Séance du 2 juin 1998






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Questions orales (p. 1 ).

CRÉATION D'UN REVENU MINIMUM
À WALLIS-ET-FUTUNA (p. 2 )

Question de M. Basile Tui. - MM. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé ; Basile Tui.

AVENIR DES ÉCOLES DE PUÉRICULTURE (p. 3 )

Question de Mme Nicole Borvo. - M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé ; Mme Nicole Borvo.

RÉCUPÉRATION DE TVA PAR LES COMMUNES
SUR LES INVESTISSEMENTS IMMOBILIERS RÉALISÉS
EN FAVEUR DES PME (p. 4 )

Question de M. Jacques de Menou. - MM. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé ; Jacques de Menou.

AVENIR DE l'ENSEIGNEMENT MARITIME (p. 5 )

Question de M. Alain Gérard. - MM. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé ; Alain Gérard.

AVENIR DE LA POLITIQUE DES « PAYS » (p. 6 )

Question de M. Georges Mouly. - Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; M. Georges Mouly.

AVENIR DE LA SOCIÉTÉ ÉCO-EMBALLAGES (p. 7 )

Question de M. Christian Demuynck. - Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; M. Christian Demuynck.

AVENIR DU THÉÂTRE DES AMANDIERS DE NANTERRE (p. 8 )

Question de M. Michel Duffour. - Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication ; M. Michel Duffour.

FORCES DE SÉCURITÉ PUBLIQUE
DANS LE DÉPARTEMENT DE L'HÉRAULT (p. 9 )

Question de M. Gérard Delfau. - Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication ; M. Gérard Delfau.

RESPECT DES DROITS DE L'HOMME (p. 10 )

Question de M. Franck Sérusclat. - MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie ; Franck Sérusclat.

ENSEIGNEMENT DES SCIENCES ET TECHNIQUES
DES ACTIVITÉS PHYSIQUES ET SPORTIVES (p. 11 )

Question de M. Marcel Lesbros. - MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie ; Marcel Lesbros.

Suspension et reprise de la séance (p. 12 )

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY

3. Polices municipales. - Discussion d'un projet de loi (p. 13 ).
Discussion générale : M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE

MM. Jean-Paul Delevoye, rapporteur de la commission des lois ; Jean-Claude Peyronnet, Georges Othily.

4. Souhaits de bienvenue à une délégation de sénateurs espagnols (p. 14 ).

5. Polices municipales. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 15 ).
Discussion générale (suite) : MM. Michel Duffour, Daniel Eckenspieller, Jean-Jacques Hyest, José Balarello, André Vallet, Christian Demuynck, Daniel Hoeffel, Philippe Richert, Jean-Paul Amoudry.
Clôture de la discussion générale.
MM. le ministre, le président.

6. Organisme extraparlementaire (p. 16 ).

7. Transmission d'un projet de loi (p. 17 ).

8. Dépôt d'une proposition de loi (p. 18 ).

9. Transmission de propositions de loi (p. 19 ).

10. Dépôt d'un rapport (p. 20 ).

11. Dépôt d'un rapport d'information (p. 21 ).

12. Ordre du jour (p. 22 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

QUESTIONS ORALES

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales sans débat.

CRÉATION D'UN REVENU MINIMUM
À WALLIS-ET-FUTUNA

M. le président. Avant de donner la parole à M. Tui, auteur de la question n° 264, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité, je tiens à saluer sa première intervention devant la Haute Assemblée.
M. Basile Tui. Je vous remercie, monsieur le président, de ce propos de bienvenue.
Si les problèmes qui se posent de nos jours sont universels, il est cependant des endroits où ils sont ressentis avec une toute singulière intensité, surtout quand on cherche, sans grand succès, des solutions pour y remédier. Tel est le cas à Wallis-et-Futuna.
J'ai souhaité attirer l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur les difficultés que rencontre actuellement la majeure partie de la population du territoire de Wallis-et-Futuna. En effet, de nombreux foyers, qui représentent environ 80 % des habitants du territoire, ne disposent d'aucune ressource financière fixe et se trouvent donc réduits à vivre d'une autosubsistance irrégulière et insuffisante.
Les petits producteurs ne peuvent commercialiser de façon régulière leur production et sont donc dans l'impossibilité de faire face à des charges inhérentes à la vie quotidienne, telles que de simples factures d'eau et d'électricité.
En outre, les familles connaissent de réelles difficultés pour faire face à certains frais liés à la scolarisation de leurs enfants, notamment aux frais d'habillement.
Des efforts ont été entrepris au niveau local, telle la création du fonds d'aide au développement économique et social, le FADES, et du code territorial des investissements, le CTI, prévoyant des aides au promoteur qui, dans le cadre de son projet, crée réellement de nouveaux emplois. Devant l'ampleur du problème, ces mesures demeurent cependant nettement insuffisantes.
Par ailleurs, l'Etat, à travers les crédits des chantiers de développement, offre une possibilité à des jeunes d'effectuer vingt heures par semaine de travaux, sous forme de contrat à durée déterminée.
On peut regretter cependant que ces crédits n'aient pu être maintenus à leur niveau promis en 1995, c'est-à-dire 6 millions de francs par an en deux versements de 3 millions de francs chacun : ils ont en effet été anormalement diminués cette année de 795 000 francs ; c'est autant de contrats de travail supprimés et, par conséquent, autant de jeunes abandonnés au désoeuvrement.
J'appelle donc l'attention du Gouvernement sur la fracture sociale qui s'aggrave d'année en année dans le territoire, opposant ces foyers sans revenu à ceux qui perçoivent des salaires. Je tiens d'ailleurs à préciser que cette situation de paupérisation pourrait rapidement devenir explosive si aucune mesure adéquate n'était prise à court terme pour y remédier.
Je souhaite donc savoir si le Gouvernement envisage prochainement la création d'un revenu minimum de subsistance spécifique, à l'instar du revenu minimum d'insertion existant en métropole, ou du revenu minimum de croissance mis en place en Nouvelle-Calédonie.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Monsieur le sénateur, je suis très heureux de vous répondre à l'occasion de votre première intervention devant le Sénat.
Je vous ai écouté avec émotion, après avoir lu votre question avec beaucoup d'attention.
Comme vous le savez, l'article 12 de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 confère aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d'outre-mer ; à ce titre, la protection sociale et l'aide sociale relèvent de la compétence de l'Assemblée territoriale.
Par conséquent, tout dispositif tel que celui que vous proposez doit se faire dans le cadre de la loi de juillet 1961 et dans le respect de l'organisation sociale du territoire qui repose beaucoup sur le droit coutumier.
Pour autant, l'Etat n'est pas sans prendre en compte la spécificité du territoire, et vous avez d'ailleurs rappelé à cet égard certaines dispositions qui pèsent lourd sur le budget, monsieur le sénateur : l'Etat apporte en effet son concours, dans le cadre conventionnel, au financement de l'aide sociale, à hauteur de 7,6 millions de francs par an, dont 6,9 millions de francs versés par le ministère de l'emploi et de la solidarité et 0,7 million de francs versé par le secrétariat d'Etat à l'outre-mer.
Cette intervention vise trois domaines : tout d'abord, l'aide aux personnes âgées ne bénéficiant pas du régime local de retraite, pour un montant de 5 millions de francs qui devrait être augmenté du fait de la renégociation de la convention de 1992 ; par ailleurs, le versement de prestations familiales aux familles non salariées, à hauteur de 2,2 millions de francs au titre de l'aide sociale à l'enfance ; enfin, l'aide aux handicapés, pour un montant de 0,4 million de francs.
En outre, l'Etat participe - vous l'avez dit, monsieur le sénateur - pour 4,4 millions de francs par an au financement des chantiers de développement qui sont assimilables à des contrats emploi-solidarité locaux.
J'ai donc le regret de vous dire, monsieur le sénateur, que, au regard des éléments que je viens de vous rappeler, le Gouvernement n'envisage pas la création d'un revenu minimum à Wallis-et-Futuna.
M. Basile Tui. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Tui.
M. Basile Tui. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie infiniment de votre réponse. Vous venez de rappeler les conditions dans lesquelles le territoire de Wallis-et-Futuna bénéficie de l'intervention de l'Etat.
Si je me suis permis d'évoquer ces problèmes auxquels la population fait face quotidiennement, c'est tout simplement parce que, compte tenu des problèmes accumulés et de l'importance des besoins, les mesures prises se sont révélées nettement insuffisantes.
Nous nous demandons toujours pourquoi un territoire de quelques centaines de kilomètres seulement, dont le sous-sol est dépourvu de toute ressource naturelle, ne bénéficie pas des mêmes aides que la Nouvelle-Calédonie, pourtant beaucoup plus riche.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je maintiens donc ma demande, en espérant que l'Etat, avec toute la sollicitude dont il sait faire preuve, considérera différemment les problèmes spécifiques de ces gens bien démunis.

AVENIR DES ÉCOLES DE PUÉRICULTURE

M. le président. La parole est à Mme Borvo, auteur de la question n° 275, adressée à M. le secrétaire d'Etat à la santé.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le secrétaire d'Etat, les puéricultrices diplômées d'Etat assument des responsabilités importantes - elles vont d'ailleurs croissantes en matière de soins, d'éducation, de relation et de gestion dans des secteurs de plus en plus diversifiés, pour répondre aux besoins de santé de l'enfant, de la naissance à l'adolescence, dans sa famille, en milieu hospitalier ou dans les structures d'accueil.
Pourtant, certaines écoles de puéricultrices ne forment pas actuellement suffisamment de professionnelles pour satisfaire les besoins locaux, alors que l'augmentation potentielle des besoins apparaît au travers de la circulaire du 5 janvier 1995, stipulant « l'affectation prioritaire des puéricultrices dans les services de pédiatrie et de maternité ».
La baisse constante des subventions d'Etat attribuées par le ministère de la santé met en danger les écoles de puéricultrices et a pour conséquence une inégalité d'accès à la formation ainsi qu'une diminution du nombre des candidats.
Depuis 1996, la DRASS, la direction régionale des affaires sanitaires et sociales, attribue par élève et par an 4 500 francs au secteur public et 7 500 francs au secteur privé, soit une moyenne de quelque 6 000 francs par élève.
L'inégalité de cette répartition de la subvention s'est encore accrue en 1997 et s'établit entre 2 160 francs et 4 500 francs pour le secteur public et entre 4 500 francs et 9 400 francs pour le secteur privé.
Le désengagement de l'Etat a pour conséquence la mise en place de frais de scolarité variant, selon les statuts des écoles, de 2 500 francs à 27 000 francs pour les écoles avec un support hospitalier et de 11 000 francs à 24 500 francs pour les écoles sans support hospitalier et le développement de la formation continue.
Cette situation a pour effet une inégalité d'accès à la formation, une diminution du nombre de candidats, donc de diplômes, ainsi qu'un déplacement des activités des écoles vers des actions lucratives de formation continue, au détriment de la formation initiale, mission première des écoles de puéricultrices, selon nous.
Dans le même temps, on constate une diminution constante des aides financières aux professionnelles en formation par les organismes collecteurs et les employeurs.
Assurer la gratuité des études de puéricultrices et créer des postes supplémentaires en engageant les financements d'Etat nécessaires à cela ne seraient que justice envers ces écoles et leurs élèves qui préparent des diplômes d'Etat. Ce serait aussi une contribution à l'atteinte des objectifs ambitieux du Gouvernement en matière de santé publique et de prévention.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Madame le sénateur, la formation de puéricultrice, qui complète celle d'infirmière ou de sage-femme, a été mise en place de longue date afin de répondre à la spécificité des soins à donner aux jeunes enfants. Cette formation, d'une durée d'un an, dispensée dans plus de trente écoles, a été récemment aménagée pour faciliter son suivi par les professionnels en exercice sur une durée maximale de trois mois.
Cette spécialité fait de la puéricultrice une experte contribuant à promouvoir, à maintenir ou à restaurer la santé de l'enfant dans son lieu de vie habituel, dans les établissements hospitaliers ou dans n'importe quelle structure d'accueil. La puéricultrice dispose, en outre, d'une compétence en matière de prévention mise à profit dans les services de protection maternelle et infantile.
Pour assurer cette formation, dont le coût moyen a été estimé, en 1995, par l'inspection générale des affaires sociales à 36 000 francs - pardonnez-moi de le rappeler - les écoles de puéricultrices perçoivent des subventions versées par l'Etat.
Au titre de l'exercice 1997, les subventions allouées par l'Etat à ces écoles, comme à toutes les structures de formation de professionnels paramédicaux, avaient effectivement été réduites dans le cadre des mesures de régulation budgétaire prises en cours d'année.
En revanche, la loi de finances adoptée par le Parlement en 1998 reconduit les crédits votés en 1997. Cela correspond, en fait, à une augmentation puisque les crédits effectivement disponibles en 1997 étaient très inférieurs aux crédits votés dans la loi de finances initiale.
Les écoles de puéricultrices ont d'ores et déjà reçu un premier mandatement représentant 95 % de la subvention qui leur a été attribué en 1997, ce qui a dû atténuer - en tout cas, je l'espère - les difficultés de trésorerie qu'elles ont effectivement connues l'an dernier.
Par ailleurs, la réflexion menée actuellement sur le financement de l'appareil de formation devrait aboutir à des mesures destinées à améliorer à court, à moyen, voire à long terme, leur moyens de fonctionnement.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le secrétaire d'Etat, comme vous le savez sans doute, depuis trois ans, le comité d'entente des écoles de puéricultrices poursuit un travail de réactualisation du programme d'études au regard des nouvelles problématiques de santé comme les naissances à risques liées à la prématurité et à la vulnérabilité des mères, la fréquence d'accidents chez les jeunes enfants, les conduites à risques chez les adolescents et la difficulté d'accès aux soins des populations en situation de précarité.
Tous ces aspects ont été pris en compte lors de la Conférence nationale de santé, où ont été déclarés « enjeu capital de santé publique le renforcement de la prévention et la promotion de la santé des enfants, des adolescents et des jeunes. ». Je sais que vous y êtes, tout comme moi, particulièrement attaché.
Dans cette perspective, le comité d'entente vient d'élaborer un référentiel « métier-compétences de la puéricultrice » qui me semble s'inscrire totalement dans les axes de la politique de santé définis par le Gouvernement.
Pourtant, les élèves supportent des frais de formation de plus en plus élevés.
Par ailleurs, je crois savoir qu'en 1994 les offres d'emploi émanant des seules structures extra-hospitalières d'Ile-de-France étaient supérieures au nombre de diplômées puisque l'on comptait 235 offres d'emploi pour 171 puéricultrices diplômées.
Cela pénalise les services en manque de personnel compétent et pose le problème de l'adéquation entre les objectifs de la politique de santé, que je partage, et la mise en oeuvre de cette politique.
Je vous saurais donc gré, monsieur le secrétaire d'Etat, de tout faire pour qu'une réponse satisfaisante soit apportée à la demande des puéricultrices.

RÉCUPÉRATION DE TVA PAR LES COMMUNES SUR LES INVESTISSEMENTS IMMOBILIERS RÉALISÉS EN FAVEUR DES PME

M. le président. La parole est à M. de Menou, auteur de la question n° 267, adressée à M. le secrétaire d'Etat au budget. M. Jacques de Menou. Monsieur le secrétaire d'Etat, le problème que je soulève aujourd'hui concerne le montant des loyers que peuvent percevoir les communes, communautés de communes ou syndicats intercommunaux à vocation multiple, les SIVOM, sur les investissements immobiliers qu'ils réalisent en faveur du commerce rural ou des PME-PMI.
Le cas précis d'une commune du Finistère ayant acquis un immeuble pour le rénover et y installer un commerce de proximité illustre ces abus. L'opération a bénéficié d'une aide du conseil général, de l'Europe, de la région et du fonds d'intervention pour la sauvegarde, la transmission et la restructuration des activités commerciales et artisanales, le FISAC, l'aide en fonctionnement de ce fonds prévoyant une réduction de loyer pendant trois ans à condition qu'un effort comparable soit accompli par la commune.
Or, la direction des services fiscaux conteste aujourd'hui ce dispositif. Elle estime que le loyer normal doit être au moins égal à 4 % de la valeur brute de l'investissement total.
Cette position me paraît inacceptable, dès lors que l'administration conditionne le remboursement de la TVA payée par la commune à la réévaluation fictive du loyer et demande donc à la commune de verser la TVA sur cette base fictive.
Il serait normal que le calcul de l'administration fiscale se fasse sur le coût net de l'investissement par la commune - coût total de l'investissement diminué des subventions reçues - et que les aides ainsi accordées aux communes viennent en diminution réelle des charges de loyer facturées par elles aux locataires, qui, en toute logique, doivent être, en tant que PME, PMI et petits commerces, les principaux bénéficiaires de ce dispositif. C'est d'ailleurs l'objet du FISAC de donner une subvention de fonctionnement pour faire baisser le prix du loyer, en demandant à la commune d'en faire autant.
A l'heure où l'aménagement du territoire est prôné comme une priorité et où les efforts pour dynamiser les communes rurales par des commerces relais et des bâtiments industriels pour recevoir les PME se concrétisent grâce à des aides européennes, régionales, départementales, voire de la dotation au développement rural, la DDR, et du FISAC, dont l'objet est précisément de faire diminuer les loyers, il semble injuste de pénaliser financièrement ces communes par des mécanismes fiscaux qui me paraissent pour le moins inadaptés.
Je signale, en outre, qu'au regard des règlements européens qui, avec raison, se préoccupent de la juste concurrence et des systèmes d'aides excessifs qui faussent les lois de la concurrence, la règle de minimis s'applique en l'espèce. Il s'agit en effet de petits commerces ruraux ou de petites PME dont l'influence à l'échelon de la concurrence européenne est inexistante. La règle de minimis leur permet donc d'échapper aux contraintes européennes et vous laisse, monsieur le secrétaire d'Etat, pleine liberté d'appréciation sur ce dossier très important pour l'économie du monde rural.
J'ajoute que, le 7 novembre dernier, j'avais saisi de ce problème Mme Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat, que je connais fort bien puisqu'elle habite dans une ville près de chez moi. Elle m'a indiqué qu'elle en saisirait M. Sautter le plus rapidement possible. Le 30 janvier, M. Sautter m'a écrit en m'informant qu'il y réfléchissait, qu'il examinait la question.
J'espère qu'aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat, vous pourrez me donner cette réponse qu'attendent avec impatience les maires concernés.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Monsieur le sénateur, je ne veux pas m'immiscer dans le dialogue qui s'est engagé entre Mme Lebranchu et M. Sautter.
Vous avez adressé votre question à M. le secrétaire d'Etat au budget, qui, tenu de participer, ce matin, à une réunion, m'a prié de vous transmettre la réponse suivante.
Le Gouvernement est particulièrement sensible aux questions d'aménagement du territoire et aux efforts faits pour dynamiser les communes rurales. Tel est le principe.
Mais vous comprendrez, monsieur le sénateur, que la taxe sur la valeur ajoutée ne puisse pas être utilisée comme un moyen de subventionner les communes. Il s'agit d'un impôt, qui, par définition, doit se traduire par des recettes pour l'Etat et qui, de surcroît, obéit à des règles harmonisées par des directives européennes, même si, en l'occurrence, vous l'avez signalé, la concurrence s'exerce peu.
Or, l'un des principes fondamentaux de cet impôt, c'est que les recettes soumises à la taxe incluent le coût des dépenses, et notamment des investissements. Cette règle est essentielle pour les finances publiques, et elle s'applique à tous les redevables sans distinction.
Pour les locations d'immeubles, il est admis que cette condition est remplie si le loyer est au moins égal à 4 % du prix de revient de l'immeuble.
Mais il est vrai que, lorsque l'immeuble a été financé en grande partie par des subventions, ce qui est généralement le cas pour les communes rurales, les loyers sont souvent inférieurs à ce seuil de 4 %.
Aussi, pour que les collectivités locales qui sont placées dans cette situation puissent néanmoins bénéficier de la déduction intégrale de la taxe sur la valeur ajoutée supportée au titre de l'investissement, une règle particulière a été mise en place.
La commune acquitte un montant de taxe sur la valeur ajoutée calculé sur une base égale à 4 % du prix de revient même si le loyer est inférieur. En contrepartie, elle peut déduire immédiatement l'intégralité de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à l'investissement.
J'espère, monsieur le sénateur, que cette disposition répond en grande partie, sinon complètement, à votre préoccupation.
M. Jacques de Menou. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. de Menou.
M. Jacques de Menou. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de la clarté de votre réponse, qui, malheureusement, ne fait que confirmer la position du fisc.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Eh oui !
M. Jacques de Menou. Je ne puis que regretter que le fisc réalise des profits sur les aides que nous accordons aux communes. Ce n'est pas normal.
M. le secrétaire d'Etat au budget fait valoir que la TVA n'est pas un moyen de subvention. C'est vrai, mais en fonction du taux appliqué au loyer la TVA sera remboursée plus ou moins vite. Or, il m'apparaît que, pour les communes de 300, 500, voire 1 000 habitants, qui consentent de gros efforts pour maintenir une vie économique, le fisc pourrait accepter un délai de remboursement plus long que pour les communes qui ne produisent pas ces efforts.
Je suis donc en total désaccord avec la réponse de M. le secrétaire d'Etat au budget. Il faudra revoir cette question, car cette disposition est très mal ressentie par les communes concernées, qui ne comprennent pas qu'on se fonde sur un bail fictif, sur lequel on calcule une TVA fictive qui permet au fisc d'être remboursé plus vite. Encore une fois, ce n'est pas normal.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je transmettrai, naturellement, ces observations à M. le secrétaire d'Etat au budget.

AVENIR DE L'ENSEIGNEMENT MARITIME

M. le président. La parole est à M. Gérard, auteur de la question n° 261, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Alain Gérard. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur le débat qui anime aujourd'hui le monde de la mer, et plus particulièrement sur les questions liées à l'enseignement maritime.
Je rappelle à M. le ministre qu'au moment où le pays tout entier réfléchit à la mise en place d'une politique d'aménagement du territoire équilibrée, où la concurrence internationale dans le secteur maritime ne cesse de se préciser, il est impératif d'élaborer une politique maritime ambitieuse pour notre pays.
Dans ce contexte, nul ne peut en effet rester indifférent au cri d'alarme lancé par les professionnels de la mer, qui s'inquiètent du désintérêt grandissant des jeunes pour ces professions. Depuis quelques années, en effet, l'image du métier de pêcheur s'est ternie. Je préconise d'en rechercher les causes, si l'on ne veut pas voir disparaître de notre économie un savoir-faire que nous envient nos voisins.
Concernant l'enseignement maritime proprement dit, M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement s'étant récemment exprimé sur le passage des écoles maritimes sous statut de la fonction publique, je lui demande quel sens il entend donner à ce rattachement et si de telles orientations annoncent une dépendance à un autre ministère.
Par conséquent, je lui demande s'il est en mesure d'apporter des réponses aux inquiétudes des professionnels de la mer et de préciser ses intentions concernant l'avenir de l'enseignement maritime.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement, qui, retenu ce matin par une réunion du comité de sécurité intérieure, m'a chargé de vous transmettre la réponse suivante.
La vocation maritime de la France étant toujours aussi forte, il est tout à fait normal - je dirai même excellent - qu'il y ait dans notre pays un vivier très important de jeunes attirés par les métiers de la mer.
Pour répondre à cette légitime aspiration autant qu'aux nécessités du développement économique, il est nécessaire de leur offrir un système de formation performant, répondant aux besoins et leur permettant de trouver un emploi dans le monde maritime.
La politique maritime de la France doit tenir compte de deux impératifs.
Il s'agit, tout d'abord, de respecter les conventions internationales adoptées sous l'égide de l'Organisation maritime internationale, qui définissent les normes de formation, garantissent la sécurité des personnes et des biens et la sauvegarde de l'environnement.
Il s'agit, aussi et bien évidemment, de satisfaire dans les meilleurs conditions les besoins économiques et ceux de la profession.
L'aptitude du marin français à naviguer à l'étranger et, réciproquement, du marin étranger à naviguer en France, tant à la pêche qu'au commerce, impose de respecter ces normes internationales, qui constituent le bien commun du monde maritime.
Le monde de la mer est unique et il a pour acteur principal un homme : le marin.
Le souhait du marin est de naviguer tantôt au commerce, tantôt à la pêche. C'est pourquoi les services des affaires maritimes, qui font partie intégrante du ministère de l'équipement, des transports et du logement, oeuvrent pour réformer les cursus de l'enseignement maritime secondaire et supérieur et pour l'adapter aux exigences d'aujourd'hui.
Nos écoles ont accueilli des jeunes de plus en plus nombreux. Dans les écoles maritimes et aquacoles, les EMA, ils sont passés de 1 200 en 1994 à 2 100 en 1998. Dans les écoles nationales de la marine marchande, les ENMM, la progression annuelle a été de 20 % depuis deux ans et sera de 25 % à la prochaine rentrée.
Le service public de l'enseignement maritime comporte aujourd'hui des personnels sous statut privé qui ont exprimé le désir d'obtenir un statut public.
Lors du dernier comité interministériel de la mer qui s'est tenu le 1er avril dernier, le Gouvernement a décidé d'intégrer l'enseignement maritime et aquacole dans l'enseignement public afin d'améliorer encore le fonctionnement de l'enseignement maritime et aquacole.
Le Premier ministre a confirmé le ministre de l'équipement comme interlocuteur unique pour la conduite des discussions interministérielles sur l'élaboration des statuts de rattachement de ces personnels.
Avec les autres ministères directement concernés, celui de l'agriculture et de la pêche et celui de l'éducation nationale, il pilote une mission destinée à définir les conditions précises et les modalités de l'intégration ainsi que la définition du ministère de rattachement.
Des propositions seront formulées à ce sujet dans les prochaines semaines. Nous les tiendrons à votre disposition.
M. Alain Gérard. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gérard.
M. Alain Gérard. Ainsi que je l'avais indiqué lors de l'examen du projet de loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines, les professionnels de la mer sont inquiets et confrontés à de nouvelles difficultés, notamment celle d'assurer l'avenir de leur profession. En effet, les armements à la pêche artisanale et semi-industrielle recrutent mais, paradoxalement, ils ne trouvent pas de personnels qualifiés en nombre suffisant.
Aujourd'hui, chacun garde en mémoire le douloureux souvenir des graves incidents survenus à Rennes, en février 1994, jour sombre de notre histoire où fut lancé un véritable appel au secours par l'ensemble d'une profession.
Depuis ces années noires, l'image du métier de pêcheur n'a cessé de se ternir. Les professionnels de la mer quant à eux ne peuvent que constater le désintérêt grandissant des jeunes pour ces professions.
Pourtant, ce métier offre à nouveau de bons salaires et des perspectives d'emplois. Je pose donc la question : pourquoi cette désaffection ?
N'est-il pas de notre devoir d'en rechercher les causes et urgent de mettre en place une politique maritime ambitieuse pour notre pays, car nous refusons que décline une activité économique indispensable à l'équilibre de notre littoral, une activité traditionnelle qui fait partie intégrante de notre patrimoine culturel ?
J'ajoute que le système actuel de formation professionnelle de l'enseignement maritime, en cultivant sa spécifité, me semble mal adapté à la réalité. Il faudrait que les jeunes ayant reçu une formation technique ou paramaritime puissent bénéficier de passerelles vers l'extérieur.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous m'avez donné un certain nombre d'éléments de réponse, je vous en remercie et j'espère qu'ils seront de nature à apaiser les inquiétudes de la profession.

