Séance du 18 juin 1998
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Modification de l'ordre du jour
(p.
1
).
3.
Efficacité de la procédure pénale.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
2
).
MM. Pierre Fauchon, vice-président et rapporteur de la commission des lois ;
Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la
justice.
Suspension et reprise de la séance (p. 3 )
MM. le vice-président de la commission, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Jacques
Robert, Mme le garde des sceaux, M. le président.
MM. Jacques Larché, président de la commission des lois ; Robert Pagès, Michel
Dreyfus-Schmidt, Mme le garde des sceaux, M. le président.
Adoption d'une demande de suspension de séance.
Suspension et reprise de la séance (p. 4 )
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
4. Questions d'actualité au Gouvernement (p. 5 ).
MAUVAISE GESTION DE CERTAINS TRIBUNAUX (p. 6 )
M. Jean-Jacques Hyest, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux ; ministre de la justice.
ÉPANDAGE DES BOUES ISSUES
DU TRAITEMENT DES EAUX USÉES (p.
7
)
MM. Ambroise Dupont, Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement.
PARITÉ HOMMES-FEMMES DANS LA VIE POLITIQUE (p. 8 )
Mmes Joëlle Dusseau, Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, M. le président.
POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE (p. 9 )
MM. Louis Minetti, Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.
RÉPERCUSSIONS DE LA CRISE ASIATIQUE
SUR LA CROISSANCE FRANÇAISE (p.
10
)
MM. Yann Gaillard, Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.
PRÉFÉRENCE NATIONALE (p. 11 )
MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.
SITUATION JURIDIQUE
DE MÉDECINS EMPLOYÉS PAR L'ÉTAT (p.
12
)
MM. Claude Huriet, Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.
HOOLIGANISME À MARSEILLE (p. 13 )
M. Hilaire Flandre, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.
BAISSE DU TAUX D'INTÉRÊT DU LIVRET A (p. 14 )
MM. Paul Raoult, Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.
DÉRAPAGE DES DÉPENSES D'ASSURANCE MALADIE (p. 15 )
MM. Martial Taugourdeau, Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.
COOPÉRATION INTERCOMMUNALE (p. 16 )
MM. Henri Revol, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.
Suspension et reprise de la séance (p. 17 )
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
5. Efficacité de la procédure pénale. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi (p. 18 ).
Rappel au règlement (p. 19 )
MM. Jean-Jacques Robert, le président.
Article 1er
(suite)
(p.
20
)
Article additionnel après l'article 41-3
du code de procédure pénale
(p.
21
)
Amendement n° 11 de la commission. - M. Pierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois ; Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Suspension et reprise de la séance (p. 22 )
MM. Denis Badré, au nom de la commission des finances ; Jean-Jacques Robert. -
Rejet.
Adoption de l'article 1er modifié.
Article 2 (p. 23 )
Amendement n° 54 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Intitulé du chapitre Ier (précédemment réservé) (p. 24 )
Amendement n° 1 de la commission. - Adoption de l'amendement rédigeant l'intitulé.
Article 3 (p. 25 )
Amendement n° 12 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux.
- Adoption.
Amendement n° 13 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux,
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Adoption.
Amendement n° 49 de M. Pagès. - Devenu sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Article 4. - Adoption (p.
26
)
Article 5 (p.
27
)
Amendement n° 35 de M. Dreyfus-Schmidt. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le
rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Retrait.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 5 (p. 28 )
Amendement n° 14 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 6. - Adoption (p.
29
)
Article 7 (p.
30
)
Amendement n° 15 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux.
- Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 8 (p. 31 )
Amendement n° 16 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article 9 (p. 32 )
Amendement n° 17 rectifié de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 10. - Adoption (p.
33
)
Article 11 (p.
34
)
Amendements n°s 18 de la commission et 36 de M. Dreyfus-Schmidt. - MM. le
rapporteur, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme le garde des sceaux. - Adoption de
l'amendement n° 18, l'amendement n° 36 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Article 12 (p. 35 )
Amendement n° 19 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux.
- Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 13 (p. 36 )
Amendement n° 37 de M. Dreyfus-Schmidt. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article 14. - Adoption (p.
37
)
Article additionnel après l'article 14 (p.
38
)
Amendement n° 38 de M. Dreyfus-Schmidt. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Retrait.
Article 15. - Adoption (p.
39
)
Article 16 (p.
40
)
Amendement n° 20 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 17 (p. 41 )
Amendement n° 39 de M. Dreyfus-Schmidt. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le
rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Retrait.
Adoption de l'article.
Article 18 (p. 42 )
Amendements n°s 40 et 43 de M. Dreyfus-Schmidt. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt,
le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Retrait de l'amendement n° 40 ; rejet
de l'amendement n° 43.
Adoption de l'article.
Articles additionnels avant l'article 19 (p. 43 )
Amendement n° 21 de la commission et sous-amendement n° 56 de M.
Dreyfus-Schmidt. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, MM. Michel
Dreyfus-Schmidt, Robert Badinter, Jacques Larché, président de la commission
des lois. - Rejet du sous-amendement n° 56 ; adoption de l'amendement n° 21
insérant un article additionnel.
Amendement n° 45 de M. Dreyfus-Schmidt. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le
rapporteur, Mme le garde des sceaux, MM. Robert Badinter, Jean-Jacques Robert.
- Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 50 de M. Pagès. - MM. Robert Pagès, le rapporteur, Mme le garde
des sceaux. - Retrait.
Article 19 (p. 44 )
Amendements identiques n°s 22 de la commission et 46 de M. Dreyfus-Schmidt. - MM. le rapporteur, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme le garde des sceaux. - Adoption des deux amendements supprimant l'article.
Article 20 (p. 45 )
Amendements n°s 23 rectifié de la commission et 47 de M. Dreyfus-Schmidt. - MM.
le rapporteur, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme le garde des sceaux, M. Jean-Jacques
Hyest. - Retrait de l'amendement n° 47 ; adoption de l'amendement n° 23
rectifié.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 20 (p. 46 )
Amendement n° 51 de M. Pagès. - MM. Robert Pagès, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet.
Article 21 (p. 47 )
Amendement n° 24 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 22 (p. 48 )
M. Jean-Jacques Hyest.
Adoption de l'article.
Vote sur l'ensemble (p. 49 )
MM. Robert Pagès, Robert Badinter, Michel Souplet, Jean-Jacques Robert.
Adoption du projet de loi.
6.
Transmission d'un projet de loi
(p.
50
).
7.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
51
).
8.
Dépôt d'un rapport
(p.
52
).
9.
Dépôt d'un rapport d'information
(p.
53
).
10.
Ordre du jour
(p.
54
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures quarante.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le président.
Mes chers collègues, à la demande de la commission des lois et en accord avec
le Gouvernement, nous siégerons le mardi 23 juin au soir, pour la suite de
l'examen du projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la
magistrature.
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
3
EFFICACITÉ DE LA PROCÉDURE PÉNALE
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 434,
1997-1998) relatif aux alternatives aux poursuites et renforçant l'efficacité
de la procédure pénale. [Rapport n° 486 (1997-1998).]
M. Pierre Fauchon,
vice-président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration
générale.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je sollicite une suspension de séance de quelques minutes,
monsieur le président.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
La commission des lois est actuellement réunie pour examiner le projet de loi
constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature. Si elle
s'était réunie hier soir, comme je l'avais proposé, le Sénat aurait pu siéger
ce matin à l'heure prévue, mais c'est son affaire.
Sur le principe, je ne puis, comme le fait souvent notre collègue Emmanuel
Hamel, que protester contre la concomitance de la réunion de la commission des
lois et l'examen en séance publique d'un projet de loi relevant, au surplus, de
la compétence de cette même commission.
Cette situation me gêne personnellement parce que je voudrais, ce qui n'est
pas possible, à la fois être présent dans l'Hémicycle et assister à la réunion
de la commission. C'est sûrement le cas d'un certain nombre de nos collègues.
Toutefois, nous pouvons continuer à nous considérer comme commis d'office à la
séance publique en espérant que le public ne sera pas trop nombreux pour voir
une assistance aussi réduite...
M. François Trucy.
Il a l'habitude !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je n'ai rien à répondre à M. Dreyfus-Schmidt si ce n'est que,
comme d'habitude, les meilleurs sont là.
Au demeurant, je maintiens ma demande de suspension de séance.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de suspension ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président, je ne
vais pas m'opposer à une demande de suspension de séance de M. le rapporteur de
la commission des lois, quoique, bien évidemment, je préférerais que, sauf
impossibilité majeure, l'ordre du jour qui a été décidé soit respecté.
M. le président.
La séance est donc suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures quarante-cinq, est reprise à dix heures
cinquante-cinq.)
M. le président.
La séance est reprise.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Monsieur le président, le vice-président de la commission des
lois que je suis doit bien confesser son embarras, notamment vis-à-vis de Mme
le garde des sceaux, mais force est de reconnaître que l'examen, par la
commission, du texte relatif au Conseil supérieur de la magistrature, que l'on
ne peut pas différer davantage puisque le Sénat doit en débattre la semaine
prochaine, se révèle plus long que nous ne l'avions imaginé.
Dans ces conditions, le président de la commission des lois m'a mandaté pour
solliciter de la bienveillance des uns et des autres et de la compréhension du
Gouvernement l'autorisation de reporter l'examen en séance publique du projet
de loi concernant la procédure pénale à cet après-midi, après les questions
d'actualité au Gouvernement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
De même que le criminel tient le civil en l'état, c'est, à mon avis,
l'assemblée plénière qui doit tenir la commission en l'état, et non pas le
contraire.
Dès lors, monsieur le président, je demande que nous continuions nos travaux
comme prévu, fût-ce avec beaucoup de retard, et je me permets de vous proposer
de consulter le Sénat pour trancher cette question.
M. le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, je pense, comme vous, que la séance publique doit
l'emporter sur la réunion de la commission.
M. Jean-Jacques Robert.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Robert.
M. Jean-Jacques Robert.
Je partage entièrement le point de vue qui vient d'être exprimé par M.
Dreyfus-Schmidt comme par vous-même, monsieur le président.
De telles méthodes de travail me paraissent en effet inadmissibles. La séance
publique doit primer sur les réunions des commissions, lesquelles n'ont qu'à
organiser leurs travaux en fonction de l'ordre du jour du Sénat.
M. le président.
Madame le garde des sceaux, souhaitez-vous vous exprimer sur la demande de la
commission ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Monsieur le président, je suis très embarrassée :
chacun est soumis aux contraintes de son emploi du temps et le fait qu'il soit
ainsi bouleversé ne peut qu'entraîner des complications.
Sans vouloir m'opposer formellement à cette demande de la commission des lois,
je tiens à souligner qu'il me paraîtrait plus naturel que la séance publique se
déroule conformément aux conclusions de la conférence des présidents.
Cela étant, si la commission des lois insiste, je suis bien entendu à la
disposition du Sénat pour revenir cet après-midi, mais à condition que l'examen
de ce texte puisse effectivement s'achever au cours de cette séance.
M. le président.
Madame le garde des sceaux, mes chers collègues, afin que nous soyons
pleinement éclairés, je vais faire demander à M. le président de la commission
des lois de nous rejoindre dans l'hémicycle.
(M. le président charge un huissier d'aller quérir M. le président de la
commission des lois. - Après quelques minutes, celui-ci gagne
l'hémicycle.)
M. le président.
Monsieur le président de la commission des lois, j'ai ouvert la séance à dix
heures trente, conformément à l'ordre du jour arrêté hier. J'ai déjà procédé à
une suspension de séance de cinq minutes, à la demande de M. le rapporteur.
Maintenant, il nous est demandé de ne plus siéger du tout ce matin !
Je souhaiterais que vous donniez votre position sur cette nouvelle demande de
suspension afin que le Sénat puisse trancher.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Le Sénat
tranchera dans le sens qu'il estimera souhaitable, monsieur le président.
La démarche que je viens effectuer en cet instant est motivée par le fait que
le débat que nous venons d'engager en commission des lois se révèle assez long
et difficile. Il concerne, je le rappelle, la Constitution.
Compte tenu du point où nous en sommes maintenant, il est plus courtois à
l'égard de Mme le garde des sceaux que la suite de l'examen en séance publique
du projet de loi relatif aux alternatives aux poursuites et renforçant
l'efficacité de la procédure pénale soit reportée à cet après-midi, de telle
manière que nous n'allions pas de suspension en suspension.
M. Robert Pagès.
Nous sommes là, nous !
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je vous pris de m'en excuser, mais la situation dans laquelle je me
trouve n'est pas habituelle.
A la demande de la totalité des membres de la commission des lois, je demande
donc au Sénat de bien vouloir reporter en début d'après-midi la suite de
l'examen du présent texte.
Faut-il le rappeler, la commission des lois est réunie pour examiner un projet
de loi constitutionnelle qui sera discuté en séance publique mardi prochain. Le
rapport doit être distribué d'ici là. Nous avons certaines questions de fond à
trancher.
Tel est le problème auquel nous sommes confrontés. Je pensais que la question
pouvait être réglée aisément. Cela dit, il est tout à fait légitime que le
Sénat soit consulté et prenne une décision, comme il lui incombe, et je ne
préjuge pas cette décision.
Si, conformément à ma demande, le Sénat décide de reprendre l'examen de ce
texte cet après-midi, nous pourrons terminer notre débat en commission, qui
risque de durer encore deux ou trois heures.
M. Robert Pagès.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
M. le président de la commission des lois vient de nous dire que cette
proposition émanait de l'ensemble des membres de la commission des lois. Ce
n'est pas exact car, personnellement, j'ai pris une position différente,
puisque j'ai quitté la réunion de la commission pour rejoindre l'hémicycle.
Sans négliger le débat sur le Conseil supérieur de la magistrature qui s'est
engagé en commission, j'estime que la discussion que nous avons commencée
ici-même, en séance publique, n'a pas moins d'importance. Du reste, un certain
nombre de collègues ont pris leurs dispositions pour être présents.
Pour l'heure, en ce qui les concerne, les membres du groupe communiste
républicain et citoyen souhaitent que le Sénat poursuive ses travaux en séance
publique.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole.
M. le président.
Je vous donne la parole en vous invitant à la concision, monsieur
Dreyfus-Schmidt, car nous avons déjà perdu beaucoup de temps.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je serai très bref, monsieur le président. Vous aviez tout à l'heure envisagé
de consulter le Sénat. Par déférence, vous avez demandé à M. le président de la
commission des lois de gagner l'hémicycle. Il y vient non pas seul mais
accompagné d'un certain nombre de nos collègues. Je ne veux pas préjuger leur
position, mais cela fausse le débat dans la mesure où, tout à l'heure, le
sénateurs présents dans l'hémicycle, et de toutes tendances, semblaient
d'accord pour que nous poursuivions nos travaux.
J'ai déjà eu l'occasion de le dire, y compris en commission, je regrette
vivement que la commission des lois se réunisse alors que le Sénat siège en
séance publique. J'estime cependant que la commission doit s'incliner devant le
Sénat - et devant l'ordre du jour prioritaire - et non le contraire.
Je le rappelle à M. le président de la commission, prévoyant que les débats ne
seraient pas simples, j'avais proposé que la commission poursuive ses travaux
hier soir alors que le Sénat ne siégeait pas. Il n'en a pas étéd'accord.
Je demande maintenant que nous puissions reprendre la discussion du projet de
loi relatif aux alternatives aux poursuites et renforçant l'efficacité de la
procédure pénale. Que ceux qui veulent aller en commission s'y rendent, mais
qu'ils n'empêchent pas le Sénat dedélibérer !
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je constate une fois encore que notre
collègue M. Dreyfus-Schmidt fait tout ce qui est en son pouvoir pour faciliter
les choses !
Il ne s'agit pas de demander à la commission de s'incliner devant le Sénat ou
au Sénat de s'incliner devant la commission. Cette position est absolument
stupide.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je vous en prie !
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je la trouve stupide, et je me permets de
vous le dire.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Si je vous le disais chaque fois que je trouve telles vos positions !
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Il ne s'agit pas de cela. Il faut trouver des
modalités de travail qui nous permettent d'aboutir sur un texte qu'à tort ou à
raison on considère comme fondamental. Le projet dont est saisie la commission
a trait à la Constitution. Que les membres de la commission aient rejoint cet
hémicycle, je ne vois pas en quoi cela peut être choquant !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
J'ai bien entendu les explications de M. le président
de la commission des lois. Je suis prête à revenir cet après-midi, mais il me
faut l'assurance que nous terminerons à dix-neuf heures trente. J'ai un
engagement impératif ensuite qui m'interdit tout décalage.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Nous terminerons à dix-neuf heures trente.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Assurance impossible à donner !
M. le président.
Tout dépend de la façon dont se déroulera le débat, mais je pense que la
présidence peut prendre l'engagement de lever la séance à dix-neuf heures
trente, quel que soit l'état d'avancement de la discussion.
Je consulte le Sénat sur la demande de suspension formulée par M. le président
de la commission des lois.
(Le Sénat décide de suspendre la séance.)
M. le président.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures dix, est reprise à quinze heures, sous la
présidence de M. René Monory.)
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
M. le président. La séance est reprise.
4
QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT
M. le président. L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
MAUVAISE GESTION DE CERTAINS TRIBUNAUX
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Ma question s'adresse à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice.
Nous déplorons souvent la faiblesse des moyens affectés à la justice, même si,
dans le dernier budget, un effort important a été fait, qui devrait être
poursuivi. Il est d'autant plus navrant de constater que, après le gaspillage
de centaines de millions de francs voilà quelques années pour l'informatisation
de la justice - nous ne connaissons d'ailleurs toujours pas le sort réservé à
ce dossier -, un récent rapport de la Cour des comptes nous révèle des faits
choquants relatifs à la mauvaise gestion de certains tribunaux. Cela va de la
légèreté dans la gestion des scellés, des dépenses excessives en matière
d'expertise jusqu'à, hélas ! la méconnaissance du code des marchés publics, la
gestion de fait et, pis, des malversations relevées par la juridiction
financière dans plusieurs régies judiciaires.
Cela ne peut que ternir l'image de la justice, qui devrait être exemplaire. Je
ne doute pas, madame le garde des sceaux, que vous voudrez indiquer au Sénat
les mesures que vous comptez prendre pour remédier à ces dysfonctionnements et
sanctionner les fautes commises.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Monsieur le sénateur, la Cour des comptes effectue,
depuis le mois de juin 1995, un contrôle de la gestion administrative et
financière des juridictions judiciaires, dans le cadre de sa mission
habituelle.
Ce contrôle a porté sur les juridictions des ressorts des cours d'appel de
Paris, Agen, Douai, Aix-en-Provence, Versailles, les tribunaux de commerce, les
conseils de prud'hommes, l'Ecole nationale de la magistrature et l'Ecole
nationale des greffes.
A la suite de ces contrôles, nous avons naturellement reçu les lettres
d'observation habituelles qui, pour certaines, ont déjà fait l'objet de
réponses et, pour d'autres, les plus récentes, sont en cours d'examen. Un
référé de synthèse est parvenu à la Chancellerie au cours du mois de mai. Il
porte sur l'organisation administrative et financière des tribunaux, sur les
difficultés de leur gestion, ainsi que sur l'adéquation des moyens aux besoins
des juridictions.
Une large partie des observations, dont certaines remontent à l'année 1996,
ont été prises en compte et des solutions ont déjà commencé à être
apportées.
Ainsi, à titre d'exemple, le projet de loi sur la simplification et
l'accélération des procédures pénales, que le Sénat examine en ce moment même,
prévoit de simplifier la gestion des scellés ; c'est là un vrai problème,
notamment lorsqu'il s'agit de saisies de quantités importantes de drogue. Dans
ce cas, il est, en effet, important que le juge d'instruction puisse en
ordonner la destruction plus rapidement qu'il ne peut le faire aujourd'hui.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Très bien !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Les juridictions ont été dotées de 200 véhicules
supplémentaires à la fin de l'année 1997, portant le parc à près de 600
véhicules, pour mettre un terme à la pratique choquante du prêt par les
collectivités locales aux juridictions des véhicules qui leur sont
nécessaires.
Une circulaire est en préparation pour régulariser l'occupation du domaine
public dans les tribunaux par des personnes qui y apportent leur concours.
Depuis 1997, des formations au contrôle de gestion sont mises en place pour
les chefs de cour et de juridiction.
Des formations à l'achat et aux marchés publics ont été mises en oeuvre à
l'intention des responsables des services administratifs régionaux.
Vous savez que la mission ministérielle sur la carte judiciaire, dont j'ai pu
obtenir la création dans le budget de 1998 de la part de mon collègue M. le
secrétaire d'Etat au budget - je l'en remercie - qui emploie cinq personnes, a
commencé ses travaux sous la direction de M. Flavien Errera, au cours du
premier trimestre de cette année.
Vous savez également que nous avons progressivement créé, depuis 1987, des
services administratifs régionaux, qui sont indispensables pour assister les
chefs de juridiction. Nous avons affecté des moyens importants en personnels -
150 créations d'emplois - et en matériel - 20 millions de francs - au
fonctionnement de ces structures de gestion.
Je suis, bien sûr, parfaitement consciente du fait que beaucoup reste à faire.
Il nous faut, en particulier, achever la construction d'une administration
territoriale - car elle n'est pas encore digne de ce nom - qui sera la plus
jeune de tous les services publics de l'Etat. Il faut également améliorer
encore la formation des fonctionnaires, sensibiliser l'ensemble des magistrats
aux impératifs de gestion et d'économie des deniers publics, et mettre en
place, bien entendu, les procédures et les outils qui nous permettront d'être
encore plus performants. Mais nous avons déjà réalisé beaucoup de progrès, je
crois, au cours des deux ou trois dernières années.
(Applaudissements sur
les travées socialistes.)
M. Jean Chérioux.
Et les sanctions éventuelles ?
ÉPANDAGE DES BOUES
ISSUES DU TRAITEMENT DES EAUX USÉES
M. le président.
La parole est à M. Dupont.
M. Ambroise Dupont.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues,
je souhaitais m'adresser à Mme Voynet, mais elle est à l'instant même à
l'Assemblée nationale.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Je voulais attirer son attention
sur le problème de l'épandage des boues issues du traitement des eaux usées.
En effet, plusieurs présidents de syndicats de traitement m'ont exprimé leurs
inquiétudes, en faisant valoir, notamment, que le terme de « déchets » utilisé
dans le décret n° 97-1133 du 8 décembre 1997, relatif à l'épandage des boues
issues du traitement des eaux usées, semblait contradictoire avec l'objectif de
valorisation agricole. Cette ambiguïté, alimentée par le renforcement des
exigences techniques nécessaires pour l'usage de ces boues en agriculture,
autorise toutes les remises en cause.
Cela entretient la confusion et la défiance dans l'esprit des consommateurs
comme des industriels du secteur agroalimentaire et suscite légitimement les
réticences des producteurs. Cela paraît d'autant plus paradoxal que les
exploitants agricoles ont été de plus en plus sollicités pour les utiliser
comme fertilisants, leur mise en décharge devant être interdite en 2002.
Dans le Calvados, par exemple, plusieurs plans d'épandage, pourtant établis en
concertation avec les agriculteurs concernés, ont dû être révisés à la baisse,
tant pour les tonnages que pour les surfaces, par crainte d'un amalgame entre
pollution du sol et recyclage des boues. Or, cet amalgame résulte des textes
réglementaires qui ont fait passer les boues du statut de fertilisants à celui
de déchets.
Une telle imprécision est d'autant plus regrettable que les nouvelles normes
françaises définies par l'arrêté du 8 janvier 1998 sont beaucoup plus sévères
que les prescriptions européennes et que, de ce fait, le traitement préalable
des boues est très onéreux alors que, en contrepartie, il semble offrir de
sérieuses garanties sanitaires et permet souvent d'amender les sols dans de
bonnes conditions.
Je souhaiterais, en conséquence, savoir les mesures que Mme Voynet compte
prendre pour lever les doutes sur la filière de valorisation des boues ou, au
contraire, pour privilégier clairement l'option de l'incinération.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur le sénateur, Mme
Voynet est en effet à l'Assemblée nationale, et je vous prie de l'excuser.
L'épandage de boues de stations d'épuration en agriculture est une voie de
valorisation de ces sous-produits de l'assainissement qui est pratiquée depuis
de nombreuses décennies. Elle constitue, si les épandages sont réalisés dans de
bonnes conditions, le débouché le plus intéressant pour ces boues, d'un point
de vue à la fois environnemental et économique.
C'est pourquoi le ministère chargé de l'environnement, en liaison avec
l'ensemble des ministères concernés, a souhaité définir avec précision les
conditions permettant d'apporter les garanties nécessaires d'innocuité lors de
ces épandages, afin d'en faire une filière irréprochable. Le décret du 8
décembre 1997 et l'arrêté du 8 janvier 1998 répondent à cet objectif.
Le statut de déchet, clairement établi dans la nouvelle réglementation, met
fin à une ambiguïté juridique qui existait dans l'ancienne réglementation. Le
statut de déchet est indépendant de la nature du produit. Il résulte du fait,
conformément aux termes de la loi du 15 juillet 1975 relative à l'élimination
des déchets et à la récupération des matériaux, qu'il s'agit d'un produit dont
le producteur cherche à se défaire. Cela a comme principale conséquence de
confier la responsabilité de l'élimination de la boue au producteur d'épandage
et d'en contrôler la qualité.
L'une des voies possibles, qui doit être privilégiée, pour l'élimination des
déchets est leur valorisation. Le statut de déchet ne s'oppose aucunement à la
possibilité d'une valorisation. L'épandage agricole des boues doit donc être
considéré comme une filière de valorisation d'un déchet, dans le cadre d'une
réglementation donnant les garanties nécessaires d'innocuité.
Toutefois, cet important renforcement de l'encadrement réglementaire des
épandages de boues n'a pas suffi à apaiser l'ensemble des critiques qui avaient
vu le jour avant la sortie de ces nouveaux textes. Certaines filières
agroalimentaires, au titre de la protection de la santé des consommateurs,
continuent notamment à s'interroger sur les épandages de boues.
Aussi, il a paru indispensable au Gouvernement de mettre en place un lieu
d'échanges et de débats sur cette question, associant l'ensemble des acteurs de
la filière, des producteurs de boues aux consommateurs : le comité national sur
les épandages de boues de stations d'épuration urbaines en agriculture. Il
regroupe, notamment, des représentants des collectivités locales, des
professionnels de l'assainissement, des professionnels agricoles, des
industries agroalimentaires, de la grande distribution, des consommateurs,
ainsi que des associations de protection de l'environnement et des experts.
Ce comité est notamment chargé de réaliser une synthèse des connaissances
scientifiques existantes, de prendre en compte les conclusions d'un audit
environnemental et économique en cours, comparant les différentes filières
d'élimination et de valorisation des boues, et de définir les conditions
permettant de rétablir la confiance et la sérénité de l'ensemble des acteurs de
la filière.
L'objectif de Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de
l'environnement est donc de parvenir, au sein de ce comité, à un accord
national de l'ensemble de ces partenaires, reconnaissant l'intérêt et la
pertinence de cette filière, tout en comprenant la préoccupation de nos
concitoyennes et de nos concitoyens.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
PARITÉ HOMMES-FEMMES DANS LA VIE POLITIQUE
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de la justice puisqu'elle concerne la
révision constitutionnelle relative à la parité. Je me tourne également vers
vous, mes chers collègues, pour vous poser une question préalable
(Exclamations sur les travées du RPR) :
quelle serait l'attitude des uns
et des autres, et plus particulièrement des uns, si le rapport hommes-femmes
était rigoureusement inversé au sein de notre assemblée ?
