétaires généraux, quatre directeurs, deux inspecteurs
généraux d'administration et nombre d'autres directeurs qui font le travail
quand je suis absent. »
M. Jacques Peyrat.
« Et un premier adjoint », ai-je ajouté ! Vous ne citez que ce qui vous
arrange, vous, les socialistes !
M. Guy Allouche.
Voilà l'exemple même du renforcement de la technostructure !
Comme le soulignait le professeur Hubrecht : « Quand la technocratie se trouve
au centre et à la périphérie de la politique, on peut se demander où est l'élu.
»
Alors, oui, il faut renforcer la décentralisation. « Oui, mais... »
dirai-je.
En 1976, dans un rapport, M. Olivier Guichard soulevait la question des
inconvénients du cumul des mandats en cas de modification de l'équilibre des
pouvoirs entre l'Etat et les collectivités locales.
Le principe de l'interdiction entre un mandat national et une fonction
exécutive locale s'inscrit bien dans la logique de la décentralisation mise en
oeuvre depuis 1982, dans la mesure où toutes les justifications du cumul datent
d'avant la réforme Mauroy - Defferre et où il apparaît que le maintien des
choses en l'état constitue un obstacle dirimant à la poursuite de la
décentralisation.
Le cumul des mandats visait à pallier la faiblesse des élus locaux et leur
dépendance par rapport à l'Etat central. Or, la décentralisation a donné aux
élus locaux une capacité d'intervention accrue qui fait qu'ils sont maintenant
écoutés par les administrations de l'Etat. L'accès aux services de l'Etat est
bien plus facile. Justement, les services de l'Etat sont demandeurs de contacts
directs avec les élus locaux, et nous le constatons avec les signatures de
nombreux contrats : contrat de plan Etat-régions, contrats locaux de sécurité,
contrats de ville et de développement des quartiers, contrats d'agglomération,
etc.
En matière de gestion du territoire, le contenu de ces actions est construit
au plus près du terrain. Cette proximité du terrain est bien ce qui fonde
aujourd'hui la légitimité des élus locaux.
Alors, oui ! il faut aller encore plus loin dans la décentralisation et la
déconcentration. Mais nous pensons que le cumul des mandats constitue un
obstacle essentiel à la poursuite de cette logique décentralisatrice mise en
place en 1982.
Gaston Defferre...
M. Jean Chérioux.
Maire de Marseille !
M. Guy Allouche.
Absolument !
M. Michel Charasse.
Un cumulard !
M. Guy Allouche.
... éminent homme politique et éminent homme d'Etat..
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Eminent cumulard, oui !
M. Dominique Braye.
Faites ce que je dis, pas ce que je fais !
M. Guy Allouche.
Gaston Defferre ne disait-il pas que la décentralisation mise en oeuvre
conduirait vite à la limitation du cumul des mandats ?
Et que disait l'éminent professeur Georges Vedel, que vous citez souvent,
monsieur le rapporteur ? Je note d'ailleurs que M. Vedel n'a jamais été
conseiller régional... Tout à l'heure, vous vitupériez contre les professeurs
de droit et les opportunistes qui n'ont jamais exercé ; or M. Vedel, que je
respecte profondément, n'a jamais exercé de fonction locale.
M. Jean Chérioux.
Est-ce pour cela que vous le respectez ?
M. Guy Allouche.
Dans le rapport qu'il a remis au Président de la République le 15 février
1993, le doyen Vedel n'écrivait-il pas : « La décentralisation et les nouveaux
équilibres qu'elles a créés ou renforcés ne justifient plus l'addition de
pouvoirs de nature locale et nationale, dont les premiers sont souvent
considérables » ? Nous y sommes ! Et il serait vain de vouloir aller encore
plus loin, tant que la limitation du cumul ne sera pas effective.
La capacité régulatrice de l'Etat a du mal à se développer dans un pays où les
électeurs ont l'impression que les parlementaires défendent plus leurs intérêts
locaux que l'intérêt général. On ne peut être juge et partie !
Les exemples sont nombreux, mais je n'en prendrai que deux tant ils sont
révélateurs.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Un à Lille, un à Marseille !
(Rires.)
M. Guy Allouche.
Premier exemple : lors du débat sur la défense nationale et la suppression du
service national, bien des parlementaires se sont peut-être davantage souciés
du sort des casernes que de la défense du pays.
M. Jacques Peyrat.
Les casernes, c'est le pays !
M. Guy Allouche.
Les deux termes de ce débat sont importants et doivent être traités au regard
l'un de l'autre.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Nul besoin d'être maire pour cela !
M. Guy Allouche.
Or, nombreux furent ceux qui mirent l'accent sur le devenir des casernes
plutôt que sur la défense du pays !
Second exemple : à propos des emplois-jeunes, nombre de collègues de
l'opposition nationale ont combattu avec force cette mesure nouvelle au
Parlement ; mais, sitôt rentrés dans leurs collectivités locales,...
M. Jean-Jacques Hyest.
Parce qu'ils sont légalistes !
M. Guy Allouche.
... c'est au nom du développement local et en réponse à une forte demande des
jeunes et des parents qu'ils ont mis en place ces emplois.
M. Pierre Fauchon.
Cela ne prouve rien !
Mme Nelly Rodi.
Il y avait les emplois-ville !
M. Guy Allouche.
Lorsque le Gouvernement propose des mesures, vous les combattez, mais, de
retour sur vos terres, vous reprenez ses arguments !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Je n'ai pas recruté un seul emploi-jeune, moi !
M. Guy Allouche.
Ce n'est pas à votre honneur, monsieur Ceccaldi-Raynaud !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Mais si !
M. le président.
Veuillez poursuivre, je vous prie, monsieur Allouche.
M. Guy Allouche.
Un tel comportement ne peut perdurer sans mettre en cause l'avenir de la
décentralisation tant il est vrai que la décision nationale n'est pas la
résultante ni l'addition des préférences de chacun. Il est temps de séparer
l'élu qui dit la loi de celui qui l'applique en tant qu'exécutif local.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Jamais de la vie !
M. Guy Allouche.
La réforme du cumul des mandats et des fonctions ne constitue pas une fin en
elle-même. Elle doit s'inscrire dans la perspective plus large d'une
modernisation de la vie politique.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
La proportionnelle !
M. Guy Allouche.
La redéfinition du statut de l'élu s'impose et va de pair avec le
non-cumul.
M. Dominique Braye.
Il faut commencer par le commencement !
M. Guy Allouche.
Je dirai même que, dans l'ordre des priorités, le statut de l'élu passe bien
avant l'approfondissement de la décentralisation.
Ouvrir le chantier de l'exercice des mandats locaux impose, dans le même
temps, de s'interroger sur les moyens de l'élu. S'il faut des élus plus
disponibles au Parlement comme dans les collectivités locales, il faut aussi
des élus mieux indemnisés et mieux formés. Si l'on veut que les citoyens
postulent, il est vital que le retour à la vie civile des élus soit préparé.
Un sénateur du RPR.
Et voilà !
M. Guy Allouche.
Nous savons que si la démocratie n'a pas de prix, elle a un coût.
Dès 1982, voilà seize ans, parallèlement à la mise en place de la
décentralisation - cela n'a rien de fortuit - Marcel Debarge, notre excellent
collègue, avait rédigé, à la demande du gouvernement de Pierre Mauroy, un
rapport sur ce thème, dont il n'y a rien à retrancher...
M. Dominique Braye.
Il est absent !
M. Guy Allouche.
... et qu'il nous suffirait d'appliquer.
Marcel Debarge avait vu juste et loin. Je le cite : « Le problème de la
limitation du cumul des fonctions et des mandats électifs doit être également
appréhendé...
