Séance du 29 juin 1998
NATURA 2000
Adoption des conclusions modifiées
du rapport d'une commission
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 503,
1997-1998) de M. Jean-François Le Grand, fait au nom de la commission des
affaires économiques et du Plan, sur la proposition de loi (n° 194, 1997-1998)
de M. Jean-François Le Grand, Mme Janine Bardou, MM. Michel Doublet, Michel
Souplet et Louis Minetti, relative à la mise en oeuvre du réseau écologique
européen dénommé Natura 2000.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, madame la ministre, mes chers collègues, la présente proposition
de loi est relative à la mise en oeuvre de la directive européenne 92/43, dite
« directive Habitats naturels » mais plus communément dénommée « Natura 2000
».
Compte tenu de l'heure avancée, je me contenterai, si vous me le permettez,
madame la ministre, mes chers collègues, de vous renvoyer - dans la mesure où
vous n'en auriez pas déjà pris connaissance - au rapport n° 309 que j'avais
présenté en 1997 devant la commission des affaires économiques du Sénat,
intitulé
Natura 2000 : de la difficulté de mettre en oeuvre une directive
européenne.
Ce rapport, adopté à l'unanimité, avait été élaboré par un
groupe de travail réunissant notamment les auteurs de la proposition de loi que
nous examinons aujourd'hui.
La directive fixe des objectifs, laissant, en vertu du principe de
subsidiarité, le soin aux différents Etats membres, en application des articles
130 R du traité de Rome et 3 B du traité de Maastricht, de mettre en oeuvre ces
objectifs.
Compte tenu du caractère international des migrations et des mouvements de
populations d'oiseaux, d'animaux - mais il peut aussi en être de même pour la
flore - il est évident que la directive a naturellement un caractère européen.
C'est donc à ce niveau que peuvent être fixés les objectifs, les moyens
nécessaires pour atteindre ces objectifs étant laissés à la discrétion des
Etats.
J'avais alerté votre prédécesseur, madame la ministre, sur la nécessité dans
laquelle nous étions de nous doter de textes législatifs pour encadrer cette
procédure. Aucun texte ne nous a cependant été proposé, votre prédécesseur nous
ayant annoncé qu'elle travaillerait par décrets.
Ne voyant rien venir, mes collègues et moi-même avons alors décidé de déposer
cette proposition de loi afin de remplir ce vide juridique, qui n'est
actuellement comblé que par le mémorandum interprétatif français et par les
circulaires que vos prédécesseurs et vous-même avez émises sur le sujet. C'est
« un peut court » pour répondre à la question posée, et cela permet à nombre
d'interprétations de se faire jour et à certains courants de pensée - plus ou
moins animés de bonnes intentions - de développer alors des discours
contradictoires sur le sujet.
J'insiste donc sur ce point, madame la ministre, il s'agit, dans notre esprit,
d'accompagner et de faciliter la mise en oeuvre de la directive et de faire en
sorte que l'on évite des divergences d'interprétation.
Je considère - j'aurais d'ailleurs pu commencer par là - que la directive
Habitats-Naturels constitue une heureuse initiative. En effet, elle vient
compléter la directive 79/409/CEE, dite « directive Oiseaux ». Si l'on veut
protéger les espèces, il faut aussi protéger les habitats, et la Commission
européenne a donc remédié à cette lacune avec la directive 92/43/CEE.
Le décor étant ainsi planté, permettez-moi de vous renvoyer pour plus de
détails à la lecture du rapport que j'ai eu l'honneur de présenter en 1997, ce
dernier faisant apparaître les contraintes et obligations auxquelles devrait
répondre un texte d'application français.
La première de ces obligations est la concertation, j'y reviendrai lors de la
discussion des articles.
La deuxième est l'établissement de documents d'objectifs. A quoi servent-ils,
quels sont-ils, comment peuvent-ils être mis en oeuvre ? Nous y reviendrons, là
aussi, lors de la discussion des articles.
Quant à la troisième obligation, elle figure dans l'article 8, paragraphe 3,
de la directive : des cofinancements doivent être prévus pour sa mise en
oeuvre. Ces cofinancements ne sont pas particulièrement précisés, mais, si l'on
fait référence aux actions qui ont déjà été menées depuis longtemps, notamment
aux mesures agri-environnementales, on imagine très bien qu'il peut s'agir de
l'indemnisation des propriétaires ou des collectivités qui seraient pénalisées
du fait de l'application de la directive, ou de l'accompagnement des mesures
contractuelles du type de celles qui ont été prises en matière
agri-environnementales et qui se sont successivement appelées « article 19 »,
puis « article 21 ».
Pour ma part, en tout cas, je préfère la contractualisation à l'indemnisation
: l'intérêt général y trouve mieux son compte.
Tel est, madame la ministre, mes chers collègues, très brièvement rappelé le
contexte dans lequel s'inscrit cette proposition de loi. J'étais certes tenté,
au début de mon propos, d'en dire beaucoup plus à l'intention des lecteurs du
Journal officiel,
mais j'ose espérer que ceux qui s'interrogeraient sur
certains exposés des motifs voudront bien se référer aux trente premières pages
de mon rapport de 1997, qui sont suffisamment explicites à cet égard sans qu'il
soit besoin d'y revenir ici.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui a fait l'objet d'un débat
très approfondi avec l'ensemble des personnes concernées, qui avaient
d'ailleurs été déjà auditionnées par le groupe de travail sur Natura 2000. Il
s'agit donc non pas d'un texte
intuitu personae,
mais du fruit d'une
réflexion approfondie.
Ce texte comporte trois axes.
Premièrement, compte tenu des délais écoulés et du déroulement de la procédure
de désignation des sites reprise par le précédent gouvernement en février 1997
- et confirmée sur de nouvelles bases par vous-même, madame la ministre - il
est apparu que l'échelon départemental constituait le bon niveau pour organiser
la concertation avec les collectivités territoriales et les acteurs économiques
locaux.
Un débat a eu lieu au sein de la commission des affaires économiques pour
déterminer s'il convenait d'instaurer un comité départemental ou un comité
régional. Selon qu'ils étaient départementalistes ou régionalistes, vous
imaginez les arguments qui pouvaient être avancés par les uns et par les autres
! Quoi qu'il en soit, l'essentiel est que le niveau retenu soit pertinent et
que la concertation ait lieu le plus près possible du terrain.
C'est sans doute la raison pour laquelle la commission des affaires
économiques a retenu le niveau départemental - alors que j'avais moi-même
proposé le niveau régional - tout en associant les élus régionaux aux
décisions. C'est une disposition que nous n'avons d'ailleurs pas inventée :
nous n'avons fait qu'emprunter le dispositif de la commission départementale de
coopération intercommunale. Il y aura donc, au sein de ce comité départemental,
des élus régionaux, dans des conditions dont nous débattrons tout à l'heure
lorsque nous aborderons l'examen des articles.
Seront également mis en place, bien sûr, des comités locaux de désignation des
sites et de suivi. Un tel dispositif ne peut en effet fonctionner sans
concertation. Il faut toujours préférer, madame la ministre, le contrat à la
contrainte. Si l'on explique les choses, on a de grandes chances qu'elles
soient comprises, au sens latin du terme :
cum prehendere,
c'est prendre
avec, c'est assimiler.