AVENIR DE LA POLITIQUE DES « PAYS »

M. le président. La parole est à M. Mouly, auteur de la question n° 265, adressée à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Georges Mouly. Madame la ministre, la large consultation et l'active participation dont chacun a le souvenir lors de la préparation, en 1994, de la loi d'orientation sur l'aménagement et le développement du territoire votée en 1995 ont largement montré l'intérêt des Français pour une politique visant à ne pas faire de notre pays un territoire où le développement s'opérerait à plusieurs vitesses.
Vous reconnaissiez, madame la ministre, voilà peu de temps, que cette loi de 1995 contenait des dispositions intéressantes, dont beaucoup cependant sont soit inapplicables, soit inappliquées, ce qui est exact.
Or, les inégalités infrarégionales et interrégionales n'ont jamais été aussi profondément ressenties.
Comme l'aménagement est - c'est heureux - l'expression spatiale de la solidarité, il faut jeter les bases d'un développement durable, consolider la décentralisation et réduire les inégalités territoriales.
Je note, madame la ministre, que, pour ce qui concerne l'initiative économique, notamment les activités dans les zones de revitalisation rurale, un autre projet de loi est prévu. Cette perspective est d'autant plus intéressante que, voilà quelque temps, vous déclariez qu'il convenait « de rompre avec une conception dépassée de l'aménagement du territoire qui laissait de côté la question des villes pour se focaliser sur les territoires ruraux désertifiés sur lesquels l'Etat devait porter son attention comme sur un grand malade ».
Je ne vous apprendrai rien, madame la ministre, si je vous dis que cette déclaration suscita alors quelque émoi. Mais l'essentiel n'est pas là aujourd'hui, et je me réjouis que les zones de revitalisation rurale puissent apparaître comme l'une des préoccupations du Gouvernement.
Toutefois, vous comprendrez, je pense, madame la ministre, que le dépôt d'un projet de loi ultérieur nous laisse quelque peu sur notre faim, d'où ma première question qui touche, en fait, au délai prévisible de mise en oeuvre d'une telle politique, que beaucoup appellent de leurs voeux.
La même question se pose pour d'autres projets de loi. Mais tout ne peut se faire tout de suite, chacun en a bien conscience et nul ne saurait vous faire le reproche de ne pas pouvoir examiner dans l'instant des textes importants portant sur l'organisation urbaine et l'intercommunalité ou l'intervention économique des collectivités locales.
Toutefois, comme pour les zones de revitalisation rurale, pourriez-vous, madame la ministre, parce que beaucoup d'espoirs s'y attachent, nous donner de plus amples précisions sur la date de discussion du projet de loi d'orientation agricole ? Je vous pose cette question parce que vous faites, à juste titre, de ce volet de la politique gouvernementale l'une des composantes de l'aménagement du territoire.
Quant aux instruments de l'aménagement du territoire - le conseil national, le schéma des services publics, les schémas régionaux, les contrats de plan, les « pays » - leur mise en place et leur montée en phase opérationnelle ne sauraient se faire aisément, je le reconnais. Cependant, l'échéance de l'élaboration des contrats de plan arrivant à son terme, tout devrait maintenant aller bon train. En tout cas, c'est une impatience légitime que j'exprime ici.
Mais, à propos de ces instruments, je souhaite vous interroger plus spécialement, madame la ministre, sur les « pays ».
Regroupant des communes, des établissements publics, les « pays » pourront passer des contrats avec l'Etat et les régions dans le cadre des contrats de plan. Afin d'assurer la cohérence de ces nouveaux maillages, les commissions d'aménagement du territoire devront se prononcer sur la question de savoir si un espace peut être ou non reconnu comme un « pays ».
De ce point de vue, deux questions se posent. D'une part, que deviennent dans ce contexte les « pays » tests ? D'autre part et surtout, quel sort sera réservé aux territoires, qui sont en phase opérationnelle et qui se veulent une préfiguration des « pays », l'évolution de leurs limites géographiques étant évidemment envisageable ? Je ne pense pas que l'on puisse pénaliser cette heureuse initiative.
Vous l'aurez compris, c'est l'importance et l'intérêt premier de ce volet de la politique du Gouvernement, l'aménagement du territoire, dont vous avez la responsabilité, qui m'ont conduit à vous poser ces quelques questions.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, s'il est une qualité dont je me prévaux, c'est bien la lucidité. Par le passé, plus on parlait des zones rurales, plus les inégalités s'accentuaient. Cessons de regarder avec nostalgie les territoires ruraux, qui ne sont plus ceux d'hier, et apprécions la vitalité, la créativité, les idées des territoires ruraux d'aujourd'hui. Cessons de les considérer comme des territoires malades, exsangues, paralysés, et mettons-nous à l'écoute de leurs efforts pour accompagner leurs projets.
C'est dans cet esprit que j'ai entrepris de réviser la loi d'orientation sur l'aménagement et le développement du territoire. Il s'agit de se fixer un certain nombre d'objectifs simples et d'être extrêmement modeste dans les outils à mettre en oeuvre pour réduire les inégalités territoriales, jeter les bases d'un développement durable, consolider la décentralisation.
Un projet de loi devrait être présenté au Parlement dès la prochaine session. Vous l'avez souligné : plusieurs échéances nous attendent, notamment l'élaboration des prochains contrats de plan, qui doivent être signés avant le 31 décembre 1999.
S'agissant des territoires ruraux, sur lesquels vous m'interroger plus particulièrement, la loi du 5 février 1995 prévoyait, en effet, plusieurs dispositions intéressantes.
Mais, vous le savez bien, la plupart d'entre elles sont restées inappliquées, tant par M. Pasqua lui-même que par M. Gaudin.
C'est ainsi que l'article 61 prévoyait la mise en place d'une loi spécifique aux zones de revitalisation rurale avant juillet 1996.
Par ailleurs, la préparation d'un plan rural par le gouvernement précédent, qui n'a pas abouti, a montré les difficultés de concevoir des mesures adaptées dans ce domaine.
La tentation est grande de mettre en place des zonages, des régimes dérogatoires, des mesures adaptées à telle ou telle situation locale. Mais la formule, trop souvent employée « trop de zonage tue le zonage » me semble exacte.
Quand la moitié du territoire national est zonée, on le voit bien, l'Etat ne peut que pratiquer le saupoudrage, ce qui ne correspond pas aux besoins.
Je souhaite que la révision de la loi soit l'occasion de maintenir, mais aussi de préciser les interventions en milieu rural. Elle visera évidemment les quartiers en difficulté en milieu urbain qui ont été insuffisamment pris en compte.
Une politique de la ville digne de ce nom est en effet nécessaire. Surtout, nous souhaitons ne plus opposer le monde rural au monde urbain et réconcilier, dans une démarche convergente, la ville et la campagne ainsi que restaurer les continuités entre les secteurs ruraux, les périphéries des villes et les centres des agglomérations urbaines.
Je dirai que nous souhaitons cette démarche à la fois pour les grandes villes, pour les villes moyennes, mais aussi pour les petites villes dont dépend beaucoup la vitalité des territoires ruraux qui les entourent. Nous souhaitons que les bourgs-centres soient les pilotes de la vitalité des territoires ruraux. C'est une idée, je crois, sur laquelle vous serez d'accord.
La révision de la LOADT doit permettre de renforcer les communautés géographiques que l'histoire et l'économie ont façonnées, à travers la constitution ou le renforcement des « pays » et des agglomérations. L'objectif est de passer, le plus souvent possible, d'une logique de guichet à une politique de projet. Il faut encourager, accompagner, susciter des initiatives, des créations d'emplois avec les acteurs locaux.
Un article du projet de loi organise la politique des « pays » et prévoit le regroupement des communes et des établissements publics de coopération intercommunale. Cette politique sera reconnue au niveau régional ou interrégional, notamment pour la validation des « pays » par les conférences régionales d'aménagement et de développement du territoire. L'Etat est prêt également à reconnaître les projets qui sont portés par les « pays » par le biais des contrats de plan Etat-région.
De même, nous souhaitons pouvoir reconnaître les efforts d'organisation des territoires dans les agglomérations, en prévoyant que les agglomérations organisées avec une taxe professionnelle unique puissent être partenaires du contrat de plan Etat-région.
En ce qui concerne les pays, une charte du territoire permettra de concrétiser le projet de développement durable des pays regroupés au minimum en syndicats mixtes.
En ce qui concerne les agglomérations, nous souhaitons aller plus loin et faire en sorte qu'effectivement les outils fiscaux permettent de remédier à des concurrences injustifiées entre les collectivités.
En ce qui concerne les zones de revitalisation rurale, les ZRR, qui représentent 30 % des communes et près de 40 % du territoire, le rapport rédigé par Jean Auroux, à ma demande, prévoit qu'elles soient reconduites pour cinq ans, soit jusque fin 2004, mais qu'elles reposent sur des critères bien définis et qu'elles soient concentrées sur le territoire. Elles répondraient ainsi mieux à leur objectif, même si la délimitation des périmètres peut faire l'objet d'ajustement, notamment pour prendre davantage en compte la place des bourgs-centres dans le dispositif.
S'agissant des territoires ruraux de développement prioritaire, les TRDP, leur manque de concentration et un choix des critères moins objectifs les caractérisent. De fait, ces territoires ruraux correspondaient assez largement au zonage de l'objectif européen 5 b, qui disparaîtra dès l'an 2000.
Les moyens qui leur sont consacrés permettront un redéploiement de ressources dans un souci de plus grande efficacité. Nous y travaillons et nous aurons, avec la représentation nationale, une concertation à ce sujet, tant sont nombreux les outils financiers dont le ciblage est flou, les fonds faibles et les moyens d'évaluation relativement inexistants.
Le projet de loi relatif à l'organisation urbaine et à la simplification de la coopération intercommunale en constituera une prochaine étape, en cohérence avec la dynamique d'organisation des territoires autour des projets qui sont proposés dans le projet de loi d'aménagement durable du territoire.
Comme vous l'aurez noté, je n'ai pas parlé du projet de loi d'orientation agricole, qui comportera un important volet consacré au développement rural, volet sur lequel M. Le Pensec et moi-même avons travaillé en concertation. La synergie de nos efforts sera nette.
Nous avons souhaité que le développement rural ne soit pas uniquement un encouragement aux activités agricoles. Nous souhaitons qu'il associe bien l'ensemble des acteurs de ce monde dans lequel l'agriculture reste importante, mais ne constitue pas évidemment le seul facteur de vitalité. Je pense à tous les efforts de charte du territoire, d'aménagement des espaces, protégés notamment, qui sont l'objet de ce projet de loi.
M. Georges Mouly. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly. Je vous remercie, madame la ministre, d'une réponse que je considère de qualité, en tout cas complète, détaillée et circonstanciée.
Si je me suis permis de poser ces questions, comme représentant d'un département et d'une région à dominante rurale, c'est précisément, madame la ministre, parce que nous nous efforçons, nous aussi, dans la région, de ne pas regarder dans le rétroviseur et de faire preuve de lucidité. C'est vrai que parler ne suffit pas et qu'il importe de voir dans les régions rurales, d'une part, autre chose qu'un passé à maintenir et, d'autre part, des possibilités de créativité que vous avez évoquées.
Dans mon esprit, il n'était pas davantage question d'opposer la ville et la campagne. J'apprécie la partie de votre réponse consacrée à l'importance des petites villes et des bourgs-centres.
Quant aux pays, j'ai bien compris qu'ils devaient être reconnus par la conférence régionale et par l'Etat, bien sûr.
Je souhaite simplement, pour conclure, que les initiatives prises en la matière par tel ou tel département tiennent compte des éléments qui viennent d'être évoqués, madame la ministre. Je vous remercie encore.
M. Gérard Delfau. Très bien !

AVENIR DE LA SOCIÉTÉ ÉCO-EMBALLAGES

M. le président. La parole est à M. Demuynck, auteur de la question n° 268, adressée à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Christian Demuynck. Madame le ministre, depuis quelques années, on parle beaucoup de collecte sélective. En effet, la loi du 13 juillet 1992 prévoit qu'en 2002 les décharges devront être exclusivement réservées aux résidus ultimes, c'est-à-dire non valorisables. Les communes françaises, responsables de la collecte et du traitement des déchets qu'elles génèrent, doivent donc mettre en place un système de collecte permettant le tri en vue du recyclage.
Afin d'aider financièrement les villes, la société Eco-Emballages, qui gère un fonds financier alimenté par les contributions des entreprises, a également été créée en 1992. A ce titre, elle a reçu un agrément conjoint de plusieurs ministères qui a d'ailleurs été renouvelé en 1996.
Mais de nombreux maires qui se lancent dans ce type de collecte, ou qui vont prochainement le faire, ont été surpris d'apprendre que l'existence même d'Eco-Emballages pourrait se révéler illégale. En effet, la presse a fait état d'un jugement du tribunal de grande instance d'Auxerre selon lequel le décret du 1er avril 1992, qui est à l'origine d'Eco-Emballages, ne serait pas conforme à la directive européenne qu'il est censé appliquer.
La raison essentielle tient au fait que la règle technique de l'obligation de marquage des emballages faite aux producteurs de déchets et qui est prévue dans ce décret n'a pas été notifiée à la Commission européenne, comme le prévoit pourtant la réglementation communautaire. La Commission, qui n'a pas été informée des dispositions du décret du 1er avril 1992, n'a donc pas pu procéder aux vérifications qui lui incombent, notamment en matière de libre circulation des marchandises.
Les collectivités locales qui ont Eco-Emballages comme partenaire sont inquiètes de cette information, d'autant plus que la presse a également déclaré qu'une société a engagé une procédure pour contester la légalité de la taxe payée par les entreprises sur les emballages, taxe qui a été instituée par décret et non par un vote législatif.
Malgré ces difficultés, Eco-Emballages affiche sa volonté de remplir au mieux ses missions. Il semble d'ailleurs que des modifications récentes dans le fonctionnement interne de cette société aient permis, ces dernières semaines, une meilleure efficacité de ses services. Mais il n'en reste pas moins que le doute subsiste sur son avenir.
Madame le ministre, pouvez-vous aujourd'hui nous rassurer et nous préciser si cette situation risque, oui ou non, de remettre en cause le bon fonctionnement de cette société agréée par l'Etat et chargée d'une mission deservice public ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, l'élimination des déchets d'emballages ménagers est soumise aux dispositions du décret du 1er avril 1992, qui impose à tout producteur et à tout importateur ou, si le producteur ou l'importateur ne peuvent être identifiés, à la personne responsable de la première mise sur le marché des produits commercialisés dans des emballages soit de pourvoir elle-même à l'élimination des déchets résultant de l'abandon des emballages, soit de recourir à une entreprise ou un organisme agréé.
Dans ce dernier cas, les personnes précitées, l'entreprise ou l'organisme agréé passent un contrat précisant la nature de l'identification des emballages. Cette identification est destinée à permettre le contrôle des emballages mis sur le marché. Elle peut être opérée de différentes manières, soit par l'apposition du numéro du code emballeur imposé par des réglementations relatives à la sécurité des consommateurs, soit par la marque du produit. Ne nécessitant pas de marquage ou de logo spécifique, elle ne saurait être assimilée à une norme ou une réglementation technique et ne relève donc pas des dispositions de la directive 83/189 du 28 mai 1983, qui impose que le projet de texte, préalablement à sa publication, fasse l'objet d'une notification préalable à la Commission.
En l'espèce, le décret du 1er avril 1992 a été notifié à la Commission postérieurement à sa publication, le 26 octobre 1993, sur le fondement de la directive-cadre du 15 juillet 1975 modifiée.
Ce décret du 1er avril 1992 a fait l'objet de quelques contestations devant les juridictions pénales françaises.
Dans un jugement récent du 26 février 1998, le tribunal de grande instance d'Auxerre a estimé que le décret précité aurait dû être notifié à l'état de projet en application de la directive 83/189 du 28 mai 1983, compte tenu de l'obligation imposée aux producteurs d'identifier les emballages qu'ils font prendre en charge par un organisme agréé. Ne l'ayant pas été, le tribunal a jugé que le décret n'était pas conforme à la réglementation communautaire. En conséquence, selon lui, il ne pouvait pas servir de base à des poursuites pénales.
La cour d'appel de Paris a été amenée récemment à statuer dans une affaire comparable dans laquelle les parties avaient soulevé l'illégalité du décret du 1er avril 1992, au motif qu'il n'avait pas été notifié sur le fondement de la directive 83/189. La cour a rejeté dans un arrêt du 28 janvier 1998 cette exception d'illégalité.
Sur la base de la jurisprudence de la cour d'appel de Paris, le jugement du tribunal de grande instance d'Auxerre du 26 février 1998 n'est pas de nature à remettre en cause les missions, les objectifs ou le fonctionnement d'Eco-Emballages, objectifs et fonctionnement que nous avons l'ambition d'améliorer puisque, vous le savez, nous sommes en train de procéder à la refonte des barèmes de cette société.
M. Christian Demuynck. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Je vous remercie de ces informations. Nous voilà rassurés, madame la ministre. Les maires qui travaillaient avec Eco-Emballages, ou ceux qui se préparent à le faire, seront satisfaits d'apprendre que cette société respecte les normes et les règles en vigueur.

AVENIR DU THÉÂTRE DES AMANDIERS DE NANTERRE

M. le président. La parole est à M. Duffour, auteur de la question n° 260, adressée à Mme le ministre de la culture et de la communication.
M. Michel Duffour. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur la conduite que vous comptez tenir dans le bref avenir à l'égard du théâtre des Amandiers.
Cette scène, avec des hauts et des bas comme partout, est depuis quinze ans un des joyaux du théâtre français.
L'apport de Patrice Chéreau, puis celui de Jean-Pierre Vincent ont beaucoup marqué ce lieu.
Peu après votre arrivée rue de Valois, vous avez été amenée, pour aider, a-t-on dit, de nouveaux espaces de création, à proposer des coupes budgétaires sévères pour quelques grandes scènes nationales. Nanterre a fait partie du lot.
L'avenir de ce théâtre, j'entends bien de son rayonnement, est désormais menacé. Les deux millions de francs manquants peuvent déstabiliser cette aventure théâtrale.
Je ne pense pas, madame la ministre, qu'il soit juste de vous tourner unilatéralement vers les collectivités locales qui ont beaucoup fait. La ville de Nanterre, avec l'accord et l'appui de vos prédécesseurs, a déployé sa politique sur d'autres champs culturels, convergeant certes avec le théâtre, mais eux-mêmes coûteux. Dans l'étude faite par vos services en mars 1998, le travail effectué est d'ailleurs salué.
Cela étant dit, la commune comme le département, je pense pouvoir l'affirmer, sont prêts à un effort pour soutenir le théâtre. Mais il est nécessaire que l'Etat revienne sur sa décision et fixe son niveau d'intervention en référence à l'effort engagé en 1997 en francs constants. Ce seuil est obligatoire.
Nul ne nie les difficultés passées.
Mais ce sont là les aléas des expériences théâtrales. Ne faites pas payer les prises de risques passées aux Amandiers. Il y en aura nécessairement d'autres.
Les Amandiers, qui ont toujours fait preuve de rigueur budgétaire, sont repartis aujourd'hui de l'avant. Le succès du Jeu de l'amour et du hasard est là pour le prouver. La baisse de fréquentation est enrayée.
Certes, rien n'est gagné d'avance. Chaque théâtre a sa vocation, sa façon d'attirer et d'entraîner le public. Celui des Amandiers est implanté en Ile-de-France, où il est ardu d'entretenir des relations de voisinage avec les publics. Pourtant un travail de terrain est mené. J'en suis, madame la ministre, le témoin. Mais rien ne peut suppléer l'excellence de gestes théâtraux. La création authentique ne se dilue pas. Cela exige du talent - il y en a - et un effort financier pour lui permettre de se déployer.
Le ministère est-il prêt à consentir un effort aussi important que naguère ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu attirer mon attention sur les intentions du ministère de la culture et de la communication à l'égard du théâtre des Amandiers de Nanterre.
Je partage votre appréciation sur la qualité du travail de Jean-Pierre Vincent, dont la récente création, Le Jeu de l'amour et du hasard, nous a offert, en effet, une lecture tout à fait innovante de Marivaux.
Le ministère de la culture ne s'est pas désengagé financièrement de cette institution. Vous savez que Stanislas Nordey, qui était associé au théâtre des Amandiers, a été nommé à la direction du centre dramatique de Saint-Denis, et que la dotation qui avait été ajoutée à celle du théâtre des Amandiers était liée à cette association. En bonne logique, les moyens financiers qui permettaient à Stanislas Nordey de faire vivre sa propre troupe de comédiens ont donc été transférés de Nanterre à Saint-Denis.
Il n'en est pas moins vrai que l'analyse des comptes du théâtre des Amandiers fait apparaître un déficit important.
Je souhaite contribuer à l'apurement de ce déficit, mais mon ministère ne pourra pas le faire sans la participation financière de la ville de Nanterre et du conseil général, dont, je tiens à le souligner, la contribution est importante et qui m'ont rappelé tout récemment encore leur motivation.
Au sein du réseau des centres dramatiques, les Amandiers de Nanterre bénéficient de la plus forte subvention de l'Etat, qui apporte 80 % du total des apports publics. La ville de Nanterre apporte 4 millions de francs, le conseil général des Hauts-de-Seine, 3 millions de francs, et l'Etat 29 millions de francs, ce qui représente 11 % du total des subventions du ministère destinées aux vingt-sept centres dramatiques nationaux.
L'existence du théâtre des Amandiers n'est pas menacée, mais le directeur considère qu'il n'a pas les moyens de mener le projet artistique qu'il souhaitait mettre en place, à l'occasion de son nouveau contrat de décentralisation dramatique.
Une mission d'évaluation a été menée par le service de l'inspection de la direction du théâtre et des spectacles ; elle a abouti à la mise au point d'un schéma financier visant à répartir les efforts nécessaires entre tous les partenaires, le théâtre réduisant ses dépenses d'ordre de marche et les collectivités publiques - Etat, ville de Nanterre et conseil général des Haut-de-Seine - revalorisant leur participation.
Ces propositions ont été soumises aux collectivités territoriales, et je recevrai très prochainement leurs représentants pour que nous puissions arrêter ensemble une position définitive sur cette question.
M. Michel Duffour. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Je vous remercie, madame la ministre, de ces précisions.
Vous l'avez dit, chaque théâtre a son histoire locale et, dans l'effort accompli par les collectivités publiques, la participation de la ville de Nanterre à l'entretien du théâtre compte énormément. C'est un des atouts de la réussite.
En tout cas, j'accueille avec satisfaction la décision que vous avez prise de rencontrer très prochainement les responsables des collectivités territoriales. Nous souhaitons vivement qu'un accord intervienne rapidement de façon que le projet artistique de M. Jean-Pierre Vincent ne soit pas amputé.

FORCES DE SÉCURITÉ PUBLIQUE
DANS LE DÉPARTEMENT DE L'HÉRAULT

M. le président. La parole est à M. Delfau, auteur de la question n° 274, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Gérard Delfau. Madame la ministre, j'ai tenu à attirer l'attention de M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, sur l'inquiétude suscitée par le rapport remis au Premier ministre par M. Roland Carraz, député, et M. Jean-Jacques Hyest, sénateur, et portant sur « une meilleure répartition des effectifs de la police et de la gendarmerie pour une meilleure sécurité publique ».
S'agissant de l'Hérault, l'émotion s'est cristallisée sur le devenir du commissariat de police de Pézenas et, dans une moindre mesure, de celui de Frontignan, même si bien d'autres questions de fond sont posées par ce département, qui se situe au sixième rang en termes de délinquance et au soixante-sixième rang quant à sa dotation en forces de sécurité, gendarmerie et police nationale. Le contraste est saisissant !
Pour en revenir à Pézenas, je rappelle que le ministre lui-même vient d'annoncer au maire, par un courrier du 31 mars 1998, « l'arrivée d'un officier de police » au 1er juin prochain, avec ce commentaire : « Le taux élevé de délinquance justifie qu'une attention particulière soit portée à la situation de cette circonscription de sécurité publique ».
Simultanément, l'annonce par voie de presse d'une possible disparition du commissariat et de son transfert à la gendarmerie a plongé les élus dans la stupéfaction, d'autant que la discussion en cours d'un contrat local de sécurité a fait apparaître une flambée de la délinquance en 1996, après dix ans de croissance et - bonne nouvelle - une légère diminution - moins 0,84 % - en 1997. Dès lors faut-il casser l'outil qui fait reculer la violence et les petits délits ? Faut-il appliquer aveuglément des critères purement démographiques dans la répartition entre police et gendarmerie sur le territoire ?
La connaissance du terrain des policiers, la culture spécifique d'une commune très touristique dotée de quatre lycées et qui regroupe 5 000 enfants scolarisés en tout ne sont-elles pas à prendre en compte ? Aussi j'ai demandé à M. le ministre de l'intérieur quelle procédure il comptait mettre en oeuvre pour engager une discussion loyale avec les élus avant toute décision prématurée.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, dans le cadre de la mission que leur avait confiée M. le Premier ministre, MM. Hyest et Carraz ont formulé un certain nombre de propositions relatives à une meilleure répartition des effectifs de la police et de la gendarmerie nationales.
Parmi ces propositions, figure tout particulièrement le principe d'une nouvelle répartition des compétences de la police nationale et de la gendarmerie nationale, et ce par un transfert d'assise territoriale entre ces deux forces de sécurité.
L'ensemble de ces propositions, qui confirment les termes de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité, a été retenu par le conseil de sécurité intérieure lors de sa réunion du 27 avril 1998.
Un programme de travail confié aux ministères de l'intérieur et de la défense a été défini, afin que soient examinés conjointement les secteurs pouvant faire l'objet d'un transfert de compétences entre la police et la gendarmerie.
Cette phase d'expertise complémentaire comprendra une concertation approfondie avec les élus locaux, au cours de laquelle le préfet de l'Hérault examinera avec une particulière attention la situation de Pézenas et des communes situées à la périphérie de Montpellier.
Bien évidemment, aucune décision n'a été prise tant que cette phase n'a pas été menée à son terme. Le conseil de sécurité intérieure se prononcera à la fin de l'année 1998, au vu des résultats de cette expertise et des éléments recueillis lors de cette concertation.
Pour l'heure, les effectifs de la circonscription de sécurité publique de Pézenas, au nombre de trente-huit fonctionnaires, seront maintenus au niveau de la dotation actuelle, un lieutenant supplémentaire étant, de surcroît, appelé à rejoindre ce commissariat dès le 1er juin prochain.
Voilà, monsieur le sénateur, ce que mon collègue M. le ministre de l'intérieur m'a chargée de vous répondre.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Je vous remercie, madame la ministre, des informations que vous me donnez en ce qui concerne le début de la phase de concertation.
Ainsi, les élus locaux participeront en tant que partie prenante à une discussion avec le préfet ; je m'en réjouis.
Je suis également très satisfait de ce que la dotation actuelle en effectifs du commissariat de police de Pézenas soit maintenue et qu'un lieutenant de police supplémentaire y soit affecté.
Néanmoins, sur le fond, madame la ministre, je voudrais vous faire part de ce que les élus locaux m'ont dit sur le sujet et de ce que j'ai pu constater moi-même, puisqu'il se trouve que j'habite cette commune.
Bien sûr, je comprends tout à fait le souci de rationnaliser les forces de sécurité. Il est normal, quand on est en charge de responsabilités nationales, de chercher à mieux organiser l'intervention de l'Etat sur le plan local, surtout quand celle-ci se manifeste de deux façons : la gendarmerie d'un côté, la police de l'autre.
Cependant, je voudrais attirer l'attention du ministre de l'intérieur sur une autre réalité : l'ancrage local d'un commissariat de police qui fait bien son travail, qui est reconnu par l'ensemble de la population et qui a obtenu la confiance de celle-ci.
Vous savez comme moi, madame la ministre, ne serait-ce que par les importantes fonctions d'élue locale que vous avez assumées, à quel point les forces de sécurité ont besoin de cette relation de confiance.
C'est la raison pour laquelle je tiens à mettre en garde le ministre de l'intérieur : ne touchons pas sans y réfléchir à une organisation ancienne, la rationnalisation que nous souhaitons appliquer pouvant se traduire par une efficacité moins grande. C'est, en tout cas, ce que je crains.

RESPECT DES DROITS DE L'HOMME

M. le président. La parole est à M. Sérusclat, auteur de la question n° 269, adressée à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Franck Sérusclat. Monsieur le ministre, j'ai plaisir à vous voir parmi nous. Même si j'ai posé ma question à M. le ministre des affaires étrangères, je suis persuadé que votre connaissance de la coopération et vos options idéologiques fondamentales vous permettront de me répondre aussi clairement qu'il l'aurait fait.
Force est de constater qu'actuellement, dans le monde, peu de pays respectent à la lettre les droits de l'homme et du citoyen. Si l'on voulait en établir la liste, la page serait pratiquement vierge, pour ne pas dire totalement.
Tous les jours, des hommes, des enfants meurent, sont torturés. L'indignité est présente partout. Dernièrement, la lecture d'un texte relatif au Mexique m'a fait douter de la sécurité de ses habitants, y compris des étrangers.
Même la France s'est attiré des remontrances en raison de comportements discutables vis-à-vis de délinquants ou supposés tels.
Les conventions concernant les droits de l'homme sont trop fréquemment signées avec une restriction mentale, un peu comme celle que préconisaient les jésuites, dit-on : bien sûr, ces conventions s'appliqueront, mais en tenant compte des us et coutumes du pays qui les ratifie ! Dès lors, on en oublie l'essentiel.
Ma présente préoccupation, que d'autres partagent certainement, concerne nos relations avec la Chine.
Nous avons reçu tout récemment le Premier ministre de ce grand pays. Il a confirmé que la répression qui était intervenue sur la place Tian'anmen recueillait tout à fait son assentiment et qu'il fallait alors « casser » le mouvement comme on l'a fait.
Peu de temps auparavant, nous avions reçu des opposants notoires qui, après des années de prison, avaient été chassés de leur pays, selon un procédé propre aux pays totalitaires, et à qui avait été interdite toute rencontre avec le personnel politique important.
Ce pays compte encore deux mille prisonniers politiques - certes, comme on me l'a fait remarquer une fois, de façon ironique : par rapport à la population totale, cela fait peu - prisonniers auxquels la Croix-Rouge ne peut pas rendre visite.
La liberté d'expression, nous le savons, y est plus que contrainte.
Quant à la liberté d'information, si l'on en croit Reporters sans frontière, son exercice ne peut qu'être périlleux puisqu'on peut encourir le risque d'incarcération ou celui d'expulsion.
Tout récemment, la France n'a pas renouvelé sa signature, alors qu'en 1997 elle avait signé, avec le Danemark, les Pays-Bas et quelques autres pays de l'Union européenne, une résolution mettant en question tout au moins dans une certaine mesure, les comportements de la Chine.
Voilà des faits qui me troublent un peu. J'ai peut-être tendance à mettre trop haut, dans le monde où nous vivons, l'exigence d'un respect aussi strict que possible des droits de l'homme et du citoyen. Pourtant, je crois que c'est le seul moyen de faire progresser peu à peu la paix dans les pays, entre les pays, et le nôtre a un rôle à jouer en la matière. Ce rôle me semble d'autant plus important ces jours-ci que l'Inde et le Pakistan ont procédé à des essais nucléaires, suscitant une lourde inquiétude pour l'avenir. Une guerre ne risque-t-elle pas de se déclencher entre ces deux pays en difficulté ?
Au demeurant, je trouve pour le moins indécent, de la part d'un pays comme les Etats-Unis d'Amérique, de gronder le pays qui a réussi à faire comme lui, comme on gronde un enfant qui a volé de la confiture en lui disant qu'il ne faut pas le faire après avoir donné le mauvais exemple.
Excusez-moi de vous importuner avec ces questions, monsieur le ministre, mais je pense qu'il n'était pas inintéressant que vous nous fassiez connaître les réponses du Gouvernement français, auquel, vous le savez, j'accorde une très grande confiance depuis longtemps, confiance que je ne perdrai pas même si, sur ce point, je ne suis pas satisfait.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le sénateur, la France s'est engagée avec la Chine dans un partenariat global destiné à aider à la construction d'un monde multipolaire. Nous avons en effet quelques raisons de redouter ce qui résulterait d'un monde où il n'y aurait qu'une seule grande puissance.
Ce partenariat nous amène à nous concerter avec ce pays, également membre du Conseil de sécurité, sur toutes les questions d'intérêt commun, y compris sur la situation des droits de l'homme, objet de votre question.
Cette question interpelle d'ailleurs aussi l'Union européenne, qui a, pour sa part, adopté le 23 février dernier des conclusions sur la question des droits de l'homme en Chine, en soulignant les premiers résultats encourageants du dialogue que les Quinze avaient noué avec la Chine ; ce dialogue est régulier puisque, depuis le mois d'octobre 1997, quatre réunions d'experts ont eu lieu.
Il existe un programme de coopération qui comprend plusieurs volets concrets, visant à apporter des réponses positives aux demandes de coopération des autorités chinoises, qu'il s'agisse de l'application des textes, de la lutte contre la pauvreté, des droits des femmes ou encore de la bonne gouvernance.
Tel est le cadre dans lequel nous dialoguons avec la Chine à propos des droits de l'homme.
S'agissant des prisonniers politiques, l'Union européenne s'est réjouie des libérations de personnalités de premier plan telles que M. Wei Jingsheng, que j'ai moi-même reçu au nom du Gouvernement lorsqu'il est passé en France, voilà quelques mois, M. Wang Dan ou Mgr Zeng Jianmu.
Vous avez tout à fait raison, monsieur le sénateur, d'insister sur le fait que ces libérations de prisonniers politiques sont en réalité des expulsions. Au demeurant, lorsque les amis de ces prisonniers politiques nous demandent d'intervenir auprès des autorités chinoises pour leur libération, ils savent très bien que cette libération signifiera leur expulsion. Il reste que la nouvelle situation que connaissent les personnes concernées est bien vécue comme une liberté, même si l'on peut évidemment en débattre.
Dans une démarche conjointe avec l'Union européenne, nous avons obtenu des autorités chinoises qu'elles fournissent des informations sur d'autres prisonniers d'opinion ayant fait l'objet d'une intervention des Quinze. L'Union européenne continue d'intervenir pour que des gestes supplémentaires soient accomplis, dès lors qu'ils apparaissent comme allant dans le sens des intérêts des prisonniers concernés.
C'est dans le même esprit que le Premier ministre, recevant à Paris son homologue chinois le 6 avril, a salué l'attitude ouverte du gouvernement chinois pour promouvoir l'état de droit en Chine, en particulier son intention de ratifier le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, mais aussi de signer celui qui est relatif aux droits civils et politiques.
La France estime que cet engagement témoigne d'une volonté de la Chine d'améliorer la situation des droits de l'homme. Il faut, bien entendu, souhaiter que cette volonté soit davantage concrétisée.
Par ailleurs, la France et l'Union européenne ne manquent pas de soulever auprès des autorités chinoises la question des libertés religieuses, plus particulièrement celle de la situation du Tibet, où notre ambassadeur à Pékin se trouve en ce moment même.
Monsieur le sénateur, cette politique nous paraît conduire à des résultats, qu'il faut évidemment apprécier dans leur dynamique. En tout cas, nous ne cessons de prêter toute l'attention qu'il convient à la question des violations des droits de l'homme sur le territoire chinois, car nous considérons, comme vous, que des progrès importants restent à accomplir.
Vous avez, par ailleurs, interrogé M. le ministre des affaires étrangères sur l'attitude de la France à l'égard de pays « ne respectant pas scrupuleusement les droits de l'homme », citant notamment la Tunisie.
Monsieur le sénateur, je voudrais vous convaincre que les droits de l'homme forment un ensemble constamment présent dans les relations que la France entretient avec l'extérieur, en liaison avec d'autres préoccupations comme la sécurité.
Nous pensons que, pour faire progresser les droits de l'homme, il faut conjuguer exigence, pragmatisme, persuasion et coopération.
En Tunisie, comme partout dans le monde, la France est donc également attentive à la situation des droits de l'homme. Premier partenaire de la Tunisie, elle développe avec ce pays des relations traditionnelles d'amitié et de coopération dans tous les domaines.
Les autorités françaises et tunisiennes entretiennent bien entendu un dialogue régulier et confiant, et ne s'interdisent d'aborder aucun sujet ; la visite d'Etat du président Ben Ali, en octobre dernier, l'a d'ailleurs confirmé.
Sans méconnaître l'environnement régional difficile dans lequel se situe la Tunisie - et je pense là, notamment, aux pays voisins - la France encourage la Tunisie à aller plus avant dans l'établissement de l'état de droit et dans le développement des libertés publiques. Elle l'incite à poursuivre sur la voie des mesures qui ont été annoncées à la fin de l'année 1997, notamment en faveur d'une plus grande liberté de la presse.
Monsieur le sénateur, je me félicite que le trouble auquel vous avez fait allusion nous permette de rappeler qu'il existe des réalités avec lesquelles nous ne pouvons transiger.
M. Franck Sérusclat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. Je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, du soin que vous avez apporté à cette réponse, évoquant notamment le cas de la Tunisie, que je n'ai pas soulevé dans mon intervention orale.
Je suis persuadé que le sentiment profond du Gouvernement est bien celui que vous avez décrit. Je suis également bien conscient qu'un premier ministre doit être accueilli avec les honneurs qui lui sont dus. Il reste que les fastes qui ont entouré la réception du premier ministre chinois m'ont paru un peu excessifs au regard de la situation des personnes détenues en Chine qui ont été libérées pour être aussitôt expulsées.
Vous avez d'ailleurs vous-même souligné qu'une expulsion n'est pas vraiment une libération ; c'est surtout une façon de chasser à l'extérieur du pays des gens qui défendent éventuellement des idées justes.
C'est pourquoi je pense qu'il n'était pas malséant d'interpeller le Gouvernement sur un sujet qui nous préoccupe les uns et les autres, d'autant qu'il suffit parfois de peu de choses pour que la réalité de notre action soit conforme à nos engagements fondamentaux. Il ne serait pas admissible de faire beaucoup pour accueillir unpremier ministre et de négliger tous ceux qui subissent la suppression des droits politiques et civils dans différents pays.