M. Dominique Braye.
Il cumule : il n'est pas là !
M. Guy Allouche.
... « dans cette même perspective de la décentralisation et des changements de
comportement qu'elle implique. La limitation du cumul constitue un des volets
mêmes de la décentralisation, cette extension des compétences des collectivités
territoriales ne sera effective et significative que s'il se trouve des élus
disponibles capables d'assurer leurs responsabilités nouvelles et accrues ».
Voilà ce qui a été écrit déjà en 1982 !
Ce statut de l'élu doit notamment permettre l'accès du plus grand nombre aux
fonctions électives, permettre aux salariés du secteur privé de bénéficier d'un
« congé de l'élu » qui leur offre la possibilité de retrouver leur activité à
la fin de leur mandat.
Mes chers collègues, plus rapidement, je souhaite répondre à un certain nombre
d'arguments.
Le cumul serait un choix de l'électeur et il faudrait le laisser décider...
Mais, au-delà, les électeurs ont-ils vraiment le choix ? Demandera-t-on à un
électeur socialiste - je prends cet exemple à dessein - de voter pour un
candidat de droite au motif que le candidat de gauche cumule ? Va-t-il trahir
ses convictions ?
M. Hilaire Flandre.
Quelle bonne idée !
M. Guy Allouche.
C'est valable pour vous également !
M. Jean Chérioux.
Et les candidats dissidents ?
M. Guy Allouche.
Le choix de l'électeur est donc contraint et forcé. Ne dites pas que c'est le
choix de l'électeur !
« Le cumul des mandats permet de ne pas confier l'action politique à des
professionnels », écrit, dans son rapport, M. Jacques Larché.
Si on ne confie pas cela à des professionnels, dois-je comprendre que le
contraire de « professionnel » ce serait « amateur » ? Faire la loi serait donc
un hobby, un passe-temps ? Le contrôle de l'action du Gouvernement se ferait-il
en dilettante ?
Non, la confection de la loi demande du temps, et si les parlementaires
veulent lutter à armes égales contre l'emprise des cabinets ministériels, il
leur faut des moyens. Le temps est l'un de ceux-là.
L'activité législative serait, selon certains, très difficile si tous les
parlementaires étaient en séance. Cette crainte, parfaitement injustifiée, ne
sert qu'à conforter le cumul. Sans attendre la limitation du cumul, notre
arsenal réglementaire - relisez le règlement du Sénat ! - a prévu ce cas de
figure. Si, sur un sujet précis, il y avait de nombreuses interventions, ce
serait une marque d'intérêt, cela dynamiserait le débat parlementaire, et la
réflexion collective n'en serait que meilleure.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Il faut siéger pendant douze mois !
M. Guy Allouche.
Je conclurai...
M. Hilaire Flandre.
C'est pas vrai !
M. Guy Allouche.
... en empruntant une partie de ma conclusion à une réflexion de notre
excellent collègue Hubert Haenel,...
M. Dominique Braye.
Il est là !
M. Serge Vinçon.
Il est toujours là !
M. Guy Allouche.
... qui, dans un article publié le 25 octobre 1997 dans
Les Dernières
Nouvelles d'Alsace,
écrivait : « La pratique du cumul installée dans les
moeurs politiques françaises ruine la vie politique, mine l'équilibre déjà
fragile entre les rôles et missions respectifs du Parlement, du Gouvernement et
de la justice...
M. Dominique Braye.
Sauf si les mandats sont compatibles !
M. Guy Allouche.
« Elle contribue à l'installation d'une technocratie, brouille la répartition
des responsabilités...
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
C'était écrit en alsacien !
M. Guy Allouche.
... « interdit les contrôles, favorise la corruption, nourrit
l'antiparlementarisme...
M. Jacques Peyrat.
On vous a mal traduit !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Cela devait être écrit en alsacien !
M. Guy Allouche.
... « et, en fin de compte, constitue le terreau favorable à l'éclosion et au
développement des extrémistes de droite et de gauche. »
Voilà ce que disait M. Haenel.
M. Dominique Braye.
Sauf si les mandats sont compatibles, a-t-il ajouté !
M. Guy Allouche.
La démocratie a besoin d'un Parlement puissant, influant sur les grands choix
collectifs, capable de contrôler l'action du Gouvernement. L'interdiction du
cumul des mandats et des fonctions exécutives n'est pas qu'une simple affaire
d'emploi du temps. Trop de parlementaires qui cumulent sont plus attachés à
leur terre d'élection qu'à leur fonction première de législateur. On ne
réveillera pas le civisme si cet esprit demeure, si les parlementaires ne
prennent pas la mesure de leur fonction, qui est de faire d'abord la loi, de
veiller essentiellement aux intérêts de la nation et de contrôler l'action du
Gouvernement.
Ce projet du Gouvernement, que nous approuvons...
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Il ne manquait plus que cela !
M. Guy Allouche.
... est l'un des projets les plus attendus, quoi qu'en pense la majorité
sénatoriale, qui n'est pas décidée à l'adopter.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Non !
M. Guy Allouche.
L'image de la Haute Assemblée n'en sera que plus brouillée !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Mais non !
M. Guy Allouche.
Il est des réformes qui sont inéluctables, parce qu'elles s'inscrivent dans
l'évolution naturelle de toute société civilisée et démocratique. Il faut
savoir changer les règles institutionnelles lorsque leur obsolescence fait
courir le risque qu'elles ne signifient plus rien. Le cours de la modernisation
des institutions de notre pays ne pourra pas être endigué, comme certains le
croient ici. Je livre à leur méditation le propos tenu publiquement et
récemment par le Premier ministre devant une chaîne de télévision : « Nous
avancerons, et si l'on doit s'arrêter à un stade, on trouvera d'autres façons
de dépasser ce stade ultérieurement. »
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
Mme Nelly Olin.
Est-ce une menace !
8
ÉLECTION DE JUGES
À LA COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE
M. le président.
Voici le résultat du scrutin pour l'élection de six juges titulaires à la Cour
de justice de la République et de leurs six juges suppléants :
:
Nombre de votants | 277 |
Nombre de suffrages exprimés | 268 |
Majorité absolue des suffrages | 135 |
Ont obtenu :
M. François Autain et M. Claude Saunier : 259 voix ;
M. Michel Dreyfus-Schmidt et Mme Josette Durrieu : 252 voix ;
M. Jean-Jacques Hyest et M. Jean-Marie Poirier : 249 voix ;
M. Hubert Falco et M. José Balarello : 247 voix ;
M. Luc Dejoie et M. Patrice Gélard : 242 voix ;
M. Paul Masson et M. René-Georges Laurin : 237 voix ;
Ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, sont proclamés juges à la Cour de justice de la République :
M. François Autain, titulaire, et M. Claude Saunier, suppléant.
M. Michel Dreyfus-Schmidt, titulaire, et Mme Josette Durrieu, suppléant.
M. Jean-Jacques Hyest, titulaire, et M. Jean-Marie Poirier, suppléant.
M. Hubert Falco, titulaire, et M. José Balarello, suppléant.
M. Luc Dejoie, titulaire, et M. Patrice Gélard, suppléant.
M. Paul Masson, titulaire, et M. René-Georges Laurin, suppléant.
9
PRESTATION DE SERMENT DE JUGES
A` LA COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE
M. le président.
MM. les juges titulaires et Mme et MM. les juges suppléants à la Cour de
justice de la République qui viennent d'être élus vont être appelés à prêter
devant le Sénat le serment prévu par l'article 2 de la loi organique n° 93-1252
du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République.
Je vais donner lecture de la formule du serment. Il sera ensuite procédé à
l'appel nominal de MM. les juges titulaires puis de Mme et MM. les juges
suppléants. Je les prie de bien vouloir se lever à l'appel de leur nom et
prononcer, en levant la main droite, les mots : « Je le jure ».