Certes, cela peut prendre du temps et je comprends que vous craigniez qu'il
puisse y avoir, par moment, des dérapages dans la concertation. Il faut
cependant en assumer le risque, car il est nécessaire.
Le deuxième axe de cette proposition de loi - encore une fois, je passe très
vite, mais je reviendrai tout à l'heure, lors de la discussion des articles,
sur les points importants - concerne les documents d'objectifs.
Nous prévoyons une procédure d'élaboration de ces documents pour les sites
inscrits sur la liste des propositions nationales. L'article 4 de la
proposition de loi prévoit ainsi la constitution d'un comité de pilotage local
propre à chaque site, tandis que l'article 5 précise que ce comité élabore le
document d'objectifs propre à chaque site, et que l'article 6 précise le
contenu de ce document.
Enfin, j'en arrive au troisième axe de cette proposition de loi, qui vise à
garantir les droits des propriétaires et des gestionnaires des sites proposés
en vue de leur intégration dans le réseau écologique européen.
Vous le savez, les mesures agri-environnementales qui ont été prises jusqu'ici
avaient pour objet non pas de verser une prime à ceux dont on aurait attendu
une attitude différente, mais de compenser un manque à gagner. A partir du
moment où ce manque à gagner se traduit par un « plus » pour l'ensemble de la
société, il est logique que la collectivité fasse elle-même jouer la solidarité
!
Il y aura donc soit compensation financière, soit contractualisation : la
porte est grande ouverte à ce type d'opération.
En 1993, alors que j'étais chargé d'élaborer un rapport sur la protection de
l'environnement rural pour le compte du Premier ministre de l'époque, j'avais
moi-même proposé l'instauration de mesures de défiscalisation lorsqu'il y avait
action en faveur de l'environnement. Il est en effet plus intéressant de
défiscaliser que de payer : l'acte est moins gênant pour les finances publiques
et, en même temps, il préserve l'intérêt général puisqu'il permet à la fois de
satisfaire un besoin collectif tout en demeurant efficace pour les
propriétaires privés ou les collectivités qui s'engageraient dans cette
voie.
Je me permets de rappeler que ce n'est pas une innovation, même si, par
ailleurs, le ministère de l'économie et des finances s'y oppose
systématiquement. N'y a-t-il pas eu, ainsi, de telles mesures de
défiscalisation pour les oeuvres d'art, par exemple ? Pourquoi l'environnement
ne bénéficierait-il pas lui aussi d'un tel dispositif ?
L'article 10 prévoit donc de telles mesures, mais sachez, madame la ministre,
que, dans la mesure où il n'y aurait pas d'engagement de la part du
Gouvernement sur une indemnisation ou sur une contractualisation, cela
provoquerait alors à coup sûr des difficultés dans la mise en oeuvre de la
directive.
Voilà, madame la ministre, ce que je voulais dire en quelques mots sur un
dispositif qui nous a paru intéressant. Nous n'abordons pas ce débat dans un
esprit conflictuel, et cette proposition de loi a été élaborée - je parle sous
le contrôle de ses co-auteurs, notamment de Mme Bardou, qui s'exprimera dans un
instant - avec la seule volonté de faire avancer ce dossier dans le bon sens,
avec bon sens. Il y a en tout cas une ardente et urgente nécessité à mettre bon
ordre dans ce flou juridique, l'inexistence d'un texte pouvant susciter des
interprétations abusives qui iraient, c'est sûr, à l'encontre de l'intérêt
général.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Grignon.
M. Francis Grignon.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la procédure
de mise en place des dispositions de la directive Natura 2000 pose, à mon avis,
deux problèmes : une absence de concertation véritable, d'une part, une absence
de réflexion sur le devenir des sites proposés, d'autre part.
S'agissant de l'absence de concertation véritable, tout d'abord, l'article 2
du décret du 5 mai 1995 prévoit la mise en place, par le préfet de région,
d'une conférence Natura 2000. Or, cette conférence n'est qu'informée et non
consultée, et ce à deux étapes de la procédure de définition des sites : une
fois que le préfet de région a établi sa liste après proposition du conseil
scientifique régional du patrimoine naturel, le CSRPN, et après l'harmonisation
des listes régionales par le ministère de l'environnement.
De plus, outre le fait que ces conférences ne sont qu'informées, et donc sans
véritable pouvoir, elles n'ont jamais très bien fonctionné, faute, entre
autres, d'avoir été fréquentées par tous ceux qui devraient en être membres.
L'information des différents acteurs du monde rural s'est donc faite très mal
et très tardivement.
Par ailleurs, l'article 6 du décret du 5 mai 1995 prévoit la consultation des
maires concernés une fois la liste élaborée au niveau national, donc tout à la
fin de la procédure.
Cette absence de concertation, ou du moins cette concertation limitée à
l'information, a engendré un grand nombre d'incompréhensions réciproques et de
malentendus qui ont conduit à un blocage de la mise en oeuvre de la
directive.
Au-delà de la concertation, il semble qu'il y ait également une absence de
réflexion sur le devenir des sites proposés.
De fait, la concertation, quand elle a eu lieu, n'a porté que sur la
délimitation des sites et sur leur intérêt au regard des critères de la
directive ; elle ne s'est pas accompagnée d'un véritable travail de réflexion
sur les modes de gestion qui pourraient être appliqués dans les futurs sites du
réseau. Or, l'originalité de la directive est qu'elle propose de concilier le
maintien de la biodiversité et les exigences économiques, sociales, culturelles
et régionales.
Cette question de multi-usage n'a, en outre, pas été abordée, alors qu'elle
relève pourtant exclusivement de la compétence des Etats, la Commission
européenne se contentant d'apporter les cofinancements nécessaires en fonction
des besoins de chaque Etat. La liberté est donc totale en ce domaine.
La proposition de loi présentée par la commission des affaires économiques et
du Plan vise donc à agir sur ces deux leviers à la fois : la concertation et la
gestion des sites.
La concertation, tout d'abord, passe par un renforcement à trois niveaux.
Premièrement, au niveau de l'identification des sites : après l'inventaire du
CSRPN, il est proposé d'instaurer, en remplacement du seul préfet, un conseil
départemental du patrimoine naturel composé en majorité d'élus et présidé par
le préfet. Il sera chargé d'identifier, de façon scientifique et technique, les
périmètres des sites proposés.
Ensuite, au niveau de la définition des parcelles cadastrales et des
orientations de la gestion des sites : une fois la liste déterminée par le
ministère, il est proposé de créer, toujours en remplacement du seul préfet, un
comité de pilotage local associant l'ensemble des acteurs locaux et chargé des
deux missions précédemment évoquées. Là encore, l'ensemble des acteurs locaux
sont associés à la prise de décision.
Enfin, au troisième et dernier niveau : le projet de document d'objectifs est
transmis pour avis non plus au seul maire mais à l'ensemble du conseil
municipal. La consultation est donc élargie.
Quant à la gestion des sites, il est prévu, dans la proposition de loi, que
les comités locaux de pilotage élaborent des « documents d'objectifs » ayant
pour fonction de définir les orientations et les modalités de gestion des sites
sur un mode contractuel, c'est-à-dire en laissant une grande liberté aux
acteurs locaux pour négocier et signer les contrats de gestion.
