Séance du 17 juin 1998
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Dépôt d'un rapport en application d'une loi
(p.
1
).
3.
Candidatures à un organisme extraparlementaire
(p.
2
).
4.
Efficacité de la procédure pénale.
- Discussion d'un projet de loi (p.
3
).
Discussion générale : Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la
justice ; MM. Pierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois ;
Jean-Jacques Hyest, Robert Badinter, Robert Pagès, Hubert Haenel.
Mme le garde des sceaux.
Clôture de la discussion générale.
Question préalable (p. 4 )
Motion n° 25 de M. Millaud. - MM. Daniel Millaud, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Rejet.
Articles additionnels avant le chapitre Ier (p. 5 )
Amendement n° 26 rectifié de M. Haenel. - M. Hubert Haenel. - Retrait.
Amendement n° 27 rectifié de M. Haenel. - MM. Hubert Haenel, le rapporteur, Mme
le garde des sceaux. - Retrait.
Intitulé du chapitre Ier (réserve) (p. 6 )
Amendement n° 1 de la commission. - Réserve.
Article 1er (p.
7
)
Article 41-1 du code de procédure pénale
(p.
8
)
Amendements n°s 2 de la commission, 33 de M. Dreyfus-Schmidt et 32 du
Gouvernement. - MM. le rapporteur, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme le garde des
sceaux, M. Jacques Larché, président de la commission des lois. - Adoption de
l'amendement n° 2 supprimant l'article du code, les amendements n°s 33 et 32
devenant sans objet.
5.
Modification de l'ordre du jour
(p.
9
).
6.
Organisme extraparlementaire
(p.
10
).
7.
Nomination de membres d'un organisme extraparlementaire
(p.
11
).
Suspension et reprise de la séance (p. 12 )
8. Efficacité de la procédure pénale. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 13 ).
Article 1er
(suite)
(p.
14
)
Article 41-2 du code de procédure pénale
(p.
15
)
Amendement n° 3 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux,
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Adoption.
Amendements n°s 52 de M. Pagès, 4 de la commission et sous-amendement n° 55 de
M. Dreyfus-Schmidt ; amendement n° 5 de la commission. - MM. Robert Pagès, le
rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet de
l'amendement n° 52 et du sous-amendement n° 55 ; adoption des amendements n°s 4
et 5.
Amendement n° 6 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux.
- Adoption.
Amendement n° 7 de la commission. - Adoption.
Amendements n°s 48 de M. Pagès et 34 de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - MM. Robert
Pagès, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, MM. Michel Dreyfus-Schmidt,
Robert Badinter, Patrice Gélard. - Retrait de l'amendement n° 48 ; rejet de
l'amendement n° 34.
Amendement n° 8 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux,
MM. Robert Badinter, Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article 41-3 du code précité (p. 16 )
Amendement n° 9 rectifié de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des
sceaux, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Robert Pagès. - Adoption.
Amendements n°s 53 de M. Pagès et 10 de la commission. - Adoption de
l'amendement n° 10, l'amendement n° 53 étant devenu sans objet.
Adoption de l'article du code, modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
9.
Transmission d'un projet de loi
(p.
17
).
10.
Retrait d'une proposition de loi
(p.
18
).
11.
Renvoi pour avis
(p.
19
).
12.
Dépôt de rapports
(p.
20
).
13.
Dépôt de rapports d'information
(p.
21
).
14.
Ordre du jour
(p.
22
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
DÉPÔT D'UN RAPPORT
EN APPLICATION D'UNE LOI
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le président de la commission de
surveillance de la Caisse des dépôts et consignations le rapport établi sur les
opérations de cet établissement en 1997, en application de l'article 114 de la
loi du 28 avril 1816.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
3
CANDIDATURES À UN ORGANISME
EXTRAPARLEMENTAIRE
M. le président.
Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien
vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein d'un
organisme extraparlementaire.
La commission des finances a fait connaître qu'elle propose les candidatures
de MM. Jacques Oudin et Michel Mercier pour siéger respectivement en qualité de
membre titulaire et de membre suppléant au sein du comité des finances
locales.
La commission des lois a fait connaître qu'elle propose les candidatures de
MM. Christian Bonnet et André Bohl pour siéger au sein du même organisme,
respectivement en qualité de membre titulaire et de membre suppléant.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à
l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai
d'une heure.
4
EFFICACITÉ DE LA PROCÉDURE PÉNALE
Discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 434, 1997-1998)
relatif aux alternatives aux poursuites et renforçant l'efficacité de la
procédure pénale. [Rapport n° 486 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le garde des sceaux.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen et sur certaines travées du RDSE.)
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi relatif aux alternatives
aux poursuites et renforçant l'efficacité de la procédure pénale que vous
examinez aujourd'hui constitue l'un des sept textes nécessaires à la mise en
oeuvre de la réforme de la justice dont nous avons débattu au mois de janvier
dernier.
Cette réforme a fait l'objet d'une communication en conseil des ministres le
29 octobre. Il m'apparaît important d'en tracer les grandes lignes au moment où
le Parlement est conduit à examiner les textes qui en sont issus.
Ce texte s'inscrit dans une réforme globale de la justice tendant, tout
d'abord, à placer la justice au service des citoyens.
Les études qui ont été conduites sur la justice montrent toutes que les
principaux reproches qui sont formulés contre ce service public sont sa
lenteur, sa complexité, son caractère inaccessible et l'inégalité des réponses
qu'il donne.
Le projet de loi dont nous allons débattre aujourd'hui s'inscrit pleinement
dans ce premier objectif - une justice au service des citoyens - même s'il
n'épuise pas à lui seul ce sujet. L'Assemblée nationale est d'ailleurs saisie
d'un projet de loi sur l'accès au droit, qui doit être débattu à l'occasion de
la présente session.
Par-delà ces textes, des actions ont été entreprises dans tous les domaines
d'intervention de la justice pour en améliorer le fonctionnement. Je n'en
citerai que quelques-unes.
Des décrets sont en cours de préparation sur l'accélération et la
simplification de la procédure civile. La mission que j'ai mise en place sur la
carte judiciaire a engagé ses travaux. J'ai renforcé les structures de gestion
des cours d'appel. En outre, des pôles spécialisés dans la délinquance
économique et financière sont en cours de création : le premier est réalisé à
Paris et d'autres suivront dans les cours d'appel d'Aix-en-Provence, de Lyon et
de Bastia.
Par ailleurs, une réflexion globale sur le droit de la famille est engagée. Un
groupe de travail sera très prochainement constitué. Il aura pour mission de
réfléchir à l'ensemble du droit de la famille et il s'inscrira dans la
perspective des orientations qui ont été fixées lors de la récente conférence
sur la famille, la semaine dernière.
Mais la réforme de la justice doit tendre également à mettre la justice au
service des libertés.
Dans ce domaine aussi des projets sont en cours. Le Parlement sera très
prochainement saisi d'un projet de loi sur la présomption d'innocence et sur la
détention provisoire. Le Gouvernement travaille en outre à la transposition de
la directive européenne sur le traitement des données à caractère personnel à
la suite du rapport de M. Braibant.
Enfin, la réforme de la justice doit accroître l'indépendance et
l'impartialité de la justice.
Ce troisième volet de la réforme est celui qui nécessitera le plus de textes
législatifs. Vous êtes déjà saisi de la réforme de la Constitution relative au
Conseil supérieur de la magistrature. Elle sera complétée par le dépôt de deux
projets de loi organique. Par ailleurs, l'Assemblée nationale doit évoquer
prochainement le texte relatif aux relations entre la Chancellerie et les
parquets.
Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui est l'un des sept qui seront
présentés au Parlement ce printemps ou à l'automne.
Pour disposer d'une justice plus efficace, plus rapide et plus adaptée aux
exigences de nos concitoyens, ce texte tend, tout d'abord, à permettre des
réponses systématiques aux violations de la loi pénale, notamment à la petite
et à la moyenne délinquance, ensuite à simplifier la procédure pénale pour la
rendre plus rapide et plus efficace et, enfin, à mettre en oeuvre des
dispositifs améliorant la coopération judiciaire internationale.
En premier lieu, ce projet de loi vise à apporter des réponses adaptées à la
délinquance quotidienne et à tendre à une réponse judiciaire pour chaque acte
de délinquance.
Ce premier point mérite des explications détaillées.
Je sais que le Sénat est particulièrement attaché à la recherche de solutions
pratiques pour permettre à la justice d'être plus efficace et de mieux répondre
à sa mission.
Ces dernières années, de nombreux travaux ont été conduits par des sénateurs
sur ce point. Le texte du Gouvernement s'en inspire. Je tiens à ce titre à
souligner le rapport présenté, aujourd'hui même, par M. Haenel, qui aborde
notamment le problème des classements sans suite. Nous sommes ici sur le même
thème et nous avons le même souci.
Il n'y a rien de plus grave pour notre société que de voir que des actes de
délinquance ne sont suivis d'aucune sanction, d'aucune mesure.
La justice ne répond pas aujourd'hui de manière satisfaisante aux actes de
petite et moyenne délinquance qui restent malheureusement souvent impunis et
qui ne sont pas suivis de réponses judiciaires. On peut citer ici les délits
relatifs aux relations de voisinage, les petites dégradations, les coups et
blessures sans gravité. Le taux important, dans ces matières, des classements
sans suite est l'illustration de la prise en compte imparfaite par la justice
de ces actes de petite et moyenne délinquance.
Ce sont ces infractions, notamment dans le cadre de la délinquance urbaine,
qui « empoisonnent » la vie de nos concitoyens. Ce sont elles qui portent les
germes du sentiment d'insécurité. C'est l'absence de réponses à ces violations
répétées de la loi qui sont le terrain de la récidive vers des actes d'ailleurs
plus graves et qui nourrissent la défiance vis-à-vis de la justice.
Il nous faut donc agir de manière radicale pour que soit rétablie la confiance
qui est nécessaire à la paix sociale dans un Etat de droit.
Cette constatation est encore plus vraie pour les mineurs délinquants : le
Gouvernement, comme vous le savez, s'est attaché à prendre des décisions
spécifiques sur ce point à l'occasion du conseil de sécurité intérieure du 8
juin dernier. La philosophie qui guide le texte dont vous allez débattre
aujourd'hui est la même.
Le présent projet de loi tend à apporter des solutions concrètes et pratiques
au problème de la petite et moyenne délinquance.
Il convient en effet d'élargir les possibilités offertes aux magistrats du
parquet afin de faire en sorte qu'aucune plainte concernant une infraction
constituée et dont l'auteur est identifié ne soit, lorsqu'elle justifie une
réaction sociale, purement et simplement classée sans suite.
Dans une telle hypothèse, comme je l'ai indiqué, le citoyen a l'impression
d'être l'objet d'un véritable déni de justice, qui entame sa confiance dans le
service public de la justice et, plus généralement, dans les institutions de la
République.
Les mesures proposées, qui constituent une « troisième voie » entre la mise en
mouvement de l'action publique et le classement sans suite, pourront être
utilisées par les procureurs de la République pour apporter des solutions
appropriées aux faits de délinquance qui ne justifient pas la saisine d'une
juridiction.
A cette fin, deux dispositions sont proposées à travers les articles nouveaux,
41-1 et 41-2 du code de procédure pénale.
Le projet de loi apporte d'abord aux faits les moins graves de nouvelles
réponses, qui figurent dans le futur article 41-1 du code de procédure
pénale.
Il est proposé en premier lieu d'inscrire de façon expresse dans le code de
procédure pénale que les parquets pourront mettre en oeuvre, selon la gravité
et la nature des infractions commises, des mesures de réparation, de
régularisation, d'orientation ou de rappel à la loi.
Ces dispositions concernent les faits qui n'ont pas de caractère de gravité et
pour lesquels la saisine des juridictions apparaît inadaptée. Elles pourront
être mises à exécution par les magistrats du parquet eux-mêmes, ou par des
délégués du procureur habilités à cette fin, ce qui renforcera la justice de
proximité.
La mesure de médiation, qui existe déjà à l'article 41 du code de procédure
pénale, permet au procureur de faire procéder à une transaction entre l'auteur
des faits et sa victime, le classement de l'affaire intervenant en cas
d'aboutissement de cet accord. Cette modalité a connu un succès certain. Elle
est une bonne réponse au problème posé, mais il convient aujourd'hui d'aller
plus loin et d'inscrire dans la loi d'autres alternatives aux poursuites, qui
seront mieux adaptées à toutes les formes de délinquance.
C'est ainsi que le projet de texte qui vous est soumis prévoit des mesures
diversifiées qui s'ajoutent à la médiation pénale.
La mesure de réparation permet d'inciter l'auteur des faits à réparer le
dommage causé : je peux citer ici l'exemple de la dégradation légère d'une
porte d'habitation, pour laquelle il sera demandé, soit de dédommager
directement la victime, soit de réaliser des travaux de réfection.
La régularisation vise à solliciter du contrevenant qu'il se mette en règle
avec la loi. Je peux ici citer l'exemple d'une personne qui n'est pas en règle
dans le paiement de sa prime d'assurance automobile. Plutôt que de la
poursuivre, il apparaît plus utile d'exiger qu'elle justifie du paiement de
cette prime.
La mesure d'orientation permet au procureur de la République de demander à
l'auteur des faits de prendre contact avec une structure sociale, sanitaire ou
professionnelle. Par exemple, lorsqu'une affection particulière est à l'origine
de l'infraction, comme l'alcoolisme, l'auteur des faits pourra être conduit à
entreprendre des soins.
Sur ces points, la commission des lois, sur l'initiative de son président,
propose de supprimer du texte présenté ce nouveau dispositif alternatif aux
poursuites, au motif que les questions qu'il traite relèvent non de la loi,
mais d'une circulaire.
Je ne peux, vous le comprendrez aisément, partager cette analyse.
Certes, il existe actuellement des pratiques de classement sans suite sous
conditions.
Mais, en l'absence de texte législatif suffisamment précis, elles sont à la
fois insuffisamment encadrées et insuffisamment nombreuses.
Pour aller au-devant des préoccupations du Sénat, je propose de supprimer du
projet la référence à la possibilité donnée au procureur de procéder à un «
rappel à la loi », à côté des mesures d'orientation, de régularisation, de
réparation et de médiation. Il me semble que, sur ce point, nous devrions
pouvoir trouver un accord, du moins, je l'espère.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a proposé un amendement qui
modifie l'article 41-1 afin de ne plus faire référence à cette possibilité qui
va effectivement de soi et qu'il n'est, dès lors, ni utile ni opportun
d'inscrire dans la loi.
Ainsi modifié, le caractère normatif du texte, qui découle également de la
précision selon laquelle le recours à ces mesures suspend la prescription de
l'action publique, me paraît incontestable. Je souhaite donc très vivement que
le Sénat accepte cet amendement et adopte ainsi l'article 41-1.
Le projet de loi qui vous est soumis institue également de nouvelles réponses
aux faits plus graves.
Ainsi est-il proposé d'instituer une nouvelle procédure, appelée «
compensation judiciaire », qui pourra être utilisée dans les affaires plus
graves pour lesquelles les mesures de l'article 41-1 se révéleraient
insuffisantes.
Le procureur de la République pourra proposer à l'auteur de certains délits -
tels que le vol simple, les dégradations ou les violences entraînant une
incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours - des mesures destinées
à compenser le dommage causé par l'infraction, comme le versement d'une
indemnité de 10 000 francs maximum, la remise temporaire du permis de conduire
ou l'exécution d'un travail en faveur de la collectivité.
Ces mesures ayant le caractère d'une sanction, elles devront être validées par
le président du tribunal de grande instance, conformément aux exigences posées
en cette matière par le Conseil constitutionnel.
L'exécution de ces mesures aura pour effet d'éteindre l'action publique.
Bien évidemment, cette procédure respectera pleinement les droits de la
personne, puisque l'auteur des faits pourra être assisté par un avocat et qu'il
pourra également être entendu, à sa demande, par le président du tribunal.
Il en sera de même pour la victime, dont les droits seront ainsi intégralement
respectés.
La procédure de la compensation judiciaire renforcera le droit à la sûreté,
qui constitue, dans un Etat démocratique, une exigence constitutionnellement
protégée.
La commission a examiné cette procédure de compensation judiciaire avec une
attention toute particulière, qui s'explique sans doute par le fait que le
rapporteur, M. Fauchon, est à l'origine de l'adoption, par le Parlement en
1995, de la procédure d'injonction pénale, qui présente d'évidents liens de
parenté avec le présent texte.
Dans la droite ligne du texte adopté en 1995, la commission propose plusieurs
modifications au projet du Gouvernement. Je puis vous indiquer dès à présent
que je suis favorable à la plupart d'entre elles, même si certaines appellent
de ma part des réserves ou des objections que je développerai lorsque les
amendements viendront en discussion.
Le second objectif de la réforme au service de la justice au quotidien est de
rendre plus simples et plus efficaces les procédures de jugement et
d'enquête.
La loi du 8 février 1995 a notablement élargi la compétence du juge unique en
matière correctionnelle, créant de nouvelles dérogations à la règle du juge
unique. Il n'est pas question de revenir sur les acquis de cette réforme, qui a
permis d'accélérer le traitement des délits les moins graves.
Néanmoins, il est apparu nécessaire d'améliorer le fonctionnement des
audiences tenues par un seul magistrat, en excluant de sa compétence les délits
commis en récidive et en permettant au juge de renvoyer une affaire devant la
formation collégiale du tribunal correctionnel si elle présente une complexité
particulière.
Votre commission accepte d'exclure de la compétence du juge unique les délits
commis en récidive. Elle améliore la portée de cette modification en indiquant
que seuls les délits qui seront punis en récidive d'une peine de plus de cinq
ans d'emprisonnement seront exclus du juge unique. Je suis totalement favorable
à cette amélioration.
En revanche, au regard de la difficulté de l'affaire, votre commission a
rejeté la possibilité pour le juge unique de renvoyer le dossier à la
collégialité. Pour cela, elle estime que cette possibilité, qui a été validée
par le Conseil d'Etat, violerait le principe constitutionnel d'égalité des
justiciables devant la loi. Je suis, quant à moi, persuadée que tel n'est pas
le cas. Je tenterai de vous en convaincre lors de l'examen de cet article.
J'en viens au jugement des contraventions.
Le texte proposé améliore également les procédures de jugement simplifié des
contraventions que sont l'ordonnance pénale et l'amende forfaitaire.
Les dispositions retenues permettront au juge de police statuant sur des
ordonnances pénales sur « papier » de prononcer non seulement des peines
d'amendes, mais également des retraits de permis de conduire, sans avoir à
saisir le tribunal en audience publique. Cette faculté nouvelle est de nature à
accélérer le cours de la justice et à éviter des déplacements inutiles aux
justiciables.
Par ailleurs, la procédure de l'amende forfaitaire, qui est très simple et qui
permet d'éviter un contentieux lourd et inutile, pourra plus facilement être
utilisée. Cette disposition permettra, je crois, une réponse pénale plus rapide
et même immédiate pour nombre de contraventions.
Je me félicite du fait que votre commission accepte ces dispositions qui, au
quotidien, faciliteront le traitement des affaires.
Le projet renforce également, sur de nombreux points, l'efficacité de
l'enquête, de l'instruction et du jugement. S'agissant des moyens
d'investigation supplémentaires pour les parquets, le projet facilite le
recours aux examens techniques au cours des enquêtes de flagrance ou
préliminaire.
Le texte élargit la possibilité pour les procureurs de la République de
recourir, dans le cadre des enquêtes qu'ils conduisent, à des examens qui
permettent de faire progresser les investigations : examens médicaux,
psychologiques ou psychiatriques, examens de véhicules, d'armes...
Le fait de permettre plus facilement au parquet d'utiliser des moyens modernes
d'investigation est de nature à permettre la résolution d'enquêtes sans
alourdir inutilement les cabinets d'instruction, qui pourront se concentrer sur
les affaires complexes nécessitant un investissement en temps important.
C'est là un point très important du projet sur lequel je reviendrai au cours
des débats, car il a suscité certaines questions au sein de votre commission,
même si celle-ci, a, en définitive, adopté ces dispositions.
S'agissant de la simplification de l'instruction, le projet permet également
un achèvement plus rapide des informations en clarifiant les dipositions qui
concernent les réquisitoires supplétifs ainsi que celles qui concernent les
disjonctions.
S'agissant de rationaliser la conservation des scellés, le projet permet, dans
le même esprit, de simplifier les règles concernant la conservation des objets
saisis au cours d'une procédure judiciaire, objets dont la destruction pourra,
dans certains cas, intervenir plus facilement qu'aujourd'hui.
Pour prendre un exemple significatif, il est anormal de constater
qu'actuellement un juge d'instruction ne peut ordonner la destruction des
quantités parfois extrêmement importantes - de l'ordre de plusieurs dizaines de
tonnes - de produits stupéfiants saisis par les douaniers ou les officiers de
police judiciaire. Le projet de loi mettra fin à cette anomalie.
Ainsi le texte proposé tend à alléger considérablement la tâche des greffes et
donc leur permettra de se concentrer sur leurs missions essentielles, notamment
l'accueil du justiciable.
S'agissant des procédures d'audience plus simples, le projet améliore les
audiences correctionnelles en élargissant les cas dans lesquels est autorisée
la représentation du prévenu au cours des débats par un avocat. Une telle
modification permettra d'ailleurs de mettre notre législation en conformité
avec les exigences de la Convention européenne des droits de l'homme.
S'agissant de la rationalisation des comparutions des prévenus devant les
chambres d'accusation, l'article 11 du projet est destiné à limiter les abus
pouvant résulter du droit pour un détenu provisoire à comparaître
personnellement devant la chambre d'accusation en cas d'appel d'une ordonnance
de refus de mise en liberté. Cette disposition découle d'une demande insistante
des praticiens, y compris des avocats.
L'article 19 du projet de loi facilite la procédure de renvoi d'une
juridiction à une autre au sein d'une même cour d'appel. Il permet au premier
président d'une cour d'appel de faire juger une affaire dans un autre tribunal
que celui qui est initialement compétent, lorsque ce dernier ne peut se réunir
à cause d'impossibilités légales.
Actuellement, ce dépaysement est possible uniquement à la suite d'une décision
de la chambre criminelle de la Cour de cassation. Le Gouvernement propose de
déconcentrer cette compétence aux chefs de cour, de manière à alléger la
procédure et à l'accélérer.
De nombreux tribunaux à une chambre, unique dans leur département, ne peuvent
juger des affaires de leur compétence du fait des incompatibilités légales. Il
convient de permettre une gestion souple, et proche du terrain, de ces
difficultés.
Je regrette les propositions de suppression de la commission sur ces deux
derniers points. Je note toutefois qu'elles sont en partie liées à la volonté,
légitime, des sénateurs de connaître plus précisément les autres volets de la
réforme de la procédure pénale proposée par le Gouvernement. Je note donc que
la position de la commission est susceptible d'évoluer, d'autant que ces
dispositions peuvent, sur le fond comme sur la forme, être sans doute
améliorées.
Enfin, le texte prévoit une coopération judiciaire internationale plus facile.
Ainsi, il s'attache à mettre en place des procédures de simplification de la
coopération.
En permettant que les actes effectués pour le compte des autorités judiciaires
étrangères répondent aux impératifs procéduraux de celles-ci et en attribuant
aux procureurs généraux, dans une perspective de déconcentration, certaines
prérogatives actuellement dévolues au ministère de la justice dans ce domaine,
le texte permet une accélération des procédures d'entraide et une meilleure
efficacité de celles-ci.
Ces modifications sont l'occasion d'introduire dans le code de procédure
pénale, pour la première fois dans notre droit, je tiens à le souligner, un
titre spécifiquement consacré à l'entraide pénale internationale, ce qui montre
l'importance croissante de cette question dans la pratique quotidienne des
juridictions, lesquelles sont de plus en plus souvent confrontées à une
délinquance et à une criminalité transfrontières.
Je suis en effet persuadée que la coopération judiciaire internationale doit
être développée, simplifiée et accélérée. C'est un enjeu fondamental pour notre
procédure pénale, et je tiens évidemment beaucoup à ce que cette disposition
puisse recueillir, mesdames, messieurs les sénateurs, votre approbation.
Telles sont les principales dispositions de ce projet de loi dont l'objectif
commun est de renforcer l'efficacité de l'action de la justice pénale.
Donner une réponse systématique à tous les actes de délinquance, simplifier
l'accès au juge, améliorer le déroulement des enquêtes et des jugements : voilà
autant de réponses qui permettront de rapprocher la justice des citoyens.
En adoptant ce projet de loi, votre assemblée apportera une première pierre
importante à la réforme globale de la justice que nous devons appeler de nos
voeux.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE. -
M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, de
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Madame le
garde des sceaux, vous venez de nous présenter, comme vous l'aviez d'ailleurs
fait hier matin devant la commission des lois, les divers textes - qui sont, si
j'ai bien compris, au nombre de sept - concernant la justice, et plus
spécialement la justice pénale. C'est un vaste chantier.
C'est dans ce vaste chantier que le présent texte nous invite à entrer !
Un regard superficiel pourrait donner à penser que nous n'y entrons pas par la
porte triomphale réservée au texte constitutionnel dont s'occupe M. Jolibois ni
même par une porte principale, mais plutôt par une sorte de porte de service et
peut-être même par une porte de secours.
Les diverses dispositions de procédure pénale que contient ce texte présentent
en effet un caractère tout à fait modeste, technique et quelque peu disparate.
Il semble qu'elles n'aient d'autre lien entre elles que celui que crée l'état
de nécessité dans lequel se trouve la justice.
J'appliquerais donc au présent projet de loi, si j'osais, non la dénomination
de
patchwork,
qui évoque de plus brillantes et harmonieuses
compositions, mais plutôt celle de pot-pourri, voire celle de mendiant, dans le
sens quelque peu désuet, et gastronomique, du terme ; les mendiants sont
d'ailleurs tout à fait agréables à consommer.
La justice en est-elle réduite à la mendicité ? C'est une question qu'il est
quelquefois permis de se poser en dépit de ce qu'affirment, avec une hardiesse
que j'ai admirée, les premières lignes de l'exposé des motifs du projet de loi,
selon lesquelles, « parce qu'elle constitue un service public, l'institution
judiciaire doit apporter aux faits dont elle est saisie des réponses rapides et
efficaces ».
Voilà qui est sans doute magnifique dans l'énoncé, mais je préfère ne pas
commenter cette proclamation. La commission des lois a déjà eu en effet
l'occasion de dire ce qu'elle pensait de la triste situation judiciaire de
notre pays, et la qualité des efforts, auxquels nous rendons tous hommage, que
vous déployez, madame le garde des sceaux, non sans succès d'ailleurs, pour
l'améliorer ici ou là ne saurait nous dispenser du devoir de lucidité qui est
l'une des raisons d'être majeures de notre assemblée.
C'est d'ailleurs sous le signe de la lucidité que nous avons abordé les
diverses mesures proposées, qui ont en commun de tendre à une meilleure
efficacité de notre justice pénale.
Je ne crois pas qu'il soit nécessaire, du haut de cette tribune, de faire un
commentaire approprié de chacune de ces mesures - vous venez, madame le garde
des sceaux, d'en faire la présentation - et je m'en tiendrai donc à l'analyse
du système de compensation judiciaire proposé par vous-même, dans lequel nous
avons été très intéressés, vous l'avez deviné, de retrouver, en partie du
moins, une conception à laquelle nous attachons une assez grande importance.
Vous avez exposé le mécanisme de cette nouvelle « alternative », comme on dit,
aux poursuites classiques. Je n'y reviendrai donc que pour en souligner les
traits essentiels concernant soit la nature même de cette alternative - c'est
le point le plus intéressant - soit ses modalités de mise en oeuvre.
La nature de ce que vous appelez « compensation » - terme qui, vous le savez,
nous pose quelques problèmes - est d'introduire dans le mécanisme de la justice
pénale le principe du « plaidé-coupable » et d'en faire la pierre angulaire
d'une procédure profondément innovante dans la mesure où elle substitue le
principe de responsabilité à celui de répression.
Cela résulte de la phrase clé de votre texte, selon laquelle le procureur de
la République peut proposer, à titre de compensation judiciaire, à une personne
majeure qui reconnaît avoir commis un ou plusieurs délits - ils sont énumérés
pour former une catégorie limitée à la délinquance de masse - une ou plusieurs
mesures qui comprennent éventuellement la réparation du préjudice causé par le
délit.