ENSEIGNEMENT DES SCIENCES ET TECHNIQUES
DES ACTIVITÉS PHYSIQUES ET SPORTIVES

M. le président. La parole est à M. Lesbros auteur de la question n° 271, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
M. Marcel Lesbros. J'ai en effet souhaité interpeller M. le ministre de l'éducation nationale sur les problèmes concernant l'enseignement universitaire dans les Hautes-Alpes, en particulier à Gap.
Il y a deux ans, à Gap, nous avons créé un DEUG de sciences et techniques des activités physiques et sportives, ou STAPS, et nous attendons la création de la troisième année du cursus universitaire, qui nous a été récemment annoncée.
Or les responsables universitaires m'ont fait part de l'impossibilité de créer cette licence, du fait d'une décision ministérielle.
Bien entendu, cette décision a soulevé, dans les Hautes-Alpes, les protestations unanimes des élus, des enseignants et des étudiants. En effet, si aucun poste n'était créé à Gap, les conséquences seraient très graves.
S'agissant des effectifs, les étudiants des Hautes-Alpes n'auraient plus aucun intérêt à préparer uniquement un DEUG à Gap, sachant qu'ils devraient poursuivre leurs études à Marseille. Ce serait donc, à terme, la mort des STAPS à Gap, alors même que ces études sont financées en partenariat avec le département et la ville.
Sur le plan économique, pour Gap et sa région, la perte serait de 4 000 francs par mois et par étudiant, c'est-à-dire la somme que dépense chaque étudiant dans les commerces, auprès des associations sportives et pour se loger.
Ce serait aussi la fin de la formation aux métiers des sports de montagne, qui permet la promotion du sport et du tourisme dans notre département, dont ces deux activités constituent la vocation essentielle.
En conséquence, je souhaite que M. le ministre de l'éducation nationale veuille bien prendre une décision telle que puissent être créés les postes indispensables à la survie de cette filière universitaire dans ce département de montagne.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le sénateur, M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie n'ayant pu se libérer ce matin pour venir répondre à votre question, il m'a chargé de vous prier d'excuser son absence et de vous faire part des éléments qui suivent.
En application du principe d'autonomie des universités, ce sont le président et le conseil d'administration qui décident de l'opportunité de mettre en place des enseignements conduisant à la délivrance de diplômes nationaux sur un site, dès lors que l'université - ce qui est le cas - a obtenu l'habilitation à délivrer de tels diplômes, notamment pour l'ouverture d'une formation universitaire. Cette décision est prise en fonction, d'une part, des infrastructures existantes sur le site, et, d'autre part, des moyens en personnels dont dispose l'université.
L'université Aix-Marseille II a obtenu, pour 1998, la création d'un poste de professeur afin de conforter les enseignements en sciences et techniques des activités physiques et sportives.
La décision d'ouvrir une préparation à la licence STAPS sur le site de Gap, après qu'une formation au DEUG eut été ouverte en 1996, revient ainsi à l'université.
En conclusion, monsieur le sénateur, je ne peux que vous souhaiter de convaincre les responsables de l'université Aix-Marseille-II ! (Sourires.)
M. Marcel Lesbros. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Lesbros.
M. Marcel Lesbros. Monsieur le ministre, vous avez vous-même occupé des responsabilités importantes dans un département et vous comprenez donc sûrement l'inquiétude des élus des Hautes-Alpes, un département au budget relativement modeste, 600 millions de francs, ce qui ne l'empêche pas de consentir de gros efforts d'investissements.
Bien sûr, je le sais bien, le ministre ne peut faire, lui aussi, qu'avec les moyens dont il dispose. Il reste qu'il ne s'agit que de trois postes et que leur création permettrait de maintenir cette filière universitaire à Gap.
Chacun se rappelle que, autrefois, il était bien difficile, pour les étudiants en médecine qui avaient effectué leurs deux premières années dans une faculté, de poursuivre leurs études dans une autre faculté. Or nous risquons de retrouver une telle situation avec les STAPS de Gap.
Je me permets de vous demander, monsieur le ministre, d'insister auprès de M. Allègre sur l'importance que revêt cette filière STAPS pour Gap et pour le département des Hautes-Alpes. Je suis sûr qu'il comprendra notre problème.
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. René Monory.)

