Séance du 11 juin 1998
M. le président. Par amendement n° 453, M. Vezinhet, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, avant l'article 16 A, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le fait de procéder ou de faire procéder à des traitements automatisés d'informations nominatives relatives à des incidents de paiement locatif pour le compte de personnes autres que celles qui sont soumises aux dispositions de l'article 15 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 2 000 000 francs d'amende.
« Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement des infractions définies à l'alinéa précédent dans les conditions prévues à l'article 121-2 du nouveau code pénal. Les peines encourues par les personnes morales sont celles mentionnées aux troisième, quatrième et cinquième alinéas de l'article 226-24 du nouveau code pénal. »
La parole est à M. Vezinhet.
M. André Vezinhet. Cet amendement a pour objet d'assurer la stricte confidentialité des fichiers relatifs à la situation des locataires du secteur privé eu égard à leurs propriétaires-bailleurs.
Le 22 janvier 1997, la Commission nationale de l'informatique et des libertés avait autorisé une société d'exploitation de fichiers à diffuser des informations. A l'heure actuelle, moyennant un abonnement annuel de 2 000 à 2 500 francs, l'accès à ces fichiers est autorisé.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous vous étiez ému de cette autorisation en qualité de président du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées et, par courrier, vous aviez saisi le Premier ministre d'alors, M. Alain Juppé. Vous lui aviez fait part, à juste titre, de votre crainte qu'un tel fichier ne contribue à exclure définitivement du parc locatif privé les personnes en situation de précarité.
Nous ne pouvons tolérer qu'un tel fichier soit utilisé pour « faire du commerce », si vous me permettez l'expression, c'est-à-dire pour gagner de l'argent en exploitant les difficultés de certains de nos concitoyens.
C'est sur ce principe que se fonde l'amendement que nous vous présentons. Bien entendu, il n'a pas pour ambition de combler toutes les lacunes de la loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
Nous savons qu'une réflexion est en cours et que, par ailleurs, des directives européennes seront prochainement transposées en droit français.
Cependant, par cet amendement, nous vous proposons de prévoir des sanctions pouvant aller jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 2 millions de francs d'amende. Il s'agit d'une mesure coercitive qui devrait permettre que de tels agissements touchant à la confidentialité cessent et ne mettent pas en péril nos concitoyens les plus démunis.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur de la commission des affaires sociales. On comprend bien l'objectif des auteurs de cet amendement : il s'agit d'éviter le développement de certains fichiers nominatifs de locataires mauvais payeurs. Mais l'on peut se demander si le présent projet de loi est le texte adéquat pour modifier la loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés du 6 janvier 1978, qui est un ensemble très complexe et appelle des contrôles de nature très technique.
La commission des affaires sociales souhaite connaître l'avis du Gouvernement sur cet amendement. En ce qui la concerne, elle s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur Vezinhet, vous avez fait référence à l'émotion qu'avaient exprimée un certain nombre d'instances. Je peux vous confirmer que le Gouvernement comprend les préoccupations qui ont conduit les auteurs de cet amendement à souhaiter ne pas voir se développer des fichiers nominatifs d'incidents de paiement locatif. On peut, en effet, redouter que ces fichiers ne conduisent à favoriser l'exclusion du parc locatif privé, en particulier des personnes en situation précaire.
Cependant, comme vous l'avez vous-même indiqué, monsieur Vezinhet, il existe une directive européenne qui doit être transposée prochainement en droit français. Cette transposition sera l'objet d'un projet de loi qui devrait être finalisé à l'automne.
Il paraît délicat de traiter spécifiquement une catégorie de fichisers privés sans revoir globalement le régime prévu par la loi de 1978 pour l'ensemble des fichiers privés, notamment ceux qui comportent des données sensibles. Elaborer un texte qui viserait uniquement le fichier des incidents de paiement locatifs me semble donc prématuré.
Par conséquent, et dès lors que la Chancellerie élabore en ce moment même le projet de loi de transposition de la directive du 24 octobre 1995, le Gouvernement, tout en approuvant le fond de l'amendement, souhaite qu'il soit retiré, afin d'éviter un télescopage, qui présenterait plus d'inconvénients que d'avantages.
M. le président. Monsieur Vezinhet, l'amendement est-il maintenu ?
M. André Vezinhet. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie des explications que vous venez de nous donner. J'aurais pu me référer au vieil adage : deux précautions valent mieux qu'une ! Toutefois, la rigueur de la réponse que vous nous avez fournie m'incite à retirer l'amendement.
M. le président. L'amendement, n° 453 est retiré.
Article 16 A