Il s'agit donc non plus, si l'on veut parler clairement, de prononcer une
sanction après avoir « entendu » les parties comme on le fait dans la poursuite
classique, mais de déterminer à l'amiable, c'est-à-dire dans une relation
humaine toute différente de celle qui caractérise l'audience, la reconnaissance
du délit et les modalités des réparations pénales et civiles de celui-ci.
Je crois pouvoir dire que, sous son apparence modeste et pragmatique, cette
nouvelle approche - vous avez bien voulu rappeler que je m'étais beaucoup
intéressé à ce projet voilà quelques années, je vous en remercie - porte en
elle le germe d'une petite révolution dans notre justice pénale, jusqu'ici
figée et enfermée dans le concept de la répression et que cette révolution va
dans le sens d'une meilleure prise en compte de la dignité humaine, d'une
meilleure efficacité, non seulement par la simplification des procédures, mais,
beaucoup plus profondément et, à terme, beaucoup plus légitimement, parce que
la conscience de la faute et l'acceptation de la réparation sont de meilleures
gages d'amendement.
C'est pourquoi, nous accueillons très positivement ce projet, comme nous
avions accueilli voilà quelques années son précurseur présenté par M.
Méhaignerie. Nous avons regretté qu'il ait été victime d'un recours devant le
Conseil constitutionnel, dont les auteurs sont présents dans cet hémicycle, au
titre, non du principe que je viens d'évoquer, car ce n'est pas ce principe qui
a été contesté, mais pour des modalités de mise en oeuvre dont nous parlerons
dans un instant.
Acceptant donc le principe de cette alternative, nous souhaitons seulement
qu'elle s'exprime clairement dans un texte dont la rédaction initiale donne
quelquefois à penser qu'il n'ose pas annoncer une idée, cependant neuve et
intéressante, pour ce qu'elle est, ce qui est en particulier le cas pour la
dénomination de cette nouvelle voie ; nous y reviendrons tout à l'heure.
S'agissant de la mise en oeuvre de cette alternative, question bien distincte
du concept lui-même, nous éprouvons en revanche inévitablement, après ce qui
s'est passé, quelques hésitations, quelques scrupules.
Les scrupules portent sur le fait de confier la gestion de cette nouvelle
procédure au parquet, alors qu'il s'agit tout de même et essentiellement d'une
mission de juge, sans ignorer pour autant que seuls les parquets peuvent la
mettre en oeuvre dans les conditions d'efficacité que nous souhaitons tous.
Nous partageons tous ces scrupules, même s'ils sont très atténués par la
considération de la liste des délits concernés et, surtout, par la
considération du fait que l'appréciation du parquet conduirait le plus souvent
à un classement sans suite des affaires concernées, ce qui est encore pire que
le traitement par le procureur. Il faut tout de même établir une hiérarchie
entre différents inconvénients ; il le faudrait, du moins.
Nous nous souvenons que le projet mis au point avec M. Méhaignerie avait été
condamné par le Conseil constitutionnel pour la raison qu'il permettait à des
procureurs d'imposer des mesures privatrices de liberté. Sur le plan des
principes, il faut bien le dire, la raison invoquée était parfaitement
compréhensible : nous nous sommes donc inclinés.
Il nous semble avec vous, cependant, que cet inconvénient - bien théorique,
avouons-le - se trouve corrigé par le fait que la compensation ou la
composition sera soumise au président du tribunal pour validation.
Plus regrettable, pour la majorité d'entre nous, est le fait qu'en confiant
cette procédure aux procureurs, la Chancellerie semble écarter ce qui reste à
nos yeux la seule solution d'ensemble du problème posé par le « contentieux de
masse », dont les délits justiciables de la « compensation » font évidemment
partie.
Mme le garde des secaux, je crois que c'est M. Mansholt qui disait : « Militer
pour une idée, c'est enfoncer de longues pointes dans des planches épaisses ;
il faut taper sur le clou sans relâche pendant des années. » Je vais donc taper
encore sur le clou pour faire avancer les choses tant bien que mal, au risque
de paraître entêté en vous rappelant une nouvelle fois que les difficultés les
plus graves de notre justice sont dans son manque de moyens et nulle part
ailleurs, j'ose le dire. Elles proviennent de la prolifération d'un contentieux
de masse que les processus actuels ne parviennent pas à traiter convenablement
ni d'un point de vue quantitatif ni d'un point de vue qualitatif qui est tout
aussi important à nos yeux.
La seule réponse, croyons-nous, à ce problème réside dans une restauration et
une extension du rôle des tribunaux d'instance, combinant la vieille tradition
des justices de paix et les apports des formes judiciaires nouvelles, en
particulier celles des maisons de justice, qui nous paraissent tout à fait
appropriées à ce type de contentieux,...
M. Jean Chérioux.
Très bien !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
... avec des effectifs renforcés massivement par la
mobilisation des juges à titre temporaire créés en 1995, un peu à l'image de ce
qui se passe depuis des siècles en Grande-Bretagne avec les
magistrates
courts.
Dans ce cadre, la formule de la composition confiée à des juges du siège
s'épanouirait pleinement au lieu de s'introduire par une porte dérobée dans la
gestion quotidienne des parquets, dont ce n'est pas la vocation première.
Il est clair que le système aujourd'hui proposé n'entre pas dans cette voie,
ce qui, joint à une certaine fragilité constitutionnelle, ne nous encourageait
pas à l'accepter.
Cependant, le réalisme et le souci d'efficacité nous recommandent de ne pas
laisser passer l'occasion de poser le germe d'une voie nouvelle, fondée sur le
principe du « plaidé coupable ». La majorité d'entre nous a la conviction que
cette voie est non un expédient uniquement destiné à réduire le classement sans
suite mais bien l'expression d'un concept nouveau de procédure pénale.
Ce concept, il est urgent de l'expérimenter, en nourrissant l'espoir que, avec
le concours actif des magistrats du parquet et de leurs auxiliaires, qui y sont
favorablement disposés, cette expérience sera satisfaisante et permettra, dans
une étape ultérieure, l'extension de cette nouvelle approche qui fait
prévaloir, dans le mécanisme de la procédure pénale, l'idée de responsabilité
sur celle de la répression. Ce serait là une profonde modification culturelle
de notre système pénal, et je crois qu'elle serait la bienvenue.
C'est pour ces raisons et dans cet esprit, madame le garde des sceaux, que la
commission des lois invite notre assemblée à aborder de manière positive votre
projet de compensation judiciaire ainsi que l'ensemble des dispositions
présentées.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des
Républicains et Indépendants, et du RPR. - M. Badinter applaudit
également.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 44 minutes ;
Groupe socialiste, 37 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 31 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues,
l'excellente analyse qu'a présentée M. Fauchon, au nom de la commission des
lois, me permettra d'être bref, car je suis d'accord avec tout ce qu'il a
dit.
Ayant moi-même participé au débat sur l'injonction pénale, je considère que
c'est une alternative aux poursuites de même nature qui nous est proposée, mais
sous une autre forme et munie de toutes les garanties dont l'absence avait
empêché cette injonction pénale de prospérer. Dès lors, je ne peux qu'être
favorable, ainsi que mon groupe, aux dispositions qui nous sont présentées.
Madame le garde des sceaux, avec ce projet de loi, vous nous soumettez en fait
quelques-unes des pierres de l'édifice qui va être construit, ou reconstruit :
la grande maison de la justice.
Ce matin, la commission des lois a été amenée à examiner le projet de loi
constitutionnelle concernant le Conseil supérieur de la magistrature,
c'est-à-dire le faîte de l'édifice. Cet après-midi, il s'agit plutôt d'un de
ses éléments de base.
Cela dit, même si vous avez présenté vos grandes orientations devant le Sénat,
il est parfois difficile de savoir exactement ce que sera la construction
définitive, et les plans d'exécution ne sont pas nécessairement parfaitement
clairs pour les parlementaires.
En vérité, ce texte est constitué de nombreuses pierres, si bien qu'il est
difficile d'en faire la synthèse. Du reste, il est de plus en plus fréquent
qu'on nous soumette des textes portant diverses dispositions : même si chacune
d'elles a sa justification, l'exercice auquel nous sommes contraints est
extrêmement délicat. Cette tendance à la « législation en dentelle » ne me
paraît pas des plus heureuses, car elle nous amène à modifier nos codes petit
morceau par petit morceau, ce qui ne contribue guère à la clarté.
Souvent, les modifications proposées sont dictées par les orientations
nouvelles de la jurisprudence, par des rapports de la Cour de cassation, au
demeurant toujours parfaitement fondés, mais il serait sans doute préférable
que le code de procédure pénale, par exemple, fasse l'objet d'une réforme
d'ensemble.
Ces remarques étant faites, j'en viens, madame le garde des sceaux, à l'objet
essentiel de votre projet de loi : la compensation judiciaire.
J'ai bien entendu ce que vous avez dit de la médiation, qui existe et qui
fonctionne bien. Notre rapporteur a fourni des éléments concernant notamment
une juridiction de Seine-et-Marne où le nombre de médiations est important ;
cela montre que c'est une voie efficace et qu'on peut la suivre.
A la suite de la censure du Conseil constitutionnel, dans la loi du 8 février
1995, seule la médiation a été retenue. Cette loi n'a donc pu aller jusqu'à ce
que vous nous proposez aujourd'hui.
Je crois que la validation par le juge est indispensable et qu'elle donne
toutes garanties sur le plan constitutionnel. Cela étant, pour être efficace,
cette procédure doit rester souple et simple. Sinon, mieux vaudrait renvoyer
tout le monde devant la juridiction ! Il est évident que, si l'on introduit des
complications extrêmes dans une telle procédure, on risque fort de ne pas
atteindre l'objectif qu'on s'était fixé.
Je note au passage que l'obligation de validation par le juge - c'était
l'exigence du Conseil constitutionnel - démontre bien que les magistrats du
parquet ne sont pas des juges. Dès lors, confondre les métiers de magistrat du
siège et de magistrat du parquet, comme certains semblent vouloir le faire,
pour établir une égalité entre les uns et les autres, alors que les fonctions
sont différentes, me paraîtrait ne pas aller dans le sens de la nécessaire
clarification, surtout aux yeux de l'opinion publique, du fonctionnement de la
justice. Mais ce sont là des principes que nous serons sans doute amenés à
rappeler à l'occasion d'autres débats.
Face au contentieux de masse, il est évident que, sauf à rêver que les
magistrats soient en nombre suffisant, il faut un palliatif. A cet égard, je
fais miens les propos qu'a tenus M. Pierre Fauchon concernant les « juges à
temps partiels ». Si le système qui est inscrit dans la loi a si peu connu de
traductions concrètes, c'est que l'institution judiciaire n'y est manifestement
guère favorable.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est pour M. Toubon que vous dites cela !
M. Jean-Jacques Hyest.
Je n'ai pas cité de nom, mon cher collègue, j'ai parlé de l'« institution »
!
Madame le garde des sceaux, je demeure persuadé que nous manquons de juges en
France et qu'il faudrait augmenter leur nombre. Je crois surtout qu'il faudrait
revoir la carte judiciaire.
C'est d'ailleurs parce que nous souhaitons une réforme de la carte judiciaire
que l'article 19 du projet de loi n'a pas été accepté, si ma mémoire est bonne,
par la commission des lois.
J'ai lu récemment dans le
Journal officiel
qu'un nouveau délégué à la
réforme de la carte judiciaire avait été nommé. Je pense qu'il sera aussi
efficace que ses prédécesseurs et qu'il pourra bientôt fournir des conclusions
qui seront mises en oeuvre !
Par ailleurs, s'agissant des dispositions relatives au juge unique, un
problème de constitutionnalité risque de se poser puisque le Conseil
constitutionnel avait censuré la possibilité d'avoir ce choix entre le juge
unique et la collégialité dans le domaine pénal.
Enfin, pour ce qui est de l'entraide judiciaire internationale, madame le
garde des sceaux, votre proposition me paraît extrêmement opportune.
En effet, les procédures actuelles sont extrêmement longues, car les demandes
doivent passer par le ministère de la justice. La déconcentration au niveau des
procureurs généraux ne peut qu'être la source d'une efficacité plus grande,
notamment dans la lutte contre la grande criminalité internationale et pour
tout ce qui concerne les accords de Schengen.
Je conclurai cette intervention en évoquant la petite délinquance, qui est de
plus en plus le fait de mineurs, car un certain nombre de dispositions
paraissent ne s'appliquer qu'aux majeurs. Voilà encore une pierre à ajouter à
l'édifice, madame le garde des sceaux !
Bien sûr, il faut réprimer mais il faut aussi songer à la réparation des
délits commis par les mineurs. Des alternatives sont, là encore, nécessaires,
qui doivent être appliquées plus systématiquement et avec plus de vigueur, afin
d'éviter que nos concitoyens ne se considèrent en insécurité permanente face à
une délinquance qui s'exerce de plus en plus sur la voie publique et que les
forces de police et de gendarmerie ne sont pas, aujourd'hui, en mesure de
contrer véritablement. Faute de réponse judiciaire à ces problèmes de société,
je crains bien que nous n'allions vers de plus grandes difficultés.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, à
juste titre, on a évoqué le caractère vaste des réformes entreprises et
l'aspect un peu « mosaïque » du texte qui nous est soumis aujourd'hui.
Pour ma part, j'y distingue tout de même un double fil conducteur : le
premier, c'est la volonté politique, que je salue et que je soutiendrai
toujours, d'amélioration, si nécessaire, de notre justice au quotidien ; le
second, c'est la manifestation de l'excellence technique de la direction des
services criminels, qu'il me plaît de souligner. Car je vois bien, au travers
de toutes les dispositions techniques composant ce texte, qui n'est qu'en
apparence disparate, le souci constant de faire progresser techniquement le
fonctionnement de notre procédure pénale.
Cependant, il est un problème qui me semble n'avoir pas été pris en compte, et
cela apparaît très nettement dans le rapport de notre éminent collègue M.
Fauchon.
S'agissant du sentiment d'insécurité, de l'inquiétude dont témoignent les
justiciables au regard d'une délinquance croissante, que la justice ne
traiterait ni assez vite ni assez bien, il y a un maillon de la chaîne qui est
par trop méconnu.
Dans ce texte, il est beaucoup question du classement sans suite. Pour qu'une
réponse soit apportée à la victime d'une infraction, il faut évidemment que
l'auteur ait été identifié. Je suis la victime, je porte plainte ; si l'auteur
n'est jamais identifié, au terme d'une enquête menée dans des délais
raisonnables, j'éprouverai un profond ressentiment face à l'absence de
sanction.
L'identification de l'auteur de l'infraction, c'est le maillon méconnu dont je
parlais à l'instant, entre l'infraction et la réponse pénale.
Quand on parle de l'accroissement constant du pourcentage des classements sans
suite, on ne tient pas compte de cet élément essentiel.
En examinant de près le tableau qui figure à la page 8 du rapport de M.
Fauchon, j'ai été frappé par le démenti factuel qu'il apporte aux clichés dans
lesquels baigne notre justice pénale.
Nous sommes tous convaincus que nous vivons en état d'inflation de la
délinquance, et il est certain que le nombre d'infractions dénoncées ne cesse
de croître. Nombre de Français croient donc que nous vivons en état d'inflation
judiciaire pénale, c'est-à-dire que le nombre d'affaires pénales qui sont
soumises à l'autorité judiciaire ne cesse lui-même de croître, la réponse
habituelle étant le classement sans suite. Or, en l'occurence, la réalité est
tout à fait différente : dans le domaine pénal, l'institution judiciaire
connaît non une inflation mais, au contraire, une légère déflation.
Observons d'abord l'évolution du nombre des procédures transmises au parquet
de 1987 à 1996, c'est-à-dire sur dix ans : nous sommes passés de 5 352 624 en
1987 à 5 185 495 en 1996, ce qui veut dire que non seulement ce nombre n'a pas
crû, mais encore qu'il marque une légère diminution, de l'ordre de 0,2 %.
Evidemment, cette évolution est à comparer à l'inflation de la délinquance sur
la même période.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
L'écart s'est, en effet, accru.
M. Robert Badinter.
Ainsi, non seulement le nombre d'affaires transmises au parquet n'a pas
augmenté, mais il a même légèrement diminué.
J'en viens maintenant au nombre de procédures classées sans suite. Le
pourcentage se situe aux alentours de 80 % en 1995 et en 1996, contre 70 % en
1987. On en déduit donc qu'il y a accroissement du nombre des classements sans
suite. Là encore, ce n'est pas exact au regard de la réalité.
En effet, lorsque l'auteur d'une infraction n'est pas identifié, on ne peut
bien évidemment qu'aboutir à un classement sans suite. Or, mis à part les cas
où les faits ne sont pas juridiquement des infractions ou sont couverts par la
prescription, le choix du parquet dans sa politique de classement ne s'exerce
qu'au regard d'affaires dans lesquelles le ou les auteurs présumés ont été
identifiés, interpellés et, si besoin est, déférés.
Mais quel est donc le taux, à cet égard, des affaires avec auteur connu ?
C'est là qu'on est véritablement saisi de stupéfaction : en 1987, sur les 5 352
624 procédures transmises, 63 % étaient avec auteur connu, ce qui est tout à
fait remarquable, contre 39 % en 1996 !
En revanche, le nombre de procédures avec auteur inconnu était, en 1987, de 37
%, soit un peu plus d'un tiers, contre, aujourd'hui, 61 %, c'est-à-dire près
des deux tiers.
En d'autres termes, sur dix ans, lorsque nous examinons la situation du point
de vue du parquet, nous constatons qu'il est saisi d'un nombre légèrement
inférieur d'affaires mais que, hélas ! dans ces procédures, le taux
d'élucidation qui, je le rappelle, conditionne l'exercice de l'action publique,
a fléchi, lui, d'une façon considérable.
La situation appelle donc une réflexion approfondie, car ces chiffres
signifient, en clair, que la question première, celle qui se pose de la façon
la plus sèche à l'institution judiciaire, y compris à la police judiciaire,
n'est plus celle de la politique de classement ou de non-classement mais bien
celle du taux d'élucidation.
Or, avec une masse croissante d'infractions et une masse croissante de
dossiers classés sans suite pour cause d'auteurs non identifiés, vous êtes dans
la pire des situations. Car, à l'évidence, ce que le justiciable ne manque pas
de ressentir alors, c'est l'ineffectivité non pas de l'institution judiciaire
mais, il faut bien le dire, de l'enquête de police judiciaire. Je comprends
d'ailleurs qu'au vu de ces données, les chefs de parquet puissent ressentir
sinon de l'amertume - mais les magistrats sont des gens courtois - tout au
moins une certaine irritation.
Je prends pour témoignage une excellente chronique, toute récente et que l'on
trouvera dans l'édition du 6 mars 1998 du
Jurisclasseur-Droit pénal,
dans laquelle, à l'occasion d'un discours de rentrée solennelle, un
procureur général fait état de la situation dans son ressort.
Cet éminent magistrat nous livre les résultats d'une étude à laquelle il a
fait procéder et qui est relative à l'activité des cinq parquets du ressort de
sa cour, au regard précisément du problème du classement sans suite.
Ces résultats, qui restituent une vision des choses plus objective, plus
réaliste et plus gratifiante pour la justice, montrent que les cinq parquets
concernés ont classé, en 1997, 82,76 % des affaires enregistrées. Chiffre, se
dit-on, effrayant. Cependant, sur ces 82,76 % de procédures classées, 77,4 %
représentent des affaires dont les auteurs sont demeurés inconnus. Et je cite «
Quant aux affaires dont l'auteur est connu et qui sont cependant classées,
elles ne constituent que 14 % de l'ensemble des procès-verbaux enregistrés, 18
% de l'ensemble des classements, 42,47 % de l'ensemble des affaires avec
auteurs connus. »
Par conséquent, le taux de classement sans suite lorsque les auteurs sont
connus est tout à fait raisonnable et d'ailleurs, je me permets de le
souligner, il a diminué au niveau national, cette fois : alors qu'il était de
51 % en 1987, en 1996, il n'était plus que de 45 % !
Il n'y a donc pas eu une politique « inflationniste » du classement sans
suite, elle a même été « déflationniste » dans la mesure où l'auteur était
identifié.
Le véritable problème, et il est majeur, transparaît au travers des chiffres
désolants que je vais maintenant évoqués, chiffres antérieurs, certes, au
changement de gouvernement, mais dont la signification réelle mérite d'être
méditée.
Ainsi, en 1994, le taux d'élucidation moyen national par les services de
police et de gendarmerie pour l'ensemble des vols et des recels dépassait à
peine 14 %, contre 13 % pour l'ensemble des destructions et des dégradations de
biens, et n'atteignait péniblement que 10 % pour les cambriolages.
Dans ces conditions, quelles que soient les mesures législatives que l'on
prendra dans le domaine de la procédure pénale, pour les justiciables, pour les
victimes d'infraction, on butte sur ce véritable mur que constituent ces
pourcentages : dans 90 % des cambriolages, l'auteur ne sera jamais identifié et
il en ira hélas ! de même dans 86 % des vols et des recels !
A la lumière de ces constats, comment ne pas s'interroger sur ce que doit être
la première préoccupation, s'agissant de l'exigence de sécurité ? D'ailleurs,
je le souligne, il n'y a pas de « droit à la sécurité ». La sécurité est un
objectif, de valeur constitutionnelle, certes, mais on comprend pourquoi cela
ne peut être qu'un objectif. Il est bien évident que, pour tendre vers cet
objectif et pour répondre à ce sentiment que l'on évoque, la première des
exigences doit concerner l'utilisation des forces de police judiciaire.
Pour ma part, je pense que le Gouvernement, dont je sais que c'est à juste
titre une préoccupation essentielle, doit se pencher sur ces données et
s'interroger car, comme le disait notre ami Gaston Defferre, c'est très bien de
rassurer la population en mettant des képis dans la rue, mais cela ne sert à
rien si pour chaque infraction - cambriolage, vol de moto ou d'automobile -
rien ne se passe au-delà du dépôt de la plainte. On comprend alors l'amertume
et l'inquiétude de nos concitoyens !
Je constate donc, pour ma part, au regard de ces données, que la politique de
classement sans suite pratiquée par les parquets n'est pas laxiste et n'a pas
pour objet de faire face à une surinflation judiciaire que ceux-ci ne sauraient
pas traiter, faute de moyens. Les parquets ont, au contraire, une politique de
classement sans suite qui me paraît raisonnable et qui s'inscrit dans la norme.
Ce qui décroît, hélas, c'est le nombre d'affaires élucidées par rapport au
nombre d'infractions commises.
Ce rappel étant fait, les mesures que vous nous proposez, madame le garde des
sceaux, sont techniquement bienvenues et marquent la volonté d'inscrire fort
justement dans la loi des améliorations en matière d'alternatives aux
poursuites.
Je n'insisterai pas sur la médiation pénale ; cela va de soi. Elle est née de
pratiques du parquet. D'ailleurs, je me souviens très bien de son origine.
Entre 1983 et 1985, des procureurs de la République qui l'ont lancée dans la
banlieue de Paris étaient venus à la Chancellerie nous parler de cette
expérience. Il était tout à fait louable qu'ils entreprennent ainsi
spontanément, sur le terrain, la recherche de moyens et de techniques qui
permettraient à la fois de satisfaire la victime et, en même temps, de donner
au classement une dimension autre que la prise en considération de la
personnalité du délinquant à travers également la réparation du trouble causé
par l'infraction.
Il est tout à fait pertinent, à cet égard, que la médiation pénale ait été
inscrite, en 1993, dans la loi et je vous félicite d'avoir repris les
dispositions qui tendent à introduire une composition judiciaire - composition
pénale, injonction pénale, peu importe l'expression, cela ne change rien -
cette procédure étant souhaitable pour ce type d'affaire.
Le dispositif qui avait été proposé, et adopté, en 1995 répondait à une
exigence, mais ne satisfaisait pas aux principes constitutionnels. Le Conseil
constitutionnel avait déclaré, comme, je pense, il convenait, que certaines
mesures susceptibles de faire l'objet d'une injonction pénale pouvaient être de
nature à porter atteinte à la liberté individuelle. Il suffit, pour en juger,
de lire la liste des mesures proposées. Le Conseil constitutionnel, dans sa
décision du 2 février 1995, ajoutait que « dans le cas où elles sont prononcées
par un tribunal, elles constituent des sanctions pénales ; que le prononcé et
l'exécution de telles mesures, même avec l'accord de la personne susceptible
d'être pénalement poursuivie, ne peuvent, s'agissant de la répression de délits
de droit commun, intervenir à la seule diligence d'une autorité chargée de
l'action publique, mais requièrent la décision d'une autorité de jugement...
».
Je suis surpris que l'on ait attendu trois ans pour tirer les conséquences de
ce qui figurait en toutes lettres dans cette décision, à savoir qu'il
convenait, une fois le projet d'accord intervenu, de le soumettre à une
autorité de jugement.
Si l'on s'oriente dans la direction de ce que les Américains appellent le
plea bargaining,
au moins faut-il être sûr que cela ne se passera pas en
tête à tête entre une partie toute puissante - la partie poursuivante l'est -
et un délinquant qui, par définition, ne l'est pas. Il convient, à cet égard,
que le contrôle d'un magistrat du siège soit prévu. C'est tout à la fois un
rééquilibrage des droits des parties et un contrôle par l'autorité judiciaire,
gardienne de la liberté individuelle quand il s'agit de mesures pouvant porter
atteinte à celle-ci.
Encore une fois, vous avez tout à fait raison de proposer les dispositions
législatives qui sont nécessaires pour que, ainsi, toute inconstitutionnalité
étant écartée, on puisse bénéficier de cette procédure née de la pratique.
Il en va de même des autres dispositions que vous nous proposez, madame le
garde des sceaux. Les parquets dynamiques y ont déjà recours ; les légaliser
est mieux encore, car ces expériences se généraliseront, pour la plus grande
satisfaction - je le pense - des justiciables.
Evidemment, et nul doute que cela fera l'objet de débats lors de la discussion
des amendements, un certain nombre d'améliorations techniques vous seront
soumises, notamment par notre ami M. Dreyfus-Schmidt.
Pour ma part, j'estime que le texte, assurément, doit être voté. Le groupe
socialiste vous soutiendra dans votre effort, non sans vous avoir félicitée de
votre continuité et de l'énergie que vous apportez à cette amélioration de la
justice.
Cependant, madame le garde des sceaux, nous pouvons nous doter des meilleures
dispositions législatives en matière de procédure pénale, mais si le taux
d'élucidation des affaires ne cesse de décroître, elles ne parviendront guère à
apaiser l'inquiétude de nos concitoyens.
(Applaudissements sur les travées
socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen et sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de
loi que nous examinons aujourd'hui constitue le premier des sept textes
annoncés à ce jour concernant la première phase d'une réforme de la justice à
laquelle le Gouvernement et sa majorité sont particulièrement attachés.
Il n'est pas nouveau d'indiquer que la justice ne se porte pas bien dans
notre pays. Voilà des années que ce constat est dressé.
La lenteur des procédures, la complexité de la loi mais aussi la perception
par l'opinion d'une dépendance à l'égard du pouvoir politique pèsent sur la
confiance des citoyens envers l'institution judiciaire.
Le sondage publié voilà près d'un an par un quotidien du soir est toujours
d'actualité : 66 % des Français ont une mauvaise image de la justice, 77 %
indiquent qu'elle ne dispose pas de moyens suffisants et 87 % qu'elle est
plutôt vieillotte.
Quels étaient les souhaits des sondés ?
Pour 76 % d'entre eux, il fallait accélérer les délais de procédures et de
jugements ; pour 47 %, il convenait de renforcer l'égalité des citoyens devant
la justice et pour 44 %, il fallait faciliter l'accès des citoyens à la justice
et simplifier les procédures. Enfin, 82 % des sondés estimaient que la justice
était soumise au pouvoir politique et 73 % jugeaient que l'indulgence est plus
grande à l'égard des hommes politiques.
Ce rappel de l'état de l'opinion, avec toute la prudence et la réserve que
peut susciter la méthode des sondages, était, selon moi, nécessaire pour
souligner l'ampleur du travail à effectuer, son urgence, et donc pour approuver
l'engagement du débat sur la réforme que vous proposez, madame la ministre.
Les débats à venir relatifs au Conseil supérieur de la magistrature et au
statut du parquet nous permettront d'aborder de manière plus approfondie les
rapports entre pouvoir politique et justice, entre presse et justice.