En outre, le volet financier est évoqué puisqu'il est prévu d'indemniser les
propriétaires susceptibles de subir un préjudice direct, naturel et certain en
raison des contraintes qu'impose la préservation du milieu naturel.
Cette proposition de loi équilibrée vise donc à clarifier la procédure afin de
ne laisser personne de côté et de permettre une confrontation pacifiée des
différents intérêts en présence.
C'est pourquoi mon groupe votera sans réserve cette proposition de loi, qui
devrait permettre d'encadrer, dans notre pays, l'application dans les campagnes
de la directive Natura 2000, en tenant compte des exigences économiques,
sociales, culturelles et régionales. Il s'agit non pas de bloquer Natura 2000,
mais, bien au contraire, de lui permettre un développement harmonieux qui
tienne compte de tous les acteurs en présence.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis
plusieurs années déjà, le réseau écologique européen dénommé Natura 2000 a
soulevé de nombreuses interrogations. En effet, ce texte, sans vouloir heurter
personne, n'a pas été très bien engagé et, par voie de conséquence, il a
souvent été mal compris.
Rappelons d'abord, en préambule, que l'objectif de l'opération Natura 2000 est
la préservation d'habitats naturels considérés comme remarquables et la
préservation d'espèces - faune et flore sauvages - tout en tenant compte des
exigences économiques, sociales, culturelles et régionales.
Ainsi, dans un premier temps, cette directive européenne a soulevé de très
grandes inquiétudes, car tous les acteurs socio-économiques l'ont ressentie
comme une source de contraintes supplémentaires et comme un obstacle à un juste
développement économique de ces régions, au profit d'espaces naturels
sanctuarisés.
Depuis, il a été sans doute répondu à certaines préoccupations, mais il n'en
demeure pas moins que Natura 2000 imposera des obligations qui devront être
compensées.
Des concertations engagées dans certains départements, il ressort - je peux en
porter témoignage - qu'il n'y a pas d'opposition systématique à Natura 2000. Il
apparaît cependant que la plupart des questions posées concernent le régime des
compensations, pour lesquelles l'ensemble des intervenants souhaiteraient des
réponses précises.
Apparaît également, avec beaucoup d'acuité, le souci que cette évolution vers
la mise en oeuvre de cette directive se fasse avec et non pas contre les
acteurs du monde rural.
C'est ce qui a motivé la proposition de loi présentée aujourd'hui, qui vise à
mettre en place une procédure où chacun pourra s'exprimer et qui affirme la
volonté d'associer toutes les instances concernées.
Je tiens d'ailleurs, ici, à remercier M. Jean-François Le Grand pour le
travail accompli, dont nous pouvons juger de la grande qualité à travers le
rapport justement intitulé :
Natura 2000 : de la faculté de mettre en oeuvre
une directive européenne.
Pour ce qui est de la concertation, le niveau d'organisation doit être bien
défini. En effet, trop souvent éloignée des citoyens concernés, la concertation
est inefficace et crée des frustrations, sources de conflits.
Le fait d'avoir choisi, dans l'article 2, le département comme échelon de
cette concertation est, à mon avis, un choix judicieux et pertinent ;
suffisamment proche de la population, ce niveau permet une bonne vision globale
des enjeux.
Cette préoccupation rejoint une demande des élus, exprimée de longue date,
d'un dialogue direct entre scientifiques et gestionnaires. Cela conforte le
droit des élus de décider en dernier ressort, même si, compte tenu de
l'avancement des projets, leur influence sera limitée. Ils auront la
possibilité de participer à la validation des documents d'objectifs. Cela
contribuera à la qualité de la négociation.
Je rappelle que la plupart des intervenants soulignent également avec force
que le réseau Natura 2000 ne doit pas être fondé sur une éthique préconisant la
France du vide et qu'ils seraient opposés à une procédure réglementaire
supplémentaire.
La plupart des partenaires acteurs du monde rural, y compris les agriculteurs,
souhaitent qu'au travers des documents d'objectifs contractuels puissent être
préservés certains habitats remarquables, tout en préservant les activités
actuelles, notamment agricoles, qui ont elles-mêmes contribué - faut-il le
rappeler ? - à maintenir ces habitats.
M. Alain Vasselle.
Très bien !
Mme Janine Bardou.
Sans entretien par l'homme, la nature a en effet tendance à se dégrader et à
évoluer vers le boisement et l'embroussaillement, d'où un appauvrissement de la
faune et de la flore qu'elle abrite.
Le secret de la réussite d'une opération réside donc essentiellement dans la
concertation, comme l'ont souligné plusieurs orateurs. D'où l'intérêt que
celle-ci soit bien conduite et au plus près de la population.
Partout où les hommes se sont rencontrés pour travailler ensemble, le résultat
a été positif. C'est donc tous ensemble et de façon citoyenne qu'il faut
réfléchir à cette nouvelle vocation d'intérêt collectif de l'environnement,
mais aussi de l'agriculture, qu'est la gestion de l'espace, laquelle ne peut se
faire s'il y a trop d'obligations sans contrepartie financière.
Il va sans dire que, si l'on imposait des contraintes de production sans
compensation financière, cela se traduirait par une baisse du revenu des
agriculteurs et une cessation d'activité de ceux-ci, si bien que le résultat
serait contraire aux objectifs visés.
C'est pourquoi l'idée de distinguer l'indemnisation de la rémunération me
semble opportune. Inscrit dans la loi, ce principe représente une garantie
forte pour les propriétaires.
Cette directive européenne va, dans un deuxième temps, faire l'objet d'un
projet de loi pour être transcrite dans le droit français. A ce stade de la
mise en oeuvre de Natura 2000, il devra être tenu le plus grand compte du
résultat des consultations qui ont lieu à l'heure actuelle, seul garant d'un
aboutissement positif.
Le projet de loi que prépare le Gouvernement et la proposition que nous
discutons aujourd'hui sont complémentaires. Le projet de loi porte sur la
définition juridique du réseau Natura 2000 et sur le principe d'une gestion de
droit commun contractualisée sur chaque site.
Il convient donc que le Gouvernement, notamment sur les aspects financiers, et
tout particulièrement sur les conditions relatives aux activités tolérées sur
les sites, tienne compte des principes actés par le mémorandum de la Commission
de janvier 1997 et aussi de notre proposition de loi.
Une telle démarche montrera, madame la ministre, la réelle volonté que vous
avez de mener ce projet dans la concertation.
En effet, si les acteurs du monde rural n'ont nullement le souhait d'entraver
l'application de Natura 2000 et espèrent même, si possible, en être des
partenaires actifs, il faut absolument, madame la ministre, que le Gouvernement
prenne des engagements précis et nous assure de les respecter, tant au niveau
des nombreuses observations faites en cours de concertation qu'au niveau des
attentes émises par les acteurs de terrain.
C'est à ce prix que nous réussirons cette démarche nécessaire, nous en
convenons tous, à la préservation de la qualité de notre patrimoine naturel.
Le groupe des Républicains et Indépendants, qui fait siennes les conclusions
de la commission telles qu'elles ont été présentées par M. le rapporteur,
votera ce texte.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union
centriste et du RPR.)
M. Alain Vasselle.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, M. le
rapporteur vient de nous expliquer la genèse de cette proposition de loi. Je ne
la rappellerai donc pas. Pourtant, il me semble nécessaire de situer quelques
étapes.