M. Jean-Jacques Hyest.
Ce serait sympathique !
Mme Joëlle Dusseau.
Nous serions 302 femmes et vous seriez 19 hommes.
(Nouvelles exclamations
sur plusieurs travées.)
Hélas ! je crains de ne pas vivre suffisamment
longtemps pour voir une telle situation, puisque, au rythme actuel de la
progression de la représentation féminine, il faudrait entre quatre cents et
cinq cents ans pour parvenir à la parité !
M. Jean Chérioux.
Ce serait le rêve !
Mme Joëlle Dusseau.
Cette situation d'ultraminorité, les femmes la vivent dans toutes les
assemblées, du Sénat aux conseils généraux, où elles sont entre 5 % et 7 %, et
donc les hommes entre 93 % et 95 %, jusqu'au top niveau des conseils municipaux
et des conseils régionaux où l'on a atteint 20 % de femmes en 1995 et en
1998.
M. Jean Delaneau.
Mais chez moi, elles sont 50 % !
Mme Joëlle Dusseau.
Lanterne rouge de l'Europe, tantôt au dernier rang, tantôt à l'avant-dernier
comme c'est le cas en ce moment juste devant la Grèce, notre pays a l'art de
décliner les droits de l'homme au masculin,...
M. Alain Gournac.
La question !
Mme Joëlle Dusseau.
... la situation n'ayant que peu évolué depuis cinquante ans. Je n'aurai garde
d'oublier que, en France, les femmes sont également placées en situation
d'infériorité sur le plan des professions et des salaires, ou de l'exclusion
dont nous parlions encore au début de la semaine, et qu'elles sont soumises à
bien d'autres inégalités. Et je continue, pour ma part, à regretter la
disparition d'un ministère des droits de la femme.
C'est vous dire, madame la ministre, que je suis particulièrement satisfaite
de la position arrêtée en conseil des ministres - cette position qui a
d'ailleurs reçu le soutien du Président de la République - visant à proposer
une modification constitutionnelle tendant à favoriser l'égal accès des femmes
aux mandats et fonctions.
MM. Joël Bourdin et Alain Gournac.
La question !
Mme Joëlle Dusseau.
Nous avons en effet dépassé, me semble-t-il, le stade des débats pour ou
contre les quotas, comme nous en avons eu certains au sein des partis
politiques.
M. Alain Gournac.
La question !
Mme Joëlle Dusseau.
En effet, les quotas risqueraient d'installer durablement les femmes dans une
situation majorée mais minoritaire.
M. le président.
Posez votre question, madame le sénateur.
Mme Joëlle Dusseau.
Ma question est donc la suivante, monsieur le président : ...
M. Alain Gournac.
Ah ! Merci !
Mme Joëlle Dusseau.
...madame la ministre, pouvez-vous nous apporter des précisions sur le
calendrier de la modification constitutionnelle et sur la procédure qui
pourrait être suivie ?
Par ailleurs, comme je sens, de la part de mes collègues, l'impatience
d'arriver à un résultat,...
M. Alain Gournac.
Oui !
Mme Joëlle Dusseau.
... quelles mesures concrètes sont envisagées pour que la parité entre les
hommes et les femmes dans la vie publique, de toute évidence ardemment
attendue, passe dans les faits ?
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées du RDSE, sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen. - MM. Robert et Flandre applaudissent
également.)
M. Jean Chérioux.
C'est aux électeurs et non au Gouvernement qu'il faut demander cela !
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Vous avez bien fait, madame la sénatrice
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants,
ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste),...
Mme Hélène Luc.
Eh oui ! C'est très bien !
M. Claude Estier.
Cela vous fait mal !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... de rappeler la situation choquante de notre pays en
ce qui concerne la parité politique. Les femmes, c'est vrai, sont encore trop
peu représentées et, de ce point de vue, la France figure tristement parmi les
derniers pays européens, et même derrière certains pays en voie de
développement.
Vous avez rendu hommage à l'engagement pris par le Premier ministre dans sa
déclaration de politique générale, engagement qui a été satisfait, hier, par
l'adoption en conseil des ministres du projet de loi révisant la Constitution.
C'est, il est vrai, l'aboutissement d'un long chemin, d'un long combat pour les
femmes, car il faut songer que, en réalité, depuis qu'elles ont acquis le droit
de vote en 1944,...
M. Jean Chérioux.
Grâce au général de Gaulle !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... leur représentation dans la sphère politique n'a
cessé véritablement de diminuer. C'est un long combat qui a mobilisé nombre
d'entre nous, notamment les femmes présentes dans les assemblées
parlementaires, dans les conseils généraux, dans les municipalités et au
Gouvernement. Nous avons d'ailleurs reçu, dans ce combat, le soutien de
quelques hommes
(Exclamations sur les travées du RPR),
en particulier
celui du Premier ministre, M. Lionel Jospin, qui en a fait un engagement et
qui, pour la première fois, va inscrire cette parité dans les faits.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. Jean Chérioux.
Vous pourriez mentionner aussi le président de la République !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Il faut bien entendu aller au-delà de l'affirmation de
ce seul principe, ainsi que vous l'avez souligné, madame Dusseau.
Le projet de loi constitutionnelle qui a été adopté hier par le conseil des
ministres, et dont vous avez rappelé qu'il a reçu l'approbation du Président de
la République
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants),
fait sauter un verrou puisqu'il lève l'impossibilité pour le
législateur, en tout cas dans l'interprétation qu'en avait donnée le Conseil
constitutionnel, de voter des lois instituant la parité.
Le Gouvernement espère que la révision constitutionnelle pourra intervenir
aussi rapidement que possible. C'est en effet important pour permettre que des
projets de loi, en particulier ceux qui ont trait à la modification des modes
de scrutin, puissent intégrer des dispositions allant en ce sens, et vous avez
mentionné, madame, les amendements qui ont été déposés à l'Assemblée nationale
à cet égard.
Il est vrai que le projet de loi constitutionnelle se limite à la parité
politique. Pourquoi ? Alors que le texte transmis au Conseil d'Etat mentionnait
également la parité et l'égalité dans la vie professionnelle et sociale, le
Conseil d'Etat a jugé qu'il n'était pas contraire à la Constitution,
aujourd'hui, de viser cet objectif de parité dans la vie professionnelle et
sociale parce que nos engagements internationaux et, en dernier lieu, le traité
d'Amsterdam qui, à cet égard, n'a pas été jugé contraire à la Constitution,
nous le permettaient tout à fait.
C'est la raison pour laquelle la révision constitutionnelle se limite à la
parité politique. Cela étant, l'intention du Gouvernement est, bien entendu,
d'aller aussi de l'avant dans les domaines professionnel et social.
Il va donc appartenir à chacun d'entre nous, non seulement aux membres du
Gouvernement, dans les responsabilités qui sont les leurs, mais aussi et avant
tout au législateur, de proposer des textes allant dans ce sens. J'espère pour
ma part - et c'est également le souhait de M. le Premier ministre et du
Gouvernement tout entier - que, une fois la révision constitutionnelle acquise,
nous verrons rapidement entrer dans les faits des modifications législatives
plus précises nous permettant d'atteindre cet objectif.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Madame Dusseau, sortant un instant de mon rôle de président de séance, je
voudrais vous donner l'information suivante : la présidence du Sénat compte dix
membres de cabinet, dont six femmes et quatre hommes.
(Applaudissements.)
Mme Hélène Luc.
C'est un progrès, c'est vrai !
POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE
M. le président.
La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le
ministre de l'agriculture.
Le sommet de Cardiff vient de s'achever sur un texte commun qui, non seulement
évacue la question centrale de l'emploi, mais aussi renvoie aux calendes
grecques la question de la politique agricole commune.
Mon opposition au paquet Santer tend à me faire dire que ce sommet est un
immense « plouf » dans le marais de la pensée unique !
(Sourires.)
J'aurais aimé que, lors de ce sommet, M. le Président de la République et M.
le Premier ministre exquissent conjointement leur opposition à ces mesures
prévues par la Commission de Bruxelles. Il n'en a pas été ainsi, et je le
regrette.
En revanche, le Chancelier Kohl a clairement fait savoir que l'Allemagne
réduirait sa contribution à cette politique européenne. J'ai lu que M. le
Président de la République avait déclaré comprendre les soucis de M. Kohl. Je
ne sais pas ce que M. le Président de la République comprend. Pour ma part, je
comprends qu'il faut en finir avec ce que l'on appelle le « paquet Santer » et
prendre des mesures !
Certes, M. le ministre de l'agriculture a fait de bonnes déclarations depuis
plusieurs mois. Mais, aujourd'hui, le moment est venu de passer aux actes et de
renvoyer le paquet Santer non pas aux calendes grecques, mais bien aux
oubliettes !
Cela dit, je suis euro-constructif, dans le domaine agricole comme dans les
autres domaines. Je demande donc une politique européenne de l'agriculture et
du monde rural qui fasse prévaloir un vrai modèle à visage humain. Voici
quelques pistes de travail à cet égard : ...
M. le président.
Monsieur Minetti, posez votre question !
M. Louis Minetti.
... l'occupation harmonieuse de tout le territoire rural, une agriculture
durable respectueuse de l'environnement, un niveau de vie réévalué pour les
agriculteurs, qui sont encore 700 000 et qu'il faut maintenir, enfin, une
installation massive de jeunes agriculteurs. Tout cela nécessite de ne pas
céder au business de Washington et d'ailleurs.
C'est pourquoi j'ai proposé un front méditerranéen pour rééquilibrer la
politique européenne. Quelles suites comptent donner le ministre de
l'agriculture et le Gouvernement à ces quelques propositions ?
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen, sur les travées socialistes, ainsi que sur quelques travées de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le sénateur, M. Le Pensec, qui est
retenu par un engagement international, m'a demandé de vous répondre.
Les chefs d'Etat et de Gouvernement, réunis à Cardiff au début de la semaine,
ont fait un point sur la négociation du paquet Santer, en particulier sur la
réforme de la politique agricole commune, la PAC.
Ils se sont fixé comme objectif d'aboutir à un accord politique sur l'ensemble
des volets de l'Agenda 2000 sous présidence allemande, en mars 1999.
Monsieur le sénateur, je vous rappelle que la réforme de la PAC n'est que l'un
des volets de l'Agenda 2000 et que le cadrage financier global constitue un
enjeu budgétaire national majeur pour les années 2000 à 2006. Ce cadrage est
indissociable de la question de la contribution allemande à laquelle vous avez
fait référence, contribution sur laquelle la France refuse tout débat et a
obtenu satisfaction à Cardiff, au moins provisoirement.
La présidence autrichienne devra donc, d'ici à la fin de l'année 1998, avancer
sur les différents aspects de la réforme de la PAC. C'est le calendrier dans
lequel nous devons nous situer afin d'obtenir des réponses à nos demandes, en
particulier sur l'élevage extensif, sur le secteur laitier, sur les oléagineux
et sur la modulation des aides.
Les Chefs d'Etat et de Gouvernement ont estimé que les propositions de la
Commission ne constituaient qu'« une » base de travail et non « la » base de
travail. Nos demandes de réorientation de ces propositions sont donc clairement
prises en compte.
Cela est d'autant plus vrai que le Conseil européen fait explicitement
référence, dans ses conclusions, aux conclusions du conseil des ministres de
l'agriculture du 25 mai dernier, qui soulignaient la nécessité de continuer la
négociation, en particulier sur le principe de la baisse généralisée et
systématique des prix garantis, que nous avons critiqué, et sur la modulation
des aides en vue de rémunérer les fonctions multiples de l'agriculture, que la
France demande.
Par ailleurs, le projet de loi d'orientation agricole du Gouvernement rejoint,
me semble-t-il, votre conception de la politique agricole, monsieur le
sénateur.
J'ajoute enfin que le Conseil européen n'a pas donné suite aux idées relatives
à la renationalisation de la politique agricole commune au travers de la mise
en oeuvre de cofinancements nationaux.
(Applaudissements sur les travées
socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
RÉPERCUSSIONS DE LA CRISE FINANCIÈRE ASIATIQUE
SUR LA CROISSANCE FRANÇAISE
M. le président.
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Ma question s'adressait à M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie. Mais je crois comprendre que c'est M. le secrétaire d'Etat au
budget qui va me répondre.
Depuis juillet 1997, l'Asie est en crise. Une série de dominos financiers sont
tombés, le dernier en date et le plus lourd étant l'Indonésie. Jusqu'à présent,
nous avons paru échapper aux répercussions. Les places européennes ont même
servi de refuge aux capitaux baladeurs. Mais il semble que, depuis quelques
jours, le pessimisme se lève de nouveau.
Le Japon, entré en récession pour la première fois depuis vingt-trois ans, ne
se décide pas à agir et laisse filer sa monnaie. Au sommet de Cardiff, le
Premier ministre britannique, Tony Blair, a estimé que cette récession
japonaise était le plus grand risque pour l'économie mondiale depuis vingt
ans.
Les Etats-Unis vont-ils parvenir à sortir le Japon de son hébétude ? La Chine
va-t-elle pouvoir continuer paradoxalement à être le pôle d'amarrage de
l'économie libérale ? Et je ne parle pas de l'imprévisible Russie dont la
faillite possible donne des sueurs froides en Allemagne et ailleurs.
Déprime et rebonds composent en bourse un paysage orageux, comme l'on en voit
dans ces tableaux romantiques au relief tourmenté où, dans un coin, figure
malgré tout une petite maison tranquille dont une seule fenêtre est
éclairée.
Ce paisible microclimat, n'est-ce pas un peu celui dans lequel se complaisent
le Gouvernement et la majorité plurielle ?
M. Alain Gournac.
Ah !
M. Yann Gaillard.
J'entends bien que le rôle du ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie n'est pas d'affoler les marchés. Cependant, monsieur le secrétaire
d'Etat, notre rôle est de vous interroger : apercevez-vous, oui ou non, une
crise économique majeure qui pourrait se nourrir des déséquilibres
internationaux accumulés depuis quelques années ?
Je vous poserai également quelques questions corollaires : nos banques et nos
entreprises exportatrices sont-elles assez provisionnées ? Nos marchés
financiers pourront-ils préserver leurs gains récents qui ne pèsent pas pour
rien dans le dynamisme de la consommation ? Et surtout, monsieur le secrétaire
d'Etat au budget, avons-nous encore une chance de réaliser, en 1999, ces 2,8 %
de croissance sur lesquels reposent vos orientations budgétaires ? Pour l'année
en cours, vous aviez intégré en croissance externe une moins-value d'un
demi-point de la contribution des échanges extérieurs à la croissance.
Quid
de l'an prochain ? Et sur quelles réserves, pourriez-vous compter,
au cas où les nuages venus d'Asie crèveraient pour de bon ?
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le sénateur, M. le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie se trouve aux Etats-Unis avec M. le
Premier ministre, à un moment où le monde traverse une période cruciale marquée
par la crise asiatique. Comme vous vous en doutez certainement, les entretiens
qu'ils auront dans ce pays porteront tout particulièrement sur ce sujet, ainsi
que sur le renforcement de la coopération monétaire internationale.
Je ne reviendrai pas sur les causes de la crise asiatique, japonaise
notamment. La baisse du yen, très préoccupante jusqu'au début de cette semaine,
résultait d'une faiblesse de l'économie japonaise, caractérisée par une demande
intérieure atone et un secteur financier en difficulté.
Une faiblesse excessive du yen n'est souhaitable ni pour le Japon, ni pour
l'Asie, ni, compte tenu du poids de l'économie japonaise, pour le reste du
monde. Les interventions concertées qui ont eu lieu tout récemment ont ramené
la devise nippone au niveau de 137 yens pour un dollar, niveau auquel elle se
maintient depuis hier.
Il est prévu, le samedi 20 juin, à Tokyo, une réunion des suppléants des
ministres des finances selon ce que les spécialistes appellent le « format
Manille », associant les pays asiatiques et ceux du G7 de façon à faire le
point sur la situation globale en Asie.
En ce qui concerne la France, nous avons prévu un taux de croissance de 3 %
pour l'année 1998, en comptant sur un impact d'environ 0,5 % pour cette crise
venue de l'extérieur. Mais, aujourd'hui, la croissance française est devenue
suffisamment autonome, tirée qu'elle est par la consommation, par
l'investissement et par la demande des autres pays européens, pour que
l'aggravation récente de la crise asiatique ne remette pas en cause ce
pronostic de 3 % pour 1998.
Pour 1999 - mais nous y reviendrons lors du débat d'orientation budgétaire -
le pronostic du Gouvernement est de 2,8 %, ainsi que vous l'avez dit, monsieur
le sénateur, ce qui correspond à une hypothèse un peu en retrait par rapport à
1998. Cette hypothèse nous paraît à la fois prudente et réaliste.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen).
PRÉFÉRENCE NATIONALE
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mesdames, messieurs
les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, aujourd'hui, 18 juin, je lance un
appel en forme de question à tous ceux qui, voilà près de cinquante ans, avec
et comme le général de Gaulle, ont résisté à l'étranglement de la République et
lutté contre la discrimination, le racisme et la xénophobie.
M. Jacques Mahéas.
Très bien !
M. Alain Gournac.
Quel gaulliste !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Le Gouvernement, dont « la forme républicaine ne peut faire l'objet d'une
révision », peut-il admettre plus longtemps que soient publiquement mis en
cause les principes fondamentaux consacrés par les lois de la République et les
droits inaliénables reconnus il y a plus de deux siècles pour la gloire
éternelle de la France, d'abord à l'homme et ensuite au citoyen, puis précisés
par le préambule de la Constitution de 1946 et réaffirmés par le préambule de
la Constitution de 1958 ?
Est-il tolérable qu'un ancien Premier ministre de la France,...
Mme Hélène Luc.
Oui !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
... pour rechercher une alliance avec une bande illégitime qui ne peut être
qualifiée, comme l'a fait le Président de la République, que de « raciste et
xénophobe », propose la création d'une commission ouverte à cette bande et qui
aurait à répondre à cette question hors la loi : « Peut-on réserver certaines
prestations sociales aux nationaux et les refuser aux résidents étrangers ? »
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. Jacques Mahéas.
Applaudissez, à droite !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le sénateur, votre question vaut
rappel, mais je pense qu'elle a aussi et surtout une vertu pédagogique, car
elle doit permettre de remémorer à tous ce que sont les principes de la
République, à un moment où le qualificatif « républicain » est quelque peu
galvaudé.
Inutile de le préciser, le Gouvernement est totalement opposé à l'idée, émise
par M. Balladur, que l'on puisse réserver certaines prestations sociales aux
Français et en priver les étrangers qui vivent en France de façon régulière,
qui cotisent à la sécurité sociale et qui paient leurs impôts.
C'est d'ailleurs un abus de langage que de parler de « préférence nationale »,
car tout citoyen français a naturellement des devoirs particuliers à l'égard de
la patrie quand celle-ci est menacée.
En l'occurrence, il s'agit d'une atteinte au principe républicain de
l'égalité, et ce n'est pas par hasard que l'égalité est au coeur de la devise
républicaine ! Il faudrait donc parler de discrimination sociale, parfaitement
injustifiable pour les raisons que je viens de rappeler,...
M. Marcel Debarge.
Très bien !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
... entre travailleurs français et travailleurs
étrangers installés en France de manière régulière.
Les glorieux principes de 1789 auxquels vous avez fait référence, monsieur le
sénateur, ne sont cependant pas, selon moi, reconnus d'abord aux hommes et
ensuite aux citoyens. Ils sont indissociablement les droits de l'homme et du
citoyen, en ce sens que seul un Etat de droit peut garantir effectivement sur
son sol l'exercice des libertés et reconnaître les droits de l'homme... à ceux
qui, naturellement, peuvent en bénéficier.
C'est la raison pour laquelle, faut-il le rappeler, les citoyens français
exercent seuls les droits politiques qui sont liés à la souveraineté populaire
- le droit de vote, par exemple - mais que, inversement, l'égalité des droits
sociaux fait partie des principes républicains.
Je rappelle d'ailleurs, soit dit en passant, que la France accorde
libéralement sa nationalité à 100 000 étrangers par an. J'ai d'ailleurs fait
quelques recherches pour voir quels pays en Europe atteignaient ce chiffre : je
n'en connais point, et ceux qui s'en approchent le plus sont encore très loin
derrière nous.
Il faut aussi rappeler que l'égalité des droits sociaux, qui comportait déjà
l'égalité quant au droit au travail et aux prestations de la sécurité sociale,
a été parfaite par la loi « RESEDA », relative à l'entrée et au séjour des
étrangers en France et au droit d'asile, et comporte désormais l'égalité devant
les prestations non contributives, puisque les étrangers payent aussi leurs
impôts et peuvent, à ce titre, bénéficier des prestations du fonds national de
solidarité ou de l'allocation aux adultes handicapés.
J'ajoute que les restrictions mises par le passé à ce principe étaient déjà
condamnées par la Cour de justice des Communautés européennes.
Vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, le général de Gaulle a lancé, le 18
juin, un appel qui reste dans nos mémoires car, juin 1940, ce n'est pas
seulement la patrie à terre, c'est aussi, comme l'avait observé un écrivain
allemand de l'époque, la défaite des idées de 1789, défaite heureusement
provisoire mais que nous ne devons pas oublier au moment où, peut-être par
lapsus - mais les lapsus sont parfois significatifs ! - M. Balladur a émis
cette idée.
M. le président.
Veuillez conclure, je vous prie, monsieur le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
J'en ai presque fini, monsieur le président.
Au moment où nous commémorons l'appel du 18 juin, je pose la question :
faut-il réveiller le général de Gaulle, puisque ceux qui s'en réclamaient -
plus ou moins, d'ailleurs - semblent avoir définitivement oublié son message
?
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen. - Protestations sur les travées du RPR.)
SITUATION JURIDIQUE DES MÉDECINS EMPLOYÉS PAR L'ETAT
M. le président.
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de la santé et de la solidarité et
concerne la situation juridique des médecins employés par l'Etat dans le cadre
des diverses commission pour lesquelles un avis médical est sollicité, qu'il
s'agisse des commissions médicales départementales, de la commission technique
d'orientation et de reclassement professionnel, ou COTOREP, ou bien de la
commission des permis de conduire.
Je pense que vous serez tous d'accord, mesdames, messieurs les ministres, pour
reconnaître qu'il est absolument inacceptable que l'administration refuse
obstinément et impunément d'appliquer les décisions de justice et les textes
réglementaires. En effet, depuis plus de dix ans que cette question est posée,
les différentes décisions prises par les tribunaux administratifs, le Conseil
d'Etat ou la Cour de cassation sont formelles, comme l'est le décret de 1977.
Aucun doute ne subsiste sur ce point, les médecins employés par l'Etat dans
différentes instances ont un statut de salarié.
Malgré cette reconnaissance unanime, la situation n'a pas évolué et les
médecins concernés - ils sont au nombre d'environ 2 000 - ne se voient pas
reconnaître les droits liés à leur statut de salarié.
L'administration est trois fois coupable : coupable de ne pas déclarer à
l'administration fiscale les sommes versées à ces médecins ; coupable de ne pas
déclarer ces médecins au régime général de la sécurité sociale ; coupable,
également, de ne pas lui verser les pensions de retraite auxquelles ils ont
droit.
Cette culpabilité de l'administration, qui ne peut pas être contestée,
explique que nous ayons eu à connaître, surtout au cours de ces dernières
années et de ces derniers mois, l'irritation, l'exaspération de ces médecins
face à une telle injustice.
Cela explique peut-être aussi le titre d'un certain nombre de journaux - qui
ne sont pas uniquement des journaux médicaux - mettant en cause l'Etat en des
termes parfois très vifs, l'accusant d'employer des médecins « au noir »,
d'encourager la fraude et de faire la sourde oreille.
Je souhaite, mesdames, messieurs les ministres, que Mme le ministre de
l'emploi et de la solidarité apporte enfin la seule réponse qui vaille, en
reconnaissant le statut de salarié à ces médecins. Je compte sur elle pour que,
après des semaines et des mois d'atermoiements, la réponse attendue leur soit
enfin officiellement donnée.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué à la ville.
Mme Aubry, retenue par une réunion avec les
professionnels de la santé, m'a chargé de vous communiquer la réponse
suivante.
La question de l'affiliation à la sécurité sociale des médecins participant au
fonctionnement des COTOREP et de diverses autres commissions se pose aussi pour
de nombreux collaborateurs à la gestion du service public et touche
principalement, d'ailleurs, le ministère de la justice.
Les médecins auxquels vous avez fait référence, monsieur le sénateur, exercent
par ailleurs une activité libérale, ou sont praticiens hospitaliers. Leur
participation aux commissions est, pour eux, une activité accessoire.
La difficulté que vous évoquez, à juste titre, tient au caractère ambigu du
point de vue juridique de ces activités : s'agit-il d'activités salariées, le
médecin exécutant certaines tâches dans les conditions prescrites par
l'administration qui l'emploie, ou bien d'une activité non salariée, le médecin
effectuant des prestations à la demande de l'administration, qui lui verse
alors des honoraires ?
Du fait de cette ambiguïté, il est fréquent que les rémunérations ne fassent
pas l'objet de prélèvements sociaux, l'administration ayant considéré jusqu'à
présent que c'est à l'intéressé de payer les cotisations aux caisses de
non-salariés et l'intéressé, lui, pouvant considérer que l'administration doit
payer les cotisations comme pour un salarié.
J'attire votre attention sur la complexité de ce problème : les activités en
cause sont diverses ; les personnes concernées peuvent être salariées ou
exercer une profession libérale, ou encore être retraitées ; enfin, les
montants des rémunérations sont très variables.
Dans la mesure où ces personnes ont, par ailleurs, une activité principale,
elles bénéficient d'une couverture sociale et ne sont donc pas gravement
lésées.
Je pense toutefois que cette situation n'est pas satisfaisante et que ces
rémunérations doivent, comme les autres, faire l'objet de prélèvements sociaux.
Bien entendu, des modalités particulières doivent être mises en oeuvre pour
éviter que ces prélèvements représentent des coûts excessifs qui pourraient
entraver le fonctionnement des organismes concernés.
En tout état de cause, Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité a
demandé à ses services de lui faire des propositions permettant de résoudre ce
problème dans les meilleurs délais. Nous aurons certainement l'occasion d'y
revenir lors de l'examen du prochain projet de loi de financement de la
sécurité sociale !
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que
sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
HOOLIGANISME À MARSEILLE
M. le président.
La parole est à M. Flandre.
M. Hilaire Flandre.
Ma question, qui s'adresse à Mme le garde des sceaux, revient sur les
inacceptables scènes de vandalisme dont a été témoin la ville de Marseille
lundi dernier, en marge du match opposant l'Angleterre à la Tunisie.
Les images de commerces dévastés, de vitrines brisées et de voitures
renversées ont choqué l'ensemble de nos compatriotes et ont terni cette grande
fête du football qu'est la Coupe du monde.