En ce qui concerne notre discussion d'aujourd'hui, un premier regret tient à
un manque de lisibilité dû à la multiplicité des textes, que j'évoquais
d'entrée, et à leur ordonnancement.
Pourquoi le Sénat aborde-t-il la grande réforme par le biais d'un texte
composé de dispositions diverses qui aurait dû clôturer le débat plutôt que
l'entamer ?
Cette remarque de pure forme étant formulée, venons-en au projet de loi qui
nous intéresse aujourd'hui.
Selon nous, deux aspects du texte se dégagent : d'une part, les alternatives
aux poursuites avec la création de la procédure de compensation judiciaire et,
d'autre part, la limitation du champ d'intervention du juge unique.
Comme je l'ai indiqué, les Français perdent confiance en leur justice. Mais,
dans le même temps, le recours au droit explose. En vingt ans, le nombre
d'affaires traitées par la justice est passé de 826 000 à 1 886 000.
Or, dans la même période, le nombre de magistrats, lui, est passé de 5 000 en
1975 à 6 135.
Les délais de jugement se sont bien évidemment accrus, pour atteindre
quarante-cinq mois pour les procédures criminelles.
Nous avons souligné et approuvé, à l'occasion du dernier débat budgétaire,
l'effort du Gouvernement à l'égard de la justice. Mais cet effort ne sera
payant que s'il est maintenu et renforcé dans la durée. Nous comptons sur vous,
madame la ministre, pour nous rassurer sur ce point.
La justice est donc engorgée en amont, mais elle l'est également en aval, au
regard de la surpopulation pénale.
Aujourd'hui, sont détenues en France près de 55 000 personnes pour une
capacité de 50 000 places.
Cette surpopulation carcérale est déjà un problème en soi, mais elle devient
insupportable lorsque l'on sait que plus de 40 % de ces détenus sont des
prévenus. La durée de la détention provisoire augmente toujours, puisqu'elle
est passée de 3,5 mois en 1992 à 4,2 mois en 1996.
Ce constat doit susciter, d'urgence, une réflexion sur les alternatives à
l'incarcération et sur une révision du nouveau code pénal qui a trop souvent
alourdi les peines de prison.
Au regard de cette analyse, engorgement en amont et en aval de la justice, le
développement des alternatives aux poursuites pénales paraît hautement
souhaitable.
Nous approuvons pleinement la première phrase de l'exposé des motifs : « Parce
qu'elle constitue un service public, l'institution judiciaire doit apporter aux
faits dont elle est saisie des réponses rapides et efficaces. »
Le nouveau mécanisme que le projet de loi prévoit en introduisant les articles
41-1 et 41-2 dans le code de procédure pénale suscite cependant des
interrogations et des réserves de notre part.
De fait, le rôle du parquet est renforcé par le dispositif prévu. C'est lui
qui décide et engage la mise en oeuvre des alternatives. L'autorité de jugement
n'est sollicitée que pour valider la procédure. Il est à craindre que cette
validation ne soit de pure forme étant donné l'engorgement des tribunaux.
Cette remarque est fondée non pas sur une hostilité de principe au parquet,
mais sur une réserve quant à son rôle et à ses rapports avec les pouvoirs
publics, dont nous n'avons pas encore précisément débattu dans cet
hémicycle.
Notre interrogation porte également sur le devenir du principe du
contradictoire dans ce cadre. Du point de vue tant de la défense que des
parties civiles, l'absence de poursuites peut nuire aux intérêts de chacun. Je
me permets d'insister, madame la ministre, sur le fait que c'est l'action
publique qui, souvent, permet aux victimes de peser sur le cours de la
justice.
Les droits de la défense sont également quelque peu malmenés, puisque la
possibilité, et non pas la nécessité, de la présence de l'avocat n'est
qu'effleurée par le projet de loi.
Voilà trois ans, à l'occasion du débat sur la transaction pénale initiée par
M. Méhaignerie, relayé par M. Fauchon ici même, mon ami Charles Lederman avait
également souligné les dangers à l'égard de la présomption d'innocence.
Cette procédure, qui s'apparente au « plaidé coupable » d'inspiration
anglo-saxonne, pousse de fait aux aveux.
Souvent, une personne, pour éviter les tracasseries de poursuites et - qui
sait ? - l'erreur judiciaire, avouera et compensera le délit.
Nos interrogations, vous le constatez, madame la ministre, sont réelles. Elles
ne sont pas nouvelles, puisque, voilà quatre ans, nombreux avaient été les
parlementaires de tous bords à refuser une évolution de la procédure pénale en
rupture avec certains principes essentiels de notre droit.
Mais, je le répète, une réforme audacieuse du parquet peut aider à dépasser
nos réticences, qui, pour l'instant, sont réelles.
Il est un point sur lequel nous butons, c'est celui de l'indemnité
compensatrice.
En 1994, déjà, je m'étais personnellement élevé contre l'introduction de
l'argent dans le rendu de la justice. J'avais, avec Charles Lederman, mis en
évidence les dangers de marchandage et d'inégalité devant la justice selon les
possibilités de paiement.
On m'objectera que le plafond de 10 000 francs n'est pas très élevé et qu'il
est en tout cas inférieur à celui de 50 000 francs qui avait été envisagé en
1994.
Certes, mais il est incontestable que, si cette disposition est adoptée, le
pli sera pris, et la voie ouverte à une extension du marchandage judiciaire.
Cela, nous nous y opposons et nous déposerons un amendement visant à supprimer
l'indemnité compensatrice.
Bien entendu, notre attitude est renforcée par la volontée de M. le rapporteur
et de la commission d'élever le plafond de la transaction à 50 000 francs.
Pour résumer notre position sur les alternatives aux poursuites, nous
approuvons l'objectif concret du projet de loi, à savoir accélérer la justice
et désengorger les tribunaux ; nous apprécions l'effort d'adaptation à la
violence urbaine qui, de fait, nécessite un traitement particulier en dehors de
la mise en route de la procédure pénale la plus lourde.
Cependant, en l'état actuel du texte - ce ne sont pas les amendements proposés
par M. le rapporteur et visant à renforcer le mécanisme de la compensation
pécuniaire qui nous rassureront ! - nous estimons insuffisantes les garanties
en matière de respect du principe du contradictoire et nous refusons
l'introduction de l'argent dans le rendu de la justice. Je suis persuadé que la
navette parlementaire permettra de dissiper ces premières inquiétudes.
Le second point qui, selon nous, se dégage de ce projet de loi, c'est la
limitation, utile et nécessaire, du champ d'intervention du juge unique.
La collégialité constitue la garantie de la sûreté des jugements. Elle permet
l'échange et la confrontation des points de vue et des arguments, ainsi qu'une
prise de décision collective.
La dérive qui a favorisé l'instauration du juge unique en matière civile,
sociale, puis correctionnelle, plonge la justice dans une logique productiviste
destinée à gérer la pénurie des moyens au mépris des droits essentiels des
justiciables.
Nous approuvons donc pleinement votre démarche, madame la ministre, qui tend à
renforcer le principe de la collégialité.
Refuser le juge unique en cas de traitement d'une récidive est un point
positif. Pour ce qui est du renvoi par le juge devant une structure collégiale
du fait de la complexité d'une affaire, ne serait-il pas envisageable, pour
éviter toute tracasserie constitutionnelle, d'inverser la problématique en
offrant la possibilité aux parties de choisir la collégialité ? Le principe
d'égalité serait ainsi pleinement respecté.
Avant de conclure, je souhaiterais, madame la ministre, vous interroger sur
deux aspects de moindre importance.
Premier point : quelles seront les prérogatives du parquet dans le cadre des
nouvelles dispositions que vous proposez en matière d'examen technique et
scientifique ? Ne sera-t-il pas permis de traiter certaines affaires sans
ouvrir d'informations judiciaires ?
Second point : dans le cadre des dispositions concernant le traitement des
dénonciations, ne peut-on craindre la mise en place d'un dispositif
d'éparpillement des saisines, un juge, autre que celui chargé de l'instruction,
pouvant être chargé d'enquêter sur la ou les dénonciations ?
Ces points, qui sont en apparence mineurs, mettent en évidence - j'espère ne
pas être dans le vrai - un renforcement du rôle du parquet, ce qui ne me paraît
pas souhaitable dans le cadre de la réforme de la justice qui est en cours.
Vous l'aurez compris, madame la ministre, mes chers collègues, notre
appréciation sur ce projet de loi est mitigée, car les aspects positifs et les
aspects moins positifs se mêlent.
C'est pourquoi nous déterminerons notre vote final en fonction de l'attitude
du Sénat à l'égard des amendements de M. Fauchon et de la majorité de la
commission des lois, qui, je le répète, amoindriraient la portée novatrice du
projet de loi à l'égard de la collégialité ou accentueraient encore le
caractère négatif de la compensation judiciaire.
(Applaudissements sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen. - Mme Dusseau applaudit
également.)
M. Jean Chérioux.
C'est la majorité plurielle !
M. le président.
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel.
Le rapporteur de la commission des lois, mon éminent collègue M. Pierre
Fauchon, a parfaitement analysé l'économie du projet de loi relatif aux
alternatives aux poursuites et renforçant l'efficacité de la procédure pénale,
que vous soumettez aujourd'hui au Sénat, madame la ministre.
Ce texte contient des dispositions pratiques et réalistes. Il tend aussi à
légaliser les initiatives prétoriennes. En effet, au cours des dernières
années, les magistrats et les juridictions ont fait preuve d'imagination et, à
crédits constants, ont revu organisation, méthodes et procédures, afin de
rendre la justice pénale plus efficace. Citons le traitement en temps réel des
infractions, les maisons de justice, les initiatives en matière de proximité
et, enfin, la troisième voie dont il est question, pour partie, aujourd'hui.
Permettez-moi, madame la ministre, en complément de votre intervention
liminaire, d'aborder six points tirés de mes récentes investigations sur un
domaine particulier : le classement sans suite. Ces points mériteront, me
semble-t-il, de retenir tout notre attention le moment venu.
Le premier point concerne la dépénalisation de certains textes.
Parce que les instances traditionnelles de règlement des petits conflits
disparaissent peu à peu, la justice pénale est de plus en plus sollicitée pour
traiter de cas qui ne relèvent pas véritablement de sa compétence ou qui sont à
la limite de celle-ci.
En outre, la vie sociale tend à être de plus en plus pénalisée. Dans un récent
article sur les relations du politique et du judiciaire, publié en novembre
1997, Laurent Kessous résumait bien cette situation. Alors que le droit pénal
devrait voir son champ d'action se rétrécir au profit du droit civil, du droit
des affaires ou du droit des assurances, un nombre croissant de projets ou de
propositions de loi et de textes réglementaires sont assortis systématiquement
de sanctions pénales en cas d'inexécution. Or, nous le savons bien, la plupart
des peines ne sont pas appliquées, les parquets les ignorent même, et ce qui
devrait être une garantie pour l'application des lois devient trop souvent un
facteur d'affaiblissement de la norme.
C'est pourquoi il me paraît urgent de suivre les recommandations du Conseil
d'Etat et de limiter au maximum les références aux sanctions pénales. Un
premier pas a été accompli, par exemple, avec la dépénalisation des chèques
impayés. Il faut accentuer cette tendance afin de recentrer, à moyens
constants, les magistrats du parquet sur le noyau dur de la délinquance, en les
dégageant ainsi de contentieux secondaires qui peuvent être traités par
d'autres administrations. Tel est, par exemple, le cas de certaines infractions
à la coordination des transports.
Le deuxième point concerne la définition d'une politique pénale.
A plusieurs reprises, le Gouvernement a esquissé une politique de lutte contre
la délinquance, notamment à travers votre intervention devant l'Assemblée
nationale, le 15 janvier 1998, ou devant le Sénat, le 22 janvier 1998, madame
la ministre. Cette approche reste cependant, comme ce fut le cas sous les
précédents gouvernements, trop sectorielle.
Une politique de lutte contre la délinquance ne peut être
qu'interministérielle et reposer sur un rapport annuel d'évaluation remis au
Parlement et suivi d'un débat. Pour ce qui concerne le volet judiciaire de
cette politique, les conclusions du rapport de la commission présidée par M.
Pierre Truche, premier président de la Cour de cassation, ont insisté sur la
nécessité d'initier une véritable politique d'action publique en matière
judiciaire.
« La notion d'égale application de la loi dans l'acte de poursuivre et de
juger implique une autre notion relativement nouvelle, au moins dans sa
formulation : la nécessité d'une politique d'action publique.
« Cette notion pratiquement absente des codes a pour objet d'inscrire le
traitement individuel des contentieux - opportunité des poursuites - dans un
cadre d'ensemble visant à une application cohérente de la loi, en fixant des
priorités compte tenu des circonstances et en veillant au respect de l'égalité
entre les citoyens. »
Il est donc indispensable d'introduire dans notre code de l'organisation
judiciaire - à l'article 1er, je pense - cette notion de politique pénale.
L'action publique pourrait être définie comme étant la recherche et la
définition des conditions dans lesquelles l'application de la loi doit être
engagée de manière coordonnée entre plusieurs autorités, compte tenu des
circonstances et dans le respect de l'égalité entre les citoyens. Tel est le
sens d'un amendement que je vous présenterai lors de la discussion des articles
et sur lequel je souhaiterais connaître votre sentiment, madame la ministre.
Cela suppose avant tout un travail interministériel réalisé sous l'autorité du
Premier ministre et coordonné par vos soins, madame la ministre de la justice,
afin que les différents ministères apportent leur contribution à cette
politique d'action publique et y intègrent, dans les meilleures conditions,
leurs politiques, qui sont aujourd'hui menées de façon trop autonome.
On pourrait préciser cette idée lors d'un débat. Vous vous êtes exprimée sur
ce point au mois de janvier dernier, madame la ministre. A peu près au même
moment, le procureur général près la Cour de cassation, M. Jean-François
Burgelin, esquissait la définition d'une politique d'action publique au plan
national. Il déclarait ceci : « Voix de la société auprès des tribunaux, il
revient en effet au parquet de contribuer, par le ministère de la parole et de
l'écrit, d'une part, à la défense des bases culturelles sur lesquelles est
fondée notre vie collective, mais aussi, d'autre part, à l'évolution des
esprits. »
« Défendre nos bases culturelles, c'est prendre et faire prendre en
considération l'Etat, nos institutions et les personnes...
« Au total, l'ordre public contemporain inclut désormais » - c'est ce qui est
important - « des dimensions sociales, économiques et internationales que les 2
000 magistrats du parquet de notre pays se doivent de prendre quotidiennement
en compte avec un double souci de maintien d'un certain ordre et de nécessaires
évolutions.
« La mission du parquet, c'est d'expliquer aux juges et aux citoyens, procès
après procès, ce qu'exige une bonne application de la loi et quelles sont les
évolutions souhaitables. »
Que pourrait donc être une politique d'action publique déclinée par chaque
procureur de la République en fonction du contexte local ? On en a eu encore un
exemple récent.
Dans son discours d'installation du 23 avril 1998, M. Jean-Pierre Dintilhac,
procureur de la République près du tribunal de grande instance de Paris,
apporte une réponse à cette question : « Je considère que trois formes de
délinquance doivent être prioritairement concernées par l'action pénale, la
violence, la corruption et toutes les formes de discrimination.
« La nécessité de mener prioritairement et de front la lutte contre les
violences, les corruptions et les discriminations confère à la justice, et à
tous ceux qui concourent à son action, une place éminente au sein des
institutions de la République puisque c'est par son intervention que sont
rappelées à tous les règles communes. »
Pour vérifier ensuite si cette politique d'action publique ainsi définie est
mise en application, vous pourriez par exemple, madame la ministre, décider
que, chaque année, les procureurs généraux, les procureurs de la République et
les avocats généraux des juridictions procèdent à une évaluation et aux
ajustements nécessaires de la politique d'action publique appliquée dans le
ressort de leurs juridictions. Ce serait l'occasion de mettre en exergue les
difficultés rencontrées par ceux-ci dans l'exercice de cette mission et
d'apporter les corrections nécessaires et les moyens adaptés.
J'évoquerai, en troisième lieu, les classements sans suite du fait des
administrations.
Il s'agit toujours du code de procédure pénale, puisque c'est le code de
procédure pénale qui nous intéresse aujourd'hui.
Si le taux de classement sans suite des infractions est élevé, il faut noter
que ce classement intervient à tous les maillons de la chaîne pénale. En
théorie, c'est le parquet qui est responsable de la décision de classement ou
de poursuite des affaires. Mais, en réalité, ce dernier ne représente qu'un
maillon dans la chaîne de traitement de la délinquance. Ainsi, beaucoup
d'affaires sont « classées » avant même d'avoir été examinées par le parquet.
En outre, dans certains cas, bien que le parquet ait décidé de poursuivre,
l'affaire sera en fait classée par grippage de la procédure en aval : c'est le
déficit de capacité de jugement de beaucoup trop de tribunaux de grande
instance, ou encore l'inexécution ou l'exécution tardive de certaines
peines.
L'article 40 du code de procédure pénale dispose que « le procureur de la
République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie les suites à
leur donner. Il avise le plaignant du classement de l'affaire ainsi que la
victime lorsque celle-ci est identifiée ». Cela signifie donc que toutes les
plaintes et procès-verbaux doivent lui être adressés, selon le principe : « je
constate, donc je transmets », et qu'il est chargé de les lire afin de trier
ceux qui seront classés de ceux auxquels une suite sera donnée.
Mais la pratique est tout autre : d'une part, les parquets ne seront pas saisi
de toutes les infractions qui sont commises ; d'autre part, une grande partie
des plaintes et procès-verbaux n'atteignent pas les parquets et sont
directement triés en amont par des fonctionnaires. Je n'invente rien ! Mes
propos sont directement inspirés de ce que m'ont dit tous les procureurs
généraux et tous les procureurs de la République que j'ai eu l'occasion de
rencontrer au cours de cette dernière année.
Par le classement des affaires en amont, j'entends les constats d'infractions
par les administrations et les classements de fait qui s'ensuivent.
Une autre zone d'ombre en amont des plaintes est constituée par la
méconnaissance par les parquets de la politique de constat d'infractions mise
en oeuvre par toutes les administrations qui en ont le pouvoir et par la
mauvaise application de l'article 40, alinéa 2, du code de procédure pénale,
qui fait obligation à toute autorité constituée, tout officier public ou
fonctionnaire de déférer des faits délictueux au procureur de la République. Or
trop peu de faits délictueux sont ainsi dénoncés.
Le classement sans suite peut en effet résulter de la non-transmission par les
services de l'Etat ayant qualité pour constater les infractions relevant de
leur domaine de compétences. Il est difficile même de dresser la liste de ces
services ! J'ai essayé de le faire, et ma liste ne compte pas moins de vingt et
une pages dactylographiées d'agents qui sont chargés de constater les
infractions et qui n'appartiennent ni à la police nationale ni à la gendarmerie
!
Leurs motifs pour ne pas transmettre les affaires dont ils ont connaissance
sont multiples : volonté délibérée de ne pas saisir le parquet pour traiter les
affaires à leur niveau, lassitude - aucune poursuite ne sera alors engagée -,
surcroît de travail engendré par la rédaction de procès-verbaux quand on sait
que l'affaire n'aura pas de suite.
Plusieurs cas de figure expliquant cette situation peuvent se présenter.
Ainsi en est-il des interventions hiérarchiques, qui interdisent ou filtrent
les transmissions, des compromis acceptés par les services déconcentrés, sans
contrôle du parquet, des courts-circuits juridiques au jugement d'opportunité
des poursuites - les douanes ont, de par la loi, le pouvoir de transiger, et
les infractions fiscales passent, elles aussi, par un filtre prévu par la loi -
et, enfin, des courts-circuits de fait, qui conduisent certaines
administrations à user de leur pouvoir juridique de constatation en fonction de
leur volonté et non pas de la seule existence de fait délictueux, telles les
infractions au code du travail, la répression des fraudes, etc.
Ces tris en amont de la saisine du parquet sont illégaux. Aucun service,
quelles qu'en soient les raisons, ne peut s'octroyer ce pouvoir que la loi ne
confère qu'à la seule autorité judiciaire. Le principe, à moins d'en changer,
ne peut en effet être que celui-ci : « Je constate une infraction, je transmets
au parquet. »
En outre - c'est important, puisque nous avons eu encore des illustrations
récentes de ces dévoiements - le fait de permettre à certains fonctionnaires de
choisir la suite à donner à la constatation d'une infraction sans réel contrôle
hiérarchique et sans contrôle possible de l'autorité judiciaire augmente les
risques d'abus du principe d'opportunité des poursuites, voire de corruption.
C'est ce qui s'est passé récemment encore dans le cadre d'une unité de
gendarmerie d'autoroute.
Tous les magistrats que j'ai pu entendre sur ce sujet ont relevé les
difficultés et les différences d'application de l'article 40, alinéa 2, du code
de procédure pénale, difficultés et différences dues principalement à des
interprétations diverses des dispositions de cet alinéa.
Depuis bientôt cinq ans, madame la ministre, j'essaie d'obtenir qu'une
directive ou une circulaire interministérielle stipule très exactement ce que
les administrations sont tenues de faire ou de ne pas faire. Or, je n'arrive
jamais à obtenir satisfaction ! M. Méhaignerie, alors garde des sceaux, l'a
promis ici même, mais il n'y a pas eu de suite ; j'ai posé à nouveau la
question à M. Toubon, mais il n'y a pas eu de suite non plus ; je vous la
repose aujourd'hui, madame la ministre, sachant que, entre temps, par exemple
dans un domaine qui touche à l'application des dispositions de l'article 40,
alinéa 2, du code de procédure pénale, une circulaire est intervenue concernant
les relations entre les chambres régionales des comptes, les services de la
Chancellerie et les différents parquets.
Mais il faut à mon avis aller plus loin, car il suffit de dialoguer avec
certains magistrats du parquet ou avec certains représentants du ministère de
l'intérieur pour savoir que, parfois, les premiers ne se sentent pas liés par
une circulaire émanant du ministère de tutelle des seconds, et réciproquement.
Comme vous l'imaginez, c'est tout à fait dommageable.
Ces hésitations et fins de non-recevoir sur une question aussi essentielle
pour le traitement efficace de la délinquance - et je verrai bien la réponse
qui me sera apportée lors de la discussion de l'un de mes amendements -
illustrent bien les difficultés rencontrées par l'Etat pour coordonner ses
services et pour introduire un minimum de cohérence dans la démarche des
administrations chargées de constater les infractions. En un mot, on pourrait
appeler cela des difficultés de commandement.
Cependant - et la démarche m'a paru tout à fait intéressante - le nouveau
préfet de Corse, M. Bernard Bonnet, a récemment fait usage des dispositions
prévues à l'alinéa 2 de l'article 40 du code de procédure pénale en saisissant
la justice de toutes les infractions portées à sa connaissance par les
différents services de l'Etat. Cette initiative illustre bien le fait que la
rétention d'informations par certaines autorités administratives s'apparente à
des classements sans suite de fait et - tel était le cas en l'occurrence en
Corse - à une forme de complicité de la corruption.
En quatrième lieu, je souhaiterais évoquer le classement des affaires en aval,
lié à l'exécution des peines.
Chaque année, 1,5 milliard de francs à 2 milliards de francs d'amendes ne sont
pas recouvrées par les services des trésoriers-payeurs généraux. Et je tiens à
votre disposition, madame la ministre, un tableau que j'ai fait réaliser par la
comptabilité publique.
Il faut donc trouver des solutions - je sais qu'un travail est actuellement
effectué à cet égard - car il est intolérable que des amendes ne soient pas
recouvrées.
De la même manière, nous savons que des peines d'emprisonnement de moins d'un
an sont exécutées très tardivement et très diversement selon que la
condamnation a été prononcée à Lyon, à Lille, à Epinal, à Brest ou à Bordeaux,
notamment.
On ne peut pas continuer ainsi, il faut remettre un peu d'ordre dans le
système. L'inexécution ou l'exécution tardive des peines est tout à fait
néfaste, pour le délinquant tout d'abord puisque la punition n'a alors plus de
sens, mais aussi pour la victime et pour l'opinion publique, car on sait très
bien que tout se dit et se répète, mais de façon déformée.
M. Christian Poncelet.
Elle l'est aussi pour les services qui assurent l'ordre public !
M. Hubert Haenel.
Bien sûr ! Cela démobilise et démoralise les services de constatation et
d'enquête de la police nationale et de la gendarmerie.
En cinquième lieu, vous nous proposez aujourd'hui une extension de la
procédure simplifiée et l'introduction de l'ordonnance pénale dans un certain
nombre de domaines. Il faudrait cependant aller plus loin encore : comme l'a
fait remarquer récemment le procureur général de la cour d'appel de Toulouse,
M. Volff, dans sa chronique sur l'injonction pénale, « l'organisation des
audiences, on le sait, est le principal goulet d'étranglement auquel se heurte
la justice pénale ».
Il est possible de dresser la liste des capacités de jugement des différentes
juridictions. On sait ainsi que le procureur de la République de Draguignan -
je prends cet exemple au hasard - ne peut pas traiter plus de troix mille
affaires par an. Si ces capacités ne sont pas augmentées, il faut donc trouver
d'autres moyens, soit en étendant à la cinquième classe le système de la
procédure de l'ordonnance pénale, soit en traitant certains délits selon une
procédure assez voisine. Je vous proposerai d'ailleurs tout à l'heure un
amendement en ce sens.
Sixième et dernier point, il me paraît utile, et même indispensable, d'engager
une coopération plus étroite et mieux organisée entre les parquets et les
autres partenaires responsables de la lutte contre la délinquance.
Les grandes lignes de la politique de l'action publique que vous avez
définies, madame la ministre, ont vocation à être reprises à l'échelon local
par les parquets. Pour autant, ces derniers n'ont pas le monopole, on le sait,
de la politique pénale. Le ministère de l'intérieur, le ministère de la
défense, le ministère des affaires sociales, le ministère de l'environnement,
le ministère de l'économie et des finances et bien d'autres développent
également une politique pénale pour les secteurs dont ils ont la charge. Une
étroite coopération est donc nécessaire avec le parquet pour éviter
l'élaboration de politiques divergentes.
Trop souvent - je l'ai dit, je le répète, mais ce fait mériterait d'autres
vérifications alors même que, si vous les interrogez, les intéressés ne le
reconnaîtront pas - les préfets ne s'estiment pas liés par une circulaire du
seul ministre de la justice dans le domaine de la police judiciaire tandis que,
vice versa, les procureurs généraux et les procureurs de la République ne
s'estiment pas liés par une circulaire du ministre de l'intérieur. Il en est de
même pour les autres services de l'Etat, d'où la nécessité d'élaborer des
directives et des circulaires interministérielles en ce domaine, notamment pour
appliquer les dispositions de l'article 40, alinéa 2, du code de procédure
pénale.
Cette coopération est particulièrement nécessaire entre la Chancellerie, d'une
part, et les ministères de l'intérieur et de la défense, d'autre part, même si
les problèmes que cela entraîne sont très complexes. En effet, le code de
procédure pénale prévoit que la police judiciaire est exercée sous la direction
du procureur de la République, mais elle est également soumise à la tutelle
hiérarchique - administrative, cette fois - des ministères de l'intérieur et de
la défense. Cette double tutelle peut remettre en cause le bon fonctionnement
des missions et des enquêtes de police judiciaire par l'intervention du
ministère de l'intérieur, via l'autorité hiérarchique.
Ce risque d'interférence est d'autant plus grand que les logiques des deux
ministères sont différentes.
De même, les maires sont directement concernés par le développement de la
délinquance, puisque c'est souvent en grande partie sur leur capacité à
l'enrayer - même s'ils ne peuvent pas grand-chose, sauf à créer, par exemple,
des polices municipales - que leurs concitoyens les jugent. Ils ont donc
intérêt à travailler en concertation avec le parquet ainsi qu'avec les services
de police et de gendarmerie.
Pourtant, leur attitude vis-à-vis des magistrats, et vice versa - parfois -,
est ambiguë, mélange d'attentes très fortes et de méfiance. Il me paraît donc
indispensable de développer les contacts entre les maires, les magistrats, les
forces de police et de gendarmerie pour éviter les malentendus réciproques et
renforcer la coopération.
Voilà, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les
quelques observations que je souhaitais présenter sur ce texte relatif à la
procédure pénale. J'espère qu'elles retiendront votre attention, madame la
ministre, au moment où je présenterai mes amendements.