Voici la formule du serment :
« Je jure et promets de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le
secret des délibérations et des votes et de me conduire en tout comme digne et
loyal magistrat. »
(Successivement, MM. François Autain, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Jacques
Hyest, Hubert Falco, Luc Dejoie et Paul Masson, juges titulaires, et MM.
Jean-Marie Poirier, José Balarello et Patrice Gélard, juges suppléants, se
lèvent à l'appel de leur nom et disent, en levant la main droite : « Je le jure
».)
M. le président.
Acte est donné par le Sénat du serment qui vient d'être prêté devant lui.
M. Claude Saunier, Mme Josette Durrieu et M. René-Georges Laurin, qui n'ont pu
assister à la séance d'aujourd'hui, seront appelés à prêter serment devant le
Sénat ultérieurement.
10
CUMUL DES MANDATS
Suite de la discussion d'un projet de loi organique
et d'un projet de loi
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi organique relatif à la
limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs
conditions d'exercice, et du projet de loi relatif à la limitation du cumul des
mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice.
Dans la suite de la discussion générale commune, la parole est à M.
Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat sur
les incompatibilités, ou sur le cumul des mandats électoraux, est difficile,
puisqu'il s'agit de concilier notre volonté d'évolution avec l'expérience tirée
de notre propre parcours d'élus, un parcours qui nous a souvent permis
d'expérimenter les vertus et les contraintes du cumul des mandats.
Nécessairement, notre opinion est subjective.
Je présenterai trois brèves observations techniques et deux observations plus
générales.
Voici ma première observation d'ordre technique : il est incontestable que les
transferts de compétences vers les exécutifs des assemblées départementales et
régionales a entraîné un accroissement constant des responsabilités des élus.
Et nous avons pu en faire l'expérience les uns et les autres : un exécutif
d'aujourd'hui n'est pas comparable à un exécutif d'hier. Voilà le premier
facteur qu'il convient de prendre en considération.
Deuxième observation : au stade actuel, la décentralisation implique le
maintien d'un lien fort entre les élus nationaux et les collectivités locales.
C'est indispensable si nous voulons imprégner notre travail législatif des
réalités locales. A cet égard, le mandat unique est totalement irréaliste.
Mme Nelly Olin.
Tout à fait !
M. Daniel Hoeffel.
Troisième observation : le dossier des incompatibilités est indissociable
d'autres questions fondamentales qui concernent la vie des élus et des
collectivités locales, à savoir l'avenir de la décentralisation, le statut des
élus, l'évolution des structures territoriales - particulièrement de
l'intercommunalité - ainsi que l'évolution et le renforcement du rôle du
Parlement, auquel nous sommes attachés.
L'ensemble de ces thèmes de réflexion doivent imprégner le débat sur les
incompatibilités.
A cela s'ajoutent deux facteurs plus généraux qui, je le sais, donnent matière
à controverses.
Le premier, c'est l'originalité française en Europe.
A de rares exceptions près, en effet, nos partenaires ne connaissent pas ou
peu le cumul des mandats. Et lorsque nous rencontrons nos collègues européens,
nous constatons qu'ils sont à la fois dubitatifs et admiratifs devant «
l'exception française ».
Nous savons tous que les structures étatiques ne sont pas comparables d'un
pays à l'autre et que, en Europe occidentale, nous restons le pays le plus
fortement centralisé, quels que soient nos regrets à cet égard. Nous ne pouvons
en aucun cas nous comparer, du point de vue des structures, aux pays
fédéraux.
Par ailleurs, la sélection des candidats aux élections chez nos voisins peut
s'appuyer sur une représentativité des partis et sur des procédures qui n'ont
rien de comparable avec les nôtres.
De plus, nous sommes en retard sur le plan de l'organisation de notre vie
politique.
Néanmoins, sachons avoir présente à l'esprit la comparaison, justifiée ou non,
qui est souvent faite entre la France et les pays voisins.
Ma seconde observation d'ordre général porte sur l'image du Sénat dans
l'opinion.
Même si nous savons que l'opinion est éminemment versatile, elle a du cumul en
général une vision différente de celle du cumul de son élu : très critique à
l'égard du cumul dans l'abstraction, elle est plutôt approbative quand il
s'agit de son élu, de son maire, de son président d'assemblée départementale ou
régionale. N'accentuons pas les critiques qui s'expriment à ce propos.
Je regrette que, dans ce débat qui doit rester serein, on entende parler du «
mur du Sénat », du conservatisme et de la rigidité archaïque de la Haute
Assemblée. A cela s'ajoutent des critiques à l'égard des élus en général,
allant jusqu'à dire que le cumul est source de privilèges, voire de corruption,
alors que, nous le savons, l'immense majorité des élus ont, dans l'exercice de
leur mandat, un sens de l'intérêt général qui mérite d'être salué.
De telles observations, qui tendent à jeter le discrédit sur les élus, ne sont
pas de nature à permettre à un débat comme celui-ci de se dérouler dans la
sérénité.
Le Sénat n'est pas hostile à une réforme. A cet égard, notre rapporteur
emploie une formule tout à fait réaliste lorsqu'il dit qu'il lui apparaît que,
davantage qu'une question de principe, le débat d'aujourd'hui est une question
de mesure, qu'il s'agit de savoir où placer le curseur.
Le débat sur les incompatibilités est nécessaire. Je suis convaincu que nous
ne pouvons pas rester figés, mais la discussion doit être sereine, elle doit se
dérouler sans pression extérieure. C'est à cette condition qu'une réforme
cohérente et globale, qui n'occulte pas le problème du cumul, démontrera que le
Sénat veut et sait aller de l'avant, mais en privilégiant, dans cette marche en
avant, raison, réalisme et bon sens.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. André Boyer.
M. André Boyer.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Premier
ministre a eu raison de faire de la limitation du cumul des mandats un des axes
prioritaires de la politique du Gouvernement, et, à titre personnel, je voterai
les projets qui nous sont présentés parce qu'ils répondent à l'attente de nos
concitoyens, qui les approuveraient, j'en suis sûr, à une très large majorité,
et parce qu'ils tiennent compte des réalités.
Qui conteste d'ailleurs ouvertement le principe posé par ces deux projets de
loi, car c'est bien d'un principe qu'il s'agit, même si certaines de leurs
dispositions peuvent être discutées ?
Qui prétendra que peuvent désormais être assumés, réellement assumés, par un
seul homme, une seule femme, des mandats et des fonctions multiples ?
Lequel d'entre nous est en mesure de nous convaincre qu'il peut être à la fois
au four et au moulin alors que le temps se mesure toujours à la même aune, que
l'inflation législative se poursuit, si bien que la session unique y suffit à
peine, que les calendriers sont de plus en plus surchargés, les instances
multipliées, les réunions plus nombreuses, les sollicitations de nos
concitoyens plus pressantes, les problèmes à résoudre plus complexes et les
niveaux de décision plus intriqués ?
Qui pourra le prétendre sans admettre que la technocratie, qui n'est pas
seulement parisienne, que les délégations de pouvoir, qui diluent souvent ce
pouvoir, que les apparitions fugaces de certains élus dans les réunions, que
les excuses en raison d'engagements antérieurs, qui encombrent les parapheurs,
ne sont pas autant de façons de biaiser devant cette évidence de bon sens : on
ne peut pas être partout à la fois ?
Bien entendu, nous n'échappons pas à l'argument classique qui veut que les
citoyens réclament des députés-maires ou des sénateurs-maires. Mais n'avez-vous
jamais vous-même utilisé cet argument dans d'autres villes que la vôtre au
cours de vos campagnes électorales ?