En mars 1992 paraît la directive 92/93/CEE Habitats naturels dite Natura
2000.
De 1993 à avril 1997 paraissent trois circulaires et un décret, sous les
gouvernements présidés par MM. Balladur et Juppé. Ce décret, en particulier la
liste des 1 623 premiers sites identifiés, provoque de telles protestations de
la part des milieux socio-économiques que le Premier ministre Alain Juppé
décide de « geler » l'application de cette directive.
Mais le mal est fait. La suspicion s'installe partout. L'absence de
concertation est dénoncée par tous. Les élus locaux sont accablés de
réclamations. Des négociations discrètes sont reprises, mais trop tard !
L'incompréhension s'est installée, les oppositions se sont durcies contre ce
que l'on appelle maintenant les « sanctuaires de la nature ». La mise en oeuvre
difficile de la directive « oiseaux sauvages » vient interférer dans le débat
et renforce le climat anti-européen. La circulaire de Mme Lepage n'y peut rien,
mais on comprend mieux, dès lors, pourquoi la liste de sites arrêtés par le
gouvernement Juppé, en février 1997, n'a jamais été transmise à la Commission
européenne et pourquoi la commission des affaires économiques et du Plan avait
lancé, en juin 1996, une mission d'information sur l'application de cette
directive et adopté, en avril 1997, le rapport du groupe de travail.
Août 1997 - juin 1998 : ministre de l'environnement du gouvernement dirigé par
Lionel Jospin, Mme Voynet décide de relancer immédiatement la dynamique de
Natura 2000 avec un double souci, le pragmatisme et la concertation.
Pragmatisme d'abord. La ministre affirmait ici même, au Sénat, lors du débat
sur les crédits du ministère de l'environnement du 5 décembre 1997, qu'il était
« hors de question de mettre en place des sanctuaires de la nature » et prônait
une gestion au cas par cas avec une démarche contractuelle, conformément à la
directive. Dans le même temps, pour éviter que la France ne soit condamnée par
la Cour de justice européenne pour défaut de transmission, 543 sites,
recouvrant essentiellement des espaces déjà protégés, des forêts domaniales ou
des espaces volontaires, notamment ceux qui souhaitaient bénéficier d'un
financement Life en 1998 - étaient proposés à la Commission européenne.
Concertation, ensuite. Elle était élargie à des associations d'élus locaux -
qu'il s'agisse de l'Association des maires de France, de l'Association des élus
de la montagne, ou de l'Association des présidents de conseils généraux - et à
diverses autres associations encore. Les préfets étaient invités à y associer
étroitement les socioprofessionnels, les propriétaires, les gestionnaires, les
divers utilisateurs de la nature, conformément à la circulaire du 11 août
1997.
M. Alain Vasselle.
On n'a pas attendu 1998 pour lancer la concertation : elle avait commencé bien
avant !
M. Jacques Bellanger.
Trois groupes de travail étaient constitués au sein du Comité national de
suivi et de concertation.
Le premier traitait de la notion de « perturbation » - ce qui peut avoir des
conséquences sur l'activité cynégétique - et concluait que la chasse ne
constituait pas une activité perturbante ayant un effet significatif, car elle
n'entraînait pas un déclin durable ou la disparition de l'espèce concernée avec
quelques exceptions comme l'ours brun ou le phoque veau marin.
Le deuxième étudiait la notion de détérioration - ce qui peut avoir des
conséquences sur les activités agricoles.
Le troisième s'intéressait à l'évaluation de la gestion des sites.
Dans le même temps, la rédaction d'un guide méthodologique, destiné à
l'élaboration des documents d'objectifs propres à chaque site, s'achève et doit
faire l'objet d'une évaluation d'ensemble.
C'est à partir de ces cadres que les coûts pourront être mieux cernés. Je
crois d'ailleurs savoir, comme vous-même, monsieur le rapporteur, que des
mesures fiscales sont à l'étude sur ce point.
Ainsi, en l'espace d'une seule année, une importante mécanique de concertation
dans tous les domaines touchés par la directive Natura 2000 a été mise en
place, fonctionne et est susceptible de déboucher sur des accords contractuels
ou, à défaut, sur une méthodologie unanimement acceptée.
Monsieur le rapporteur, nous comprenons la démarche qui a conduit à
l'élaboration de votre proposition de loi. Elle reflétait l'inquiétude des élus
locaux et la révolte des acteurs du monde rural. Nous y retrouvons d'ailleurs
des options que nous partageons, par exemple la définition de périmètres de
sites en accord avec les parcelles cadastrales ou une juste représentation des
élus locaux dans les processus de décision. Elle manifeste aussi le désir du
pouvoir législatif d'intervenir là ou nous ne voyons que directives
européennes, circulaires et décrets, et nous partageons ce souci.
Mais nous nous interrogeons sur la date et la méthode. La date : pourquoi si
vite, pourquoi aujourd'hui alors qu'une concertation que nul ne peut nier et
qui répond à de nombreuses propositions de votre rapport est en cours et en
voie d'aboutir ? La méthode : pourquoi ne pas attendre les conclusions des
concertations en cours, les résultats des travaux engagés par les trois
commissions du Comité national de suivi et de concertation, la version
définitive du guide méthodologique ?
Monsieur le rapporteur, je ne doute pas un instant de votre attachement à la
notion du développement durable dans laquelle s'inscrit la directive Natura
2000, même s'il ne va pas jusqu'à la volonté de l'inscrire dans la loi.
Vous me permettrez d'être plus réservé sur l'opinion d'au moins une partie de
la majorité sénatoriale dont vous êtes membre et qui soutient la proposition de
loi que vous nous présentez aujourd'hui. La succession des échelons de
concertation et de décision, la multiplication des commissions à l'échelon
départemental, le choix du département s'agissant des compétences en matière
d'environnement : tout cela nous laisse un peu sceptique quant à l'efficacité.
Le mieux est quelquefois l'ennemi du bien.
J'ajoute donc à mon interrogation sur la date et la méthode un étonnement sur
la complexité de la mécanique de la proposition de loi présentée et qui
pourrait nous mener tout droit au blocage de la mise en oeuvre de la directive
Natura 2000.
Les erreurs de communication et de concertation des gouvernements précédents
ont abouti à un véritable climat de défiance envers les initiatives en matière
de protection de la nature de la Commission de Bruxelles. Au moment où la
ratification du traité d'Amsterdam devient un enjeu politique, nous craignons
que ce débat ne soit dévié de son véritable objectif ; il importe donc d'y
apporter réflexion et sagesse.
Enfin, nous avons, sur un point précis, une divergence profonde sur le niveau
de compétence apte à gérer la mise en oeuvre de la directive Natura 2000.
Cette directive indique : « considérant que le but principal de la présente
directive étant de favoriser le maintien de la biodiversité, tout en tenant
compte des exigences économiques, sociales, culturelles et régionales, elle
contribue à l'objectif général d'un développement durable ; que le maintien de
cette biodiversité peut, dans certains cas, requérir le maintien, voire
l'encouragement, d'activités humaines ; ». Puis : « considérant qu'il convient
d'encourager, dans les politiques d'aménagement du territoire et de
développement, la gestion des éléments du paysage qui revêtent une importance
majeure pour la faune et la flore sauvage ».