Au bénéfice de ces observations et sous réserve de l'adoption de certains de
ces amendements, le groupe du Rassemblement pour la République votera ce projet
de loi.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Monsieur le président, je voudrais d'abord dire à
quelques-uns des orateurs à quel point j'ai été amusée de les écouter : j'ai
entendu parler de « porte étroite », de « mosaïque », de
patchwork
, de «
petit texte »... par rapport, j'imagine, à de grands textes. En vous écoutant,
je me disais : voilà bien des remarques masculines !
(Exclamations sur de
nombreuses travées.)
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Même pour le
patchwork
?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
En effet, le jour même où le conseil des ministres
vient d'adopter un projet de loi sur la parité, la femme que je suis considère
qu'il n'y a pas de petits et de grands textes, qu'il n'y a pas de textes nobles
et moins nobles, et qu'en tout cas un texte sur la justice au quotidien est au
moins aussi noble, sinon plus, que des grands textes portant sur des grands
principes.
En faisant en sorte que la Haute Assemblée puisse se saisir en premier d'un
texte sur la simplification et l'efficacité des procédures pénales, je
souhaitais que, comme l'Assemblée nationale, le Sénat puisse se prononcer sur
cet objectif à mes yeux fondamental qu'est l'amélioration de la justice au
quotidien.
Mais je n'insisterai pas davantage et je globaliserai ma réponse, car une
individualisation m'aurait peut-être conduite à être un peu plus incisive que
je n'aurais souhaité l'être.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Le message est bien reçu !
M. Christian Poncelet.
C'est comme pour le Parlement : il y a deux chambres, et aucune chambre n'est
supérieure à l'autre.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je répondrai maintenant un peu plus précisément aux
observations qui ont été présentées.
Je remercie M. Fauchon de la qualité de son rapport. Je crois en effet que
nous avons la volonté commune de favoriser, à tous les niveaux, l'enquête,
l'instruction et le jugement, afin de faciliter les procédures et de supprimer
les lourdeurs. C'est ce but unique qui nous guide, et je remercie M. Fauchon et
M. Badinter d'avoir bien voulu le souligner dans leurs interventions.
A M. Hyest, qui s'est soucié de la perspective d'ensemble de la réforme, je
veux rappeler ici deux choses simples : d'abord, nous avons eu un débat
d'orientation le 22 janvier ; ensuite j'ai pris soin, dans mon discours
introductif, de replacer ce projet de loi dans le dessein d'ensemble de la
réforme. Les différents textes que nous vous soumettons s'inscrivent donc dans
un dispositif plus général.
Sur la compensation judiciaire, j'ai bien retenu les remarques des uns et des
autres mais, si je conçois tout à fait que l'on puisse souhaiter améliorer le
dispositif, il faut aussi veiller à ne pas le compliquer à l'extrême.
M. Hyest a évoqué la carte judiciaire. C'est évidemment un objectif très
important.
Pour la première fois, une mission a été spécialement créée à cet effet et
elle est concrètement dotée de personnels : M. Errera, qui la dirige, pourra
recruter quatre personnes qui lui permettront de mener à bien cette importante
réforme.
M. Robert Badinter.
Très bien !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Enfin, sur la justice des mineurs, monsieur Hyest, les
dispositifs de troisième voie sont d'ores et déjà prévus dans l'ordonnance de
1945 telle qu'elle a été modifiée récemment.
Par conséquent, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui complète
utilement les textes existants, qui permettent déjà d'avoir recours à ces
dispositifs plus rapides.
A Robert Badinter, je voudrais d'abord dire qu'il a évidemment tout à fait
raison de souligner qu'un nombre considérable d'infractions ne sont pas
élucidées. J'avais moi-même insisté sur cet élément lors du débat d'orientation
à l'Assemblée nationale et au Sénat, comme d'ailleurs à l'occasion de plusieurs
débats ultérieurs.
Il me paraît être de la responsabilité du garde des sceaux, une fois constaté
qu'un certain nombre d'infractions n'étaient pas élucidées par les services de
police ou par la gendarmerie, de faire en sorte que le service public de la
justice diminue le nombre des classements sans suite.
M. Jean Chérioux.
Très bien !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux
Il ne s'agit pas, encore une fois, de sous-estimer
l'importance des différents acteurs, mais je pense qu'il est de ma
responsabilité, à la tête de ce département ministériel, de faire en sorte que
soit d'abord amélioré ce qui peut l'être au sein du ministère de la justice.
Cela ne m'empêche pas de demander à mes collègues d'améliorer tel ou tel point,
mais je n'ai pas envie de projeter sur d'autres des difficultés que nous avons
nous-mêmes à traiter au sein du ministère de la justice.
Lorsqu'une affaire est élucidée, il est encore plus important d'éviter les
classements sans suite car, à ce moment-là, non seulement les victimes se
sentent encore plus oubliées, mais les délinquants peuvent imaginer qu'ils
bénéficient d'une impunité qui ne peut pas être tolérée.
M. Christian Poncelet.
Et les services d'ordre sont découragés !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Peut-être, mais, à cet égard, M. Badinter a raison
aussi de souligner qu'on ne peut pas déverser sur la justice l'intégralité des
responsabilités qui ne sont pas assumées ailleurs. Je veux bien être honnête et
ne pas rejeter sur d'autres départements ou sur d'autres services
administratifs les responsabilités du ministère de la justice, mais j'entends
aussi qu'on ne rejette pas sur le ministère de la justice les difficultés qui
pourraient être traitées ailleurs !
M. Christian Poncelet.
Ce n'est pas l'avis de M. Chevènement !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Monsieur Pagès, vous avez entièrement raison de
souligner l'importance d'un texte sur la justice au quotidien ainsi que celle
du texte sur l'accès aux droits, qui viendra en discussion devant le Sénat
après avoir été examiné par l'Assemblée nationale.
S'agissant de la surpopulation pénale, j'ai mis en place une politique dont
j'ai fait part au conseil des ministres au début d'un mois d'avril et qui
consiste à faciliter la réinsertion et à favoriser les alternatives à
l'incarcération.
D'autre part, nous avons mis en oeuvre et nous poursuivons la réforme des
services d'insertion. Nous développons les projets d'exécution des peines, qui
sont très importants pour les détenus qui ont de longues peines à purger.
Par ailleurs, dans un autre texte, relatif à la présomption d'innocence, je
proposerai une réforme de la détention provisoire.
Monsieur Haenel, la plupart de vos remarques, d'ailleurs fort intéressantes,
ne concernaient pas directement le présent texte. Mais, après tout, notre
discussion peut toujours être l'occasion d'engager des réflexions plus
générales !
En ce qui concerne la politique pénale, je prépare, dans le cadre de la
réforme, des orientations générales. Le texte sur la Chancellerie et le parquet
prévoit que ces orientations générales feront pour la première fois - c'est une
innovation - l'objet d'un rapport rendu annuel devant le Parlement.
Ce même texte définit, pour la première fois aussi, les principes de politique
générale, les rapports entre le garde des sceaux et les parquets et, à
l'intérieur des parquets, entre les procureurs généraux et les procureurs, ces
deux catégories de magistrats devant également faire des rapports annuels.
Nous allons donc tout à fait dans le sens que vous souhaitez, celui d'une plus
grande lisibilité de notre politique pénale.
Puisque vous avez mentionné la politique du Gouvernement, j'ajoute que,
s'agissant de la coordination évidemment nécessaire entre tous les services de
l'Etat, Jean-Pierre Chevènement et moi-même avons, notamment pour la mise en
place des contrats locaux de sécurité, cosigné des circulaires pour bien
manifester que, dans ce domaine, il n'était pas question que tel ou tel service
se renvoient la balle.
S'agissant de la Corse, il est certes important que soient utilisés les
instruments de procédure, qui sont, à la vérité, à la disposition de tous les
fonctionnaires ; il est heureux que le préfet de région les utilise.
J'observe que l'utilisation de l'article 40, dans des cas particuliers et sur
des procédures précises, est aujourd'hui encouragée par la Commission des
opérations de bourse.
Par ailleurs, le projet de loi relatif à la délinquance sexuelle, que le Sénat
a adopté, ce dont je le remercie, insiste précisément sur la nécessité pour les
proviseurs de dénoncer les infractions sexuelles. Il y a donc tout un mouvement
qui va dans le sens que vous souhaitez.
Toutefois, s'agissant de la Corse, plutôt que l'utilisation des procédures, ce
qui est véritablement nouveau, c'est la volonté politique de mener une autre
politique pénale et de faire en sorte qu'on ne tolère plus d'infractions dans
l'Etat de droit.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que
sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - M. le rapporteur
applaudit également.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Question préalable
M. le président.
Je suis saisi d'une motion n° 25, présentée par M. Millaud, et tendant à
opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide
qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif
aux alternatives aux poursuites et renforçant l'efficacité de la procédure
pénale (n° 434). »
Je rappelle qu'en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement
ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son
représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze
minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au
fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une
durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Millaud, auteur de la motion.
M. Daniel Millaud.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues,
pourquoi ai-je déposé cette question préalable ? Tout simplement parce que le
projet de loi qui est soumis à notre discussion aujourd'hui doit être étendu
aux territoires d'outre-mer sans qu'il y ait eu le visa du secrétaire d'Etat à
l'outre-mer et sans qu'il y ait eu la consultation préalable des assemblées
territoriales.
Mais peut-être n'avez-vous pas l'habitude de vous soumettre à ces exigences,
madame le ministre, bien que nous fêtions le cent cinquantième anniversaire de
l'abolition de l'esclavage !
Je dois tout de même vous rappeler que les anciennes colonies, aujourd'hui
territoires d'outre-mer, ont ce que l'on appelle la « spécificité », dont
l'origine a été précisée par l'ordonnance royale du 18 mars 1766, spécificité
qui s'appelle aujourd'hui, dans l'article 74 de la Constitution, « organisation
particulière ».
Cette organisation particulière est fonction de deux éléments : les
compétences de chacun des territoires sont définies par des lois organiques et
modifiées après consultation des assemblées territoriales ; toutes les autres
modalités de leur organisation particulière sont définies et modifiées par la
loi après consultation de l'assemblée territoriale intéressée. C'est article
74, tel que rédigé après la modification de 1992.
Mais j'osais espérer, madame le ministre, qu'avant de rédiger l'article 22 de
votre projet de loi vous auriez pris connaissance d'une circulaire d'une
personnalité bien connue, qui s'appelle, si ma mémoire est exacte, M. Michel
Rocard ! Quand il était Premier ministre, celui-ci avait en effet fait rédiger
une circulaire qui reprenait et adaptait la circulaire de 1988, laquelle
adaptait, précisément, les différentes contraintes imposées par la définition
de l'organisation particulière et par la notion de spécificité législative.
Bien entendu, dans ma motion, je n'ai cité que trois éléments.
Le plus important, c'est peut-être l'extension des accords de Schengen, alors
que les territoires d'outre-mer ne sont que des territoires associés à l'Union
européenne et qu'il n'a jamais été prévu que lesdits accords soient étendus
dans les territoires associés. Il y a donc là déjà une violation du traité
d'Amsterdam, pas encore ratifié - disons alors du traité de Maastricht !
Les deux autres éléments que j'ai cités sont les articles 529 et 411 du code
de procédure pénale, qui avaient déjà fait l'objet d'adaptations dans nos
territoires.
Mais par le fait même que l'ensemble du texte est nouveau et que vous voulez
le rendre applicable dans les territoires d'outre-mer, tous ses articles
concernent l'organisation particulière, en fonction de l'article 74 de la
Constitution, et vous auriez donc dû consulter les assemblées territoriales.
Vous m'opposerez peut-être, comme l'ont fait nombre de vos prédécesseurs,
l'argument classique selon lequel les lois pénales sont des lois de
souveraineté. A cet égard, je vous rappellerai que, contrairement à une opinion
répandue, les lois pénales ne sont pas des lois de souveraineté, car elles
peuvent comporter des adaptations nécessaires pour les territoires d'outre-mer
qui, souvent, ont des incidences sur l'organisation locale de la justice
pénale.
A ce titre, elles doivent faire l'objet d'une consultation préalable des
assemblées locales, toujours en application de l'article 74 de la
Constitution.
Il est un élément supplémentaire qui pourrait peut-être vous intéresser,
madame le ministre. M. Michel Rocard écrit en effet, à la page 32 de sa
circulaire, qu'il convient d'appliquer, dans l'élaboration des lois modifiant
des lois applicables dans les territoires d'outre-mer, la même discipline que
pour les lois nouvelles.
Cela implique, en particulier, que l'on associe suffisamment tôt le ministère
chargé des départements et territoires d'outre-mer - vous ne l'avez pas fait -
aux travaux de préparation des textes, pour qu'il puisse apprécier, en droit et
en opportunité, leur applicabilité aux territoires d'outre-mer.
Ainsi, je puis vous préciser que, dans le texte que vous nous soumettez, il
est des mesures qui sont absolument inapplicables dans mon territoire si l'on
ne change pas les délais, et ce pour des raisons géographiques. Je vous
rappelle que mon territoire - je vous avais déjà donné une carte au cours d'une
discussion antérieure - est plus grand que l'Europe. Vous voyez, ce n'est pas
facile !
Toujours à la page 32 de la circulaire, M. Michel Rocard propose que, quand le
Gouvernement n'a pas eu le temps de procéder aux consultations, soit il arrête
la discussion parlementaire, soit il s'en tient strictement à l'application du
texte en France métropolitaine et dans les départements d'outre-mer, et il
sursoit à l'application dans les territoires d'outre-mer. Il attend la
consultation du ministère concerné, celle des assemblées territoriales et,
alors seulement, il rend les dispositions applicables, après les adaptations
nécessaires.
Voilà pourquoi, puisque le Gouvernement n'a pas respecté les règles
essentielles de la Constitution, puisqu'il n'a pas respecté non plus les
circulaires réglementaires d'un Premier ministre, je demande au Sénat de se
substituer à lui, c'est-à-dire d'arrêter nos travaux, en attendant que le
Gouvernement ait pris les dispositions nécessaires.
Cela me paraît être la sagesse, et puisque le Sénat est, précisément, la
partie la plus sage du Parlement, il devrait adopter ma motion.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je ne puis malheureusement souscrire aux propos de M.
Millaud, si ce n'est à sa dernière formule, selon laquelle le Sénat est la
partie la plus sage du Parlement.
(Sourires.)
Essayons donc de faire en sorte qu'il en soit ainsi, notamment à l'occasion de
cette motion tendant à opposer la question préalable !
Tout d'abord, je me permets de rappeler à notre collègue M. Millaud et à ceux
qui suivent de près ces problèmes que la commission des lois du Sénat a pour
tradition d'être extrêmement attentive à cette question des territoires
d'outre-mer ; nous l'avons vu tout au long du débat sur le vote des Européens
aux élections municipales, quand nous avons résisté à ce qui nous paraissait
être une façon quelque peu sommaire et mal justifiée d'appliquer ce texte aux
territoires d'outre-mer.
A cette occasion, le Sénat et, en particulier, sa commission des lois
s'étaient montré très fermes le plus longtemps possible. On ne peut donc pas
les suspecter d'ignorer ce problème.
C'est pourquoi aussi je comprends la démarche de M. Millaud. En effet, il
arrive ici ou là - même si, me semble-t-il, ce n'est pas le cas aujourd'hui -
que le Gouvernement, ou en tout cas certains ministères, ne tiennent pas
suffisamment compte de la situation particulière des territoires d'outre-mer et
de l'obligation qu'il y a de les consulter, en vertu de l'article 74 de la
Constitution, lorsqu'il s'agit de prendre des mesures qui leur sont
spécifiques.
Il convient, en effet, de s'en tenir aux dispositions de l'article 74, même
interprétées par M. Michel Rocard, alors chef du Gouvernement, dans une
circulaire qui ne peut tout de même pas être considérée comme étant du même
niveau normatif que les articles de la Constitution ! Il y a, heureusement, une
hiérarchie dans les normes et, dans cette hiérarchie, les circulaires sont plus
près du bas que du sommet !
Je ferai d'abord une observation sur la procédure choisie par notre collègue,
après quoi je présenterai notre argumentation sur le fond.
Pour ce qui est de la forme, je ne comprends pas bien le choix de la question
préalable. L'article 22 du projet de loi prévoit que les dispositions du texte
sont applicables aux territoires d'outre-mer. J'aurais compris, dès lors, que
notre collègue nous demande la suppression de cet article en se fondant sur
l'argumentation qu'il vient de développer. Pourquoi, en effet, alors qu'il vise
un article spécifique, s'attaquer à l'ensemble du projet, dont nous admettons
tous - hommes ou femmes, madame le ministre, soyez tout à fait rassurée -
l'utilité ?
C'est donc par la voie d'un amendement portant sur l'article en cause que l'on
aurait pu, me semble-t-il, réfuter de manière plus normale l'application de ces
dispositions aux territoires d'outre-mer.
J'en viens maintenant au fond et à l'argument d'inconstitutionnalité avancé
par M. Millaud.
La Constitution, je l'ai rappelé d'un mot tout à l'heure, a fait l'objet d'une
interprétation par le Conseil constitutionnel. Conformément à son article 74,
tout projet de loi modifiant l'organisation particulière des territoires
d'outre-mer doit faire l'objet d'une consultation des assemblées de ces
territoires. Le Conseil constitutionnel a jugé que devaient faire l'objet d'une
telle consultation les textes relatifs à l'organisation et au fonctionnement
des institutions propres aux territoires d'outre-mer et les textes contenant
des dispositions spécifiques pour les territoires d'outre-mer.
La question est donc de savoir si nous sommes en présence de textes contenant
des dispositions spécifiques propres aux territoires d'outre-mer.
Il n'en est rien. Les trois textes visés appellent les brèves observations
suivantes qui montrent, semble-t-il, que les inquiétudes de notre collègue, M.
Millaud, ne sont pas justifiées.
Le dernier texte que vise M. Millaud est relatif à la convention de Schengen.
Or, aux termes de celle-ci, elle ne s'applique que sur le territoire européen
de la République française. Il n'y a donc pas de problème pour ce texte.
Mais M. Millaud vise également deux autres dispositions du projet de loi.
Il s'agit d'abord de l'article 529 du code de procédure pénale. Ce dernier
énumère les matières qui font l'objet de la procédure de l'amende forfaitaire.
Le Gouvernement propose, d'ailleurs, à juste titre, selon nous, de confier
cette énumération au décret, pour assouplir et simplifier la procédure. Mais
l'article 850 du même code adapte l'article 529 aux territoires d'outre-mer et
dresse une liste de matières différente de celle qui concerne la métropole. Le
projet de loi tendant à modifier l'article 529 et non l'article 850, les
territoires d'outre-mer restent donc soumis à cet article.
Il n'est donc aucunement porté atteinte à la situation particulière des
territoires d'outre-mer par la modification de l'article 529 du code de
procédure pénale. Cela me paraît certain.
Il en va de même de l'article 13 du projet de loi, qui vise, quant à lui, à
modifier l'article 411 du code de procédure pénale.
Cet article dispose que l'on peut demander à être jugé en son absence
lorsqu'on encourt moins de deux ans d'emprisonnement. Or, dans les territoires
d'outre-mer, cette disposition est adaptée par l'article 841, qui prévoit,
notamment, que l'on peut demander à être jugé en son absence lorsque la peine
encourue est inférieure à cinq ans d'emprisonnement. C'est un autre système.
Le projet de loi envisage que l'on puisse demander à être jugé en son absence
quelle que soit la peine encourue en cas de citation directe faite par une
victime. Cela ne change rien à la rédaction de l'article 841 du code de
procédure pénale qui continuera à s'appliquer comme aujourd'hui.
Je ne vois donc pas en quoi la Constitution serait violée puisqu'il n'y a pas,
dans ce projet de loi, de mesure spécifique visant les territoires
d'outre-mer.
Ce texte a beau être disparate, je le considère, ainsi que nous tous
d'ailleurs, comme important. Je lui ai même attaché une importance plus grande,
madame le garde des sceaux, que ne l'avaient fait vos services dans l'exposé
qu'ils m'ont transmis. Je suis donc, si j'ose dire, plus royaliste que la reine
dans cette affaire.
(Sourires.)
Dans ces conditions, il serait tout à fait déplorable et peu sérieux, au fond,
d'emettre un vote sur ce point. Notre collègue Daniel Millaud - je le lui dis
avec toute la considération et l'amitié que je lui porte - ferait preuve de
cette fameuse sagesse à laquelle il s'est référé et qui est la caractéristique
essentielle de notre assemblée en retirant sa motion tendant à opposer la
question préalable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement comprend les préoccupations légitimes
de M. Millaud, s'agissant des territoires d'outre-mer, mais cette question
préalable ne lui paraît pas pour autant justifiée.
D'un point de vue purement juridique, la consultation des territoires n'était
pas nécessaire, comme l'a d'ailleurs reconnu le Conseil d'Etat. Il résulte, en
effet, de la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à l'article 74,
alinéa 3, de la Constitution que cette consultation n'est pas obligatoire pour
les textes qui n'introduisent, ne modifient ou n'abrogent aucune disposition
spécifique applicable dans les territoires d'outre-mer. Tel est bien le cas du
présent projet de loi.
S'agissant de la modification de l'article 411 du code de procédure pénale
relatif à la comparution du prévenu à l'audience, elle sera applicable dans les
territoires d'outre-mer dans les mêmes conditions qu'en métropole. Elle permet
la représentation par un avocat, quelle que soit la peine encourue, lorsque les
poursuites émanent de la partie civile.
L'adaptation actuellement prévue pour les territoires d'outre-mer par
l'article 841 du code de procédure pénale ne concerne que l'hypothèse des
poursuites engagées par le parquet. Cet article d'adaptation est donc sans
conséquence sur l'application dans les territoires d'outre-mer de la
réforme.
S'agissant de la modification de l'article 529 concernant les amendes
forfaitaires, prévues par le paragraphe II de l'article 5 du projet de loi,
elle ne sera pas applicable dans les territoires d'outre-mer puisque l'article
850 du code de procédure pénale prévoit déjà une rédaction spécifique de cet
article.
Enfin, s'agissant des dispositions prévues par l'article 21 du projet de loi,
qui font référence, comme vous l'avez souligné, à la convention de Schengen
qui, vous avez raison de l'indiquer, n'est pas applicable dans les territoires
d'outre-mer, elles ne seront pas non plus applicables dans les territoires
d'outre-mer.
Cela étant dit, il est vrai que le Gouvernement aurait pu, dans son texte,
préciser que les dispositions du paragraphe II de l'article 5 et deux des
articles résultant de l'article 21 n'étaient pas applicables dans les
territoires d'outre-mer. Mais, dans la mesure où il ne s'agissait que de
parties d'articles et qu'aucune ambiguïté ne semblait résulter de cette absence
de précision, le Gouvernement a estimé que ce n'était pas nécessaire. Si le
Sénat souhaite ajouter cette précision, le Gouvernement n'y verra aucun
inconvénient.
De toute façon, même si cette précision était insérée dans le projet de loi,
la consultation des assemblées territoriales des territoires d'outre-mer
n'était pas nécessaire au regard de la Constitution.
Dans ces conditions, la volonté du Gouvernement de prendre en considération
les intérêts particuliers des territoires d'outre-mer, qui l'a conduit à
décider d'étendre sans attendre l'application de ce texte à ces territoires, ne
peut évidemment pas être mise en doute. Comme vient de le faire M. Fauchon, je
souhaite que M. Millaud accepte de retirer sa motion.
M. le président.
Monsieur Millaud, la motion n° 25 est-elle maintenue ?
M. Daniel Millaud.
Je suis véritablement effondré après avoir entendu les deux argumentations qui
viennent de m'être opposées.
Dans aucun des articles du projet de loi, il n'est précisé que telle
disposition ne s'appliquera pas dans les territoires d'outre-mer.
J'ai dit, au début de mon intervention tout à l'heure, que je citerai
simplement deux articles. Mais l'ensemble du texte est applicable aux
territoires d'outre-mer. En conséquence, il touche bien à l'organisation
particulière de ces territoires.
Bien entendu, d'autres dispositions du code de procédure pénale ont déjà été
modifiées. Mais le Conseil d'Etat, le 9 février 1990, a jugé que les
dispositions modifiant des lois applicables dans un territoire d'outre-mer
n'étaient applicables dans ce territoire que sur mention expresse.
C'est pour cette raison que la circulaire de M. Michel Rocard a précisé qu'il
convenait donc d'« appliquer, dans l'élaboration des lois modifiant des lois
applicables dans les territoires d'outre-mer, la même discipline que pour les
lois nouvelles ».
M. le rapporteur a fait référence à l'article 74 de la Constitution, mais à la
rédaction ancienne. La rédaction, modèle 1992, est très précise, comme je l'ai
déjà dit tout à l'heure. D'une part, il y a les statuts dans l'organisation
particulière, qui ne sont modifiés que par des lois organiques, après
consultation des assemblées, et, d'autre part, il y a les autres modalités qui
ne sont définies et modifiées par la loi qu'après consultation des assemblées
territoriales intéressées.
M. le rapporteur me dit que j'aurais dû présenter un amendement à l'article
22. J'estime que l'on ne doit pas entrer dans ce jeu, d'autant que, dans une
semaine, nous sera soumis un texte relatif à la Nouvelle-Calédonie, texte qui
est la conséquence des jeux politiques successifs auxquels on s'est livré
outre-mer.
Je vous demande, mes chers collègues, de lire ou de relire l'intervention que
j'avais faite, ici même, le 23 juillet 1985, à propos de la Nouvelle-Calédonie.
Si l'on avait bien lu ce texte qui faisait référence uniquement à la
Constitution, notamment à son préambule, nous n'aurions pas connu les massacres
qui ont eu lieu, ni le projet de loi dont nous serons saisis dans quelques
jours.
Voilà ce que je veux vous dire, madame le ministre. En fin de compte, il
appartient au Gouvernement de prendre la responsabilité de reconnaître que ce
n'est pas une simple discussion sémantique, qu'il faut aller plus loin, qu'il
s'est trompé et qu'il a traité l'outre-mer un peu par-dessus la jambe : le
projet de loi n'a même pas reçu le visa du secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
En conséquence, il revient au Gouvernement soit de retirer ce texte en
attendant la consultation des assemblées territoriales, soit d'annoncer dès
maintenant qu'il supprime l'article 22 et qu'il présentera un nouveau texte
après la consultation de ces assemblées, comme le proposait M. Rocard.
En tout état de cause, je maintiens ma motion.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 25, repoussée par la commission et par le
Gouvernement.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de
loi.
(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président.
Nous passons à la discussion des articles.
Articles additionnels avant le chapitre Ier
M. le président.
Par amendement n° 26 rectifié, MM. Haenel et Pluchet proposent d'insérer,
avant le chapitre Ier, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 1er du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« L'action publique est la recherche et la définition des conditions dans
lesquelles l'application de la loi doit être engagée de manière coordonnée
entre plusieurs autorités, compte tenu des circonstances et dans le respect de
l'égalité des citoyens. »
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel.
Cet amendement tend à apporter dans le code de procédure pénale une définition
de l'action publique qui n'existe pas encore aujourd'hui. La définition
proposée résulte des travaux de la commission de réflexion sur la justice
présidée par M. Pierre Truche.
Cependant, compte tenu de la réponse qu'a esquissée tout à l'heure Mme la
ministre de la justice en nous promettant que nous trouverions, dans les
projets de loi que nous examinerons d'ici à la fin de l'année, une réponse qui
irait dans le sens que je viens d'indiquer, je retire mon amendement.
M. le président.
L'amendement n° 26 rectifié est retiré.
Par amendement n° 27 rectifié, MM. Haenel et Pluchet proposent d'insérer,
avant le chapitre Ier, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le second alinéa de l'article 40 du code de procédure pénale est
complété par une phrase ainsi rédigée : « Les modalités d'application du
présent article sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. »
« II. - Le même article est complété,
in fine,
par un alinéa ainsi
rédigé :
« Toute infraction aux dispositions du deuxième alinéa du présent article est
punie d'une amende de 100 000 francs. »
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel.
J'en ai déjà longuement parlé, le deuxième alinéa de l'article 40 du code de
procédure pénale, qui oblige les autorités instituées ou les fonctionnaires à
informer le procureur des crimes et délits dont ils ont eu la connaissance,
n'est pas toujours appliqué. Depuis plusieurs années, les gardes des sceaux
successifs promettent une circulaire interministérielle sur l'application de
cet article, mais rien n'a encore été fait.