Il convient de rendre hommage aux policiers et aux gendarmes, qui ont agi avec
sang-froid et efficacité. Toutefois, nous ne comprenons pas comment des
personnes identifiées par nos services de police ont pu arriver jusqu'à
Marseille pour y commettre leurs exactions alors même que l'on connaissait le
lieu et la date de leur entrée sur le territoire. En effet, dès le samedi 13
juin, soit deux jours avant les événements que j'ai rappelés, onze supporters
anglais en état d'ivresse étaient placés en garde à vue pour avoir brisé des
vitrines à Calais ; deux d'entre eux sont d'ailleurs convoqués au mois de
septembre devant le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer. Or nous avons
appris avec stupéfaction que ces pseudo-supporters, désormais fichés par les
services de police,...
M. Alain Gournac.
Ont été vus à Marseille !
M. Hilaire Flandre.
... ont pu reprendre le chemin de Marseille, où l'on sait ce qu'il est advenu
quarante-huit heures plus tard.
Le Gouvernement nous dit qu'il est difficile pour les forces de police d'agir
contre des individus qui, s'éloignant des stades, s'éparpillent dans les
rues.
Ma question est double : le travail des policiers n'aurait-il pas été facilité
si l'on n'avait pas laissé se rendre à Marseille des personnes mises en garde à
vue puis relâchées alors que leur dangerosité était connue ? Par ailleurs,
pouvez-vous nous préciser quelles instructions ont été données aux parquets
afin que la justice participe pleinement à la nécessaire sécurisation de la
Coupe du monde et que la police ne se retrouve pas face à certains casseurs
avinés dès le lendemain de leur garde à vue ?
L'ordre et la sécurité font aussi partie des valeurs de la République,...
M. Alain Gournac.
Eh oui !
M. Hilaire Flandre.
... et nous y sommes également attachés. Il convenait de le rappeler, en ce
jour anniversaire.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le sénateur, avant de
vous répondre à propos des parquets, je souhaite d'abord signaler que le
Gouvernement a, dès le départ, et mis en place le dispositif, pris les mesures
nécessaires pour que la sécurité de la Coupe du monde soit assurée.
Dans chacun des stades concernés, Jean-Pierre Chevènement, Marie-George Buffet
et moi-même avons veillé à ce que puisse être installé un poste central de
sécurité comprenant non seulement des policiers et des pompiers français mais
également des représentants des polices étrangères pour nous aider à détecter
les hooligans.
J'ai pu constater avec M. Chevènement, à Marseille, voilà quelques jours, à
quel point ce dispositif était efficace puisqu'il permet, avec l'aide des
stadiers, de repérer les agitations dans les stades.
Il est vrai qu'il est beaucoup moins facile de surveiller les hooligans
lorsqu'ils s'éparpillent dans la ville. Mais, là encore, vous devez reconnaître
que les réactions des forces de l'ordre n'ont pas tardé.
J'en viens aux parquets. Dès le début du mois de mars, j'ai envoyé à tous les
parquets de France une circulaire les invitant à faire preuve de la plus grande
fermeté dans la lutte contre l'ensemble des risques auxquels pouvait donner
lieu la Coupe du monde, en particulier le hooliganisme.
Cette circulaire d'orientation générale a rappelé aux parquets, d'abord, de
quelle législation ils pouvaient se servir, ensuite, qu'il leur fallait, dans
ce domaine, faire en sorte que la justice puisse réagir de façon immédiate -
c'est ce qui a été fait à Marseille - et, enfin qu'il leur était également
possible de recourir à des peines complémentaires comme, par exemple,
l'interdiction de stade.
Ces orientations générales ont été accompagnées par la mise en place, au sein
de la direction des affaires criminelles et des grâces, d'une cellule de
permanence, ainsi que par l'institution, dans chaque ville où se joue la Coupe
du monde, d'un procureur de la Coupe du monde, présent dans les stades aux
côtés des membres de la police judiciaire pour permettre à cette dernière de
saisir immédiatement les tribunaux avec les preuves nécessaires.
Permettez-moi de vous donner brièvement le bilan du travail qui a été accompli
à la fois par nos policiers et par nos magistrats à la suite des graves
incidents de Marseille.
Ce bilan s'est traduit par le placement en garde à vue de cent deux personnes
et par la poursuite de trente et un individus majeurs selon la procédure de
comparution immédiate devant le tribunal correctionnel ; vingt-sept personnes
ont été placées en détention jusqu'à une prochaine audience de jugement et six
ont d'ores et déjà fait l'objet de condamnations à des peines d'emprisonnement
ainsi qu'à des peines d'interdiction de stade ou d'interdiction du territoire
nationale. Onze mineurs ont par ailleurs été présentés aux juges pour enfants,
qui ont ordonné le placement en détention de trois d'entre eux. Ce dispositif
judiciaire a donc, me semble-t-il, fait la démonstration de son efficacité.
Je veux simplement souligner ici qu'il préfigure également le nouveau mode de
relations que le Gouvernement entend mettre en place vis-à-vis du parquet : des
circulaires d'orientation générale qui donnent des indications précises, mais
qui sont d'application générale, à charge, bien entendu, pour chaque procureur
d'apprécier les mesures individuelles qu'il pourra prendre.
Je vous remercie, enfin, monsieur le sénateur, de m'avoir donné l'occasion, en
répondant à votre question, de vous dire en primeur ce que je compte inscrire
dans la loi sur la Chancellerie et le parquet, à savoir l'obligation pour le
garde des sceaux de rendre compte devant la représentation nationale des
orientations de la politique pénale.
(Applaudissements sur les travées
socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que
sur certaines travées du RDSE.)
BAISSE DU TAUX D'INTÉRÊT DU LIVRET A
M. le président.
La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat au budget, mes chers
collègues, le Gouvernement a pris la décision, le 15 juin dernier, d'abaisser
d'un demi-point le taux de rémunération du livret A, qui passe de 3,5 % à 3 %.
C'est une décision courageuse mais très impopulaire, car elle lèse les petits
épargnants, qui éprouvent un sentiment d'injustice et d'incompréhension. Cette
situation exige donc de votre part, monsieur le secrétaire d'Etat, un effort
pédagogique important d'explication pour justifier cette mesure.
On comprend bien que cette décision s'inscrit dans un mouvement généralisé de
baisse des taux d'intérêt, que la mesure est indispensable à la poursuite d'une
croissance forte et durable, et qu'elle doit soutenir l'investissement
productif. Mais quelles garanties, monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous
donner que l'on maintiendra, dans l'avenir, un taux rémunérateur pour l'épargne
populaire ? Par ailleurs, ne serait-il pas temps, simultanément, de taxer un
peu plus les revenus des plus-values financières ?
Vous affirmez, monsieur le secrétaire d'Etat, que cette baisse du taux
d'intérêt du livret A doit favoriser la relance du logement social. Nous ne
pouvons que nous en réjouir, car la construction de logements sociaux est
quelque peu en panne : seulement 55 000 logements sociaux seront réalisés en
1998, alors que 80 000 logements étaient programmés, avec une hausse des
crédits d'Etat de 6,7 %.
Quelles mesures concrètes comptez-vous prendre pour réussir cette relance tant
attendue ?
Chacun sait que l'activité du bâtiment est toujours porteuse de créations
d'emplois. Mais, surtout, les besoins à satisfaire restent immenses pour loger
correctement, en particulier, les jeunes célibataires et les jeunes foyers qui
ont peu de ressources financières.
Nous attendons de vous, monsieur le secrétaire d'Etat, au nom de la justice
sociale, des engagements précis de nature à redonner espoir à toute cette
population qui, victime de l'exclusion du chômage, subit aussi l'exclusion par
le manque de logements.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le sénateur, vous avez bien
expliqué que la baisse de l'inflation et celle des taux d'intérêt bancaires
avaient conduit à une situation paradoxale où la rémunération du livret A, dont
la fonction, chacun le sait, est de financer le logement social, conduisait à
des prêts aux organismes d'HLM à des taux supérieurs à ceux que ces derniers
auraient pu obtenir auprès des banques ou sur le marché. Seuls ceux qui ne
souhaitent pas le développement du logement social pouvaient se satisfaire
d'une telle situation.
Le Gouvernement a donc effectivement décidé de baisser d'un demi-point la
rémunération des livrets A, ainsi d'ailleurs que ceux des Codevi, car ce qui
vaut pour les HLM vaut aussi pour les PME, qui tirent des Codevi des ressources
bon marché.
Quelle garantie puis-je donner d'un taux rémunérateur ?
Première garantie - c'est une rupture avec le passé - le livret d'épargne
populaire, qui intéresse les épargnants ayant les ressources les plus faibles,
n'a pas été affecté. Il reste à un taux de 4,75 %, ce qui, avec une inflation
voisine de 1 %, assure un rendement important de 3,7 %. Cet élément me paraît
essentiel.
Deuxième garantie : le Gouvernement s'est engagé à ce que le taux de rendement
du livret A soit, à l'avenir, toujours supérieur d'au moins un point au taux de
l'inflation. Il faut, à cet égard, se rappeler ce qu'était le livret A avant
1982 ou 1983 : chaque année, l'épargne populaire perdait du pouvoir d'achat
!
J'en viens à l'effet sur le logement social. De cette mesure va résulter une
subvention additionnelle de l'ordre de 25 000 francs par logement social. Cela
permettra, d'une part, de relancer la construction de logements sociaux neufs,
d'autre part, d'abaisser les loyers dans les logements existants.
En outre, le Gouvernement - plus précisément mes collègues MM. Besson,
Bartolone et Strauss-Kahn - a créé deux enveloppes de dix milliards de francs
chacune. La première est destinée à démolir des logements trop vétustes et à
reconstruire à leur place des logements neufs. La seconde servira à financer ce
qu'on appelle « des prêts pour des projets urbains », destinés à revitaliser
des quartiers qui en ont bien besoin.
Si j'ajoute que le Gouvernement va faciliter l'action de la Caisse de garantie
du logement social, qui permet aux organismes d'HLM de prendre quelques
risques, on voit que c'est une vraie politique du logement social qui a été
mise en oeuvre depuis un an. Cette politique sera encore accentuée à l'avenir.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
Mme Hélène Luc.
C'est tout de même dommage !
DÉRAPAGE DES DÉPENSES D'ASSURANCE MALADIE
M. le président.
La parole est à M. Taugourdeau.
M. Martial Taugourdeau.
Ma question s'adresse à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
Personne ne contestera que la réforme de la sécurité sociale voulue par M.
Alain Juppé a freiné efficacement la spirale des dépenses de santé. Une volonté
ferme et soucieuse de l'intérêt général soutenait cette politique de sauvegarde
de notre système de protection sociale, auquel nous sommes très attachés.
Or, que constate-t-on depuis quelques mois ? La machine s'emballe de nouveau,
les dépenses filent, notamment celles de la médecine de ville : déjà 3,7 %
d'augmentation, alors que les dépenses ne devaient pas augmenter de plus 2,1 %
en 1998, selon la loi de financement qu'a présentée Mme le ministre !
En outre, la Caisse nationale d'assurance maladie, affaiblie après la
démission de son directeur général, malgré un apparent souci de fermeté
concernant la mise en application des mesures de reversement, ne paraît pas en
mesure de prendre des décisions indispensables à un changement de cap.
La réforme Juppé a été critiquée notamment sur le fait que, en cas de
dépassement, elle pénalise l'ensemble du corps médical au lieu des seuls
responsables, et sur ce point, elle pourrait être améliorée. Elle a eu
toutefois le mérite du courage et de l'efficacité jusqu'à la fin de 1997.
Que va faire Mme le ministre ? Va-t-elle l'appliquer avec volonté ?
Entend-elle rouvrir le dossier ou laissera-t-elle la situation se dégrader ?
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué à la ville.
Monsieur le sénateur, comme vous le faites
remarquer, les dépenses d'assurance maladie ont fortement augmenté sur la
période récente. La hausse des dépenses pour le régime général s'élève à 4 %
sur les quatre premiers mois de l'année, rapportée aux quatre premiers mois de
l'année 1997.
En ville, les dépenses progressent plus vite qu'à l'hôpital. Sur les quatre
premiers mois, en effet, la progression s'établit à 6,3 %. Même si certains
facteurs, comme la sortie en ville des anti-rétroviraux peuvent expliquer très
partiellement ces chiffres, on assiste bel et bien à un emballement des
dépenses qui compromet les équilibres de l'assurance maladie pour 1998.
Martine Aubry et Bernard Kouchner n'ont cessé, depuis l'automne 1997, de
mettre en garde contre le risque, qui nous apparaissait probable, de
redémarrage des dépenses.
Les contacts que nous avons eus avec les médecins de terrain nous avaient
confortés dans l'idée que le plan Juppé connaissait le sort de tous les plans
d'assurance maladie qui l'ont précédé. Que constate-t-on ? Que les faits nous
donnent malheureusement raison et qu'ils imposent à tous d'être modestes.
En effet, à y bien regarder, on s'aperçoit que la hausse des dépenses a
commencé dès la fin de l'année 1996 et qu'elle s'est poursuivie en 1997.
L'effet du plan Juppé n'aura donc duré qu'une douzaine de mois.
Ces chiffres appellent une analyse plus fine ; elle est en cours. A ce stade,
il semble que les dépenses des médecins généralistes dérapent moins que celles
des spécialistes, dont la dérive est très inquiétante.
En outre, comme vous le savez, le commissaire du Gouvernement a conclu hier,
au Conseil d'Etat, à l'annulation de la convention des médecins spécialistes
pour non-représentativité du syndicat signataire.
Quelles conclusions en tirer ? Elles sont aussi fortes que simples. Les
instruments de la maîtrise des dépenses de santé n'étaient pas en place. Nous
les construisons.
M. Alain Gournac.
Ah !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué à la ville.
Les incantations ne suffisent pas, même
assorties d'une menace de reversement.
M. Alain Gournac.
C'est le Sauveur !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué à la ville.
Nous avons tous intérêt à être les sauveurs
de la protection sociale si nous voulons sauver notre système républicain !
M. Alain Gournac.
Arrêtez !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué à la ville.
La vraie réforme de notre système de santé
doit avoir deux objectifs : garantir la meilleure qualité de soins tout en
assurant la meilleure allocation des ressources. Pour cela, trois axes
s'imposent : améliorer la coordination des soins - entre la ville et l'hôpital,
notamment - organiser l'actualisation des connaissances et l'évaluation des
pratiques au plus près du terrain et donner aux professionnels des
responsabilités accrues.
Dialogue, transparence, conviction, telle est la méthode du Gouvernement. Nous
avons confié à François Stasse le soin d'animer des groupes de travail avec les
médecins libéraux et les caisses. Il nous a rendu son rapport hier. L'auteur
esquisse sa conviction : « La composante médicale et la composante économique
de la régulation de notre système de santé ne sont pas antinomiques mais
profondément complémentaires. Il n'y a pas deux méthodes qui s'opposent.
L'amélioration des pratiques médicales individuelles, la meilleure coordination
des soins, la rationalisation des implantations géographiques et sectorielles
des structures de soins de ville comme des structures hospitalières sont, à
l'évidence, des actions susceptibles de produire à la fois un service de soins
plus performant et une économie de soins moins coûteuse ».
La maîtrise des dépenses doit être un engagement de l'ensemble des acteurs du
système de santé. Elle doit reposer sur la responsabilité individuelle des
professionnels...
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur le ministre !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué à la ville.
... à travers la formation médicale
continue, l'informatisation de leur cabinet et la participation à des actions
de santé publique, mais aussi sur la responsabilité collective de la
profession. C'est ce que nous allons essayer de faire dans les mois qui
viennent.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
COOPÉRATION INTERCOMMUNALE
M. le président.
La parole est à M. Revol.
M. Henri Revol.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Depuis la loi d'orientation de 1992 sur l'administration territoriale de la
République, la coopération intercommunale s'est considérablement développée.
Vous avez présenté, le 4 juin dernier, monsieur le ministre, devant le comité
des finances locales, une ébauche de projet de loi relatif à l'organisation et
à la simplification de la coopération intercommunale. Une telle réforme est en
effet utile et très attendue par tous. Un renforcement de l'intercommunalité
apparaît comme une nécessité impérieuse. Il semble d'ailleurs que ce soit
l'intercommunalité en milieu urbain plutôt qu'en milieu rural qui bénéficie des
faveurs du Gouvernement.
Ce texte prévoit la création d'une nouvelle structure : la communauté
d'agglomérations, qui serait soumise, à titre obligatoire, au régime de la taxe
professionnelle unique. D'autres groupements seraient par ailleurs incités à
avoir recours à ce régime.
Vous avez ainsi estimé à 2,5 milliards de francs sur cinq ans le coût de cette
réforme pour l'Etat, compte tenu du coût des incitations versées aux
agglomérations qui mettront en place la taxe professionnelle unique.
Diverses pistes ont été évoquées concernant le financement de l'enveloppe
autonome de DGF qui serait réservé aux communautés d'agglomérations : taxe
professsionnelle de France Télécom, économies sur la compensation des
exonérations fiscales, etc.
En aucun cas le financement de l'intercommunalité existante, et surtout pas
celui des communes les plus défavorisées, ne doit être touché. En conséquence,
monsieur le ministre, prouvez-vous nous préciser comment vous envisagez de
financer cette réforme ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le sénateur, vous avez à juste tite
évoqué les progrès de l'intercommunalité dans notre pays depuis la loi de
février 1992 relative à l'organisation territoriale de la République.
Si le Gouvernement a l'intention de proposer au Parlement un projet de loi sur
la simplifiction de l'intercommunalité et sur la promotion des communautés
d'agglomérations c'est, il faut bien le dire, parce que depuis 1992
l'intercommunalité a progressé beaucoup plus en milieu rural qu'en milieu
urbain. Or plus de 75 % des Français vivent en zone urbaine. C'est là que la
crise sociale se trouve amplifiée par une ségrégation spatiale. C'est là aussi
que s'impose la nécessité de politiques conçues et mises en oeuvre au niveau
pertinent, ce niveau pertinent étant, bien souvent, cela va de soi, celui de
l'agglomération. Il convient donc de faire en sorte que l'intercommunalité se
développe aussi en milieu urbain.
Ai-je besoin de souligner que plus de 1 000 communautés de communes ont été
créées, la plupart en milieu rural ou autour de petites villes, et seulement
cinq communautés de villes ?
Il se trouve que les sommes consacrées à l'intercommunalité ont également
beaucoup crû ; elles sont passées de 3,5 milliards de francs en 1992 à 5,5
milliards de francs en 1997.
Par conséquent, pour promouvoir l'intercommunalité en milieu urbain, notamment
pour promouvoir la taxe professionnelle unique dans les aires urbaines de plus
de 50 000 habitants constituées autour d'une ville-centre concentrant 75 % de
la taxe professionnelle, le Gouvernement envisage plusieurs mesures qui seront
soumises évidemment à la discussion des assemblées.
La première concerne la mise en oeuvre de la taxe professionnelle unique ;
elle ne saurait se réaliser que de manière progressive et nous envisageons
qu'elle puisse être mise en place sur deux mandats, soit sur douze ans.
S'agissant des compétences, elles devront naturellement toucher tout ce qui
concerne la politique de l'habitat, tout ce qui, en même temps, concerne la
politique de la ville mise en oeuvre par M. Bartolone avec une grande variété
de moyens.
Quelle incitation est prévue ? L'attribution d'une dotation globale de
fonctionnement de 250 francs par habitant, soit plus du double de celle qui est
accordée aux groupements existants.
La décision a donc été prise, comme vous l'avez rappelé, de réserver une
dotation de 500 millions de francs par an sur cinq ans pour les nouvelles
communautés d'agglomérations.
M. Christian Poncelet.
Financée comment ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Je vais répondre à votre question, monsieur le
président de la commission des finances, qui rejoint d'ailleurs celle de M.
Revol.
Vous serez satisfait d'apprendre qu'il s'agira d'une ressource supplémentaire,
d'une mesure d'abondement de la DGF des groupements qui sera donc financée en
complément des ressources comprises dans le périmètre du pacte de stabilité. Il
n'est donc pas question de toucher à la dotation globale forfaitaire des
communes, sur laquelle s'impute, comme vous le savez, la DGF des groupements
actuelle, par laquelle a été financé le progrès de l'intercommunalité,
notamment en milieu rural, que j'évoquais tout à l'heure.
Quant aux modalités précises, plusieurs pistes que vous avez évoquées ont été
explorées. Elles seront précisées dans l'optique de la sortie du pacte de
stabilité. Le Premier ministre m'a demandé, ainsi qu'à M. le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie, à M. le secrétaire d'Etat au budget
et à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation, de mener une concertation avec les représentants des grandes
associations d'élus, le président du Comité des finances locales et les
présidents et les rapporteurs généraux des commissions des finances de
l'Assemblée nationale et du Sénat. Cette première réunion se tiendra lundi
prochain.
Cet apport de 500 millions de francs permettra donc de préserver la DGF,
notamment les dotations de péréquation versées aux communes les plus
défavorisées. En effet, il ne s'agit en aucune manière de financer les
groupements au détriment de la dotation de solidarité rurale ou de la dotation
de solidarité urbaine. Que cela soit tout à fait clair !
(Applaudissements
sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. Christian Poncelet.
Très bien !
M. le président.
Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques
instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures quinze,
sous la présidence de M. Paul Girod.)
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
EFFICACITÉ DE LA PROCÉDURE PÉNALE
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 434,
1997-1998) relatif aux alternatives aux poursuites et renforçant l'efficacité
de la procédure pénale. [Rapport n° 486 (1997-1998)].
Rappel au règlement
M. Jean-Jacques Robert.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. Robert.
M. Jean-Jacques Robert.
Je voudrais revenir sur ce que je n'ose appeler les « incidents » de ce
matin.
Je ne voudrais pas que M. Dreyfus-Schmidt se sente isolé dans le jugement
qu'il a porté. En effet, en tant que sénateur - j'allais dire de base, mais je
préfère dire sénateur de l'hémicycle - je n'ai vraiment pas apprécié que la
commission des lois demande une interruption de nos travaux et que, de
surcroît, le président de séance, pour aplanir le différend, ait cru bon faire
de quérir M. Larché, président de la commission, pour venir en débattre, en
séance, accompagné par un grand nombre de membres de cette commission. Dans ces
conditions, lorsque nous nous sommes prononcés en faveur d'une continuité des
travaux sereine et efficace, nous avons été bien sûr mis en minorité.
Je me demande vraiment si le rayonnement d'une commission aussi éminente que
notre commission des lois ne risque pas de souffrir d'une telle pression,
fût-elle amicale, même si elle était justifiée par l'examen du projet de loi
relatif au Conseil supérieur de la magistrature.
De bonnes méthodes de travail nous auraient permis de siéger en séance de
nuit, hier, et en commission, ce matin.
Voilà une leçon dont il faudrait que nous tenions compte, monsieur le
président.
M. le président.
Mon cher collègue, ce matin, le président de séance a fait ce que le règlement
lui commandait : pour répondre à une demande de suspension de séance émanant de
M. le rapporteur, il a voulu connaître l'avis du président de la commission des
lois, puis il a consulté le Sénat.
La composition de l'assemblée n'est pas du fait de la présidence, pas plus
qu'elle ne relève de l'appréciation de chacun de nous lors d'un vote. Mme le
ministre s'en est remis, d'une certaine manière, à la sagesse du Sénat, le
Sénat s'est prononcé, et je pense que l'incident est clos.
De tels aléas font partie des inconvénients de la vie parlementaire. Mais il
est souhaitable que celle-ci soit organisée au mieux.
Mes chers collègues, nous poursuivons donc la discussion du projet de loi
relatif aux alternatives aux poursuites et renforçant l'efficacité de la
procédure pénale.
Dans la discussion des articles, nous avons largement entamé l'examen de
l'article 1er, dont je rappelle les termes :
Chapitre Ier (suite)
Dispositions relatives aux alternatives aux poursuites et à la compensation judiciaire
Article 1er
(suite)
M. le président.
« Art. 1er. - L'article 41-1 du code de procédure pénale devient l'article
41-4, et il est inséré, après l'article 41, trois articles 41-1 à 41-3 ainsi
rédigés :
«
Art. 41-1
. - S'il lui apparaît qu'une telle mesure est susceptible
d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble
résultant de l'infraction ou de contribuer au reclassement de l'auteur des
faits, le procureur de la République peut, préalablement à sa décision sur
l'action publique, directement ou par délégation :
« 1° Procéder au rappel auprès de l'auteur des faits des obligations résultant
de la loi ;
« 2° Orienter l'auteur des faits vers une structure sanitaire, sociale ou
professionnelle ;
« 3° Demander à l'auteur des faits de régulariser sa situation au regard de la
loi ou des règlements ;
« 4° Demander à l'auteur des faits de réparer le dommage résultant de ceux-ci
;
« 5° Procéder, avec l'accord des parties, à une mission de médiation entre
l'auteur des faits et la victime.
« La procédure prévue au présent article suspend la prescription de l'action
publique.
«
Art. 41-2
. - Le procureur de la République peut proposer, à titre de
compensation judiciaire, à une personne majeure qui reconnaît avoir commis un
ou plusieurs délits prévus par les articles 222-11, 222-13 (1° à 10°), 222-16,
222-17, 222-18 (1er alinéa), 227-3 à 227-7, 227-9 à 227-11, 311-3, 313-5,
314-5, 314-6, 322-1, 322-2, 322-12 à 322-14, 433-5 et 521-1 du code pénal et
par les articles 28 et 32 (2°) du décret-loi du 18 avril 1939 fixant le régime
des matériels de guerre, armes et munitions, une ou plusieurs des mesures
suivantes :
« 1° Verser une indemnité au Trésor public. Le montant de cette indemnité, qui
ne peut excéder 10 000 francs, est fixé en fonction de la gravité des faits
ainsi que des ressources et des charges de la personne. Son versement peut être
échelonné, selon un échéancier fixé par le procureur de la République, à
l'intérieur d'une période qui ne peut être supérieure à six mois ;
« 2° Se dessaisir au profit de l'Etat de la chose qui a servi ou était
destinée à commettre l'infraction ou qui en est le produit ;
« 3° Remettre au greffe du tribunal de grande instance son permis de conduire
ou son permis de chasser, pour une période maximale de quatre mois ;
« 4° Effectuer au profit de la collectivité un travail non rémunéré pour une
durée maximale de 60 heures, dans un délai qui ne peut être supérieur à six
mois.
« Lorsque la victime est identifiée, et sauf si l'auteur des faits justifie de
la réparation du préjudice commis, le procureur de la République doit proposer
à ce dernier de réparer également les dommages causés par l'infraction. Il
informe la victime de cette proposition.
« La personne à qui est proposée une compensation judiciaire est informée
qu'elle peut se faire assister par un avocat avant de donner son accord à la
proposition du procureur de la République. Ledit accord est recueilli par
procès-verbal.
« Lorsque l'auteur des faits donne son accord aux mesures proposées, le
procureur de la République saisit par requête le président du tribunal aux fins
de validation de la compensation. Le procureur de la République informe de
cette saisine l'auteur des faits et, le cas échéant, la victime. Le président
du tribunal peut procéder à l'audition de l'auteur des faits et de la victime,
assistés, le cas échéant, de leur avocat. Les auditions sont de droit si les
intéressés le demandent. Si ce magistrat rend une ordonnance validant la
compensation, les mesures décidées sont mises à exécution. Dans le cas
contraire, la proposition devient caduque. La décision du président du tribunal
n'est pas susceptible de recours.
« Si la personne n'accepte pas la compensation ou si, après avoir donné son
accord, elle n'exécute pas intégralement les mesures décidées ou si la demande
de validation prévue par l'alinéa précédent est rejetée, le procureur de la
République apprécie la suite à donner à la procédure. En cas de poursuites et
de condamnation, il est tenu compte, le cas échéant, du travail déjà accompli
et des sommes déjà versées par la personne.