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY

M. le président. La séance est reprise.

3

POLICES MUNICIPALES

Discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 414, 1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux polices municipales. [Rapport n° 455 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce n'est pas la première fois que votre assemblée est appelée à débattre des polices municipales.
Un projet de loi modifiant le code des communes et le code de procédure pénale et relatif aux agents de police municipale a été déposé sur le bureau du Sénat, le 2 décembre 1987, par MM. Chalandon, Pasqua et Pandraud, au nom du Gouvernement de M. Chirac. Ce texte a été voté par votre assemblée le 20 décembre 1987, après déclaration d'urgence, mais la navette a été interrompue par l'élection présidentielle de 1988.
D'autres projets de loi ont suivi : celui qui a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, le 13 janvier 1993, par M. Paul Quilès, au nom du Gouvernement de Pierre Bérégovoy, mais qui n'a pas eu le temps d'être examiné avant les élections législatives de mars 1993 ; puis celui qui a été déposé le 15 mars 1995 par M. Pasqua, au nom du gouvernement de M. Balladur ; il a été repris ensuite par M. Jean-Louis Debré, mais il n'a pas eu non plus le temps d'être examiné avant les élections législatives anticipées des mois de mai et juin 1997.
Aucun de ces textes n'a donc été voté.
Il n'en ira pas de même, j'en suis persuadé, du présent texte, voté par l'Assemblée nationale le 30 avril dernier, par lequel nous nous efforçons de reprendre le meilleur des projets précédents, en répondant au problème tel qu'il se pose aujourd'hui.
En le soumettant à la représentation nationale, le Gouvernement ne fait que respecter les engagements qui ont été pris lors du colloque de Villepinte, les 24 et 25 octobre derniers, par le Premier ministre.
Pour répondre à l'insécurité ressentie par beaucoup de nos concitoyens, c'est à la sécurité de proximité qu'il convient de donner la priorité. C'est à cela que répond le recrutement de 20 000 adjoints de sécurité, la signature de 26 contrats locaux de sécurité et l'élaboration de 515 autres contrats, la redéfinition des zones de compétences respectives de la police nationale et de la gendarmerie nationale, ainsi que d'autres mesures sur lesquelles je n'épiloguerai pas.
Le projet de loi relatif aux polices municipales s'inscrit dans cette politique.
Les polices municipales existent et elles se sont sensiblement développées depuis un certain nombre d'années, en dépit du caractère embryonnaire de leur statut. Le besoin de légiférer n'est donc pas contestable. Toutes les formations politiques en ressentent la nécessité. En attestent les sept propositions de loi qui ont été déposées, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, en un peu plus de dix ans, en plus des projets de loi que je rappelais tout à l'heure.
A la nécessité de légiférer, je vois au moins deux raisons qui se conjuguent : d'une part, le développement constant des polices municipales et, d'autre part, l'imprécision du droit.
L'expansion continue du nombre de communes dotées d'une police municipale et du nombre des agents eux-mêmes est une réalité.
En 1984, un peu moins de 1 800 communes disposaient d'une police municipale, comptant au total 5 600 agents. Dix ans plus tard, en 1993, elles étaient 2 850, soit 1 000 de plus, et comptaient 11 000 agents, soit 5 000 de plus.
Selon le dernier recensement auquel j'ai fait procéder, 3 030 communes sont aujourd'hui dotées d'une police municipale ; les agents de police municipale sont au nombre de 13 098.
L'augmentation est forte, même si elle semble s'infléchir quelque peu depuis ces dernières années et même si, rapportées au total, 8 % seulement des communes de France disposent d'agents de police municipale.
L'existence de polices municipales n'est pas fonction de la taille des communes : de très petites communes ont créé de tels emplois. Toutes les grandes villes de France, en revanche, n'en disposent pas.
Contrairement à ce qu'on veut bien dire ici ou là, la cartographie des polices municipales n'est pas non plus liée à la cartographie de la criminalité, tant il est vrai que la délinquance n'est pas le seul facteur de leur création. Mieux, en l'état du dossier, on ne peut affirmer que le développement d'une police municipale s'accompagne d'une diminution de la criminalité. C'est plus simplement la demande croissante de sécurité par nos concitoyens que traduit le développement des polices municipales.
Cette toile de fond étant brossée, quel est aujourd'hui le cadre juridique ? Il est marqué par l'imprécision, qui conduit à l'ambiguïté des compétences des agents de police municipale. C'est vrai tant pour la police administrative que pour la police judiciaire.
Tout naturellement, les agents de police municipale participent à la mise en oeuvre de la police administrative, dont le maire a la responsabilité première.
Ils sont, selon le code général des collectivités territoriales, « chargés d'assurer l'exécution des arrêtés de police du maire ». A ce titre, leur champ d'action est presque illimité. Mais leurs moyens sont extrêmement réduits.
Au plan de la police judiciaire, ils sont agents de police judiciaire adjoints, comme cela est mentionné au 2° de l'article 21 du code de procédure pénale. Toutefois, ils ne peuvent pas verbaliser, sauf en matière de stationnement gênant sur la voie publique. Leurs relations avec l'autorité judiciaire qu'est le procureur de la République sont très indirectes.
Pour le reste, l'identification physique des agents n'est guère aisée, tant les uniformes sont souvent proches de ceux de la police nationale. Les conditions d'armement résultent de textes complexes, sujets à des interprétations divergentes.
Il est donc indispensable de sortir de cette imprécision, non pas pour l'amour du droit, mais pour éviter les ambiguïtés et les risques de confusion.
Avant d'en venir au texte, je formulerai une remarque liminaire. Ce projet de loi est tout à fait conforme aux principes de la décentralisation définis par le gouvernement de Pierre Mauroy en 1982. Il ne remet pas en cause la libre administration des collectivités locales : il appartient aux communes de décider ou non la création de polices municipales. Il n'affecte nullement les pouvoirs de police du maire. Il clarifie, en revanche, dans un objectif de « coproduction de sécurité », comme on dit aujourd'hui, les rôles respectifs des forces de l'ordre et des polices municipales.
Je préciserai maintenant les grands axes de ce projet de loi, qui sont au nombre de six : la clarté des attributions, la complémentarité des missions, l'adaptation aux fonctions, l'efficacité des interventions, la transparence des services et la valorisation du statut.
Je les examinerai successivement.
Il s'agit, d'abord, de sortir de l'ambiguïté dans laquelle évoluent actuellement les polices municipales, pour leur donner un statut clair et sans équivoque, en ce qui concerne tant les missions que les moyens matériels dont elles disposent.
Le projet de loi répond à une première nécessité évidente : clarifier les attributions des agents de police municipale. Tel est l'objet de l'article 1er du texte.
Qu'en est-il aujourd'hui ? Certaines polices municipales se contentent d'assurer les sorties d'écoles ; d'autres contrôlent le stationnement ; d'autres encore, me dit-on, procèdent, à une échelle assez large, à des interpellations.
En droit, les pouvoirs des agents de police municipale se résument pourtant à deux propositions.
D'une part, ils sont chargés de l'exécution des arrêtés de police du maire ; il s'agit plus d'une pétition de principe, importante certes, que d'une règle efficiente.
D'autre part, en matière de police judiciaire, ils n'ont le droit de verbaliser que le stationnement gênant, le défaut d'affichage du certificat d'assurance des véhicules ainsi que la circulation et le stationnement dans les cours de gare ! Ils peuvent aussi verbaliser les contraventions à quelques lois spéciales, comme les bruits de voisinage, la publicité et les enseignes. C'est peu, et c'est moins, d'ailleurs, que les gardes champêtres.
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Le projet de loi étend donc substantiellement les pouvoirs de police judiciaire des agents de police municipale.
Ils pourront ainsi verbaliser les contraventions aux arrêtés de police du maire, ce qu'ils n'ont pas le droit de faire aujourd'hui, comme vous le savez.
Ils pourront également verbaliser certaines contraventions aux dispositions du code de la route, qui seront précisées par décret. Concrètement, c'est la circulation routière qui est visée. J'ai indiqué à votre commission des lois, qui en fait état dans son rapport, les principales orientations retenues par le Gouvernement dans la rédaction de ce décret.
L'extension du pouvoir de verbalisation des agents de police municipale en matière de circulation routière me semble devoir s'inspirer de trois idées simples.
Tout d'abord, les agents de police municipale doivent pouvoir verbaliser les infractions qui mettent en cause la sécurité routière appréciée essentiellement à l'échelon communal. Cela exclut, par exemple, les voies à grande circulation ou les autoroutes.
Ensuite, certaines infractions doivent être laissées à la police et la gendarmerie nationales, soit parce qu'elles touchent au domaine délictuel, soit parce qu'elles entraînent la mise en oeuvre de procédures administratives ou pénales connexes particulièrement lourdes et techniquement complexes.
Enfin, il doit être clair qu'une sanction ne peut varier selon la qualité de l'agent verbalisateur, sauf à porter atteinte au principe de l'égalité devant la loi. L'infraction qui pourra être verbalisée par un agent de police municipale devra donc entraîner toutes les conséquences de droit qui y sont attachées, soit au bénéfice du contrevenant - par exemple, le paiement de l'amende forfaitaire minorée - soit à son détriment - par exemple, la suspension de permis de conduire ou le retrait d'un certain nombre de points.
C'est à la lumière de ces principes que sera élaboré le décret annoncé par l'article 1er.
Il convient également de sortir de l'extrême confusion qui caractérise ce que l'on appelle les équipements.
Vous le savez comme moi, il est parfois difficile, même à un oeil exercé, de distinguer la tenue de certaines polices municipales des uniformes de la police nationale.
Je sais qu'il s'agit là d'une question sensible, que je ne sous-estime pas. Mais j'ai déjà dit qu'il existe dans le bleu, qui sied en effet à l'autorité, de multiples nuances, dans lesquelles chacun, avec un peu de raison, doit pouvoir trouver son compte.
Il faut que l'identification du représentant de l'autorité soit, dans toutes les communes, immédiate et sans ambiguïté.
Il faut également, et cela participe de la même idée, que les tenues, les types d'équipement et leurs signes extérieurs - je pense en particulier à la sérigraphie des véhicules - soient les mêmes dans toutes les communes de France.
Il faut, enfin, que les agents des polices municipales soient dotés d'une carte professionnelle identique sur l'ensemble du territoire et portée en permanence pendant le service.
Nos concitoyens doivent savoir ce qu'ils peuvent attendre du représentant de l'autorité, et ce que celui-ci peut exiger d'eux. C'est cela aussi l'Etat de droit.
Si les caractéristiques des équipements des agents de police municipale sont fixées au niveau national, la sagesse commande qu'une consultation des utilisateurs et des maires soit faite avant les choix, voire qu'un débat s'instaure. C'est la raison pour laquelle il a été prévu que le décret portant application de l'article 8 interviendrait après avis de la commission consultative créée par l'article 3 du présent projet de loi.
Cette commission associera de manière égale des représentants de l'Etat, des représentants des maires et des représentants des agents de police municipale, comme l'Association des maires de France me l'avait demandé.
Le Gouvernement a eu une position ouverte sur ce sujet, lors du débat à l'Assemblée nationale, tout en étant soucieux de ne pas porter atteinte aux compétences du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, et à l'unité de cette fonction publique, qui doit être protégée contre les risques de balkanisation.
Il me paraît surtout important que la commission soit un lieu de concertation entre les représentants de l'Etat, les maires et les représentants des agents de police municipale. Le mode de désignation des uns et des autres peut être l'objet de précisions. Nous y reviendrons à l'occasion de l'examen des amendements. Néanmoins, s'agissant d'un organisme dont les avis peuvent avoir des conséquences directes sur les modalités de fonctionnement des polices municipales, il me paraît naturel, en fin de compte, qu'elle soit présidée par un maire. Je suis persuadé que votre rapporteur n'y verra que des avantages. (M. le rapporteur fait un signe d'assentiment.)
Le deuxième axe du projet de loi est des plus importants. Il s'agit de l'indispensable complémentarité des missions exercées par les polices municipales et de celles incombant aux forces de l'ordre qui sont sous la responsabilité de l'Etat, tant en matière de police administrative qu'en matière de police judiciaire.
Cette idée - la complémentarité - est si importante qu'elle se trouve, de manière récurrente, dans la plupart des articles, mais surtout, bien sûr, dans l'article 2, relatif au règlement de coordination.
Il est indispensable que les forces de police et de gendarmerie, d'une part, et les polices municipales, d'autre part, lorsqu'elles interviennent sur un même territoire, puissent se reconnaître et s'identifier. Il faut que, dans le strict respect des compétences, l'on sache qui fait quoi et à quel endroit, en matière de sécurité.
En quoi consiste le règlement de coordination prévu à l'article 2 ? Il ne s'agit pas, bien sûr, d'opérer un partage du territoire communal, de réserver aux uns ou aux autres la possibilité exclusive d'intervenir dans tel ou tel secteur. Le territoire communal ne se partage pas, pas plus que ne se partage la compétence des forces de sécurité de l'Etat.
Il convient, en revanche, dans le seul souci de l'efficacité et de la sécurité publique, que soient formalisés les rapports des uns avec les autres, organisées d'éventuelles patrouilles mixtes - dont l'utilité devra être appréciée sur le plan local - et définis les moyens de communication.
C'est une nécessité absolue, surtout, et j'y reviendrai dans quelques instants, compte tenu des modalités selon lesquelles les agents de police municipale pourront procéder à des relevés d'identité.
Bien entendu, la mise en forme de cette indispensable complémentarité ne se justifie que dans les communes dont l'effectif de police municipale permet une véritable organisation structurée.
Il m'a semblé que l'on pouvait raisonnablement fixer à cinq le nombre d'agents à partir duquel cette organisation est possible. Toutefois, j'ai admis que l'on puisse avoir une appréciation différente sur ce seuil et j'ai accepté que celui-ci, comme le souhaitait l'Assemblée nationale, soit ramené à trois. En outre, même à titre facultatif, un tel règlement est toujours possible dans les autres communes.
Il me paraît normal, en revanche, qu'à défaut d'accord le préfet puisse fixer seul, mais toujours après avis du procureur de la République, le contenu du règlement de coordination. C'est, j'en suis persuadé, presque une hypothèse d'école. Je suis convaincu que le bon sens conduira dans l'immense majorité des cas à trouver un terrain d'entente sur la coordination des forces ; et je donnerai toutes les instructions nécessaires pour y parvenir.
Toutefois, si tel n'était pas le cas, il en irait à la fois de l'efficacité de l'action publique en matière de sécurité et de la sécurité même des services de police, nationale et municipale. Serait-il concevable, par exemple, que le responsable de la police municipale ignore la présence, à tel endroit, d'une brigade anticriminalité, ou que des agents des deux corps procèdent, au même endroit et à la même heure, à des contrôles de circulation ? Evidemment, non !
En ce qui concerne le travail de nuit, sur la durée de laquelle je suis prêt à débattre avec vous - l'esprit ouvert, comme toujours - j'indique d'abord qu'il ne sera en rien interdit aux agents des polices municipales dont l'effectif est inférieur au seuil prévu pour l'obligation d'édicter un règlement de coordination.
Il est bien clair que le lien entre le règlement de coordination et le travail de nuit ne vise que les communes soumises à l'obligation légale d'établir un tel règlement de coordination, c'est-à-dire les communes dont l'effectif d'agents de police municipale excède le seuil qui sera fixé par la loi.
Il doit être clair également que l'existence d'un règlement de coordination n'est gouvernée que par un souci de bon sens, celui d'éviter la mise en danger de la sécurité des agents, des polices municipales comme de l'Etat, à l'occasion d'une intervention.
Il pourrait être débattu de la nature du document instaurant cette coordination : réglementaire, ainsi que l'a décidé l'Assemblée nationale, en accord avec le Gouvernement, ou conventionnel, comme semble le souhaiter la commission des lois du Sénat.
Nous sommes, je crois, assez fondamentalement d'accord sur la nécessité d'un tel document et sur la démarche partenariale qui doit en accompagner l'élaboration. Je souhaiterais réduire la portée de la divergence qui semble exister entre nous et vous convaincre du bien-fondé de la nature réglementaire du document, en recourant à un argument finaliste, bien que ce ne soit pas dans mon tempérament.
Si la coordination est nécessaire, pour des raisons indiscutables de sécurité et de rationalisation, l'absence d'un tel document affaiblirait le dispositif, voire le rendrait inapplicable. C'est donc bien un règlement, dont le préfet et le maire sont coauteurs, qui est nécessaire. Le choix d'une convention ou d'un protocole, qui postule un accord de volonté, pourrait aboutir à un résultat préjudiciable à la fois à la police municipale et à l'Etat. Je ne le souhaite pas.
C'est la raison pour laquelle je préfère, au contraire, que ce soit un règlement conjoint qui règle ce problème, en assurant la stabilité des prescriptions qui y figureront.
Vous aurez noté que l'esprit partenarial auquel je suis attaché demeure. Même en cas d'absence d'accord, le préfet n'a pas l'obligation d'édicter immédiatement le règlement de coordination. C'est une possibilité, non une obligation, et le préfet s'attachera en priorité à trouver un accord avec le maire concerné.
La coordination trouve aussi sa traduction dans les missions de police judiciaire.
Aujourd'hui, les rapports de l'agent de police municipale avec le parquet sont très lointains, et même indirects. L'agent de police municipale ne verbalise, pratiquement, que par le biais du carnet à souches, dont les avis de contravention ne sont pas destinés au procureur de la République.
En vertu de l'article D. 15 du code de procédure pénale, il transmet ses rapports à son chef hiérarchique, le maire ou le secrétaire général.
L'article 12 procède à une véritable professionnalisation de l'agent de police judiciaire adjoint qu'est l'agent de police municipale.
Sans, bien entendu, affecter en rien le pouvoir hiérarchique du maire, à qui il sera toujours rendu compte par les agents de police municipale des crimes, délits ou contraventions dont ils auraient connaissance, les agents de police municipale rendront également compte à l'OPJ - officier de police judiciaire - de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, territorialement compétent. Donc, il y aura une double transmission.
Leurs rapports et procès-verbaux seront transmis sans délai au procureur de la République, par l'intermédiaire de cet OPJ.
L'intention du Gouvernement est de renforcer la professionnalisation, et donc l'autorité, des agents de police municipale, en permettant à ceux-ci de prendre toute leur place dans la structure de police judiciaire.
L'article 12 conforte ainsi le rapport direct avec le parquet, puisque ces agents seront placés, en ce qui concerne la transmission de leurs procédures, sur un pied d'égalité avec les agents de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale.
Pour autant, il n'est pas question, je le répète, que le maire soit dépourvu de l'information qui lui est nécessaire, en qualité de premier magistrat municipal. C'est pourquoi il sera informé simultanément des procédures transmises par les agents placés sous son autorité.
L'Assemblée nationale a renforcé cette garantie, et je lui ai donné mon accord à cet égard.
Le troisième objectif du projet de loi est d'assurer l'adaptation des moyens des agents de police municipale aux missions qui leur sont confiées. C'est un objectif important, et qui n'a pas été toujours parfaitement compris par certains commentateurs du projet de loi, notamment en ce qui concerne l'armement. On a vu naître quelques polémiques qui m'ont toujours paru injustifiées et excessives. Je voudrais définitivement les « désarmer », si je puis dire, bien que, après le débat à l'Assemblée nationale, il ne subsiste guère de doute sur les intentions réelles du Gouvernement.
Aujourd'hui, 37 % environ des policiers municipaux sont porteurs d'une arme. Les agents armés sont au nombre de 4 946. Cela signifie que, dans la majorité des cas, les élus locaux eux-mêmes n'ont pas jugé utile à l'exercice de leurs attributions de les doter d'une arme. M. Dreyfus-Schmidt le sait bien : à Belfort, les agents de la police municipale n'ont pas d'arme, en tout cas pas d'arme à feu. (M. Dreyfus-Schmidt fait un signe d'assentiment.) Cette approche réaliste se retrouve, avec le souci de sécurité juridique qui est celui du Gouvernement, dans le projet de loi. Je vais, si vous le voulez bien, préciser les règles applicables en ce domaine.
L'idée principale est qu'il n'est pas nécessaire de porter une arme pour assurer l'essentiel des tâches confiées aux agents de police municipale. En revanche, des circonstances particulières et l'accomplissement de certaines missions confiées par le maire peuvent le justifier. C'est cette logique simple et concrète que traduit l'article 7 du projet de loi.
Le Gouvernement avait estimé que la détermination des catégories d'armes susceptibles d'être utilisées par les agents de police municipale pouvait être fixée par décret. L'Assemblée nationale a préféré que cette précision, non dépourvue de conséquences pratiques, soit apportée par la loi.
La commission des lois du Sénat est, me semble-t-il, plus proche de l'analyse du Gouvernement. Même si, comme vous le savez, une importante réflexion sur les armes est en cours, l'essentiel est que le principe d'adaptation s'impose et que, dans les cas où il y a nécessité de port d'arme, catégories et types d'armes soient clairement définis.
Si l'on admet que le port d'armes est dérogatoire en droit comme il l'est aujourd'hui dans les faits, encore convient-il de définir les types de missions et les circonstances justifiant l'armement des agents de police municipale.
C'est l'objet du décret d'application qui sera élaboré.
Sans entrer dans le détail de ce projet de loi, je peux d'ores et déjà vous indiquer que ce texte distinguera, d'une part, les missions et, d'autre part, les types d'armes que pourront porter les agents de police municipale. J'ai bien conscience que l'on n'est pas exposé aux mêmes risques, pour prendre les exemples les plus parlants, lorsque l'on est affecté à des tâches de surveillance nocturne, à la surveillance des écoles ou au relevé des infractions aux règles de stationnement. Cette différence de situation devra donc être prise en compte comme il convient.
Pour autant, le port d'armes sera soumis à autorisation préfectorale sur demande motivée du maire. Cette demande sera d'ailleurs l'occasion de préciser les fonctions des agents au bénéfice desquels le port d'armes est demandé. Le Gouvernement, qui n'est pas insensible à l'intérêt de lier l'autorisation préfectorale de port d'armes à une formation spécifique, a accepté le principe d'une telle formation. Ces dispositions seront appliquées fermement, mais sans tracasserie.
Pour des raisons pratiques que l'on comprendra aisément, l'autorisation du préfet ne peut intervenir qu'autant qu'un règlement de coordination existe. C'est une sécurité pour les agents de police municipale, pour les forces de police d'Etat et pour les maires. Il est dangereux, en effet, que des agents armés, exerçant des missions complémentaires, se trouvent sur le terrain en même temps dans l'ignorance de ce que font les autres. C'est un facteur de risque qu'il nous faut éviter.
Le projet de loi vise également à mieux définir les règles de détention proprement dite des armes.
Il doit être entendu que seule la commune est propriétaire des armes qu'elle met à disposition de ceux de ses agents pour lesquels le port d'armes sollicité a été obtenu.
Les agents de police municipale n'ont pas, ès qualités, vocation à détenir individuellement des armes, qu'ils utiliseraient dans le cadre de leur service.
La détention d'armes par la commune doit, quant à elle, être entourée de garanties. Le décret d'application déterminera donc les conditions dans lesquelles les armes seront acquises et conservées par les communes. Il prévoira notamment les mesures et les dispositifs de sécurité qui doivent accompagner cette détention.
L'adaptation n'est pas seulement une affaire de moyens matériels. Elle concerne aussi les hommes. Aussi ai-je attaché une attention particulière à la formation des agents de police municipale. Comme vous le savez, ceux-ci doivent recevoir une formation initiale dans le cadre statutaire qui est le leur. Mais il est apparu utile à l'exercice de leurs fonctions qu'une formation continue obligatoire leur soit dispensée en cours de carrière. C'est le sens de l'article 15 du projet de loi. Je souligne qu'il s'agit là d'une spécificité qui n'a pas de précédent dans la fonction publique territoriale et qui trouve sa justification dans la mission particulière confiée à ces agents : la sécurité de proximité.
Pour maintenir ou pour améliorer leur qualification professionnelle, les agents de police municipale bénéficieront donc d'une formation organisée par le Centre national de la fonction publique territoriale.
Pour assurer des prestations de qualité dans un domaine très spécifique, le centre pourra passer convention avec des administrations ou avec des établissements publics de l'Etat chargés de la formation des fonctionnaires de la police nationale et de la gendarmerie nationale.
Je reviens, s'agissant de la formation, sur une disposition importante du projet de loi initial ; ce dernier prévoyait en effet le versement d'une redevance par les communes concernées. Contre l'avis du Gouvernement, l'Assemblée nationale a supprimé cette redevance.
Est-il sain de faire supporter par 92 % des communes des dépenses afférentes à une action qui ne concerne que 8 % d'entre elles ?
M. Jean-Jacques Hyest. Non !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Il vous appartient d'en juger, mesdames, messieurs les sénateurs, mais je crois que l'on peut émettre sur ce sujet un avis réservé.
L'équité qui guide la réflexion du Gouvernement sur ce point invite à faire supporter la charge financière de la formation continue des agents de police municipale aux seules communes concernées, puisqu'il s'agit d'une faculté et non d'une obligation. J'ai constaté avec plaisir que M. le rapporteur, dont je salue le travail et qui sait de quoi il parle, a proposé par amendement, au nom de la commission des lois, de rétablir la redevance pour prestations de service.
J'en viens au quatrième point de mon intervention : l'adaptation aux missions que je viens d'évoquer et, en particulier, la formation des agents de police municipale seront un gage de la compétence de ces derniers.
Mais le projet de loi veut aussi garantir l'efficacité des polices municipales, notamment sur deux plans : l'engagement des procédures pénales, d'une part, la mise en commun des moyens et effectifs des polices municipales, d'autre part.
S'agissant de l'engagement des procédures pénales, j'ai évoqué tout à l'heure l'extension du pouvoir de verbalisation. Mais, pour pouvoir verbaliser, encore faut-il pouvoir s'assurer de l'identité du contrevenant. Là est le problème.
C'est pourquoi le projet de loi, dans son article 14, organise une procédure nouvelle, le relevé d'identité, procédure sur laquelle je voudrais m'attarder quelques instants.
Il s'agit, en quelque sorte, d'une procédure intermédiaire entre le recueil d'identité et le contrôle d'identité.
Le recueil d'identité vise à permettre aux agents de la SNCF ou de la RATP de demander son identité au contrevenant sans cependant pouvoir exiger de lui la présentation d'aucun document en justifiant. Ces agents doivent donc se contenter de la bonne foi du contrevenant, sauf à requérir l'assistance d'un agent ou d'un officier de police judiciaire.
Le contrôle d'identité n'a rien de commun. Il se situe à l'autre bout de l'échelle de Richter, si je puis dire. (Sourires.) Il consiste à inviter une personne, dans les cas mentionnés par l'article 78-2 du code de procédure pénale, à justifier par tous moyens de son identité. Une preuve - et non une simple affirmation - est exigée de l'intéressé. En pratique, un document d'identité doit être présenté par ce dernier.
Ce contrôle peut lui-même conduire à une vérification d'identité, la personne étant alors retenue sur place ou conduite dans un local de police pendant le temps nécessaire, ce temps ne pouvant excéder quatre heures.
Quant au relevé d'identité prévu par l'article 14 du projet de loi, il s'agit d'une mesure intermédiaire, plus efficiente que le recueil et moins contraignante que le contrôle.
Cette procédure établit un équilibre entre l'exigence d'efficacité des polices municipales et les impératifs de la protection des droits et libertés des citoyens. Elle s'accompagne d'un temps de rétention incompressible, que la rédaction proposée réduit cependant au minimum.
Il est clair aussi que les agents de police municipale ne pourront user de moyens de contrainte disproportionnés, tels les menottes, sans commune mesure avec la gravité d'une infraction punie d'une simple peine contraventionnelle.
En tout état de cause, la durée de la rétention et la proportionnalité des moyens seront soumis, en tant que de besoin, au contrôle du juge, comme c'est le cas pour les agents de la police nationale et de la gendarmerie nationale.
L'Assemblée nationale, dans le souci de contrôler cette rétention, a imaginé une procédure dite du « récépissé » : l'agent remettrait ainsi un récépissé au contrevenant refusant de justifier de son identité ou ne pouvant le faire. Cette idée, à mon sens, aboutit à mettre en oeuvre un système lourd et inutile. En effet, ce récépissé n'aurait d'intérêt que si la tentative de relevé d'identité était suivie d'une vérification d'identité par l'officier de police judiciaire, ce qui ne sera pas toujours le cas, bien évidemment.
Or les alinéas 6 à 9 de l'article 78-3 du code de procédure pénale prévoient la remise d'un procès-verbal à la personne qui a fait l'objet d'une telle vérification d'identité lorsque celle-ci n'est suivie d'aucun acte d'enquête ou d'exécution transmis à l'autorité judiciaire.
Ce procès-verbal précise notamment l'heure du début du contrôle d'identité. Rappelons que, si la vérification d'identité est suivie d'une garde à vue, celle-ci commencera dès le début de l'heure du contrôle d'identité.
Ce système sous-entend que, a priori , l'agent de police municipale, pourtant agent de police judiciaire adjoint et, en tant que tel, soumis au contrôle du procureur, est de peu de foi et qu'il trichera lorsqu'il rendra compte à l'officier de police judiciaire.
Enfin, ce système n'existe pas lorsqu'une personne est interpellée ou lorsque, au cours d'un contrôle d'identité, une personne refuse ou ne peut justifier de son identité et est alors présentée à l'officier de police judiciaire.
Bref, ce récépissé n'apporte à mon avis aucune garantie supplémentaire au citoyen dans la procédure du relevé d'identité, qu'il ne fait au contraire qu'alourdir.
Si je suis soucieux de l'efficacité des polices municipales dans le domaine de la police judiciaire, je le suis autant en matière de police administrative, et j'ai bien entendu les préoccupations d'un nombre non négligeable d'élus qui souhaitent pouvoir mettre en commun tout ou partie de leurs effectifs et moyens de police municipale. C'est la justification de l'article 5 du projet de loi.
Cette mise en commun ne pourra s'exercer qu'en matière de police administrative, compte tenu de la compétence territoriale des agents de police judiciaire adjoints. Concrètement, s'ils pourront participer à des missions de surveillance ou d'îlotage, ils ne pourront verbaliser, au nom de cette règle de compétence territoriale.
Seuls des événements à caractère exceptionnel - une manifestation sportive, un concert d'ampleur inhabituelle - pourront justifier une mise en commun.
J'avais pensé utile, initialement, de prendre aussi en compte les afflux importants de population liés à la saison touristique. L'Assemblée nationale a estimé que cette disposition risquait d'entraîner des difficultés de gestion pour les communes concernées. Je ne partage pas tout à fait cet avis, puisque, en tout état de cause, il ne s'agirait là que d'une faculté. Dans mon esprit, c'est bien l'afflux touristique qui était visé, et c'est ce que la commission des lois du Sénat me semble avoir compris.
J'en viens au cinquième point de mon propos.
Vous en conviendrez avec moi, le projet de loi qui vous est soumis, mesdames, messieurs les sénateurs, vise à renforcer considérablement les pouvoirs des agents de police municipale. Il fait aussi de la complémentarité sa pierre d'angle. Il est donc normal que l'Etat renforce son contrôle à la fois sur les agents, compte tenu de leurs responsabilités nouvelles, et sur les services, le tout dans un souci de transparence.
Deux dispositions du projet de loi traduisent ce souci, s'agissant des agents de police municipale : le double agrément, d'une part, le code de déontologie, d'autre part.
Les agents de police municipale sont actuellement agréés par le procureur de la République. Cela n'a pas toujours été le cas, puisque, avant la loi du 2 mars 1982, ils l'étaient par le préfet.
L'article 6 prévoit qu'ils seront désormais agréés à la fois par le procureur et par le préfet, après leur nomination par le maire. Cette solution figurait dans les projets antérieurs. Elle se justifie pleinement.
Le projet de loi consacre en effet le rôle des agents de police municipale en matière de police administrative, dans le domaine de la sécurité de proximité. Il est donc parfaitement légitime que le représentant de l'Etat, dont j'ai au surplus souligné le rôle dans l'élaboration du règlement de coordination, intervienne dans la procédure d'agrément et s'assure de l'honorabilité et de la moralité du candidat à la nomination. Il le fera parallèlement au procureur de la République, dont l'intervention doit être plus que jamais maintenue, compte tenu du renforcement sensible des compétences de police judiciaire des agents de police municipale.
Ce mécanisme n'a rien de révolutionnaire, puisqu'il est déjà prévu par la loi pour les agents de sûreté des ports et des aéroports.
Pour répondre à une interrogation plusieurs fois formulée, il est clair que le double agrément ne peut intervenir que postérieurement à la nomination de l'agent par le maire, car on voit mal comment pourrait être agréée comme agent de police municipal une personne n'ayant encore aucun lien avec la fonction publique. A cet égard, mesdames, messieurs les sénateurs, la commission des lois semble vouloir rétablir, par amendement, un ordre logique dans la succession des actes relatifs à l'entrée en fonction, qui veut en effet que l'agrément succède à la nomination.
Pour lever une ambiguïté qui pouvait résulter du projet de loi, le Gouvernement vous proposera un amendement explicitant le fait que, naturellement, les agents aujourd'hui en fonctions, et qui ont déjà été agréés par le procureur de la République, n'auront pas à être agréés à nouveau par cette autorité judiciaire ; ils ne le seront donc que par le préfet.
Le Gouvernement a aussi estimé nécessaire de prendre en compte l'hypothèse du retrait d'agrément en cours de service. Aujourd'hui, les règles de la fonction publique territoriale enferment le maire dans l'alternative suivante : soit recourir au licenciement pour insuffisance professionnelle, en respectant la procédure disciplinaire, soit maintenir l'agent dans les effectifs budgétaires, sans pouvoir l'affecter à d'autres missions, puisqu'il n'a pas le droit de le détacher dans un autre cadre d'emploi dans sa commune. L'article 6 du projet de loi donne aux maires un outil de gestion supplémentaire et accroît leur marge de décision tout en favorisant le reclassement professionnel.
En effet, les maires pourront désormais, sans que cela soit obligatoire, reclasser tel ou tel agent dans un autre cadre d'emploi selon les modalités prévues en matière de reclassement pour inaptitude physique.
Enfin - c'est là une innovation - le projet de loi prévoit que les agents, une fois agréés dans les conditions que l'on vient de mentionner, seront assermentés.
Le code de déontologie dont le principe est fixé par l'article 9 est réclamé depuis de nombreuses années, et je ne puis que souscrire à ce souhait. Nous aurons l'occasion de reparler de la déontologie de tous les services, publics ou privés, en charge de missions de sécurité lors de l'examen du projet de loi portant création d'une instance supérieure de déontologie.
Pour ce qui nous intéresse aujourd'hui, oui, il est indispensable que les agents de police municipale soient dotés d'un corps de règles déontologiques qu'ils doivent respecter, comme les agents de la police nationale doivent respecter le code de déontologie résultant du décret du 18 mars 1986.
Si la transparence s'impose, s'agissant des agents de police municipale, elle s'impose de la même façon s'agissant de l'organisation et des modalités de fonctionnement des services de police municipale. C'est pourquoi le projet de loi prévoit que ceux-ci pourront faire l'objet d'une vérification sur l'initiative soit du maire, soit du préfet, soit du procureur de la République. Le ministre de l'intérieur décidera ensuite de cette vérification, après avis de la commission consultative que j'ai évoquée tout à l'heure, et après en avoir arrêté les modalités en concertation avec le maire. La solution la meilleure et la plus expédiente consiste à avoir recours aux services d'inspection générale de l'Etat compétents en ce domaine.
La vérification pourra éventuellement conduire le maire à engager les réformes d'organisation nécessaires, voire à envisager des procédures individuelles, s'il les estime justifiées. De la même façon, la vérification pourrait conduire à la révision du règlement de coordination ou au réexamen, par les autorités de l'Etat, de tel ou tel agrément.
J'en viens au sixième point de cette intervention.
En même temps qu'il vise à accroître les pouvoirs des agents de police municipale, le projet de loi tend aussi à renforcer leurs responsabilités ; il consacre leur participation effective à la mission de sécurité générale. Il est donc normal que l'Etat prenne en compte cette responsabilité nouvelle et la traduise au plan statutaire.
J'ai déjà parlé d'un aspect fondamental du statut, à savoir la formation initiale et continue. Je n'y reviens pas.
L'article 16 du projet de loi s'inscrit clairement dans cette optique de reconnaissance statutaire. Il prévoit des règles dérogatoires en matière de réversion des pensions attribuées au profit des conjoints et des orphelins d'agents de police municipale tués au cours d'une opération de police.
Dans cette hypothèse, qui s'est déjà produite dans le passé - heureusement dans de très rares cas : trois ou quatre à ma connaissance - la pension est portée au taux de 100 %, c'est-à-dire qu'elle est équivalente à ce qu'aurait perçu le fonctionnaire territorial lui-même à l'âge de la retraite.
J'ajoute que ce relèvement s'accompagne d'une autre disposition favorable et dérogatoire - qui nécessitait pour cela le recours à la loi - consistant en la nomination de ces fonctionnaires tués en service au grade ou, à défaut, à l'échelon supérieur à celui qu'ils avaient atteint.
Au cours de la discussion à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a présenté un amendement étendant ces dispositions à l'ensemble des agents de police municipale décédés en service et cités à l'ordre de la nation, et non seulement à ceux qui ont été tués en opération de police.
Le rôle et l'importance des agents de police municipale sont ainsi pleinement reconnus.
Je dirai un mot, enfin, de la question de l'accès à la catégorie B des fonctionnaires d'encadrement des polices municipales.
Il s'agit là d'une question qui ne relève que du domaine réglementaire, mais, ainsi que cela a été dit devant le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale et comme je m'y suis solennellement engagé devant l'Assemblée nationale, le Gouvernement est prêt à donner la possibilité aux communes qui le souhaiteraient de créer des emplois relevant de la catégorie B, dès lors que leurs besoins le justifient. Je précise à cet égard que, dans la police nationale, un commandant fait partie de la catégorie B.
C'est donc un décret qui créera un statut particulier, que je souhaite voir examiner prochainement par le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale.
Pour le reste, je n'ignore pas qu'il y a d'autres revendications, de nature essentiellement indemnitaires.
Ces revendications portant sur des avantages financiers ne me paraissent justifiées ni par la spécificité des fonctions exercées par les agents de police municipale ni par aucune autre considération. Elles pèseraient d'ailleurs sur les budgets des collectivités territoriales - or je suis bien placé pour connaître les difficultés auxquelles elles sont confrontées - comme sur celui de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement ne les a pas retenues, ce qui ne doit pas occulter les réelles avancées statutaires inscrites ou induites par ce projet de loi.
En définitive, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui vous est proposé est un ensemble équilibré : il accroît sensiblement les compétences et les pouvoirs des agents de police municipale, il consacre ainsi leur apport à la police de proximité, il garantit leur qualité par un encadrement législatif précis, il est respectueux des libertés individuelles, le tout en préservant rigoureusement la liberté des communes.
Il met également en évidence le monopole de la force publique détenu par l'Etat, mais il établit, dans la plus grande clarté, la complémentarité des services de police et de gendarmerie nationales et des polices municipales.
Ce projet de loi sert un objectif qui nous rassemble tous : la mise en oeuvre du droit de chaque citoyen à la sûreté, que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 classait déjà parmi les droits imprescriptibles de l'homme.
D'autres textes, qui ont déjà été déposés ou discutés par la représentation nationale ou qui le seront dans un avenir prochain, y contribuent aussi. Je pense notamment au projet de loi sur les animaux dangereux, au projet de loi sur la déontologie de la sécurité, au texte en cours de préparation sur les sociétés de surveillance et de gardiennage et les agents privés de recherches ; je pense aussi à la refonte globale de la réglementation des armes.
C'est à ce titre qu'au nom du Gouvernement je vous invite maintenant à débattre du présent projet de loi et à en approuver la démarche. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Jacques Valade remplace M. René Monory au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de remercier tout d'abord le président et les membres de la commission des lois de la qualité des travaux qui ont été menés au sein de cette dernière et de la richesse des débats qui s'y sont déroulés.
Monsieur le ministre, vous nous avez présenté ce projet de loi. Il importe maintenant, ainsi que vous l'avez souhaité, que nous analysions la problématique des polices municipales d'une façon dépassionnée, en évitant les clichés un peu simplificateurs.
