Séance du 2 juin 1998
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Questions orales
(p.
1
).
CRÉATION D'UN REVENU MINIMUM
À WALLIS-ET-FUTUNA (p.
2
)
Question de M. Basile Tui. - MM. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé ; Basile Tui.
AVENIR DES ÉCOLES DE PUÉRICULTURE (p. 3 )
Question de Mme Nicole Borvo. - M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé ; Mme Nicole Borvo.
RÉCUPÉRATION DE TVA PAR LES COMMUNES
SUR LES INVESTISSEMENTS IMMOBILIERS RÉALISÉS
EN FAVEUR DES PME (p.
4
)
Question de M. Jacques de Menou. - MM. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé ; Jacques de Menou.
AVENIR DE l'ENSEIGNEMENT MARITIME (p. 5 )
Question de M. Alain Gérard. - MM. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé ; Alain Gérard.
AVENIR DE LA POLITIQUE DES « PAYS » (p. 6 )
Question de M. Georges Mouly. - Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; M. Georges Mouly.
AVENIR DE LA SOCIÉTÉ ÉCO-EMBALLAGES (p. 7 )
Question de M. Christian Demuynck. - Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; M. Christian Demuynck.
AVENIR DU THÉÂTRE DES AMANDIERS DE NANTERRE (p. 8 )
Question de M. Michel Duffour. - Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication ; M. Michel Duffour.
FORCES DE SÉCURITÉ PUBLIQUE
DANS LE DÉPARTEMENT DE L'HÉRAULT (p.
9
)
Question de M. Gérard Delfau. - Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication ; M. Gérard Delfau.
RESPECT DES DROITS DE L'HOMME (p. 10 )
Question de M. Franck Sérusclat. - MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie ; Franck Sérusclat.
ENSEIGNEMENT DES SCIENCES ET TECHNIQUES
DES ACTIVITÉS PHYSIQUES ET SPORTIVES (p.
11
)
Question de M. Marcel Lesbros. - MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie ; Marcel Lesbros.
Suspension et reprise de la séance (p. 12 )
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
3.
Polices municipales.
- Discussion d'un projet de loi (p.
13
).
Discussion générale : M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
MM. Jean-Paul Delevoye, rapporteur de la commission des lois ; Jean-Claude
Peyronnet, Georges Othily.
4.
Souhaits de bienvenue à une délégation de sénateurs espagnols
(p.
14
).
5.
Polices municipales.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
15
).
Discussion générale
(suite)
: MM. Michel Duffour, Daniel Eckenspieller,
Jean-Jacques Hyest, José Balarello, André Vallet, Christian Demuynck, Daniel
Hoeffel, Philippe Richert, Jean-Paul Amoudry.
Clôture de la discussion générale.
MM. le ministre, le président.
6.
Organisme extraparlementaire
(p.
16
).
7.
Transmission d'un projet de loi
(p.
17
).
8.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
18
).
9.
Transmission de propositions de loi
(p.
19
).
10.
Dépôt d'un rapport
(p.
20
).
11.
Dépôt d'un rapport d'information
(p.
21
).
12.
Ordre du jour
(p.
22
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures trente.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
QUESTIONS ORALES
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales sans débat.
CRÉATION D'UN REVENU MINIMUM
À WALLIS-ET-FUTUNA
M. le président.
Avant de donner la parole à M. Tui, auteur de la question n° 264, adressée à
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité, je tiens à saluer sa première
intervention devant la Haute Assemblée.
M. Basile Tui.
Je vous remercie, monsieur le président, de ce propos de bienvenue.
Si les problèmes qui se posent de nos jours sont universels, il est cependant
des endroits où ils sont ressentis avec une toute singulière intensité, surtout
quand on cherche, sans grand succès, des solutions pour y remédier. Tel est le
cas à Wallis-et-Futuna.
J'ai souhaité attirer l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la
solidarité sur les difficultés que rencontre actuellement la majeure partie de
la population du territoire de Wallis-et-Futuna. En effet, de nombreux foyers,
qui représentent environ 80 % des habitants du territoire, ne disposent
d'aucune ressource financière fixe et se trouvent donc réduits à vivre d'une
autosubsistance irrégulière et insuffisante.
Les petits producteurs ne peuvent commercialiser de façon régulière leur
production et sont donc dans l'impossibilité de faire face à des charges
inhérentes à la vie quotidienne, telles que de simples factures d'eau et
d'électricité.
En outre, les familles connaissent de réelles difficultés pour faire face à
certains frais liés à la scolarisation de leurs enfants, notamment aux frais
d'habillement.
Des efforts ont été entrepris au niveau local, telle la création du fonds
d'aide au développement économique et social, le FADES, et du code territorial
des investissements, le CTI, prévoyant des aides au promoteur qui, dans le
cadre de son projet, crée réellement de nouveaux emplois. Devant l'ampleur du
problème, ces mesures demeurent cependant nettement insuffisantes.