« La prescription de l'action publique est suspendue entre la date à laquelle
le procureur de la République propose une compensation judiciaire et la date
d'expiration des délais impartis par ce dernier pour répondre à la
proposition.
« L'exécution de la compensation judiciaire éteint l'action publique. Elle ne
fait cependant pas échec au droit de la partie civile de délivrer citation
directe devant le tribunal correctionnel dans les conditions prévues au présent
code. Le tribunal ne statue alors que sur les seuls intérêts civils, au vu du
dossier de la procédure qui est versé au débat.
« Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en
Conseil d'Etat.
«
Art. 41-3
. - La procédure de compensation judiciaire est également
applicable en cas de violences ou de dégradations contraventionnelles.
« Le montant maximum de l'indemnité compensatrice ne peut alors excéder 5 000
francs, la durée de la remise du permis de conduire ou du permis de chasser ne
peut dépasser deux mois, et la durée du travail non rémunéré ne peut être
supérieure à 30 heures, dans un délai maximum de trois mois.
« La requête en validation est portée devant le juge d'instance. »
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 41-3
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 11, M. Fauchon, au nom de la commission, propose :
I. - Après le texte présenté par l'article 41-3 du code de procédure pénale,
d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
«
Art. 41-4. -
Les compositions pénales exécutées sont portées à un
registre national des compositions pour une durée de cinq ans. Ce registre ne
peut être constitué par les autorités judiciaires. »
II. - En conséquence, de rédiger comme suit le premier alinéa de cet article
:
« Il est inséré, après l'article 41-1 du code de procédure pénale, trois
articles 41-2 à 41-4 ainsi rédigés : ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
L'incident
de ce matin est clos, je n'y reviens donc pas, si ce n'est pour dire à nos
collègues et, plus encore, à Mme la ministre, combien, à titre personnel et au
nom de l'ensemble des membres de la commission des lois, nous sommes désolés de
nous être trouvés dans une situation inextricable qui ne pouvait pas être
résolue de manière convenable pour chacun.
Pour ce qui est de l'amendement n° 11, il consiste à prévoir que la solution
que nous sommes conduits à mettre en place et qui est appelée, à notre sens, à
prendre une assez grande importance, à savoir la composition pénale, laisse
quelques traces dans les archives de la justice, sinon dans les casiers
judiciaires des intéressés.
Il n'est pas question de créer un nouvel élément dans le casier judiciaire. Il
nous paraît toutefois important que, au moins pendant un certain délai, les
autorités judiciaires puise savoir si une personne a déjà bénéficié d'une
composition pénale.
Par cet amendement, nous proposons donc que les compositions pénales exécutées
soient portées sur un registre national des compositions pour une durée de cinq
ans. Ce registre ne pourra être consulté que par les autorités judiciaires. Il
conserve donc un caractère très confidentiel, mais il a malgré tout son
importance.
Je me permets d'indiquer au passage qu'un certain nombre des affaires qui
iront à la composition judiciaire sont actuellement classées sans suite. On
peut m'objecter que, de toute façon, celles-là ne laissent pas de traces, et
encore qu'à partir du moment où il y aura une motivation et, éventuellement,
des recours, nous en aurons quelques traces.
Mais, selon les procureurs que j'ai entendus, à pratique constante, une bonne
partie des affaires, presque la moitié sans doute, iront à la composition
uniquement pour soulager l'audience d'affaires qui ne méritent pas de suivre la
voie classique.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Je ne peux pas être favorable à
cette proposition visant à créer un fichier national de la composition
judiciaire.
En effet, un tel fichier ne correspond pas à l'esprit de la mesure : il s'agit
d'une troisième voie entre le classement et la poursuite et non d'une poursuite
suivie d'une condamnation qui serait inscrite au casier judiciaire.
Cette nouvelle procédure, si le projet de loi est adopté, se substituera, dans
la plupart des cas, à des classements sans suite. Il n'y a pas de raison que
ceux qui en feront l'objet et qui n'auront été auparavant ni poursuivis, ni
condamnés figurent dans un « sous-casier » judiciaire.
Il est bien évidemment souhaitable que le Parquet puisse connaître les
antécédents de l'intéressé, mais ce sera le cas grâce au bureau d'ordre de la
juridiction qui enregistrera ces mesures comme il enregistre actuellement les
plaintes, les dénonciations et les classements sans suite.
Par ailleurs, la délinquance itinérante ne pose pas de réels problèmes. Ce
n'est pas à ce type de délinquance que cette nouvelle procédure aura vocation à
s'appliquer. La procédure concernera, je le répète, les petits actes de
délinquance urbaine commis par des personnes résidant dans le ressort de la
juridiction.
J'insiste sur le fait qu'il serait paradoxal de créer un fichier national pour
récapituler l'ensemble des auteurs d'infractions dont la plupart des dossiers
auraient été, en l'absence de la nouvelle procédure, classés purement et
simplement.
Voilà pourquoi je ne pense pas qu'un fichier national soit nécessaire. Il
risquerait en effet de dissuader les magistrats d'utiliser la compensation
judiciaire. Je suis donc défavorable à cet amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 11.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous sommes absolument d'accord - et nous avons essayé d'en convaincre M. le
rapporteur - avec les propos que vient de tenir Mme le garde des sceaux.
Il n'est pas concevable de mettre en place une procédure à l'encontre de
personnes dont, à défaut, l'affaire serait classée et de demander la création
d'un fichier national des compositions pénales, ce qui est lourd et onéreux.
Les procureurs de la République classent tous les jours sans suite purement et
simplement des dossiers au motif que les poursuites sont inopportunes. Mais ils
en conservent la trace car tous les tribunaux sont maintenant équipés
d'ordinateurs.
Je ne comprends pas cet alourdissement des charges de la justice, d'autant
qu'il est proposé par un homme qui sait mieux que quiconque combien les moyens
du ministère de la justice sont déjà insuffisants.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Mes chers collègues, les classements sans suite sont
nombreux, et la commission des finances vient d'ailleurs de remettre un rapport
sur ce thème.
Le classements sans suite, ce n'est pas un phénomène anodin. Nombre d'affaires
ne sont en effet classées sans suite que du fait de l'encombrement des
tribunaux. Telle est la réalité.
Mais il est bon que de telles affaires laissent quelques traces dans des
archives qui doivent être accessibles aux autorités judiciaires, non seulement
au sein de la juridiction mais aussi au-delà.
Je rappelle en outre que, selon les procureurs que nous avons entendus, à peu
près la moitié des affaires qui connaîtront ce traitement font l'objet
aujourd'hui d'une audience. Le système vise donc également à soulager les
tribunaux.
L'objet de la composition pénale est double : elle concernera des délits
véritables dont la moitié environ auraient été jugés et auraient fait l'objet
d'une condamnation inscrite au casier judiciaire, ce qui serait bien plus
fâcheux pour les intéressés, alors que l'autre moitié d'entre eux auraient
bénéficié d'un classement sans suite, ce qui est bien regrettable.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le président, j'invoque, contre cet amendement, l'article 40 de la
Constitution.
M. le président.
Y a-t-il un représentant de la commission des finances ?..
Puisque tel n'est pas le cas, je vais suspendre la séance pour quelques
instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures
trente.)
M. le président.
La séance est reprise.
La commission des finances est maintenant représentée.
Monsieur Badré, l'article 40 de la Constitution est-il applicable à
l'amendement n° 11 ?
M. Denis Badré,
au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Non, monsieur le président.
M. le président.
L'article 40 n'étant pas applicable, l'amendement n° 11 est recevable.
Je vais donc le mettre aux voix.
M. Jean-Jacques Robert.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Robert.
M. Jean-Jacques Robert.
Cet amendement aura pour conséquence la création d'un fichier supplémentaire.
Etant favoralble à la simplification sur le terrain, je voterai donc contre
l'amendement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, repoussé par le Gouvernement.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par
assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - Le dernier alinéa de l'article 41 du code de procédure pénale est
abrogé. »
Par amendement n° 54, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de
supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Le texte proposé pour l'article 41-1 - article qui faisait
état de la possibilité accordée au procureur de la République de recourir à la
médiation - n'ayant pas été adopté, il faut sauvegarder cette possibilité dans
le code de procédure pénale. Tout le monde est conscient, je pense, de cette
nécessité.
Pour ce faire, il faut donc supprimer l'article 2 du projet, qui a pour objet
d'abroger la disposition en question figurant au dernier alinéa de l'article 41
du code de procédure pénale.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 54, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 2 est supprimé.
Intitulé du chapitre Ier
(précédemment réservé)
M. le président.
Par amendement n° 1, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit cet intitulé : « Dispositions relatives aux alternatives aux
poursuites et à la composition pénale ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
C'est un amendement de conséquence. Nous avons eu hier un
débat sur cette question.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.
M. Robert Pagès.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'intitulé du chapitre Ier est ainsi rédigé.
Chapitre II
Dispositions relatives à la compétence
du juge unique en matière correctionnelle
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - I. - Au troisième alinéa de l'article 398 du code de procédure
pénale, il est inséré après les mots : "à l'article 398-1" les mots suivants :
"sauf si ces délits ont été commis par une personne se trouvant en état de
récidive légale".
« II. - L'article 398-2 du même code est complété par l'alinéa suivant :
« Le tribunal correctionnel siégeant dans sa composition prévue par le
troisième alinéa de l'article 398 peut, si la complexité des faits le justifie,
décider, d'office ou à la demande des parties ou du ministère public, de
renvoyer l'affaire devant le tribunal correctionnel siégeant dans les
conditions prévues au premier alinéa du même article. Les dispositions de
l'alinéa qui précède ne sont alors pas applicables. Cette décision constitue
une mesure d'administration judiciaire qui n'est pas susceptible de recours.
»
Par amendement n° 12, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, dans le I
de cet article, de remplacer les mots : « sauf si ces délits ont été commis par
une personne se trouvant en état de récidive légale » par les mots : « sauf si
la peine encourue, compte tenu de l'état de récidive légale du prévenu, est
supérieure à cinq ans d'emprisonnement ».
La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Nous abordons le problème de la compétence du juge unique en
matière correctionnelle.
La question est de savoir si les délits énumérés comme relevant du juge unique
doivent sortir de sa compétence dès lors qu'il y a récidive.
Nous pensons que le principe contenu dans le texte est valable, mais nous
proposons de l'améliorer pour le limiter à l'hypothèse où la peine encourue,
compte tenu de l'état de récidive légale du prévenu, est supérieure à cinq ans
d'emprisonnement. Dans certains cas, en effet, la peine encourue est inférieure
à cinq ans, même dans l'hypothèse d'une récidive ; il n'y a donc pas de raison
que ces cas échappent au juge unique.
J'indique au passage que certains délits, tels que la conduite en état
alcoolique, font malheureusement souvent l'objet de récidive. Le renvoi au juge
collégial de ce type d'affaires pourrait être tout à fait contraire aux raisons
qui nous ont conduits à étendre le champ de compétence du juge unique.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, accepté par le Gouvernement.
M. Robert Pagès.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 13, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de
supprimer le II de l'article 3.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Cet amendement vise à supprimer la possibilité accordée au
juge unique, par le paragraphe II de l'article, de renvoyer, par une décision
qui lui serait personnelle, une affaire à la collégialité lorsque la complexité
des faits le justifie.
Si l'idée semble juste du point de vue du bon sens, elle peut être dangereuse
et, surtout, elle est anticonstitutionnelle.
En effet, la disposition tombe sous le coup d'une décision prise en 1975 par
le Conseil constitutionnel qui ne permet pas que la juridiction ayant à
connaître d'un délit résulte du choix d'une personne, aussi respectable
soit-elle.
Il ne me semble pas utile de développer plus avant cet argument ; il sera
peut-être repris par d'autres orateurs.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je suis défavorable à cet amendement.
En premier lieu, je ne crois pas que cette disposition soit contraire à la
décision du Conseil constitutionnel de 1975.
La situation est différente de celle qui résultait des textes de 1972. En
effet, en 1972, le principe était la collégialité et le président du tribunal
pouvait, par exception à ce principe, décider qu'une affaire serait jugée à
juge unique.
La disposition envisagée permet au contraire qu'une affaire qui relève en
principe du juge unique soit examinée par une formation collégiale. On est donc
dans un mouvement inverse par rapport au mouvement envisagé en 1972. C'est une
garantie supplémentaire qui est offerte : le passage à la collégialité. Ce
n'est pas une garantie qui est supprimée, comme c'était le cas en 1972.
En deuxième lieu, la décision est prise non par le président du tribunal en
l'absence de tout débat, mais par le juge unique lui-même devant qui l'affaire
a été initialement appelée et qui statue au vu du dossier à l'issue d'un débat
public et contradictoire.
Enfin, en troisième lieu, la loi fixe un critère justifiant le renvoi à la
collégialité, celui de la complexité de l'affaire, alors que le texte de 1972
ne fixait aucun critère.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement considère que ce texte
n'est pas contraire à la Constitution et vous demande de bien vouloir en rester
aux dispositions initiales.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Nous comprenons très bien l'argument de Mme le garde des
sceaux et, sur le plan du bon sens, nous y souscrivons. Effectivement, cela
permettrait de garantir une meilleure justice. De ce point de vue, on peut
effectivement considérer que le dispositif est acceptable.
Cependant, je suis obligé de rappeler le texte de la décision du Conseil
constitutionnel du 23 juillet 1975 :
« Considérant... le principe d'égalité devant la justice » - c'est un principe
fondamental - « qui est inclus dans le principe d'égalité devant la loi
proclamé dans la Déclaration des droits de l'homme de 1789 et solennellement
réaffirmé par le préambule de la Constitution ;
« Considérant, en effet, que le respect de ce principe fait obstacle à ce que
des citoyens se trouvant dans des conditions semblables et poursuivis pour les
mêmes infractions soient jugés par des juridictions composées selon des règles
différentes ;
« Considérant, enfin, que l'article 34 de la Constitution, qui réserve à la
loi le soin de fixer les règles concernant la procédure pénale, s'oppose à ce
que le législateur, s'agissant d'une matière aussi fondamentale que celle des
droits et libertés des citoyens, confie à une autre autorité l'exercice, dans
les conditions ci-dessus rappelées, des attributions définies par les
dispositions en cause de l'article 6 de la loi déférée au Conseil
constitutionnel. »
Par conséquent, quel que soit le sens dans lequel le choix est effectué, c'est
le principe même d'un choix délégué à un particulier, en l'occurrence du choix
de la juridiction délégué à un juge, qui a été manifestement condamné par le
Conseil constitutionnel.
C'est la raison pour laquelle il ne nous paraît pas possible de voter cette
disposition.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 13.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
La collégialité est la règle, en particulier parce que de la discussion
jaillit la lumière. Elle permet aussi de ne pas exposer un magistrat à je ne
sais quelle vengeance.
Hélas ! On a multiplié les exceptions. Le Gouvernement propose que, si
l'affaire est complexe, le magistrat puisse demander le recours à la règle,
c'est-à-dire à la collégialité. La commission nous oppose des arguments qui,
s'ils sont fondés, devraient faire disparaître l'indication que le juge peut en
décider ainsi d'office. Mais si les parties sont d'accord pour demander au juge
et que le juge est d'accord pour ordonner qu'on renvoie devant la collégialité,
au moins, dans ce cas-là, il ne devrait pas y avoir de problème !
La solution aurait peut-être été de modifier l'amendement en ce sens. Mais
nous n'en avons pas le pouvoir. Nous ne pouvons pas, en effet, sous-amender un
amendement de suppression. Le Gouvernement, lui, pourrait déposer un amendement
et préciser que, si la complexité des faits le justifie, le juge peut ou même
doit décider, à la demande des parties de renvoyer l'affaire devant le tribunal
correctionnel, etc.
Je demande donc au Gouvernement de déposer un amendement en ce sens. Cela me
paraîtrait une solution de sagesse.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Il faudrait préciser à la demande des parties et du
ministère public.
M. le président.
Il me faudrait un ammendement...
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 49, MM. Pagès, Duffour et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent de compléter l'article 3 par un paragraphe
additionnel ainsi rédigé :
« ... - Le troisième alinéa de l'article 398 du code de procédure pénale est
complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette dernière disposition ne s'applique pas si l'une des parties demande la
collégialité. »
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Cet amendement n'a plus d'objet, monsieur le président, et je le retire.
M. le président.
L'amendement n° 49 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Chapitre III
Dispositions relatives au jugement
des contraventions
Article 4
M. le président.
« Art. 4. - L'article 525 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
« I. - Au deuxième alinéa, il est ajouté, après les mots : "soit condamnation
à une amende", les mots : "ainsi que, le cas échéant, à une ou plusieurs des
peines complémentaires encourues".
« II. - Au troisième alinéa, les mots : "ou que des sanctions autres que
l'amende devraient éventuellement être prononcées" sont supprimés. »
- (Adopté.)
Article 5
M. le président.
« Art. 5. - I. - Le titre de la section I du chapitre II
bis
du titre
III du livre deuxième du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
"Dispositions applicables à certaines contraventions".
« II. - Au 1er alinéa de l'article 529 du même code, les mots : "Pour les
contraventions des quatre premières classes à la réglementation des transports
par route, au code des assurances en ce qui concerne l'assurance obligatoire
des véhicules terrestres à moteur et de leurs remorques et semi-remorques et à
la réglementation sur les parcs nationaux et les réserves naturelles qui sont
punies seulement d'une peine d'amende" sont remplacés par les mots : "Pour les
contraventions des quatre premières classes dont la liste est fixée par décret
en Conseil d'Etat".
« III. - A l'article 529-6 du même code, les mots : "punies d'une simple peine
d'amende" sont remplacés par les mots : "dont la liste est fixée par décret en
Conseil d'Etat".
« IV. - Les dispositions du présent article entreront en vigueur à la date de
publication des décrets prévus au II et au III. »
Sur cet article, je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet
d'une discussion commune.
Par amendement n° 35, MM. Dreyfus-Schmidt, Badinter et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent de supprimer cet article.
Par amendement n° 28 rectifié, MM. Haenel et Pluchet proposent, au II de cet
article, après les mots : « Pour les contraventions », de supprimer les mots «
des quatre premières classes ».
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 35.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Dans la loi actuellement en vigueur, est prévu le paiement des amendes
forfaitaires qui, si j'ose dire, ne laissent pas de trace. Rien n'est inscrit
au casier judiciaire, il n'existe même pas de registre spécial pour un nombre
limité de contraventions des quatre premières classes.
Voilà que le Gouvernement nous propose que l'amende forfaitaire soit
applicable « pour les contraventions des quatre premières classes dont la liste
est fixée par décret en Conseil d'Etat », c'est-à-dire éventuellement pour
toutes les contraventions de quatrième classe.
Lorsque nous présentons un amendement visant à laisser à la loi la
détermination des contraventions pour lesquelles l'action publique est éteinte
par le paiement d'une amende forfaitaire, il nous est répondu : les
contraventions étant du domaine réglementaire, vous ne pouvez pas vous opposer
à ce que la liste des contraventions des quatre premières classes pouvant faire
l'objet d'une amende forfaitaire soit fixée par décret en Conseil d'Etat.
Ce qui est curieux, c'est que l'amendement suivant, qui émane de M. Haenel,
prévoit de supprimer les mots : « des quatrièmes classes », c'est-à-dire que la
disposition vaudrait également pour les contraventions de cinquième classe.
La commission s'y oppose, au motif que les contraventions de cinquième classe
s'appliquent à des faits importants et que l'on ne peut pas se contenter
d'infliger à leurs auteurs une amende forfaitaire.
J'aimerais faire remarquer à la commission que, en suivant son raisonnement,
le Gouvernement pourrait parfaitement décider, par voie réglementaire, qu'il en
soit ainsi.
Il n'y aurait donc qu'un moyen d'empêcher cela, c'est de préciser dans la loi
les contraventions concernées, en excluant les contraventions de cinquième
classe.
Telles sont les réflexions que je souhaitais formuler à l'occasion de la
défense de cet amendement. Je vais écouter les explications et les réponses que
l'on me donnera ; il n'est pas impossible alors, si elles me conviennent, que
je retire mon amendement.
M. le président.
L'amendement n° 28 rectifié est-il soutenu ?...
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 35 ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
La commission s'oppose à cet amendement, pour les raisons que
M. Dreyfus-Schmidt a lui-même indiquées.
Nous sommes dans le domaine réglementaire. Il est donc à la fois juridiquement
normal et souhaitable de voter ce texte, qui permet de définir la liste des
contraventions en question par un décret en Conseil d'Etat. Cela me semble être
une mesure de bonne administration de la justice. Dans un domaine qui, je le
répète, est de nature réglementaire, il est parfaitement normal que ce problème
soit réglé par des moyens réglementaires.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je ne suis pas favorable à cet amendement.
J'estime en effet que les précisions en question doivent être apportées par
décret en Conseil d'Etat.
M. le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, l'amendement n° 35 est-il maintenu ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 35 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Article additionnel après l'article 5
M. le président.
Par amendement n° 14, M. Fauchon, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 546 du code de procédure pénale est modifié comme suit :
« I. - Dans le premier alinéa, après les mots : "au procureur de la
République", sont insérés les mots : ", au procureur général". »
« II. - Le dernier alinéa est supprimé. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Cet amendement, qui nous a été inspiré par un rapport de la
Cour de cassation de 1996, a pour objet de supprimer la faculté dont dispose le
procureur général de faire appel de l'ensemble des jugements de police.
Dans cette matière, la faculté d'appeler des parties est strictement limitée,
et nous pensons qu'elles doivent toutes être mises sur un pied d'égalité. Comme
l'a suggéré la Cour de cassation, conformément d'ailleurs à ce qu'on appelle le
principe de l'égalité des armes, il convient que les conditions d'appel qui
sont imposées aux parties le soient également au procureur.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 5.
Chapitre IV
Dispositions concernant le déroulement
des procédures pénales
Section 1
Dispositions concernant les enquêtes
Article 6
M. le président.
« Art. 6. - Le deuxième alinéa de l'article 53 du code de procédure pénale est
ainsi rédigé :
« L'enquête de flagrance menée à la suite de la constatation d'un crime ou
d'un délit flagrant ne peut se poursuivre pendant plus de huit jours. »
- (Adopté.)
Article 7
M. le président.
« Art. 7. - I. - Au premier alinéa de l'article 60 et au premier alinéa de
l'article 77-1 du code de procédure pénale les mots : "qui ne peuvent être
différés" sont supprimés.
« II. - L'article 60 est complété par les deux alinéas suivants :
« Les personnes désignées pour procéder aux examens techniques ou
scientifiques peuvent procéder à l'ouverture des scellés. Elles en dressent
inventaire et en font mention dans un rapport établi conformément aux
dispositions des articles 163 et 166. Elles peuvent communiquer oralement leurs
conclusions aux enquêteurs en cas d'urgence.
« Sur instructions du procureur de la République, l'officier de police
judiciaire donne connaissance de ces conclusions aux personnes à l'encontre
desquelles il existe des indices faisant présumer qu'elles ont commis ou tenté
de commettre une infraction, ainsi qu'aux victimes. L'application des
dispositions du présent alinéa n'interdit pas à ces personnes, si l'action
publique est ultérieurement mise en mouvement, de demander à la juridiction
d'instruction ou de jugement d'ordonner une expertise sur les questions ayant
déjà fait l'objet des examens techniques ou scientifiques. »
« III. - Le deuxième alinéa de l'article 77-1 est ainsi rédigé :
« Les dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article
60 sont applicables. »
« IV. - Le premier alinéa de l'article 167 du même code est complété par la
phrase suivante :
« Il leur donne également connaissance, s'il y a lieu, des conclusions des
rapports des personnes requises en application des articles 60 et 77-1,
lorsqu'il n'a pas été fait application des dispositions du quatrième alinéa de
l'article 60. »
Par amendement n° 15, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de
supprimer la seconde phrase du second alinéa du texte présenté par le
paragraphe II de cet article pour l'article 60 du code de procédure pénale.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il paraît inutile de mentionner que le fait que les résultats
des examens techniques ou scientifiques soient communiqués aux parties
n'empêche pas celles-ci de demander une expertise dans le cadre de
l'instruction, puisque cela résulte expressément de l'article 156 du code de
procédure pénale.
Au passage, je dois dire que cette disposition nous a posé quelques problèmes.
Certains de nos collègues se sont interrogés sur le développement pris par
l'enquête préliminaire ou, éventuellement, par l'enquête de flagrance et se
demandent si les garanties offertes aux personnes sont bien suffisantes à ce
stade de la procédure, en amont de l'instruction, qui a tendance à devenir de
plus en plus important.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7, ainsi modifié.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8
M. le président.
« Art. 8. - L'article 72 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
« I. - Au premier alinéa, les mots : "le procureur de la République ainsi que
les officiers de police judiciaire sont de plein droit dessaisis" sont
remplacés par les mots : "le procureur de la République peut se dessaisir".
« II. - Le quatrième alinéa est abrogé. »
Par amendement n° 16, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit cet article :
« Les quatre premiers alinéas de l'article 72 du code de procédure pénale sont
abrogés. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il s'agit du dessaisissement automatique du procureur par le
juge d'instruction lorsque celui-ci se rend sur les lieux.
Ce desaississement nous a paru être une survivance de l'ancien code de
l'instruction criminelle, qui faisait du juge d'instruction un officier de
police judiciaire.
Nous avons entendu les différentes parties concernées, qu'il s'agisse des
avocats, des procureurs ou des juges d'instruction. Tous nous ont dit que cet
article n'a pas d'utilité, qu'il est une source de difficultés éventuelles,
voire une source de nullité, et qu'il serait préférable de le supprimer, étant
entendu que cela n'empêchera naturellement en rien le juge d'instruction de se
rendre sur les lieux.
Il nous a paru raisonnable de suivre cet avis qui semblait unanime. Nous avons
donc proposé de supprimer les quatre premiers alinéas de l'article 72 du code
de procédure pénale, en maintenant, bien entendu, le dernier alinéa qui
conserve sa raison d'être : il ne faut pas renoncer à la rapidité
opérationnelle qu'il peut permettre.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 8 est ainsi rédigé.
Article additionnel après l'article 8
M. le président.
Par amendement n° 29 rectifié, MM. Haenel et Pluchet proposent d'insérer,
après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré après l'article 78-5 du code de procédure pénale un article
additionnel ainsi rédigé :
«
Art. ... -
Pour dresser les procès-verbaux concernant les
contraventions à la police des services publics de transports ferroviaires et
des services de transports publics de personnes, les agents assermentés de
l'exploitant sont habilités à relever l'identité des contrevenants.
« Si le contrevenant refuse ou se trouve dans l'impossibilité de justifier de
son identité, l'agent de l'exploitant en rend compte immédiatement à tout
officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie
nationale territorialement compétent, qui peut alors lui ordonner sans délai de
lui présenter sur le champ le contrevenant. A défaut de cet ordre, l'agent de
l'exploitant ne peut retenir le contrevenant. Lorsque l'officier de police
judiciaire mentionné au présent alinéa décide de procéder à une vérification
d'identité, le délai prévu au troisième alinéa de l'article 78-3 court à
compter du relevé d'identité.
« Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en
Conseil d'Etat. »
L'amendement est-il soutenu ?...