Enfin, mes chers collègues, si, face à cet hémicycle, il y avait un miroir,
nous renverrait-il une image toujours flatteuse et conforme à cette tradition
démocratique que nous revendiquons et que nous nous targuons souvent de donner
en exemple au monde ?
Les Athéniens ont inventé la démocratie et Périclès, dans sa célèbre oraison
funèbre, affirmait le modèle de la démocratie grecque.
Nous savons cependant que les citoyens qui siégeaient à l'ecclésia,
l'assemblée du peuple, se précipitaient, le matin, pour toucher les trois
oboles et bavardaient très longuement sur l'agora, fuyant devant la corde
teinte en rouge qui rabattait les citoyens vers l'assemblée, remède utilisé,
nous dit Aristophane, contre la désaffection croissante pour les réunions.
Ne parlons pas de corde...
C'est bien parce que tous ici, mes chers collègues, nous souhaitons que le
Sénat conserve la place éminente qui est la sienne dans nos institutions que
nous devons mettre en pratique, dans ce débat, la sagesse que l'on nous prête
volontiers... jusqu'ici.
C'est bien parce que nous sommes convaincus, malgré quelques manifestations de
scepticisme goguenard d'un autre siècle, qu'il faut tendre progressivement vers
une parité entre hommes et femmes et vers une meilleure représentation des
jeunes dans notre vie publique que nous devons admettre que la limitation du
cumul est une des voies qui y conduit.
M. Dominique Braye.
Les sénateurs à dix-huit ans !
M. André Boyer.
Il faut faire la place en ne l'occupant pas toute.
Ne nous cachons pas derrière les faux prétextes. Que la loi préserve un
nécessaire enracinement local des élus nationaux, tout le monde, je pense, y
souscrit. Mais si elle devait, au travers d'exécutifs départementaux et
régionaux ou de mandats municipaux trop lourds - c'est peut-être sur ce dernier
point que devraient porter notre réflexion et notre discussion -, pérenniser le
pouvoir de ceux d'entre nous qui l'accumulent de façon démesurée, alors nous
rencontrerions les uns et les autres un autre miroir, celui que nous tendraient
nos concitoyens. Et l'image renvoyée ne serait pas à notre avantage, bien des
signes nous l'annoncent déjà.
Regardons-nous donc dans les yeux des autres, c'est là que l'on se voit le
mieux.
Je vous invite, en conclusion, à capter ce regard sous la plume d'un
éditorialiste de talent qui, dans une fresque historique plaisante, compare la
fin du précédent millénaire et cette fin du XXe siècle.
Je cite :
« Le pays se fragmente en une infinité de nouveaux terroirs. Les puissants
comtes règnent sur les régions ; les vicomtés départementales - issues de la
Révolution - se voient découpées en châtellenies nouvelles : quantités de
seigneurs ou de chevaliers, tous plus ou moins vassaux les uns des autres, se
mettent à la tête d'un syndicat mixte, d'un haut lieu culturel, d'un site
majeur, d'une unité de séjour touristique, d'un SIVOM, d'un SIVU, d'un terroir,
(...).
« Quelques barons régentent des communautés de communes, des parcs naturels
régionaux ou, mieux encore, des ententes interdépartementales. D'autres encore
sont les légats de l'Europe, aux commandes de puissants
leaders.
« Tous fourbissent leurs armes en vue des combats que vont générer les pays,
sachant que de sanglantes sélections devront s'opérer...
« Nouveaux châteaux, nouveaux impôts, nouvelles micro-administrations : 1998
nous rappelle qu'un millénaire, dans l'histoire de l'homme, c'est finalement
peu de choses.
« Nul doute que nous n'ayons, devant nous, de nouveaux féodalismes, de
nouvelles renaissances, de nouvelles révolutions.
« Mais dans quel ordre ? »
Avec cette citation,...
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
De qui, s'il vous plaît ?
M. André Boyer.
... ma seule ambition était de vous transmettre ce regard particulier.
Au tableau, il manque les occupants des palais nationaux que nous sommes.
Dans le débat qui nous occupe aujourd'hui, comme dans tous les autres, c'est à
nous que revient pourtant le devoir d'exprimer les aspirations de nos
concitoyens.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Quel est l'auteur de la citation ?
M. André Boyer.
Mais nous sommes aussi les garants de l'image d'une assemblée que nous
prétendons défendre.
La sagesse voudrait que, dans nos décisions, nous donnions du Sénat un visage
de progrès et non de conservatisme.
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées
socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Il ne veut pas donner le nom de l'auteur !
M. le président.
La parole est à M. Peyrat.
M. Jacques Peyrat.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ayant eu le
privilège de participer en tant que député à l'examen en première lecture des
deux textes sur la limitation de l'exercice de plusieurs mandats, permettez-moi
de vous faire part de ce que j'ai pu ressentir à l'époque, à savoir un profond
embarras de tous les acteurs.
Embarras d'un ministre, tout d'abord - celui que vous remplacez, bien sûr,
monsieur le ministre - ancien député-maire de Belfort, qui était obligé de
défendre un texte auquel il m'a semblé ne pas trop croire du fait, justement,
de son expérience.
Embarras d'une majorité ensuite, majorité on ne peut plus plurielle qui allait
des radicaux et des communistes, très attachés à la fonction de député-maire,
au jeune député apparatchik socialiste tout heureux d'avoir trouvé un coupable
: le cumulard, qu'il devait ainsi présenter à l'Etre suprême : l'opinion.
Embarras d'une droite enfin, il faut bien le dire, hésitant à s'opposer à une
réforme qu'elle jugeait mauvaise mais que les médias présentaient comme
populaire.
Telle fut donc l'atmosphère dominante pendant ces trois jours de débat.
C'est cette atmosphère, cet embarras qui expliquent en partie la si grande
différence entre le texte initial du Gouvernement et celui qui fut retenu par
l'Assemblée nationale.
Voilà comment nous avons abouti à un texte bâclé, boîteux et sans cohésion,
contenant des dispositions adoptées sans réflexion préalable et empilées les
unes sur les autres. Il était donc indispensable, comme l'a fait la commission
des lois du Sénat, de revenir à l'essentiel : le régime des incompatibilités
entre mandats électoraux et fonctions électives.
Pour ma part, je me limiterai à l'examen d'une seule disposition du texte,
celle qui est au coeur du conflit et qui vise à interdire l'exercice d'un
mandat parlementaire avec des fonctions exécutives locales, notamment celle de
maire.
Je vous le dis d'emblée, monsieur le ministre, ce n'est pas ce qui ramènera
les députés à l'Assemblée nationale. Pour le Sénat, je ne puis rien dire
puisque je n'ai pas encore pratiqué cette assemblée. Mais, pour avoir fréquenté
longtemps le Palais-Bourbon, je puis vous dire que j'ai vu, pendant près d'un
an, voter des lois fondamentales de la République une cinquantaine de députés
étant présents, députés, qui, d'ailleurs, venaient tous de province, car j'ai
rarement vu en séance des députés de Paris, qu'ils aient appartenu à votre
majorité ou à la nôtre.
Ce n'est pas ce que veulent les électeurs qui, d'ailleurs, confondent en
général cumul des mandats avec cumul des indemnités, parce qu'il semblerait que
personne ne leur ait parlé des lois récentes concernant notre écrêtement.
Ainsi, les dispositions que vous proposez visent à créer des élus de première
classe : les parlementaires et des élus de deuxième classe : les détenteurs
d'un petit mandat local.
Et pourtant ce que veulent aujourd'hui les Français, monsieur le ministre, ce
sont des élus aussi proches que possible d'eux et de leurs préoccupations, afin
qu'ils répercutent dans les hautes assemblées leurs attentes, leur volonté et
leur espérance.
