Séance du 12 juin 1998
M. le président. « Art. 37. - Il est établi, dans chaque région et dans la collectivité territoriale de Corse, un programme régional pour l'accès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies, dont l'élaboration et la mise en oeuvre sont coordonnées par le préfet de région ou le préfet de Corse.
« Ce programme est établi à partir d'une analyse préalable, dans chaque département, de la situation en matière d'accès aux soins et à la prévention des personnes démunies.
« Il comporte des actions coordonnées de prévention et d'éducation à la santé, de soins, de réinsertion et de suivi qui sont mises en oeuvre chaque année, dans chaque département, pour améliorer la santé des personnes démunies, en se fondant sur les situations locales particulières et les expériences existantes. Il précise les conditions dans lesquelles les services de l'Etat, en particulier les services de santé scolaire et universitaire, les collectivités territoriales, grâce notamment aux services de protection maternelle et infantile, les organismes de sécurité sociale, les agences régionales de l'hospitalisation, les sociétés mutualistes, les associations, les professions de santé, les établissements et institutions sanitaires et sociales concourent à la mise en oeuvre de ces actions. Il s'attache à définir des actions pour lutter contre les pathologies liées à la précarité ou à l'exclusion sous toutes leurs formes, notamment les maladies chroniques, les dépendances à l'alcool, à la drogue ou au tabac, les souffrances psychiques, les troubles du comportement et les insuffisances nutritionnelles.
« Le programme régional d'accès à la prévention et aux soins est établi après consultation d'un comité, présidé par le préfet de région ou le préfet de Corse réunissant des représentants des services de l'Etat et de l'agence régionale de l'hospitalisation, des collectivités territoriales, des organismes d'assurance maladie et auquel des représentants des associations qui oeuvrent dans le domaine de l'insertion et de la lutte contre l'exclusion peuvent être invités à participer. Il est rendu compte chaque année de la réalisation de ce programme à la conférence régionale de santé instituée par l'article L. 767 du code de la santé publique. »
Par amendement n° 470, M. Autain, Mmes Derycke, Dieulangard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, après la première phrase du troisième alinéa de cet article, d'insérer une phrase ainsi rédigée : « Il prévoit des actions de formation continue des professionnels de la santé et de l'action sociale à la connaissance concrète des situations d'exclusion et de leurs causes, ainsi qu'à la pratique du partenariat avec les personnes qui vivent ces situations. »
La parole est à Mme Dieulangrand.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Cet amendement concerne la formation continue des professionnels de la santé et de l'action sociale. Il vise à assurer que ces professionnels soient suffisamment préparés à exercer leur métier auprès des personnes très démunies. Il s'agit là, après la résolution de l'obstacle financier, d'un facteur clé pour l'accès de ces dernières aux soins.
Cette préparation demande une double formation, à la connaissance du vécu des personnes et des familles très défavorisées, d'une part, à la pratique du partenariat avec ces personnes et ces familles, d'autre part.
Ces deux dimensions sont essentielles et indissociables. En effet, la méconnaissance du vécu des personnes très démunies peut rendre incompréhensible aux professionnels de santé et de l'action sociale certaines de leurs réactions.
Des malentendus en résultent, qui peuvent aller jusqu'à bloquer l'accès aux soins. Ainsi des personnes peuvent refuser de se faire hospitaliser parce qu'elles craignent que leurs enfants ne leur soient retirés, ou encore parce qu'elles n'ont pas le linge et l'équipement de toilette nécessaires pour un séjour à l'hôpital alors qu'elles veulent pouvoir s'y présenter dignement.
Le fait que les personnes très démunies ont souvent des difficultés à exprimer ce qu'elles pensent, faute d'instruction, à cause de la fatigue et de la tension nerveuse que leur occasionnent leurs conditions de vie, peut conduire les professionnels à ne pas prendre suffisamment en compte leurs aspirations, à ne pas respecter leur droit à être informées sur leur état de santé ou sur celui de leurs enfants, à décider à leur place.