Section 2
Dispositions concernant le déroulement de l'instruction
Article 9
M. le président.
« Art. 9. - L'article 80 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
« I. - Le troisième alinéa est complété par les deux phrases suivantes :
« Le procureur de la République peut alors, soit requérir du juge
d'instruction, par réquisitoire supplétif, qu'il informe sur ces nouveaux
faits, soit requérir l'ouverture d'une information distincte, soit saisir la
juridiction de jugement, soit ordonner une enquête, soit décider d'un
classement sans suite ou de procéder à l'une des mesures prévues aux articles
41-1 et 41-2, soit transmettre les plaintes ou les procès-verbaux au procureur
de la République territorialement compétent. Si le procureur de la République
requiert l'ouverture d'une information distincte, celle-ci peut être confiée au
même juge d'instruction, désigné dans les conditions prévues au premier alinéa
de l'article 83. »
« II. - Le dernier alinéa du même article est complété par la phrase suivante
:
« Toutefois, lorsque de nouveaux faits sont dénoncés au juge d'instruction par
la partie civile en cours d'information, il est fait application des
dispositions de l'alinéa qui précède. »
Par amendement n° 17 rectifié, M. Fauchon, au nom de la commission, propose,
dans la première phrase du second alinéa du paragraphe I du texte présenté par
cet article pour l'article 80 du code de procédure pénale, de remplacer les
mots : « aux articles 41-1 et 41-2 » par les mots : « au dernier alinéa de
l'article 41 et à l'article 41-2 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 17 rectifié, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 9, ainsi modifié.
(L'article 9 est adopté.)
Article 10
M. le président.
« Art. 10. - L'article 182 du même code est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« Les personnes ayant fait l'objet d'une ordonnance de renvoi partiel ou de
transmission partielle des pièces et qui ne demeurent pas mises en examen pour
d'autres faits, sont entendues comme témoin assisté. Il en est de même en cas
de disjonction d'une procédure d'instruction. »
- (Adopté.)
Article 11
M. le président.
« Art. 11. - I. - Il est inséré, après la première phrase du quatrième alinéa
de l'article 199 du code de procédure pénale, la phrase suivante : "Si la
personne a déjà comparu devant la chambre d'accusation moins de quatre mois
auparavant, le président de cette juridiction peut, en cas d'appel d'une
ordonnance rejetant une demande de mise en liberté, refuser la comparution
personnelle de la personne par une décision motivée qui n'est susceptible
d'aucun recours."
« II. - Au dernier alinéa du même article, les mots : "deuxième alinéa" sont
remplacés par les mots : "troisième alinéa". »
Sur cet article, je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet
d'une discussion commune.
Par amendement n° 18, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de
supprimer le paragraphe I de cet article.
Par amendement n° 36, MM. Dreyfus-Schmidt et Badinter, les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent, dans le texte présenté par le paragraphe I
de cet article pour compléter l'article 199 du code de procédure pénale, de
remplacer les mots : « moins de quatre mois auparavant » par les mots : « moins
de deux mois auparavant en matière criminelle et un mois en matière
correctionnelle ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 18.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
La question est de savoir si quelqu'un qui se trouve en
détention provisoire et qui fait appel d'une décision de refus de mise en
liberté peut demander, quelle que soit l'ancienneté d'une précédente
comparution, à comparaître personnellement devant la chambre d'accusation.
Bien sûr, il y a eu des abus, des détenus ont pu demander à comparaître - on
peut le penser en tout cas - uniquement pour le plaisir de faire le voyage et
de sortir quelque temps de prison. Mais il y a aussi le droit fondamental du
détenu qui désire voir son juge.
Ce problème nous a paru suffisamment important pour que nous en reparlions
lors de l'examen du texte que vous avez annoncé, madame le garde des sceaux,
sur la détention provisoire car il relève de la problématique générale de la
détention provisoire.
Nous avons donc pensé opportun de supprimer ce dispositif qui est réducteur du
droit des détenus, auquel, me semble-t-il, on ne peut pas porter atteinte.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 36.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Cet amendement étant un amendement de repli, il ne me semble pas nécessaire de
m'exprimer longuement à son sujet, puisque nous sommes d'accord pour voter
l'amendement de suppression de la commission.
En effet, en matière de liberté provisoire, il est tout à fait normal que ceux
qui sont en prison aient le droit et de demander leur mise en liberté et de
pouvoir s'expliquer eux-mêmes.
D'ailleurs, cela prend un certain temps. La chambre d'accusation dispose d'un
délai de vingt jours pour statuer. Il s'écoule donc au moins vingt jours avant
que ne puisse être refaite utilement une deuxième demande.
Surtout, la durée de quatre mois proposée par le Gouvernement nous a paru tout
à fait excessive. Quand on est en prison, quatre mois c'est particulièrement
long. Il nous a donc paru nécessaire de proposer, dans notre amendement de
repli, de réduire cette durée en opérant une différence suivant qu'il s'agit
d'un délit ou d'un crime.
Mais, je le répète en conclusion, si l'amendement de la commission était
adopté, le nôtre n'aurait évidemment plus d'objet et nous nous en
féliciterions.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 36 ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
La commission espère que son amendement sera adopté et qu'il
n'y aura donc pas besoin d'un amendement de repli.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 18 et 36 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Comme je l'ai indiqué dans la discussion générale, il
s'agit d'éviter certains abus de la part de détenus qui forment des demandes de
mise en liberté à répétition dans l'unique souci de se déplacer devant la
chambre d'accusation.
Je suis donc défavorable à l'amendement n° 18, qui tend à la suppression de
cette disposition.
Je prends note du fait que la Haute Assemblée souhaitait manifester sa volonté
de connaître la réforme de l'ensemble de la détention provisoire et que, par
conséquent, son refus n'est pas définitif.
Néanmoins, il me semble que cet amendement reste injustifié : l'article 11 du
projet de loi est, en effet, indépendant des garanties nouvelles qui pourraient
être instituées en matière de détention provisoire. Il n'y a donc pas de raison
de ne pas l'adopter dès maintenant.
En revanche, je suis favorable à l'amendement n° 36 déposé par M.
Dreyfus-Schmidt : il est possible, même souhaitable, de réduire le délai
initial de quatre mois.
En fait, nous voulons éviter qu'une personne ne comparaisse quasiment toutes
les semaines - cette situation s'est déjà produite - devant la chambre
d'accusation, ce qui encombre les audiences, alors que ces affaires ne le
méritent pas, et empêche les magistrats de prendre leur temps pour examiner
celles qui le méritent.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° 36 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 11, ainsi modifié.
(L'article 11 est adopté.)
Article 12
M. le président.
« Art. 12. - Il est inséré, après le deuxième alinéa de l'article 385 du code
de procédure pénale, un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction a été rendue sans que
l'avis prévu à l'article 175 ait été adressé aux parties, celles-ci demeurent
recevables, par dérogation aux dispositions du premier alinéa, à soulever
devant le tribunal correctionnel les nullités de la procédure. »
Par amendement n° 19, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, dans le
texte présenté par cet article pour être inséré après le deuxième alinéa de
l'article 385 du code de procédure pénale, de remplacer les mots : « l'avis
prévu à l'article 175 ait été adressé aux parties » par les mots : « les
conditions prévues par l'article 175 aient été respectées ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Le mécanisme proposé peut être très utile. Je rappelle que le
Parlement a précédemment adopté un dispositif selon lequel il y avait une purge
des nullités dans l'ordonnance de renvoi. Mais il peut arriver que cette
ordonnance soit affectée d'une nullité, les formalités devant la précéder
n'ayant pas été correctement remplies.
Actuellement, la Cour de cassation considère qu'il est nécessaire d'ordonner
la reprise de toute la procédure depuis le début, c'est-à-dire le retour à la
case départ, comme au jeu de l'oie,...
M. Charles de Cuttoli.
Il y a une prison dans le jeu de l'oie !
(Sourires.)
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
... ce qui, dans une matière infiniment sérieuse, est
véritablement déplorable.
Le texte proposé tend à remédier à cette situation en prévoyant que les
parties pourront soulever les nullités devant le tribunal correctionnel
lorsqu'elles n'ont pas reçu l'avis leur permettant de le faire avant
l'ordonnance de renvoi par le juge d'instruction. Nous estimons que cette idée
est bonne, mais qu'elle peut être améliorée. C'est pourquoi nous proposons une
rédaction plus large - il peut arriver que l'avis n'ait pas été envoyé, mais il
peut arriver aussi que le délai prévu par l'article 175 n'ait pas été respecté
- afin de couvrir toutes les hypothèses possibles.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 12, ainsi modifié.
(L'article 12 est adopté.)
Section 3
Dispositions concernant la comparution des parties
à l'audience
Article 13
M. le président.
« Art. 13. - L'article 411 du code de procédure pénale est complété par
l'alinéa suivant :
« La condition de durée de la peine encourue mentionnée au premier alinéa
n'est pas applicable en cas de citation directe délivrée par une partie civile.
»
Par amendement n° 37, MM. Dreyfus-Schmidt, Badinter et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit cet article :
« Le deuxième alinéa de l'article 411 du code de procédure pénale est remplacé
par deux alinéas ainsi rédigés :
« Il en est de même en cas de citation directe délivrée par la partie civile
quelle que soit la durée de la peine encourue.
« Dans les deux cas l'avocat du prévenu est entendu. »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il s'agit d'un amendement purement rédactionnel.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
La commission a considéré que cet amendement offrait
effectivement une meilleure rédaction de l'article 411, ce qui n'est pas
surprenant étant donné que ses signataires sont non seulement membres du Sénat
mais encore membres de la commission des lois !
(Sourires.)
Elle émet,
par conséquent, un avis favorable.
M. le président.
Mon cher collègue, je me permets de vous signaler que cet amendement est aussi
présenté par les membres du groupe socialiste, qui ne sont pas tous membres de
la commission des lois !
(Nouveaux sourires.)
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Oui, mais les premiers signataires sont bien membres de la
commission des lois !
Compte tenu de ce qui a été dit tout à l'heure de la commission des lois, je
me sens obligé de redorer son blason !
(Nouveaux sourires.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 37, accepté par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 13 est ainsi rédigé.
Article additionnel après l'article 13
M. le président.
Par amendement n° 30 rectifié, MM. Haenel et Pluchet proposent d'insérer,
après l'article 13, un article additionnel ainsi rédigé
:
«
Après l'article 464-1 du code de procédure pénale, il est inséré un
article additionnel ainsi rédigé :
«
Art.
... - Pour les délits figurant au code de la route, la procédure
prévue à l'article 529-6 du présent code est applicable.
« Dans ce cas, au vu de la requête faite en application de l'article 529-2 ou
de la réclamation faite en application du deuxième alinéa de l'article 530, le
ministère public peut soit renoncer à l'exercice des poursuites, soit saisir le
tribunal correctionnel, soit aviser l'intéressé de l'irrecevabilité de la
réclamation non motivée ou non accompagnée de l'avis. »
L'amendement est-il soutenu ?...
Article 14
M. le président.
« Art. 14. - Au premier alinéa de l'article 583 du code de procédure pénale,
les mots : "de plus de six mois" sont remplacés par les mots : "de plus d'un
an."
- (Adopté.)
Article additionnel après l'article 14
M. le président.
Par amendement n° 38, MM. Dreyfus-Schmidt, Badinter et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 14, un article
additionnel ainsi rédigé :
« L'article 362 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« S'il a été fait droit à une demande de mise en liberté formée par un accusé,
la cour d'assises, lorsqu'elle prononce à son encontre une peine de réclusion
criminelle ou d'emprisonnement sans sursis, peut décerner contre lui, à la
majorité, mandat de dépôt. »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
A l'article 14, le Gouvernement a proposé - et personne n'y a vu
d'inconvénient puisque cet article vient d'être adopté - que doivent se
constituer prisonniers lorsqu'ils font un pourvoi devant la Cour de cassation
ceux qui sont condamnés à une peine portant privation de liberté pour une durée
de plus d'un an - et non plus de plus de six mois, ce que prévoyait jusqu'à
présent l'article 583 - ce qui revient à dire que ceux qui ont été condamnés à
une peine de moins d'un an n'ont plus l'obligation de se constituer
prisonniers.
Cela nous amène à reprendre sous forme d'amendement la proposition de loi que
nous avions déposée il y a quelque temps. Certains avaient alors parlé de « loi
de circonstance », voire de « loi d'exception », intolérable contresens que
nous avions dénoncé.
Aujourd'hui, la circonstance en question appartient au passé et nous
persistons à considérer que la cour d'assises doit avoir la possibilité,
lorsqu'elle met en liberté un accusé, de faire ce qu'un tribunal correctionnel
a, lui, la possibilité de faire, c'est-à-dire d'ordonner, si elle prononce une
condamnation, un mandat de dépôt.
Après en avoir discuté en commission, nous avons pensé qu'il fallait sans
doute aller plus loin et supprimer la prise de corps pour ceux qui n'ont pas
encore été en prison. En effet, si un accusé n'a jamais été emprisonné, il n'y
a aucune raison qu'il soit obligé, comme c'est le cas aujourd'hui, de se
constituer prisonnier la veille de l'audience et de comparaître par conséquent
devant la cour d'assises entre deux gendarmes, ce qui constitue évidemment une
atteinte à la présomption d'innocence : c'est déjà vrai dans les autres cas,
mais ça l'est encore plus dans celui-là, alors que personne n'a, auparavant,
estimé nécessaire de mettre l'accusé en prison.
De même, il conviendrait sans doute de prévoir que la juridiction - la cour
d'assises mais aussi le tribunal correctionnel - ayant à tout moment la
possibilité de mettre un accusé ou un prévenu en liberté, ait également à tout
moment, la possibilité d'ordonner un mandat de dépôt. Si, par exemple,
quelqu'un qui a nié un crime affreux le reconnaît soudain, il est tout de même
ennuyeux de lui dire : « Au revoir monsieur, à demain matin ! » Car, le
lendemain matin, la cour d'assises risque fort de ne plus le revoir !
Je crois avoir ainsi posé l'ensemble du problème.
Nous n'allons pas jusqu'à proposer de le régler entièrement par cet
amendement, car il nous a été fait observer que ces dispositions trouveraient
mieux leur place dans le projet de loi relatif à la présomption d'innocence,
dont nous devrions débattre prochainement.
Je ne vois évidemment aucun inconvénient à ce que le Gouvernement réfléchisse
à cette question et nous propose, le moment venu, des dispositions qui
prendraient en compte les observations que je viens de présenter.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
La commission considère que cet amendement procède d'une idée
juste, car le problème qu'a soulevé M. Dreyfus-Schmidt est tout à fait réel.
Cela étant, ce problème dépasse le champ couvert par le texte que nous
examinons aujourd'hui. Je pense notamment à la question de savoir qui décide à
la cour d'assises : est-ce la cour
stricto sensu
ou la cour d'assises
tout entière ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Tout à fait !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Se pose également la question de savoir si cette faculté ne
devrait pas être donnée à la cour d'assises dans le cours même des débats. Cela
peut se justifier dans les procès qui durent très longtemps.
Cela étant, j'avais cru comprendre que, sous réserve d'entendre les
explications du Gouvernement sur ce point, compte tenu de l'imminence d'un
texte plus général où ce dispositif trouverait plus normalement sa place, les
auteurs pourraient envisager un retrait de l'amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je suis d'accord sur le fond avec M.
Dreyfus-Schmidt.
Simplement, je ne souhaite pas que soit modifié aujourd'hui un seul des
articles relatifs à la procédure de la cour d'assises. En effet, nous n'avons
pas eu le temps de réaliser les investigations nécessaires, mais il se peut que
plusieurs des articles ayant trait à cette procédure soient concernés.
Avant la deuxième lecture, la Chancellerie pourrait étudier cette question, de
manière que je puisse ensuite proposer au Sénat, soit d'intégrer les
dispositions correspondantes dans ce projet de loi, soit de les faire figurer
dans l'un des textes qui seront très prochainement soumis au Parlement dans le
cadre de la réforme de la justice.
Sous le bénéfice de cette remarque, je demande à M. Dreyfus-Schmidt de bien
vouloir retirer son amendement.
M. le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, maintenez-vous l'amendement n° 38 ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Des deux hypothèses que vient d'évoquer Mme le garde des sceaux, c'est
évidemment la première qui a ma préférence. Cela étant, nous retirons
l'amendement.
M. le président.
L'amendement n° 38 est retiré.
Article 15
M. le président.
« Art. 15. - Il est ajouté, après l'article 583 du code de procédure pénale,
un article 583-1 ainsi rédigé :
«
Art. 583-1
. - Les dispositions de l'article 583 ne sont pas
applicables lorsque la juridiction a condamné une personne en son absence,
après avoir refusé de faire application des dispositions des articles 410 ou
411. En ce cas, le pourvoi en cassation ne peut porter que sur la légalité de
la décision par laquelle la juridiction n'a pas reconnu valable l'excuse
fournie par l'intéressé en application de l'article 410. »
- (Adopté.)
Section 4
Dispositions concernant la conservation des scellés
Article 16
M. le président.
« Art. 16. - L'article 41-1 devenu l'article 41-4 du code de procédure pénale
est ainsi modifié :
« I. - Dans la première phrase du troisième alinéa, les mots : "dans un délai
de trois ans" sont remplacés par les mots : "dans un délai de six mois".
« II. - Il est inséré, après la première phrase du troisième alinéa, la phrase
suivante : "Il en est de même lorsque le propriétaire ou la personne à laquelle
la restitution a été accordée ne réclame pas l'objet dans un délai de 45 jours
à compter d'une mise en demeure adressée à son domicile." »
Par amendement n° 20, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, dans le
premier alinéa de cet article, de supprimer les mots : « devenu l'article 41-4
».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 16, ainsi modifié.
(L'article 16 est adopté.)
Article 17
M. le président.
« Art. 17. - Il est inséré, après l'article 99 du code de procédure pénale, un
article 99-1 ainsi rédigé :
«
Art. 99-1
. - Lorsqu'au cours de l'instruction, la restitution des
biens meubles placés sous main de justice et dont la conservation n'est plus
nécessaire à la manifestation de la vérité s'avère impossible, soit parce que
le propriétaire ne peut être identifié, soit parce que le propriétaire ne
réclame pas l'objet dans un délai de 45 jours à compter d'une mise en demeure
adressée à son domicile, le juge d'instruction peut ordonner, sous réserve des
droits des tiers, la destruction de ces biens ou leur remise au service des
domaines aux fins d'aliénation.
« Le juge d'instruction peut également ordonner, sous réserve des droits des
tiers, de remettre au service des domaines, en vue de leur aliénation, des
biens meubles placés sous main de justice appartenant aux personnes
poursuivies, dont la conservation n'est plus nécessaire à la manifestation de
la vérité et dont la confiscation est prévue par la loi, lorsque le maintien de
la saisie serait de nature à diminuer la valeur du bien. S'il est procédé à la
vente du bien, le produit de celle-ci est consigné pendant une durée de dix
ans. En cas de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement, ou lorsque la peine de
confiscation n'est pas prononcée, ce produit est restitué au propriétaire des
objets s'il en fait la demande.
« Le juge d'instruction peut également ordonner la destruction des biens
meubles placés sous main de justice dont la conservation n'est plus nécessaire
à la manifestation de la vérité, lorsqu'il s'agit d'objets qualifiés par la loi
de dangereux ou de nuisibles, ou dont la détention est illicite.
« Les décisions prises en application du présent article font l'objet d'une
ordonnance motivée. Cette ordonnance est prise soit sur réquisitions du
procureur de la République, soit d'office après avis de ce dernier. Elle est
notifiée au ministère public, aux parties intéressées et, s'ils sont connus, au
propriétaire ainsi qu'aux tiers ayant des droits sur le bien, qui peuvent la
déférer à la chambre d'accusation dans les conditions prévues aux cinquième et
sixième alinéas de l'article 99.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent
article. »
Par amendement n° 39, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Badinter et les membres du
groupe socialiste et apparentés proposent de supprimer le troisième alinéa du
texte présenté par cet article pour l'article 99-1 du code de procédure
pénale.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je dois avouer nous avons été quelque peu étonnés de voir le Gouvernement
proposer que des pièces à conviction ne soient pas conservés à un moment où la
procédure en est seulement au stade de l'instruction.
L'article 17 prévoit en effet que le juge d'instruction peut décider de ne
plus conserver des biens placés sous main de justice, soit parce que le
propriétaire ne peut être identifié, ce qui ne nous paraît pas une raison
suffisante, soit parce que le propriétaire ne réclame pas l'objet dans un délai
de quarante-cinq jours à compter d'une mise en demeure adressée à son domicile
; comme il peut ne plus être à son domicile, il conviendrait au moins de
prévoir, dans ce cas un accusé de réception de sa part. Nous n'avons pas déposé
d'amendement dans ce sens, mais je me permets de le signaler, de manière qu'il
puisse être tenu compte de cette remarque au cours de la navette.
Par ailleurs, le juge peut ordonner de remettre au service des domaines, en
vue de leur aliénation, des biens meubles placés sous main de justice lorsque
le maintien de la saisie serait de nature à diminuer la valeur du bien. Nous
sommes tout à fait d'accord sur ce point.
J'en arrive au troisième alinéa de l'article 17, sur lequel porte notre
amendement :
« Le juge d'instruction peut également ordonner la destruction des biens
meubles placés sous main de justice dont la conservation n'est plus nécessaire
à la manifestation de la vérité, lorsqu'il s'agit d'objets qualifiés par la loi
de dangereux ou de nuisibles, ou dont la détention est illicite. »
Les biens dont il est ici question sont, à mon avis, des pièces à conviction.
Dès lors, il paraît tout à fait curieux d'autoriser le juge à les faire
détruire avant que l'affaire soit jugée. Cela ouvre à la défense la possibilité
de prétendre ensuite, même si des échantillons ont été conservés, que ce qui a
été détruit n'était pas de même nature que ce qui a été conservé. La défense
pourra toujours arguer, sans que puisse être rapportée de manière certaine la
preuve du contraire, par exemple, que ce qui a été détruit, c'était du coton,
de la farine, de la lessive mais pas de la cocaïne
Si l'on craint que l'instruction ne dure trop longtemps, eh bien, il faut
faire en sorte qu'elle aille plus vite, particulièrement dans ces affaires-là,
de manière que les produits puissent être effectivement détruits aussi tôt que
possible, mais pas avant !
Sans doute veut-on éviter que puissent être éventuellement tentés tous ceux
qui verraient passer ces pièces à conviction. Mais je ne veux pas croire que
les palais de justice ou les commissariats abritent des gens susceptibles de
devenir ainsi de dangereux délinquants !
Par conséquent, il est possible d'attendre la fin de l'instruction pour
détruire les biens en question. C'est pourquoi nous proposons de supprimer le
troisième alinéa de l'article 17.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
La commission a considéré que les dispositions de l'article
17 étaient les bienvenues, car elles devraient contribuer à endiguer quelque
peu les problèmes pratiques qui se posent dans les cabinets des juges
d'instruction du fait de ces objets placés sous scellés et qui sont parfois une
source d'encombrement. Des exemples ont été cités qui en soulignaient le
caractère parfois effarant.
En tout état de cause, je ne crois pas qu'il y ait lieu de s'alarmer outre
mesure. D'ailleurs, le texte prévoit des précautions : « Les décisions prises
en application du présent article font l'objet d'une ordonnance motivée. Cette
ordonnance est prise soit sur réquisitions du procureur de la République, soit
d'office après avis de ce dernier. Elle est notifiée au ministère public, aux
parties intéressées et, s'ils sont connus, au propriétaire ainsi qu'aux tiers
ayant des droits sur le bien, qui peuvent la déférer à la chambre d'accusation
dans les conditions prévues aux cinquième et sixième alinéas de l'article 99.
»
Au demeurant, il s'agit d'une simple faculté offerte aux juges d'instruction,
et nous pouvons faire confiance aux magistrats pour ne pas prendre des
décisions absurdes.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Il
considère en effet la disposition visée comme extrêmement importante en ce
qu'elle permet de lutter contre la surcharge des services des scellés et de
réduire le coût, tant budgétaire qu'humain, qu'elle entraîne pour les services
judiciaires.
Nous avons subi un contrôle de la Cour des comptes, vous le savez, et la
gestion des scellés a été spécialement mise en cause. On cite le cas d'une
perceuse qui est restée plusieurs années au tribunal de grande instance de
Paris et qui a occasionné un coût de 350 000 francs. Vous voyez la
disproportion entre le coût de conservation et le coût d'une perceuse !
Je comprends bien les préoccupations des auteurs de cet amendement, mais je ne
partage pas l'idée qu'il n'y aurait pas d'urgence à détruire certains objets
saisis. Il faut voir de quoi il s'agit, en réalité.
Il s'agit de biens dont la conservation n'est plus nécessaire à la
manifestation de la vérité, ce qui élimine toute contestation ultérieure.
Ensuite, ce sont des biens qui, par définition, sont nuisibles ou dangereux, ou
dont la détention est illicite. On peut penser à la drogue, naturellement, mais
aussi aux armes prohibées, par exemple celles qui sont découvertes chez les
receleurs et dont l'enquête a permis de découvrir qu'elles avaient été volées
chez un particulier qui les détenait illégalement. Comme tout produit d'un vol,
ces armes pourraient être restituées à leur propriétaire mais, dans le cas
précis, le juge d'instruction refusera la restitution sur la base de l'actuel
article 41-1 du code de procédure pénale.
Or, en l'état du droit, il faudra attendre le jugement définitif de l'affaire
avant de détruire les armes, alors même qu'elles n'ont aucune utilité ni pour
l'accusation ni pour la défense et que l'on connaît les difficultés qu'engendre
l'accumulation, dans les services des scellés, de véritables arsenaux qui
aiguisent inévitablement les plus dangereuses convoitises. J'attire votre
attention sur ce point ; nous avons connu des incidents graves avec certains
fonctionnaires, qui ont d'ailleurs été condamnés par la justice, et je ne
souhaite pas que nous prenions le risque de susciter de nouvelles tentations de
ce genre.
Je note, enfin, que la décision de destruction est motivée, notifiée aux
parties et susceptible de voies de recours devant la chambre d'accusation.
Pour toutes ces raisons, j'estime que cette disposition importante et
justifiée offre toutes les garanties pour assurer la sécurité des procédures
comme le respect des droits de la défense.
Je souhaite donc que le Sénat vote contre cet amendement, ou bien que ses
auteurs le retirent.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 39.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le président, en vérité, il est certain que les autres signataires de
l'amendement seraient prêts à le retirer. Moi, j'avoue que j'hésite.
On me dit que le dispositif proposé est nécessaire parce que les scellés sont
mal gérés. Ce à quoi j'ai envie de répondre : « Qu'à cela ne tienne, gérez-les
bien ! » Cela entraînerait des frais supplémentaires ? Si j'en juge par la
jurisprudence que j'ai entendue tout à l'heure, la commission des finances
affirmerait l'article 40 de la Constitution inapplicable, n'étant pas prouvé
que le ministère de la justice ne dispose pas de fonds suffisants pour faire
face à ces frais nouveaux !
Cela étant, si je maintiens cet amendement, il risque fort de ne pas être
voté. Autant le retirer tout de suite pour faire plaisir à Mme le garde des
sceaux !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Merci !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Cela vous sera compté !
(Sourires.)
M. le président.
L'amendement n° 39 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 17.
(L'article 17 est adopté.)