Or, ce n'est pas en enfermant les parlementaires dans nos palais nationaux,
qui deviendront vite des maisons sans fenêtres, que vous pourrez revivifier le
grand principe républicain qui doit faire d'eux l'expression de la volonté du
peuple.
Cette volonté populaire, déjà si difficile à appréhender, et que l'on confond
parfois un peu vite avec l'opinion publique créée artificiellement par les
sondages et les médias, croyez-vous, monsieur le ministre, que les
parlementaires puissent l'exprimer sans l'avoir préalablement identifiée,
interprétée, validée en étant immergés au milieu de leurs concitoyens, à leur
écoute et, pour ainsi dire, en osmose avec eux, non seulement par l'exercice de
leur profession, ce qui est, soit dit entre nous, hautement souhaitable, mais
aussi par l'exercice de leur mandat électoral.
Ce n'est pas en privant les parlementaires d'une expérience gestionnaire et
décisionnaire que vous obtiendrez, monsieur le ministre, de meilleurs
législateurs.
Les assemblées voulues par la gauche plurielle seraient constituées par des
hommes et des femmes - je l'ai entendu à l'Assemblée nationale - jeunes - de
dix-huit ans - sans expérience professionnelle, sans expérience familiale, sans
expérience territoriale et qui ne verraient jamais le résultat des lois qu'ils
voteraient tandis que ceux qui, territorialement, les appliqueraient ne
seraient jamais à même d'être à leur origine ou même tout simplement de les
modifier ou de les amender.
M. Dominique Braye.
Bravo !
M. Jacques Peyrat.
Ne vaudrait-il pas mieux, dès lors, que ceux qui auront à appliquer la loi
continuent à participer à son élaboration et que, parallèlement, ceux qui
participent à son élaboration sachent de quoi ils parlent ?
Permettez-moi, monsieur le ministre, de citer les propos tenus par quelqu'un
qui n'est pas de mon camp, le député-maire de La Rochelle, Michel Crépeau, qui
a dit :
Premièrement : « Si les Français veulent envoyer des maires au Parlement et
qu'ils votent pour des maires, laissons-leur la liberté de choisir. » C'est un
principe républicain que cela.
Deuxièmement : « Je crois qu'on légifère mal, quand on le fait au gré des
fluctuations de la presse, des sondages ou même de l'opinion. » En entendant
cette phrase, maître Balarello, j'ai pensé à notre grand prédécesseur
Moro-Giafferi, qui disait : « Ne laissez pas l'opinion publique, cette
prostituée, rentrer dans le tribunal et tirer le juge par la robe. »
Troisièmement, il déclarait aussi : « En cet instant, mon cas de conscience est
cornélien, car je ne veux pas trahir mon camp qui est à gauche, mais je ne veux
pas non plus trahir la vérité, qui, malheureusement, dans cette affaire, est
sur les autres bancs. »
Monsieur le ministre, que peut-on ajouter après tant de sincérité ?
Oui, Michel Crépeau a raison : votre projet de loi n'est pas acceptable, parce
qu'il enlève au peuple la liberté de choisir.
Oui, il a raison, votre projet de loi n'est qu'un texte de circonstance,
destiné à s'attirer les bonnes grâces des électeurs et la sympathie des
médias.
Oui, il a raison, enfin, car votre projet de loi fait l'erreur de vouloir
mettre fin au député-maire ou sénateur-maire sans se rendre compte que l'un
sert l'autre et
vice versa.
En effet, quand un parlementaire exerce son mandat national et son mandat
local, il est en vérité un homme complet.
M. Guy Allouche.
Et les autres ?
M. Jacques Peyrat.
Le maire est fait pour écouter, ce que vous devriez faire, et le parlementaire
pour être entendu, ce que j'essaie de faire.
Le maire, par son pouvoir décisionnel, sert sa commune. Le parlementaire
participe collectivement à la loi de la nation. C'est à ces deux défis que ses
électeurs l'ont librement convié. Ils sentent avec clairvoyance que, par ses
deux fonctions, ils l'appellent à servir la République, car c'est l'addition
des pouvoirs locaux, communaux, départementaux et régionaux, mélangés et
interdépendants, qui a fait la France depuis des siècles.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en fait,
l'Assemblée nationale s'est donné bonne conscience. Elle a voté des
dispositions excessives, interdisant désormais aux parlementaires d'exercer la
moindre fonctions exécutive locale sous prétexte que le cumul d'une telle
fonction et d'un mandat parlementaire serait abominable.
Ensuite, bien entendu, dans nos départements, après avoir voté ces textes, les
députés, quelle que soit leur orientation politique, sont venus nous dire leur
espoir de voir le Sénat corriger cette folie.
Voilà pourquoi j'affirme que l'Assemblée nationale, dans sa majorité, s'est
donné bonne conscience en votant ces textes et en souhaitant que la Haute
Assemblée ne la suive pas. On dira alors que le Sénat est conservateur et le
tour sera joué ! Et le mal sera fait !
M. Jacques Machet.
Et voilà !
M. Jean-Jacques Hyest.
Ce n'est pas acceptable !
Cela ne signifie nullement que le débat ne mérite pas d'être ouvert. Mais il
doit l'être en des termes mesurés.
Et puis, il ne faudrait pas que certains se déclarent contre le cumul à partir
du moment où ils ont échoué à conquérir des mandats qu'ils briguaient...
M. Joseph Ostermann.
Eh oui !
M. Jean-Jacques Hyest.
Eh oui, il existe de tels cas !
Quoi qu'il en soit, sur cette question, il faut savoir se montrer modéré et
s'efforcer à l'objectivité.
J'ai relu avec beaucoup d'intérêt les débats qui ont précédé le vote de la loi
de 1985. Certains orateurs soutenaient que, si on limitait le nombre des
mandats, ce serait épouvantable. En fait, c'était raisonnable parce qu'il y
avait manifestement des excès. Au demeurant, de tels excès peuvent
éventuellement perdurer ; c'est notamment le cas lorsque des mandats exécutifs
locaux sont exercés par délégation, la délégation en question n'étant
d'ailleurs pas nécessairement donnée à des élus.
Cela pose le problème de la technocratie qui peut se développer dans les
collectivités locales comme elle s'est développée au niveau de l'Etat. Edgar
Faure disait que la technocratie, ce sont des techniciens avec lesquels on
n'est pas d'accord. C'est surtout quand le politique a abandonné ses
responsabilités que la technocratie - parce que les fonctionnaires sont des
gens sérieux - prend le pouvoir et remplace le politique.
La question qui peut se poser aujourd'hui est celle de la compatibilité entre
l'exercice d'un mandat parlementaire et celui d'une fonction exécutive
importante. Mais on peut également se demander si, quand on exerce deux
fonctions exécutives, elles ne risquent pas d'être en concurrence.
Je serais presque prêt à voter la loi mais je m'aperçois que, à l'occasion de
la réorganisation de la police et de la gendarmerie, par exemple, tel ancien
ministre de l'intérieur ou tel ancien ministre de la défense, qui savent donc
très bien que l'on doit avoir une vision prospective de ce problème, hurlent à
l'Assemblée nationale parce qu'on va supprimer le commissariat ou la
gendarmerie de la commune dont ils sont maires. Bien entendu, vous ne voyez pas
du tout à qui je fais allusion !
(Sourires.)
Cela dit, s'ils étaient
seulement députés, ils feraient la même chose : il y a quelques députés qui ne
sont pas maires mais qui hurlent autant contre de telles mesures.
Mais enfin, on aura effectivement intérêt à se demander si de grands exécutifs
et un mandat parlementaire sont compatibles.
M. Guy Allouche.
Bonne question !