Outre l'humiliation que les personnes ressentent dans ces situations, et qui entame un peu plus leur confiance, les décisions prises sans elles peuvent se révéler inadéquates ou, faute de leur adhésion, rester sans suite.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet amendement vise à améliorer le contenu de la formation des professionnels de santé en matière de prise en charge et d'exclusion.
L'intention est excellente mais, s'agissant de la mise en oeuvre, il ne semble pas qu'il appartienne au préfet de déterminer le contenu de la formation continue des professionnels de la santé et de l'action sociale.
De plus, il nous paraît que cet amendement est plutôt de nature réglementaire.
Voilà pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je suis favorable à cet amendement, même si, je le reconnais, il n'a pas forcément sa place dans la loi et qu'il relève peut-être du domaine réglementaire. J'estime, en effet, que les actions de prévention, d'éducation, de réinsertion, etc., sont indispensables dans le cadre de la formation continue des personnels de santé.
Je rappelle par ailleurs que ce n'est pas le préfet qui détermine la formation continue, ce sont les associations. Des propositions sont présentées au ministre, qui fixe un certain nombre de grandes lignes chaque année.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Je dois préciser à M. le secrétaire d'Etat qu'il s'agit bien, dans cet article, du programme d'accès aux soins défini par le préfet.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 470, repoussé par la commission et accepté par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 289, MM. Machet, Lorrain et Mme Bocandé proposent, dans la deuxième phrase du troisième alinéa de l'article 37, après les mots : « agences régionales de l'hospitalisation, » de remplacer les mots : « les sociétés mutualistes » par les mots : « les groupements régis par le code de la mutualité ».
Par amendement n° 406 rectifié, MM. Gournac, Vasselle, Ostermann et Doublet proposent, dans la deuxième phrase du troisième alinéa de cet article, de remplacer les mots : « les sociétés mutualistes » par les mots : « les groupements régis par le code de la mutualité ».
L'amendement n° 289 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Gournac, pour défendre l'amendement n° 406 rectifié.
M. Alain Gournac. Il s'agit d'un amendement rédactionnel visant à donner à un organisme sa dénomination véritable.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Très favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 406 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 426, Mme Bardou, MM. Bordas, de Cossé-Brissac, Trucy et de Bourgoing proposent, dans la deuxième phrase du troisiëme alinéa de l'article 37, après les mots : « les professions de santé » d'insérer les mots : « , y compris des secteurs pharmaceutique, optique et dentaire, ».
L'amendement est-il soutenu ?...
Par amendement n° 282 rectifié, Mme Dusseau propose de compléter le troisième alinéa de l'article 37 par une phrase ainsi rédigée : « Il organise l'égalité d'accès à la prévention et aux soins des personnes détenues en milieu carcéral. »
L'amendement est-il soutenu ?...
Par amendement n° 444, MM. Darniche, Durand-Chastel, Habert, Maman proposent, avant le dernier alinéa de l'article 37, d'insérer l'alinéa suivant :
« Ce programme accorde une attention plus grande au fléau sanitaire que représente la toxicomanie. »
La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. La toxicomanie est un fléau sanitaire qui progresse au sein de la société française. Il frappe d'autant plus rudement les personnes les plus démunies que celles-ci se trouvent dans une situation de précarité peu compatible avec des traitements nécessitant un suivi prolongé et une motivation forte. C'est la raison pour laquelle il importe que les programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins prennent tout particulièrement en compte ce tragique phénomène qu'est la toximanie.
Je tiens à cet égard à rappeler que la lutte contre la toxicomanie s'affirme, bien évidemment, dans son aspect international, par l'indispensable mobilisation mondiale contre la drogue. Et le récent appel, lancé le lundi 8 juin, par M. le Président de la République, pour le développement de la coopération internationale dans la lutte contre la drogue, lors de l'ouverture de la session extraordinaire de l'Assemblée générale de l'ONU consacrée à ce thème était nécessaire et va dans le bon sens.
Je tiens surtout à rappeler les propos qu'a tenus M. Jacques Chirac, voilà quelques jours, devant l'ONU, à New York, en faveur d'une « grande croisade des nations contre la drogue » et d'une plus grande fermeté « dans le refus de la banalisation des drogues ».