Article 18
M. le président.
« Art. 18. - Il est ajouté, après l'article 706-30 du code de procédure
pénale, un article 706-30-1 ainsi rédigé :
«
Art. 706-30-1
. - Lorsqu'il est fait application des dispositions du
troisième alinéa de l'article 99-1 à des substances stupéfiantes saisies au
cours de la procédure, le juge d'instruction doit conserver un échantillon de
ces produits afin de permettre, le cas échéant, qu'ils fassent l'objet d'une
expertise. Cet échantillon est placé sous scellés.
« Il doit être procédé par le juge d'instruction ou par un officier de police
judiciaire agissant sur commission rogatoire à la pesée des substances saisies
avant leur destruction. Cette pesée doit être réalisée en présence de la
personne qui détenait les substances, ou, à défaut, en présence de deux témoins
requis par le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire, et choisis
en dehors des personnes relevant de leur autorité. La pesée peut également être
réalisée, dans les mêmes conditions, au cours de l'enquête de flagrance ou de
l'enquête préliminaire, par un officier de police judiciaire, ou, au cours de
l'enquête douanière, par un agent des douanes de catégorie A ou B.
« Le procès-verbal des opérations de pesée est signé par les personnes
mentionnées ci-dessus. En cas de refus, il en est fait mention au
procès-verbal. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Tous deux sont présentés par MM. Dreyfus-Schmidt, Badinter et les membres du
groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 40 vise à supprimer l'article 18.
L'amendement n° 43 tend à supprimer la dernière phrase du deuxième alinéa du
texte proposé par l'article 18 pour l'article 706-30-1 à insérer dans le code
de procédure pénale.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 40, dont je
suppose cependant qu'il n'a plus d'objet.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
En effet, monsieur le président, et je le retire.
M. le président.
L'amendement n° 40 est retiré.
Vous avez donc la parole pour présenter l'amendement n° 43, mon cher
collègue.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous avons retiré des amendements qui tendaient à supprimer la possibilité
donnée à des officiers de police judiciaire de procéder à la pesée et à la
destruction de produits dangereux, parce que nous étions alors dans le cadre de
commissions rogatoires et donc de l'instruction. Or, cet alinéa prévoit la même
possibilité, « dans les mêmes conditions, au cours de l'enquête de flagrance ou
de l'enquête préliminaire, par un officier de police judiciaire, ou, au cours
de l'enquête douanière, par un agent des douanes de catégorie A ou B. »
Autant nous sommes d'accord pour qu'il puisse y avoir une pesée contradictoire
soit devant le juge d'instruction lui-même, soit sur commission rogatoire du
juge d'instruction, autant nous estimons qu'au niveau de l'enquête préliminaire
il n'y a pas de raison d'autoriser une telle pesée, qui pourrait toujours faire
l'objet de soupçons.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons la suppression de la
dernière phrase du troisième alinéa de l'article 18.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
La commission apprécie l'extrême délicatesse des scrupules de
notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt, mais il lui semble qu'il n'y a tout de
même pas lieu de s'alarmer dans cette circonstance et que cette opération peut
parfaitement être réalisée par un officier de police judiciaire.
Je rappelle les termes de la phrase qui précède immédiatement : « Cette pesée
doit être réalisée en présence de la personne qui détenait les substances, ou,
à défaut, en présence de deux témoins requis par le juge d'instruction ou
l'officier de police judiciaire, et choisis en dehors des personnes relevant de
leur autorité. »
Cela ne se fera donc pas, si j'ose dire, en catimini, raison pour laquelle cet
amendement n'a pas lieu d'être retenu.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Cet amendement, qui a pour objet d'interdire aux
officiers de police judiciaire de procéder, lors de l'enquête préliminaire ou
sur commission rogatoire, à la pesée et à l'authentification des produits
saisis en présence de la personne qui détenait les substances, ne m'apparaît ni
justifié ni conforme à l'esprit de nos règles générales de procédure pénale. La
décision appartient au juge d'instruction et il peut la déléguer aux officiers
de police judiciaire comme il le fait en d'autres matières.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 43.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Madame le garde des sceaux, je crois que nous nous comprenons mal. J'en suis
bien d'accord, le juge d'instruction peut donner commission rogatoire à des
policiers, mais, ici, il ne s'agit pas de cela. Nous en sommes à la phase de
l'enquête préliminaire ou de l'enquête douanière : le juge d'instruction n'a
pas encore été saisi ! Et c'est précisément pourquoi nous demandons la
suppression de cet alinéa.
Il semble bien, encore une fois, que nous ne parlions pas le même langage,
mais je suis certain que cela va s'arranger tout de suite.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 43, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 18.
(L'article 18 est adopté.)
Section 5
Dispositions diverses
Articles additionnels avant l'article 19
M. le président.
Par amendement n° 21, M. Fauchon, au nom de la commission, propose d'insérer,
avant l'article 19, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le troisième alinéa de l'article 626 du code de procédure pénale est
complété par la phrase suivante :
« Si la personne en fait la demande, l'indemnisation peut également être
allouée par la décision d'où résulte son innocence. Devant la cour d'assises,
l'indemnisation est allouée par la cour statuant, comme en matière civile, sans
l'assistance des jurés. »
« II. - Au début du dernier alinéa du même article, les mots : "Elle est à la
charge" sont remplacés par les mots : "Cette indemnité est à la charge". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il s'agit ici d'un cas d'une tout autre gravité, celui,
toujours sérieux et quelquefois tragique, des personnes qui ont été condamnées
d'une manière définitive et qui bénéficient d'une révision parce que sont
apparus des faits nouveaux, par exemple des témoignages, qui montrent que la
décision prise à leur encontre était une erreur.
Notre système juridique prévoit, dans ce cas, une indemnisation, mais elle est
assez compliquée à obtenir.
Il faut d'abord obtenir la révision, puis se pourvoir devant une juridiction
spéciale, qui décidera l'indemnisation.
La Cour de cassation, entre autres propositions, a elle-même suggéré que l'on
simplifie la procédure pour des personnes qui bénéficient d'une décision de
révision. Notre idée est de faire en sorte que, lorsque son innocence est
reconnue, la personne puisse demander directement des dommages et intérêts, non
pas devant une commission spéciale, comme à l'heure actuelle, mais directement
auprès de la juridiction qui a reconnu son innocence. C'est-à-dire que, par une
même décision, cette juridiction, qui peut être la Cour de cassation ou une
cour de renvoi, statue et sur le principe de la révision, et sur la réparation
du dommage causé.
Il s'agit, encore une fois, d'une suggestion de la Cour de cassation, mais il
nous a paru plus conforme à l'intérêt de la personne - il me semble que c'est
un cas où cet intérêt doit être particulièrement pris en compte - qu'elle ait
le choix entre demander à la juridiction de révision de statuer sur son
préjudice, ou, si elle préfère, se réserver de procéder selon la procédure
actuellement en vigueur.
C'est pour ouvrir cette double possibilité au bénéficiaire d'une décision de
révision que nous avons déposé cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement parce
qu'il permettra en effet à la victime d'être indemnisée le plus rapidement
possible.
Cependant, je souligne une difficulté : il ne faudrait pas que le nouveau
dispositif entraîne des discriminations choquantes dans la mesure où les
décisions seront prises par des juridictions différentes.
Un recours à l'échelon national pourrait donc être envisagé. Mes services
examinent cette possibilité. Nous pourrons approfondir la question lors de la
navette, si vous en êtes d'accord, mais, en l'état, je suis favorable à
l'amendement n° 21.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 21.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est précisément en l'état actuel de cet amendement que je demande la parole
contre.
Nous avons en effet déposé un autre amendement, qui porte le numéro 45 et qui
sera appelé tout à l'heure, contre lequel la commission s'est prononcée. M. le
rapporteur a bien voulu dire qu'il y était favorable sur le principe, mais
qu'il fallait en renvoyer l'adoption jusqu'à ce que nous soyons saisis du
texte, dont le dépôt est annoncé, sur la détention provisoire et la présomption
d'innocence.
Je ne vois pas de différence avec le cas présent ni pourquoi, ici, il n'y
aurait pas aussi lieu d'attendre, pour cet amendement, ce texte que l'on nous
promet.
Par l'amendement n° 45, en effet, nous réclamons, pour les personnes qui ont
été placées en détention provisoire à tort, non pas une indemnité mais la
réparation intégrale de leur préjudice et nous proposerons qu'il soit statué
sur cette réparation intégrale par une commission départementale ou, au moins,
par une commission située dans chaque cour d'appel.
Lorsque la commission alloue une indemnité d'un montant ridicule, cela n'est
pas acceptable, la commission est bien d'accord sur le principe.
S'agissant ici non de détention provisoire mais de révision, je lis dans
l'amendement que « l'indemnisation peut également être allouée à l'intéressé
par la décision d'où résulte son innoncence ». Je poursuis : « Devant la cour
d'assises, l'indemnisation est allouée par la cour statuant, comme en matière
civile, sans l'assistance des jurés ». Ce n'est pas une indemnité qu'il faut,
c'est une réparation intégrale du préjudice. Et c'est déjà une raison pour
laquelle, nous refusons cet amendement.
Certes, nous aurions pu proposer une modification et prévoir, dans ce cas là
également, une réparation intégrale du préjudice. Vous n'auriez plus alors à
craindre, madame le garde des sceaux, de contradiction de jurisprudences,
puisque, quelle que soit la juridiction, elle aurait à réparer intégralement le
préjudice.
Reste que, en l'état actuel du texte, je le répète, nous ne pensons pas
pouvoir l'accepter. Bien évidemment, s'il devait être voté dans cette
rédaction, cela nous permettrait de maintenir notre amendement n° 45 alors que,
s'il était retiré, nous pourrions accéder à la proposition qui nous a été faite
et surseoir pour reprendre cette question lors de l'examen du texte sur la
présomption d'innocence.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, je suis un peu surpris de la ligne
de conduite que vous adoptez dans cette affaire.
En effet, les deux hypothèses sont tout de même bien différentes !
Dans un cas, il s'agit d'une révision ; une personne a été condamnée par un
jugement, mais à tort. Elle a souffert, nous voulons faciliter son
indemnisation.
Dans l'autre cas, il s'agit d'une personne qui est aussi à plaindre, bien
entendu, puisqu'elle a été mise en détention de manière abusive, mais tout de
même, ce sont deux situations profondément différentes.
Or, pour la raison que nous n'acceptons pas l'amendement concernant le second
cas, M. Dreyfus-Schmidt, tout en étant d'accord sur le fond, se déclare hostile
à l'amendement relatif au premier cas. Autrement dit, il fait payer aux
personnes bénéficiaires d'une révision une sorte de rancune qu'il éprouve
contre nous du fait de la position que nous avons adoptée sur la détention
provisoire. Nous ne contestons pas du tout le bien-fondé de son amendement,
simplement nous pensons qu'il trouvera plus sa place lors de l'examen d'un
projet de loi dont nous serons très prochainement saisis.
Véritablement, mon cher collègue, je suis surpris et je me permets d'insister
pour que, dans le cas particulier de la révision, nos collègues veuillent bien
voter le dispositif que nous proposons et qui est approuvé par le
Gouvernement.
M. Robert Badinter.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
C'est une question tout à fait importante que celle qui est soulevée à cet
instant.
Ai-je besoin de le rappeler, le moment où la présomption d'innocence apparaît
avoir été le plus radicalement, le plus complètement méconnue, c'est bien
quand, à la suite de la révision du procès, on constate l'innocence de celui
qui a été accusé et condamné. Il n'y a pas de situation plus dommageable que
celle-là.
J'approuve tout à fait l'initiative prise par la commission des lois.
Simplement, elle me paraît, monsieur le rapporteur, insuffisante et je pense
qu'il faudra revoir la question.
Insuffisante, pourquoi ? Parce que vous avez repris le terme « indemnisation
», qui correspond à la notion d'indemnité figurant dans le texte. Or, dans
l'amendement déposé par M. Dreyfus-Schmidt, il est question d'une « réparation
». Ici, mieux vaut penser à la réparation intégrale du préjudice subi qu'à
l'indemnité. Nous savons tous que la commission d'indemnisation a adopté une
ligne qui n'est pas toujours la bonne, car le forfait consenti ne correspond
pas au préjudice subi. Or, en l'occurrence, le préjudice, moral et matériel,
peut être considérable.
Dans l'avenir - car nous reprendrons, je crois, ce texte - je souhaite très
vivement qu'il s'agisse d'une réparation, plus précisément d'une réparation
intégrale.
Vous avez bien fait de souligner qu'il était préférable que la réparation soit
prononcée à cet instant-là par la juridiction qui vient d'étudier le dossier.
Qu'il s'agisse de la cour d'assises ou de la cour de révision, lorsqu'un
nouveau procès n'est pas possible, il est en effet préférable que ce soit la
juridiction qui vient de proclamer l'innocence qui, au cours d'un débat qui
suivra immédiatement, procède à l'octroi d'une réparation intégrale.
Il s'agit d'une question très importante. Pour ma part, je souhaiterais que
Mme le garde des sceaux nous dise qu'elle traitera l'ensemble de cette question
dans le cadre du projet de loi relatif à la détention provisoire et des textes
concernant la procédure pénale. Je suis, en effet, plutôt partisan de poser
dans sa totalité la question de la réparation de ce préjudice si grave.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je voudrais insister, car j'approuve, bien sûr, ce qui vient d'être dit.
Je dépose un sous-amendement visant à préciser : « Si la personne en a fait la
demande, la réparation intégrale du préjudice peut également être allouée par
la décision d'où résulte son innocence. » Ainsi, le principe de la réparation
intégrale du préjudice serait posé. En effet inscrire aujourd'hui dans la loi
qui sera appliquée pendant un certain temps avant que l'on revienne sur ce
sujet le principe d'une simple indemnité me paraît plus négatif que positif.
Mon sous-amendement viserait ensuite à préciser : « Devant la cour d'assises,
réparation intégrale est allouée par la cour statuant,... ».
Grâce à ce sous-amendement, la notion de réparation intégrale du préjudice
sera d'ores et déjà prise en compte.
M. le président.
J'ai pris bonne note de votre sous-amendement, monsieur Dreyfus-Schmidt.
Toutefois, j'attire votre attention sur le fait que l'article 626 du code de
procédure pénale ne comprend pas que l'alinéa qu'il est proposé de modifier. Il
en comporte d'autres relatifs au versement de l'indemnité à un condamné reconnu
innocent ou à une personne ayant subi un préjudice du fait de sa condamnation.
Il faudrait peut-être alors déposer un amendement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est bien pourquoi je ne le propose pas. Mais, bien évidemment, la leçon sera
tirée au cours de la navette. En effet, mon sous-amendement ne peut porter que
sur le troisième alinéa de l'article 626 du code de procédure pénale.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 56, présenté par M.
Dreyfus-Schmidt, et tendant, dans le deuxième alinéa de l'amendement n° 21 :
I. - A remplacer les mots : « l'indemnisation peut également être allouée »
par les mots : « la réparation intégrale du préjudice peut être allouée » ;
II. - Après les mots : « Devant la cour d'assises », à remplacer les mots «
l'indemnisation » par les mots : « la réparation intégrale ».
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Nous sommes confrontés à une méthode de
travail assez curieuse. Nous nous orientons vers un progrès certain. Aux yeux
de quelques-uns d'entre nous, ce n'est pas suffisant : il faut aller plus
loin.
Il convient de noter que, dans l'amendement présenté par la commission, un
progrès considérable est accompli en matière de procédure. Pour me prêter au
jeu de la réponse du berger à la bergère, je me demande si le sous-amendement
présenté par M. Dreyfus-Schmidt n'est pas susceptible de se voir appliquer
l'article 40 de la Constitution, car son adoption entraînerait la création
d'une charge publique. Il s'agit d'un simple élément de réflexion.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Invoquez l'article 40 !
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Comme je n'ai pas l'habitude de me livrer à
ce genre de manoeuvre, que je vous laisse bien volontiers, je ne l'invoquerai
pas.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 56 ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Pour les raisonss qui ont été indiquées, la commission émet
un avis défavorable. Nous sommes en mesure d'apporter une amélioration sensible
à la situation des personnes qui bénéficient d'une révision de leur jugement.
Faisons-le !
La discussion relative à la différence entre le mot : « indemnité » et le mot
: « réparation » est purement verbale.
(M. Dreyfus-Schmidt est dubitatif.)
Si la juridiction qui apprécie
considère que le préjudice est égal à telle somme, que ce soit sous le nom
d'identité ou de réparation, elle retiendra cette somme. Il ne faut donc pas
exagérer l'importance de la différence entre ces deux termes.
En tout cas, nous avons la possibilité d'apporter une amélioration. Nous ne
pouvons pas procéder autrement car, comme le président de séance l'a fort
justement rappelé, il faudrait revoir l'ensemble de l'article 626 du code de
procédure pénale, ce que nous ne pouvons faire en l'instant.
Lors de cette première lecture, je souhaite que nous adoptions le texte
modifié par l'amendement de la commission. Ensuite, nous continuerons à
l'améliorer - c'est l'objet de la navette.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 56 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je maintiens mes observations précédentes, monsieur le
président. Je suis d'accord sur le principe. Cependant, il serait préférable
d'examiner ce point au cours de la navette.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 56, repoussé par la commission et par
le Gouvernement.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 21, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, avant l'article 19.
Par amendement n° 45, MM. Dreyfus-Schmidt et Badinter et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent d'insérer, avant l'article 19, un article
additionnel ainsi rédigé :
« L'article 149 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
« I. - Après le mot : "indemnité", les mots : "peut être accordée" sont
remplacés par les mots : "est accordée en réparation de son préjudice matériel
et moral".
« II. - Après le mot "définitive", la fin de l'article est supprimée.
« III. - Il est ajouté un deuxième alinéa ainsi rédigé :
« L'intéressé n'a toutefois pas le droit à indemnisation lorsqu'il a échappé à
une condamnation du seul fait de la reconnaissance de son irresponsabilité, de
la prescription ou de l'amnistie. »
« IV. - Il est ajouté un troisième alinéa ainsi rédigé :
« N'a pas droit non plus à une indemnisation la personne qui aurait fait
l'objet d'une détention provisoire pour s'être librement et volontairement
accusée ou laissée accuser à tort. »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Compte tenu du texte qui vient d'être adopté, le Sénat ne peut, à l'évidence,
refuser l'amendement n° 45.
M. le rapporteur a dit que l'allocation d'une indemnité, c'est la même chose
que la réparation intégrale du préjudice.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je n'ai pas dit cela !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Tant mieux, cela m'étonnait de votre part ! En effet, allouer cent francs à
quelqu'un qui a fait un an de prison, c'est lui allouer une indemnité. En
revanche, réparer intégralement le préjudice subi, c'est rechercher combien il
a perdu en termes de salaires et au titre du préjudice moral qui lui a été
causé. Pour un innocent qui a été en prison, c'est la moindre des choses !
Ce n'est pas vrai seulement lorsque l'innocence résulte de la révision d'une
condamnation. C'est vrai aussi lorsque quelqu'un a été mis en prison par un
juge d'instruction et qu'il se révèle que l'emprisonnement ferme était
injustifié.
Nous en avions déjà discuté avec M. Toubon. Celui-ci nous avait répondu : «
Certes, mais il peut y avoir des cas où on libère l'intéressé parce qu'il est
irresponsable, qu'il y a prescription, qu'il y a amnistie ou que l'intéressé
s'est accusé à tort. » Nous avons donc pris en considération ces explications
et ces réserves.
Notre amendement tendait - nous l'avions déjà déposé alors et nous le
reprenons - à ce que soit indiqué : « une indemnité est accordée en réparation
de son préjudice matériel et moral... » - j'aurais dû dire : en réparation «
intégrale », mais c'est sous-entendu.
Un deuxième alinéa est ainsi rédigé : « L'intéressé n'a toutefois pas le droit
à indemnisation lorsqu'il a échappé à une condamnation du seul fait de la
reconnaissance de son irresponsabilité, de la prescription ou de l'amnistie.
»
M. Jacques Machet.
Il fallait présenter cet amendement en commission !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous l'avons, bien sûr, présenté en commission, monsieur Machet, autrement
nous ne pourrions pas le présenter en séance publique du Sénat.
L'intéressé n'a donc pas droit à indemnisation parce qu'il a été déclaré
irresponsable - le juge avait tout de même raison de le mettre en prison au
départ, avant de savoir qu'il était irresponsable - ou bien parce que l'affaire
est prescrite - le juge avait raison de le mettre en prison dès lors qu'il n'y
avait pas encore prescription - ou parce qu'il y a amnistie.
Enfin, n'a pas droit non plus à une indemnisation la personne qui aurait fait
l'objet d'une détention provisoire pour s'être librement - évidemment, si
l'intéressé s'accuse parce qu'on l'a amené à s'accuser, il a droit à
l'indemnisation - ou volontairement laissée accuser à tort.
Pourquoi attendre plus longtemps pour faire un progrès important ? Je suis sûr
que M. le président de la commission des lois, s'il partage notre point de vue
sur le principe, comme c'est le cas de nombre de nos collègues qui l'ont dit en
commission, n'invoquera pas, n'évoquera même pas l'article 40 de la
Constitution.
Tel est l'objet de notre amendement n° 45.
Si, comme je l'espère, le Sénat l'adopte, je ne pourrai que me féliciter qu'il
ait adopté l'amendement précédent qui a ouvert la voie en matière d'indemnité
due à un innocent.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
La commission émet un avis défavorable. Il est vrai, et votre
rapporteur l'a dit, à titre personnel, en commission et il n'est pas gêné de le
répéter, que cet amendement procède d'une préoccupation légitime.
Cela étant, cette question relève d'un texte plus général sur la présomption
d'innocence. Nous sommes dans le domaine de la détention préventive.
(M.
Dreyfus-Schmidt sourit.)
Je suis heureux que vous vous réjouissiez monsieur
Dreyfus-Schmidt. Cela prouve que je vous fais plaisir, à moins que ce ne soit
un sourire sardonique, ce qui ne serait pas gentil pour moi.
Quoi qu'il en soit, nous sommes défavorables à cet amendement, car il nous
paraît préférable d'examiner cette hypothèse liée aux détentions abusives dans
le cadre du projet de loi sur la détention provisoire.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je suis d'accord sur le fond avec ce qui est proposé.
Cependant, je considère que cette disposition n'a pas vraiment sa place dans le
présent projet de loi. En effet, elle relève davantage du texte visant à
renforcer la présomption d'innocence, que le Gouvernement présentera
prochainement au Parlement.
Par conséquent, je suis réservée sur cet amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 45.
M. Robert Badinter.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
En ce domaine, je ne crois pas qu'il faille attendre. Tout le monde est
d'accord, semble-t-il. En effet, sur le principe, qui pourrait ne pas l'être
?
Il s'agit de personnes présumées innocentes qui ont été placées sous mandat de
dépôt et la procédure s'est achevée par un non-lieu ou une relaxe. La
présomption d'innocence, ici, encore une fois, joue à plein.
Le texte, très singulier, actuellement en vigueur a fait l'objet, à juste
titre, de vives critiques. Je pense, pour ma part, que si, à l'époque de son
adoption, avait existé un contrôle de constitutionnalité effectif, et non pas
théorique, dans notre Constitution, il n'aurait pas franchi la barre.
La loi du 17 juillet 1970 prévoit non pas la réparation du préjudice causé,
mais une indemnité allouée par une commission, laquelle statue sans recours.
Tous ceux qui ont suivi de près l'évolution de ses décisions savent qu'elles
sont loin d'être équivalentes à la réparation du préjudice subi. C'est tout
simplement une indemnité forfaitaire qui est accordée.
J'ajoute - et ce n'est pas la moindre des critiques que l'on peut faire au
texte actuel de l'article 149 - qu'il est tout simplement contraire à la prise
en compte élémentaire des exigences du respect de la présomption d'innocence de
lire que l'on ne répare le préjudice causé par une détention qui s'est révélée
plus qu'inutile, abusive puisque nous sommes dans un cas où il y a eu non-lieu
ou relaxe, que « lorsque cette détention a causé un préjudice manifestement
anormal et d'une particulière gravité ». Il ne s'agit pas d'un préjudice
ordinaire ; il faut qu'il soit « manifestement anormal et d'une particulière
gravité ».
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Cette fin de l'article 149 a été supprimée !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il en reste encore une petite partie.
M. Robert Badinter.
Les mots : « manifestement anormal » ont en effet été maintenus.
Je conclus en disant : ne perdons pas de temps dans ce domaine. Statuons tout
de suite, votons le texte, et on le réinsérera le moment venu, si une
amélioration peut encore être faite, lors du grand débat sur la détention
provisoire et la présomption d'innocence.
M. Jean-Jacques Robert.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Robert.
M. Jean-Jacques Robert.
Je ne sais si cet amendement vient au bon moment sur un bon texte, mais, pour
moi, il est nécessaire et il répond à un besoin. C'est donc une vertu
suffisante, et je le voterai donc.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je ne dirai qu'un mot de plus : pourquoi attendre une minute de plus ?
Pourquoi priver de la réparation intégrale de son préjudice celui qui sortira
de prison demain, ou après-demain ou en attendant que nous soyons saisis d'un
autre texte ?
Franchement, je ne comprends pas pourquoi il faudrait remettre à demain ce que
nous pouvons faire aujourd'hui même.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 45, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, avant l'article 19.
Par amendement n° 50, MM. Pagès, Duffour et les membres du groupe communiste
républicaion et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 19, un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 729 du code de procédure pénale est complété par un alinéa
ainsi rédigé :
« Par dérogation au deuxième alinéa et en cas de condamnation à une peine
d'emprisonnement égale ou inférieure à un an, la personne condamnée peut être
placée sous le régime de la libération conditionnelle, quelle que soit la durée
de la peine accomplie et y compris en l'absence d'incarcération.
« II. - Le deuxième alinéa de l'article 730 du même code est complété par une
phrase ains rédigée : "Toutefois, dans les cas prévus au quatrième alinéa de
l'article 729, la libération conditionnelle est accordée en l'absence
d'incarcération, après avis du procureur de la République. »
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite,
par cet amendement, attirer l'attention du Gouvernement et du Sénat sur la
nécessité de modifier la mise en oeuvre de la libération conditionnelle, dans
le respect des droits de chacun, pour permettre un désengorgement réel des
prisons et une meilleure réinsertion, la prison pouvant entraîner l'effet
contraire à celui qui est souhaité.
Mon ami Michel Duffour m'a signalé que cette proposition avait suscité une
certaine émotion en commission des lois.
Elle n'a pourtant rien d'excessif, puisqu'elle était inscrite dans le projet
de loi initial déposé par M. Méhaignerie et débattu le 20 octobre 1994 par
notre assemblée. L'Assemblée nationale avait alors supprimé cette disposition
et le Sénat avait refusé, déjà, de la rétablir, malgré notre proposition de le
faire.
Le Gouvernement d'alors indiquait ceci dans un rapport annexé au projet de loi
de programme : « C'est pourquoi le Gouvernement souhaite que les condamnés à
des peines inférieures à un an puissent être placés en liberté conditionnelle
dès le prononcé du jugement. »
Nous estimons qu'une telle disposition a toute sa place dans l'actuel projet
de loi et respecte pleinement son esprit.
Nous venons de débattre de la réparation. La liberté conditionnelle me paraît
un aspect tout aussi important.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter l'amendement n° 50, qui vise
à appliquer la liberté conditionnelle aux personnes condamnées à moins d'un an
de prison.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
La commission est tout à fait défavorable à cet amendement
qui, s'il était adopté, aboutirait au résultat suivant : un individu reconnu
coupable et condamné à une peine d'un an de prison serait immédiatement placé
en liberté conditionnelle. S'il n'a pas été mis en détention provisoire, il ne
purgera donc aucune peine !