M. Jean-Jacques Hyest.
Toutefois, il faut y mettre deux conditions, et M. Allouche, justement, m'a
presque devancé sur ce point. La première condition, tout à fait indispensable,
c'est la définition d'un statut de l'élu local. La seconde condition, c'est
l'aboutissement de la décentralisation.
Je ne prétends pas, moi, qu'il faut être député et maire ou président de
conseil général et maire ou président de conseil général, maire et
parlementaire. Néanmoins, j'affirme que, si l'on veut aller vers une limitation
du cumul, il faut que la décentralisation soit menée à son terme.
En effet, pourquoi un maire devient-il parlementaire ? Pourquoi un
parlementaire devient-il maire ou président de conseil régional ou général ?
C'est parce qu'il a le sentiment qu'il sera ainsi plus utile à sa région, à son
département, à sa ville. Notre culture politique centralisatrice est telle
qu'on n'a pas encore compris ce que pourrait être une décentralisation
véritable, avec d'authentiques pouvoirs locaux. Il faut donc continuer à
débattre de ce sujet.
Monsieur le ministre, s'il n'y a pas d'autre volet à votre réforme, je crois
que le Sénat aura raison de dire, suivant la commission des lois, que
l'exercice d'une fonction exécutive locale n'est pas incompatible avec celui
d'un mandat parlementaire. Par la suite, s'il y a une vraie décentralisation,
nous pourrons parvenir à un vrai partage des responsabilités dans ce pays,
étant entendu aussi - le débat n'est pas nouveau ! - qu'il faudrait que le
Parlement ait des pouvoirs tels que les parlementaires s'y sentent
véritablement utiles.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les Français
souhaitent des élus disponibles, proches d'eux, ayant l'expérience du terrain.
La confiance qu'ils leurs manifestent en en faisant leurs représentants,
via
le suffrage universel, oblige à une exemplarité. Ces paramètres
contraignent, au-delà des promesses électorales, à se poser, en conscience, et
en corollaire à cette légitimité, la question de la qualité du devoir
accompli.
Mon bref propos s'attachera, sur ces textes relatifs à la limitation du cumul
des mandats électoraux, à plaider en faveur des deux représentations locales,
dont une exécutive, compatible avec un mandat national.
La cellule première de toute vie publique est constituée par la commune. Dans
ce groupe, au sens sociologique du terme, toutes les composantes sont
présentes, offrant un large panorama de situations. Les relations individuelles
y sont irremplaçables. A mon sens, il convient de privilégier la possibilité,
pour un élu national, d'être également le maire d'une commune de moyenne
importance, le seuil du nombre d'habitants restant à fixer.
Plus de la moitié des parlementaires sont également des premiers magistrats
municipaux ; je fus moi-même l'un d'eux pendant deux décennies. Qui d'entre
nous n'a entendu parler de Paris et de ses décisions comme s'il s'agissait de
la planète Mars ? Il y a donc nécessité de placer dans la représentation
nationale la continuité liée à un enracinement qui valide les conduites
induites.
Cette entité se place tout naturellement dans le cadre spatial du canton.
Celui-ci, bien que relevant d'un découpage administratif, recouvre souvent un
terroir pourvu d'une identité. Il intègre ce terroir dans l'ensemble plus vaste
du département. L'exercice de globalisation des politiques à partir de
situations particulières, rompu à la pratique d'un mouvement pendulaire, ne
doit connaître de cesse. Toute conceptualisation doit s'ancrer dans un
pragmatisme entretenu tant pour alimenter la source que pour vérifier les
applications.
Le mandat national finalise ce schéma. Pour les raisons que je viens
d'exposer, il doit être fondé sur le montage décrit. Il n'est pas imaginable
qu'un parlementaire puisse être en lévitation par rapport au terrain.
C'est, notamment, la raison pour laquelle je suis hostile au principe : « un
homme, un mandat ». Ce maximalisme déguisé sous un vêtement de probité mène à
une distanciation préjudiciable en amont comme en aval.
Par ailleurs, il serait vain d'y voir un gage de renouvellement des élus. Lors
des dernières élections des maires, des conseillers généraux et régionaux, des
députés et des sénateurs, un taux moyen de 50 % de nouveaux venus a été
atteint, tous échelons confondus.
Enfin, il serait malhonnête de soutenir que cette règle serait un remède
contre l'absentéisme des parlementaires en séance publique. Nous savons tous
qu'il faut revoir l'organisation des débats et le rythme des travaux à
l'intérieur des assemblées. Tant que les réunions internes se superposeront, il
y aura des choix de présence à faire. Tous les textes étant examinés au moins
par une commission, doivent-ils être tous, à nouveau, réétudiés en séance
publique ? Là n'est pas le débat, mais cette critique de l'hémicycle déserté
sous-tend néanmoins certains argumentaires favorables au non-cumul à l'extrême
; il faut donc y songer.
A l'opposé, je ne suis pas favorable à ce qu'un parlementaire soit également
président d'un exécutif local. A mon sens, il n'est pas possible d'assumer les
deux charges pleinement. Soit les deux sont mal remplies, soit l'une pâtit de
l'attention portée à l'autre. C'est ainsi que le pouvoir politique passe aux
mains de l'administration ou des cabinets.
La compétence des fonctionnaires territoriaux ou des collaborateurs n'est pas
en cause, mais la frontière est mince entre délégation et substitution. Si la
présence de l'élu n'est pas suffisante, une dérive s'installe. La tentation de
cette substitution tient à la pérennité de la présence des administrations par
rapport à la classe politique. On voit certains projets proposés
inlassablement, même au niveau de l'exécutif national. On voit aussi - et nous
allons bientôt être confrontés à cette situations - certains amendements
rejetés sur l'avis des conseillers techniques, alors qu'une volonté politique
permettrait de les accueillir.
La confusion des niveaux de responsabilité est dommageable. Finalement, qui le
verdict des urnes sanctionne-t-il avec ce mode de fonctionnement ? Les
engagements et les réalisations d'un homme qui a reçu un mandat représentatif
ou les manifestations d'une administration à qui on laisse le champ libre ?
A contrario,
pour celui qui dirige vraiment son département ou sa
région, quel temps lui reste-t-il pour légiférer ? L'incroyable enchevêtrement
de l'agenda parlementaire rend déjà difficile le parcours hebdomadaire pour qui
n'a pas d'autre charge exécutive. Je ne vois pas comment tout concilier.
Une défiance savamment orchestrée vis-à-vis du politique a certainement creusé
le fossé entre le pays et sa représentation. La société se reconnaît-elle dans
ceux qu'elle élit ? Si, pour une meilleure qualité des tâches accomplies,
j'estime qu'une limite de cumul est nécessaire, elle ne m'apparaît pas comme
ayant une portée significative par rapport au dysfonctionnement incriminé :
elle n'est qu'un des volets.
Un élu est avant tout un homme au service de ses concitoyens, qui veulent tout
à la fois qu'il soit à leur inauguration et en séance, à leur côté et à Paris.
La prise en compte de ces désirs ne peut se codifier ; ils sont pourtant
essentiels.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste,
du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
11
ÉLECTION DE JUGES
À LA HAUTE COUR DE JUSTICE
M. le président.
Voici le résultat du scrutin pour l'élection des douze juges titulaires à la
Haute Cour de justice.