Il est cependant possible de procéder à une lecture technique et, au-delà, à une lecture politique : au coeur du problème posé apparaît l'articulation entre l'Etat et les collectivités locales, entre les responsabilités des uns et des autres. Nous sentons bien, à cet égard, qu'il nous faut aujourd'hui réfléchir à un partenariat équilibré et efficace entre l'Etat et les collectivités territoriales, et non pas à un partenariat par défaut.
Il serait difficile, pour les collectivités locales, d'imaginer devoir remplir des fonctions en matière d'emploi, de sécurité, de justice, parce que l'Etat, soit par incapacité budgétaire, soit face à l'explosion des problèmes, serait dans l'impossibilité d'y faire face. Nous avons devant nous un vrai problème de société, il nous faut donc réfléchir aux meilleures réponses capables de garantir à la fois l'efficacité de l'action publique et le respect de l'éthique républicaine.
Aujourd'hui, le débat est ouvert entre, d'un côté, des solutions fédéralistes à l'allemande, avec des pouvoirs autonomes très forts accordés aux collectivités territoriales et une césure entre les élus nationaux et les élus locaux, et, d'un autre côté, une contractualisation, spécificité française dont l'objectif politique est clairement affiché mais dont les moyens sont éparpillés entre différents échelons afin d'obtenir une graduation des réponses, une plus grande efficacité par la proximité, tout en garantissant l'éthique républicaine.
Cela signifie qu'il faut que l'on sache bien qui fait quoi, qui est responsable de quoi, de quels moyens dispose chaque autorité et quelles garanties sont apportées aux citoyens et à la société. Ce partenariat ne peut en effet se concevoir que dans l'équilibre, dans la confiance, cette politique ne pouvant réussir que par le grand professionnalisme de celles et de ceux qui la mettent en oeuvre.
La nécessaire évolution des relations entre l'Etat et les collectivités territoriales est au coeur de nos réflexions et de nos propositions concernant la sécurité, face à des perceptions ou à des attentes nouvelles de nos concitoyens et, à tout le moins, à une évolution de la société qui nous livre de nouveaux défis.
Vous évoquez souvent, monsieur le ministre, la fracture civique, émergence de deux sociétés qui s'affrontent sur le même territoire, fragilisant, en le remettant en cause, le pacte républicain ou la notion de « vivre ensemble ».
Si la peur du gendarme est le commencement de la sagesse, encore faut-il que chaque acteur cultive et distille les bienfaits de cette sagesse et, plus encore, que chacun soit convaincu de la nécessité de celle-ci.
Toute l'énergie que nous mettrons dans les dispositifs répressifs ne doit pas nous faire oublier que ces derniers représentent l'échec de l'éducation d'une société qui, ayant jeté ses repères aux orties, ne peut s'étonner d'être mise en péril. Il n'y a pas d'Etat sans citoyen, ni de citoyen sans Etat.
Bien évidemment, nous avons à réfléchir les uns et les autres, au travers de cette analyse relative aux polices municipales, à la symbolique des forces de proximité, porteuses de valeurs et du respect des règles républicaines. Mais il importe aussi que nous ne soyons pas comme ce héros hollandais en train de mettre le doigt dans la digue parce que celle-ci semble se fissurer, alors qu'une marée de problèmes est en train de nous envahir et de nous perturber.
Cette réflexion sur les polices municipales ne doit pas occulter le véritable débat sur la prévention, car rien ne sera possible si le vice est récompensé plus que la vertu, si la volonté des uns est anéantie ou neutralisée par le laxisme des autres.
Si la richesse de nos territoires est celle des hommes, la force de notre République est puisée dans leur force et leur fierté, les piliers de celle-ci sont façonnés par la responsabilité et la responsabilisation des acteurs.
A cet égard, les élus que nous avons rencontrés ainsi que les représentants de l'Etat que vous côtoyez, monsieur le ministre - c'était l'objet du colloque de Villepinte - peuvent tous témoigner des problèmes rencontrés.
Un ascenseur social en panne, une difficulté de lire l'avenir, une diminution de la responsabilisation parentale, une concurrence entre l'école de la rue et l'école républicaine font qu'aujourd'hui les moyens d'expression sont des moyens de violence ou d'agression et qu'il est essentiel de restaurer les repères d'autorité de l'Etat, sauf à se heurter à des problèmes quasiment insolubles. Cela pose l'articulation entre la justice, la police, la gendarmerie et les réponses locales.
A partir de cette analyse « sociétale » à caractère politique - quelle est la meilleure réponse et à quel niveau doit-elle être apportée - il convient de constater que la réalité des polices municipales est incontestable. La montée en puissance du phénomène est forte, puisque, de 1984 à 1998, le nombre des communes concernées est passé de 1 700 à 3 000, le Centre national de la fonction publique territoriale annonçant, de son côté, un flux annuel d'entrées de 800.
Les gouvernements successifs ont toujours hésité sur la solution à apporter, et il est vrai que le débat entre les maires a été centré sur le point de savoir si, l'Etat étant responsable de la sécurité, il devait étatiser les polices municipales. C'était l'objet, d'ailleurs, de l'article 88 de la loi du 7 janvier 1983. Mais chacun sait que, aujourd'hui, le réalisme budgétaire interdit d'imaginer une telle solution. Certains maires soutiennent toujours cette thèse, qui se justifie mais qui n'est malheureusement pas réaliste.
Sont ensuite intervenus les rapports Lalanne, Clauzel et Balkany, et vous avez même confié une mission à M. Genthial, dont le Parlement souhaiterait d'ailleurs connaître les conclusions. En outre, vous l'évoquiez vous-même, monsieur le ministre, le 20 décembre 1987, le Sénat a adopté en première lecture le projet de loi Pasqua, sur le rapport de notre collègue M. Paul Masson.
Selon l'inspecteur général Jacques Genthial - je cite là une interview accordée à Maires de France - en cas de problèmes, les citoyens se tournent moins spontanément vers le commissaire de police que vers l'élu ; en quarante ans le nombre d'infractions a été multiplié par sept ; de ce fait, les maires ont essayé de réaliser leur propre système de sécurisation.
Dans cette interview, M. Genthial confirmait la coopération harmonieuse existant entre la police nationale et la police municipale, et il justifiait la police municipale par son activité.
Sur la situation en Europe, un très important travail de droit comparé a été accompli par les services du Sénat. Il ressort de l'étude réalisée que la France se distingue des pays voisins car il est le seul à ne pas avoir adopté une loi en la matière. Ainsi, l'Espagne a adopté, en 1986, une loi sur les forces et les corps de sécurité, l'Italie une loi sur les polices municipales et le Portugal une loi sur les services municipaux de police en 1994, tandis que les Länder allemands ont adopté différentes lois sur les services municipaux chargés du maintien de l'ordre.
Les points de convergence de tous ces dispositifs législatifs sont, premièrement, la définition d'un cadre juridique ; deuxièmement, des règles établissant une coordination ; troisièmement, une participation des polices municipales à l'ensemble des fonctions policières. Ces différents éléments figurent dans le projet de loi que vous nous soumettez, monsieur le ministre.
Nous avons interrogé les communes concernées par l'intermédiaire de l'Association des maires de France. Nous avons obtenu un taux de réponse de 50 % et nous pouvons tirer quelques enseignements de ces réponses, qui sont significatives.
Dans plus de 60 % des cas, la création des polices municipales a eu lieu bien avant 1990. Les raisons de cette création s'expliquaient par la montée de la petite délinquance et par le désengagement de l'Etat, dans plus de 50 % des cas. Plus préoccupant - voilà qui devrait vous interpeller, monsieur le ministre - un peu plus de 60 % des personnes interrogées estiment que, depuis la création des polices municipales, l'Etat a eu tendance à se désengager.
Il convient donc que, dans le cadre du partenariat entre Etat et polices municipales, s'ouvre une réflexion sur les moyens que doit mettre en oeuvre l'Etat pour garantir la sécurité. Il est, en tout cas, exclu d'imaginer - fût-ce un seul instant - que le partenariat que vous souhaitez instaurer permette à l'Etat de ne pas assumer ses responsabilités. Mais je suis convaincu que tel n'est pas votre état d'esprit !
M. Alain Gournac. Ah !
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. La grande majorité des personnes interrogées se prononcent en faveur de l'armement. Un accord de coopération existe d'ailleurs dans la majeure partie des communes importantes. Les maires sont par ailleurs favorables au renforcement du contrôle de l'Etat, tandis qu'une collaboration a été instituée avec les polices des communes voisines.
Voilà qui confirme - si besoin était - la grande sagesse des élus locaux et, surtout, la très grande efficacité, constatée sur le terrain, de l'articulation entre l'Etat et les communes s'agissant des réponses à apporter en matière de sécurité.
Le contexte dans lequel nous examinons le présent projet de loi est connu de tous : une réalité incontestable et un développement important des polices municipales, avec une très grande disparité géographique - que vous avez évoquée - puisque le ratio évolue de 0,5 à plus de 4 .
Ce mouvement n'a pas été freiné par le processus d'étatisation de la police puisque, si la police est étatisée dans 1 625 communes, sur les 686 communes de plus de 1 000 habitants qui disposent d'une police municipale, 495 sont sous le régime de la police d'Etat. Cela confirme, si besoin était, la poussée d'une demande forte d'une police de proximité, exprimée par nos concitoyens en raison de la montée des incivilités, de la délinquance, de la violence. Tout le monde réclame un plus grand confort de vie communale !
Nous ne devons pas non plus imaginer que ce projet de loi serait lié à une augmentation brutale du pouvoir de police des maires.
Le pouvoir actuel des maires comporte trois aspects : tout d'abord, en tant qu'autorité de police municipale, le maire est placé sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat. Cela concerne la police municipale, la police rurale et l'exécution des actes de l'Etat qui y sont relatifs. Ensuite, en tant qu'agent de l'Etat, le maire est sous l'autorité du représentant de l'Etat chargé d'exécuter les mesures de sécurité générale. Enfin, en vertu de l'article 16 du nouveau code de procédure pénale, il a la qualité d'officier de police judiciaire, sous la surveillance du procureur de la République. Ses pouvoirs sont encadrés, ils s'exercent sous le contrôle du juge administratif et exclusivement sur le territoire communal.
Pour exercer ces pouvoirs, le maire est habilité à recruter des policiers municipaux, dont les compétences et le statut - vous l'avez indiqué, monsieur le ministre - restent à définir ; c'est précisément l'objet du présent projet de loi.
C'est donc non pas un phénomène nouveau lié à une augmentation du pouvoir des maires, mais le constat d'un vécu local : un grand nombre de policiers, aujourd'hui, sont recrutés pour appliquer les arrêtés du maire.
Chacun se plaît cependant à reconnaître que les limites actuelles de leurs pouvoirs nuisent à l'efficacité du service, tout en étant contraires à un minimum de bon sens - vous l'avez dit - notamment en ce qui concerne les infractions routières. De plus, le statut législatif des personnels municipaux est très incomplet.
Tout cela plaide pour des réponses législatives visant à améliorer l'efficacité des services, à régulariser l'existant, mais sans modifier le nécessaire équilibre entre l'Etat et les collectivités locales.
Notre analyse, qui s'est fondée sur le vécu du terrain, nous a confirmé que cela se passait bien entre les services de l'Etat et les communes, constat qu'a d'ailleurs confirmé M. Genthial : il n'y a pas de dérapages ; la négociation locale a su intelligemment concilier l'autorité nécessaire de l'Etat et l'efficacité de la réponse de proximité, qui est forcément communale.
Le projet de loi tend à étendre les compétences des policiers municipaux, notamment sur le plan judiciaire. Il importe d'en apprécier la symbolique et la réalité.
Vous avez développé très longuement les objectifs de votre projet de loi, monsieur le ministre. Permettez-moi de les examiner à la lumière des propositions qu'a faites l'Assemblée nationale et de celles que fait la commission des lois.
La commission des lois affirme que la sécurité est bien de la compétence de l'Etat, mais elle constate que, souvent, c'est parce que les réponses aux besoins sont insuffisantes que les communes sont conduites à mettre en place des polices municipales.
Elle a approuvé l'extension des compétences. Elle vous a demandé des précisions complémentaires - vous avez eu l'amabilité de bien vouloir les lui fournir - notamment sur les infractions qui seraient déterminées par voie réglementaire. Cela concerne surtout la police judiciaire, et notamment les infractions qui pourraient entraîner le retrait de quatre points sur le permis de conduire.
Au nom du pragmatisme, du vécu local, et en cohérence avec les possibilités du travail de nuit, la commission des lois a posé très clairement le principe de l'armement sous condition. Elle souhaite cependant l'adoption de la classification Schengen des armes, estimant que la classification française est obsolète. Vous avez d'ailleurs mis en place une réflexion à ce sujet. Pour cette raison, la commission, qui a entendu l'avis d'un certain nombre de techniciens, n'a pas souhaité faire référence dans la loi à la quatrième ou à la sixième catégorie.
J'en viens à la coordination. Vous avez argumenté en faveur du règlement de coordination, qui, à défaut d'accord entre le maire et le préfet, pourrait être signé par le préfet seul. La commission a préféré privilégier une formule conventionnelle. Vous avez d'ailleurs vous-même indiqué que vous ne comprendriez pas pourquoi il ne pourrait pas y avoir un accord local.
Celles et ceux que nous avons reçus ont démontré à quel point les conventions étaient rapidement signées entre les représentants de l'Etat et les maires. Grâce à l'obligation qui est faite de parvenir à un partenariat entre le maire et le préfet, tout en respectant les spécificités des uns et des autres, on parvient effectivement, par la convention, à améliorer la sécurité des policiers d'Etat et des policiers municipaux lorsqu'ils doivent travailler sur le même territoire dans des conditions particulièrement dangereuses. Par ailleurs, la convention-type renforce la capacité d'obtenir une référence nationale fixant le cadre de négociation de cette convention et l'adaptation de réalités ou de spécificités locales.
Nous avons pu constater qu'un certain nombre de conventions correspondaient réellement à des besoins locaux et apportaient des réponses tout à fait pertinentes.
Nous avons souhaité garder le seuil initial du projet de loi, que l'Assemblée nationale avait fixé à trois agents, estimant que la partie facultative pour les brigades de moins de cinq agents ne devait pas être transformée en contrainte pour ceux qui avaient entre trois et cinq agents.
A défaut de signature de convention, il n'y a, bien évidemment, pas d'armement, étant entendu que nous avons modifié la plage horaire prévue pour la prohibition, dans ce cas, du travail de nuit. L'Assemblée nationale avait adopté une plage horaire allant de six heures à vingt-trois heures. Il est difficile d'adopter une plage horaire et d'avoir des références. Pourquoi six heures, vingt et une heures, vingt-quatre heures ou deux heures ?
Nous avons préféré nous référer au code de procédure pénale et prévoir que, à défaut de convention, il n'y a pas d'armement et que la plage horaire va de six heures à vingt et une heures. Cela marche bien sur le terrain.
Nous sommes favorables au code de déontologie et nous approuvons la formation initiale et la formation continue.
Pour ce qui est de cette formation continue, le président de la commission des finances du CNFPT nous a clairement indiqué les difficultés de son financement. Après avoir exploré la solution de la redevance, puis celle de l'amende de police, la commission des lois n'a pas souhaité retenir un financement particulier. Elle laisse aux communes concernées le soin de financer la formation continue, charge évaluée, dans l'exposé des motifs, à peu près dix jours à 1 000 francs tous les cinq ans, soit 2 000 francs par an et par agent, ce qui paraît parfaitement compatible avec l'investissement des communes.
La commission approuve le contrôle et les vérifications nécessaires à la garantie de la qualité, se contentant d'apporter quelques modifications.
Vous avez estimé logique, monsieur le ministre, qu'il y ait un double agrément, un agrément du procureur de la République et un agrément du préfet.
Reprenant les débats sur les projets de loi de décentralisation de 1982, nous avons constaté qu'à l'époque l'Assemblée nationale avait estimé, à juste titre, qu'au nom de la subsidiarité il convenait de compenser en la matière la suppression de la tutelle par le préfet par un agrément donné par le seul procureur, en rappelant bien évidemment que l'agrément n'était qu'une mesure permettant de s'assurer de l'honorabilité du candidat et non de sa capacité professionnelle.
A partir du moment où l'extension des compétences porte quasi exclusivement sur la police judiciaire, nous estimons inutile le double agrément du préfet. C'est une contrainte supplémentaire. La preuve en est que vous proposez un amendement pour éviter que, pour les 13 000 policiers actuels, on puisse recourir à l'agrément du préfet s'appuyant sur l'agrément du procureur.
Ce serait, nous semble-t-il, inutile, d'autant que nous affirmons clairement que le préfet doit, dans la convention de coordination, être chargé de la coordination des moyens et que le procureur doit veiller, comme c'est le cas actuellement, à l'honorabilité du candidat.
Nous rétablissons la nomination par le maire avant l'agrément, car c'est la seule procédure juridiquement valable.
En commission, le débat a porté sur le moyen d'éviter des formations inutiles, c'est-à-dire le cas d'une personne qui pourrait être nommée et qui serait entrée en formation mais qui ne serait pas agréée. A l'évidence, il y aurait là un gâchis des finances publiques.
La logique intellectuelle voudrait donc qu'il y ait une présélection. Mais on ne peut pas imaginer qu'il y ait une procédure d'agrément sans une nomination qui territorialise le fonctionnaire. Voilà pourquoi nous rétablissons la nomination avant l'agrément, mais en encadrant la procédure d'agrément dans un délai de deux mois, de façon à éviter et les frustrations pour le fonctionnaire qui ne se verrait pas octroyer l'agrément et, bien évidemment, les formations inutiles.
Nous supprimons le retrait temporaire et nous réintroduisons le reclassement. L'Assemblée nationale a voulu empêcher qu'on ne puisse reclasser un fonctionnaire qui se verrait retirer un agrément. Mais la solution qu'elle a retenue va à l'encontre du fonctionnaire puisque le maire se voit obligé de le garder dans un service alors que ce fonctionnaire ne peut plus exercer la fonction de policier municipal.
Nous réintroduisons donc le reclassement, de façon que le maire puisse affecter le policier municipal qui se verrait retirer son agrément dans un autre cadre d'emploi.
S'agissant de la commission consultative, nous avons accepté la proposition de l'Assemblée nationale, qui vise à renforcer la place et le rôle des maires. Vous aviez proposé 50 % de représentants de l'Etat, 25 % de maires et 25 % de représentants du personnel. La répartition en trois tiers nous convient, la présidence étant confiée aux maires.
Nous souhaitons qu'une voix prépondérante soit accordée au président et que, bien évidemment, ne fassent partie de cette commission que les maires ayant une police municipale, et des agents de police municipale et non pas simplement des représentants de l'un et des représentants de l'autre.
Nous prenons acte de la volonté d'améliorer le statut ; cela répond à une grande demande du personnel et était rendu nécessaire par la réalité locale.
Nous adhérons au principe de la création d'un emploi de cadre B. Mais il nous faudra réfléchir à l'opportunité de la création d'un cadre A.
Il nous faut aussi nous préoccuper de la disparité de traitement entre toutes celles et tous ceux qui travaillent au profit de la sécurité et intégrer peut-être cette question à la légitime revendication de la bonification d'annuités d'un an tous les cinq ans. Je sais qu'est demandée aussi l'intégration de l'indemnité spéciale de fonction de 18 %.
Une des deux revendications mériterait d'être satisfaite, probablement la moins onéreuse. Mais c'est là la responsabilité du Gouvernement. En tout cas, il nous faut réfléchir à l'égalité de traitement de celles et de ceux qui travaillent dans les mêmes domaines. Concernant la procédure du relevé d'identité, nous avons pris acte de votre souci, d'un côté, de garantir la liberté du citoyen et, de l'autre, de rendre efficient le contrôle quand on constate une infraction. Vous avez bien indiqué la limite entre le recueil et la vérification, et nous approuvons la procédure qui est envisagée.
Nous avons supprimé, en revanche, la procédure du récépissé imaginée par l'Assemblée nationale pour - l'intention était louable - renforcer les garanties du contrevenant et limiter les risques de contentieux. En effet, dans les faits, ce serait totalement irréalisable.
Pour ce qui est de la tenue et des équipements, la commission a réaffirmé sa volonté de ne voir aucune équivoque, aucune confusion s'installer entre les forces de police nationales et les polices municipales. Elle a toutefois estimé qu'il fallait garder une relative souplesse à l'échelon local. La commission consultative se doit de proposer des références qui soient je dirai symboliques de l'autorité ; l'aspect local pourrait afficher des critères d'identification communale, ce qui interdit stricto sensu le caractère rigoureusement identique des équipements. Cela permet donc de supprimer la dotation de premier équipement.
Sauf divergences flagrantes ou intolérables, l'adaptation à la loi serait à la portée de toutes les communes.
Concernant la vérification, nous avons accepté le principe de mobiliser, sous votre autorité, les services de l'Etat concernés en tenant compte de la réalité locale puisqu'un certain nombre de polices municipales côtoient exclusivement des forces de gendarmerie et les autres des forces de police nationale.
La commission des lois, s'appuyant sur l'efficacité du contrat local entre représentants de l'Etat et élus locaux, marqué du sceau de l'intérêt général et de la nécessaire réponse de proximité, propose au Sénat d'adopter ses amendements, qui vont dans le sens d'une politique municipale de qualité, avec des agents formés, équipés, mais aussi contrôlés.
Probablement, au cours du débat, un certain nombre de nos collègues interviendront sur des situations un peu particulières - je pense, notamment, à la Guyane.
Mais, monsieur le président, monsieur le ministre, les meilleurs polices du monde ne peuvent rien s'il n'y a pas une prise de conscience individuelle du devoir civique et de la conduite citoyenne que chacun doit avoir par rapport au mieux-vivre ensemble.
Montesquieu disait : « Plus une société est développée, plus les causes morales la gouvernent et moins les causes physiques. »
Le débat que nous aurons ne devra pas se limiter à un aspect technique : il y a un vrai problème politique de risque de déstabilisation de notre pacte républicain, auquel, je le sais, vous êtes attaché. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 44 minutes ;
Groupe socialiste, 37 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 31 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 26 minutes.
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes.
La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet, Monsieur le ministre, je commencerai mon propos, sans flagornerie excessive, par un double compliment à votre égard, le premier étant d'avoir eu le courage de vous attaquer à cette question des polices municipales, sur laquelle bien d'autres se sont « cassé les dents ».
Voilà plus de quinze ans que l'on en parle.
La grande loi fondatrice de la fonction publique de 1984 a complètement ignoré les policiers municipaux et, depuis cinq ans - cela a été rappelé - trois projets successifs traitant de l'ensemble de la question n'ont pu aboutir. Si, en 1994, le cadre d'emploi des policiers municipaux fut enfin reconnu, leurs missions, dans leur étendue et dans leur limite, n'ont pas été clairement fixées, ce qui est très fâcheux pour les agents, pour leurs employeurs et aussi pour la vie des gens, certains pouvant avoir la tentation de s'engouffrer dans les failles de la législation pour constituer je ne sais quelle garde insuffisamment contrôlée.
Second compliment, monsieur le ministre, vous avez réussi en plus à nous proposer un texte empreint de sagesse et d'équilibre, qui dédramatise cette question passionnelle, une question que certains avaient voulu présenter, ici ou là, même à l'Assemblée nationale, par exemple, je cite un député, comme un projet « attentatoire à la personne humaine ».
Ces propos sont excessifs s'agissant d'un projet de loi qui sait, au contraire, retenir les objectifs indispensables de sécurité, préserver la plénitude nécessaire des droits régaliens, sans pour autant, grâce à la coordination prévue, porter atteinte aux attributions du maire.
Bref, il s'agit d'un texte sage et équilibré, qui prend en compte les réalités existantes, tant celles de la décentralisation que celles du besoin sécuritaire qui s'empare de plus en plus de nos concitoyens.
Les pièges étaient pourtant nombreux.
Il existait le risque de télescopage des pouvoirs de police croisés du maire et du préfet dans un domaine qui relève de l'Etat par excellence. Vous le résolvez par cette coopération introduite par le règlement de coordination, obligée au-delà de cinq ans, possible en deçà, et par le double agrément du préfet et du procureur, aussi bien que par la réglementation des horaires d'intervention ou du port d'armes.
Il existait le risque corporatiste, celui que j'appellerai de la vigilance des fonctionnaires de police d'Etat et de gendarmerie, soucieux de leurs prérogatives. Apparemment, à voir, ou plutôt à ne pas voir les réactions, à ce stade de la discussion, les choses semblent se passer convenablement.
Il y avait surtout l'inquiétude des fonctionnaires territoriaux au statut inexistant ou mal défini. Vous résolvez cette difficulté par une amélioration sensible du statut de ces fonctionnaires et par un élargissement des compétences de ce corps - je pense aux procès-verbaux et aux relevés d'identité - qui, certes, reste un corps composé d'agents de police judiciaire adjoints, mais qui trouve une place claire dans la hiérarchie fonctionnelle judiciaire. Mais, là encore, l'équilibre est dans votre texte puisque le fait d'élargir oblige au moins à inventorier et à clairement identifier les missions, et donc à normaliser une profession qui, pour n'avoir pas jusque-là - sauf exceptions rares - encouru le reproche de bavures, est tout de même naturellement exposée à ce risque.
En résumé, les policiers municipaux sont donc confirmés comme agents de police judiciaire adjoints mais ne sont pas des policiers de plein exercice. Ils constituent une police administrative et de prévention, une police de proximité. En cas de nécessité seulement et selon des règles établies clairement, cette police municipale agit en coordination avec la police nationale, seule à bénéficier d'une compétence de droit commun.
Tout cela, mes amis et moi-même l'approuvons pleinement. Je dirai même que nous préférons, en général, votre rédaction, monsieur le ministre, à celle qui est issue des travaux de l'Assemblée nationale ou d'ailleurs à celle que propose notre commission des lois et qui vient d'être exposée par notre rapporteur.
Ce dernier a réalisé un excellent travail et son rapport, pour être synthétique, n'en est pas moins une mine de renseignements. Il présente une analyse fine des raisons et de la montée du besoin sécuritaire, exprimé par la forte progression des polices municipales, une évocation brillante de la dérive négative de certains quartiers comme des pouvoirs du maire dans leur complexité juridique, voire dans leur complexité fonctionnelle.
Mais cet excellent document, traduisant comme il se doit les travaux de la commission des lois, n'emporte pas notre adhésion et, sans entrer dans le détail des articles dont l'examen m'amènera à préciser notre position, je voudrais souligner les divergences de fond qui, je le crois, dénaturent le texte initialement proposé.
Monsieur le rapporteur, tout tourne autour de l'importance de l'Etat dont vous regrettez qu'il joue un rôle excessif « dans l'encadrement et le contrôle des polices municipales ».
Pourtant, vous ne contestez pas que cette mission de sécurité est d'abord une mission de l'Etat, et qu'une partie importante des pouvoirs du maire lui sont accordés au nom de l'Etat. Il y a peut-être là une contradiction mal levée.
Avant d'aller plus loin, monsieur le ministre, permettez-moi cependant d'insister plus particulièrement sur ce point. Ce n'est donc que par défaillance de l'Etat, en tout cas, surtout, par défaillance de l'Etat, que les polices municipales se sont développées à ce point. Nous sommes donc là sur le terrain des transferts de charges...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh oui !
M. Jean-Claude Peyronnet... et si, comme moi, je crois, vous ne souhaitez pas un développement exponentiel de ces polices, il faut, certes, redéployer les agents d'Etat au profit des départements les plus défavorisés, les plus en difficulté, mais il faut certainement aussi renforcer les effectifs et autrement que par l'apport - non négligeable - des emplois-jeunes. C'est une condition presque suffisante pour éviter les risques de dérive que, je le sais, vous condamnez.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Jean-Claude Peyronnet. Suffisante, mais pas forcément facile, monsieur le rapporteur ! En effet, il n'est pas forcément réaliste d'espérer des embauches massives dans le contexte budgétaire actuel, mais il me semblait nécessaire de resituer clairement les responsabilités dans ce domaine.
J'y reviens, la fonction régalienne de l'Etat dans le domaine de la sûreté n'est pas contestée et, pour ce qui me concerne, j'en tire des conséquences radicalement différentes de celles qu'en a tirées la majorité de la commission des lois.
Bien que fort décentralisateur, je me félicite de l'affirmation de l'Etat, de ses pouvoirs renforcés et de son contrôle par l'agrément double du procureur et du préfet, comme de la coordination obligatoire ou possible dans les conditions que j'ai rappelées tout à l'heure, comme des limites à l'autorisation du port d'armes.
Sur tous ces points, nous avons des divergences de fond avec la commission des lois.
Pour ma part, je n'ai jamais pensé, au contraire, que la décentralisation passait par l'abaissement du pouvoir de l'Etat. Et s'il est un seul domaine où l'Etat doit pouvoir garder un pouvoir fort, c'est bien celui de la sécurité, de la sûreté des personnes et des biens. Voilà pour la pétition de principe.
Dans le détail, ces divergences se déclinent au gré de plusieurs articles, dont je retiens les principaux.
Si l'on peut discuter - nous le ferons - de la proposition de passer d'un règlement à une convention, nous ne pouvons accepter que vous supprimiez le pouvoir pour le préfet d'édicter seul en cas de désaccord persistant, car c'est la porte ouverte au pouvoir incontrôlé du maire dans le domaine de la police, ce qui est très dangereux. J'aurai l'occasion d'appronfondir notre position sur cet article 2.
Nous ne pouvons pas accepter, à l'article 6, la suppression du double agrément au profit de l'agrément simple par le procureur, d'autant qu'au prétexte de simplification administrative - je suppose - vous établissez un agrément tacite en cas de non-réponse.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh oui !
M. Jean-Claude Peyronnet. Compte tenu de l'engorgement des services des procureurs, il y a fort à parier que, dans trop de cas, le maire sera amené à embaucher qui il veut comme il veut, et, là encore, cela peut entraîner bien des dérives.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Jean-Claude Peyronnet. Concernant l'armement, qui fait l'objet de l'article 7, nous reprenons un débat qui me semble à vrai dire apaisé, mais, quoi qu'il en soit, il n'est pas neutre d'inverser les termes comme il est de fait proposé : le ministre et l'Assemblée nationale ont posé le principe du non-armement et, par dérogation, la possibilité d'être armé dans des conditions de lieux, de missions et de temps clairement précisées. Vous, au contraire, vous inversez tacitement les termes de la proposition et, qui plus est, vous rendez la possibilité d'armement plus facile, puisqu'il ne s'agira plus de missions et de circonstances particulières mais de l'une ou l'autre de ces conditions. Nous ne pouvons vous suivre.
Enfin, il en est de même sur ce qui pourrait apparaître comme un point de détail, à l'article 8 bis, de la tenue. Vous proposez de supprimer cet article additionnel de l'Assemblée nationale. Nous sommes favorables à cette suppression mais pour des raisons différentes. En effet, nous estimons qu'il serait logique de faire payer la tenue des agents à leurs employeurs et non à l'ensemble des collectivités, comme vous l'avez proposé pour la formation. Au demeurant, le coût ne sera pas très élevé puisqu'il est déjà supporté par les collectivités employeurs et, pour peu qu'on leur laisse un peu de temps, le renouvellement naturel des tenues permettra de supporter aisément ce surcoût.
En revanche, nous ne pouvons vous suivre s'agissant de l'argument relatif au fond, à la subsidiarité et à la diversité provinciale au nom des libertés locales. En effet, à y regarder de plus près, il ne m'est pas indifférent, si je suis contrôlé à Strasbourg, à Brest, à Lille ou à Marseille de savoir au premier coup d'oeil par qui je le suis, cela me semble être une garantie forte des libertés publiques. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
J'attire par ailleurs votre attention sur le fait que l'uniforme pour les agents est le signe premier de leur appartenance à un corps reconnu partout en France, assorti de la possibilité de mutation d'une commune à une autre. Voyez comme les pompiers sont fiers de leur uniforme et demandez-vous si les agents sont tellement favorables à la diversité.
J'ai été bref mais l'occasion me sera sans doute donnée d'intervenir à l'occasion de l'examen des articles. Quelle sera in fine l'attitude de mes amis et de moi-même à l'égard de ce texte ? Nous sommes favorables à ce projet de loi ainsi qu'à certaines modifications introduites par la commission des lois, notamment à propos de la commission consultative des polices municipales, ou à certaines corrections des propositions de l'Assemblée nationale, comme à l'article 15 rétablissant à la charge des communes employeurs le financement de la formation continue. Mais sur les points que j'ai cités précédemment, il existe trop de divergences de fond pour que nous acceptions les propositions de la commission. C'est donc le choix de la majorité du Sénat sur les points importants que j'ai énumérés qui entraînera notre position finale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui aura fait couler beaucoup d'encre et provoqué certains remous.
Je dois vous avouer, monsieur le ministre, que l'étude attentive du texte qui nous a été transmis par l'Assemblée nationale ne m'a pas permis de saisir les raisons de l'ampleur des mécontentements qui se sont exprimés.
Certes, quelques dispositions du projet de loi me semblent critiquables, notamment celles qui sont relatives à l'armement. Pourtant, je dois reconnaître qu'en conférant un réel statut aux polices municipales, ce texte répond à des attentes qu'il était nécessaire de satisfaire.
Vous reconnaîtrez néanmoins que, malgré l'absence des dispositions que vous nous proposez aujourd'hui, le fonctionnement actuel des polices municipales est globalement satisfaisant, ce qui prouve combien les maires, qui ont choisi de doter leur commune d'un tel service, ont eu à coeur d'agir dans le strict respect de la légalité républicaine.
Face à la multiplication des services de police municipale, il convenait en effet d'assortir leur développement croissant d'une certaine harmonisation. En prévoyant la création d'une commission consultative des polices, l'édiction d'un code de déontologie, en veillant à l'uniformisation des tenues et des véhicules, le projet de loi permet d'atteindre cet objectif.
En dotant les agents de police municipale d'un réel statut, en exigeant de ces personnels qu'ils soient astreints à des obligations de formation initiale et continue, le projet de loi répond aux attentes de cette profession.
Vous l'aurez certainement compris, monsieur le ministre, votre texte est assez satisfaisant pour ce qui concerne son aspect administratif.
Je proposerai toutefois d'y apporter certaines modifications en suggérant, par exemple, la création de commissions régionales des polices municipales afin d'assurer une meilleure application du texte au niveau local.
Dans le même esprit, je partage les souhaits de la commission quant à l'extension des prérogatives de la commission consultative des polices municipales et j'ai déposé plusieurs amendements à cet effet.
Enfin, je m'attacherai à démontrer qu'il est nécessaire de calquer le régime des droits de retraite des policiers municipaux sur celui des sapeurs-pompiers professionnels, notamment en raison des risques encourus par ces agents.
En revanche, je ne partage pas totalement la philosophie du texte adopté par l'Assemblée nationale quant aux missions que la loi doit confier aux agents de police municipale.
Il convient de reconnaître que le rôle de ces personnels ne saurait être limité au relevé des infractions en matière de stationnement.
En effet, dans de nombreuses communes, la police municipale oeuvre aux côtés de la police nationale et lutte avec beaucoup d'efficacité contre le développement de la petite délinquance.
Monsieur le ministre, seules deux solutions s'offrent à nous.
La première consiste à augmenter considérablement le nombre de fonctionnaires de police nationale et de gendarmerie afin de répondre aux attentes de nos concitoyens en matière de sécurité : elle semble inapplicable en raison des coûts qu'elle entraînerait.
La seconde solution consiste simplement à encadrer les policiers municipaux et, sous le contrôle d'officiers de police judiciaire, leur redonner les moyens d'assurer les missions qui incombent au maire telles que la surveillance du bon ordre, de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publiques.
Pour certains de nos concitoyens, la nécessité exprimée par le garde des sceaux de mettre en place une troisième voie judiciaire pour lutter contre la petite délinquance urbaine, c'est-à-dire essentiellement les « incivilités », laisse entendre que l'Etat aurait baissé les bras. Il nous appartient de prouver que tel n'est pas le cas.
Or, depuis quelque temps, nombreux sont les policiers municipaux qui participent à la lutte contre ces désagréments notoires. En leur refusant de poursuivre dans cette voie, vous ne ferez qu'accroître le sentiment d'insécurité que partagent beaucoup des personnes résidant dans les zones dites sensibles.
Il faut au contraire agir en faveur d'un rapprochement des compétences, sans bien évidemment opérer de transfert.
J'en viens au problème de l'armement, qui a fait couler tant d'encre. Monsieur le ministre, je crois que l'actuelle majorité commet une grave erreur en voulant inscrire le principe du non-armement des polices municipales.
Il ne s'agit pas d'ériger les agents en justiciers ou en cow-boys, il s'agit simplement de leur donner les moyens d'assurer leurs missions sans que leur sécurité puisse un jour être atteinte.
Vous savez pertinemment, monsieur le ministre, que, dans certaines banlieues, de petits groupes de délinquants s'en prennent, systématiquement et de manière violente, à tout ce qui peut, de près ou de loin, représenter l'Etat : policiers, chauffeurs de bus, fonctionnaires territoriaux, agents de l'EDF, pompiers, et j'en passe.
Vous ne pouvez pas nier non plus que des policiers, qu'ils soient municipaux ou nationaux, sont parfois victimes de ce que certains qualifient de « haine du flic ». Comment, dans ces conditions, rejeter de façon aussi catégorique le principe de l'armement en inscrivant dans la loi, « les agents de police municipale ne sont pas armés » ?
Monsieur le ministre, voilà quelques années, il faisait bon vivre en Guyane ; aujourd'hui, ce n'est plus le cas. La criminalité a repris le devant de la scène. Les agressions sont de plus en plus violentes. Il n'est pas possible de vivre dans cette situation de terreur éternellement. Les commerçants sont régulièrement agressés et ils doivent baisser les rideaux de leurs magasins avant la tombée de la nuit.
La société guyanaise ne se sent plus protégée par la police d'Etat, et tous les dispositifs mis en place ont démontré leur incapacité à résoudre le problème de l'insécurité dans ce département.
Récemment, les associations, les partis politiques, les syndicats et les organisations socioprofessionnelles ont organisé une marche dans les rues de Cayenne en signe de mécontentement et de protestation, et afin d'attirer l'attention des pouvoirs publics sur la faiblesse dont fait preuve la police nationale. Une motion a été d'ailleurs remise au représentant de l'Etat.
Lorsqu'une exaction a été commise par un délinquant et que le citoyen demande secours au commissariat de police, l'agressé est souvent interrogé pour savoir s'il y a mort ou blessures ; et, si ses réponses sont négatives, les policiers ne se déplacent pas.
La Guyane est un pays sous-peuplé. Cependant, l'immensité du territoire, la perméabilité des frontières facilitent l'entrée de populations des pays voisins, dont la situation économique et sociale n'est pas au même niveau que celui du département de la Guyane, ce qui crée ainsi un flux migratoire très important.
Nous ne devons pas reprocher au seul phénomène de l'immigration la montée en puissance de la délinquance et de l'insécurité. Force est de constater qu'il y a suffisamment de policiers et de gendarmes tous corps confondus dans ce pays - soit un agent pour huit habitants - pour ne pas en ajouter d'autres. Il serait préférable de redéployer ces forces et de leur assigner des missions compatibles avec la situation spécifique de la Guyane dans les différents quartiers de l'île de Cayenne, de Kourou et de Saint-Laurent-du-Maroni pour assurer une meilleure sécurité dans cette région.
La police municipale, lorsqu'elle n'est pas armée, n'a aucun pouvoir de dissuasion face aux délinquants de toutes sortes ; ils mettent dans l'angoisse une population qui risque de s'armer et à qui on ne pourrait pas reprocher d'invoquer la légitime défense. Evitons la création de milices en Guyane.
Vous constaterez enfin, monsieur le ministre, que j'ai déposé plusieurs amendements de nature à systématiser la possibilité de relever l'identité des auteurs d'infractions.
Mes chers collègues, ne vous paraît-il pas choquant qu'un policier, même municipal, puisse assister impuissant à la commission d'une infraction, sans même tenter d'en identifier l'auteur ?
Le choix opéré par l'Assemblée nationale consistant à remettre un récépissé à celui qui aura refusé de décliner son identité, puis de prévenir un officier de police judiciaire et, enfin, d'arrêter éventuellement le contrevenant, s'il est encore sur place, me semble particulièrement ubuesque.
Deux types de mesures nous sont aujourd'hui proposées par le présent projet de loi : les premières, administratives, sont assez satisfaisantes ; les secondes, plus concrètes, ne correspondent pas à la réalité et ne répondent pas aux exigences actuelles en matière de sécurité.
En revanche, grâce aux travaux de M. le rapporteur, le texte que nous examinons peut faire l'objet d'améliorations très significatives, et c'est le rôle du Sénat. C'est donc à la position de la commission des lois que la majorité des membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen et moi-même nous en remettrons lors de l'examen des articles. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)