Cependant, il y a déjà eu des prémices, notamment, tout récemment, en ce qui
concerne les relations entre les chambres régionales des comptes et les
procureurs de la République, et on vient d'appliquer cette disposition, à juste
titre d'ailleurs, en Corse.
Le présent amendement a pour objet, d'une part, de sanctionner avec sévérité
le non-respect de cet article et, d'autre part, de prévoir, faute d'une
circulaire interministérielle, l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat.
J'aimerais que Mme la ministre nous indique si elle juge bon de prendre des
initiatives au cas par cas dans un certain nombre de domaines, mais aussi de
demander au Premier ministre de faire un rappel un peu général sur la nécessité
d'appliquer les dispositions du deuxième alinéa de l'article 40 du code de
procédure pénale.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Nous reconnaissons que M. Haenel soulève un problème qui
existe sans doute, mais nous ne croyons pas que ce soit le moment ou le
contexte convenable pour en traiter.
Peut-être un texte explicatif serait-il nécessaire, en particulier pour savoir
si tous les fonctionnaires doivent dénoncer eux-mêmes au procureur ou en
référer à leur hiérarchie. C'est une question parmi d'autres.
Nous avons entendu un début de réponse de Mme le garde des sceaux sur ce
point. Mais nous écouterons avec intérêt son avis.
L'amendement n° 27 rectifié concerne l'action publique. Mais un texte est
prêt, nous dit-on, et il viendra en discussion dans le courant de l'année, ce
qui n'est pas un renvoi aux calendes grecques. C'est la raison pour laquelle la
commission n'est pas favorable à cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
M. Haenel pose un vrai problème : l'article 40 du code
de procédure pénale est extrêmement général et il ne permet pas de déterminer
les obligations et les devoirs précis de chaque fonctionnaire pour son
application.
Je reconnais qu'une réflexion est nécessaire pour déterminer avec plus de
précision dans quelles conditions un fonctionnaire placé dans une situation
hiérarchique devrait dénoncer une infraction dont il a connaissance dans ses
fonctions. Nous pouvons, en effet, réfléchir à des adaptations sur ce point. Il
conviendrait aussi de déterminer avec plus de précision les catégories
d'infractions pour lesquelles une absence de signalement pourrait être
sanctionnée pénalement.
Le code pénal prévoit déjà des pénalités spécifiques. Je me suis d'ailleurs
efforcée, je l'ai dit voilà un instant, d'agir au cours de la dernière année
avec mes collègues du Gouvernement dans des domaines déterminés ; je pense aux
affaires boursières, à la situation en Corse, aux liaisons entre les chefs
d'établissement scolaire et les parquets en matière de violences sexuelles.
Toutefois, ayant dit cela, je ne suis pas persuadée que la pénalisation de
l'article 40 du code de procédure pénale constituerait une réponse
satisfaisante pour résoudre les difficultés d'application que vous soulignez,
monsieur le sénateur.
J'observe qu'en prévoyant le renvoi à un décret en Conseil d'Etat pour
préciser le sens de l'article 40 vous avez, de fait, reconnu que cette question
était très complexe. Mais je vous fais remarquer que, si l'on renvoyait à un
décret en Conseil d'Etat, cet amendement aurait pour conséquence, s'il était
adopté, de geler l'application de l'article 40 tant que le décret ne serait pas
publié. Dès lors, pendant une période dont la durée est difficile à évaluer,
l'article 40 ne pourrait plus du tout recevoir d'application, ce qui n'est
certainement pas l'objectif que vous cherchez à atteindre.
La question de la précision et de la pénalisation des non-dénonciations est
bien réelle. Cela devrait pouvoir se faire dans des secteurs bien spécifiques.
Il faudrait pouvoir les examiner au cas par cas, en adoptant la même attitude
que celle que nous avons adoptée à l'occasion de la loi sur la délinquance
sexuelle.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement ne peut pas être favorable à
l'amendement n° 27 rectifié.
M. Hubert Haenel.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel.
Monsieur le président, compte tenu, d'une part, des arguments de M. le
rapporteur de la commission des lois, et, d'autre part, des explications qui
viennent de m'être fournies par Mme le garde des sceaux, même si elles ne me
satisfont pas entièrement, je retire l'amendement.
Toutefois, je voulais demander à Mme le garde des sceaux si elle ne pourrait
pas prendre l'engagement qu'une circulaire interministérielle rappelle que ces
dispositions existent et qu'elles doivent être appliquées par les différentes
administrations dans certaines conditions.
M. le président.
L'amendement n° 27 rectifié est retiré.
Chapitre Ier
Dispositions relatives aux alternatives aux poursuites et à la compensation judiciaire
M. le président.
Par amendement n° 1, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit cet intitulé :
« Dispositions relatives aux alternatives aux poursuites et à la composition
pénale ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Monsieur le président, je demande que cet amendement soit
réservé jusqu'après l'examen de l'article 1er.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
En conséquence, la réserve est ordonnée.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - L'article 41-1 du code de procédure pénale devient l'article
41-4, et il est inséré, après l'article 41, trois articles 41-1 à 41-3 ainsi
rédigés :
«
Art. 41-1
. - S'il lui apparaît qu'une telle mesure est susceptible
d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble
résultant de l'infraction ou de contribuer au reclassement de l'auteur des
faits, le procureur de la République peut, préalablement à sa décision sur
l'action publique, directement ou par délégation :
« 1° Procéder au rappel auprès de l'auteur des faits des obligations résultant
de la loi ;
« 2° Orienter l'auteur des faits vers une structure sanitaire, sociale ou
professionnelle ;
« 3° Demander à l'auteur des faits de régulariser sa situation au regard de la
loi ou des règlements ;
« 4° Demander à l'auteur des faits de réparer le dommage résultant de ceux-ci
;
« 5° Procéder, avec l'accord des parties, à une mission de médiation entre
l'auteur des faits et la victime.
« La procédure prévue au présent article suspend la prescription de l'action
publique.
«
Art. 41-2
. - Le procureur de la République peut proposer, à titre de
compensation judiciaire, à une personne majeure qui reconnaît avoir commis un
ou plusieurs délits prévus par les articles 222-11, 222-13 (1° à 10° ), 222-16,
222-17, 222-18 (1er alinéa), 227-3 à 227-7, 227-9 à 227-11, 311-3, 313-5,
314-5, 314-6, 322-1, 322-2, 322-12 à 322-14, 433-5 et 521-1 du code pénal et
par les articles 28 et 32 (2° ) du décret-loi du 18 avril 1939 fixant le régime
des matériels de guerre, armes et munitions, une ou plusieurs des mesures
suivantes :
« 1° Verser une indemnité au Trésor public. Le montant de cette indemnité, qui
ne peut excéder 10 000 F, est fixé en fonction de la gravité des faits ainsi
que des ressources et des charges de la personne. Son versement peut être
échelonné, selon un échéancier fixé par le procureur de la République, à
l'intérieur d'une période qui ne peut être supérieure à six mois ;
« 2° Se dessaisir au profit de l'Etat de la chose qui a servi ou était
destinée à commettre l'infraction ou qui en est le produit ;
« 3° Remettre au greffe du tribunal de grande instance son permis de conduire
ou son permis de chasser, pour une période maximale de quatre mois ;
« 4° Effectuer au profit de la collectivité un travail non rémunéré pour une
durée maximale de 60 heures, dans un délai qui ne peut être supérieur à six
mois.
« Lorsque la victime est identifiée, et sauf si l'auteur des faits justifie de
la réparation du préjudice commis, le procureur de la République doit proposer
à ce dernier de réparer également les dommages causés par l'infraction. Il
informe la victime de cette proposition.
« La personne à qui est proposée une compensation judiciaire est informée
qu'elle peut se faire assister par un avocat avant de donner son accord à la
proposition du procureur de la République. Ledit accord est recueilli par
procès-verbal.
« Lorsque l'auteur des faits donne son accord aux mesures proposées, le
procureur de la République saisit par requête le président du tribunal aux fins
de validation de la compensation. Le procureur de la République informe de
cette saisine l'auteur des faits et, le cas échéant, la victime. Le président
du tribunal peut procéder à l'audition de l'auteur des faits et de la victime,
assistés, le cas échéant, de leur avocat. Les auditions sont de droit si les
intéressés le demandent. Si ce magistrat rend une ordonnance validant la
compensation, les mesures décidées sont mises à exécution. Dans le cas
contraire, la proposition devient caduque. La décision du président du tribunal
n'est pas susceptible de recours.
« Si la personne n'accepte pas la compensation ou si, après avoir donné son
accord, elle n'exécute pas intégralement les mesures décidées ou, si la demande
de validation prévue par l'alinéa précédent est rejetée, le procureur de la
République apprécie la suite à donner à la procédure. En cas de poursuites et
de condamnation, il est tenu compte, le cas échéant, du travail déjà accompli
et des sommes déjà versées par la personne.
« La prescription de l'action publique est suspendue entre la date à laquelle
le procureur de la République propose une compensation judiciaire et la date
d'expiration des délais impartis par ce dernier pour répondre à la
proposition.
« L'exécution de la compensation judiciaire éteint l'action publique. Elle ne
fait cependant pas échec au droit de la partie civile de délivrer citation
directe devant le tribunal correctionnel dans les conditions prévues au présent
code. Le tribunal ne statue alors que sur les seuls intérêts civils, au vu du
dossier de la procédure qui est versé au débat.
« Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en
Conseil d'Etat.
«
Art. 41-3
. - La procédure de compensation judiciaire est également
applicable en cas de violences ou de dégradations contraventionnelles.
« Le montant maximum de l'indemnité compensatrice ne peut alors excéder 5 000
F, la durée de la remise du permis de conduire ou du permis de chasser ne peut
dépasser deux mois, et la durée du travail non rémunéré ne peut être supérieure
à 30 heures, dans un délai maximum de trois mois.
« La requête en validation est portée devant le juge d'instance. »
Sur les articles 41-1 à 41-3 du code de procédure pénale, je suis saisi d'un
certain nombre d'amendements.
ARTICLE 41-1 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 2, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de supprimer
le texte présenté par l'article 1er pour l'article 41-1 du code de procédure
pénale et sa référence.
Par amendement n° 33, MM. Dreyfus-Schmidt, Badinter et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent, à la fin du premier alinéa du texte
présenté par l'article 1er pour l'article 41-1 du code de procédure pénale, de
supprimer les mots : « , directement ou par délégation. »
Par amendement n° 32, le Gouvernement propose de supprimer le deuxième alinéa
(1°) du texte présenté par cet article pour l'article 41-1 du code de procédure
pénale.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 2.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il se trouve malheureusement - mais c'est presque une
circonstance fortuite - que cet article qui vient en tête du texte ne nous
paraît pas à proprement parler nécessaire, ce qui peut donner une impression
étrange.
Il suffit de lire cet article 1er pour comprendre l'opinion de la commission
des lois.
« S'il lui apparaît qu'une telle mesure est susceptible d'assurer la
réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de
l'infraction ou de contribuer au reclassement de l'auteur des faits, le
procureur de la République peut, préalablement à sa décision sur l'action
publique... ». Le procureur en est au stade où où il se demande s'il va classer
sans suite ou renvoyer devant un tribunal et l'on éprouve le besoin de lui
dire, par un texte de loi, que, parmi les choses qu'il peut imaginer de faire -
et on ne les imagine peut-être pas toutes - il peut « directement ou par
délégation :
« 1° Procéder au rappel auprès de l'auteur des faits des obligations résultant
de la loi. » C'est encore heureux !
« 2° Il peut aussi : orienter l'auteur des faits vers une structure -
magnifique langage ! - sanitaire, sociale ou professionnelle. »
Il peut encore : « 3° Demander à l'auteur des faits de régulariser sa
situation au regard de la loi ou des règlements. »
Il peut enfin, et c'est plus substantiel : « 4° Procéder, avec l'accord des
parties, à une mission de médiation entre l'auteur des faits et la victime. »
Il peut renvoyer des affaires devant des organismes de médiation, dont on a
déjà parlé et qui sont fort utiles si l'on en juge par l'expérience et par les
échos que nous avons.
La commission des lois estime qu'il n'est pas nécessaire de faire ces rappels,
qui pourraient se révéler fâcheux.
Il n'est pas nécessaire de préciser dans la loi que les procureurs peuvent
faire ce qu'ils font déjà et qui n'est pas contesté. Par ailleurs, un tel
rappel ne nous paraît pas relever du domaine législatif.
Si, demain, un procureur veut prendre une initiative qui ne figure pas dans la
liste, il ne pourra pas le faire. La liste, qui semble ouvrir des possibilités
nouvelles, les limite au contraire et bride sa créativité.
D'une manière générale, il faut s'efforcer de ne pas enserrer dans des règles
trop précises l'action des responsables de l'action publique, de ces agents qui
ne sont tout de même pas des agents d'exécution subalternes. Les procureurs, il
faut leur laisser une marge d'appréciation.
Les procureurs sont chargés d'apprécier l'opportunité des poursuites, ce qui
est une responsabilité très importante dont on pourrait quelquefois s'étonner.
Mais notre système est ainsi fait et personne ne le conteste. Dans ce champ
d'action qui leur est ouvert, il font ce qu'ils estiment devoir faire et il
nous paraît réducteur, d'énumérer ce qu'ils peuvent faire.
Bien entendu, nous comprendrions très bien que, pour le fonctionnement interne
des services de la justice, le garde des sceaux éprouve le besoin de rappeler
ces possibilités, peut-être d'encourager le recours à telle ou telle d'entre
elles. Ces précisions relèvent, en effet, d'une circulaire. C'est la raison
pour laquelle nous vous proposons, mes chers collègues, d'adopter cet
amendement de suppression.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 33.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Un de mes amis, ancien maire de Belfort et ancien député, disait un jour où il
était ministre : « Quand on est ministre, on ferme sa gueule. »
Il m'arrive de me demander quelle doit être l'attitude d'un membre de la
majorité nationale à propos d'un texte.
Je crois que le devoir d'un parlementaire est de dire très exactement ce qu'il
pense, étant entendu que, sur les points essentiels, il ne doit évidemment pas
manquer à une solidarité qui, là aussi, est nécessaire.
Je dis cela parce que, à titre personnel au moins, j'ai été navré de voir
revenir la notion de compensation judiciaire, pour utiliser l'appellation qui
prévaut pour l'instant.
A cet égard, la satisfaction de M. le rapporteur est significative. Il a dit
qu'il avait regretté que le Conseil constitutionnel ait été saisi
(M. le
rapporteur fait un signe de dénégation),
c'est-à-dire qu'il acceptait
l'inconstitutionnalité du texte, et il a ajouté qu'il était très reconnaissant
au Gouvernement de présenter aujourd'hui des dispositions proches de celles
qu'il avait proposées et que le Conseil constitutionnel avait refusées.
A maintes reprises, dans son rapport, il dit que c'est la même chose, que cela
revient au même, et il ajoute même qu'il existe une petite différence qui rend
sans doute cette fois le texte constitutionnel, mais qui n'est que de forme
car, dans la plupart des cas, évidemment, il y aura validation.
Nous reviendrons tout à l'heure sur la validation, mais je dois dire que la
rédaction proposée par l'article 1er pour l'article 41-1 du code de procédure
pénale ne nous paraît pas être la pire, elle ne fait pas vraiment de mal. Le
texte proposé prévoit en effet ce qui existe depuis un temps immémorial : tous
les procureurs de la République ont toujours pu faire dire aux intéressés
qu'ils les poursuivraient si, par exemple, le préjudice n'était pas réparé.
C'est ce qu'on appelle le classement sous condition. Cela a toujours existé.
Ici, on nous dit : vous allez limiter la marge d'action du procureur, qui ne
pourra rien faire d'autre que ce que le texte énumère limitativement.
Je ne sais pas ce qu'il pourrait faire d'autre, mais ce qui nous ennuie, c'est
que ce n'est pas seulement le procureur qui peut agir mais aussi son
délégué.
Qui sera délégué ? Sans doute les officiers de police judiciaire, qui sont
constamment dévalorisés. Là, nous nous posons la question de savoir si l'on
peut accepter qu'une personne autre qu'un magistrat, par exemple, oriente un
délinquant vers telle ou telle « structure » - je ne sais d'ailleurs pas ce que
ce terme signifie et j'aimerais qu'on me l'explique - sanitaire, sociale ou
professionnelle et qui peut être un organisme privé dont les prestations
peuvent être payantes.
Le délégué pourra donc envoyer le prévenu vers une « structure » ou demander à
l'auteur des faits de réparer le dommage résultant de ceux-ci.
Je sais bien que la décision de poursuivre ou non n'est pas encore prise et
que ce n'est pas le délégué qui statue sur l'opportunité des poursuites. C'est
en effet le procureur qui seul peut le faire. Toutefois, le délégué - un agent
de police ou n'importe qui d'autre, sans doute - pourrait donc, de son propre
mouvement, préparer le terrain pour que le procureur ait ensuite tendance à
classer l'affaire, alors que lui-même n'a pas encore pris connaissance du
dossier.
Il nous est dit que cette procédure présente un avantage : elle suspend la
prescription.
Je suis quelque peu étonné par cet argument. Je croyais que ce texte était
fait pour accélérer les procédures et voilà que l'on a peur que la prescription
n'atteigne les affaires dont il est question.
Quoi qu'il en soit, je préférerais que l'on supprime les mots : « par
délégation ». C'est ce que nous proposons dans notre amendement.
J'attends les explications que vous nous donnerez à cet égard, madame le garde
des sceaux, mais, pour le reste, nous accepterons l'article 41-1 du code de
procédure pénale si le Sénat ne le supprime pas, comme le demande la
commission.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux, pour présenter l'amendement n° 32 et
donner l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 2 et 33.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Si vous le voulez bien, monsieur le président, je
donnerai d'abord mon avis sur l'amendement n° 2, tout en présentant
l'amendement n° 32, avant de répondre aux auteurs de l'amendement n° 33.
Je voudrais dire pourquoi le Gouvernement s'oppose à l'amendement n° 2,
présenté par M. le rapporteur, et pourquoi il a souhaité, sur le point qui a
été soulevé, déposer l'amendement n° 32.
Je considère, il est vrai, que la consécration dans la loi des différentes
formes de classement sous condition constitue aujourd'hui une nécessité, non
seulement pour donner une impulsion nouvelle à ces pratiques, mais également
pour qu'elles soient mieux encadrées.
C'est la raison pour laquelle l'article 1er du projet de loi tend à insérer
dans le code de procédure pénale cet article 41-1, qui prévoit les différentes
mesures auxquelles le procureur de la République peut procéder préalablement à
sa décision sur l'action publique.
Les arguments que vous avez avancés, au nom de la commission des lois,
monsieur le rapporteur, ne me paraissent pas convaincants. Je rappelle, en
effet, qu'en 1992 le Sénat a accepté de consacrer la médiation pénale, et je me
demande pourquoi, aujourd'hui, on refuserait d'achever cette réforme.
A la réflexion, votre proposition m'amène toutefois à considérer qu'il n'est
ni utile, ni opportun d'inscrire dans le code de procédure pénale que le
procureur pourra procéder auprès de l'auteur d'une infraction à un simple «
rappel à la loi ». Cela reviendrait en effet à inscrire dans la loi qu'on
demande le respect de la loi !
En revanche, il paraît nécessaire de préciser que le procureur pourra procéder
à des mesures tendant à l'orientation de l'auteur des faits vers une structure
sanitaire sociale ou professionnelle, à la régularisation de la situation de ce
dernier, à la réparation par la personne du dommage qu'elle a causé ou à une
médiation entre cette personne et la victime, tout en indiquant, bien entendu,
que la mise en oeuvre de ces mesures, dont l'accomplissement peut prendre un
certain temps, suspend la prescription de l'action publique.
Je crois, en effet, que l'inscription dans la loi de ces mesures donnera un
fondement légal plus solide aux articles réglementaires qui prévoient
aujourd'hui, au titre des frais de justice, la tarification des indemnités dues
au délégué du procureur ainsi qu'à ceux qui prévoient leur habilitation.
Ces précisions seront d'ailleurs le support d'une circulaire de politique
pénale que la Chancellerie adressera aux juridictions pour détailler les
conditions d'application des nouvelles dispositions dont la légitimité ne
pourra, dès lors, pas être contestée, alors qu'en l'absence de lois certains
peuvent aujourd'hui estimer que ces mesures ne relèvent pas des missions de
l'autorité judiciaire.
Voilà pourquoi je souhaite que le Sénat repousse l'amendement n° 2 de la
commission des lois et adopte l'amendement n° 32 du Gouvernement, qui supprime
la mention du rappel à la loi.
Le Gouvernement n'est pas non plus favorable à l'amendement n° 33, qui a été
défendu par M. Dreyfus-Schmidt au nom du groupe socialiste et qui tend à
supprimer la possibilité donnée au procureur de procéder, par l'intermédiaire
d'un délégué, à des mesures préalables à un classement sans suite comme, par
exemple, la médiation.
D'abord, c'est exactement ce qui se pratique actuellement dans des conditions
qui sont jugées satisfaisantes, même si je reconnais qu'elles peuvent être
améliorées. Je pense notamment à l'intervention de l'avocat qui doit être
facilitée. C'est pourquoi, dans le projet de loi relatif à l'accès au droit que
vous examinerez bientôt, il est prévu l'indemnisation des avocats qui
participeraient à la mise en oeuvre de telles mesures, c'est-à-dire qu'ils
pourront faire appel à l'aide juridictionnelle, qui est aujourd'hui réservée
aux actions devant les tribunaux.
Je voudrais faire observer par ailleurs que c'est l'un de mes prédécesseurs,
Michel Vauzelle, qui, par un décret du 4 novembre 1992, avant même que la loi
du 4 janvier 1993 vienne consacrer la médiation pénale, a prévu
l'indemnisation, au titre des frais de justice, des médiateurs désignés par le
procureur de la République.
Il serait donc paradoxal que le présent projet de loi fasse reculer notre
procédure pénale de plusieurs années en en diminuant l'efficacité sans pour
autant améliorer les garanties offertes au justiciable.
Je rappellerai enfin qu'il appartiendra toujours au procureur de décider s'il
doit lui-même mettre en application ces mesures ou s'il peut déléguer cette
mission à une personne habilitée. En aucun cas, ce n'est une obligation qui
s'impose au procureur. Il est parfaitement libre de déterminer s'il choisit de
déléguer ou non.
Telles sont les raisons qui me conduisent à vous demander de voter contre cet
amendement n° 33.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 33 et 32 ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je m'exprimerai également sur notre amendement n° 2, en
réponse à Mme le garde des sceaux, de manière à ne pas avoir à redemander la
parole.
La commission est obligée de persister dans sa demande de suppression du texte
proposé par l'article 1er pour l'article 41-1 du code de procédure pénale,
d'autant que l'amendement est au coeur du débat.
Comme le montre notre discussion, quand on se met à légiférer sur ce qui
échappe à la réglementation, on voit surgir des difficultés de toutes
sortes.
D'ailleurs, après avoir élaboré cet article, vous admettez qu'une partie de ce
texte n'est pas utile. On se rend bien compte que c'est une démarche qui est
difficile et qui n'est pas nécessaire.
Madame le garde des sceaux, vous avez dit qu'elle était nécessaire en matière
de médiation pénale. Certes, pour autoriser un procureur de la République à
s'engager dans la voie de la médiation pénale qui consiste à envoyer les
plaideurs devant un médiateur investi d'une mission et en tirer ensuite les
conclusions, il fallait effectivement un texte législatif, même si de telles
pratiques existaient déjà. Une fois que les expérimentations menées ici ou là
ont démontré leur intérêt, il est normal, s'agissant d'une démarche dans
laquelle la justice délègue d'une certaine façon une partie, sinon de ses
pouvoirs, du moins de ses reponsabilités, ce qui est tout aussi important, à
des tiers extérieurs à l'appareil judiciaire, qu'il y ait un texte. Celui-ci
existe d'ailleurs dans le code de procédure pénale, il s'agit de l'article
41.
Vous le reprenez, mais quand nous proposons de ne pas vous suivre dans cette
voie, nous demandons par ailleurs le maintien du texte particulier sur la
médiation, qui est nécessaire.
Je persiste à croire - et vous l'admettez vous-même - qu'il n'est point besoin
d'un texte pour renvoyer les intéressés devant la fameuse structure sociale.
Concrètement, est-il nécessaire d'inscrire dans la loi qu'untel devrait se
rendre dans un centre de désintoxication, voir des psychologues qui tiennent
une permanence à la mairie ou restituer, par exemple, un objet volé afin de
réparer le préjudice causé ?
Quand on s'engage dans cette voie, on se heurte aux difficultés qui me
permettent de répondre sur les amendements n°s 32 et 33.
Madame le garde des sceaux, quelle différence y a-t-il entre rappeler la loi à
l'auteur d'infraction et le renvoyer devant un organisme de conseil ? Cela
montre que cet article n'est pas indispensable et qu'il pourrait même être
fâcheux de l'inscrire dans la loi.
S'agissant de l'amendement n° 33, je n'entrerai même pas dans le détail de la
rédaction puisque je suis opposé à l'ensemble de l'article ! Je ne vois donc
pas comment on pourrait l'améliorer. Si, par impossible, comme on dit lorsque
l'on plaide une affaire, on devait le faire, il est tout à fait nécessaire que
les procureurs puissent prendre de telles mesures par voie de délégation !
Dans les systèmes de traitement direct que nous connaissons, que se passe-t-il
? Comme l'ont constaté un certain nombre d'entre nous dans les parquets, les
procureurs sont en liaison téléphonique avec les officiers de police judiciaire
qui sont sur le terrain et qui les informent de ce qui s'y passe.
Les procureurs peuvent demandeur à ces OPJ de citer les auteurs de
l'infraction tel jour à comparaître. C'est ce que l'on appelle le « temps réel
», encore une expression que je trouve absurde, car plus le temps est court,
moins il est réel, et vice versa !
Les procureurs peuvent aussi leur demander de sermonner l'intéressé et de le
renvoyer chez lui parce qu'on ne peut pas poursuivre cette affaire.
Ils peuvent encore leur demander d'envoyer l'intéressé dans un centre de
toxicomanie.
Il faut bien que ces procureurs puissent agir par délégation. Ils ne vont pas
demander aux officiers de police judiciaire de leur amener les prévenus au
siège du parquet, huit jours après, pour procéder eux-mêmes à toutes ces
actions ! Ne tombons pas dans le ridicule !
Il est tout à fait utile que ces choses-là se fassent par délégation, sauf la
médiation, qui, encore une fois, est une mesure très particulière. Elle doit
relever de la responsabilité et des prérogatives propres du procureur.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de maintenir le texte actuel sur
la médiation. Un amendement ultérieur permettra de maintenir la responsabilité
des procureurs en ce qui concerne la décision de médiation. Il faut laisser ces
derniers assumer leurs responsabilités - ils ne sont pas les premiers venus,
loin s'en faut ! - dans les limites des lois qui sont suffisamment précises
pour les guider et leur éviter de commettre des erreurs. Mais qu'on leur donne
une marge d'appréciation, cela me paraît indispensable !
On a invoqué le problème de la prescription. Contrairement à ce que je
croyais, notre ami M. Dreyfus-Schmidt n'a pas complètement répondu sur ce
point.
La prescription est de un an pour les contraventions et de trois ans pour les
délits. Si on n'a pas pris ces mesures dans l'année ou dans les trois ans,
imaginez-vous qu'on va les prendre dans la quatrième année ? C'est inconcevable
et je ne crois pas que l'argument de la prescription soit opérant en la
circonstance ! Evidemment, ce sont des mesures qu'il faut prendre rapidement ou
alors je ne vois pas comment peut fonctionner le système judiciaire.
M. Jacques Machet.
Très bien !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je voudrais simplement faire remarquer à M. Fauchon que
la médiation n'est pas plus contraignante que la réparation, la régularisation
ou même l'orientation. La régularisation, par exemple, peut donner lieu à
indemnisation.
Il s'agit d'obligations et, par conséquent, je ne vois pas pourquoi on les
traiterait différemment.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Ce texte pose un problème de principe
rédactionnel.
Nous sommes tous d'accord pour parvenir à une simplification des procédures et
à un renforcement de l'efficacité des procédures pénales.