:
Nombre de votants |
282 Suffrages exprimés 270 |
Majorité absolue des suffrages | 136 |
Ont obtenu :
M. Patrice Gélard : 243 voix ;
M. Pierre Jeambrun : 241 voix ;
M. Hubert Haenel : 239 voix ;
M. José Balarello : 236 voix ;
M. Charles de Cuttoli : 235 voix ;
M. André Diligent : 235 voix ;
M. Jean-Louis Carrère : 228 voix ;
M. Jean-Marie Poirier : 223 voix ;
M. Jacques Larché : 213 voix ;
M. Michel Duffour : 213 voix ;
M. Michel Dreyfus-Schmidt : 207 voix ;
M. Paul Masson : 204 voix ;
M. Guy Allouche : 172 voix.
MM. Patrice Gélard, Pierre Jeambrun, Hubert Haenel, José Balarello, Charles de
Cuttoli, André Diligent, Jean-Louis Carrère, Jean-Marie Poirier, Jacques
Larché, Michel Duffour, Michel Dreyfus-Schmidt et Paul Masson ayant obtenu la
majorité absolue des suffrages exprimés, je les proclame juges titulaires à la
Haute Cour de justice.
Voici le résultat du scrutin pour l'élection des six juges suppléants à la
Haute Cour de justice.
:
Nombre de votants |
281 Suffrages exprimés 268 |
Majorité absolue des suffrages | 135 |
Ont obtenu :
M. Jean Faure : 254 voix ;
M. Roland Courteau : 251 voix ;
M. Jean-Marc Pastor : 251 voix ;
M. Lucien Lanier : 248 voix ;
M. Luc Dejoie : 242 voix ;
M. Hubert Falco : 241 voix.
MM. Jean Faure, Roland Courteau, Jean-Marc Pastor, Lucien Lanier, Luc Dejoie
et Hubert Falco ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, je les
proclame juges suppléants à la Haute Cour de justice.
12
PRESTATIONS DE SERMENT DE JUGES
À LA HAUTE COUR DE JUSTICE
M. le président.
MM. les juges titulaires et MM. les juges suppléants à la Haute Cour de
justice qui viennent d'être élus vont être appelés à prêter devant le Sénat le
serment prévu par l'article 3 de l'ordonnance n° 59-1 du 2 janvier 1959 portant
loi organique sur la Haute Cour de justice.
Je vais donner lecture de la formule du serment telle qu'elle figure dans la
loi organique. Il sera procédé ensuite à l'appel nominal de MM. les juges
titulaires puis de MM. les juges suppléants. Je les prie de bien vouloir se
lever à l'appel de leur nom, et prononcer, en levant la main droite, les mots :
« Je le jure ».
Voici la formule du serment :
« Je jure et promets de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le
secret des délibérations et des votes, et de me conduire en tout comme un digne
et loyal magistrat. »
(Successivement, MM. Patrice Gélard, Hubert Haenel, José Balarello, André
Diligent, Jean-Marie Poirier, Jacques Larché, Michel Dreyfus-Schmidt et Paul
Masson, juges titulaires, et MM. Lucien Lanier, Luc Dejoie et Hubert Falco,
juges suppléants, se lèvent à l'appel de leur nom et disent, en levant la main
droite : « Je le jure. »)
M. le président.
Acte est donné par le Sénat du serment qui vient d'être prêté devant lui.
MM. Pierre Jeambrun, Charles de Cuttoli, Jean-Louis Carrère, Michel Duffour,
Jean Faure, Roland Courteau et Jean-Marc Pastor, qui n'ont pu assister à la
séance d'ajourd'hui, seront appelés à prêter serment devant le Sénat
ultérieurement.
13
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
DE LOI CONSTITUTIONNELLE
M. le président.
J'ai reçu de MM. Josselin de Rohan, Jean Arthuis, Guy Cabanel et Henri de
Raincourt une proposition de loi constitutionnelle relative à l'incompatibilité
des fonctions de membre du Gouvernement avec l'exercice de toute fonction
élective locale et l'exercice par délégation de ces fonctions.
La proposition de loi constitutionnelle sera imprimée sous le n° 35,
distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
14
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de Mmes Hélène Luc, Marie-Claude Beaudeau, Danielle Bidard-Reydet,
Nicole Borvo, Odette Terrade, MM. Jean-Luc Bécart, Robert Bret, Michel Duffour,
Guy Fischer, Thierry Foucaud, Gérard Le Cam, Pierre Lefebvre, Paul Loridant,
Jack Ralite, Ivan Renar et Paul Vergès une proposition de loi portant création
d'une délégation aux droits des femmes au Parlement.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 39, distribuée et renvoyée à la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
15
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la
décision n° 2085/97/CE établissant un programme de soutien, comprenant la
traduction, dans le domaine du livre et de la lecture (programme Ariane).
- Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la
décision n° 719/96/CE du 29 mars 1996 établissant un programme de soutien aux
activités artistiques et culturelles de dimension européenne (programme
Kaléidoscope).
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-1165 et
distribuée.
16
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président.
J'ai reçu de M. Philippe Marini un rapport fait au nom de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le
projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant règlement définitif du
budget de 1995 (n° 527, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le n° 36 et distribué.
J'ai reçu de M. Philippe Marini un rapport fait au nom de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le
projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant règlement définitif du
budget de 1996 (n° 528, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 37 et distribué.
17
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président.
J'ai reçu de M. Jean-Paul Hugot un rapport d'information fait au nom de la
commission des affaires culturelles sur la communication audiovisuelle.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 38 et distribué.
18
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mercredi 28 octobre 1998, à quinze heures :
1. Suite de la discussion du projet de loi organique (n° 463, 1997-1998),
adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la limitation du cumul des mandats
électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice.
Rapport (n° 29, 1998-1999) de M. Jacques Larché, fait au nom de la commission
des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
règlement et d'administration générale.
Scrutin public ordinaire de droit sur l'ensemble.
2. Suite de la discussion du projet de loi (n° 464, 1997-1998), adopté par
l'Assemblée nationale, relatif à la limitation du cumul des mandats électoraux
et des fonctions et à leurs conditions d'exercice.
Rapport (n° 29, 1998-1999) de M. Jacques Larché, fait au nom de la commission
des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
règlement et d'administration générale.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale commune de ces deux
projets de loi n'est plus recevable.
Aucun amendement à ces deux projets de loi n'est plus recevable.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant règlement définitif
du budget de 1995 (n° 527, 1997-1998) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 28 octobre 1998, à
dix-sept heures.
- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant règlement définitif
du budget de 1996 (n° 528, 1997-1998) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 28 octobre 1998, à
dix-sept heures.
- Débat consécutif à une déclaration du Gouvernement sur la décentralisation
:
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 28 novembre
1998, à dix-sept heures.
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant extension de
la qualification d'officier de police judiciaire au corps de maîtrise et
d'application de la police nationale (n° 532, 1997-1998) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 3 novembre 1998, à dix-sept
heures.
- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'accès au droit
et à la résolution amiable des conflits (n° 530, 1997-1998) :
Délai limite pour les inscription de parole dans la discussion générale :
mardi 3 novembre 1998, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 3 novembre 1998, à dix-sept
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
LISTE DES MEMBRES
DE LA COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE
élus par le Sénat lors de sa séance du 27 octobre 1998
Membres titulaires. -
MM. François Autain, Michel Dreyfus-Schmidt,
Jean-Jacques Hyest, Hubert Falco, Luc Dejoie, Paul Masson.
Membres suppléants. -
M. Claude Saunier, Mme Josette Durrieu, MM.
Jean-Marie Poirier, José Balarello, Patrice Gélard, René-Georges Laurin.
LISTE DES MEMBRES
DE LA HAUTE COUR DE JUSTICE
élus par le Sénat lors de sa séance du 27 octobre 1998
Membres titulaires. -
MM. Patrice Gélard, Pierre Jeambrun, Hubert
Haenel, José Balarello, Charles de Cuttoli, André Diligent, Jean-Louis Carrère,
Jean-Marie Poirier, Jacques Larché, Michel Duffour, Michel Dreyfus-Schmidt,
Paul Masson.