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SOUHAITS DE BIENVENUE
A` UNE DÉLÉGATION
DE SÉNATEURS ESPAGNOLS

M. le président. Mes chers collègues, j'ai le plaisir de saluer la présence dans notre tribune officielle d'une délégation de sénateurs espagnols conduite par M. Emilio Zapatero Villalonga, président du groupe Espagne-France du Sénat espagnol, qui effectue une visite officielle en France à l'invitation du groupe sénatorial d'amitié France-Espagne, que préside notre collègue M. Jacques Delong.
Leur venue coïncide avec le vingtième anniversaire de la promulgation de la Constitution du royaume qui a réintégré l'Espagne dans le concert des nations démocratiques.
Au nom du Sénat, je forme à leur intention des voeux chaleureux de bienvenue et souhaite que leur séjour fortifie les liens entre nos deux assemblées et, à travers elles, entre nos deux pays. (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

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POLICES MUNICIPALES

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi (n° 414, 1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux polices municipales.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi, qui était d'ailleurs nécessaire, n'aborde qu'une petite partie des problèmes de sécurité. Je pense qu'il faut l'étudier dans sa globalité, sous peine de tomber dans les incohérences.
Le colloque de Villepinte, les 24 et 25 octobre dernier, a précisé les orientations du Gouvernement en matière de sécurité publique, qui avaient été annoncées lors de la déclaration de politique générale du Premier ministre, le 19 juin 1997, comme étant l'une des priorités du Gouvernement.
Nous considérons que les propos qui y furent tenus représentent une étape importante dans la prise de conscience et le traitement de l'insécurité.
Nous partageons l'idée que la sécurité est l'affaire de tous et qu'elle exige de fournir nécessairement un effort dans trois directions : citoyenneté, proximité, efficacité.
Les quatre pistes qui ont été dégagées à ce colloque sont bonnes. Il s'agit de la meilleure prise en compte de la dimension territoriale des politiques à mener, de la restauration de la dimension personnelle et familiale de la responsabilité, du traitement de la délinquance dans toutes ses composantes, de la mise en cohérence des initiatives et de la recherche de complémentarités de l'ensemble de la chaîne pénale.
Notre grand souci, c'est d'aborder le problème de l'insécurité urbaine, sans tenir un discours démagogique et sécuritaire.
Le discours sécuritaire n'est d'ailleurs pas un discours sur la sécurité. C'est, le plus souvent, un discours qui alimente les fantasmes, qui propose d'éradiquer le mal en occultant les rapports sociaux, qui tue toute lueur d'espoir à force d'être excessif.
Il nous faut impérativement trouver une alternative républicaine à ces thèses.
Pour répondre au défi de l'insécurité, il y a non pas une seule solution, mais une série de réponses, qui appellent un traitement à tous les niveaux et avec tous les acteurs : les policiers, les éducateurs, les animateurs, les enseignants, les militants associatifs, les travailleurs sociaux, les élus locaux, etc.
Notre société est confrontée à des faits préoccupants qui entraînent un sentiment d'abandon, de laisser-faire et conduisent à des réactions, des comportements irrationnels trouvant malheureusement un prolongement électoral dans le vote extrémiste de droite ou dans un repliement excluant tout intérêt pour la vie citoyenne.
Si la sécurité occupe la seconde place, après l'emploi, dans les préoccupations des Français, ces derniers ne sont pas égaux dans ce domaine. Ce sont les personnes les plus démunies et les plus faibles qui sont les premières victimes de la violence, et cette inégalité s'ajoute aux autres inégalités.
Face à ce phénomène, la lutte contre l'insécurité ne doit pas méconnaître la mise en oeuvre d'une meilleure politique sociale. La crise et le drame du chômage sont en effet un terreau favorable au brouillage des repères essentiels. Les modèles d'intégration d'hier ne fonctionnent plus.
Quand le problème quotidien de beaucoup de nos compatriotes est de « survivre », comment s'étonner dès lors que se développent trafics et économies parallèles ? Les rapports de force se substituent dès lors aux rapports humains.
Certains de nos concitoyens, jeunes et moins jeunes, ne croient plus aux messages qui leur sont délivrés, et qui leur semblent si éloignés dans la situation de détresse où ils sont.
Nous estimons que la politique de sécurité doit, pour être efficace, s'inscrire dans celle de la réduction des inégalités, et ce à quelque niveau que ce soit.
En matière de sécurité, les maires ont souvent été interpellés au cours des quinze dernières années. En réaffirmant, à juste titre, que la sécurité est l'affaire de l'Etat et non celle de la municipalité, ils n'ont probablement pas su être suffisamment convaincants. Ils ont donc été conduits à créer des polices municipales.
Même si l'on n'a pas observé ces dernières années de graves bavures, le développement de ces polices a entraîné des dérives, voire des dérapages inquiétants pour les libertés publiques, notamment dans les villes dirigées par des élus qui sont loin d'être inspirés par une éthique républicaine. Je pense en particulier à Vitrolles, où le maire a augmenté de façon considérable les effectifs de police municipale.
Cette situation est certes - et fort heureusement - marginale. Elle ne nous laisse pas pour autant indifférents. Les policiers municipaux, dans leur grande majorité, sont, au même titre que les autres fonctionnaires territoriaux, au-dessus de tout soupçon. Mais nous souhaitons un encadrement fort et strict de ces polices, sous l'autorité de l'Etat, certains élus pouvant être tentés de constituer un corps entrant en concurrence avec les agents de la police nationale du seul fait du calibre des armes. Notons que les données statistiques montrent que de telles dérives sont limitées.
L'expression « police municipale » recouvre des réalités bien différentes. Qu'y a-t-il de commun entre des élus locaux ayant doté leur ville d'une police municipale non armée chargée de l'application d'arrêtés municipaux de la régulation de la circulation locale et du bon déroulement des manifestations festives, et des élus désireux d'avoir une véritable police tout-terrain, armée, concurrençant la police nationale ?
Dans ce contexte, il est devenu indispensable de donner un cadre légal aux polices municipales et de mieux définir les missions imparties à leurs agents. C'est ce que vous faites, à juste titre, monsieur le ministre.
Légiférer ne doit toutefois pas être interprété comme un encouragement à recourir aux polices municipales. Nous pensons que ce risque existe. Evitons donc de donner l'impression que l'Etat se désengage de ses missions régaliennes.
Il ne faut pas non plus entretenir l'idée selon laquelle la sécurité de proximité relèverait non pas des missions de l'Etat mais de celles de la police municipale.
Mme Hélène Luc. Très bien.
M. Michel Duffour. En réalité, cette assertion est tout à fait inexacte. La police nationale fait un grand travail sur le terrain, en rapprochant les forces de sécurité des citoyens, en dialoguant avec les représentants de la vie associative. C'est le constat que je dresse dans de nombreuses communes des Hauts-de-Seine. Est-ce le cas partout ? Pas encore, certes ! Mais la preuve est faite que c'est désormais du domaine du possible. Il convient d'encourager ce processus sans entretenir l'idée que certains secteurs seraient hors de portée pour la police nationale.
Il aurait probablement mieux valu que ce projet de loi se borne à encadrer les polices municipales existantes et à mieux marquer un coût d'arrêt à leur développement afin de limiter au maximum leur croissance.
Le projet de loi aurait été moins loin qu'il n'en serait pas moins bon. Mais, s'agissant d'un compromis, nous l'acceptons.
Nous portons donc un avis positif sur l'ensemble du texte. Toutefois, nous ne souhaitons pas qu'il y soit apporté d'infléchissement en vue d'étendre les missions des polices municipales.
Nous estimons d'ailleurs que le projet de loi initial - comme l'a dit mon collègue socialiste, M. Peyronnet - avant les modifications apportées par l'Assemblée nationale, affirmait davantage la responsabilité de l'Etat en matière de sécurité. A ce titre, il était donc meilleur.
Je crains que la commission des lois, par ses amendements, ne restreigne un peu plus encore la responsabilité de l'Etat. A la convention librement négociée entre le maire et le préfet, nous préférons le règlement de coordination tel qu'il nous est proposé.
Nous estimons ainsi qu'il est indispensable que l'avis du préfet intervienne en dernière instance afin de confirmer l'Etat dans ses fonctions régaliennes de sécurité publique.
S'agissant de l'armement, le texte pose pour principe que les policiers municipaux ne seront pas armés, et nous en sommes d'accord. Toutefois, lorsque la nature de leurs missions et des circonstances particulières le justifient, ils peuvent être autorisés par le préfet à porter une arme, dont la nature - quatrième ou sixième catégorie - a été précisée par les députés.
L'armement est en fait intimement lié à « la nature des missions » et aux « circonstances particulières », à savoir essentiellement le travail de nuit.
C'est prendre le problème à l'envers que de s'appuyer sur le fait que les missions de police municipale s'étendent jusqu'à vingt-trois heures au lieu de vingt heures pour affirmer que l'armement devient nécessaire. Limitons d'abord les missions de ces polices.
Il existe un risque réel de détourner de l'objectif initial le contenu du projet de loi et le rôle des polices municipales, lesquelles, dans leur grande majorité, avaient été créées à l'origine pour faire appliquer les arrêtés municipaux et jouer essentiellement un rôle de prévention, de dissuasion et d'accompagnement des personnes fragilisées.
Nous estimons que la création, annoncée par M. le ministre, d'un cadre d'emploi de catégorie B, relevant certes du domaine réglementaire, offre, à juste titre, une certaine garantie contre toute inflation des effectifs.
A contrario, envisager la création d'un cadre d'emploi de catégorie A traduirait une volonté d'aller vers un accroissement du nombre des policiers municipaux et d'une extension du champ de leurs missions, ce que nous ne souhaitons pas.
Nous nous demandons si le texte ne va pas trop loin à propos de l'élargissement des pouvoirs des policiers municipaux en matière de vérification d'identité.
Le texte leur permet en effet d'effectuer des vérifications d'identité en cas d'infraction aux arrêtés de police du maire, pour des contraventions au code de la route, mais également pour des contraventions qu'ils peuvent constater en vertu d'une disposition législative expresse.
Le libellé du texte, certes, apporte des apaisements, ainsi que vos propos à l'instant, monsieur le ministre. Le policier municipal demande au supposé contrevenant ses pièces d'identité, mais son interlocuteur n'a pas à obtempérer. Un officier de police judiciaire est alors joint et prend la responsabilité d'intervenir ou non. Cependant, n'entre-t-on pas ainsi dans des processus au cours desquels les dérapages risquent d'être nombreux ? N'y a-t-il pas, dans certains cas, sous pression de certains maires, le risque d'un questionnement répété et fastidieux des commissariats par certains policiers municipaux ?
Sait-on aujourd'hui que des maires multiplient les pressions pour éviter toute expression pluraliste de la vie politique dans des quartiers, prennent des arrêtés interdisant toute distribution de tracts et chargent leurs policiers de faire respecter la décision ? Ne place-t-on pas les commissaires de police devant des contradictions supplémentaires ? Je crois indispensable, mais cela a été dit, d'éviter toute confusion visuelle entre les uns et les autres et de bien distinguer les uniformes pour ce faire.
Pour ce qui est du volet social, peu de mesures semblent répondre aux revendications des syndicats, à l'exception des pensions de réversion à taux plein et des rentes viagères d'invalidité susceptibles d'être attribuées aux conjoints et orphelins des agents de police municipale. C'est toutefois un pas appréciable.
La question importante de la formation, tant initiale que continue, est abordée par le projet de loi dans ses articles 15 et 15 bis.
C'est une question essentielle. Ne faudrait-il pas que l'agrément prenne au moins en compte une première phase de la formation initiale ?
Restent l'organisation de cette formation et son financement.
Certaines villes se sont lancées, certainement un peu imprudemment, dans le développement de polices municipales. Cela peut devenir difficile pour certains budgets. Nous ne sommes toutefois pas partisans que, sous une forme ou une autre, les collectivités qui n'ont pas choisi cette orientation soient amenées à la financer.
Notre position nous amène, après avoir émis, comme vous l'avez entendu, des restrictions sur l'avenir des polices municipales, sans remettre en cause leur existence actuelle, à demander à l'Etat qu'il fasse le maximum dans le domaine de la sécurité et que les moyens dont vous disposez, monsieur le ministre, aillent bien vers les secteurs et les missions qui sont devenues aujourd'hui prioritaires.
Il est plus que temps, en ce domaine, de se donner les moyens en personnels, en équipements, en formation, afin d'obtenir des résultats concrets et lisibles par la population, lesquels doivent s'accompagner d'une reconquête indispensable sur le plan de l'emploi, de la formation et du pouvoir d'achat des familles pour ouvrir une réelle perspective d'avenir.
C'est sur ces mots que je termine mon intervention, en attendant la fin de l'examen des articles et amendements pour exprimer la position de mon groupe sur l'ensemble du texte amendé. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis qu'a été lancé le débat sur les polices municipales tout ou presque tout, ce qui pouvait être écrit ou dit sur le sujet l'a été. Aussi mon intervention se veut-elle, plus qu'un argumentaire, le témoignage d'un sénateur-maire - espèce en voie de disparition si prévalent les dispositions arrêtées par l'Assemblée nationale -...
M. Jean-Jacques Hyest. Ce n'est pas encore fait !
M. Daniel Eckenspieller. ... un sénateur-maire qui est confronté quotidiennement, dans sa ville de 16 000 habitants de l'agglomération mulhousienne, à des problèmes de violence urbaine et d'insécurité.
Je me réjouirai, d'abord, du fait qu'un texte de loi relatif aux polices municipales puisse enfin - après des tentatives qui ont avorté pour des raisons diverses - clarifier le rôle et les conditions de fonctionnement de nos polices municipales.
Je me réjouirai, ensuite, que ce texte, après l'annonce qui en a été faite en termes catastrophiques, ait pris en compte, lors de la discussion à l'Assemblée nationale, un certain nombre de demandes inspirées par l'expérience du terrain, notamment en ce qui concerne la composition des commissions consultatives des polices municipales, la possibilité, dans certains cas précis, de relever l'identité des contrevenants, la possibilité d'autoriser le port d'arme dans le cadre d'un règlement de coordination, ainsi que les dispositions arrêtées en faveur des conjoints des policiers décédés en service commandé.
C'est dire que le projet de loi, tel qu'il vient en discussion au Sénat, n'appelle plus qu'un nombre relativement restreint de réserves, mais elles sont d'importance, ainsi que l'a souligné notre excellent rapporteur, Jean-Paul Delevoye.
Si la loi finira sans doute par offrir un cadre acceptable pour les uns et pour les autres, elle renvoie à des décrets sur des points essentiels : liste des contraventions aux dispositions du code de la route que les policiers municipaux peuvent constater, trame du règlement de coordination, mise en place de la commission consultative des polices municipales, fixation des types de mission et des conditions dans lesquelles les agents de police sont autorisés à porter une arme, caractéristiques de l'équipement des polices municipales, code de déontologie, formation des policiers municipaux, régime des pensions.
Il s'agit donc de près d'une dizaine de décrets dont le contenu - nous aimerions que vous nous en donniez l'assurance, monsieur le ministre - doit s'inscrire dans l'esprit du projet de loi dont nous débattons ici, sans le rendre plus restrictif au détriment du pouvoir des maires et des prérogatives des policiers municipaux.
Si près de 3 000 maires ont éprouvé le besoin de créer des polices municipales, malgré les contraintes financières très lourdes qui pèsent sur leurs communes, c'est qu'elles répondaient à un réel besoin. Leurs effectifs sont, au demeurant, généralement très modestes.
Dans mon département, celui du Haut-Rhin, six villes seulement comptent plus de cinq policiers, alors que quarante-deux en comptent un ou deux seulement. Quant au coût d'un tel service, il est suffisamment dissuasif pour que l'on n'ait pas à redouter un développement déraisonnable.
Le budget de ma ville supporte une charge annuelle d'environ 1 million de francs pour un service de police assuré par six agents.
J'ai dû en faire une priorité, au détriment d'autres besoins, pour répondre à une sollicitation insistante de mes concitoyens, sollicitation légitimée par des situations vécues très douloureusement et d'une manière récurrente. Cela ne dispense pas, pour autant, la ville de tout un arsenal d'actions de prévention qui mobilisent, elles aussi, près de 2 millions de francs.
Certes, les policiers municipaux s'efforcent de faire respecter les arrêtés municipaux dans les domaines de compétence qui sont ceux des maires.
Certes, ils assurent la sécurité des enfants en réglant la circulation à la sortie des écoles.
Certes, ils veillent au respect des places de stationnement réservées aux personnes handicapées.
Certes, ils interviennent, dans un esprit de médiation, dans les problèmes de voisinage, et ils constatent, notamment en matière d'atteinte à l'environnement, diverses infractions.
Certes, aussi, ils assurent le bon déroulement des grands rassemblements et des manifestations organisées par la ville et par le monde associatif : autant de missions qui justifieraient très largement, à elles seules, l'existence des polices municipales.
Mais nos agents assurent également une présence dissuasive autour des lieux de pratique sportive et de diffusion culturelle, où malheureusement les gens se font racketter, où les voitures sont fracturées lorsqu'elles ne sont pas incendiées. Ils contactent régulièrement les conducteurs de bus urbains pendant leur attente solitaire aux extrémités des lignes situées dans nos villes de banlieue. Ils rassurent, par des passages réguliers, les habitants qui vivent au voisinage des secteurs difficiles de nos cités.
Et cela, ils le font surtout en soirée et au cours de la première moitié de la nuit.
Ils le font pratiquement partout en coordination et en liaison permanente avec les unités de la police nationale ou de la gendarmerie, sans empiéter sur des prérogatives qui ne sont pas les leurs.
Sans doute, la sécurité relève-t-elle du pouvoir régalien de l'Etat.
Mais il faut bien convenir qu'aujourd'hui, pour des raisons multiples et diverses, cette sécurité n'est pas garantie partout et à chacun.
Et le maire, qui est interpellé, ne peut pas ne pas prendre en compte, de la manière la plus efficace possible, la demande pressante de ses concitoyens.
Aussi la question est-elle, aujourd'hui, moins de savoir si, ce faisant, il n'outrepasse pas ses prérogatives, que de savoir si l'on n'assiste pas à un tranfert partiel de charges, induit par une situation qui n'est plus vraiment maîtrisée.
En assumant délibérément une partie de la mission de sécurité, le maire accepte non seulement de faire supporter aux contribuables de sa ville une charge financière significative, mais encore il prend, sur les plans administratif et judiciaire, une très lourde responsabilité.
Aussi, son souci de la formation des policiers revêt-il une importance particulière. Elle n'a pas, jusque-là, dans la plupart des cas, été négligée.
Dans mon département, la formation organisée par le CNFPT s'assure le concours de membres éminents du Parquet et d'officiers chevronnés de la police nationale et de la gendarmerie.
Chacun des six policiers de ma ville va au stand de tir dix fois dans l'année et y exécute chaque fois cinquante tirs. Ce sont donc cinq cents tirs par an qu'exécute chacun des agents sous la conduite d'un moniteur de tir de la police nationale. Je ne suis pas convaincu que, dans la police d'Etat et dans la gendarmerie, ce quota soit régulièrement atteint.
La police de proximité qu'est la police municipale est aujourd'hui indispensable au maire. Elle est particulièrement appréciée des habitants de nos villes. Et nous soulèverions des tempêtes d'indignation si nous devions annoncer que les policiers municipaux ne peuvent plus sortir la nuit, quand leur présence est la plus attendue et la plus appréciée.
Aussi est-il essentiel pour leur sécurité et pour leur crédibilité qu'ils puissent être armés, dès lors que certaines conditions très précises sont remplies, comme le sont les policiers auxiliaires issus du dispositif emploi-jeunes après seulement deux mois de formation.
Nous demandons, à cet égard, que les règlements de coordination ne soient pas trop restrictifs et que soit encore accordée aux maires la confiance dont les faits ont démontré, ces dernières années, qu'elle était pleinement justifiée ; nous demandons aussi que les dérives tout à fait ponctuelles qui ont pu être observées dans un nombre marginal de villes ne soient pas l'arbre qui cache la forêt.
Dans leur immense majorité, nos collègues maires sont pétris d'un authentique esprit républicain qui ne doit pas être mis en doute, et c'est bien parce qu'ils sont attachés à nos valeurs communes qu'ils entendent contribuer à la sécurité à laquelle ont droit leurs concitoyens et dont eux aussi se sentent responsables.
La police municipale, par sa proximité et par la relation directe qu'elle entretient avec le maire, constitue, dans cette perspective, un outil extrêmement précieux qu'il eût été désastreux de réduire à un rôle congru.
La situation que connaissent actuellement 99 % des unités de police municipale est celle qui s'est construite autour des réalités du terrain et de l'expérience du quotidien.
La sagesse consiste donc à pérenniser et à formaliser ce qui s'est ainsi, presque spontanément, construit au fil des ans, puisque cette construction n'était pas autre chose que la réponse, touche après touche, à des attentes fortes pour lesquelles les élus de nos villes sont quotidiennement interpellés. Pour terminer, j'exprimerai un souci concernant le reclassement des policiers municipaux actuellement en service et qui ne seront pas confirmés dans leur fonction.
Notre pays compte, à l'heure actuelle, plus de 12 000 agents. Ils ont tous été recrutés en bonne et due forme, à bon ou à moins bon escient.
S'ils l'ont été à bon escient, ils seront nécessairement agréés selon les nouvelles modalités. Si tel n'est pas le cas, il est indispensable qu'ils soient reclassés dans une autre fonction, au sein des services de la ville concernée, car il ne serait pas convenable qu'ils payent de leur emploi l'adoption du présent projet de loi.
La rédaction du texte qui nous est soumis paraît rendre cette obligation relativement aléatoire. J'ai donc déposé un amendement tendant à introduire, sur ce point, une plus grande clarté.
Je serai très attentif, monsieur le ministre, aux assurances que vous voudrez bien apporter quant à l'esprit qui présidera à la rédaction des décrets d'application complétant le présent projet de loi. Vous en avez déjà donné certaines dans votre propos liminaire. Je serai également très attentif au sort réservé aux propositions formulées par la commission des lois.
Ces réserves levées, je pourrai, avec mes collègues du groupe du Rassemblement pour la République, voter ce projet de loi qui clarifie l'environnement juridique dans lequel s'exercent les fonctions des agents des polices municipales, auxquels je voudrais, depuis la tribune de la Haute Assemblée, rendre publiquement l'hommage qu'ils méritent. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Peyronnet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quel curieux paradoxe, alors que la tendance était à l'étatisation de la police depuis les années vingt, en passant par la loi de 1941, jusqu'à la loi du 21 janvier 1995, que de délibérer aujourd'hui sur le statut des agents de police municipale. Parallèlement à ce mouvement d'étatisation, le nombre de communes se dotant d'une police municipale n'a cessé d'augmenter. Le nombre de policiers municipaux a plus que doublé en quinze ans, ce qui ne peut que susciter quelques interrogations.
Si les communes rurales avaient, de tradition, un garde-champêtre, les municipalités ont souvent créé des services de police pour faire face, dans un premier temps, à l'asphyxie progressive des villes par l'augmentation de la circulation et par les problèmes de stationnement. Dans un deuxième temps, nombre d'élus se sont résolus à créer une véritable police de proximité, certes dissuasive puisque répressive, mais sans beaucoup de compétences, pour répondre au sentiment d'insécurité de leurs concitoyens.
Sauf exception, c'est souvent l'incapacité de la police nationale à assumer ces missions qui a entraîné ce mouvement. On compte presque un policier municipal pour quatre policiers affectés à la sécurité publique.
Face à cette situation et après plusieurs tentatives de vos prédécesseurs, monsieur le ministre, vous nous proposez un statut des polices municipales, dont M. le rapporteur et vous-même avez développé les grandes lignes.
Certains lui reprochent de ne pas être assez décentralisateur ; c'est le moins que l'on puisse dire, l'action du maire étant très strictement encadrée s'agissant de la gestion des personnels.
M. le rapporteur a cité des exemples étrangers, mais comparaison n'est jamais raison dans ce domaine, puisque chacun a sa tradition. Il est vrai que, notamment dans les pays à organisation fédérale, la police, sauf la police judiciaire, est confiée aux échelons régionaux ou municipaux ; telle n'est pas notre tradition.
Reconnaissons cependant que le projet assure une cohérence entre les pouvoirs de police du maire tels que définis par l'article L. 131-2 du code des communes, qui est maintenant codifié dans l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, et ceux des agents de police municipale.
Il est peut-être bon de rappeler, pour rassurer un certain nombre de nos collègues, que les pouvoirs du maire sont largement théoriques dans le domaine de la sécurité. En effet, en zone de police d'Etat, lui est retiré notamment tout ce qui concerne la tranquillité publique - certains maires en sont surpris - pour être confié au commissaire de police.
L'article L. 131-1 du code des communes rappelle d'ailleurs que le maire agit sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat. C'est dans ce cadre que nous devons rester pour régler le problème du statut des polices municipales.
On ne peut que se féliciter du fait que les agents de police municipale se voient dotés d'un véritable statut, que leurs compétences, largement définies par le pouvoir réglementaire, soient clarifiées et que soit prévue une véritable coordination entre la police nationale ou la gendarmerie nationale et les polices municipales.
Sur le terrain, la plupart du temps, la coopération fonctionne bien. J'ai pu le vérifier dans un certain nombre de départements à l'occasion d'une mission, qui ne concernait d'ailleurs pas les polices municipales. Bien des responsables de police et de gendarmerie considèrent les policiers municipaux comme des auxiliaires précieux.
Néanmoins, il faut prévoir un cadre juridique à cette coopération. Le Gouvernement propose un règlement ; la commission des lois propose une convention. Entre les deux, il s'agit plus d'une nuance que d'une opposition. Quel maire refusera de passer rapidement une convention pour que les nouveaux textes soient applicables dans sa commune et que les pouvoirs de ses policiers municipaux soient étendus ?
D'ailleurs, monsieur le ministre, au moment où, dans beaucoup de communes, sont élaborés des contrats locaux de sécurité, qui tiennent une place importante dans votre politique d'ensemble sur la sécurité publique, il est incontestable que l'utilisation des polices municipales fait intégralement partie du dispositif.
Parmi les dispositions importantes du projet de loi figure tout ce qui a trait à la formation. Si la formation initiale d'application est une des constantes de la fonction publique territoriale, le projet de loi prescrit une formation continue, dispensée en cours de carrière et adaptée aux besoins du service, en vue de maintenir ou de parfaire la qualification professionnelle des agents et leur adaptation aux fonctions qu'ils sont amenés à exercer. Le texte s'inspire largement des dispositions figurant dans le statut de la police municipale, puisque les mêmes termes sont utilisés.
C'est donc une innovation importante pour les personnels des collectivités territoriales, cette formation continue obligatoire n'existant pour aucun autre corps, si ce n'est celui des sapeurs-pompiers qui, dans certaines spécialités, sont obligés de se recycler.
Le projet de loi confie cette responsabilité nouvelle au Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT, ce qui est logique, mais pose un véritable problème de financement.
Malgré les efforts faits pour assainir les finances de l'établissement, il est bien évident que les coût de cette formation continue, qui ont été évalués dans l'étude d'impact à 25 millions de francs environ par an, ne pourraient, sans graves inconvénients, être pris en charge sans compensation par le CNFPT.
Le projet de loi initial avait prévu le versement par les communes concernées d'une redevance pour prestations de services, ce qui semblait la meilleure formule.
En effet, s'agissant d'une décision volontaire de la part d'une commune, la mutualisation peut-elle s'appliquer sans léser les autres fonctionnaires territoriaux ?
On ne peut charger indéfiniment le baudet. Aussi, dans le cadre d'un partenariat existant entre les collectivités et le CNFTP, il semble préférable que le coût de la formation continue soit pris en charge par la collectivité employant des agents de police municipaux.
M. le rapporteur, qui a bien analysé le problème, contrairement à nos collègues députés, avait proposé une solution alternative qui avait sa logique, mais qui risquait d'ouvrir une brèche dans les principes de répartition du produit des amendes de police. Nous sommes donc revenus au texte du Gouvernement, qui prévoit une redevance pour services rendus, et je m'en réjouis particulièrement.
On pourrait peut-être d'ailleurs étendre cette formule à d'autres cadres, y compris à ceux de l'Etat. La formation continue me semble indispensable dans une carrière ; il est bon de le rappeler quelquefois. Tel qu'amendé par la commission des lois du Sénat - et à cet égard, il convient de saluer le travail remarquable de notre rapporteur - le projet de loi ne peut, me semble-t-il, que fortifier la coopération nécessaire entre l'Etat et les communes dans le domaine de la sécurité publique. Cela n'enlève rien, bien entendu, à la nécessité impérieuse qui s'impose à l'Etat de veiller à mieux répartir les forces de police et de gendarmerie en fonction de l'évolution démographique et de la délinquance. Je sais, monsieur le ministre, que telle est votre volonté.
Bien entendu, le groupe de l'Union centriste votera ce texte. Qu'il me soit permis cependant d'exprimer un regret : une fois de plus, les territoires d'outre-mer ne figurent pas dans le projet de loi. Je sais que des dispositions particulières sont en cours d'élaboration mais, à la demande de mon collègue M. Millaud, je me dois de vous rappeler que les problèmes de police municipale en Polynésie française méritent une rapide solution.
Je pense, monsieur le ministre, que vous prendrez devant nous l'engagement de permettre à ces territoires d'outre-mer de bénéficier, eux aussi, de dispositions comparables. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Balarello.
M. José Balarello. Le journal Le Monde du 14 mai rappelait que, lors de la séance de questions d'actualité à l'Assemblée nationale, parlant de trois meurtres d'adolescents survenus quelques jours auparavant à Marseille, Créteil et Aulnay-sous-Bois, vous estimiez, monsieur le ministre, que ces actes « sont révélateurs d'une crise extrêmement profonde, que les conflits de bandes s'enracinent dans une culture de haine ».
Vous évoquiez, par ailleurs, la crise de nos villes, le chômage, la précarisation, la ghettoïsation, mais aussi une perte complète de repères. Une autre fois, vous avez justement parlé de « ces jeunes sauvageons, vivant dans un monde virtuel ».
Le journal Le Figaro du même jour, sous le titre : « La vendetta des cités », écrit : « D'après les renseignements généraux, les expéditions punitives ont fait l'an passé, dans les banlieues, trente-six morts et près de 2 000 blessés. »
Un hebdomadaire fait état de plaques d'égout jetées sur les agents, en région parisienne. Dans notre région - c'était il y a deux mois - un caddie chargé de batteries usagées a été jeté du septième étage sur une voiture de pompiers venus éteindre un incendie allumé volontairement.
L'hebdomadaire Le Point du 23 mai fait état, pour un seul week-end d'avril, de vingt-sept jeunes interpellés à la suite de l'incendie de quarante-six véhicules, dix-huit pour coups portés à des enseignants et à des élèves avec détention de pistolets et de bombes lacrymogènes. Il signale également des autobus « caillassés » dans sept villes différentes, des chauffeurs et contrôleurs agressés, dont l'un au moyen d'un marteau.
La liste - vous la connaissez mieux que moi, monsieur le ministre - est impressionnante.
Malheureusement, si au cours des treize dernières années, comme l'indique M. le rapporteur, la délinquance a augmenté de 20 %, les coups et blessures et dégradations volontaires ont plus que doublé. Ils sont le plus souvent le fait de mineurs, sous l'effet cumulé des causes que vous avez énumérées et auxquelles j'ajouterai la drogue, les voitures et la violence à la télévision. J'envisage d'ailleurs, monsieur le ministre, de déposer une proposition de loi sur ce sujet délicat, qui, même aux Etats-Unis, n'est plus tabou, puisque quatre universités américaines étudient en ce moment le phénomène.
Face à ce vaste problème, depuis plusieurs années, empêtré dans des activités où il n'a rien à faire et où il dépense inconsidérément l'argent du contribuable, l'Etat n'assume plus qu'imparfaitement ses tâches régaliennes.
M. Christian de La Malène. Très bien !
M. José Balarello. Les effectifs de policiers n'ont suivi ni la progression démographique, ni le phénomène d'urbanisation, ni la multiplication des tâches souvent liées à une immigration mal contrôlée, qui ont modifié l'aspect de certains quartiers.
Les commissariats de quartier, donc de proximité, ont disparu au profit des îlotiers, ce qui a été une erreur qui n'a d'égale que la suppression des justices de paix cantonales. Dans les Alpes-Maritimes, où j'ai présidé le cinquième office HLM de France, dans un grand ensemble de 3 000 logements au demeurant sans histoires, en accord avec la police nationale, voilà trente ans, j'avais installé un commissariat de police où devaient se trouver vingt-trois fonctionnaires de police. Quelques années plus tard, ils n'étaient plus que deux, qui se barricadaient la nuit. Depuis, après moultes démarches, il reste un bureau de police avec huit agents sur le terrain, ce qui, compte tenu des congés, des horaires, des services de nuit, fait peu de monde.
Tel est le contexte dans lequel, monsieur le ministre, vous avez décidé de reprendre le dossier des polices municipales, que trois de vos prédécesseurs, MM. Quilès, Pasqua et Debré, pour des raisons de durée de législature n'ont pu mener à bien.
Précisons tout d'abord que, contrairement à ce que certains médias laissent entendre, les polices municipales existent dans presque tous les pays européens. Au demeurant, en France, elles ne sont pas nées avec les lois de décentralisation de 1982 puisqu'elles sont en fait plus anciennes que la police d'Etat : c'est la Révolution qui invente la notion de police municipale en 1789, alors que c'est le Consulat centralisateur qui crée les commissaires de police, tout en laissant exister les polices municipales.
Précisons ensuite que, le 23 avril 1998, un grand quotidien qui ne peut être taxé de partialité à l'égard de votre majorité, monsieur le ministre, faisant état du rapport que vous avez demandé à l'inspecteur général Genthial sur les polices municipales, et dont notre commission des lois a souhaité avoir communication, écrivait : « Après un audit réalisé dans dix-sept communes, il apparaît qu'en dix-sept ans les policiers municipaux n'ont commis pratiquement aucune bavure. » Et le rapport d'ajouter : « Les polices municipales occupent le terrain en matière de proximité ; la police nationale, malgré les slogans qu'elle développe à ce sujet, s'en éloigne, la gendarmerie aussi... Quant aux commissaires de police, ils estiment que les polices municipales sont des forces d'appoint mises à leur disposition. »
C'est en ayant présent à l'esprit ce contexte qu'il nous faut examiner, monsieur le ministre, le présent projet de loi.
Nous souscrivons entièrement aux dispositions prévues aux titres Ier et III, sous réserve des modifications proposées par la commission des lois, concernant l'intégration des policiers municipaux dans la fonction publique territoriale, la formation des policiers, les augmentations des droits revenant aux conjoints et aux orphelins de policiers municipaux tués en service, qui ont droit à la reconnaissance de la République.
Dans le titre Ier, la commission des lois propose de rétablir le texte du Gouvernement, modifié en première lecture par l'Assemblée nationale, exigeant un règlement de coordination entre le préfet et le maire à partir non pas de trois, mais de cinq policiers municipaux. Elle propose en outre de remplacer le règlement par une convention, terme qui sous-entend l'égalité contractuelle.
Notre rapporteur, M. Delevoye, également président de l'Association des maires de France, ne pouvait que défendre l'esprit des lois de décentralisation, battues en brèche par ce texte.
Nous sommes d'accord avec la rédaction de l'Assemblée nationale modifiant l'article 3 et recomposant la commission consultative des polices municipales en trois tiers : un pour l'Etat, un pour les maires et un pour les représentants élus des agents des polices municipales, étant précisé qu'un maire sera président de droit.
A l'article 5, qui a trait à l'utilisation en commun par des maires voisins de moyens et d'effectifs de police municipale, la commission des lois propose également une modification, car elle n'a pas voulu limiter l'afflux important de populations au seul afflux touristique. C'est une initiative à laquelle nous ne sommes pas étrangers. Les afflux périodiques importants et souvent imprévus de nomades dans certaines communes doivent en effet être gérés au mieux, dans le cadre de l'agglomération.
Sur l'initiative de notre rapporteur, il sera proposé que l'agrément des policiers municipaux ne dépende plus que du seul procureur de la République, par la suppression de l'aval du préfet. Les procureurs étant beaucoup moins liés au pouvoir en place que les préfets, nous considérons que c'est là une excellente suggestion.
En définitive, ce sont, dans le titre Ier, les articles 7 et 8 et, dans le titre II, les articles 12 et 14 qui posent des problèmes.
En abordant la question sans a priori, il est possible de trouver une solution non onéreuse pour les communes aux difficultés que soulève l'article 8, qu'il s'agisse du choix d'une tenue vestimentaire uniforme pour les policiers municipaux ou de celui de la couleur des véhicules de service, étant entendu que la commission tripartite prévue à l'article 3 sera obligatoirement consultée. Des casquettes d'une couleur différente de celle des casquettes de la police nationale - pourquoi pas bleu ciel ou grenat, monsieur le ministre ? - devraient suffire et ménageraient l'argent du contribuable, les gendarmes, quant à eux, portant le képi.
S'agissant de l'article 12, la commission des lois a élaboré une rédaction différente, à laquelle je souscris.
Il en va de même pour l'article 14, qui concerne la procédure de contrôle d'identité par les policiers municipaux. L'obligation de délivrer un récépissé à un casseur qui se refuse à produire ses papiers constituait une mesure vexatoire inutile à l'égard des policiers municipaux, ne pouvant que les démobiliser, d'autant que les bandes de petits délinquants seront rapidement au courant du système. Or celui-ci fera naître dans certains secteurs - les problèmes humains ne peuvent être occultés - des tensions artificielles entre police nationale ou gendarmerie et police municipale, alors que, partout, elles s'entendent fort bien.
Reste l'article 7.
Monsieur le ministre, par cet article, vous demandez un blanc-seing au Parlement. En effet, tel qu'il est issu de l'Assemblée nationale, son texte précise : « Les agents de police municipale ne sont pas armés. » Il laisse toutefois au préfet la possibilité de les autoriser à porter une arme de quatrième ou sixième catégorie « lorsque la nature de leurs missions et des circonstances particulières le justifient », et ce après demande du maire. Mais c'est un décret en Conseil d'Etat qui doit préciser les modalités d'application de cet article. D'ailleurs, si j'ai bien compté, à huit reprises, vous recourez à une telle mesure d'ordre réglementaire. Sur vingt articles, cela fait beaucoup !
La classification des armes mérite quelques motsd'explication.
C'est le décret-loi du 18 avril 1939 qui fixe le régime des matériels de guerre, armes et munitions. Le groupe A comprend les matériels de guerre proprement dits. Ce qui nous intéresse ici, ce sont les armes et munitions de quatrième et de sixième catégories, non considérées comme matériels de guerre, appartenant au groupe B et dont le port par les policiers municipaux pourra être autorisé, suivant leurs missions ou en fonction de circonstances particulières, par arrêté préfectoral.
Les armes de quatrième catégorie sont les armes à feu dites de défense et leurs munitions.
Quant aux armes de sixième catégorie, ce sont, selon les textes, les « armes blanches ». La Cour de cassation a précisé, à travers plusieurs arrêts, que font partie de cette catégorie les couteaux à cran d'arrêt, les rasoirs à main, un nerf de boeuf, un tube d'acier, un rondin de bois et des pieds de chaise métalliques, cette liste n'étant pas exhaustive.
C'est dire que, si les délinquants chevronnés sont munis d'armes de première ou quatrième catégorie, les bandes évoquées par la presse, dont nous avons parlé, sont quasiment toujours armées de matériel de sixième catégorie, ou s'en procurent sur leur passage.
En face, nous verrons des policiers municipaux organisés par groupes, parmi lesquels certains n'auront pas le droit de porter une matraque ou un bâton, donc inutilisables sur le terrain lors de coups durs par nature imprévisibles et incapables de prêter main-forte à la police nationale ou à la gendarmerie. D'autres porteront un revolver, lorsque le préfet aura estimé que les circonstances le justifient et à condition que le futur décret en Conseil d'Etat soit rédigé par des fonctionnaires faisant preuve, comme je le souhaite, de pragmatisme et de bon sens, ce bon sens que Descartes considérait - dubitativement, d'ailleurs - comme la chose du monde la mieux partagée.
Ainsi, suivant ce que sera finalement la rédaction de ce décret en Conseil d'Etat, il existe un risque de démobiliser un personnel qui a prouvé sa valeur et sa probité, mais qui refusera, à juste titre, de s'exposer à mains nues devant des personnes circulant armées ou de maîtriser un individu porteur d'un couteau à cran d'arrêt et agressant un conducteur de bus, par exemple.
En conséquence, monsieur le ministre, il convient que presque tous les policiers municipaux puissent porter des armes de sixième catégorie et qu'un grand nombre restent munis, comme aujourd'hui, d'armes de quatrième catégorie.
Mes chers collègues, ne nous le dissimulons pas, les polices municipales se développent car, sauf dans le centre de Paris, la présence policière visible diminue. Les commissariats de quartier ont fermé ou se barricadent, la nuit venue, dans les secteurs à risques.
Quant aux gendarmeries, de grâce ! qu'on ne les redéploie pas : de nombreuses suppressions dans un même canton ont déjà eu lieu et les autres ne se justifient pas.
Sachez que, d'ores et déjà, compte tenu des réductions d'horaires de travail des gendarmes, si un accident grave ou un incident survient le week-end à cinq cents mètres d'une unité de gendarmerie - tel a été le cas dans mon canton, qui est traversé par une route internationale, où passent souvent 20 000 véhicules par jour - deux week-ends sur trois, le téléphone va basculer sur un central situé à cinquante kilomètres, lequel avertira ensuite une autre gendarmerie d'astreinte, située, elle, à vingt-cinq kilomètres.
Heureusement, dans ces cas, un policier municipal ou le garde champêtre, quelquefois un élu, seront sur place dans les minutes qui suivent, avec les sapeurs-pompiers.
Ce qui me fait craindre ce redéploiement, ce sont les déclarations du Gouvernement qui ont suivi le conseil de sécurité intérieure du 27 avril dernier. Il m'apparaît en effet comme relevant d'une mauvaise politique, à un moment où certaines grandes villes subissent l'insécurité, de généraliser celle-ci à l'ensemble du territoire national en redéployant, de façon interne, 1 200 gendarmes vers les zones périurbaines, ce qui entraîne la suppression d'un certain nombre de gendarmeries, alors que les lois que nous avons votées sur l'aménagement du territoire, après un vaste débat national, font interdiction de supprimer les écoles, les bureaux de poste et, d'une manière générale, les équipements publics.
Comme, en outre, la gendarmerie va être privée du recrutement d'auxiliaires effectuant leur service militaire, les perturbations dans le monde rural risquent d'être importantes.
Sur tous ces problèmes de sécurité intérieure, monsieur le ministre, vous allez à nouveau devoir vous pencher lors de la rédaction des textes d'application. Nous attirons, avec beaucoup d'insistance, votre attention sur le fait que ces problèmes constituent, avec le chômage, la préoccupation majeure des Français. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Vallet.
M. André Vallet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les polices municipales font aujourd'hui partie intégrante du paysage de nos cités et nous savons tous, nous, maires, qui pouvons encore nous exprimer au Sénat (Sourires) , le rôle qu'elles jouent dans le maintien de la sécurité communale.
Ce rôle est essentiel, d'autres que moi viennent de le rappeler : les polices municipales contribuent, pour peu que la complémentarité avec la police nationale soit intelligemment assurée, à maintenir la sécurité des biens et des personnes dans nos communes ; elles permettent aux maires de répondre, même partiellement, à l'immense besoin de sécurité de notre population.
Vous avez indiqué, monsieur le ministre, que le nombre des policiers municipaux avait doublé en quinze ans. Mais ce n'est pas une volonté sécuritaire nouvelle des maires qui a provoqué cette inflation. Celle-ci tient avant tout au fait que la police nationale et la gendarmerie ne peuvent, en raison d'un manque évident de moyens, assurer toutes les missions qui leur échoient.
Permettez-moi, monsieur le ministre, d'évoquer un seul exemple, celui de ma commune.
Cette commune de près de 40 000 habitants, Salon-de-Provence, est aujourd'hui confrontée, du fait de la construction d'un centre pénitentiaire, au problème de la garde des détenus à l'hôpital.
A Salon-de-Provence, on compte cinquante gardiens de la paix. Actuellement, nous devons assurer la garde de trois détenus dans trois services différents à l'hôpital. Or deux gardiens de police doivent être présents en permanence devant la porte de chaque chambre. Cela représente trois fois huit heures de garde en trois endroits différents, le tout multiplié par deux. Si l'on prend en compte les récupérations et les congés, cela signifie que huit gardiens sont mobilisés à toute heure pour chaque détenu malade, soit au total vingt-quatre gardiens de la paix sur cinquante !
Autrement dit, s'il n'y avait pas la police municipale, ma ville ne serait absolument pas protégée !
M. Christian Demuynck. Belle démonstration !
M. André Vallet. Je veux être associé, monsieur le ministre, à ceux qui vous ont félicité pour avoir voulu - enfin ! - donner un statut à cette institution aujourd'hui sans réalité juridique. Mais je tiens aussi à évoquer à mon tour ce que je considère comme une détestable disposition : l'article 7 du texte que vous nous présentez, qui pose le principe du non-armement des polices municipales.