Il ne s'agit donc pas du tout de constituer un musée ou une « réserve
d'indiens », mais de préserver des habitats naturels qui, loin de nuire à
l'activité humaine et économique, peuvent contribuer à l'aménagement du
territoire et du développement. C'est d'ailleurs la conception que nous avons
du développement durable. Dans cette conception, nous nous rapprochons de
l'article L. 244-1 traitant des parcs naturels régionaux selon lequel : « les
parcs naturels régionaux concourent à la protection de l'environnement,
d'aménagement du territoire, de développement économique et social et
d'éducation et de formation du public.
Nous sommes donc bien dans le domaine de l'aménagement du territoire qui
relève du niveau régional et non pas départemental, comme il est indiqué dans
la proposition de loi. Nous présenterons donc un amendement sur ce point.
Comme vous, monsieur le rapporteur, nous souhaitons mettre fin aux inquiétudes
des élus locaux et du monde rural concertant l'application de la directive
Natura 2000. Mme la ministre, en rupture avec la politique des gouvernements
précédents, a mis en oeuvre une politique de concertation que nous
approuvons.
MM. Alain Vasselle et Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Mais non !
M. Jacques Bellanger.
Nous considérons donc comme une erreur de légiférer avant que cette très large
concertation ne soit achevée. En conséquence, nous nous abstiendrons lors du
vote de ce texte.
M. le président.
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a loin du
point de départ de la proposition de loi que nous examinons, telle qu'elle
s'élabore depuis plusieurs mois, maintenant, à la mise en oeuvre du réseau
Natura 2000.
En effet, la mise en place du réseau Natura 2000 qui devait, dès son origine,
participer à la réalisation des objectifs de la convention mondiale sur la
préservation de la diversité biologique adoptée au Sommet de la Terre de Rio en
1992 et ratifiée par notre pays a connu une relative infortune.
Paradoxalement, cette infortune allait à l'inverse de l'esprit du sommet de
Rio tant la nécessité de préserver la biodiversité semblait et semble partagée
par un très grand nombre de nos compatriotes, élus ou non.
De fait, la directive européenne Natura 2000 a pris, dans notre pays, beaucoup
de retard.
En 1997, la France était l'une des dernières nations à n'avoir pas adressé à
la Commission européenne des propositions de sites susceptibles d'être intégrés
au sein du réseau Natura 2000.
Vous avez, madame la ministre, relancé ce programme en août dernier. Cette
décision a permis de redynamiser la directive Natura 2000.
Ainsi, l'inventaire français a identifié 1 316 sites pouvant être labellisés
comme sites d'importance communautaire.
La question qui se pose aujourd'hui - la proposition de loi que nous examinons
en témoigne - est celle d'une mise en réseau cohérente.
S'agissant d'enjeux d'importance, une mise en oeuvre aussi démocratique que
partagée est nécessaire.
L'originalité du dispositif des zones spéciales de conservation prévues par le
réseau écologique européen est d'assurer la sauvegarde des éléments de la
diversité écologique, en cherchant à concilier les exigences écologiques des
habitats naturels et des espèces avec les activités économiques, sociales et
culturelles des populations.
Nous sommes attachés à une conception environnementale issue des postulats du
sommet de la terre qui s'oppose à toute notion de réserves sanctuarisées.
Comment, en effet, aujourd'hui, promouvoir la protection des milieux naturels,
de la faune et de la flore, sans la présence de l'homme ?
Plus encore, les paysages de notre pays, leur façonnage au fil des siècles -
cela est vrai pour l'ensemble de notre continent - résultent pour une part
essentielle de la présence de l'homme et des activités qu'il a pu mener sur
l'ensemble du territoire européen.
Pour autant, les réserves, voire les résistances provoquées par la directive
Natura 2000 illustrent le travail à accomplir encore pour convaincre de la
nécessité de mettre en place, à l'échelle de notre continent, un réseau au
service de la conservation et de la promotion de la biodiversité. Des efforts
de communication, d'information, voire de pédagogie, restent, de ce point de
vue, encore à faire.
La réussite du réseau Natura 2000 ne peut se concevoir sans la participation
de l'ensemble des acteurs environnementaux de notre pays.
Chacun, à son niveau, doit pouvoir prendre place dans une réflexion sur la
diversité biologique européenne. Cela ne doit pas être seulement une affaire de
spécialistes.
La proposition de loi qui est soumise à notre examen appelle quelques
commentaires de notre part.
Nous pensons, tout d'abord, que l'état de l'application de la directive Natura
2000 dans notre pays est fort différent aujourd'hui de ce qu'il était voilà
encore quelques mois, au moment de la rédaction du texte que nous examinons
aujourd'hui.
De plus, les travaux que vous menez, madame la ministre, justifient, selon
nous, que l'on patiente encore un peu quant aux mesures à prendre en matière
d'intégration dans notre droit national de la directive Natura 2000.
Ainsi, un programme expérimental soutenu financièrement par la Commission de
Bruxelles au titre du fonds Life est en cours sur 37 sites. Ce programme permet
d'examiner, en concertation avec les acteurs locaux et en grandeur réelle, les
approches, les méthodes et le contenu des futurs documents d'objectifs.
Nous pensons, pour notre part, préférable d'obtenir les résultats des travaux
en cours plutôt que d'adopter un texte dont nous ne sommes pas sûrs qu'il
parviendra à assurer une réelle prise en compte de la directive Natura 2000.
M. Alain Vasselle.
Très bien !
Mme Odette Terrade.
Nous souhaiterions être informés plus amplement, madame la ministre, de l'état
d'avancement de ces travaux, qui devraient, selon les informations dont nous
disposons, aboutir à la rédaction d'un projet de loi dans la toute prochaine
période.
Pour en revenir à la proposition de loi qui nous occupe, je souhaiterais
conclure par deux remarques.
La première concerne le niveau proposé pour le Conseil du patrimoine naturel,
à savoir le niveau départemental ; celui-ci nous semble assez peu adapté pour
ce qui relève des mesures à prendre en matière environnementale. L'échelle
régionale nous semble plus appropriée.
Ma seconde remarque a trait à la procédure d'indemnisation prévue à l'article
10. Nous voyons, dans cet article, des risques de dérives dans l'indemnisation
des propriétaires concernés par le réseau Natura 2000. Nous sommes, quant à
nous, davantage favorables à une indemnisation « positive » qui serait
effective dès lors qu'un certain nombre de mesures seraient prises par les
propriétaires ou par les titulaires de droits réels pour se conformer à
l'esprit de la directive Natura 2000.
Compte tenu de ces éléments et des réponses que vous nous apporterez, madame
la ministre, notre groupe n'accordera pas ses suffrages au texte qui nous est
proposé, jugeant préférable d'attendre que soient arrivés à leur terme les
travaux conduits au sein des 37 sites expérimentaux.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la
transposition dans le droit français de la directive 92/43/CEE est une
nécessité. C'est pourquoi je remercie M. Le Grand de s'être préoccupé de cette
question à la suite de son rapport d'information sur la mise en oeuvre du
réseau national Natura 2000. Je le remercie de son souci de rendre pérenne le
dispositif de concertation mis en place par le Gouvernement.
En arrivant au ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement,
en juin 1997, j'ai trouvé une situation bloquée. La mise en oeuvre du réseau
Natura 2000, prise en application de la directive Habitats naturels, était en
panne.