M. Robert Pagès.
Mais la liberté conditionnelle est une peine !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
On en arrive à se demander à quoi servent les juges du fond !
Il ne faut pas oublier qu'on leur dérobe de plus en plus leurs responsabilités
: ainsi, en amont, du fait des décisions prises par les juges d'instruction,
les juges du fond sont assez souvent mis en présence d'une détention provisoire
dont la durée est telle qu'il n'y a plus qu'à la couvrir pour ne pas avoir
l'air de la désapprouver. J'ai suffisamment plaidé ce genre d'affaires, pour
l'avoir vécu personnellement dans ce genre de cas.
Ensuite, le juge prendra sa décision et, aussitôt après, celle-ci deviendra
inopérante parce que le juge de l'application des peines décidera de mettre
immédiatement en liberté la personne qu'il vient de condamner.
Or, selon le principe actuel du code de procédure pénale, pour bénéficier
d'une libération conditionnelle, il faut tout de même avoir purgé la moitié de
la peine, ce qui me paraît élémentaire si l'on considère que, véritablement, le
juge normal d'un délit est le juge du fond.
J'ajoute que, sur le plan pratique, mon cher collègue, le résultat d'une telle
mesure sera que les juges du fond prononceront systématiquement des peines d'un
an et demi de prison pour être sûrs qu'une partie de la peine sera faite. C'est
en effet le résultat le plus clair de ce genre de mesures !
La commission des lois tient absolument à ce que les juges du fond - les vrais
juges - conservent la plus grande marge possible de responsabilité et de
décision et ne soient pas dépossédés de cette responsabilité par cet
amendement. C'est pourquoi elle est totalement opposée à celui-ci.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Monsieur le président, je considère que cette question
est importante puisqu'elle correspond à une revendication traditionnelle assez
générale des juridictions, notamment des juges de l'application des peines.
Toutefois, elle soulève des problèmes de principe qui mériteraient des débats
substantiels qui sont d'ailleurs éloignés de l'objet de ce projet de loi.
La Chancellerie a entamé à ma demande une réflexion générale et approfondie
sur notre système d'exécution des peines, qui pourrait précisément déboucher
sur la préparation d'un projet de loi. C'est pourquoi je préférerais que l'on
débatte d'un tel amendement dans un autre cadre, et je ne peux donc émettre
qu'un avis défavorable sur ce texte.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 50.
M. Robert Pagès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Madame la garde des sceaux, je suis très sensible à votre réponse et à ce que
je considère comme un quasi-engagement de votre part.
Je tiens tout d'abord à indiquer que cet amendement ne constitue pas un
quelconque cavalier. En effet, il se situe tout à fait dans le vif du sujet.
Monsieur le rapporteur, la liberté conditionnelle n'est pas, selon moi, une
absence de peine : si l'on supprime l'incarcération éventuelle, la condamnation
et la réprobation de la société subsistent. La liberté conditionnelle n'est pas
la liberté tout court.
Cela dit, compte tenu des propos tenus par Mme la ministre, je retire cet
amendement, souhaitant qu'il ne s'agisse pas d'un renvoi définitif de cette
question, dont on parlait déjà en 1994, et sans doute même avant !
M. le président.
L'amendement n° 50 est retiré.
Article 19
M. le président.
« Art. 19. - Il est inséré, après l'article 667 du code de procédure pénale,
un article 667-1 ainsi rédigé :
«
Art. 667-1
. - Si la juridiction normalement compétente ne peut être
composée en raison de l'existence des incompatibilités prévues par la loi, le
premier président de la cour d'appel peut ordonner le renvoi devant une
juridiction limitrophe située dans le ressort de cette cour.
« La requête aux fins de renvoi est présentée par le procureur de la
République de la juridiction saisie.
« Elle est signifiée à toutes les parties intéressées, qui ont un délai de dix
jours pour présenter leurs observations auprès du premier président.
« Celui-ci statue dans les quinze jours de la requête. Sa décision constitue
une mesure d'administration judiciaire qui n'est pas susceptible de recours.
»
Sur cet article, je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 22 est présenté par M. Fauchon, au nom de la commission.
L'amendement n° 46 est déposé par MM. Dreyfus-Schmidt, Badinter et les membres
du groupe socialiste et apparentés.
Tous deux tendent à supprimer l'article 19.
La parole est à M. le rapporeur, pour défendre l'amendement n° 22.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Nous nous trouvons de nouveau dans une situation assez
délicate, celle dans laquelle une juridiction, compte tenu des règles qui
définissent la composition de la juridiction du jugement, n'est pas en état de
siéger. Cela peut arriver surtout dans les juridictions à faibles effectifs.
Pour régler ce problème de gestion peu commode, le texte prévoit que le
premier président de la cour d'appel, par une décision d'administration
susceptible d'aucun recours, décide que telle autre juridiction de son ressort
tranchera cette affaire. Il s'agit de faire face à la carence du juge dans
certaines petites juridictions.
Sur le plan pratique, tout cela nous ramène - vous le savez bien, madame le
garde des sceaux, et je vous remercie de ce que vous nous avez annoncé tout à
l'heure sur ce point - au problème de la carte judiciaire.
Si des petites juridictions ne sont pas en état d'assumer leurs
responsabilités, il faut alors procéder à des regroupements et organiser des
audiences foraines.
Je signale d'ailleurs que, actuellement, bien des magistrats attachés à une
juridiction n'habitent pas au siège de la juridiction de sorte que leur
démarche relève de la notion d'audience foraine.
Quoi qu'il en soit, il faut, nous semble-t-il, donner la priorité au problème
de la carte judiciaire et réorganiser le réseau de nos juridictions pour mettre
fin à cette difficulté.
Puis-je me permettre de rappeler en toute modestie - mais nous sommes
quelques-uns à être concernés - que l'on peut très bien demander à un avocat
présent - il y en a toujours - de compléter le tribunal. Cela se fait,
paraît-il, de moins en moins. Je ne sais pas pourquoi, car j'ai souvent vu
cette pratique, que les magistrats et les avocats à qui nous en avons parlé
trouvent, comme moi, très bonne. Par conséquent, ce type de solution existe.
De toute façon, le fait, en présence d'une telle situation, de laisser à un
premier président le soin de décider tout seul devant qui va aller l'affaire
nous paraît contraire aux principes généraux de l'organisation judiciaire et
nous semble rejoindre, au fond, le débat que nous avons eu tout à l'heure sur
la non-constitutionnalité du recours à la collégialité. Il s'agit toujours un
peu du même problème : il faut que les attributions des affaires pénales
résultent de règles fixes et ne soient pas laissées à l'appréciation de qui que
ce soit, d'autant qu'il n'est jamais totalement exclu qu'une manipulation
puisse intervenir.
Telles sont toutes les raisons pour lesquelles il ne nous a pas paru possible
d'accepter l'article 19 du projet de loi, dont nous demandons la
suppression.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 46.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous avons nous aussi pensé que les justiciables doivent être jugés par leur
juge naturel. Certes, je sais bien que, actuellement, c'est le procureur de la
République qui audience les affaires, et que celui-ci peut donc choisir que
telle affaire vienne devant tel juge plutôt que devant tel autre. Mais c'est
précisément une situation que nous critiquons, et nous demandons que ce soit le
juge du siège qui audience.
En effet, des avocats peuvent compléter les tribunaux et ont toute qualité
pour ce faire. Quand ils sont honoraires, comme c'est le cas de ceux qui sont
présents dans cette enceinte, ils n'ont pas cette faculté, qui devrait en effet
leur être donnée.
En outre, il me semble que l'on a créé des magistrats volants qui peuvent
précisément se rendre dans les juridictions où l'effectif ne serait pas
suffisant.
(M. Jean-Jacques Hyest fait un signe d'acquiescement.)
L'article 19 ne nous paraît donc en l'état ni nécessaire ni acceptable,
et nous demandons par conséquent nous aussi sa suppression.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 22 et 46
?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux
amendements. En effet, l'article 19 du projet de loi revêt à mes yeux une
importance particulière, et je suis donc opposée à sa suppression.
L'article 19 vise à simplifier les renvois d'un tribunal à un autre lorsqu'ils
ont lieu au sein du ressort d'une même cour d'appel entre des tribunaux
limitrophes et en raison des incompatibilités existant entre les magistrats du
siège.
Cette disposition, qui éviterait la saisine de la chambre criminelle de la
Cour de cassation, n'est pas liée aux autres réformes en cours d'élaboration,
qu'il s'agisse de la création d'un juge spécialement chargé de la détention
provisoire ou de la réforme de la carte judiciaire.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 22 et 46, repoussés par le
Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 19 est supprimé.
Article additionnel après l'article 19
M. le président.
Par amendement n° 31 rectifié
bis,
MM. Haenel et Pluchet proposent
d'insérer, après l'article 19, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 133-4 du code pénal, il est inséré un article additionnel
ainsi rédigé :
« ... Les peines d'amende en matière criminelle, correctionnelle et de police
se prescrivent respectivement par vingt années, cinq années et deux années
révolues à compter du premier acte de recouvrement. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
Article 20
M. le président.
« Art. 20. - Il est inséré, après l'article 803 du code de procédure pénale,
un article 803-1 ainsi rédigé :
«
Art. 803-1
. - Dans les cas où, en vertu des dispositions du présent
code, il est prévu de procéder aux notifications à un avocat par lettre
recommandée ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la
notification peut aussi être faite sous la forme d'une télécopie avec
récépissé. »
Sur cet article, je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet
d'une discussion commune.
Par amendement n° 23 rectifié, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, à
la fin du texte présenté par cet article pour l'article 803-1 du code de
procédure pénale, de remplacer le mot : « récépissé » par les mots : « avis de
réception du destinataire ».
Par amendement n° 47, MM. Dreyfus-Schmidt, Badinter et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent, à la fin du texte présenté par l'article 20
pour l'article 803-1 du code de procédure pénale, de remplacer le mot : «
récépissé » par les mots : « accusé de réception du destinataire adressé, le
cas échéant, par la même voie ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 23
rectifié.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
L'article 20, dans un souci de simplification et de
modernisation bien compréhensible, prévoit que certaines notifications peuvent
être faites sous la forme d'une télécopie avec récépissé.
Nous nous sommes toutefois interrogés sur le sens du mot : « récépissé », car,
actuellement, le récépissé est délivré par l'appareil émetteur de la télécopie.
Nous avons abouti, après discussion, à la conclusion qu'il fallait être tout à
fait clair et prévoir que c'est le destinataire qui envoie l'avis de réception,
par fax ou par tout autre moyen.
Tel est le sens de cet amendement, qui ne contredit pas la position du
Gouvernement mais vise à une sécurité plus grande.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 47.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
L'amendement n° 23, avant sa rectification, prévoyait que la notification
pouvait aussi être faite « sous la forme d'une télécopie avec accusé de
réception du destinataire adressé par la même voie ».
Pour notre part, nous considérons qu'il est nécessaire - alors surtout que les
notifications peuvent éventuellement faire courir les délais d'appel - d'avoir
la preuve que celui auquel a été envoyé une télécopie a bien reçu celle-ci. Ce
dernier doit donc pouvoir répondre non seulement par télécopie, mais également
par lettre ou en signant, dans le cabinet du juge d'instruction où il peut
éventuellement se trouver, un document indiquant qu'il a bien reçu
notification.
C'est pourquoi nous avions proposé d'insérer les mots : « accusé de réception
du destinataire adressé, le cas échéant, par la même voie », ce qui signifie
que l'accusé de réception pouvait être adressé par une autre voie.
Nous en avons discuté en commission, et nous sommes très aisément parvenus à
un terrain d'entente, en visant non plus l'« accusé de réception », mais l'«
avis de réception du destinataire ».
Par conséquent, étant donné que nous acceptons le texte de l'amendement n° 23
rectifié - précisément parce qu'il a été rectifié - nous retirons l'amendement
n° 47.
M. le président.
L'amendement n° 47 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 23 rectifié ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le projet de loi tend à généraliser la substitution de
la télécopie aux envois par lettre simple ou recommandée dans diverses
hypothèses, rappelées dans le rapport de la commission des lois.
M. le rapporteur et M. Dreyfus-Schmidt craignent que l'avocat destinataire de
la télécopie ne la reçoive pas en main propre. Il est vrai qu'une télécopie
peut très bien s'égarer dans le cabinet d'un avocat ou qu'une secrétaire peut
oublier de la remettre, mais c'est très exactement la même chose pour une
lettre simple ou recommandée avec accusé de réception, ce dernier étant
évidemment signé non pas par l'avocat lui-même mais par son secrétariat ! Il
n'y a donc aucune raison d'exiger un récépissé spécial lorsque l'envoi est fait
par télécopie.
De plus, si nous retenions cette solution, il suffirait que le destinataire
ne renvoie pas le récépissé, bien qu'ayant reçu le message, pour bloquer la
procédure. Et il est évident que, dans ces conditions, les juridictions
n'utiliseraient jamais ce mode de transmission, qui les mettrait à la merci du
bon vouloir du destinataire.
Adopter cet amendement reviendrait à supprimer la disposition proposée par le
Gouvernement, alors qu'elle est pourtant très utile et qu'elle permettra des
économies substantielles, tout en donnant la possibilité aux avocats d'être
avisés en temps réel, sans devoir subir les aléas des lenteurs de La Poste ou
des grèves.
Je vous demande donc de ne pas adopter cet amendement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Et s'il y a des erreurs dans la transmission ?
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 23 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Quand le courrier arrive, on l'ouvre et on en prend connaissance. Mais c'est
un ensemble, tout arrive en même temps. Alors que les télécopies peuvent
arriver au milieu de la nuit, et l'on ne sait pas ce que ceux qui pourraient
passer par là au petit matin vont en faire ! Ce n'est pas la même chose, et je
le dis d'expérience.
De plus, il peut y avoir une erreur de numéro, on peut avoir envoyé la
télécopie à l'ancien cabinet de l'avocat. Et permettez-moi de dire que, là
aussi, j'en ai fait l'expérience personnelle. Celui qui reçoit un fax qui ne
lui est pas destiné peut évidemment avoir le scrupule de le renvoyer à son
destinataire, mais il peut aussi penser que ce n'est pas son affaire et le
jeter.
On me dira qu'à ce moment-là il n'y aura pas accusé de réception. Encore
faudra-t-il s'en rendre compte ! Le juge aura tendance à dire qu'il a envoyé la
télécopie, sans aller vérifier que le récépissé porte le numéro erroné ou
devenu inexact.
Il est donc prudent d'exiger ici un accusé de réception du destinataire d'une
télécopie. Et il est évident que tous les avocats de France et de Navarre ne
manqueront pas d'en accuser réception, s'ils l'ont reçu, parce qu'ils sauront
que c'est la loi. Je pense même que le juge pourra leur envoyer en même temps
un avis de réception qu'ils n'auront plus qu'à signer avant de le retourner
!
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je comprends le souci de la commission et celui de M. Dreyfus-Schmidt, mais,
quand on envoie une télécopie, on sait que la copie a été transmise ! On ne
peut pas trafiquer la machine, qui indique bien que la copie a été transmise à
tel numéro. L'accusé de réception existe donc !
Demander un accusé de réception supplémentaire alourdirait la procédure, et
n'offrirait pas plus de garantie qu'une lettre ordinaire : pas plus qu'une
télécopie, on ne sait si une lettre est bien parvenue à destination.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Sauf si elle est recommandée avec accusé de réception !
M. Jean-Jacques Hyest.
Je prétends que le système actuel de la télécopie - mais je ne suis pas un
spécialiste - garantit la bonne transmission, et au bon destinataire, de la
copie. Il serait un peu dommage, ne serait-ce que pour des raisons de rapidité,
de ne pas utiliser la télécopie !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 23 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 20, ainsi modifié.
(L'article 20 est adopté.)
Article additionnel après l'article 20
M. le président.
Par amendement n° 51, MM. Pagès, Duffour et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 20, un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans l'article L. 811-2 du code de l'organisation judiciaire, après les
mots : "à un autre greffier en chef", sont insérés les mots : "ou à un
greffier".
« II. - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les greffiers, chef de greffe, ont les mêmes attributions qu'un greffier en
chef, chef de la juridiction, à l'exception de la délivrance des certificats de
nationalité. »
« III. - Après l'article L. 811-2 du code de l'organisation judiciaire, il est
inséré un article L. 811-3 ainsi rédigé :
«
Art. L. 811-3.
- En cas de vacances d'emploi ou d'empêchement du
greffier en chef ou du greffier, chef de greffe, un greffier en chef ou un
greffier de la même ou d'une autre juridiction peut être désigné, pour une
durée qui ne peut excéder deux mois. Toutefois, le garde des sceaux, ministre
de la justice, peut la renouveler dans la limite d'une durée totale de huit
mois.
« Ces désignations sont prononcées par décision des chefs de cour après avis
des chefs du tribunal de grande instance concerné ou, s'il s'agit d'un tribunal
d'instance, du juge directeur de ce tribunal. »
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Cet amendement reprend - nos collègues de la commission des lois le
reconnaîtront - notre propositions de loi n° 270, concernant la transmission de
pouvoir des greffiers en chef aux greffiers.
Nous l'avons cependant modifiée sur un point, qui a motivé pour une part
importante, si j'ai bien compris, l'attitude de refus de la commission des lois
à son égard : nous avons ainsi supprimé la disposition relative à la
contestation de la délivrance des certificats de nationalité.
Certes, MM. Michel Dreyfus-Schmidt et Robert Badinter ont fait remarquer à la
commission qu'il n'était pas possible de déléguer au-delà du raisonnable les
pouvoirs. Comme l'a dit très spirituellement M. Dreyfus-Schmidt, le concierge
du tribunal ne peut pas signer des papiers importants ! Mais n'exagérons pas :
les greffiers sont des personnes très sérieuses et nous n'en sommes pas à faire
signer n'importe quoi par n'importe qui.
Je souhaite donc que cet amendement puisse être adopté, car il permettrait
d'améliorer le fonctionnement de la justice.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il n'est pas possible de poser des exigences de qualification
en rapport avec les responsabilités assumées et, ensuite, de diminuer, degré
après degré, le niveau de ces exigences. Nous sommes déjà passés de la
responsabilité des juges à celle des greffiers en chef - qui bénéficient
cependant d'un certain statut et d'un niveau certain de capacités et de
responsabilités - et l'on voudrait maintenant passer aux greffiers chefs de
greffe, puis aux greffiers simples. Pourquoi la concierge du tribunal ne
pourrait-elle pas un jour procéder à des actes ?
Je ne critique pas les personnes ! Certains, quel que soit leur niveau dans la
hiérarchie judiciaire, peuvent être tout à fait capables. Mais, s'il existe une
organisation administrative, elle doit être respectée. On ne peut pas diluer
les responsabilités à travers tous les degrés de la hiérarchie.
C'est la raison pour laquelle la commission n'a pas cru devoir faire suite
tant à la proposition formulée à l'origine par MM. Pagès et Duffour qu'à celle
qui résulte de la correction proposée par M. Pagès, qui a voulu tenir compte
d'une observation formulée en commission à propos des certificats de
nationalité. Mais la raison de notre décision concernait l'ensemble des
responsabilités qui peuvent être ainsi déléguées !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je ne suis pas favorable à cet amendement.
Actuellement, à la Chancellerie, une réflexion est menée sur les métiers des
greffes. Je préfèrerais donc que la question soulevée par M. Pagès soit traitée
dans ce cadre global.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 51.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je voudrais rendre hommage aux greffiers...
M. Jean-Jacques Hyest.
Ah !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
... dont je connais la grande qualité et le grand dévouement. Il est bien
certain qu'ils participent grandement à ce que la justice soit rendue le plus
rapidement possible, même si, hélas !, elle l'est souvent lentement. Il fallait
le dire, parce que c'est vrai.
Permettez-moi cependant d'emprunter cet adage à la sagesse des nations : «
Chacun son métier, et les vaches seront bien gardées ! » Qu'un greffier qui est
particulièrement capable de faire le travail d'un greffier en chef passe le
concours de greffier en chef, c'est bien. Et même, pourquoi pas, qu'il veuille
devenir magistrat, qu'il travaille en conséquence et se présente, par exemple,
à tel concours exceptionnel qui lui est ouvert compte tenu de l'ancienneté de
sa pratique professionnelle, très bien ! Nous ne sommes évidemment pas opposés
à ces promotions, qu'il y a lieu tout au contraire d'encourager au maximum.
Mais il ne s'agit pas de cela ! Dans un premier temps, on nous a demandé de
faire exercer par les greffiers en chef les attributions des magistrats. Déjà,
à l'époque, nous avions été réservés - pour ne pas dire hostiles - notamment en
ce qui concerne les certificats de nationalité, qui réclament une estimation,
une prise de position, un jugement. C'est d'ailleurs sans doute pourquoi vous
avez exclu de votre amendement cet exemple-là.
Aujourd'hui, on nous demande de faire exercer par les greffiers des tâches de
greffier en chef, parmi lesquelles des tâches qui étaient antérieurement celles
des magistrats. Ne nous a-t-on pas récemment proposé, en commission des lois,
un texte aux termes duquel les simples agents de police pouvaient devenir
officiers de police judiciaire ? Même si les agents ont maintenant, nous
dit-on, un niveau très élevé, encore faut-il qu'il aient les compétences
requises !
Et voilà les greffiers devenus en partie magistrats ! Cela ne nous paraît donc
pas une bonne technique.
Je sais bien que cela aurait l'avantage de coûter moins cher, mais ce n'est
pas une raison suffisante. Je suis d'ailleurs, reconnaissant à Mme le garde des
sceaux de ne pas s'être laissée tenter par la perche qui lui était ainsi
tendue.
M. Jean-Jacques Hyest.
Vous avez caricaturé l'amendement de M. Pagès !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 51, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Chapitre V
Dispositions relatives
à l'entraide judiciaire internationale
Article 21
M. le président.
« Art. 21. - Le titre dixième du livre quatrième du code de procédure pénale
devient le titre neuvième de ce même livre et il est inséré à sa suite un titre
dixième ainsi rédigé :
« TITRE DIXIÈME
« DE L'ENTRAIDE JUDICIAIRE INTERNATIONALE
«
Art. 694
. - Les demandes d'entraide émanant des autorités judiciaires
étrangères sont exécutées, selon les cas, dans les formes prévues par le
présent code pour l'enquête, l'instruction ou le jugement.
«
Art. 695
. - Pour l'application de l'article 53 de la convention
signée à Schengen le 19 juin 1990, le procureur général du ressort est chargé
de transmettre les demandes d'entraide auprès des autorités judiciaires
compétentes et le retour des pièces d'exécution.
«
Art. 696
. - Pour l'application de l'article 15, paragraphe 2, de la
Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale faite à
Strasbourg le 20 avril 1959, dans les relations entre les autorités judiciaires
françaises et les autres Etats parties à la convention signée à Schengen le 19
juin 1990, les compétences confiées au ministère de la justice par le
paragraphe 1 de ce même article seront exercées par le procureur général du
ressort. »
Par amendement n° 24, M. Fauchon, au nom de la commission propose, dans le
texte présenté par cet article pour l'article 695 du code de procédure pénale,
après les mots : « autorités judiciaires compétentes et » d'insérer les mots :
« d'assurer ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 24, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 21, ainsi modifié.
(L'article 21 est adopté.)
Article 22
M. le président.
« Art. 22. - La présente loi est applicable dans les territoires d'outre-mer
et dans la collectivité territoriale de Mayotte. »
Sur l'article, la parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Notre collègue M. Millaud a déposé sur l'ensemble de ce projet de loi une
question préalable qui n'était certainement pas justifiée, car son adoption
aurait eu pour effet d'entraîner le rejet de l'ensemble d'un texte qui est
important.
En revanche, il a posé une vraie question - qui est d'ailleurs récurrente -
sur l'application d'un certain nombre de dispositions législatives dans les
territoires d'outre-mer.
M. Millaud a développé un certain nombre d'arguments qui ne nous semblent pas
avoir fait l'objet de réponses suffisantes de la part des administrations
concernées. C'est pourquoi, à mon sens, la question demeure : ou bien la loi
s'applique directement, et il n'est pas nécessaire de le préciser ; ou bien il
faut le préciser et, à ce moment-là, les procédures constitutionnelles n'ont
pas été respectées, ainsi que l'affirme M. Millaud.
Dans la mesure où cette question tient beaucoup à coeur à notre collègue, par
solidarité, le groupe de l'Union centriste ne votera pas l'article 22.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 22.
(L'article 22 est adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Pagès, pour explication de vote.
M. Robert Pagès.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme je
l'avais indiqué au cours de la discussion générale, notre appréciation sur le
projet de loi était quelque peu mitigée. Nous sommes en effet favorables au
développement des alternatives aux poursuites pénales, mais à la condition
expresse que ni le principe du contradictoire ni la présomption d'innocence ne
soient mis en cause.
Or, la présente procédure, assimilable au plaidé coupable anglo-saxon,
comporte ce risque en ce qu'elle renforce considérablement le rôle du parquet.
Nous regrettons tout particulièrement l'instauration d'une indemnité
compensatrice, qui introduit, qu'on le veuille ou non, des rapports d'argent
dans le rendu même de la justice.
La modification, adoptée par le Sénat, consistant à élever le montant de cette
indemnité à 50 000 francs, nous fait évoluer de l'hésitation vers l'hostilité à
l'encontre de cette mesure.
Un aspect du projet de loi nous paraissait particulièrement positif : la
restauration partielle, très partielle, même, mais réelle des compétences de la
formation collégiale.
La majorité sénatoriale a maintenu le concept de juge unique. Depuis des
années, nous avons contesté cette évolution, fondée sur le souci des
restrictions budgétaires, en démontrant ses dangers pour la qualité de la
justice et l'égalité devant elle.
Ces deux remarques, qui portent sur les points essentiels du projet de loi et
sa discussion ici même, expliquent notre abstention.
Souhaitons, madame la ministre, que la navette parlementaire permettra de
revenir sur les reculs votés ici par la majorité sénatoriale et d'améliorer
encore le texte initial !
Je suis persuadé que vous aurez à coeur d'oeuvrer en ce sens, en poursuivant
l'importante réforme de la justice, si nécessaire et que vous avez
vigoureusement mise en oeuvre.
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Le groupe socialiste, unanime, votera avec plaisir le texte qui résulte de nos
travaux.
Un certain nombre d'orateurs avaient remarqué la diversité de son contenu.
C'est vrai que son unité profonde, je la vois surtout dans la volonté, que nous
saluons et que nous soutiendrons, de Mme la garde des sceaux de faire
progresser l'institution judiciaire, qu'il s'agisse de son fonctionnement ou
des garanties des justiciables !
J'ai eu le sentiment - je le lui dis avec toute l'amitié et l'admiration que
je lui porte - qu'elle était peut-être quelque peu heurtée par l'accumulation
des termes, la mosaïque, « le patchwork », la diversité, que sais-je encore !
Non, madame la garde des sceaux, ne le soyez pas !
D'abord, c'est vrai que la procédure offre tant d'aspects qu'il est difficile
de ne pas les réunir en un faisceau que vous liez par votre volonté.
Et puis, très franchement, parmi les meilleurs poèmes que nous connaissons,
l'
Inventaire
de Prévert n'est-il pas ravissant ? Je vous laisse le soin
de trouver le raton-laveur de ce texte !