La situation présente est simple : les maires décident librement de l'opportunité d'armer ou non leurs services de police municipale sur un simple visa du préfet. Il est à noter que le pouvoir du représentant de l'Etat est ici des plus réduits puisqu'il se borne à un simple visa a posteriori, à l'exclusion de toute autorisation préalable.
L'article 7 de ce projet de loi, qui dispose que l'armement est possible dans des circonstances particulières, sur autorisation nominative du préfet, à la demande motivée du maire d'une commune ayant un règlement de coordination, ne me paraît absolument pas répondre à la réalité du terrain.
Je suis convaincu, en effet, que les missions délicates ou dangereuses ne doivent en aucun cas être confiées à des policiers municipaux si ceux-ci ne sont en mesure d'assurer ni la sécurité des biens et des personnes ni, bien sûr, leur propre sécurité.
Le droit à la sûreté, consacré par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen - auquel vous faites si souvent référence, monsieur le ministre - ne peut être efficacement assuré que si ceux qui sont le plus souvent chargés de le faire respecter ne sont pas limités dans leurs missions et dans les moyens de les remplir.
Le dispositif de l'article 7 n'est pas satisfaisant, car il est trop restrictif. Il constitue une régression par rapport à la situation actuelle puisque, d'un régime de simple déclaration à la préfecture, l'armement des polices municipales dépendra désormais d'une autorisation administrative préalable du représentant de l'Etat. Selon les tâches qu'ils leur confient et qu'ils sont les seuls à même d'apprécier, les maires, et eux seuls, doivent garder à la fois la liberté et la responsabilité de doter ou non d'une arme leurs policiers municipaux.
Que craignez-vous donc pour refuser à ces agents de la sécurité les conditions matérielles de leur efficacité ?
On ne relève pas - cela vient d'être dit - de bavures dans ces polices de proximité, notamment parce que le policier municipal évolue au sein d'un tissu social qu'il connaît bien. J'ai une grande confiance dans la police municipale de ma ville : elle est armée depuis de très nombreuses années et je n'ai jamais eu à déplorer le moindre incident.
Les polices municipales méritent beaucoup mieux que le climat de suspicion dont on veut les entourer et que, malheureusement, votre projet de loi entretient largement.
En outre, je tiens à souligner le rôle important des maires dans le recul de l'insécurité : chaque maire s'implique directement et exerce son autorité sur les personnels qui lui sont confiés. C'est à lui que revient la responsabilité de faire en sorte que la police municipale agisse en complément de la police nationale. C'est au maire que fait d'abord appel la population qui est confrontée à ces difficiles problèmes.
J'aimerais, monsieur le ministre, que vous teniez compte de ces réalités et que les polices municipales soient mieux reconnues, qu'elles disposent de plus d'autorité et continuent, selon la volonté du maire, à être armées.
Il me semble qu'à partir du mauvais exemple de Vitrolles...
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. André Vallet. ... - mais Vitrolles n'est pas toute la France ! - votre projet de loi va réduire et affaiblir les polices municipales ; il va donc réduire et affaiblir la nécessaire sécurité intérieure de notre pays.
C'est la raison pour laquelle je ne peux que souhaiter que ce texte soit amendé et qu'il reprenne les sages conclusions de la commission des lois.
M. le président. La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui concerne les polices municipales, qui sont - chacun s'accorde à le reconnaître - efficaces, compétentes et responsables. Leurs activités ne donnent lieu à aucun problème, comme certains le craignaient, et la coopération avec la police nationale ou la gendarmerie se passe, dans la majorité des cas, parfaitement bien, dans un souci d'efficacité et de coordination intelligente.
A partir de cette constatation, il suffisait donc de rassurer les syndicats de la police nationale et de leur démontrer que la présence de cette police à leur côté leur permettait de se recentrer sur les tâches les plus importantes. Ainsi, par votre projet de loi, monsieur le ministre, vous auriez dû vous contenter de clarifier et de préciser les attributions exactes de cette police en prenant en compte - je le répète - l'excellente coordination et l'efficacité de toutes les forces de police sur le terrain.
Malheureusement, loin de répondre à cette attente, le texte que vous nous présentez a la particularité de réduire les possibilités d'un maire de se battre contre l'insécurité, alors que, dans le même temps, le Gouvernement se targue de leur reconnaître des pouvoirs de police et d'en faire des partenaires de la lutte contre la délinquance.
Encore une fois, c'est un nouveau texte purement idéologique qui est proposé au Parlement, comme l'a été d'ailleurs celui qui concernait les 35 heures ou comme le sera prochainement celui qui est relatif à la lutte contre les exclusions.
Outre cette discordance étonnante, sur laquelle je reviendrai, je souhaite, monsieur le ministres, attirer tout spécialement votre attention, comme l'ont fait un certain nombre de mes collègues, sur les conséquences de l'adoption de l'article 7 du projet de loi que vous nous présentez et qui précise les conditions d'armement ou plutôt de désarmement des policiers municipaux.
Mais ne convient-il pas d'y voir tout simplement une décision politicienne destinée à rassurer certains lobbies anti-police municipale, tout en confortant une partie d'un électorat qui est peu confronté à la réalité de certains quartiers et qui considère les policiers municipaux comme la garde prétorienne d'un maire ?
Faut-il rappeler, monsieur le ministre, les raisons de la création de ces polices municipales et de leur armement, notamment dans des départements difficiles ? Je le ferai puisque, a priori , l'article 7 n'en tient pas compte.
Les polices municipales ont été créées pour répondre au développement endémique de deux principaux facteurs d'insécurité, particulièrement dans les zones urbaines.
Le premier facteur est lié à l'aggravation de la petite et moyenne délinquance. Il s'agit d'une réalité qui, je vous l'assure, est vécue quotidiennement par de nombreux Français.
Le second facteur tient aux carences de plus en plus marquées des moyens humains et matériels de la police nationale, qui sont bien souvent comblées par le travail des polices municipales, sans pour autant suffire à répondre au développement inquiétant des actes délictueux en tout genre.
Nous sommes bien loin, vous en conviendrez, de l'image d'Epinal véhiculée par certains élus médisants associant les 13 000 policiers municipaux à des cowboys.
Je préfère, pour ma part, rendre hommage au courage et à l'abnégation de ces hommes et de ces femmes qui réalisent un formidable travail de proximité et qui répondent véritablement aux besoins de sécurité de nos administrés. En effet, et permettez-moi de reprendre vos propos, « la sûreté est reconnue par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen à l'égal de la liberté ». Vous convenez, de plus, « qu'il n'y a pas de liberté concevable si la sécurité n'est pas assurée ». Je rajouterai, pour ma part, que la sécurité est le premier droit du citoyen et la première mission de l'Etat.
Par conséquent, si l'on constate les carences de la police nationale mais que, dans le même temps, vous retirez les moyens d'intervention des agents de la police municipale, je ne vois pas comment pourront être réglés les problèmes de délinquance auxquels de nombreuses villes sont confrontées. Les principales victimes de ce choix politique seront, encore une fois, nos administrés.
Afin d'imager mon propos, permettez-moi de prendre l'exemple de la police municipale de la ville de Neuilly-Plaisance, que je connais bien : six policiers répondent aux demandes des administrés 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et 365 jours par an ! L'une de leurs missions est d'intervenir au domicile des Nocéens à la suite du déclenchement d'une téléalarme, dont la majorité des personnes âgées est équipée.
Grâce à ce service, de nombreux Nocéens ont pu être sauvés. En général, quatre à cinq minutes après le déclenchement de l'alarme, les policiers sont sur les lieux, sans toutefois connaître les données de l'intervention.
Si, demain, ils ne sont plus armés, ils ne seront plus à même de veiller à leur propre sécurité, même si leur arme à balle de caoutchouc - je précise qu'ils ne s'en sont jamais servi depuis 1983 - tien plus de la dissuasion que de la capacité de s'opposer réellement à des agresseurs fortement armés.
Enfin, vous en conviendrez, l'exposition au danger doit avoir pour contrepartie de permettre aux policiers municipaux d'assurer leur propre protection.
Par ailleurs, selon votre projet de loi, si le règlement de coordination n'a pas été établi, ils ne pourront même plus porter secours à ceux qui sont en extrême détresse, compte tenu de l'application de l'article L. 2212-6 du code général des collectivités territoriales, qui leur fera interdiction de travailler en dehors de la tranche horaire sept heures-vingt heures. Par conséquent, du fait que la police nationale ne se déplace pas pour de telles interventions, ce sont les Nocéens qui en assumeront les conséquences.
Ainsi donc, si cette loi est adoptée en l'état, l'article L. 412-51 du code des communes sera appliqué et les policiers municipaux se retrouveront du jour au lendemain sans arme. En résumé, par cette loi, vous désarmez les policiers municipaux, mais pas les délinquants, monsieur le ministre. J'aurais préféré que ce soit l'inverse !
Je suis impatient de voir la façon dont vous justifierez cette décision devant les commerçants, les habitants, les jeunes rackettés ou encore les employés du service public, dont les institutions sont bafouées quotidiennement.
Tout à l'heure, je soulignais l'excellente collaboration entre les services de la police nationale et ceux de la police municipale. Vous n'êtes pas sans savoir que, vraisemblablement pour des raisons d'effectifs, certains postes de police ferment leurs locaux vers dix-huit heures ou dix-neuf heures, la police municipale restant la seule force de police à « occuper le terrain ». Elle assume alors des situations parfois difficiles pour maintenir la sécurité des habitants.
Vous comprendrez donc qu'une fois cet article adopté il ne sera pas question pour les maires, dont je fais partie, de maintenir certaines missions qui peuvent exposer ces hommes à des délinquants armés, dont certains d'ailleurs sont accompagnés de pitbulls. Encore une fois, c'est la réalité quotidienne, notamment en Seine-Saint-Denis.
A titre d'exemple, puisque j'aborde le sujet des pitbulls, je citerai l'intervention récente d'agents de la police nationale au domicile d'une femme âgée qui était attaquée par l'un de ces animaux dangereux. Mis eux-mêmes en difficulté, il leur a fallu tirer cinq fois sur ce chien pour le mettre hors d'état de nuire, oserai-je dire le tuer ! Je ne puis imaginer un policier municipal dans la même situation, mais sans arme.
Non, monsieur le ministe, cet article ne correspond pas à la réalité quotidienne de certains départements. D'ailleurs, je crois savoir que M. Jacques Genthial, inspecteur général de la police nationale, a souligné dans un rapport à votre intention que les policiers municipaux étaient utiles et efficaces et qu'en dix-sept ans d'activité seules cinq bavures avaient été commises. Bien entendu, elles ne sont pas excusables pour autant, mais elles témoignent quand même du sérieux de ces agents, qu'on ne considère pas toujours comme des professionnels qu'ils sont pourtant.
J'en veux pour preuve également un sondage IPSOS effectué en février dernier : 57 % des Français ont confiance en leurs policiers municipaux, 56 % préfèrent qu'ils soient armés, 80 % les considèrent comme rassurants et 58 % les trouvent efficaces.
Et puis, monsieur le ministre, comment expliquez-vous que vous puissiez, dans le même temps, désarmer des policiers entraînés à leurs missions, qui connaissent parfaitement leur secteur et remplissent leur rôle de police de proximité et, par ailleurs, recruter vingt mille adjoints de sécurité, dont certains seront armés pour effectuer des missions d'îlotage, comme le fait la police municipale, mais qui, à l'évidence, n'auront aucune connaissance de ce métier, même si vous prévoyez deux mois de formation ! J'attire d'ailleurs votre attention sur l'extrême importance de la qualité du recrutement de ces jeunes.
Je pense également à l'humiliation qui sera inévitablement ressentie par les policiers municipaux de se voir moins considérés que des jeunes inexpérimentés. Et je ne parle pas du ridicule éprouvé par ces mêmes hommes lorsqu'ils se retrouveront sans arme face à des délinquants qu'ils connaissent et pour qui l'armement fait partie, quoi qu'on en dise, de la fragile respectabilité de l'ordre public.
Par ailleurs, les missions des policiers municipaux sont différentes d'une ville à l'autre et l'évolution de la délinquance en France est, là encore, inégale. Seuls les maires sont donc en mesure de prendre la décision d'armer ou de ne pas armer leurs policiers municipaux. Il convient de leur laisser cette libre appréciation en l'accompagnant d'une formation plus adaptée.
J'espère, par ces exemples, avoir attiré votre attention, monsieur le ministre, sur les dangers d'un désarmement de ces formes de police et sur leur grande utilité dans le contexte actuel. Ne considérez-vous pas que ces agents sont susceptibles d'être soumis aux mêmes risques que les agents de la police nationale et de la gendarmerie dans le cadre de leurs missions de sécurité, notamment lorsqu'ils effectuent des rondes d'îlotage ?
En conclusion, la mainmise de l'Etat dans la gestion des affaires communales relatives à la sécurité sera difficilement acceptable par les maires concernés. Votre projet de loi pose, en effet, un principe général : la décision du préfet est souveraine en matière d'organisation et de gestion des polices municipales. Les pouvoirs du maire en la matière sont donc recentralisés au niveau du représentant de l'Etat dans le département.
Cette centralisation des pouvoirs de police s'affirme, par exemple, par la notion de voie prépondérante du préfet, notamment dans la rédaction du règlement de coordination de l'action des polices municipales. Désormais, celles-ci seraient, en quelque sorte, gérées par l'Etat, mais payées par les collectivités.
Cette procédure ne prend pas en compte les réalités du contexte local puisque le préfet a la possibilité d'imposer sa volonté. On peut donc craindre une prise de position partiale de ce dernier dans le cadre législatif que vous avez prévu.
Enfin, ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que le préfet a déjà suffisamment de travail, notamment avec l'expansion de la délinquance des mineurs ou encore la gestion du dossier relatif à l'immigration clandestine, pour le faire intervenir en plus dans la gestion des polices municipales, dont le bon fonctionnement est reconnu par tous !
Vous comprendrez donc, monsieur le ministre, que votre projet de loi ne puisse être accepté en l'état. Je souhaite, par conséquent, que votre volonté affirmée de rester attentif aux observations formulées par les parlementaires soit réelle et que le texte que vous nous proposez soit largement amendé. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui nous est présenté après plusieurs tentatives qui avaient échoué. Nous devons donc remercier M. le ministre de l'intérieur d'avoir su persévérer dans la recherche des voies et moyens permettant de combler une lacune.
Il nous faut également féliciter M. Delevoye pour la présentation d'un rapport réaliste qui prend largement en compte les problèmes ressentis sur le terrain. Or, c'est essentiellement à eux que la population nous demande de répondre.
J'évoquerai successivement, d'une part, les raisons qui justifient l'élaboration d'une loi et, d'autre part, les quelques principes qu'il me paraît essentiel de préserver.
Les raisons qui motivent la présentation et le vote d'une loi ont été largement évoquées depuis le début de ce débat. Permettez-moi cependant d'en rappeler brièvement quatre qui me paraissent fondamentales.
Premièrement, les polices municipales ont été créées à des époques très différentes. J'évoquerai, aux deux extrêmes, les créations les plus anciennes, telle la police municipale de Strasbourg, résultant d'une délibération du conseil municipal de 1791, et des créations beaucoup plus récentes, rendues nécessaires par la montée de la délinquance et de l'insécurité. L'esprit dans lequel les unes et les autres ont été créées n'est évidemment pas forcément le même, et il convient donc de trouver les voies et moyens pour harmoniser tout cela.
Deuxièmement, alors que les communes concernées connaissent entre elles des différences importantes en termes de taille, d'effectif et de pratiques, il importe de trouver malgré tout un dénominateur commun permettant de préserver un certain nombre de principes communs.
Troisièmement, à l'heure actuelle, dans les villes où ont été créées des polices municipales, cohabitent la police d'Etat, la police municipale, et souvent aussi la gendarmerie. Mais une juxtaposition ne suffit pas : il faut passer à une coopération concertée pour éviter que des actions en ordre dispersé ne nous fassent passer à côté de l'objectif principal, qui doit être l'efficacité dans la lutte contre l'insécurité.
Quatrièmement - ce point a d'ailleurs été largement évoqué - il est nécessaire d'élaborer un statut clair pour les polices municipales, ce qui fait actuellement défaut. La carrière, l'action, les perspectives, les moyens doivent pouvoir être insérés dans un cadre commun afin que les polices municipales fondent leur action sur des éléments solides.
Dans l'ensemble, il faut reconnaître que peu de problèmes et peu de bavures ont été recensés dans les actions de police municipale jusqu'à présent. Il n'en est pas moins nécessaire d'harmoniser, de coordonner, de clarifier et de codifier. Pour ce faire, nous pouvons et devons probablement nous inspirer de beaucoup d'expériences réalisées chez nos voisins et partenaires européens où les polices municipales répondent souvent à une tradition déjà ancienne.
Au-delà, je tiens à rendre hommage à nos polices municipales qui, je crois, ont dans l'ensemble le sens du devoir et des responsabilités et qui savent respecter l'esprit républicain - c'est important, et vous avez raison d'insister sur ce point, monsieur le ministre -, sans que cet hommage rendu aux polices municipales soit à interpréter comme une quelconque critique ou un quelconque manque de confiance en la police d'Etat, dont le rôle est et doit rester absolument fondamental et irremplaçable.
J'en viens à trois principes qu'il me paraît essentiel de préserver dans les textes concernant les polices municipales.
Le premier principe, qui est reconnu, je crois, dans le texte, est celui de la proximité. De plus en plus, le maire est en première ligne sur tous les problèmes, que ces derniers relèvent de la compétence de l'Etat ou de celle de la commune. Ainsi, lorsque, dans une commune, la sécurité vient à être mise en cause, les habitants s'adressent naturellement au maire. C'est à lui que l'on demande de répondre par des actes et de rendre des comptes à la population. Or la police municipale est incontestablement un élément de réponse concret dont peut disposer le maire. En effet, la police municipale, dont la présence est visible, rassure : elle connaît le terrain, les quartiers. C'est donc incontestablement, aux côtés du maire, un élément d'intervention concret et efficace qui témoigne de la volonté du maire d'agir efficacement et de sa capacité à le faire.
Nul ne conteste et ne doit contester que la sécurité est une fonction régalienne de l'Etat.
M. Paul Blanc. Tout à fait !
M. Daniel Hoeffel. Nous ne devons pas remettre en cause cette fonction régalienne. Cependant, l'Etat, compte tenu d'un certain nombre de contraintes, dont toutes, nous le savons, ne sont pas d'ordre budgétaire, n'a plus toujours tous les moyens nécessaires pour l'exercer.
Il faut donc, s'agissant de la création et de l'action des polices municipales, que l'accent soit bien mis sur la complémentarité de l'intervention des communes par rapport aux interventions de l'Etat.
Le deuxième principe auquel nous devons rester attachés, s'agissant des polices municipales, est la décentralisation.
La loi ne doit à mon avis sous aucun prétexte conduire à une recentralisation, à une accentuation de la tutelle ou à une remise en cause de la libre administration des collectivités locales.
En général, les polices municipales sont créées non par plaisir, mais par nécessité. Elles sont créées non pour faire concurrence à l'Etat, mais pour compléter l'action de ce dernier. Elles ne sont pas là pour se substituer à l'action de la police d'Etat.
Je prendrai l'exemple que vous connaissez bien, monsieur le ministre, des villes d'Alsace : les policiers municipaux y sont nommés par les maires sans être agréés par le procureur de la République, et ils ont obligation de prêter serment. Cette pratique leur a procuré deux siècles de fonctionnement à la satisfaction générale, je crois. Un retour en arrière me paraît ni opportun ni souhaitable. L'esprit de décentralisation doit donc pouvoir, à mon avis, être concilié avec l'élaboration d'un statut des polices municipales.
Enfin, le dernier principe concerne l'armement. Le débat sur ce point doit être dédramatisé, et je pense que la majorité de nos collègues en est d'accord. Un même schéma ne peut probablement pas être appliqué partout compte tenu de la très grande diversité des situations. Pour les uns, le sentiment dominant est l'inquiétude devant des polices municipales armées ; pour d'autres, c'est le souci de l'efficacité des polices municipales qui prime.
Je crois, pour ma part, que, s'agissant de l'efficacité, la police municipale doit être présente de jour et, en cas de nécessité, de nuit, en tenant compte des réalités du terrain.
L'armement peut être un élément de prévention et de dissuasion face à des délinquants dont nous savons qu'ils ont de moins en moins de scrupules quant à leurs méthodes d'intervention ; il faut donc, dans une certaine mesure, rétablir l'équilibre.
Peut-on refuser l'armement aux polices municipales, alors qu'on l'accorde - et je ne le conteste pas - aux adjoints de sécurité qui, parfois, ont moins d'expérience ?
Bien entendu, l'essentiel - nombre d'intervenants ont d'ailleurs insisté sur ce fait - est que la formation soit sérieuse et fondamentale, qu'elle soit non pas seulement technique, mais aussi civique, pour que l'esprit républicain et la déontologie soient préservés. Il s'agit là d'un élément fondamental dans toute action de formation en direction des polices municipales.
Il me paraît donc nécessaire d'ordonner l'intervention de toutes les forces chargées de la sécurité sous la responsabilité de l'Etat. Cela me semble parfaitement compatible avec la préservation de la libre administration des collectivités locales.
Il ne saurait être question de cloisonner les différents corps ; il faut les associer tous pour assumer la mission commune de sécurité car, lorsque celle-ci n'est pas assurée, c'est non seulement l'Etat, mais aussi le maire qui, ensemble, se trouvent placés par l'opinion sur le banc des accusés. Etat et communes sont des partenaires et sont condamnés à le rester. Soyons-en conscients dans la recherche des solutions au problème.
Enfin, la police n'est évidemment pas tout, loin de là. En effet, le problème de l'insécurité est lié à la conception de l'urbanisme, à la concentration urbaine, à l'évolution des mentalités et des moeurs et, hélas ! à la dilution de l'esprit civique auquel nous assistons d'une manière générale.
En conclusion, le texte qui nous est présenté, sous sa forme révisée par la commission des lois - ce qui n'amoindrit en rien l'initiative que vous avez prise, monsieur le ministre, ni la persévérance dont vous avez fait preuve pour nous présenter ce projet de loi -, est un texte utile. Il présente une réponse - mais pas toute la réponse - aux problèmes de sécurité, si prioritaires pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne pouvons que nous réjouir de l'arrivée en discussion de ce projet de loi, qui va enfin donner un contenu plus consistant au statut des polices municipales, mais aussi mieux définir et renforcer leur rôle.
Jusqu'à présent, l'inexistence d'un cadre juridique adéquat conduisait à une grande diversité de pratiques et à des interprétations fluctuantes pour adapter la police municipale aux évolutions de la société.
Ce texte contribue au débat sur la sécurité, mais ne nous leurrons pas : s'il peut être compris comme une avancée, grâce aux réelles améliorations proposées, il ne doit pas être considéré pour autant comme la solution à tous les problèmes de sécurité rencontrés par nos concitoyens, ni, surtout, rejeter dans l'ombre les efforts qu'il reste à consacrer en matière de prévention. Je souhaitais le dire d'entrée, pour éviter toute discussion ultérieure sur ces manquements que nous aurions commis dans notre prise en compte de la sécurité.
Après ces appréciations positives, je formulerai, monsieur le ministre, deux réserves de forme.
La première concerne le nombre élevé de renvois, dans les articles du projet de loi, à un décret en Conseil d'Etat. Plusieurs intervenants l'ont d'ailleurs déjà souligné. Aussi, j'aurais souhaité que vous vous engagiez, monsieur le ministre - mais vous l'avez déjà fait en partie - à veiller à une publication rapide de ces décrets afin qu'un éventuel retard n'entame pas l'efficacité du présent texte. Par ailleurs, il est regrettable que des dispositifs essentiels de ce texte soient ainsi pris par décret en Conseil d'Etat, car leur contenu échappe totalement, dès lors, à l'avis du Parlement.
La seconde de mes réserves concerne le recours systématique au préfet pour l'agrément des nominations, l'armement, le travail de nuit et les règlements de coordination. L'instauration de ces procédures lourdes ne risque-t-elle pas de retarder la mise en oeuvre de ce texte ?
Par ailleurs - j'y reviendrai tout à l'heure - est-il souhaitable que, par ce biais, l'action des polices municipales se trouve définie et contrôlée par le représentant de l'Etat et non par le maire ?
S'il est vrai qu'il est nécessaire d'éviter les dérives, de garantir des procédures irréprochables et de s'assurer qu'il ne se crée pas, dans certaines villes, des forces de police plus ou moins indépendantes de l'autorité de l'Etat - sans parler de l'apparition éventuelle de rivalités entre les différentes forces de police - cette suprématie du préfet, qui peut devenir de fait le patron des polices municipales dans son département, est surprenante.
Jusqu'à présent, la sécurité était une des responsabilités régaliennes de l'Etat, et elle doit le rester. Mais, à partir du moment où l'Etat n'est plus en mesure de faire face à l'insécurité sous toutes ses formes et où il confie unepartie de ses missions aux communes, via les polices municipales, il me semblerait normal que nous en tirions toutes les conséquences.
De plus en plus, par les textes législatifs et réglementaires qui se multiplient, l'Etat définit la façon dont les collectivités territoriales utilisent leurs moyens. N'est-ce pas une forme de tutelle qui s'instaure progressivement ?
S'il est indispensable qu'il y ait une bonne coordination avec la police nationale et une réelle complémentarité, je m'interroge sur ce rôle prépondérant du préfet.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que vous donnerez aux préfets des instructions très strictes pour l'application de ce texte afin qu'ils prennent leurs décisions en étroite collaboration avec les maires ?
L'amélioration de la sécurité dans nos villes passera sûrement par la recomposition des tissus sociaux, et je crois fermement que la présence de policiers municipaux, véritables « agents de proximité », activera la restauration de la confiance et des liens qui se sont distendus progressivement.
Si proximité et non-armement sont deux notions complémentaires et si un certain nombre de tâches peuvent très bien être exercées par des policiers municipaux non armés, il en va autrement de l'intervention dans les zones dites difficiles, où les bandes de délinquants sont parfois tout autant, si ce n'est plus, armées que les policiers.
Les policiers municipaux ne peuvent pas se risquer à faire régner la paix sur des territoires soumis à la loi du plus fort sans avoir les moyens de riposter en cas de besoin. Non armés, ils réduiront tout bonnement leur champ d'intervention, et l'efficacité de leur action en pâtira.
Ces policiers municipaux - et je parle en connaissance de cause, comme M. Hoeffel tout à l'heure, du fait de l'expérience très positive et ancienne de Strasbourg - recrutés sur des critères sélectifs stricts, bien formés, régulièrement entraînés et agissant en complémentarité avec la police nationale, doivent être armés en permanence. Vous savez qu'il n'y a quasiment jamais eu de bavures ! Alors pourquoi vouloir traiter la police municipale en « police de seconde main » à qui on ne pourrait pas confier d'armes ?
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. Philippe Richert. Si j'insiste autant sur la formation initiale et continue des policiers municipaux, c'est qu'elle me paraît une condition incontournable pour une bonne efficacité. Et, s'il est fondamental de les former au maniement des armes et à la déontologie, il me paraît tout aussi important de les former à l'écoute, à la pédagogie ou à la psychologie car, dans la plupart des cas, l'incivisme et les infractions mineures seront le lot commun des policiers municipaux.
Mais, de la petite à la grande délinquance, nous devons être vigilants, d'autant que la petite délinquance préfigure souvent la grande.
Rappelons qu'être citoyen c'est avoir, certes, des droits, mais également des devoirs et des obligations envers la société. Nous devons donc agir contre toutes les formes d'incivilités et d'agressions que nous subissons quotidiennement.
Sans vouloir reproduire à l'identique les expériences de « tolérance zéro » menées à New York ou encore outre-Manche, les résultats obtenus dans les deux cas doivent être relevés, même s'ils ne sont pas parfaits et méritent une analyse critique.
Devant les dérives réelles que nous connaissons et l'exaspération, voire la peur, qui sont le lot commun d'un grand nombre de nos concitoyens, nous devons réagir sans tomber dans le sécuritaire à tout prix.
C'est pourquoi il me semble que deux approches peuvent retenir notre attention.
La première concerne la mise en place d'actions « transversales ». Sur un territoire urbain, tous les acteurs du quotidien - personnels de l'éducation nationale, auxiliaires de justice, milieu associatif ainsi que policiers nationaux et municipaux - se réunissent régulièrement pour travailler ensemble et coordonner leurs actions sur le terrain. Je suis sûr que la police municipale, police de proximité, y aura toute sa place.
Par ailleurs, les horaires de service des officiers de police sont fonction des « horaires de délinquance ». Des études ont ainsi permis de délimiter précisément dans le temps les périodes de la journée pendant lesquelles les actes délinquants se produisaient et, durant ces périodes, les effectifs de police sont renforcés. C'est une question de bon sens et cela répond parfaitement aux besoins de l'offre et de la demande.
La présence policière ainsi adaptée permet de répondre plus efficacement aux actes et opère, de plus, un effet psychologique dissuasif sur les délinquants. Pourquoi ne pas s'inspirer de ces expériences ? Il paraît difficilement acceptable que des commissariats soient fermés et que des policiers soient hors service dans des quartiers sensibles où l'on sait pertinemment que, à certaines heures définies, des infractions vont être commises !
Je sais qu'il s'agit là d'un dossier délicat, monsieur le ministre, mais c'est le moment de l'aborder de façon sereine, et nous vous faisons confiance pour aller de l'avant.
Par ailleurs, nous ne pouvons que souhaiter que les règlements de coordination, avancée incontestable en matière de complémentarité entre police municipale, police nationale et gendarmerie, mettent fin à ces problèmes d'organisation et que des permanences soient assurées non seulement dans les bureaux, mais surtout sur le terrain à toute heure de la journée.
Incontestablement, ce texte, malgré ses imperfections, va dans le bon sens. Mais ne devrions-nous pas aller plus loin ?
Je me suis souvent interrogé : si les maires venaient à être responsables de la sécurité au quotidien de la cité qu'ils gèrent, en termes de prévention mais aussi de police, n'aurions-nous pas plus de mobilisation et de résultats contre ce fléau de la délinquance ? Je ne vise pas, bien sûr, les délits graves et la criminalité, qui resteraient de la compétence exclusive de l'Etat, mais les actes de malveillance qui sont aujourd'hui si fréquents, tels que les vols, les violences ou l'incivisme.
Finalement, c'est bien les maires que les administrés viennent voir lorsqu'une difficulté surgit sur le terrain et, dans bon nombre d'esprits, ils ont d'ores et déjà l'entière responsabilité des dysfonctionnements recensés.
Je terminerai mon intervention sur la question du coût des polices municipales. Ce texte peut être aussi interprété, en effet, comme un désengagement financier de l'Etat : ce dernier garde la responsabilité de la sécurité et ce sont, d'une certaine façon, les collectivités qui paient sans qu'il y ait transfert de moyens.
Pour conclure, permettez-moi de redire que, malgré ses qualités indiscutables, ce texte s'arrête un peu au milieu du gué. Il me paraît pouvoir être encore amélioré, en particulier grâce aux amendements qui seront proposés par la commission, que je tiens à remercier - son rapporteur particulièrement - de la grande qualité du travail qu'elle a accompli.
J'exprime donc le voeu que nous allions plus loin dans notre oeuvre de législateurs et je vous demande, monsieur le ministre, un engagement : pourriez-vous nous proposer, au terme d'une période d'observation de deux ou trois ans, un bilan critique de la mise en oeuvre de la loi et, le cas échéant, remettre l'ouvrage sur le métier ?
Compte tenu de ces assurances et sous réserve des amendements que nous proposera la commission des lois, je voterai, bien sûr, ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si je reconnais volontiers que le projet de loi qui nous est présenté a le mérite d'offrir un cadre juridique utile - pour ne pas dire nécessaire, mais en tout cas bienvenu - à des polices municipales dont les effectifs ont plus que doublé depuis quinze ans, je crains cependant qu'il ne réalise pas pleinement les conditions d'un partenariat équilibré entre les communes et l'Etat. En effet, ce texte contient un certain nombre de dispositions propres à renforcer de manière importante le pouvoir de l'Etat au détriment de celui des communes, alors même que - cela a déjà été dit - de récentes études concluent à un fonctionnement globalement satisfaisant des polices municipales.
Toutefois, mon intervention, qui sera brève, aura pour objet non pas de développer cet aspect du projet de loi - ce qui a d'ailleurs été fait remarquablement par les précédents orateurs - mais d'attirer l'attention sur une regrettable insuffisance dont souffre, à mes yeux, ce texte : je veux parler, en l'occurrence, de l'action menée dans les communes touristiques.
Ainsi, de nombreuses collectivités reçoivent un afflux saisonnier massif de touristes - dans certains cas seulement l'été, mais parfois aussi l'hiver - et elles ont traditionnellement recours aux services de policiers municipaux vacataires pour faire appliquer les arrêtés municipaux de police ou pour assurer la fluidité de la circulation pendant quelques mois.
Cette pratique, qui avait cours de manière très généralement satisfaisante, a été remise en cause par le décret du 24 août 1994, aux termes duquel les agents municipaux doivent avoir une formation minimale de six mois et ne peuvent être vacataires.
Le précédent ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, M. Perben, que j'avais saisi de ce problème, avait permis de trouver un début de solution en acceptant, lors de l'examen du projet de loi relatif à l'emploi dans la fonction publique, à la fin de 1996, l'amendement, déposé par l'un de nos collègues députés, qui est devenu l'article L. 412-49-1 du code des communes.
Dans cet article, il était précisé que « l'agrément mentionné à l'article précédent peut aussi être accordé à des agents titulaires de la commune, habituellement affectés à des emplois autres que ceux de la police municipale, ou non-titulaires chargés d'assister temporairement les agents de la police municipale dans les communes touristiques ».
Cet article, qui prévoyait également que les agents vacataires ne peuvent porter une arme, avait été reçu par nombre de maires des communes concernées comme une avancée positive de nature à régler un problème qui réapparaît à chaque saison estivale ou hivernale.
Or, en l'état, l'article 11 du projet de loi dont nous débattons supprime totalement ce dispositif.
En outre, lors de l'examen de ce texte devant l'Assemblée nationale, la référence aux communes touristiques, qui subsistait à l'article 5, a totalement disparu.
Dans ces conditions, il me semble inacceptable, monsieur le ministre, de laisser pour compte ces collectivités dans le domaine de la sécurité et de la police municipale, de ne pas les doter de moyens adaptés à l'ampleur des responsabilités qui sont les leurs en période touristique.
Ces collectivités ne peuvent ni supporter la charge financière que représente l'emploi permanent de policiers municipaux titulaires, ni se décharger sur la gendarmerie nationale de la surveillance de la voie publique et du maintien de la fluidité de la circulation, conditions essentielles à la qualité du séjour des résidents dans nos communes et stations, et d'un minimum de bonne organisation de la vie collective dans les communes touristiques.
Aussi, je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir prendre en compte cette situation et de veiller à ce que puisse être dégagée une solution qui soit tout à la fois conforme à l'esprit du projet de loi que nous examinons, à commencer par l'exigence de formation, et propre à répondre aux préoccupations légitimes des très nombreuses collectivités concernées.
Cela pourrait se faire, par exemple, en reprenant le principe, posé par l'article L. 412-49-1 du code des communes, d'une affectation temporaire de certains agents des collectivités, habituellement employés à d'autres tâches, à des missions de police municipale.
Voilà pourquoi j'ai tenu à demander le maintien de ces dispositions par le dépôt d'un amendement à l'article 11 du projet de loi.
Je vous remercie d'avance, monsieur le ministre, de votre réponse et du soin que vous accepterez de réserver à ma proposition.
J'ajoute, en terminant, et en m'associant aux félicitations qui ont été adressées à M. le rapporteur, que je voterai, bien entendu, ce projet tel qu'amélioré par les amendements proposés. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, étant dans l'obligation de quitter la Haute Assemblée rapidement, je répondrai brièvement - vous voudrez bien m'en excuser - à ceux qui se sont exprimés à la tribune, étant entendu que nous aurons l'occasion de revenir sur tous les sujets abordés demain lors de la discussion des articles.
Je tiens, tout d'abord, à mon tour, à rendre hommage au travail solide, sérieux et constructif du rapporteur. Bien entendu, nous ne sommes pas d'accord sur tous les points, mais nous avons une base pour engager un débat de qualité, dépassionné pour ce qui est de l'affrontement politicien et qui devrait permettre d'aller au fond des choses.
La compétence en matière de sécurité appartient toujours, en dernier ressort, à l'Etat. Il ne peut en être autrement. Par conséquent, il faut bien clarifier le statut des polices municipales et encadrer ce qui est d'ores et déjà très largement un état de fait reposant sur des bases juridiques fragiles.
C'est la raison pour laquelle j'ai estimé, comme d'ailleurs presque tous mes prédécesseurs, que ce texte était nécessaire.
Ce projet de loi s'insère dans un ensemble de textes - sur la sécurité, sur le gardiennage - et de mesures - contrats locaux de sécurité - consécutifs au colloque de Villepinte.
Il n'y a pas, me semble-t-il, de désaccords majeurs entre nous. On peut, bien entendu, essayer de ressusciter la querelle - assez théologique, du reste - sur l'armement. J'y reviendrai tout à l'heure. Ce débat devrait pouvoir être assez facilement désarmorcé, si je puis dire. En effet, un principe est posé par le projet de loi, celui du non-armement ; mais, aussitôt après, pour des missions particulières, dès lors qu'elles sont précisées dans un règlement de coordination, des dérogations sont prévues.
D'ailleurs, les faits sont là : 37 % des policiers municipaux sont armés, ce qui signifie que 63 % ne le sont pas ! Dès lors, où faut-il mettre le principe, où faut-il mettre les dérogations ?
L'observation de la réalité nous conduit à poser comme principe le non-armement, tout en tolérant, naturellement, des dérogations qui correspondent à des habitudes déjà prises.
Mais, dépassons l'habitude : c'est dans le cadre de la définition des missions, du règlement de coordination, que, naturellement, dès lors que la mission impliquera l'armement, cet armement pourra être plus précisément prévu.
Je relève que, sur de nombreux points, la commission est revenue au texte initial. Je pense, entre autres, au relevé d'identité, à la redevance versée au CNFPT, à la coordination des moyens au niveau de plusieurs communes.
Il y a aussi quelques divergences. Outre celles qui portent sur l'armement, j'ai entendu dire que le projet était trop centralisateur. De ce point de vue, MM. Peyronnet et Duffour, que je remercie de leur soutien, ont clairement montré qu'il n'était pas possible de revendiquer à la fois la place de l'Etat comme garant en dernier ressort de la sécurité et de retirer toute compétence aux préfets, non pas, bien évidemment, pour gérer les corps de police municipale - il ne s'agit pas de cela - mais pour définir avec le maire, au départ, le cadre de leurs activités et les modalités de rapprochement avec la police nationale.
Faut-il renoncer à l'agrément du préfet ? On a dit que l'extension des compétences des agents de police municipale concernait surtout la police judiciaire. Je ne le crois pas, car, ce qui est en cause, ici, c'est la mission de prévention des polices municipales, c'est leur rôle en matière de sécurité de proximité, la contribution qu'elles peuvent apporter à l'îlotage. Comme l'a d'ailleurs très bien dit M. Eckenspieller, mon voisin de Mulhouse, la police municipale est là pour surveiller, pour être présente sur le terrain, pour rassurer.
Faut-il un règlement de coordination ou une convention ? Cette discussion aurait certainement passionné Byzance en 1453 ; c'étaient d'ailleurs des gens remarquables, qui oubliaient peut-être ce qui se passait autour d'eux, mais dont les discussions ne devaient pas manquer d'intérêt !
Très franchement, le Gouvernement et l'Assemblée nationale ont préféré le règlement. Pourquoi ? D'abord, le règlement a pour lui la durée. Il est établi pour une situation donnée et non pas en fonction de telle ou telle personnalité. Le règlement type n'a pas vocation à intervenir dans le détail des situations qui relèvent d'une appréciation locale, j'ai eu l'occasion de le dire ; il doit définir des rubriques. La commission des lois a, je crois, repris cette idée.
J'en profite pour dire que les décrets resteront, naturellement, dans l'esprit de la loi : encadrer et non pas régir.
S'agissant de l'armement, on me permettra une simple réflexion : on ne peut confier des armes à la légère. Pourquoi faudrait-il être moins circonspect pour les policiers municipaux que pour les autres détenteurs d'armes ? Le projet se borne à évoquer un règlement de coordination ; c'est bien le moins pour éviter le risque de face-à-face inattendus !
Il y a tellement d'armes qui traînent qu'il faut tout de même bien un règlement qui prévoit les conditions dans lesquelles on les met en sécurité !
Franchement, M. Demuynck m'a paru beaucoup plus idéologue que moi ! Pour ma part, j'estime que ce problème peut être traité de manière très dépassionnée.
MM. Othily et Hyest se sont préoccupés de l'application de la loi aux départements d'outre-mer, notamment à la Guyane, et aux territoires d'outre-mer, notamment aux communes polynésiennes. Cet aspect du problème n'a pas échappé au Gouvernement. D'ailleurs, la création de nouvelles communes a été présentée récemment au conseil des ministres par M. Queyranne. Le Gouvernement n'a donc pas oublié les départements et les territoires d'outre-mer. Compte tenu du statut spécifique de ces derniers, des dispositions très similaires à celles qui figurent dans ce projet de loi seront incluses dans le texte en cours d'élaboration au secrétariat d'Etat à l'outre-mer.
Certes, je suis conscient du nombre important de décrets d'application. Mais cela n'est pas mon fait. C'est l'application de la Constitution, qui prévoit, en ses articles 34 et 37, l'exercice d'un large pouvoir réglementaire.
Je ne souhaite pas que l'on oppose les polices municipales à la police nationale. Bien entendu, certains d'entre vous ont évoqué des oppositions rémanentes. En fait, il faut prendre du champ et voir en quoi la police nationale et les polices municipales peuvent être complémentaires sur le terrain.
A mes yeux, ce projet est excellent, car il permettra de clarifier les choses.
Certes, des dérapages se produisent parfois çà et là. Mais quelle est l'institution qui fonctionne sans dérapages ? Il nous appartient, précisément, de répartir clairement les rôles, les responsabilités, afin d'éviter toutes les déviations.
A cet égard, je tiens d'ailleurs à dire à M. Duffour que ses craintes quant au développement des polices municipales me paraissent injustifiées, dès lors que, précisément, les rôles auront été bien définis.
Quant à M. Eckenspieller, il craint les transferts de charges ! Comme quoi il peut arriver que les préoccupations de MM. Eckenspieller et Duffour se rejoignent !
Pour le reste, je suis assez d'accord avec certaines propositions qui ont été évoquées, et qui reviennent parfois sur des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale en première lecture : le seuil à cinq agents.
En revanche, je ne crois pas, monsieur le rapporteur, qu'il soit nécessaire de mentionner le cadre A. Rien n'empêche de rattacher une police municipale à un secrétaire général ou à un cadre de la ville qui appartient à la catégorie A.
Comme l'a dit M. Peyronnet, ce projet est équilibré. C'est un projet de bon sens. La tonalité générale des interventions l'a d'ailleurs montré. M. Balarello lui-même a déclaré souscrire à ses objectifs. Peut-être aurons-nous quelques divergences sur les points d'application.
M. Hoeffel a bien voulu considérer qu'il s'agissait d'un texte utile, tout en faisant valoir qu'il ne répondait pas à tous les problèmes de sécurité. Certes non, monsieur le sénateur, on ne saurait y répondre à travers ce seul projet.
Toutefois, après une dizaine d'années au cours desquelles nous avons eu à connaître de propositions plus ou moins avortées, ce texte va poser, enfin, des bases claires, stables, qui conforteront, d'une certaine manière, les polices municipales et préciseront leur rôle. Nous aurons ainsi fait oeuvre utile, au-delà des oppositions qui, par ailleurs, peuvent être légitimes.
Je suis d'accord avec M. Richert pour que, dans deux ou trois ans, un bilan soit fait de l'application et des conditions d'application de ce texte.
La commission consultative des polices municipales associera des maires - probablement comprendra-t-elle des sénateurs - ou des représentants des maires, des adjoints, par exemple. (Sourires.)
M. Serge Vinçon. Le premier adjoint au maire !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. On verra ! Je ne veux pas m'avancer sur un terrain trop glissant...
Mais nous aurons l'occasion de reparler de tout cela demain lors de la discussion des articles.
J'ai écouté avec attention tous les intervenants et je tiens à les remercier tous pour leur ton posé et le sérieux de leurs interventions. Ils ont fourni l'exemple d'un débat dépassionné, au bon sens du terme, mais au service de l'intérêt public.
MM. Serge Vinçon et Christian Demuynck. C'est le Sénat !
M. le président. Monsieur le ministre, les sénateurs sont sensibles à vos remerciements et vous sont gré d'avoir répondu, fût-ce brièvement, à leurs interventions.
La suite de la discussion du projet de loi est renvoyée à la prochaine séance.