Membres suppléants. -
MM. Jean Faure, Roland Courteau, Jean-Marc
Pastor, Lucien Lanier, Luc Dejoie, Hubert Falco.
NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES
M. Jean-Paul Hugot a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 515
(1997-1998) de M. José Balarello tendant à renforcer la protection des mineurs
face aux nouvelles technologies de l'information.
M. Jean Bernadaux a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 539
(1997-1998) de MM. Yann Gaillard, Pierre Laffitte et Martial Taugourdeau,
relative à la titularisation des personnels de la mission générale d'insertion
de l'éducation nationale.
M. Jean-Paul Hugot a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 566
(1997-1998) de M. Charles de Cuttoli et plusieurs de ses collègues tendant à
abroger le neuvième alinéa de l'article 47 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre
1986 relative à la liberté de communication.
Mme Danièle Pourtaud a été nommée rapporteur de la proposition de résolution
n° 541 (1997-1998) de Mme Danièle Pourtaud, sur la proposition de directive du
Parlement européen et du Conseil relative à l'harmonisation de certains aspects
du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information (n° E
1011).
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Participation des conseils généraux
à la préparation des contrats de plan
346.
- 23 octobre 1998. -
M. Alain Dufaut
appelle l'attention de
Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement
sur les préoccupations exprimées par les membres de l'Union des conseillers
généraux de France (UCGF) et par l'Association des présidents des conseils
généraux de France (APCG) au regard de la circulaire du 31 juillet 1998
relative aux prochains contrats de plan Etat-région 2000-2006, publiée au
Journal officiel
du 13 septembre dernier. Il semble en effet que
l'institution départementale soit largement oubliée dans le cadre de la
préparation de ces contrats de plan déclinables en contrats de pays,
d'agglomérations et de ville. De nombreuses initiatives sont d'ailleurs prises
pour que les conseils généraux soient associés à la phase d'élaboration de ces
futurs contrats de plan. D'ores et déjà, les six présidents de conseils
généraux de Provence - Alpes - Côte d'Azur, toutes tendances politiques
confondues, se sont récemment retrouvés à Marseille aux côtés du président de
la région pour évoquer cette question et aborder de manière concertée les
négociations. Compte tenu de la réussite des départements plus de quinze ans
après la mise en oeuvre de la décentralisation, que ce soit notamment en terme
d'action sociale ou d'aménagement du territoire, et alors même que les
fréquentes études d'opinion démontrent la profonde adhésion au département des
populations, en particulier dans les communes de moins de 20 000 habitants, il
est permis de s'interroger sur cette absence de prise en compte des acteurs
départementaux. Il semblerait préférable d'engager la décentralisation sur le
chemin d'une meilleure définition des domaines de compétence respectifs des
différentes collectivités locales plutôt que de prendre le risque de créer
d'autres niveaux d'administration locale du territoire ou de remettre en cause
le principe de libre initiative des collectivités en faveur d'un regroupement.
Aussi, il souhaiterait connaître, de manière plus précise, les intentions
réelles du Gouvernement en la matière et savoir si des mesures seront mises en
oeuvre afin que les départements soient associés à la préparation de ces
contrats de plan en tant que partenaires à part entière et pas seulement comme
des commanditaires financiers.
Problèmes d'aménagement du pont de Rouen à Nanterre
347.
- 22 octobre 1998. -
M. Michel Duffour
attire l'attention de
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement
sur les problèmes posés par le pont de Rouen à Nanterre. Cet axe est un goulet
d'étranglement et un « point noir » de la circulation dans le nord des
Hauts-de-Seine. Malgré les protestations de la municipalité de Nanterre et des
différentes associations de défense des riverains et de l'environnement, les
projets routiers qui se sont succédé depuis 1988 ont ignoré les problèmes du
pont de Rouen. L'emprise de l'A 86 l'occupe quasi entièrement. Cette situation
crée, outre les nuisances sonores et la pollution, l'impossibilité d'une
desserte locale entre le quartier du « petit Nanterre » et le reste de la
ville, et de grandes difficultés pour les circulations piétonne et cycliste.
Par ailleurs, le tramway T 1 de Saint-Denis à Nanterre est annoncé comme étant
inscrit dans les priorités des années 2000. C'est pourquoi il lui demande quels
sont les types d'aménagements prévus afin d'organiser, de la façon la plus
urbaine et la plus viable, le passage du T 1 et de l'A 86 au niveau du pont de
Rouen.
Vacances de postes de greffiers en chef
dans le ressort du tribunal de grande instance de Périgueux
348.
- 27 octobre 1998. -
M. Xavier Darcos
attire l'attention de
Mme le garde des sceaux, ministre de la justice,
sur la vacance de trois des six postes de greffiers en chef sur l'ensemble du
ressort du tribunal de grande instance de Périgueux. Ces vacances de postes
pour une durée indéterminée affectent les tribunaux d'instance de Ribérac,
Nontron et le tribunal de grande instance de Périgueux. Elles entraînent une
désorganisation constante de travail au sein de cette juridiction et, par voie
de conséquence, pénalisent le fonctionnement du service judiciaire. Il n'ignore
pas que la question prévisionnelle des greffes des tribunaux fait partie des
priorités de son action. Par ailleurs, les dispositions de la loi n° 95-125 du
6 janvier 1995, en opérant certains transferts de compétences des magistrats
aux greffiers en chefs, ont soulevé la possibilité d'envisager de déléguer aux
greffiers les missions dévolues aux greffiers en chef. Néanmoins, s'agissant
des greffes du ressort du tribunal de grande instance de Périgueux, il convient
de souligner que ces greffes sont déjà surchargés. Le greffier en chef du
tribunal de grande instance de Périgueux, qui actuellement n'a pas d'ajoint, a
en charge une cellule budgétaire importante, et le greffier en chef du tribunal
d'instance de cette même ville doit assumer la lourde gestion des demandes de
nationalité. En conséquence, il souhaite que la situation spécifique de la
circonscription judiciaire du tribunal de grande instance de Périgueux soit
examinée de toute urgence en liaison avec la sous-direction des greffes du
ministère de la justice, afin qu'une solution aussi satisfaisante que possible
soit apportée aux vacances qui lui sont signalées.
Fermetures de gendarmeries en zones rurales
349. - 27 octobre 1998. - M. Yves de Rispat attire l'attention de M. le ministre de la défense sur les fermetures de brigades de gendarmerie en zones rurales. Il lui rappelle que depuis plus de deux mois, de nombreux départements sont agités par les annonces, à répétition, de suppressions de brigades de gendarmerie. A titre d'exemple, pour le département du Gers, ce sont six brigades en juillet, puis quatre autres aujourd'hui, qui sont menacées. Alors que les départements ruraux font des efforts financiers énormes pour soutenir la présence des services publics, alors que nombreux sont ceux qui prônent une politique harmonieuse et solidaire d'aménagement du territoire, il est décidé unilatéralement, sous prétexte d'une évaluation de la déliquance apparemment plus faible en milieu rural, de retirer de territoires entiers l'une des institutions les plus populaires aux yeux des Français : leurs gendarmeries. Il souligne que garants intangibles de l'ordre républicain, assurant à tous, et en particulier aux plus faibles d'entre nous, le droit imprescriptible à la sécurité, les gendarmes ont un rôle prépondérant et rassurant dans la vie quotidienne de nos populations des zones rurales. En conséquence, sans nier l'effort nécessaire de sécurité à réaliser vers les grands centres urbains, il lui demande de bien vouloir reprendre ce projet et d'engager une plus large consultation avec l'ensemble des élus et socioprofessionnels concernés, en tenant compte non seulement de la gendarmerie mais aussi du maintien et de l'implantation des autres services publics en milieu rural.