Je dois dire que cet article 1er commence mal. En effet, il tend à rigidifier
de manière inutile des pratiques, qui sont monnaie courante et qui peuvent être
rappelés de manière tout à fait pertinente aux procureurs qui, d'aventure, ne
les appliqueraient pas déjà par la voie de la circulaire pénale.
Il n'est pas nécessaire d'introduire dans la loi des indications
contraignantes alors que nous n'en avons pas besoin et que nous avons tous le
souci d'éviter d'alourdir nos textes de dispositions inutiles.
C'est pourquoi je me permets de demander au Sénat, avec un peu d'insistance,
de bien vouloir suivre la position de la commission.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il me semble que M. le rapporteur vient de commettre un contresens en ce qui
concerne la prescription de l'action publique. Il n'est pas question d'attendre
longtemps avant que le procureur ait recours à l'une des mesures prévues dans
le texte proposé pour l'article 41-1 du code de procédure pénale. Mais, si
l'application de ces mesures devait durer, le temps que l'affaire revienne
devant le procureur de la République, la prescription pourrait être acquise.
C'est du moins ainsi que je l'ai compris.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur
La prescription est de trois ans tout de même !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est trois ans en matière de délit, mais la procédure peut être également
utilisée en matière de contravention.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Essentiellement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je souhaite également faire remarquer à Mme la garde des sceaux que le
procureur de la République n'agit pas par l'intermédiaire d'un délégué, mais
par une délégation.
J'ai cru comprendre que cette délégation pourrait être générale ; si ce n'est
pas le cas, il faut nous le dire. S'il agit par intermédiaire, ce n'est plus
une délégation.
C'est tellement vrai que, aujourd'hui, le procureur de la République, qui
prend connaissance de tous les dossiers, et qui décide de notifier à
l'intéressé qu'il ne poursuivra pas si le préjudice est réparé, par exemple
dans les trois ou quatre mois, le fait évidemment par l'intermédiaire de la
police. Il ne le fait pas lui-même.
En revanche, lorsque je lis dans le texte que le procureur de la République
peut faire ceci ou cela, par un délégué, je crains qu'il ne s'agisse d'une
délégation générale et non spéciale. Aussi, je me permets de vous demander des
précisions sur ce point, madame le garde des sceaux.
Enfin, vous nous dites qu'il pourra y avoir un avocat. Tant mieux, mais je ne
crois pas que soit prévue la présence d'avocat - sauf demain, en matière de
garde à vue, ce dont je me félicite - au stade de l'enquête de police.
Je dois cependant à la vérité de dire aussi que ce qui m'intéresse, c'est de
savoir - vous avez omis de me répondre sur ce point, madame le garde des sceaux
- qui pourrait être délégué. Ce serait intéressant de le savoir. Si c'est un
officier de police judiciaire au sens où nous l'entendons aujourd'hui, cela
peut se concevoir. Si c'est n'importe qui, il faut que nous le sachions, car
cela nous gênerait beaucoup plus !
Au demeurant, ce n'est pas le principal souci que nous ayons à propos de ce
texte et si l'amendement de la commission était repoussé, il n'est pas certain
que nous maintiendrions l'amendement n° 33, qui avait surtout pour objet,
madame le garde des sceaux, de vous demander des précisions quant à la
délégation.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, le texte proposé pour l'article 41-1 du code de procédure
pénale est supprimé, et les amendements n°s 33 et 32 n'ont plus d'objet.
5
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le ministre des relations avec le
Parlement une lettre en date de ce jour par laquelle le Gouvernement retire de
l'ordre du jour prioritaire de la séance de demain jeudi 18 juin, la
proposition de loi pour l'extension de la qualification d'officier de police
judiciaire au corps de maîtrise et d'application de la police nationale.
Acte est donné de cette communication.
L'ordre du jour de la séance de demain est modifié en conséquence.
6
ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
M. le président.
J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de procéder à
la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein d'un organisme
extraparlementaire.
En conséquence, j'invite la commission des affaires culturelles à présenter
deux candidats appelés à siéger au sein du comité d'orientation des programmes
de la société Télévision du savoir, de la formation et de l'emploi.
Les nominations des sénateurs appelés à siéger au sein de cet organisme
extraparlementaire auront lieu ultérieurement dans les conditions prévues par
l'article 9 du règlement.
7
NOMINATION DE MEMBRES
D'UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
M. le président.
Je rappelle que la commission des finances et la commission des lois ont
proposé des candidatures pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par
l'article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :
- MM. Jacques Oudin et M. Christian Bonnet, membres titulaires ;
- MM. Michel Mercier et André Bohl, membres suppléants,
du comité des finances locales.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques
instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures
vingt-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
8
EFFICACITÉ DE LA PROCÉDURE PÉNALE
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif aux alternatives aux
poursuites et renforçant l'efficacité de la procédure pénale.
Article 1er
(suite)
M. le président.
Dans l'examen de l'article 1er de ce projet de loi, nous en sommes parvenus au
texte proposé pour l'article 41-2 du code de procédure pénale.
ARTICLE 41-2 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 3, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, dans le
premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 41-2 du code
de procédure pénale, de remplacer les mots : « à titre de compensation
judiciaire » par les mots : « directement ou par l'intermédiaire d'un officier
ou agent de police judiciaire ou d'une personne habilitée, une composition
pénale ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Nous en
arrivons à ce que nous avons considéré comme la partie la plus novatrice et, me
semble-t-il, la plus intéressante de ce texte.
Nous pensons que le dispositif décrit à l'article 41-2 mérite effectivement
d'être expérimenté, mais il nous semble que, afin de lui donner toutes ses
chances, de lui conférer toute l'efficacité souhaitable, il convient de prévoir
que le procureur peut passer par l'intermédiaire d'un officier ou agent de
police judiciaire ou d'une personne habilitée pour proposer ce que nous
suggérons d'appeler une composition pénale. J'insiste sur le fait qu'il ne
s'agit pas d'une délégation, car le procureur ne saurait se déposséder de cette
responsabilité.
Il faut bien comprendre que ce qui est en cause ici, c'est le tout petit
contentieux, un contentieux qui n'appelle même pas une médiation, procédure
beaucoup trop compliquée et trop longue - ce dont il faut d'ailleurs se
féliciter - au regard des faits considérés.
Comment les choses se passeraient-elles concrètement ? Par téléphone, le
procureur indique à l'officier ou à l'agent de police judiciaire qui a devant
lui une personne ayant commis un délit qu'il peut proposer à cette dernière
d'acquitter une amende de tel montant, de remettre son permis de conduire,
d'effectuer un travail au profit de la collectivité, etc.
Il s'agit donc d'introduire un élément de souplesse qui devrait contribuer
beaucoup à l'efficacité du système.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Si vous me le permettez,
monsieur le président, avant de donner l'avis du Gouvernement sur cet
amendement, qui prévoit l'intervention éventuelle d'un officier de police
judiciaire ou d'un délégué du procureur - c'est d'ailleurs souvent la même
personne - je voudrais mieux préciser les conditions d'application de la
procédure de compensation judiciaire.
Je tiens tout d'abord à souligner que celle-ci ne porte en rien atteinte aux
droits de la défense, aux droits des victimes, non plus que, en tout cas dans
la rédaction actuelle, aux principes constitutionnels.
Les droits de la défense sont totalement respectés puisque la mesure suppose
l'accord de l'intéressé, qui peut consulter préalablement un avocat et qui peut
toujours changer d'avis, même après avoir accepté la compensation.
Quant aux droits de la victime, ils sont mieux garantis que lors d'une
procédure normale puisque, si elle est identifiée, la victime est
obligatoirement indemnisée. Elle peut être assistée par un avocat et, dans tous
les cas, elle peut toujours saisir le tribunal correctionnel.
Enfin, les principes constitutionnels sont pris en compte puisqu'un juge du
siège doit valider la mesure, après avoir, s'il le souhaite, entendu l'auteur
des faits et la victime, accompagnés de leurs avocats respectifs.
Ainsi, nous ne retrouvons plus les raisons qui ont amené, dans le passé, le
Conseil constitutionnel à rejeter cette mesure.
Permettez-moi de vous donner un exemple précis, pour bien montrer comment, en
pratique, cela pourrait se passer.
Soit un jeune d'une vingtaine d'années, sans travail, qui est arrêté pour des
vols à l'étalage chez un commerçant du quartier. Le procureur est averti de son
placement en garde à vue. Avant la fin de cette garde à vue, au vu des
renseignements fournis par l'officier de police judiciaire et au vu des
positions arrêtées entre le siège et le parquet, le procureur décide de
recourir à la compensation judiciaire. Il propose alors à ce jeune, par
l'intermédiaire de l'officier de police judiciaire, par exemple un travail non
rémunéré d'une durée de vingt heures et, en outre, le remboursement intégral du
préjudice subi, dont le montant a été évalué par le commerçant et communiqué
aux enquêteurs.
Lorsque le jeune est avisé de cette proposition par procès-verbal, il
s'entretient avec l'avocat de permanence qui, au vu du dossier, peut faire
remarquer que la plupart des objets dérobés ont été restitués et que seuls des
biens périssables doivent être remboursés. Rien n'interdit alors à l'avocat de
téléphoner au procureur pour l'inciter à revoir à la baisse, par exemple, le
montant du préjudice. Ainsi conseillé, le jeune peut alors donner son accord
aux mesures proposées, sous réserve, s'il le souhaite, de la réévaluation du
préjudice que le procureur a acceptée.
On voit donc, par cet exemple, que les droits de la défense sont véritablement
garantis et que la procédure permet justement à la personne interpellée de
faire valoir son point de vue.
Le dossier de la procédure est alors transmis au parquet, qui le communique au
juge du siège, lequel valide les mesures. Celles-ci peuvent être mises à
exécution dans le mois qui suit. Dans des hypothèses plus complexes, le
procureur pourra faire déférer la personne ou la convoquer. Dans les cas
simples, il pourra agir par l'intermédiaire des enquêteurs.
Je voudrais préciser, à l'intention de M. Dreyfus-Schmidt, que les délégués du
procureur peuvent être des officiers de police judiciaire, des médiateurs, des
personnes habilitées, comme c'est le cas en matière de délinquance des mineurs.
Pour être habilitées, ces personnes font bien entendu l'objet d'une enquête. En
général, ce sont des officiers de police judiciaire ou d'anciens officiers de
police judiciaire.
Nous veillerons naturellement à la qualité du recrutement des délégués du
procureur ; il est en effet indispensable de rendre crédibles les mesures de ce
type, en ne permettant pas qu'elles puissent être détournées de leur objet.
Cette procédure permettra, à mon avis, une réaction judiciaire à la fois juste
et proportionnée, rapide et efficace, adaptable selon les situations et, me
semble-t-il, respectueuse des droits de la défense comme de ceux de la victime,
ainsi que de la séparation des autorités de poursuite et de jugement.
L'amendement n° 3 précise le texte du Gouvernement, sans en trahir nullement
l'économie. Je m'en remettrai donc à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 3.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il n'est pas précisé, dans cet amendement n° 3, s'il s'agit d'une composition
pénale ou d'une compensation judiciaire. Pour l'instant, nous avons réservé
l'amendement n° 1, qui tendait à une substitution de mots. On en va pas
procéder à cette substitution sans en discuter, je suppose...
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Bien entendu, c'est sous réserve !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Madame le garde des sceaux, vous nous avez dit que la compensation pourrait
avoir lieu par l'intermédiaire soit d'un officier de police judiciaire, soit
d'une personne habilitée.
A priori,
vous ne refusez donc pas cet
amendement, puisque vous vous en êtes remise à la sagesse du Sénat.
Vous nous avez expliqué pourquoi le texte que vous nous proposez comporte
toutes les garanties voulues. Je m'interroge, cependant : une validation,
est-ce une décision ? Je n'en suis pas sûr. Même si l'on nous dit qu'il ne peut
pas y avoir de recours contre cette « décision », il s'agit non pas d'une
décision de condamnation mais seulement d'une décision d'homologuer la mesure
qui aura été proposée par le procureur, ce qui n'est pas la même chose.
Encore une fois, est-ce véritablement une décision ? Vous savez, madame le
garde des sceaux, ce qui se passe en ce qui concerne les ordonnaces pénales :
les magistrats les signent, puis, si quelqu'un fait opposition - c'est possible
- ils n'y font jamais droit, sinon les oppositions se multiplieraient et on ne
gagnerait plus le temps qu'on voulait gagner en créant l'ordonnance pénale.
C'est la même chose ici. A supposer que le président examine le dossier, il va
perdre un temps précieux, car il n'est pas prévu qu'il puisse modifier ou même
proposer de modifier ce qui lui est déféré : ou il valide, ou il ne valide pas.
Nous aurons l'occasion d'y revenir.
Mais que lit-on dans le rapport de M. Fauchon : « La validation par le
président du tribunal constitue une contrainte supplémentaire par rapport au
dispositif de 1995 - qui, à part cela, était le même - même si l'on peut penser
que cette validation revêtira dans la plupart des cas un caractère formel ». Ce
n'est pas moi qui le dis, c'est M. le rapporteur !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il se trompe beaucoup : ce qu'il dit n'est pas parole
d'évangile !
(Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est donc une manière de nous dire que ce sont tout de même les policiers qui
vont proposer des amendes pouvant s'élever à 10 000 francs, amendes dont la
commission nous proposera qu'elles puissent être même de 50 000 francs. Autant
dire qu'il s'agira non pas forcément de vols à l'étalage, mais aussi d'affaires
beaucoup plus importantes.
La commission propose que la procédure puisse se faire « par intermédiaire ».
Ce pourra être par téléphone. Dans ce cas, le procureur ne verra donc pas le
dossier. Pensez-vous qu'il pourra fixer lui-même une amende sans avoir pu
prendre connaissance du dossier ? Quant à la victime, on l'invitera à faire
connaître le montant de son préjudice de manière que le tout soit réglé dans un
délai de six mois. Or, bien souvent, on ne sait pas encore ce qu'est le
préjudice des victimes, qui auraient grand tort d'accepter immédiatement une
transaction alors qu'elles peuvent être beaucoup plus atteintes qu'elles ne le
croient.
En outre, vous nous dites que les victimes qui n'auraient pas été parties à la
transaction pourront toujours saisir le tribunal. Elles pourront, en effet,
aller voir un avocat et lui demander de faire une citation directe. C'est tout
de même moins bien que de se constituer partie civile. Une citation directe est
plus lourde, plus difficile, et plus longue aussi.
Nos réserves sur cet amendement tiennent surtout au fait qu'il admet un «
intermédiaire ». Cela étant, compte tenu de vos explications, madame le garde
des sceaux, et de la position de certains de nos amis, nous nous
abstiendrons.
M. Robert Pagès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
J'attire votre attention sur la décision que nous allons prendre, à l'occasion
de l'amendement n° 3, s'agissant du choix entre « compensation judiciaire » et
« composition pénale ».
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Nous nous sommes mis d'accord pour réserver la question.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis maintenant saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Par amendement n° 52, MM. Pagès, Duffour et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent de supprimer le deuxième alinéa du texte
présenté par l'article 1er pour l'article 41-2 à insérer dans le code de
procédure pénale.
Les deux amendements suivants sont présentés par M. Fauchon, au nom de la
commission.
L'amendement n° 4 tend, dans la première phrase du deuxième alinéa (1°) du
texte proposé par l'article 1er pour l'article 41-2 du code de procédure
pénale, à remplacer le mot : « indemnité » par les mots : « amende de
composition ».
L'amendement n° 5 vise, dans la deuxième phrase du deuxième alinéa (1°) du
texte proposé par l'article 1er pour l'article 41-2 du code de procédure
pénale, à remplacer les mots : « de cette indemnité, qui ne peut excéder 10 000
F, » par les mots : « de cette amende de composition, qui ne peut excéder ni 50
000 F ni la moitié du maximum de la peine encourue, ».
La parole est à M. Pagès, pour présenter l'amendement n° 52.
M. Robert Pagès.
Je me suis déjà exprimé dans la discussion générale sur la question de la
composition judiciaire, plus précisément de l'indemnité compensatrice.
La disposition ici proposée constitue une version atténuée de l'indemnité
proposée en 1994, qui pouvait s'élever, comme d'ailleurs le propose aujourd'hui
M. le rapporteur, à 50 000 francs.
Il n'est pas sain, pensons-nous, de permettre à certains d'échapper aux
poursuites pénales moyennant le paiement d'une somme de 10 000 francs, car cela
créerait, de fait, une inégalité devant la justice.
C'est particulièrement vrai, à mon sens, dans le cadre fixé par le projet de
loi, qui est celui de la délinquance urbaine.
A votre avis, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, quels seront
les jeunes délinquants qui pourront payer cette indemnité ? Ce serait un comble
qu'un trafiquant de drogues puisse échapper facilement aux poursuites,
moyennant paiement, alors qu'un autre jeune, impliqué dans un délit beaucoup
moins grave, ne le pourrait pas.
Au-delà de cet aspect très concret, il nous paraît peu souhaitable d'ouvrir la
voie à un élargissement de la disposition à d'autres catégories de délits.
Rappelons-nous que le texte de M. Méhaignerie, à l'origine, intégrait les abus
de biens sociaux, puisque presque tous les délits encourant un emprisonnement
de moins de trois mois étaient concernés.
Nous vous proposons donc, par cet amendement n° 52, de supprimer la notion
même d'indemnité compensatrice.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur
l'amendement n° 52 et pour défendre les amendements n°s 4 et 5.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Monsieur Pagès, je pense que votre amendement vient de ce que
vous ne voyez pas bien concrètement le mécanisme que nous proposons. Je vais
donc vous l'expliquer.
(M. Pagès proteste.)
Le procureur propose les mesures qu'il estime opportunes en fonction de la
situation et des personnes qu'il a en face de lui. Si c'est un gamin qui n'a
pas le sou, il lui propose non pas une indemnité, le procureur n'est pas
irréaliste à ce point-là, mais un travail non rémunéré. Il va donc décider
exactement ce que vous souhaitez, monsieur Pagès.
Les cas visés dans notre texte étant très disparates - menaces, abandons de
famille, notamment - le procureur peut se trouver en présence non d'un gamin
sans le sou mais d'un adulte fortuné, à qui il est justement souhaitable de
demander une amende importante.
M. Robert Pagès.
Et il ne sera pas poursuivi !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Mais c'est de cette manière que l'on pourra l'atteindre :
dans sa fortune ! C'est la raison pour laquelle nous proposons de porter le
maximum de l'amende de 10 000 francs à 50 000 francs. Songez que, pour
certains, 10 000 francs, ce n'est rien. Ils vont s'en tirer à bon compte,
ceux-là !
Il est donc juste que le procureur puisse exiger une amende d'un montant plus
élevé de personnes pour lesquelles seule une amende lourde est
significative.
Là encore, ce que nous souhaitons, c'est que le procureur ait à sa disposition
un éventail de possibilités et qu'on lui fasse confiance. Tout cela est
expérimental, nous verrons donc au bout de quelques années. Par ailleurs, le
président du tribunal pourra toujours refuser de valider une proposition qui ne
lui paraîtra pas raisonnable. Dieu merci, il y a un contrôle dans cette
affaire.
Cela étant, dans la plupart des cas, ce que l'on peut demander aux gens, c'est
de verser une « indemnité ». Je préfèrerais d'ailleurs lui donner un autre nom
et j'y viendrai dans un instant.
Monsieur Pagès, si vous entrez dans notre système, vous serez peut-être amené
à ne pas maintenir votre amendement, car vous verrez que ce qui est proposé
n'est pas choquant.
M. Robert Pagès.
Si, c'est choquant de se payer une innocence !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
On ne se paie pas une innocence du tout. N'oubliez pas que
l'alternative, selon la formule employée, ce sera, la plupart du temps, un
classement sans suite. L'innocence, alors, ne coûte rien du tout et l'on n'a
même pas à se déranger !
(M. Pagès proteste.)
Il faut voir les choses comme elles sont dans la réalité et non pas selon une
position abstraite et théorique. Il est tout de même préférable de faire
acquitter une amende de composition dont, encore une fois, le montant pourra
être fort élevé, si vous nous suivez, plutôt que de renoncer à toute
poursuite.
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Hubert Haenel.
M. le rapporteur a raison !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Les citoyens, dont vous faites partie, monsieur Pagès,
doivent avoir une vue réaliste des choses.
Par ailleurs, nous avons, de notre côté, formulé deux propositions.
Tout d'abord, sur le mot « indemnité », nous avons l'impression que la
Chancellerie nous introduit dans une problématique nouvelle et qu'elle n'ose
pas tout à fait l'appeler par son nom. Cette problématique, bien sûr, est
transactionnelle. Vous avez fait une bêtise ; vous le reconnaissez ; moi, je
vous propose une amende moins élevée que celle éventuellement, que vous
pourriez encourir. On entre alors dans la voie de ce qu'on appelle le « plaidé
coupable », ce qui est, je crois, très judicieux.
Dans ce cas, ce que verse l'auteur de l'infraction, ce n'est pas une
indemnité. En effet, une indemnité est destinée à réparer un préjudice. Or, en
l'occurrence, le Trésor public n'a pas forcément subi de préjudice. Il ne
s'agit donc pas d'une indemnité. Tenons-nous-en à la langue française telle
qu'elle est. En la circonstance, il s'agit tout simplement de ce qu'on appelle
une « amende de composition ». Cette expression est connue. Elle existe déjà en
matière fiscale et dans divers domaines.
Il nous paraît préférable d'employer une formulation qui existe et que l'on
peut comprendre, encore qu'elle ne soit pas d'un usage très courant. En effet,
le mot « indemnité » donne l'impression que l'on indemnise le Trésor public
d'un préjudice. Or, je ne vois pas dans quelle situation le Trésor public a
subi un préjudice.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons déposé l'amendement n° 4,
visant à substituer au mot « indemnité », les mots « amende de composition
».
Enfin, j'en viens à l'amendement n° 5, qui vise à modifier le montant maximal
de l'indemnité compensatrice. Tout en comprenant la prudence de la
Chancellerie, nous souhaitons que l'on avance assez résolument dans cette voie
et que l'on donne au procureur une gamme de possibilités assez étendue pour que
cette expérience puisse se développer pleinement.
Nous proposons de porter le montant maximal de 10 000 francs à 50 000 francs.
En effet, les auteurs de certains délits, comme les atteintes à l'exercice de
l'autorité parentale, l'abandon de famille, le détournement de gage, les
destructions, les dégradations, les sévices envers les animaux, peuvent
disposer de moyens et ils ne seront sensibles à l'obligation de verser une
somme que si celle-ci est assez importante. C'est pourquoi il nous paraît bon
de retenir le montant maximal de 50 000 francs.
Encore une fois, le procureur de la République appréciera. Il aura le choix
entre différentes mesures. Faisons-lui confiance ! Quelle que soit la décision
qu'il prendra, elle sera de toute façon soumise au contrôle du président du
tribunal. Celui-ci validera la compensation, ou ne la validera pas s'il lui
semble qu'il y a une erreur.
Comme l'a rappelé très justement Mme le garde des sceaux, la personne
concernée peut, si elle le souhaite, se faire assister d'un avocat. Le
caractère contradictoire et le respect des droits de la défense sont garantis.
On peut entrer dans cette voie-là.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 52, 4 et 5 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Monsieur Pagès, vos inquiétudes ne me semblent pas
fondées. En effet, le projet de loi rappelle que l'indemnité susceptible d'être
proposée dans le cadre d'une compensation pénale devra être fixée, si elle est
préconisée, en fonction des charges et des ressources de la personne. De plus,
à la différence de ce qui avait été prévu en 1995, un magistrat du siège devra
valider cette mesure, c'est-à-dire - et je réponds là aussi à M.
Dreyfus-Schmidt - décider si, oui ou non, elle peut être adoptée. Il s'agit
donc bien d'une décision. Il vérifiera à cette occasion que la somme devant
être versée n'est ni excessive ni disproportionnée.
Par ailleurs, le texte du projet de loi montre bien que ce n'est qu'une des
mesures possibles. Les personnes sans ressources peuvent, notamment, se voir
proposer autre chose, par exemple un travail non rémunéré pour la
collectivité.
Voilà pour quelles raisons il me semble important de maintenir cette
disposition. Je ne vois pas pourquoi, si l'auteur de l'infraction peut
acquitter une compensation financière, on devrait se priver
a priori
de
cette possibilité. Par conséquent, je suis défavorable à l'amendement n° 52.
Je suis également défavorable à l'amendement n° 5, présenté par M. Fauchon. En
effet, autant il me paraît bon, en principe, de prévoir la possibilité d'une
telle mesure, autant le fait de porter le montant maximal de l'indemnité
compensatrice de 10 000 francs à 50 000 francs ne me semble pas adéquate.
Il me paraît en effet excessif de retenir un montant maximal de 50 000 francs.
D'abord, je ne crois pas que la nature des faits pour lesquels on peut recourir
à cette nouvelle procédure, et qui est bien précisée dans le projet de loi,
puisse justifier le versement d'une somme aussi importante. Ensuite, ces
procédures, et le projet de loi le précise bien, ne peuvent s'appliquer qu'à la
petite et moyenne délinquance. Par conséquent, je le dis clairement : si le
parquet estime devoir demander des sanctions aussi fortes, il devra alors
saisir le tribunal.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
S'agissant de la modification de terminologie, à
savoir remplacer le mot « indemnité » par les mots « amende de composition »,
je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 52.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Le fait de suivre le Gouvernement, ce qui est le cas le plus fréquent, ne nous
empêche pas de faire quelques remarques qui peuvent nourrir la navette et la
réflexion des députés et même du Gouvernement. Nous y sommes encouragés par
l'amendement du Gouvernement n° 32, que nous avons examiné tout à l'heure et
dont l'exposé des motifs précisait : « A la réflexion, il ne nous paraît ni
utile ni opportun d'inscrire... ». Cela signifie, et nous le savons bien au
Sénat, que l'on peut toujours - c'est l'utilité des débats parlementaires et de
la navette - réfléchir et changer d'avis.
En ce qui concerne l'amendement n° 52, j'ai noté avec grand plaisir que
s'agissant de l'intervention du magistrat, M. le rapporteur a dit : « Dieu
merci, il y a un contrôle ! » Je lui en donne acte. Je constate que, lui aussi,
peut réfléchir...
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je ne fais que cela !
M. Michel Dreyfus-Schmidt...
et, que contrairement à ce que je croyais, il ne regrette pas la décision du
Conseil constitutionnel, puisqu'il se félicite maintenant qu'il y ait un
contrôle, alors que dans la composition pénale - nous aurons l'occasion d'en
parler lorsque nous discuterons du nom - ce contrôle n'existait pas.
J'en arrive à une observation de fond qui me paraît importante.
Accepter ou non, c'est une décision, dites-vous madame le garde des sceaux.
Mais c'est le procureur de la République ou son délégué, ou l'officier de
police, qui fixera le montant de l'amende qui sera proposé au président du
tribunal. Ce dernier validera ou non la compensation, mais ce n'est pas lui qui
fixera le montant de ce qu'il acceptera.
Surtout, vous nous dites que toutes les garanties possibles sont réunies du
fait que toutes les parties sont avisées et que chacun, qu'il s'agisse de la
partie civile ou du prévenu, pourra se faire assister d'un avocat lors de son
audition devant le président du tribunal. Mais il manque une précision
primordiale !
Le texte proposé par l'article 1er pour l'article 41-2 du code de procédure
pénale dispose : « Le procureur de la République informe de cette saisine
l'auteur des faits et, le cas échéant, la victime. Le président du tribunal
peut procéder à l'audition de l'auteur des faits et de la victime, assistés, le
cas échéant, de leur avocat. Les auditions sont de droit si les intéressés le
demandent. »
Encore faut-il que les parties soient prévenues de la date à laquelle le
président du tribunal va se saisir du dossier. Encore faut-il qu'elles aient le
temps de se retourner au moment où elles reçoivent la notification de la
saisine du président du tribunal.
Vous me rétorquerez qu'elles ont donné leur accord devant l'officier de police
ou le procureur de la République. Certes, mais elles ont pu le faire en
méconnaissance de leurs droits ou sans être assistées de leur avocat, ou encore
afin d'échapper à une peine de prison dont on a pu les menacer, etc.
C'est pourquoi, selon moi, il serait important de prévoir un délai entre la
date à laquelle le procureur de la République informe de la saisine du
magistrat l'auteur des faits, et la victime s'il y en a une, et le moment où le
président du tribunal validera ou non la compensation. Je me permets d'insister
sur ce point.