Comme lui, je suis contre la dépénalisation des drogues douces et je pense que, dans notre pays, « nous devons dire la vérité aux jeunes. Même quand une drogue n'induit pas par elle-même de réelle dépendance physique, elle crée le risque d'une dépendance psychique qui n'est pas moins grave ».
Le problème quotidien de l'augmentation des prises de stupéfiants en France, celui de l'augmentation des consommations en milieu urbain et, aujourd'hui, en milieu rural imposent l'organisation d'un véritable débat national.
Ce débat national mérite que la loi contre les exclusions fasse ressortir tout particulièrement la volonté du législateur de lutter contre toutes les drogues et toutes les formes de toxicomanie. La simple allusion dans ce texte sous les termes de « dépendances à l'alcool, à la drogue ou au tabac » ne suffit pas. Il me paraît indispensable de souligner véritablement la prise en compte de ce grave problème.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission est sensible au souci de M. Durand-Chastel de réaffirmer et de souligner dans la discussion des articles l'importance de ces problèmes. Toutefois, elle considère qu'à l'article 37 il est bien précisé que le plan régional pour l'accès à la prévention et aux soins « s'attache à définir des actions pour lutter contre les pathologies liées à la précarité ou à l'exclusion sous toutes leurs formes, notamment les maladies chroniques, les dépendances à l'alcool, à la drogue ou au tabac, les souffrances psychiques, les troubles du comportement et les insuffisances nutritionnelles ».
Je relève d'ailleurs que ces dispositions ont été introduites par l'Assemblée nationale.
S'il était bienvenu de souligner ce problème à ce moment du débat, je considère que l'amendement est déjà satisfait par le projet de loi. Vous pourriez donc peut-être, monsieur le sénateur, accepter de le retirer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je suis sensible aux arguments de M. le rapporteur, et j'allais vous présenter les mêmes, monsieur Durand-Chastel. Je comprends très bien que vous ayez insisté sur la nécessaire lutte contre la toxicomanie, mais ce point a déjà été souligné à l'article 37, et je ne crois donc pas indispensable d'y revenir.
Je vous ai également entendu avec intérêt, monsieur le sénateur, lorsque vous avez évoqué l'intervention de M. le Président de la République lors de la session extraordinaire de l'assemblée générale des Nations unies. Je l'accompagnais d'ailleurs ce jour-là, et j'ai été, comme vous, sensible à ses propos.
L'aspect le plus intéressant de votre argumentation est encore votre appel au débat. Je vous rappelle que celui-ci aura lieu justement mardi prochain dans cette assemblée, et le Sénat peut s'honorer d'être à l'origine d'une telle demande. Je suis très heureux de cette initiative, et nous débattrons donc mardi après-midi, ce qui, je l'espère, vous donnera satisfaction.
Par conséquent, je vous invite à retirer votre amendement.
M. le président. L'amendement n° 444 est-il maintenu, monsieur Durand-Chastel ?
M. Hubert Durand-Chastel. Après avoir entendu les explications de M. le rapporteur et de M. le secrétaire d'Etat, je retire mon amendement, puisqu'un débat aura lieu mardi prochain.
M. le président. L'amendement n° 444 est retiré.
Par amendement n° 290, MM. Machet et Lorrain, Mme Bocandé proposent, dans la première phrase du dernier alinéa de l'article 37, après les mots : « organismes d'assurance maladie », d'insérer les mots : « , des groupements régis par le code de la mutualité ».
Cet amendement est-il soutenu ?...
Par amendement n° 427, M. About, Mme Bardou, MM. Bordas, de Cossé-Brissac, Trucy et de Bourgoing proposent, dans la première phrase du quatrième alinéa de l'article 37, après les mots : « des organismes d'assurance maladie », d'insérer les mots : « , des professions de santé ».
Cet amendement est-il soutenu ?...
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 37, modifié.
(L'article 37 est adopté.)
Article 37 bis