Quand on veut être compris, il faut expliquer, avez-vous dit, monsieur le
rapporteur. Vous en conviendrez avec moi, on avait bien peu expliqué, bien peu
cherché à convaincre, bien peu tenté de clarifier les situations confuses
décrites par M. Bellanger.
Il est difficile, monsieur Grignon, de mener en un an une concertation qui
aurait pu et dû être menée pendant deux ou trois ans.
La France avait près deux ans de retard par rapport au calendrier de
transmission des propositions de sites sur lequel elle s'était engagée en 1992.
Le gel décidé par le gouvernement précédent et les rares réunions de ce qu'il
fut convenu d'appeler le « groupe des Neuf », où les élus n'étaient pas
présents, ne peuvent guère être qualifiés de concertations efficaces.
Pendant que les autres pays de l'Union européenne avançaient, la France
faisait du surplace. Elle restait, avec le grand-duché du Luxembourg, le seul
pays à ne pas avoir encore adressé à la Commission européenne une liste de
propositions de sites Natura 2000.
Ce retard se traduisait par une perte de près de 50 millions de francs, de
crédits européens destinés à abonder des programmes de gestion de notre
patrimoine naturel. Pour 1997, la France aurait pu recevoir, au vu des
programmes présentés, environ 12 % du fonds LIFE-Nature. Elle n'en a obtenu que
3,7 %, soit 11 millions de francs, par suite du gel de la procédure Natura 2000
imposé par M. Juppé.
En termes d'emplois, et surtout d'emplois-jeunes, cette perte correspondait à
la suppression de postes de personnels devant travailler sur des programmes de
gestion de sites naturels, notamment de sites proposés pour Natura 2000.
Ce retard se traduisait également par un avis motivé de la Commission
européenne adressé à la France pour non-transmission de la liste de sites
susceptibles de figurer dans le réseau européen Natura 2000. Cet avis s'est
transformé depuis en saisine de la Cour de justice des Communautés
européennes.
Comme l'avait déclaré, à propos de Natura 2000, M. Lionel Jospin, lors de la
campagne pour les élections législatives, il ne fallait pas faire de la France
« la lanterne rouge de la mise en oeuvre des programmes communautaires ».
En effet, compte tenu de son exceptionnelle diversité biologique, notre pays a
une responsabilité particulière dans la constitution du réseau Natura 2000. La
France est située au carrefour de quatre grandes zones biogéographiques
européennes : atlantique, continentale, méditerranéenne et alpine. Elle abrite
sur son territoire plus de 77 % des types d'habitats naturels recensés dans la
directive Habitats naturels, 22 % des espèces végétales et animales et 81 % des
espèces d'oiseaux européens les plus menacées.
C'est pourquoi, dans un premier temps, j'ai rapidement relancé la concertation
au plan national puis au plan local.
Le Comité national de concertation et de suivi Natura 2000 a été ouvert à un
plus vaste ensemble de partenaires, notamment d'élus, qui étaient absents dans
sa formation antérieure, ainsi que de représentants d'exploitants et d'usagers
des milieux naturels. Cette mesure traduit la volonté du ministère de
l'aménagement du territoire et de l'environnement d'associer aux plans tant
local que national l'ensemble des acteurs du monde rural, comme Mme Bardou l'a
dit tout à l'heure.
Je vous rappelle que ce groupe de concertation, qui s'est réuni dès le 30
juillet 1997, rassemble des représentants des organisations
socioprofessionnelles, des associations d'élus, des associations d'usagers de
la nature et des institutions suivantes : l'Association des présidents de
conseils généraux, l'Association des maires de France, l'Association nationale
des élus de la montagne, la Fédération nationale des syndicats d'exploitants
agricoles, le Centre national des jeunes agriculteurs, la Confédération
paysanne, la Fédération nationale de la propriété agricole, l'Assemblée
permanente des chambres d'agriculture, la Fédération nationale des syndicats de
propriétaires forestiers sylviculteurs, la Fédération nationale des communes
forestières, l'Association nationale des centres régionaux de la propriété
forestière, l'Union nationale des fédérations départementales de pêche et de
protection du milieu aquatique, l'Union nationale des fédérations
départementales des chasseurs, France Nature Environnement, Réserves naturelles
de France et Espaces naturels de France, la Fédération nationale des parcs
naturels régionaux, la Fédération française de la randonnée pédestre, l'Office
national des forêts et la direction de l'espace rural et forestier du ministère
de l'agriculture et de la pêche.
Constatant que la notion de « perturbation » figurant au paragraphe 2 de la
directive Habitats naturels posait un problème à certains gestionnaires et
utilisateurs des milieux naturels, notamment les chasseurs, j'ai proposé la
création d'un groupe de travail sur la question.
Ce groupe de travail a rendu ses conclusions en décembre 1997, qui ont été
avalisées par l'Union nationale des fédérations départementales des chasseurs.
On a ainsi pu constater que les rumeurs les plus folles, abondamment diffusées,
sur une contradiction entre Natura 2000 et la pratique de la chasse étaient
sans fondement.
A la demande des représentants des organisations agricoles et sylvicoles, deux
autres groupes de travail ont été mis en place ensuite, l'un sur le concept de
« détérioration », également évoqué dans l'article 6, paragraphe 2, de la
directive Habitats naturels, l'autre sur les coûts de gestion.
Parallèlement, la procédure était relancée au niveau local, au travers de
comités départementaux de suivi Natura 2000, d'une composition similaire à
celle du groupe national.
Les préfets des départements de montagne étaient invités à transmettre, avant
le mois d'octobre, une première liste de propositions de sites du domaine
biogéographique alpin pour que la France puisse participer à la réunion de mise
en cohérence européenne organisée les 20 et 21 octobre 1997 à Salzbourg. La
confrontation de nos premiers envois avec ceux des autres pays a montré que
nous avions encore d'importants efforts à faire.
A titre indicatif, les propositions françaises intéressaient moins de 10 % du
territoire de la région biogéographique alpine française, alors que l'Autriche
avait transmis des propositions concernant 12,5 % de son territoire, l'Italie
20 %, l'Espagne 34,7 % et la Suède 35 %.
Avec quelques grincements liés à la rouille de longs mois d'inactivité, la
mécanique Natura 2000 s'est donc remise en marche dans un climat franc, direct
et propice à des échanges constructifs.
Nous avons certes vécu quelques semaines difficiles dans un contexte électoral
que vous imaginez aisément. Depuis, le dialogue a repris et M. Le Grand
souhaite d'ailleurs un dialogue sans dérapage.
Agriculteurs, chasseurs, propriétaires forestiers, pêcheurs, chacun a compris
qu'une gestion responsable des espaces intéressants du point de vue de la
biodiversité était la meilleure manière de garantir la pérennité de certaines
de ces activités et de maintenir ou de développer des activités liées à la
qualité des milieux intéressants en termes d'emploi, d'aménagement du
territoire.
A ce jour, près de 550 des 1 300 sites inventoriés ont été transmis à la
Commission européenne. Ils représentent 1,6 % du territoire national, les
dernières propositions reçues des préfets, soit 151 sites, permettant
d'atteindre les 2,8 % du territoire national.