S'agissant de l'amendement n° 52, nous ne le voterons pas, mais il nous a
donné l'occasion - c'est pourquoi je remercie mes collègues de l'avoir déposé -
de présenter l'observation que nous venons de faire.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 52, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 4.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
Vous avez la parole, monsieur Dreyfus-Schmidt. J'espère que vous ne répéterez
pas que M. le rapporteur réfléchit car cela pourrait laisser penser que vous
aviez suspecté qu'il ne réfléchissait pas avant.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Absolument pas ! J'ai pris acte du fait que le Gouvernement, après réflexion,
a modifié son point de vue. J'en ai déduit que tous les gens sages peuvent
réfléchir et s'honorent en changeant d'avis s'ils estiment s'être trompés. J'ai
ajouté que la navette entre les deux assemblées, c'est le propre du
bicamérisme, permet cette réflexion. Vous savez, comme moi, queClemenceau
disait : « Le Sénat, c'est la réflexion », non pas parce que c'est le
Sénat,...
M. Jean-Jacques Hyest.
Ah si !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
... mais parce qu'il est la deuxième chambre, parce qu'il existe une deuxième
chambre.
M. Henri de Raincourt.
Très bien !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Mais revenons à l'objet de notre débat.
M. le rapporteur propose de remplacer le mot « indemnité » par les mots «
amende de composition. Il s'agit en effet d'une amende à partir du moment où la
compensation sera validée. Nous ne sommes pas d'accord pour que l'on précise
qu'il s'agit d'une amende « de composition ». En effet, le mot « composition »
est repris dans l'expression « composition pénale » que l'on nous propose et
que nous refusons. Si on nous proposait « amende de compensation », on saurait
de quoi il s'agit. L'amende de composition est quelque chose de particulier. Si
nous suivons la commission, cela prêterait donc à confusion.
L'amende de composition, j'avais eu l'occasion de le rappeler lors de
l'examen du texte qui avait mis en place la composition pénale, n'était prévue
que pour les contraventions. Le juge faisait informer le contrevenant de la
faculté qu'il avait de verser à titre d'amende de composition une somme fixée
par le juge. En cas de refus du contrevenant, l'affaire venait devant le
tribunal. Enfin, l'amende de composition n'était pas possible lorsque la
contravention constatée exposait son auteur soit à une sanction autre que
pécuniaire, soit à la réparation de dommages causés aux personnes et aux biens
parce qu'il fallait d'abord préserver les droits de la victime. Voilà ce
qu'était, en droit, l'amende de composition.
Là aussi, ne donnez pas le même nom à quelque chose qui est différent. Telles
sont les raisons pour lesquelles - nous aurons le temps de réfléchir - je
propose un sous-amendement visant, dans l'amendement n° 4, à remplacer les mots
« amende de composition » par le mot « amende ».
M. le président.
Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 55, présenté par M.
Dreyfus-Schmidt, et tendant, dans le texte proposé par l'amendement n° 4 pour
remplacer le mot « indemnité », à supprimer les mots : « de composition ».
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 55.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je dirai d'abord à mon collègue et ami M. Dreyfus-Schmidt que
j'essaie de réfléchir autant que je peux, bien entendu dans la limite de mes
moyens, de manière habituelle, et d'autant plus lorsque je suis rapporteur.
Ensuite, je n'ai pas dit que je regrettais la décision du Conseil
constitutionnel. Je ne me permets pas de commenter ses décisions
(Marques d'approbation sur plusieurs travées du RPR),
en tout cas pas au
banc des commissions. Je suis libre par ailleurs d'en penser ce que je veux.
J'ai dit que je regrettais la saisine du Conseil constitutionnel. Or il existe
une différence entre regretter que quelqu'un saisisse le Conseil
constitutionnel et regretter la décision de celui-ci. Je vous propose, monsieur
Dreyfus-Schmidt, de méditer sur cette distinction, et d'y réfléchir tout seul,
car je ne la commenterai pas davantage.
En ce qui concerne l'emploi de l'expression « amende de composition », je
suis tout à fait à mon aise pour vous répondre. Je comprends que Mme le garde
des sceaux ne s'oppose pas à cette expression. En effet, nous sommes bien dans
le domaine des amendes de composition, et ce n'est pas parce que l'expression
n'a été employée jusqu'à présent qu'en matière de contraventions que l'on ne
peut pas y recourir. Il est vrai que nous étendons, en quelque sorte, le champ
des hypothèses dans lequel on peut infliger des amendes de composition,
c'est-à-dire des amendes qui, à la différence des amendes simples, résultent
d'une composition. C'est la langue française même. Le fait que l'on ait déjà
employé l'expression dans une partie du code de procédure pénale n'interdit pas
de l'utiliser, puisqu'elle est générique, dans les autres cas, dès lors qu'ils
correspondent à la notion d'amende et à celle de composition.
Comme nous sommes bien dans une hypothèse correspondant aux notions d'amende
et de composition, il me semble plus clair d'employer l'expression : « amende
de composition », et je remercie le Gouvernement de ne pas s'y opposer.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvenement sur le sous-amendement n° 55 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
J'étais tentée d'émettre un avis favorable sur cet
amendement. Néanmoins, la suppression des mots : « de composition » pourrait
poser un problème dans la mesure où la contrainte par corps pourrait alors être
applicable pour emprisonner ceux qui ne paient pas l'amende.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
En plus !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Et pourquoi pas ?
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 55.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Lorsque le président aura validé la proposition, l'intéressé aura alors à
payer une amende, très exactement comme s'il était passé devant le tribunal.
S'il est passé devant le tribunal, puisqu'il est coupable par définition - et
il le reconnaît même dans ce cas - il y aura, s'il ne paie pas l'amende, une
contrainte par corps. A condition de vérifier que cela existe encore - je n'en
suis pas certain - il n'y a pas de raison que l'on n'exerce pas la contrainte
par corps à l'encontre de celui auquel on a fait une faveur en ne le
poursuivant pas mais qui aura, lui aussi, une amende à payer comme s'il avait
été condamné par un tribunal. Mieux : on lui a fait une faveur puisqu'on ne l'a
pas poursuivi à condition qu'il paie.
J'ajoute que, dans ce cas, il pourra tout de même être poursuivi. Cela -
n'est-ce pas, madame le garde des sceaux ? - est prévu par le texte. Et la
commission demande même qu'il soit automatiquement poursuivi devant le tribunal
dans ce cas.
Il n'y a donc vraiment aucune raison de ne pas s'en tenir au simple mot : «
amende », car, à partir du moment où elle est validée, il s'agit d'une amende
comme une autre.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
L'article 749, premier alinéa, du code de procédure pénale
est ainsi rédigé : « Lorsqu'une condamnation à l'amende ou à tout autre
paiement au profit du Trésor public qui n'a pas le caractère d'une réparation
civile est prononcée pour une infraction n'étant pas de nature politique et
n'emportant pas peine perpétuelle, la durée de la contrainte par corps est
applicable, en cas d'inexécution de la condamnation, dans les limites prévues
par l'article 750. »
Par conséquent, monsieur Dreyfus-Schmidt, ce que vous a dit Mme le garde des
sceaux tout à l'heure est bien conforme au texte.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Pourquoi voulez-vous qu'il n'y en ait plus dans ce cas ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
J'ai très bien compris que vous n'êtes pas foncièrement
d'accord avec ce que nous sommes en train de créer.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Pas du tout !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Alors, vous essayez de disputer cela pied à pied !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous n'avons pas voté contre !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Votre opiniâtreté vous honore, mais elle prend beaucoup de
temps !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Vous changez de sujet !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 55, repoussé par la commission et par
le Gouvernement.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 5.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
J'aimerais simplement savoir pourquoi la commission limite l'amende à 50 000
francs. Nous pourrions la fixer à 100 000 francs, à 200 000 francs ou à 300 000
francs, ou même ne pas prévoir de limite du tout !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Cette réflexion n'est véritablement pas sérieuse ! Des
limites figurent partout dans ce code. Nous essayons de les déterminer avec une
certaine sagesse. Nous sommes convenus que, pour des gens fortunés, une amende
de 10 000 francs pour punir certaines catégories de délits n'avait aucun sens !
C'est pourquoi il nous a paru raisonnable de fixer l'amende à 50 000 francs.
Nous savons bien qu'il existe des effets de seuil, monsieur Dreyfus-Schmidt, et
ce n'est pas la peine de vouloir nous les faire découvrir ! Tout le monde les
connaît !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 6, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de compléter
in fine
la première phrase du sixième alinéa du texte présenté par
l'article 1er pour l'article 41-2 du code de procédure pénale par les mots : «
dans un délai qui ne peut être supérieur à six mois. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Les travaux non rémunérés prévus en matière de composition
pénale sont enfermés dans un délai de six mois. Il n'y a donc aucune raison de
ne pas prévoir également un délai maximal pour la réparation du dommage causé à
la victime. Vous savez à quel point nous devons nous soucier des victimes, qui
ont trop souvent l'impression d'être laissées sur le bord de la route en
matière de procédure pénale, mes chers collègues.
M. Henri de Raincourt.
Très bien !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
La commission trouve raisonnable d'appliquer le même délai
pour la réparation du dommage causé à la victime que celui qui est prévu pour
le paiement de l'amende de composition et pour l'exécution des travaux.
C'est pourquoi elle propose d'inscrire ce délai de six mois, qui figure déjà
dans le texte.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement, car la
disposition qu'il propose profite aux victimes.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
J'avais demandé la parole pour explication de vote, monsieur le président !
M. le président.
Je regrette, monsieur Dreyfus-Schmidt, mais le vote était déjà commencé ! Mais
vous aurez certainement l'occasion de vous rattraper !
Par amendement n° 7, M. Fauchon, au nom de la commission, propose :
I. - Dans la première phrase du septième alinéa du texte présenté par
l'article 1er pour l'article 41-2 du code de procédure pénale, de remplacer les
mots : « compensation judiciaire » par les mots : « composition pénale ».
II. - En conséquence :
1° De procéder au même remplacement dans les dixième et avant-dernier alinéas
dudit texte ;
2° A la fin de la première phrase et dans la cinquième phrase du huitième
alinéa dudit texte et dans la première phrase du neuvième alinéa dudit texte,
de remplacer le mot : « compensation » par le mot : « composition ».
Il s'agit d'un amendement de coordination.
Personne ne demande la parole ?...
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 48, MM. Pagès, Duffour et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent, dans la première phrase du huitième alinéa du
texte présenté par l'article 1er pour l'article 41-2 à insérer dans le code de
procédure pénale, après les mots : « de validation », d'insérer les mots : « ou
de modification ».
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
La décision du Conseil constitutionnel qui a supprimé la disposition
d'injonction pénale maintenue avec beaucoup de difficultés dans la loi
Méhaignerie s'appuyait sur l'absence de l'autorité de jugement dans la
procédure instituée.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de l'indiquer, nous estimons nécessaire de
limiter l'intervention du parquet dans ce type de configuration.
Le projet de loi que nous examinons tient compte expressément des remarques en
instaurant la validation de la procédure de compensation judiciaire par le
juge. Il s'agit d'un pas non négligeable que nous prenons en compte.
L'alourdissement de la procédure paraît inévitable, surtout si la validation
ne se limite pas à un simple visa sans contenu ; cet alourdissement pourrait
mettre en péril l'efficacité même du mécanisme de compensation.
Nous craignons, de ce fait, que la validation ne se résume qu'à une simple
formalité d'acceptation ou de refus.
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est l'avis conforme !
M. Robert Pagès.
Nous proposons par conséquent de donner la possibilité au juge de peser
réellement sur la procédure en disposant de la possibilité de modifier les
propositions du procureur.
L'amendement n° 48 vise donc à permettre l'application pleine et entière de la
décision du Conseil constitutionnel déjà évoquée.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
La commission ne peut émettre un avis favorable, car une
telle disposition dénaturerait le système.
La compensation est livrée à l'initiative et à la sagesse du procureur. Elle
est définie, dans ce texte, de manière plus large qu'auparavant, en raison de
la sécurité de la validation. Par conséquent, si le procureur commet des
erreurs dans l'utilisation de la gamme de possibilités que nous lui offrons, il
existe une sécurité.
Mais cette sécurité est simple : il faut que le président valide ou ne valide
pas par une décision non susceptible de recours. S'il ne valide pas, pour des
raisons que nous verrons tout à l'heure, l'affaire viendra alors nécessairement
à l'audience, car, à ce moment-là, si toutefois vous suivez la commission sur
un autre amendement dont nous discuterons tout à l'heure, il n'y a plus de
possibilité de classement sans suite. Il faut que la procédure soit nette. Elle
est réglée au niveau du parquet et des procureurs.
La commission est donc tout à fait opposée à cet amendement, qui dénaturerait
le système en relançant des discussions sans fin.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur
cet amendement. Si l'on donne au juge du siège chargé de valider la composition
judiciaire la possibilité de modifier les mesures, on transforme alors cela en
audience devant un magistrat du siège et on sort du système proposé.
C'est la raison pour laquelle il faut simplement, à mon avis, que le juge du
siège puisse valider ou refuser de valider les mesures proposées par le
procureur de la République, d'ailleurs acceptées par l'intéressé. Comme je le
précise toujours, la condition est que l'intéressé ait accepté, après, le cas
échéant, avoir sollicité l'avis de son avocat.
C'est donc une procédure rapide, écrite, qui est utilisée dans le domaine
civil à la satisfaction des professionnels et des citoyens. En pratique, le
parquet connaîtra d'ailleurs rapidement la jurisprudence suivie par le
président, et il ne le saisira donc qu'à bon escient.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 48.
M. Robert Pagès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Je voudrais attirer l'attention de Mme la ministre, de M. le rapporteur et de
nos collègues sur le fait que cet amendement vise à ajouter une possibilité de
modification.
M. le rapporteur me dit que l'adoption de cet amendement aboutirait à allonger
la procédure, car le juge a le pouvoir de valider ou de ne pas valider. Dans le
cas où le juge valide, il n'y a pas de changement : l'amendement n° 48
n'apporte rien de neuf, ni allongement ni raccourcissement. En revanche, dans
le cas où le juge a une hésitation en matière d'appréciation et n'a pas envie
de valider, l'amendement n° 48 permet de donner une chance de plus de ne pas
aller vers une procédure longue et coûteuse.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le président, je vous remercie d'avoir dit tout à l'heure que je
pourrais me rattraper. Mais, en réalité, c'est trop tard puisque l'amendement
sur lequel je voulais m'exprimer a été adopté.
Pour la navette, je veux tout de même faire observer que la limitation à six
mois de la durée octroyée pour la réparation du préjudice de la victime me
semble une erreur : en effet, dans un certain nombre de cas, les victimes ne
sont pas consolidées au bout de six mois, et l'on ne peut donc pas encore
déterminer leur préjudice exact. Je vous remercie d'y réfléchir !
Quant à l'amendement n° 48, nous n'y sommes pas favorables compte tenu de
notre amendement n° 34, que vous me permettrez, monsieur le président,
d'exposer en cet instant.
M. le président.
J'appelle donc en discussion l'amendement n° 34, présenté par MM.
Dreyfus-Schmidt, Badinter et les membres du groupe socialiste et apparentés, et
tendant, après la première phase du huitième alinéa du texte présenté par
l'article 1er pour l'article 41-2 du code de procédure pénale, à insérer une
phrase ainsi rédigée :
« Ce dernier peut modifier, en accord avec les parties, le contenu des mesures
proposées par le procureur de la République. »
Veuillez poursuivre, monsieur Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
La compensation judiciaire est un contrat passé, sous réserve de
l'homologation par le président du tribunal, entre les diverses parties. Si le
président a simplement le droit de modifier, sans recueillir, là encore,
l'accord des parties, nous sortons du système.
En revanche - et je me permets d'insister, madame le garde des sceaux, tant
auprès de vous que de l'ensemble de nos collègues - imaginons le cas suivant :
le prévenu, en vertu de son droit de demander à s'expliquer devant le
président, demande à le faire et déclare qu'il a, sans bien comprendre, accepté
une amende de 30 000 francs, mais que, rémunéré au SMIC ou titulaire d'un
emploi-jeune, il ne peut payer une telle somme. Le président du tribunal, le
procureur de la République et la victime alors présents peuvent très bien
admettre la nécessité de réduire l'amende. Et l'on renoncerait à l'avantage
qu'offre la compensation judiciaire - à savoir que l'intéressé ne passe pas
devant un tribunal correctionnel et qu'il n'y a pas d'inscription au casier
judiciaire - simplement parce que, bien que tout le monde soit d'accord sur la
nécessité de réduire l'amende, ce ne serait pas possible ? Je ne vois pas
pourquoi on n'autoriserait pas le président à modifier, avec l'accord des
parties, ce qui lui est proposé !
Franchement, j'insiste auprès de chacun d'entre vous pour que vous acceptiez
cet amendement n° 34, qui me paraît, excusez-moi de le dire, frappé au coin du
bon sens.
M. Robert Pagès.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Nous allons gagner du temps, monsieur le président, car l'explication donnée
par mon excellent collègue M. Dreyfus-Schmidt me satisfait pleinement. Je
souhaite vivement que son amendement soit retenu et, dans cet espoir, mes chers
collègues, je retire le mien.
M. le président.
L'amendement n° 48 est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 34 ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je ne peux, pour les mêmes raisons que tout à l'heure, être
favorable à cet amendement.
On mène une procédure à son terme, elle est validée ou elle ne l'est pas, un
point c'est tout ! Il ne faut pas ouvrir à nouveau une procédure avec un
nouveau personnage, sinon, on entre dans un système incohérent, Mme le garde
des sceaux l'a rappelé tout à l'heure.
Encore une fois, si le président ne valide pas la procédure, je vous
proposerai, dans un amendement ultérieur, que l'affaire vienne alors à
l'audience. Ainsi, le président l'examinera dans des conditions normales.
Les choses doivent être claires : ce n'est pas au président que l'on confie le
processus de composition, c'est au président, sous réserve de validation, un
point c'est tout. Ne créons pas une usine à gaz à plusieurs degrés, car ce
serait du mauvais travail.
M. Hubert Haenel.
Très bien !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
De plus, ne créons pas une situation dans laquelle un
président, qui n'a pas toujours des relations excellentes avec son procureur,
s'amuserait à remettre en cause la décision de ce dernier en modifiant
légèrement, par exemple, le montant de l'amende.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
L'accord du procureur est nécessaire !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il faut tenir compte de la réalité sur le terrain. Je crois
donc que nous devons rester opposés à ces complications qui ruinent le
dispositif même que nous sommes en train de mettre sur pied.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je suis également réticente : je comprends les
arguments développés par MM. Pagès et Dreyfus-Schmidt, selon qui cette mesure
pourrait inciter à une transaction ; toutefois, je pense aussi que cela peut
présenter l'inconvénient de provoquer un recours systématique au juge, ce qui
n'est pas l'objectif recherché.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 34.
M. Robert Badinter.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Je me permets d'insister, après les excellentes explications qui ont été
données et par M. Dreyfus-Schmidt et par M. Pagès. En effet, nous sommes à la
recherche du maximum d'efficacité. Or le dispositif que nous mettons en place
est applicable lorsque le président se rend compte qu'il n'est pas à même de
valider l'accord atteint pour telle ou telle raison, ou bien lorsque l'une des
parties - notamment l'auteur de l'infraction - se rend compte qu'elle n'est pas
à même d'exécuter cet accord.
Plutôt que de renvoyer devant le tribunal, il me paraît préférable de prendre
exemple sur ce qui se passe dans la plupart des pays qui pratiquent ainsi.
Permettez-moi, à cet égard, de vous lire le texte de l'excellent commentaire
de M. Renoux sur la décision rendue en 1995 par le Conseil constitutionnel.
« Par comparaison, on observera que, dans tous les pays où existe un procédé
de transaction pénale, celui-ci s'exerce toujours sous l'entier contrôle de
l'autorité de jugement. » C'est, au demeurant, l'inspiration évidente de la
décision du Conseil constitutionnel !
« Le juge - sauf en Belgique et aux Pays-Bas, où l'utilisation de cette
procédure par le ministère public dans des affaires politiquement sensibles a
été critiquée - peut non seulement homologuer l'accord entre les parties
poursuivantes et le prévenu, mais encore et surtout refuser ou modifier les
termes de l'accord compte tenu des circonstances de l'espèce. En Espagne, par
exemple... »
Suit alors un rappel de ce qui est pratiqué dans certains pays, notamment aux
Etats-Unis, où vous le savez, le système du marchandage, du
plea bargaining,
est largement développé. Le professeur Renoux rappelle ainsi qu'une
abondante jurisprudence de la Cour suprême fédérale s'est développée depuis le
début des années soixante-dix, soulignant les pouvoirs - et notamment le
contrôle - du juge qui, en pratique, participe activement à la négociation.
Je n'irai pas jusque là ! Je dirai simplement que nous ne devons pas nous
priver de cette possibilité. Si le juge est prêt à rejeter l'accord, mais que
les parties, elles, sont prêtes à reconsidérer, sous ses auspices, une autre
possibilité transactionnelle, ne la négligeons pas ! Il ne sert à rien, alors,
d'aller devant le tribunal !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je ne saurais suivre l'explication intéressante que vient de
donner notre collègue M. Badinter, parce que je la considère partielle.
On nous demande de faire une référence à un mécanisme anglo-saxon. Or nous
nous sommes gardés, précisément, d'entrer dans le mécanisme du
plea
bargaining
. Les Anglo-Saxons ont en effet un système juridique très
particulier !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
L'Espagne n'est pas un pays anglo-saxon !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Pour le moment, avec votre permission, monsieur
Dreyfus-Schmidt, je ne parle que des Anglos-Saxons, je dirai tout à l'heure ce
que je pense des autres.
Il ne faut pas transposer ainsi un morceau isolé d'un système juridique, sauf
à risquer de commettre de grosses erreurs.
C'est la même chose avec le système espagnol, que je ne connais pas bien, je
l'avoue. Evitons donc ces transpositions !
Nous avons essayé, avec la Chancellerie, d'imaginer un système français qui se
situe dans notre contexte tout à fait particulier : nous avons en effet en
France une situation unique - on peut en penser ce que l'on veut, mais elle est
tout à fait inhérente à notre système - puisque notre parquet est formé, lui
aussi, de magistrats, ce qui n'a pas d'équivalent dans les pays que l'on a
cités.
Encore une fois, je ne dis pas que, dans quelques années, dans un processus de
généralisation auquel j'ai fait allusion, on ne s'apercevra pas qu'il faut
effectivement faire évoluer le système dans la direction que vous avez
indiquée. Mais, aujourd'hui, nous ne faisons que mettre en place un dispositif
expérimental, et il ne faut pas dénaturer le système tel qu'il a été conçu et
imaginé : cela se passera sous la responsabilité des parquets, avec la
validation du président du tribunal, contrôle rendu nécessaire par la décision
du Conseil constitutionnel à laquelle vous avez fait référence.
Je ne ferme pas la porte, en disant cela, à une nouvelle réflexion dans
quelques années !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Réfléchissons tout de suite !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Non : il faut d'abord expérimenter le système !
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
J'irai dans le même sens que M. le rapporteur, qui m'a d'ailleurs un peu coupé
l'herbe sous le pied.
Dans la plupart des pays cités par M. Badinter, le statut du procureur est
différent de ce qu'il est en France. Il s'assimile plus à celui d'un
fonctionnaire désigné par le Gouvernement qu'à celui d'un magistrat.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
En Italie, par exemple ?
M. Patrice Gélard.
L'Italie est un cas différent, que M. Badinter n'a d'ailleurs pas cité.
J'ajoute que les tribunaux sont ainsi faits en France que le président et le
procureur sont, en quelque sorte, sur le même plan. A partir du moment où l'on
soumettrait la décision du procureur à l'autorité du président, on romprait
quelque peu cet équilibre. On créerait alors une hiérarchie entre le président
et le procureur, qui ne me paraît pas souhaitable.
Je me rallie donc à la proposition de la commission.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ce débat est tout à fait intéressant, mais il ne faut pas déformer mes
propos.
J'ai dit - et j'y insiste - qu'il ne faut pas enlever à l'intéressé, à la
suite d'une erreur collective, la possibilité de bénéficier néanmoins du
système de la compensation.
Avec sa science juridique, notre collègue Robert Badinter nous a dit qu'une
telle possibilité existait dans tous les pays où il y a un système de
transaction pénale.
On nous répond que les pays anglo-saxons ont une autre culture que nous, mais
cela ne répond pas à notre argumentation ! M. Badinter ne vous a-t-il pas dit
que la possibilité pour le juge de modifier l'accord qui lui est soumis existe
dans tous les pays, y compris en Europe - et d'abord en Europe - et même aux
Etats-Unis ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Oui, mais nous sommes en France !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Et voilà que M. Gélard nous dit que les procureurs ne sont pas, ailleurs, ce
qu'ils sont chez nous.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Voilà !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Dans ces conditions, il faudrait peut-être surseoir à statuer jusqu'à ce que
nous ayons délibéré sur le statut du parquet !
M. Hubert Haenel.
Oh !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Le statut du parquet peut changer demain, il n'est pas encore définitivement
arrêté !
Je me suis permis de vous interrompre tout à l'heure, monsieur Gélard, en
citant le cas de l'Italie. En effet, M. Robert Badinter ne vous a pas lu toute
la note de M. Renoux, que j'ai sous les yeux. Permettez-moi donc de compléter
sa citation.
« Par comparaison, on observera que, dans tous les pays où existe un procédé
de transaction pénale, celui-ci s'exerce toujours sous l'entier contrôle de
l'autorité de jugement. Le juge... peut non seulement homologuer l'accord entre
les parties poursuivantes et le prévenu, mais encore et surtout refuser ou
modifier les termes de l'accord. »
Nous, nous demandons que ce ce soit seulement si toutes les parties, y compris
le parquet, en sont d'accord que la modification puisse intervenir.
Mais je poursuis ma lecture : « En Espagne, par exemple...
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
...Le juge doit délivrer une "sentence de conformité", sans être tenu de
respecter les termes de l'accord entre le ministère public et l'accusé, alors
qu'en Italie... » - certes, l'Italie a mauvaise presse à beaucoup d'égards, du
moins sa justice...
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Non : c'est un pays merveilleux !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
... et c'est sans doute pour cela qu'on ne l'avait pas citée - « ... la peine
elle-même peut être négociée sous le contrôle du tribunal jusqu'à la fin de
l'audience préliminaire. »
Or, vous le savez mieux que moi, les procureurs italiens ne sont pas des
fonctionnaires : leur indépendance est totale.
Que l'audience devant le juge de « l'enquête préliminaire », compte tenu des
conditions dans lesquelles elle se tient, fasse perdre beaucoup de temps, que
la prescription n'existe pas et que tout le monde joue la montre, c'est un
autre problème.
Il reste que, dans tous les pays, quel que soit le statut du parquet, le juge
auquel on demande l'homologation a le droit, surtout s'il recueille un accord
général, d'apporter une modification à la transaction qui lui est soumise.
Je suis donc sincèrement étonné qu'il faille réfléchir pendant un an pour
comprendre que notre proposition est, là aussi, frappée au coin du bon sens.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 34, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 8, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, dans le
neuvième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 41-2 du code
de procédure pénale, de remplacer les mots : « le procureur de la République
apprécie la suite à donner à la procédure », par les mots : « le procureur de
la République, sauf élément nouveau, exerce l'action publique ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il s'agit là d'un point qui rejoint un peu le débat que nous
venons d'avoir, puisque, et nous en avons été surpris, dans le texte qui nous
est soumis, dans l'hypothèse où il n'y aurait pas validation - nous suivons le
processus - le procureur de la République à qui l'on renvoie le dossier
retrouverait sa pleine indépendance d'appréciation et pourrait décider de
classer l'affaire sans suite.
Il nous semble que l'on ne peut pas aboutir à un tel résultat. En effet, dès
lors que l'on est entré dans la voie de la composition, il est bien évident que
c'est parce que l'on a considéré qu'il s'agissait quand même d'une affaire
sérieuse. Ou alors, à quoi bon tout cela ?
Si la validation n'est pas obtenue et que le procureur, dans un mouvement qui
risque d'être un mouvement de dépit sinon de défi à l'égard de son président de
tribunal, classe sans suite, on aboutit à une solution qui est contraire à tout
l'esprit du système.