(Sourires. - Applaudissements sur
les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Souplet.
M. Michel Souplet.
Le groupe de l'Union centriste votera ce texte, car des avancées très
sérieuses ont été faites.
Avant-hier, alors que nous évoquions ce débat au sein de notre groupe, l'un de
mes amis m'a dit qu'en fait nous n'allions entendre que les avocats. C'est un
peu vrai, on a beaucoup entendu les avocats. Mais, j'en suis ravi ; j'aimerais
avoir les mêmes facilités d'expression qu'eux pour défendre mes thèses quand
j'ai à le faire !
Madame le ministre, j'ai un peu l'impression de m'exprimer au nom d'une grande
majorité de Français, qui, parce qu'ils croient en leur justice, souhaitent
qu'elle soit effectivement plus rapide.
Un de mes amis conciliateur à Compiègne me disait récemment qu'en général on
lui confie - est-ce le président du tribunal, est-ce le procureur : je ne sais
pas ? - une vingtaine de litiges à régler par semaine ; 90 % de ces litiges
sont réglés et n'encombrent donc plus la justice.
Ne pourrait-on augmenter cette possibilité offerte de « soulager » les
tribunaux de petits dossiers qui pourraient être assez facilement réglés ? En
effet, il suffit parfois que des hommes se rencontrent pour que les choses s'en
trouvent facilitées. C'est, en tout cas, un souhait que j'exprime.
M. le président.
La parole est à M. Robert.
M. Jean-Jacques Robert.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je ne
reviendrai pas sur ce qui s'est passé ce matin. Je ferai simplement remarquer
que, de ce fait, les amendements de MM. Haenel et Pluchet n'ont pas pu être
défendus, ce qui a nui à l'évolution du texte et, par la même, à sa qualité.
Pour ma part, je ne parlerai pas de patchwork. Je dirai plutôt que nous avons
fait un travail de fourmi qui était utile parce que nécessaire.
Pour les personnes intéressées, nos concitoyens, ce travail a tendu à rendre
plus simples certain actes, certaines procédures, certaines démarches,
c'est-à-dire le fonctionnement de notre justice.
Je veux saluer le travail de notre rapporteur, M. Fauchon, et sa volonté
marquée d'améliorer ce texte.
Je joins ma voix à celle de M. Hyest pour déplorer que l'intervention de M.
Millaud sur la situation des TOM soit restée sans réponse. Cette réponse, il
faudra la lui apporter.
En ce qui les concerne, les membres du groupe du RPR voteront ce texte.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
6
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté avec
modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant
modification de l'ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux
spectacles.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 512, distribué et renvoyé à la
commission des affaires culturelles.
7
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. Bernard Joly une proposition de loi visant à conférer une plus
forte reconnaissance au vote blanc.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 514, distribuée et renvoyée à
la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
8
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président.
J'ai reçu de M. Charles Jolibois un rapport fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale sur :
- le projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale,
relatif au Conseil supérieur de la magistrature (n° 476, 1997-1998) ;
- et la proposition de loi constitutionnelle de MM. Daniel Millaud, Marcel
Henry et Simon Loueckhote tendant à modifier l'article 65 de la Constitution
(n° 319, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le n° 511 et distribué.
9
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président.
J'ai reçu de M. Hubert Haenel un rapport d'information fait au nom de la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation sur le classement sans suite.
Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 513 et distribué.
10
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mardi 23 juin 1998 :
A neuf heures trente :
1. Questions orales avec débat suivantes :
I. - M. Charles Descours appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et
de la solidarité sur l'avenir du MICA - mécanisme d'incitation à la cessation
d'activité.
Les ordonnances de réforme de la sécurité sociale ont mis en place ce système
de préretraite des médecins libéraux pour réguler la démographie médicale.
Or, la facture globale des trois allocations de remplacement - ADR - prévues
en fonction de l'âge de départ à la retraite - de cinquante-sept à
soixante-quatre ans - devrait passer de 300 millions de francs, en 1997, à 750
millions en 1998. Ainsi, moins d'un an après sa mise en oeuvre, le niveau des
cotisations ne permet pas d'assurer le financement du régime en 1998.
Il lui demande donc de quel montant est l'impasse, qui va payer, si elle
envisage de diminuer l'allocation de remplacement et, si oui, de combien. Plus
généralement, quel avenir le Gouvernement entend-il réserver à l'incitation à
la cessation d'activité anticipée ? (N° 256.)
II. - Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de Mme le ministre de
l'emploi et de la solidarité sur les propositions de décrets fixant les
conditions d'application des articles 92, 93, 94 de la loi n° 86-33 du 9
janvier 1986 portant dispositions sur la perte d'emploi et la mise en place des
procédures de licenciement dans la fonction publique hospitalière.
Elle lui demande si la publication de ces décrets ne risque pas d'entraîner la
mise sur pied de véritables plans sociaux hospitaliers établis par les
directeurs d'agences régionales de l'hospitalisation.
Elle lui demande quelles mesures elle envisage pour faire respecter les
garanties statutaires à l'emploi de tous les personnels hospitaliers
actuellement en place (N° 286.)
III. - M. Jean-Marc Pastor attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi
et de la solidarité sur les tribunaux du contentieux de l'incapacité.
Depuis la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la
protection sociale, les anciennes commissions régionales de l'incapacité ont
effectivement pris le nom de « tribunaux du contentieux de l'incapacité ».
Toutefois, en l'absence de décret d'application, ces tribunaux continuent à
fonctionner conformément à l'ancienne législation qui régissait les commissions
précitées - 1975.
Or, la loi de 1994 en modifiait la composition et prévoyait notamment que des
magistrats de l'ordre administratif ou judiciaire y siègent.
Des associations locales assurant la défense des handicapés ou invalides l'ont
interpellé sur le fonctionnement de ces commissions, dont l'une des
conséquences serait que les particuliers concernés interjettent appel de plus
en plus fréquemment auprès de la Cour nationale de l'incapacité, ce qui retarde
la gestion des dossiers et la prise de décision.
C'est pourquoi, il lui demande de bien vouloir lui faire connaître sa position
sur de tels fonctionnements, ainsi que l'état d'avancement des tests
réglementaires d'application de la loi précitée. (N° 293.)
IV. - M. Alfred Foy appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de
la solidarité sur la nécessité d'améliorer les conditions matérielles
d'existence des conjoints survivants. A cet effet, il serait souhaitable
d'adopter rapidement un certain nombre de mesures destinées à faire évoluer
leurs droits, et tout d'abord, dans le domaine de l'assurance veuvage, qui,
telle qu'elle fonctionne aujourd'hui, n'apparaît plus adaptée aux besoins
urgents d'une population en proie à l'aggravation de ses difficultés.
Versée aux conjoints survivants âgés de moins de cinquante-cinq ans à
condition qu'ils ne dépassent pas un plafond de ressources, l'assurance veuvage
doit permettre, selon l'esprit de la loi n° 80-546 du 17 juillet 1980 qui l'a
instituée, de leur assurer une aide financière temporaire dans l'attente d'une
amélioration de leur situation à l'issue de laquelle ils percevront soit une
retraite personnelle, soit une pension de réversion.
Cette allocation, d'un montant de 3 073 francs par mois la première année,
passe à 2 019 francs la deuxième année et à 1 537 francs la troisième. Elle est
notoirement insuffisante dès la deuxième année, puisque inférieure au montant
du revenu minimum d'insertion.
Par conséquent, il s'avère primordial de la revaloriser et d'attribuer
également, ce qui n'est pas le cas actuellement, une majoration pour tout
enfant à charge. Celle-ci paraît d'autant plus justifiée que l'allocation
veuvage est dévolue à des personnes relativement jeunes, et donc susceptibles
d'élever des enfants.
Concernant le système en vigueur des pensions de réversion, il apparaît
indispensable d'en augmenter le taux, compte tenu du nouveau régime d'assurance
vieillesse. En effet, le calcul de la retraite, qui s'établira désormais sur la
base des salaires moyens des vingt-cinq meilleures années, et le relèvement du
nombre de trimestres requis auront pour effet une diminution du montant de la
réversion.
Parallèlement à la majoration du taux actuel de 54 %, il convient, dans un
souci d'équité, d'aligner le taux des régimes spéciaux sur celui du régime
général. Le Gouvernement l'a fait, à juste titre, pour les marins et les
mineurs ; il convient, à présent, de généraliser cette mesure. (N° 294.)
V. - M. Dominique Leclerc appelle l'attention de M. le ministre de
l'équipement, des transports et du logement sur la nouvelle interprétation,
faite par la circulaire n° 96-39 du 19 juin 1996 issue de son ministère, de
certains texte de lois du code de l'urbanisme. Celle-ci amène les directions
départementales de l'équipement à considérer les nouvelles surfaces de serres
de production comme constitutives de surfaces hors oeuvre nette et donc
redevables de la taxe locale d'équipement.
Les conséquences de cette circulaire sont particulièrement graves. En effet,
la taxe locale d'équipement appelée, au titre de la construction des serres de
production considérées comme des constructions créatrices de surfaces hors
oeuvre nette, dans les communes qui n'ont pas voté leur exonération constitue
une charge financière extrêmement lourde d'un montant exorbitant au regard du
coût d'achat d'un mètre carré de serre. Or, le contenu de cette circulaire
s'explique d'autant plus mal que de nombreux éléments démontrent que la volonté
initiale du législateur était d'éxonérer toutes les surfaces de serres de cette
taxe.
C'est pourquoi, de nombreuses constructions de serres étant suspendues au
règlement de ce dossier, il lui demande s'il envisage de prendre une nouvelle
circulaire d'interprétation ou bien de modifier légèrement le texte de la loi
en supprimant à l'article L. 112-7 du code de l'urbanisme le mot « annexe » : «
... des décrets définissent notamment la surface de plancher développé hors
oeuvre d'une construction et les conditions dans lesquelles sont exclues de
cette surface... les surfaces annexes aux bâtiments d'exploitation agricole
».
L'une ou l'autre de ces mesures permettrait ainsi de lever toute ambiguïté et
les surfaces de serres de production déduites de la surface hors oeuvre nette
seraient exonérées de la taxe locale d'équipement (N° 277.)
VI. - M. Jean Bernard attire l'attention de M. le ministre de l'équipement,
des transports et du logement sur la situation financière de la SNCF. (N°
280.)
VII. - M. Bernard Dussaut appelle l'attention de Mme le ministre de
l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les difficultés
engendrées par l'arrêté du 6 mai 1996 fixant les modalités du contrôle
technique exercé par les communes sur les systèmes d'assainissement non
collectif, dont la mise en oeuvre a été précisée par la circulaire du 22 mai
1997.
Le transfert de ces attributions de la direction départementale des affaires
sanitaires et sociales - DDASS - vers les communes depuis le 1er janvier 1998
pose un certain nombre de problèmes d'ordre financier, technique et juridique :
coût engendré, capacité d'appréciation technique, responsabilité civile et
pénale des maires sont autant de sources d'inquiétude pour les élus locaux.
Ainsi, il lui demande s'il lui est possible de lui donner des indications
susceptibles de rassurer les maires, notamment les maires des petites communes,
pour lesquelles ce transfert est très lourd.
Il souhaiterait, par ailleurs, qu'elle lui précise s'il lui semble
envisageable que des dispositions soient prises afin que les directions
départementales de l'équipement - DDE - se voient attribuer cette
responsabilité par délégation dans le cadre de l'instruction du permis de
construire. (N° 263.)
VIII. - M. Jean-Jacques Hyest attire l'attention de Mme le ministre de
l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les difficultés
rencontrées par les syndicats intercommunaux de rivière pour l'application de
la loi sur l'eau n° 92-3 du 3 janvier 1992.
En effet, l'article 31 de cette loi associe les termes « entretien » et «
aménagement » des cours d'eau non domaniaux. De ce fait, certains services
chargés de la police des eaux demandent que les travaux d'entretien soient
soumis à enquête publique, ce qui a de graves inconvénients, puisque en dehors
des dépenses supplémentaires nécessaires - de 30 à 50 000 francs en moyenne
tous les cinq ans - cela risque d'entraîner une remise en cause des travaux
d'entretien, alors même que c'est en raison de la carence des riverains,
légalement soumis à l'entretien des cours d'eaux non domaniaux, que les
syndicats des rivières se sont constitués.
L'application de la réglementation en ces termes aboutit à un non-sens
lorsqu'il faut préciser dans le dossier soumis à enquête publique les modalités
d'entretien des travaux d'entretien.
Et s'il s'agit de justifier l'emploi de fonds publics sur des terrains privés,
cette position des services de l'Etat apparaît d'autant plus excessive qu'aussi
bien lors de la constitution de ces syndicats que lors de l'engagement des
travaux d'aménagement initiaux les collectivités se sont engagées à pérenniser
ces premiers investissements par une garantie d'entretien ultérieur et que, par
ailleurs, les dépenses d'entretien présentent un caractère obligatoire -
article L. 151-40 du code rural.
C'est pourquoi il lui demande de donner les instructions nécessaires pour la
suspension des mesures administratives actuellement préconisées dans certains
départements, dont la Seine-et-Marne, et de lui faire connaître quelles mesures
elle compte prendre pour mettre fin à cette anomalie juridique, qui ne peut que
compromettre les efforts très importants réalisés par les collectivités locales
pour l'entretien des rivières. (N° 279.)
IX. - M. Jean-François Le Grand rappelle à Mme le ministre de l'aménagement du
territoire et de l'environnement qu'en application de l'article 23.3 du décret
du 20 septembre 1997 et de la circulaire n° 97-103 du 18 juillet 1997
l'ouverture d'un centre d'enfouissement technique - CET - de classe II oblige
l'exploitant du site à fournir, lors de la publication de l'arrêté du préfet
donnant autorisation d'exploiter, une garantie financière concernant le montant
des travaux à exécuter en cas de défaillance de l'exploitant pour la remise en
état partielle ou définitive du site en cas de sinistre.
Aucune banque, aucune société d'assurance consultées, ni même l'Agence de
l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, n'ont accepté de donner une
garantie financière ou une caution bancaire - toutes les grandes compagnies,
ainsi que la fédération française des sociétés d'assurance, ont été consultées
-, estimant qu'elles pouvaient être entraînées, en cas de pollution, à
supporter des frais dépassant le montant de la caution donnée et dont la durée
pourrait être allongée par jurisprudence des tribunaux.
Les services du ministère de l'aménagement du territoire ainsi que la
direction du Trésor ont été informés, sinon alertés, de ce refus des compagnies
d'assurance de participer à ce dispositif de garanties financières sans
qu'aucune solution ait été apportée à ce problème.
La difficulté d'application du décret susvisé risque de nous priver de
l'autorisation d'exploiter dès septembre 1998 le centre d'enfouissement
technique de Beauchêne, à Saint-Fromond, exploité par le syndicat intercommunal
à vocations multiples du Point-Fort, alors même que toutes les contraintes
réglementaires ont été parfaitement respectées pour autoriser l'ouverture de
cette nouvelle installation de stockage des déchets ménagers et assimilés,
parfaitement indispensable pour la ville de Saint-Lô et sa région.
Il lui demande donc d'apporter aux intervenants associés à ce projet de
constitution d'un CET, SIVOM du Point-Fort et département de la Manche, les
réponses nécessaires afin que la procédure d'autorisation ne soit pas bloquée
par cette impossibilité. (N° 292.)
X. - Mme Hélène Luc tient à attirer l'attention de Mme le ministre délégué
chargé de l'enseignement scolaire sur l'importance croissante que doit prendre
la dimension de la fonction de la psychologie dans l'école, pour permettre à
chaque enfant de parvenir à sa réussite optimale.
Les difficultés sociales, scolaires, relationnelles et de repères,
l'accroissement de la transgression de la règle des conduites de violence, la
maltraitance, le besoin d'une écoute et d'une aide la plus individualisée
possible, tout comme la nécessaire valorisation du potentiel de chaque enfant
appellent un indispensable changement d'échelle en terme d'objectifs, de
moyens, de reconnaissance de la mission de la qualification et du statut des
psychologues scolaires.
Cela est nécessaire, en particulier en direction des établissement où les
difficultés sont fortes, comme dans les zones d'éducation prioritaire - ZEP -
et où l'apport des psychologues de l'éducation doit venir en appui des mesures
spécifiques et supplémentaires qui doivent y prévaloir, comme la situation en
Seine-Saint-Denis vient de le confirmer.
Il serait, à cet égard, inacceptable que soient maintenues des diminutions de
dotation en ZEP, comme cela reste encore trop souvent le cas pour la rentrée
prochaine, dans d'autres départements comme le Val-de-Marne.
C'est pourquoi elle lui demande de bien vouloir lui faire connaître ses
intentions pour mettre en oeuvre une véritable politique de la psychologie
scolaire, qui ne pourra être menée à bien que par des recrutements à la hauteur
des importants besoins, les titulaires d'un diplôme d'études supérieures
spécialisées - DESS - de psychologie constituant, de ce point de vue, un «
vivier » disponible.
Elle lui demande également de bien vouloir engager, dans les meilleurs délais,
une concertation sur l'ensemble de ces questions avec tous les acteurs
concernés, ainsi que ceux-ci lui en ont déjà exprimé la demande. (N° 283.)
XI. - Traduction du plan de programmation militaire 1997-2002, le plan
d'action « gendarmerie 2002 » a pour ambition d'assurer une meilleure sécurité
de la population, tout en favorisant proximité et professionnalisme.
Pour autant, malgré l'augmentation des charges de la gendarmerie, l'extension
du réseau autoroutier, la progression sensible de l'insécurité dans les
communes rurales situées à la périphérie des agglomérations, le plan ne prévoit
pas d'augmentation des effectifs professionnels et procède essentiellement à un
redéploiement des effectifs.
Si le principe du maillage de la gendarmerie nationale sur l'ensemble du
territoire est maintenu, M. Gérard César craint toutefois que cette
réorganisation et ce redéploiement des effectifs vers les zones périurbaines ne
se traduisent par un affaiblissement de la sécurité dans les zones rurales.
Il souhaite attirer l'attention de M. le ministre de la défense sur ce point
et lui demander des précisions sur ses intentions dans le cadre du plan
d'action « gendarmerie 2002 ». (N° 282.)
XII. - M. Bernard Fournier appelle l'attention de Mme le secrétaire d'Etat aux
petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat sur les
difficultés rencontrées par certains artisans d'élite diplômés « meilleur
ouvrier de France ».
Il apparaît en effet que cette distinction ne semble recouvrir qu'un caractère
honorifique et ne bénéficie d'aucune protection juridique spécifique. On voit
certains tribunaux de grande instance, sous la pression d'industriels
conseillés par des avocats de renom, faire interdiction de la raison sociale
d'une entreprise artisanale au motif de son homonymie avec une entreprise de
plus grande taille.
Sans porter préjudice à l'indépendance de la justice, on s'accordera à
reconnaître que de tels jugements mettent en péril des entreprises artisanales,
le plus souvent familiales, où l'amour du travail bien fait prime sur les
objectifs économiques.
Il semble absolument nécessaire de diligenter toutes les mesures utiles afin
que le statut de meilleur ouvrier de France soit assimilé à celui des artistes
et qu'en conséquence on ne puisse interdire à un artisan reconnu comme l'un des
maîtres de la profession de signer et donc subséquemment de vendre ses
oeuvres.
Aussi, il lui demande si elle entend prendre des mesures réglementaires, ou
législatives, afin de doter d'une véritable protection juridique les «
meilleurs ouvriers de France » dans l'intérêt des entreprises artisanales, qui
sont des éléments essentiels du renom international de notre savoir-faire. (N°
287.)
XIII. - M. Bernard Joly appelle l'attention de M. le ministre de la fonction
publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur l'avenir des «
Points publics ».
Certaines inquiétudes se font jour, sur le terrain, relativement à leur
financement et à leur fonctionnement.
Récemment, la commission de la modernisation des services publics du Conseil
supérieur de la fonction publique de l'Etat a traité de la définition du rôle
des maisons de services publics. Les moyens, en budget et en personnel, de ces
nouvelles structures ont été définis.
En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui préciser le calendrier de
mise à disposition des crédits, leur hauteur et leur affectation. (N° 285.)
XIV. - Mme Joëlle Dusseau appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi
et de la solidarité sur les conditions dans lesquelles s'effectue aujourd'hui
l'accouchement sous X. En effet, cette procédure empêche de conserver trace de
l'identité de la mère de l'enfant abandonné.
Par ailleurs, la loi Mattéi n° 96-604 du 5 juillet 1996 relative à l'adoption
a raccourci de trois mois à deux mois le délai de rétractation dont dispose la
mère après son accouchement, ce qui, compte tenu de sa situation de détresse
dans un laps de temps aussi court, rend à peu près ineffective cette
possibilité laissée par la loi de changer d'avis.
C'est pour ces raisons que l'accouchement sous X est actuellement mis en cause
par des parlementaires et des associations. Un récent rapport sur la politique
familiale remis au Premier ministre en a, du reste, dénoncé les modalités.
C'est pourquoi elle lui demande si elle entend faire évoluer la loi afin de
permettre la communication à l'enfant devenu adulte de l'identité de sa mère si
celle-ci l'accepte expressément et si celui-là le souhaite, deux conditions
tout aussi essentielles l'une que l'autre. Il s'agirait d'instituer pour la
mère la possibilité de laisser au moment de l'accouchement un moyen de la
contacter dans les mains d'une autorité administrative. Cette réforme de
l'accouchement sous X permettrait ainsi de concilier le droit des femmes à
accoucher sans indiquer leur identité, l'équilibre psychologique de l'enfant et
ses liens essentiels avec sa famille adoptive. (N° 288.)
XV. - En 1995, les personnels pénitentiaires ont obtenu du Gouvernement, sur
l'initiative de l'une de leurs organisations syndicales, la bonification dite
du 1/5. Cette ancienne revendication entraîne depuis, et pour quelques années
encore, des départs en retraite plus nombreux que prévu initialement. La pleine
applicabilité de la mesure sera atteinte en l'an 2000. Au total, le déficit
prévisionnel par rapport à l'effectif théorique, d'ici à cette date, atteindra
deux mille personnels. Or, il faut seize mois pour former un agent, au total.
Pour compenser ce déficit, c'est dès maintenant qu'il faut augmenter le nombre
de postes offerts dans les différents concours.
En conséquence, M. Jean-Paul Delevoye demande à Mme le garde des sceaux,
ministre de la justice, de bien vouloir lui indiquer précisément et de façon
chiffrée les mesures qu'elle compte prendre, ou qu'elle a déjà prises, pour que
les effectifs réels et les effectifs théoriques ne connaissent pas un écart
important en l'an 2000 en raison de la bonification du 1/5.
Il lui demande également si elle a effectivement signé une note permettant aux
directeurs d'établissement d'utiliser sur des missions de surveillance des
élèves-surveillants seuls, non encore formés, qui n'ont pas encore suivi les
cours, à l'issue seulement d'une ou deux journées de doublure. (N° 290.)
XVI. - M. André Egu attire l'attention de Mme le ministre de la culture et de
la communication sur la politique d'aménagement culturel du territoire et sur
son financement.
Il lui rappelle qu'en arrivant rue de Valois elle a défini trois priorités :
protéger, créer et diffuser. Elle a également fixé comme objectif principal
l'affectation des deux tiers des crédits du ministère à la province.
Or, il constate amèrement que de nombreux projets semblent oubliés par ces
promesses.
Le « Cathédraloscope » de Dol-de-Bretagne, dans le département
d'Ille-et-Vilaine, est un exemple flagrant. Ce projet, d'une envergure
exceptionnelle, participant au rééquilibrage culturel de la région Bretagne,
risque de ne pas voir le jour faute de crédits suffisants.
Pourtant, il a reçu, par les chambres de commerce de la région, un premier
prix pour son caractère innovant. Celles-ci ont également indiqué que le «
Cathédraloscope » était source de développement pour l'ensemble de la
région.
Son prédécesseur s'était engagé à apporter une aide de 10 % du coût total du
projet en 1998, alors que les élus espéraient 20 %. En effet, certains projets
de même importance et d'attrait semblable ont obtenu une telle participation du
ministère.
Certaines rumeurs font état d'une aide ramenée à 2 %. Les acteurs du monde
rural sont indignés par cette situation. Ils ne croient plus à un aménagement
culturel du territoire, qui, s'il existe encore, ne profite qu'aux grandes
métropoles régionales.
En conséquence, il lui demande de tenir ses engagements en faveur d'une
politique équilibrée d'aménagement culturel du territoire et de soutenir les
projets culturels vecteurs de développement économique et touristique. (N°
278.)
XVII. - M. Franck Sérusclat interroge M. le ministre des affaires étrangères
sur la position actuelle du Gouvernement français à l'égard de l'embargo qui
frappe l'Irak.
En 1991, le Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies a voté une
résolution frappant l'Irak d'un embargo économique, visant à déstabiliser le
régime de Saddam Hussein. Cette décision était consécutive à une attitude
inacceptable de ce pays à l'égard du Koweït, des Kurdes vivant sur son
territoire et du reste du monde. Elle s'inscrivait dans le contexte de la
guerre du Golfe menée contre l'Irak par les Etats-Unis, au premier chef, et
leurs alliés.
Or, cet embargo, après sept années de mise en oeuvre, n'a toujours pas permis
d'écarter Saddam Hussein du pouvoir, mais a, au contraire, entraîné la mort de
600 000 enfants irakiens de moins de cinq ans, faute de vivres et de
médicaments, sans compter tous les Irakiens souffrant de malnutrition,
maladies, etc.
Il l'interroge sur le bien-fondé du maintien de cet embargo, qui n'a pas
atteint son objectif, puisqu'il ne déstabilise pas les dirigeants dictatoriaux
du pays, mais fait souffrir inutilement son peuple qui en est devenu l'otage de
fait. (N° 262.)
XVIII. - M. Philippe Madrelle appelle l'attention de M. le ministre de
l'agriculture et de la pêche sur les conséquences de l'arrêté du 6 février 1998
portant ouverture en 1998 de concours pour l'admission de candidats aux écoles
vétérinaires. Cet arrêté a fixé le 31 mars 1998, soit un mois avant le début
des épreuves, des quotas de places réservées aux élèves de chaque catégorie.
Outre cette modification soudaine de règles qui intervient à un mois des
épreuves, cet arrêté crée une inégalité d'accès au concours entre les élèves
qui se présentent pour la première fois au terme de deux années de préparation
et ceux qui se présentent pour la seconde fois.
En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui préciser s'il n'envisage
pas de supprimer ces quotas. (N° 276.)
A seize heures et le soir :
2. Discussion du projet de loi constitutionnelle (n° 476, 1997-1998), adopté
par l'Assemblée nationale, relatif au Conseil supérieur de la magistrature.
Rapport (n° 511, 1997-1998) de M. Charles Jolibois, fait au nom de la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
lundi 22 juin 1998, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 22 juin 1998, à dix-sept
heures.
Scrutin public à la tribune sur l'ensemble.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle
lecture, instituant une commission consultative du secret de la défense
nationale (n° 487, 1997-1998).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 24 juin 1998, à dix-sept
heures.
Débat consécutif à une déclaration du Gouvernement d'orientation
budgétaire.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 24 juin
1998, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures vingt.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES
M. Serge Vinçon a été nommé rapporteur pour avis du projet de loi n° 490 (1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme du code de justice militaire et du code de procédure pénale.