Par comparaison avec ce qu'ont déjà transmis d'autres pays européens, il faut
bien convenir que la position de la France reste très modeste. L'Autriche,
l'Espagne, la Grèce, la Finlande, l'Italie, le Portugal et la Suède ont envoyé
des premières listes de propositions qui couvrent entre 7 % et 17 % de leurs
territoires terrestres.
Au cours des réunions du Comité national de concertation et de suivi Natura
2000, il est apparu qu'il serait nécessaire de donner un cadre législatif au
dispositif contractuel dont le Gouvernement souhaitait disposer pour mettre en
place le réseau Natura 2000. Il s'agissait non seulement de répondre à une
demande des partenaires concernés par le réseau, mais aussi de satisfaire la
Commission européenne.
Un projet de transposition a donc été préparé par mes services. Il a été
diffusé aux membres du Comité national Natura 2000, lors de sa réunion du 2
juin dernier.
Le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement a demandé
aux membres du Comité Natura 2000 des contributions destinées à amender le
texte proposé.
Lors de la prochaine réunion du groupe, qui est prévue à la fin du mois de
septembre, un bilan sera tiré des suggestions faites.
Parallèlement à cette démarche, le projet du ministère de l'aménagement du
territoire et de l'environnement a été soumis au ministère de l'agriculture et
de la pêche et au ministère de la défense ; ces derniers ont fait connaître
leur grand intérêt pour les orientations du projet.
C'est pourquoi, et sans méconnaître certains aspects intéressants de la
proposition de loi telle qu'elle a été retenue par la commission des affaires
économiques et du Plan, le Gouvernement juge ce texte prématuré. Il veut en
effet privilégier la plus large concertation, ce qui est, me semble-t-il, une
garantie de l'acceptation sur le terrain du réseau Natura 2000.
Le Gouvernement souhaite bénéficier des réflexions du comité de suivi avant de
soumettre un texte au Parlement.
Par ailleurs, eu égard à nos obligations, notamment à l'égard des institutions
européennes, certaines dispositions de la proposition de loi ne peuvent être
retenues par le Gouvernement. Enfin, quelques propositions sont d'ordre
réglementaire et non législatif.
La proposition de loi ne définit pas, en droit interne, le réseau Natura 2000.
Il n'est jamais fait référence aux deux directives européennes 79/409 et 92/43
qui sont à l'origine de cette proposition, et il n'est manifesté aucune
cohérence entre la proposition et les obligations de ces directives.
En revanche, le projet de loi définit, dans son article 1er, le réseau Natura
2000 comme le réseau composé des zones déjà désignées au titre de la directive
Oiseaux et des futures zones de cette directive et de la directive Habitats
naturels.
La proposition de loi donne aux instances de concertation des pouvoirs
décisionnels et des prérogatives qui relèvent exclusivement de la puissance
publique, à savoir l'identification des propositions de sites et l'approbation
des documents d'objectifs.
Or c'est au ministre en charge de l'environnement qu'il incombe, en vertu du
décret du 5 mai 1995, d'arrêter les propositions de sites, sur la suggestion
des préfets, après consultations locales. Ce sont, en effet, les Etats membres
qui sont responsables de l'application de la directive devant la Commission
européenne.
Il existe actuellement, au plan départemental, trois conseils et commission,
créés ou en puissance, dont les champs d'application se recouvrent.
Il s'agit d'abord de la commission départementale des sites, perspectives et
paysages, créée en 1945, en vertu de la loi du 2 mai 1930 sur la protection des
monuments naturels et des sites.
Après le vote de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la
nature, la compétence de cette commission, en formation de protection de la
nature, a été étendue à la flore, à la faune et aux milieux naturels.
Il s'agit ensuite du conseil départemental de la chasse et de la faune
sauvage, qui date de 1972. Il résulte de la transformation du Conseil supérieur
de la chasse en Conseil national de la chasse et de la faune sauvage, d'une
part, et Office national de la chasse, d'autre part.
Le conseil départemental est une déclinaison du Conseil national. Comme son
nom l'indique, il a vocation à traiter de chasse et de faune sauvage, et, par
extension, de milieux. Le maintien et l'exploitation de la faune sauvage ne
peuvent en effet se concevoir sans prise en compte des conditions de milieu.
Il s'agit enfin du conseil départemental de l'environnement et de la qualité
de vie. C'est un conseil virtuel, né de la loi du 2 février 1995, dite loi
Barnier.
Il était question de fusionner en une seule instance la commission
départementale des sites, perspectives et paysages, le conseil départemental de
la chasse et de la faune sauvage, la commission départementale des carrières et
le conseil départemental de l'hygiène. C'était une bonne idée. Mais les
discussions au Parlement, notamment au Sénat, ont conduit au maintien en l'état
de ces différentes structures et à la création, en sus, du conseil
départemental de l'environnement et de la qualité de vie.
Mon prédécesseur a donc estimé, et je partage son opinion, qu'il n'y avait pas
lieu de mettre en place un conseil redondant et dépourvu
de facto
d'utilité.
La création d'un conseil départemental du patrimoine naturel tel qu'il est
proposé ne peut donc qu'accroître la confusion, et ce à deux niveaux.
Il y aurait d'abord confusion avec le conseil scientifique régional du
patrimoine naturel, qui est chargé auprès du préfet de région de réaliser les
inventaires du patrimoine naturel, c'est-à-dire, entre autres, l'inventaire de
sites susceptibles de figurer dans le réseau Natura 2000. C'est d'ailleurs à
cet inventaire que fait référence l'article 6 du décret de 1995 et non à la
liste des propositions.
Le conseil départemental proposé, quant à lui, verrait sa compétence limitée à
« l'identification scientifique et technique des propositions de sites
susceptibles d'être reconnus d'importance communautaire », c'est-à-dire les
sites Natura 2000, tout en bénéficiant d'un intitulé ouvrant un champ de
compétences beaucoup plus étendu.
Ensuite, il y aurait confusion avec les actuels comités départementaux Natura
2000, qui ont été institués auprès des préfets de département par la circulaire
du 10 juillet 1996 de la ministre de l'environnement.
La composition de ces comités, réservés à l'origine aux représentants des
propriétaires et des gestionnaires, a été étendue, à ma demande, en août 1997,
à des représentants d'élus et d'usagers des milieux naturels.
Ces conseils ont, par définition, une vocation temporaire. Ils ne doivent pas
se substituer aux comités locaux de pilotage qui existent déjà.
Par ailleurs, il ne paraît pas justifié de prévoir, dans de tels conseils, un
collège majoritaire avec les représentants des élus, et un collège minoritaire
avec les représentants de l'Etat, des secteurs économiques et professionnels,
scientifiques et associatifs.
La gestion du territoire doit se faire prioritairement avec les propriétaires,
les gestionnaires et les usagers.
En tout état de cause, la composition précise de ces conseils ne peut relever
que du domaine réglementaire.
M. Hilaire Flandre.
Avec l'avis du Gouvernement !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Le rôle
des comités de pilotage est non pas de définir les périmètres des sites, mais
d'élaborer les documents d'objectifs, une fois que le conseil départemental a
donné son avis sur une proposition de site et que le site a été retenu par le
ministre chargé de l'environnement.
L'élaboration des documents d'objectifs relève, pour partie, de compétences
scientifiques qui n'apparaissent pas comme telles dans la proposition de loi.