Je le répète, dès lors que l'on est entré dans cette voie, cela signifie que
les faits sont suffisamment sérieux pour justifier des mesures ; dans ce cas,
si la composition n'est pas validée, il faut que l'affaire vienne devant le
tribunal.
C'est la raison pour laquelle, considérant que le procureur de la République a
perdu son pouvoir d'appréciation dès lors qu'il est entré dans la voie de la
composition, nous souhaitons que le président qui ne valide pas sache que
l'affaire viendra devant lui dans la forme ordinaire. Il ne faut pas sortir de
cette logique, nous semble-t-il.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je ne suis pas favorable à cet amendement qui soulève
plusieurs questions délicates.
Tout d'abord, notre procédure pénale est gouvernée par le principe de
l'opportunité des poursuites. Il n'est pas souhaitable de revenir sur ce
principe fondamental.
Ensuite, le Gouvernement a déposé, au début du mois, un projet de loi relatif
à l'action publique en matière pénale, projet que le Sénat va examiner
prochainement et dont j'avais, en janvier dernier, présenté les grandes
lignes.
Ce texte prévoit, notamment, une exigence de motivation des classements sans
suite et institue à l'encontre des décisions de classement un recours devant le
procureur général, puis devant une commission régionale composée de magistrats
du parquet.
Cette motivation a également - je le rappelle - été retenue en matière de
délinquance sexuelle.
Nous aurons un texte - en tout cas, je le proposerai - qui encadre mais qui
maintient le principe de l'opportunité des poursuites.
Par ailleurs, si l'échec d'une compensation judiciaire obligeait le parquet à
engager des poursuites, ce serait non seulement une exception au principe de
l'opportunité, mais également une véritable remise en cause de celui-ci.
Le principe de séparation entre les organes de poursuite et les organes de
jugement, qui constitue une garantie constitutionnelle, serait mis à mal.
Nous devons envisager, par ailleurs, l'hypothèse d'un refus de validation par
le juge du siège, parce que celui-ci estime l'infraction non caractérisée ou
l'action publique éteinte. Il serait paradoxal, dans un tel cas, que le parquet
soit obligé d'engager des poursuites qui seraient dès le départ vouées à
l'échec.
En réalité, il faut laisser le parquet apprécier la suite à réserver, si la
compensation judiciaire ne réussit pas, comme le prévoit le projet du
Gouvernement.
J'ajoute qu'en pratique, si des poursuites sont justifiées, le parquet
poursuivra ; sinon, sa politique ne serait pas crédible et plus personne
n'accepterait les mesures proposées par le biais de la compensation
judiciaire.
Il s'agit donc là d'un problème de pratique judiciaire qui ne doit pas être
inscrit dans la loi. Voilà pourquoi je ne peux pas être favorable à cet
amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 8.
M. Robert Badinter.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Notre ami Pierre Fauchon n'a certainement pas mesuré les conséquences du
mécanisme qu'il propose. Mme le garde des sceaux les a rappelées, y compris
celles d'ordre constitutionnel.
J'insiste auprès de la Haute Assemblée, le mécanisme proposé dans l'amendement
n° 8 entrave doublement la liberté de jugement des magistrats qui est au coeur
même de l'exercice juridictionnel.
Il entrave d'abord la liberté de jugement du président lors de l'instance de
validation, car ce dernier se trouve devant l'alternative suivante : ou bien il
valide, ou bien il déclenche les poursuites. Il ne revient pas, vous en
conviendrez, au magistrat du siège de dire que sa décision entraîne
automatiquement le déclenchement des poursuites. Au regard de la liberté
fondamentale d'appréciation des magistrats du siège, il s'agit indiscutablement
d'une entrave.
La seconde entrave - je demande à notre ami Pierre Fauchon de bien vouloir y
prêter attention - a été justement rappelée par Mme le garde des sceaux. Nous
sommes régis par un principe fondamental, celui de l'opportunité des poursuites
de la part du magistrat du ministère public. Lorsque l'accord transactionnel
intervenu entre l'auteur de l'infraction et le ministère public avec
l'assentiment de la victime a été conclu, nous nous trouvons dans le cas où le
magistrat du siège a refusé la validation pour des raisons diverses. Il n'a pas
besoin de les expliciter. Il peut juger que les conditions sont trop ou pas
assez dures ou qu'il n'est juridiquement pas possible de parvenir à une
transaction. Le principe de l'opportunité de la poursuite disparaît-il pour
autant ? Non, il n'est pas possible de déclencher ainsi un mécanisme doublement
automatique alors que nous sommes à la recherche - disons-le très franchement ;
ce débat n'a aucun caractère politique - du maximum de souplesse pour limiter
autant que possible la surcharge des tribunaux correctionnels.
Aux termes de votre amendement, monsieur Fauchon, vous déclenchez
automatiquement la comparution devant le tribunal correctionnel. Il me semble
que vous devriez renoncer à cet amendement, contraire à la finalité même que
nous cherchons tous à atteindre.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Absolument !
M. le président.
Monsieur le rapporteur, l'amendement est-il maintenu ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
D'abord, je ne peux retirer cet amendement sans réunir la
commission ; ensuite, il n'y a pas lieu de le faire ; enfin, la commission a
longuement délibéré sur celui-ci.
L'appréciation par le parquet de l'opportunité des poursuites serait-il un
principe sacré ? Non, c'est tout simplement un principe qui figure dans le
texte. D'ailleurs, ce principe ne laisse pas d'être quelque peu surprenant, et
peut-être conviendra-t-il un jour d'en débattre. Mme le garde des sceaux vient
elle-même de déclarer qu'elle envisageait que le classement sans suite devait
être motivé, puis soumis au contrôle d'une commission régionale composée de
magistrats du parquet. Cela prouve bien que ce principe est loin d'être
sacré.
Ce n'est pas non plus un principe fondamental de l'Etat de droit. C'est même
plutôt un principe contraire à l'idée générale que l'on se fait d'un Etat de
droit. Dans un Etat de droit idéal, dès lors qu'un fait délictueux est commis,
son auteur doit normalement être poursuivi. Jusqu'à nouvel ordre, c'est cela un
Etat de droit.
Que l'on admette, parce qu'il faut, selon Molière, de par le monde une vertu
traitable, que le parquet puisse apprécier l'opportunité des poursuites et ne
les engage pas dans un certain nombre de cas parce que, le plus souvent, il est
surchargé, ou parce que les éléments lui paraissent insuffisamment constitués,
je l'accepte.
Mais il ne s'agit pas de cela. Nous sommes dans le cas où le parquet a
considéré que l'affaire était suffisamment sérieuse pour qu'il y ait lieu de
proposer l'une des mesures qui figurent dans le texte. Si le parquet a admis
lui-même que l'affaire était sérieuse, comment pourrait-il ensuite, au terme du
processus, se dénier et classer l'affaire sans suite ? En quelque sorte, il la
déroberait ainsi à l'appréciation normale de la justice. Par rapport à l'idée
que l'on peut se faire d'un Etat de droit, ce serait entrer dans un processus
assez vicieux. Je vous renvoie, mon cher collègue, à vos propres réflexions sur
ce point.
Je ne souhaite pas que l'on aboutisse à une situation conflictuelle entre le
magistrat du siège et le procureur. Le risque, en cas de non-validation de la
compensation par le tribunal, est que le procureur, dans un mouvement de dépit,
peut-être de défi, classe l'affaire sans suite. Le dernier mot doit revenir au
juge du siège quelle que soit l'éminente dignité des juges du parquet. C'est
vous-même qui y tenez ; je suis là dans l'esprit de la décision précédente,
tant de fois évoquée, du Conseil constitutionnel.
Pour une raison de fond, qui se réfère à la notion fondamentale de l'Etat de
droit par rapport à ce qui reste une exception, l'appréciation des poursuites,
et pour une raison plus pratique, je maintiens avec confiance l'amendement de
la commission des lois.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je n'ai évidemment pas la prétention d'être plus éloquent et plus convaincant
que Mme le garde des sceaux ou que Robert Badinter.
M. Hilaire Flandre.
Cela ne vous empêche pas d'essayer !
(Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Eux et moi avons tous eu très exactement la même réaction spontanée devant cet
amendement présenté sur l'initiative de M. le rapporteur, mais que la
commission des lois a naturellement suivi avec confiance.
Je voudrais que tous nos collègues voient clairement le problème posé et nous
disent ensuite, très sincèrement et librement, ce qu'ils en pensent.
La commission propose que, dans le cas où le président du tribunal n'homologue
pas la compensation, le procureur soit obligé de poursuivre. M. le rapporteur
ne propose pas de substituer au principe de l'opportunité des poursuites le
principe de la légalité des poursuites, sinon il n'y aurait pas de transaction
pénale et la poursuite devant le tribunal interviendrait dans tous les cas où
une infraction serait caractérisée.
Tout le monde est en effet d'accord pour qu'en l'état actuel des choses le
parquet ait l'opportunité des poursuites. Cela a toujours existé. Si le
procureur classe sans suite, les victimes ont toujours la possibilité de se
constituer partie civile ou de citer directement devant le tribunal.
Que l'on nous dise que, si l'intéressé ne respecte pas la transaction pénale,
il sera poursuivi devant le tribunal, ce qui est d'ailleurs très exactement ce
que prévoit le texte, bravo, très bien, c'est normal. Mais si le président du
tribunal refuse de valider la transaction telle qu'elle lui est proposée -
d'autant plus que vous lui avez tout à l'heure interdit de modifier la
transaction, même avec l'accord des parties - parce qu'il estime que cette
transaction est trop sévère et qu'éventuellement il y a eu une erreur, comme je
le disais tout à l'heure, sur le préjudice subi par la victime ou sur les
revenus de l'auteur, vous voulez qu'on poursuive le délinquant automatiquement
?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
En l'occurrence, il y a eu acceptation !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il y a eu acceptation, certes, mais il est prévu que chacun puisse changer
d'avis jusqu'au bout, vous le savez, monsieur le rapporteur. Et précisément,
parce qu'il a changé d'avis, les parties peuvent demander à aller s'expliquer
devant le président du tribunal. Cependant, même si ce dernier estime
qu'effectivement la compensation est beaucoup trop sévère, il n'a pas le
pouvoir de la modifier, même avec l'accord des parties.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il verra l'affaire à l'audience !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Beau résultat pour celui qui pâtit d'une transaction trop sévère ! Il se verra
traîné devant le tribunal et la condamnation sera inscrite à son casier
judiciaire !
Je développerai un autre argument : il est toujours possible de procéder à une
nouvelle tentative de transaction. Le président du tribunal ne peut pas
modifier la proposition du parquet, mais après qu'il a refusé d'homologuer, le
procureur de la République peut décider de repartir à zéro et passer un nouvel
accord avec les victimes sur une autre base. Vous voulez ôter cette possibilité
au procureur. Vous voulez qu'il y ait une poursuite automatique. Cela est
absolument contraire au principe d'opportunité des poursuites. A l'évidence, il
faut laisser le procureur de la République apprécier.
Je m'étonne, encore une fois, que ce soit vous, monsieur le rapporteur, qui
vouliez obliger le procureur de la République à poursuivre dans le seul cas du
refus du juge d'homologuer la transaction pénale. Si vous proposiez la légalité
des poursuites et, surtout, si vous dégagiez les moyens d'appliquer le principe
de la légalité des poursuites, je n'y verrais pas d'inconvénient. Mais comme il
n'en est pas question, comme on n'en a pas les moyens, ne faites pas d'entorse
au principe d'opportunité des poursuites.
M. Robert Badinter.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 41-2 du code de
procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE 41-3 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 9 rectifié, M. Fauchon, au nom de la commission, propose,
dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 41-3
du code de procédure pénale, de remplacer les mots : « compensation judiciaire
», par les mots : « composition pénale ».
Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le président, cet amendement doit être réservé, comme l'amendement n°
1, parce qu'il porte sur une expression qui figure dans l'intitulé du
chapitre.
M. le président.
Le Sénat a déjà adopté deux amendements comportant cette expression !
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Le rapporteur va s'expliquer et, pour une fois, je serai d'accord avec lui
!
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
L'amendement n° 1, qui portait sur l'intitulé du chapitre Ier
et qui, le premier, comportait le terme de « composition », a été réservé.
Ensuite, ont été examinés des amendements de la commission qui, dans notre
logique, retenaient la dénomination qu'elle suggérait. M. Pagès ou M.
Dreyfus-Schmidt m'ont fait remarquer que, s'il était entendu que l'on votait
ces amendements, ce vote ne préjugeait pas ce que l'on déciderait concernant la
dénomination.
Il est vrai que, formellement, nous avons voté une rédaction comportant une
dénomination. Mais c'est vrai aussi que nous avons passé en
gentleman
agreement
qui doit être respecté !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Une transaction !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Vous qui aimez les Anglo-Saxons, cette expression devrait
vous faire plaisir !
Nous avons admis, ce faisant, que la question de la dénomination restait en
suspens.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Absolument !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
C'est donc le moment ou jamais de trancher cette question
avec cet amendement !
Nous nous sommes déjà expliqués sur la composition à l'occasion de l'examen de
l'amendement n° 3. C'est la même idée.
Le projet comporte le terme de « compensation ». D'une manière générale, on
peut dire qu'une faute commise est « compensée » par des actes de réparation.
Mais une telle formulation me paraît un peu éloignée de la procédure que nous
voulons élaborer.
Le terme « composer » est plus approprié. Ne dit-on pas dans la vie qu'il faut
savoir composer ? En fait, c'est un terme qui est utilisé dans la langue
française et que tout le monde comprend ou à peu près. Le principe est
d'ailleurs de proposer une mesure qui sera acceptée par une deuxième personne,
et même par une troisième, la victime. Nous sommes donc bien en présence de
personnes qui « composent ».
Mais encore faut-il préciser qu'il ne s'agit pas d'une composition à
l'occasion d'un examen ou d'une composition musicale. Aussi est-il bon
d'ajouter le qualificatif « pénale » afin que l'on sache bien que nous sommes
dans le domaine du droit pénal.
Cette formule est d'un meilleur français et traduit bien le contenu de la
procédure. Or nous devons précisément chercher les formules qui permettent, à
la seule lecture, de comprendre de quoi il est question.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Mes chers collègues, je vous rappelle que vous avez voté les amendements n°s 3
et 7, qui portaient sur le même sujet !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
L'amendement n° 1 tendait à remplacer dans l'intitulé les mots « compensation
judiciaire » par ceux de « composition pénale ». Vous avez vous-même, monsieur
le président, proposé que cet amendement soit réservé.
Lorsque nous avons ensuite examiné l'amendement n° 3 de la commission, qui
tend également à la même substitution, j'ai fait observer qu'on allait trancher
la question qui était en suspens du fait de la réserve.
M. le rapporteur a bien voulu me dire, avec l'approbation générale,...
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je le confirme !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je vous en remercie !
... que cela ne préjugeait en rien le choix qui serait retenu. En effet, si
l'on conservait par la suite l'appellation figurant dans le projet, il
suffirait de modifier en ce sens tous les amendements examinés précédemment.
Tel est le contrat de confiance, en quelque sorte, qui a été passé entre les
uns et les autres, en particulier entre la majorité et l'opposition. Mais ne
nous opposez pas maintenant la lettre qui tue alors que seul l'esprit vivifie,
monsieur le président !
(Exclamations.)
M. le président.
Je n'ai rien interdit ! J'ai simplement tenu à préciser que les amendements
n°s 3 et 7 avaient été adoptés !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Bien évidemment, M. le rapporteur n'en tire pas la conséquence, à savoir une
rectification qui prendrait deux minutes ! Il suffirait en effet de dire que
les mots « composition pénale » seront remplacés, dans le texte, par les mots :
« compensation judiciaire ».
Nous n'allons pas, encore une fois, nous arrêter à des questions de forme ou
de lettres alors que nous sommes tous d'accord, dans cet hémicycle, pour dire
que nous n'avons pas encore décidé de l'appellation à donner à cette
procédure.
A cet égard, j'étais donc tout à fait d'accord avec l'ensemble de nos
collègues, en particulier M. le rapporteur de la commission. Mais maintenant,
sur le fond de la question, je ne le suis plus, et je suis navré d'avoir l'air
de compliquer les choses...
N'ajoutez pas un argument à ceux du rapporteur en disant à nos collègues que,
s'ils ne suivent pas la commission sur l'appellation, ils s'exposent à une
seconde lecture ! Ce ne serait pas bien. Il est évident que nous avons tous la
possibilité de choisir librement cette appellation.
Je ferai une autre observation.
A la demande du Sénat, nous avons jadis, naguère ou hier, été saisis d'un
texte qui visait à proposer une transaction pénale.
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est vrai !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
La commission des lois a proposé et obtenu de remplacer ces termes par ceux de
« composition pénale ».
Dans l'histoire du droit, dans l'histoire tout court, pour tous les étudiants
de France et de Navarre, la composition pénale, c'est ce qui a été annulé par
le Conseil constitutionnel.
Nous sommes en train de mettre en place une procédure nouvelle dans laquelle «
Dieu merci, il y a un contrôle ». Il est donc normal de ne pas lui donner le
même nom. On pourrait l'appeler « transaction » pénale. C'est une transaction
que je vous propose parce que je suis de bonne composition
(Sourires)
et qui revient à reprendre les termes suggérés par M. Toubon
!
M. Jean-Jacques Hyest.
Ah !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il ne s'agit pas, en effet, de la composition pénale. De plus, ces termes
risquent de semer la confusion entre ce qui a été annulé par le Conseil
constitutionnel et la procédure qui nous est aujourd'hui proposée.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 9 rectifié.
M. Robert Pagès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Le projet de loi fait état de « compensation judiciaire ». Si l'on anticipe
sur les poursuites pénales par le biais de la compensation judiciaire, c'est
bien pour éviter le recours au pénal.
Mais parler de composition pénale induit, de fait, la mise en oeuvre d'une
procédure pénale, ce qui est, je crois, contraire à l'esprit même du texte.
C'est pourquoi, je suis opposé à l'amendement n° 9 rectifié de notre texte.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Monsieur Pagès, nous sommes dans le domaine pénal, où il y a
des peines. L'amendement de composition est une peine ; la réparation est une
peine. Nous ne sortons pas du domaine pénal !
Nous proposons simplement une alternative à la poursuite pénale classique. Il
y aura maintenant plusieurs façons de poursuivre. On pourra le faire par la
voie classique ou par cette voie-là. Mais il s'agit toujours du domaine pénal.
Il est donc normal de garder ce qualificatif afin que l'on sache bien de quoi
on parle.
Enfin, il est d'autant plus important de préciser que le terme « composition »
comme je le disais tout à l'heure, peut avoir plusieurs sens. Il faut que l'on
sache de quelle composition, il s'agit et que nous sommes dans le domaine
pénal. Nous n'en sortons pas, il n'y a aucun doute !
S'agissant de l'argument de notre amis Dreyfus-Schmidt, je vous confesse que,
véritablement, je ne le comprends pas.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Comme d'habitude !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Non, vous n'êtes pas toujours incompréhensible, cher ami,
n'exagérons rien ! Vous l'êtes quelquefois, mais pas toujours et pas
systématiquement, du moins je l'espère.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Vous, vous êtes toujours modeste !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Vous avez tort parce que vous faites une erreur de
mémoire.
De plus, et c'est ce qui est peut-être plus grave, vous faites une erreur sur
le sens qu'il faut donner au terme à employer, et cela touche plus profondément
à la question en un sens.
De toute façon, il me suffirait de dire que vous faites une erreur de fait.
En effet, ce qui a été annulé par le Conseil constitutionnel, dans sa plus
grande sagesse, ce n'est pas du tout la composition pénale, c'est l'injonction
pénale.
M. Jean-Jacques Hyest.
Oui !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Et, ce qui a été finalement voté, c'est l'injonction
pénale.
C'est donc sous ce « chapeau » que notre texte a été soumis au Conseil
constitutionnel.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je me rends !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Vous renoncez, monsieur Dreyfus-Schmidt, et je crois que vous
ne voulez même pas entendre le second point de ma démonstration, pourtant le
plus intéressant !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je me suis rendu aux explications de M. le rapporteur, mais s'il ne m'avait
pas dit en commission que le terme retenu en définitive par le Parlement la
dernière fois était celui de « composition pénale », je ne me serais peut-être
pas trompé comme je viens de le faire ! Mais le Sénat me pardonnera...
M. le président.
Vous êtes tout pardonné, monsieur Dreyfus-Schmidt.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9 rectifié, pour lequel le Gouvernement s'en
remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Par amendement n° 53, MM. Pagès et Duffour, et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent de supprimer le deuxième alinéa du
texte présenté par l'article 1er pour l'article 41-3 à insérer dans le code de
procédure pénale.
Par amendement n° 10, M. Fauchon, au nom de la commision, propose, dans le
deuxième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 41-3, de
remplacer les mots : « indemnité compensatrice » par les mots : « amende de
composition ».
La parole est à M. Pagès, pour défendre l'amendement n° 53.
M. Robert Pagès.
Il tombe !
M. le président.
L'amendement n° 53 n'a plus d'objet.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 10.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 41-3 du code de
procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
M. le président.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
9
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté avec
modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif aux
animaux dangereux et errants et à la protection des animaux.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 509, distribué et renvoyé à la
commission des affaires économiques et du Plan.
10
RETRAIT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu une lettre par laquelle M. Louis Minetti déclare retirer la
proposition de loi relative à l'exercice des mandats locaux et aux moyens
financiers des collectivités locales (n° 144, 1997-1998) qu'il avait déposée
avec plusieurs de ses collègues au cours de la séance du 1er décembre 1997.
Acte est donné de ce retrait.
11
RENVOI POUR AVIS
M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme du code de justice militaire et du code de procédure pénale (n° 490, 1997-1998), dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
12
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président.
J'ai reçu de M. Alain Gournac un rapport, fait au nom de la commission des
affaires sociales sur la proposition de loi de MM. Christian Poncelet,
Jean-Pierre Fourcade, Josselin de Rohan, Maurice Blin et Henri de Raincourt,
tendant à alléger les charges sur les bas salaires (n° 372 rectifié,
1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le n° 500 et distribué.
J'ai reçu de M. Nicolas About un rapport fait au nom de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi,
adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture,
instituant une commission consultative du secret de la défense nationale (n°
487, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le n° 501 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean-Marie Rausch un rapport fait au nom de la commission des
affaires économiques et du Plan :
- sur la proposition de loi de M. Jean-Luc Bécart, Mmes Marie-Claude Beaudeau,
Danielle Bidard-Reydet, M. Claude Billard, Mmes Nicole Borvo, Michelle
Demessine, M. Guy Fischer, Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis, MM. Félix Leyzour,
Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. M. Louis Minetti, Robert Pagès, Jack Ralite
et Ivan Renar tendant à frapper de nullité d'ordre public toute clause de
mutation immobilière exonérant les exploitants de mines de leur responsabilité
en matière de dommages liés à leur activité minière (n° 220, 1996-1997) ;
- sur la proposition de loi de MM. Claude Huriet, Jacques Baudot, Jean
Bernadaux, Philippe Nachbar, Jean-Paul Amoudry, Alphonse Arzel, Bernard
Barraux, François Blaizot, André Bohl, Marcel Deneux, Georges Dessaigne, André
Dulait, Jean Faure, Francis Grignon, Pierre Hérisson, Rémi Herment, Jean
Huchon, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain, René Marquès, François Mathieu,
Louis Moinard, Jean Pourchet, Philippe Richert, Michel Souplet, complétant le
code minier (n° 298 rectifié, 1996-1997) ;
- sur la proposition de loi de Mme Gisèle Printz, M. Roger Hesling, Mme Dinah
Derycke, MM. Guy Allouche, Pierre Mauroy, Paul Raoult, Léon Fatous, Roland
Huguet, Daniel Percheron, Michel Sergent et les membres du groupe socialiste et
apparentés, relative à la prévention des risques miniers après la fin de
l'exploitation (n° 229, 1997-1998) ;
- sur la proposition de loi de Mme Gisèle Printz, M. Roger Hesling, Mme Dinah
Derycke, MM. Guy Allouche, Pierre Mauroy, Paul Raoult, Léon Fatous, Roland
Huguet, Daniel Percheron, Michel Sergent et les membres du groupe socialiste et
apparentés, relative à la responsabilité des dommages liés à l'exploitation
minière (n° 235 rectifié, 1997-1998) ;
- sur la proposition de loi de MM. Jean-Paul Delevoye, Philippe Nachbar,
Jacques Baudot, Jean Bernadaux, André Diligent, Daniel Eckenspieller, Alfred
Foy, Hubert Haenel, Rémi Herment, Claude Huriet, Roger Husson, Jacques
Legendre, Jean-Louis Lorrain, Jean-Marie Rausch, Michel Rufin,
Maurice
Schumann
et Alex Turk, relative à la responsabilité en matière de dommages
consécutifs à l'exploitation minière (n° 247, 1997-1998) ;
- et sur la proposition de loi de MM. Jean-Paul Delevoye, Philippe Nachbar,
Jacques Baudot, Jean Bernadaux, André Diligent, Daniel Eckenspieller, Alfred
Foy, Hubert Haenel, Rémi Herment, Claude Huriet, Roger Husson, Jacques
Legendre, Jean-Louis Lorrain, Jean-Marie Rausch, Michel Rufin,
Maurice
Schumann
et Alex Turk, relative à la prévention des risques miniers après
la fin de l'exploitation (n° 248, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le n° 502 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean-François Le Grand un rapport fait au nom de la commission
des affaires économiques et du Plan sur la proposition de loi de M.
Jean-François Le Grand, Mme Janine Bardou, MM. Michel Doublet, Michel Souplet,
Louis Minetti et Paul Raoult, relative à la mise en oeuvre du réseau écologique
européen, dénommé Natura 2000 (n° 194, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le n° 503 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean-Claude Carle un rapport fait au nom de la commission des
affaires culturelles sur la proposition de loi de M. Serge Mathieu relative à
l'obligation de scolarité (n° 391, 1996-1997) et sur la proposition de loi de
M. Nicolas About tendant à renforcer le contrôle de l'obligation scolaire (n°
260, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le n° 504 et distribué.
J'ai reçu de M. Adrien Gouteyron un rapport fait au nom de la commission des
affaires culturelles sur la proposition de loi de M. Pierre Laffite, permettant
à des fonctionnaires de participer à la création d'entreprises innovantes (n°
98, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le n° 505 et distribué.
J'ai reçu de M. Bernard Seillier, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au
nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation relatif à la
lutte contre les exclusions.
Le rapport sera imprimé sous le n° 510 et distribué.
13
DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION
M. le président.
J'ai reçu de M. Alain Lambert un rapport d'information fait au nom de la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation sur le débat d'orientation budgétaire pour 1999.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 506 et distribué.
J'ai reçu de M. Jacques-Richard Delong un rapport d'information fait au nom de
la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques
de la nation sur la mission de contrôle sur les crédits de l'enseignement
scolaire effectuée à Saint-Pierre et Miquelon du 11 au 14 mai 1997.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 507 et distribué.
J'ai reçu de M. Xavier de Villepin un rapport d'information fait au nom de la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées relatif
aux dispositions du traité d'Amsterdam.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 508 et distribué.
14
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la procaine séance publique, précédemment
fixée au jeudi 18 juin 1998 :
A dix heures trente :
1. Suite de la discussion du projet de loi (n° 434, 1997-1998) relatif aux
alternatives aux poursuites et renforçant l'efficacité de la procédure
pénale.
Rapport (n° 486, 1997-1998) de M. Pierre Fauchon, fait au nom de la commission
des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
règlement et d'administration générale.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.
A quinze heures :
2. Questions d'actualité au Gouvernement.
3. Suite de l'ordre du jour du matin.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, relatif au
Conseil supérieur de la magistrature (n° 476, 1997-1998).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
lundi 22 juin 1998, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 22 juin 1998, à dix-sept
heures.
Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle
lecture, instituant une commission consultative du secret de la défense
nationale (n° 487, 1997-1998).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 24 juin 1998, à dix-sept
heures.
Débat consécutif à une déclaration du Gouvernement d'orientation
budgétaire.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 24 juin
1998, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(la séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
Lors de sa séance du 17 juin 1998, le Sénat a reconduit MM. Jacques Oudin et Christian Bonnet dans leurs fonctions de membres titulaires, MM. Michel Mercier et André Bohl dans leurs fonctions de membres suppléants du comité des finances locales.