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ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein d'un organisme extraparlementaire.
En conséquence, j'invite la commission des finances et la commission des lois à présenter chacune deux candidats appelés à siéger, l'un en qualité de titulaire, l'autre en qualité de suppléant, au sein du comité des finances locales.
Les nominations des sénateurs appelés à siéger au sein de cet organisme extraparlementaire auront lieu ultérieurement dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.

7

TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 464, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

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DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. Bernard Joly une proposition de loi visant à généraliser l'interdiction des candidatures multiples aux élections.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 465, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par la règlement.

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TRANSMISSION DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'acquisition et à la détention des armes à feu.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 468, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 469, distribuée et renvoyée à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.10

DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président. J'ai reçu de M. Nicolas About, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi instituant une commission consultative du secret de la défense nationale.
Le rapport sera imprimé sous le n° 467 et distribué.

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DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de MM. Marcel Deneux et Jean-Paul Emorine un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan par la mission d'information chargée, en application de l'article 21 du règlement, d'étudier l'avenir de la réforme de la politique agricole commune.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 466 et distribué.

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ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 3 juin 1998, à quinze heures et le soir.
Suite de la discussion du projet de loi (n° 414, 1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux polices municipales.
Rapport (n° 455, 1997-1998) de M. Jean-Paul Delevoye, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Aucun amendement n'est plus recevable.

Délai limite pour les inscriptions de parole
dans la discussion générale
et pour le dépôt des amendements

Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à l'élimination des mines antipersonnel (n° 410, 1997-1998).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 3 juin 1998, à dix-sept heures.
Projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à l'application de la convention du 13 janvier 1993 sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction (n° 405, 1997-1998).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 3 juin 1998, à dix-sept heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions (n° 445, 1997-1998).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 8 juin 1998, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 9 juin 1998, à douze heures.
La séance est levée.
Personne ne demande la parole ?...

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Nuisances sonores causées
par le TGV Paris-Lyon

298. - 2 juin 1998. - M. Jean Pépin appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les importantes nuisances sonores que subissent les habitants de la commune de Grièges, riverains de la ligne SNCF Paris-Lyon sur laquelle circulent les trains à grande vitesse. La mise en place d'aménagement de type écrans antibruit permettrait d'atténuer de manière considérable ces incommodités. En conséquence, il lui demande s'il entend proposer une adaptation en ce sens de la ligne à grande vitesse Paris-Lyon, sur le territoire de la commune de Grièges.