En outre, dans le système actuel, c'est le représentant de l'Etat qui choisit,
après appel à projet, l'organisme chargé d'établir matériellement le document
d'objectifs. Ce point a été décidé au sein d'un groupe de travail spécifique à
l'élaboration des documents d'objectifs, groupe réunissant l'ensemble des
partenaires du Comité national de suivi et de concertation Natura 2000.
Le 24 juin dernier s'est tenu au ministère de l'aménagement du territoire et
de l'environnement un séminaire de présentation de la méthodologie des
documents d'objectifs Natura 2000, auquel participaient près de 400 personnes.
Il s'agissait de dresser un bilan d'une démarche expérimentale menée sur
trente-sept sites pilotes grâce à l'aide de la Commission européenne.
Ce document existe : voici le guide méthodologique des documents d'objectifs
Natura 2000.
(Mme le ministre brandit une brochure.)
On peut en retenir deux idées forces.
La première, c'est que l'on a décidément besoin de comités de pilotage locaux
site par site et que les documents d'objectifs doivent être élaborés au cas par
cas.
La seconde, c'est que nos partenaires qui ont accepté de s'engager dans la
procédure de concertation viennent d'horizons très divers : par exemple, la
fédération départementale des chasseurs des Landes, le conservatoire des sites
lorrains, le parc naturel régional de la Brenne, l'entente pour le
développement de l'Erdre navigable ou le syndicat mixte pour la protection et
la gestion de la Camargue gardoise ont accepté de s'engager dans l'élaboration
de ces documents d'objectifs.
Comme Mme Terrade en a exprimé le souci, c'est donc avec des partenaires de
terrain, connaissant extrêmement bien la situation locale et les acteurs
concernés...
M. Hilaire Flandre.
Et étant sur place !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
S'ils ne
sont pas sur place, ce ne sont pas des partenaires de terrain !
Les résultats obtenus témoignent de l'intérêt de la méthode choisie : celle de
la discussion au plus près du terrain et avec les acteurs concernés. Elle
permet d'aborder les questions concrètes et de trouver les réponses appropriées
à chaque situation.
(Marques de scepticisme sur les travées du RPR.)
Avant d'être un document de papier, le document d'objectifs est d'abord une
démarche, une aventure humaine dans laquelle la coopération de tous est
recherchée.
Le Gouvernement tient à ce que le fruit de ces expériences vienne enrichir le
projet de loi diffusé auprès des membres du groupe de suivi et de concertation
Natura 2000.
L'idée d'une instance de concertation régionale, évoquée lors de la réunion de
la commission des affaires économiques et du Plan, me semble bonne. Cette
instance pourrait inclure l'actuel comité scientifique régional du patrimoine
naturel. A cette échelle régionale, qui est pertinente, il manque, en effet,
une instance d'expertise qui puisse confronter ses réflexions avec les élus
régionaux et les gestionnaires. Le travail d'inventaire lié à Natura 2000 est
pratiquement achevé, je le répète, mais il ne faut pas oublier le reste. Des
stratégies de gestion, des politiques régionales en matière de patrimoine
vivant restent à élaborer et à conduire.
Le système d'enquête publique proposé va à l'encontre de la démarche
contractuelle privilégiée par le Gouvernement. La démarche contractuelle
suppose l'accord des parties sur les modalités de gestion prévues dans les
documents d'objectifs, lequel accord conditionne l'octroi des avantages
financiers et fiscaux d'accompagnement. Avec l'enquête publique, on institue un
système comparable à celui des réserves naturelles, ce qui n'est pas du tout
dans la logique de la mise en oeuvre de Natura 2000.
Le système indemnitaire qui en découle est en contradiction avec la démarche
contractuelle proposée par le Gouvernement et, mesdames, messieurs les
sénateurs, voulue par les partenaires.
Il s'agit, en effet, dans une approche contractuelle, non pas d'indemniser un
éventuel préjudice, comme on le fait dans le cas d'une expropriation, mais de
rémunérer un service rendu à la collectivité par le propriétaire et le
gestionnaire.
Ainsi, dans le projet de loi du Gouvernement, l'adhésion volontaire des
propriétaires et des gestionnaires aux objectifs et aux modalités de gestion
des sites conditionne l'octroi des avantages financiers et fiscaux
d'accompagnement.
C'est pourquoi le Gouvernement, déjà opposé sur le fond à ce système,
invoquera contre l'article 10 de la proposition de loi l'article 40 de la
Constitution. En effet, cet article 10 est irrecevable, car il crée une charge
pour l'Etat.
Cela dit, vous l'imaginez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, le
Gouvernement a réfléchi d'ores et déjà aux moyens à mobiliser pour faciliter la
mise en place de Natura 2000 : fonds communautaire, mise en place d'un fonds de
gestion des milieux naturels, dont le Premier ministre a accepté le principe,
défiscalisation. Nous devrons rediscuter, bien sûr, de la possibilité
d'exonérer de la taxe sur le foncier non bâti certains des sites concernés par
le réseau Natura 2000.
M. Alain Vasselle.
Ça, c'est du financement d'Etat !
M. Jean-François le Grand,
rapporteur.
Aux frais des communes !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Enfin, il
convient de noter que cette proposition de loi ne répond pas à l'obligation de
transposer en droit interne les dispositions de l'article 6, paragraphes 3 et
4, de la directive 92/43/CEE, qui prévoient l'évaluation obligatoire de tout
plan ou projet susceptible d'affecter de façon significative les zones du
réseau Natura 2000 ainsi que les possibilités de dérogations.
Cette absence de transposition est à l'origine d'un contentieux porté
récemment devant la Cour de justice des Communautés européennes par la
Commission européenne, contentieux ne pouvant se solder que par une
condamnation de la France, en l'absence de toute transposition de cet
article.
Mme Anne Heinis.
La condamnation n'est pas obligatoire, si nous négocions !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
C'est
pourquoi l'article 3 du projet de loi gouvernemental s'est attaché à répondre à
ce grief de la Commission européenne.
En conclusion, la proposition de loi semble louable dans ses intentions, mais
elle ne répond pas, dans les dispositions qu'elle préconise, aux questions qui
se posent pour une bonne mise en oeuvre de la directive Habitats naturels.
L'apport des réflexions du ministère de l'aménagement du territoire et de
l'environnement, tout comme les suggestions des membres du comité de suivi et
de concertation Natura 2000, devraient permettre d'élaborer un texte
satisfaisant pour tous, ce qui correspond, si je vous ai bien écoutés,
mesdames, messieurs les sénateurs, au voeu formulé par plusieurs d'entre vous
et par vous-même, monsieur le rapporteur.
Le Gouvernement ne peut être favorable à l'adoption, en l'état, d'une
proposition ne pouvant,
de facto,
tenir compte d'un processus qui n'est
pas arrivé à son terme.
Vous me permettrez néanmoins, pour conclure, de saluer votre volonté d'être -
je cite Mme Bardou - « des partenaires actifs de la mise en oeuvre de Natura
2000 », ce dont je vous remercie.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
C'est se moquer du monde ! Vous avez tout mélangé, madame la
ministre. Vous êtes d'une mauvaise foi évidente !
M. Hilaire Flandre.
C'est M. Minetti qui va être content !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures
quinze.)