Par ailleurs, l'Etat, à travers les crédits des chantiers de développement,
offre une possibilité à des jeunes d'effectuer vingt heures par semaine de
travaux, sous forme de contrat à durée déterminée.
On peut regretter cependant que ces crédits n'aient pu être maintenus à leur
niveau promis en 1995, c'est-à-dire 6 millions de francs par an en deux
versements de 3 millions de francs chacun : ils ont en effet été anormalement
diminués cette année de 795 000 francs ; c'est autant de contrats de travail
supprimés et, par conséquent, autant de jeunes abandonnés au désoeuvrement.
J'appelle donc l'attention du Gouvernement sur la fracture sociale qui
s'aggrave d'année en année dans le territoire, opposant ces foyers sans revenu
à ceux qui perçoivent des salaires. Je tiens d'ailleurs à préciser que cette
situation de paupérisation pourrait rapidement devenir explosive si aucune
mesure adéquate n'était prise à court terme pour y remédier.
Je souhaite donc savoir si le Gouvernement envisage prochainement la création
d'un revenu minimum de subsistance spécifique, à l'instar du revenu minimum
d'insertion existant en métropole, ou du revenu minimum de croissance mis en
place en Nouvelle-Calédonie.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé.
Monsieur le sénateur, je suis très heureux
de vous répondre à l'occasion de votre première intervention devant le
Sénat.
Je vous ai écouté avec émotion, après avoir lu votre question avec beaucoup
d'attention.
Comme vous le savez, l'article 12 de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961
confère aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d'outre-mer ; à ce
titre, la protection sociale et l'aide sociale relèvent de la compétence de
l'Assemblée territoriale.
Par conséquent, tout dispositif tel que celui que vous proposez doit se faire
dans le cadre de la loi de juillet 1961 et dans le respect de l'organisation
sociale du territoire qui repose beaucoup sur le droit coutumier.
Pour autant, l'Etat n'est pas sans prendre en compte la spécificité du
territoire, et vous avez d'ailleurs rappelé à cet égard certaines dispositions
qui pèsent lourd sur le budget, monsieur le sénateur : l'Etat apporte en effet
son concours, dans le cadre conventionnel, au financement de l'aide sociale, à
hauteur de 7,6 millions de francs par an, dont 6,9 millions de francs versés
par le ministère de l'emploi et de la solidarité et 0,7 million de francs versé
par le secrétariat d'Etat à l'outre-mer.
Cette intervention vise trois domaines : tout d'abord, l'aide aux personnes
âgées ne bénéficiant pas du régime local de retraite, pour un montant de 5
millions de francs qui devrait être augmenté du fait de la renégociation de la
convention de 1992 ; par ailleurs, le versement de prestations familiales aux
familles non salariées, à hauteur de 2,2 millions de francs au titre de l'aide
sociale à l'enfance ; enfin, l'aide aux handicapés, pour un montant de 0,4
million de francs.
En outre, l'Etat participe - vous l'avez dit, monsieur le sénateur - pour 4,4
millions de francs par an au financement des chantiers de développement qui
sont assimilables à des contrats emploi-solidarité locaux.
J'ai donc le regret de vous dire, monsieur le sénateur, que, au regard des
éléments que je viens de vous rappeler, le Gouvernement n'envisage pas la
création d'un revenu minimum à Wallis-et-Futuna.
M. Basile Tui.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Tui.
M. Basile Tui.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie infiniment de votre réponse.
Vous venez de rappeler les conditions dans lesquelles le territoire de
Wallis-et-Futuna bénéficie de l'intervention de l'Etat.
Si je me suis permis d'évoquer ces problèmes auxquels la population fait face
quotidiennement, c'est tout simplement parce que, compte tenu des problèmes
accumulés et de l'importance des besoins, les mesures prises se sont révélées
nettement insuffisantes.
Nous nous demandons toujours pourquoi un territoire de quelques centaines de
kilomètres seulement, dont le sous-sol est dépourvu de toute ressource
naturelle, ne bénéficie pas des mêmes aides que la Nouvelle-Calédonie, pourtant
beaucoup plus riche.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je maintiens donc ma demande, en espérant que
l'Etat, avec toute la sollicitude dont il sait faire preuve, considérera
différemment les problèmes spécifiques de ces gens bien démunis.
AVENIR DES ÉCOLES DE PUÉRICULTURE
M. le président.
La parole est à Mme Borvo, auteur de la question n° 275, adressée à M. le
secrétaire d'Etat à la santé.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le secrétaire d'Etat, les puéricultrices diplômées d'Etat assument
des responsabilités importantes - elles vont d'ailleurs croissantes en matière
de soins, d'éducation, de relation et de gestion dans des secteurs de plus en
plus diversifiés, pour répondre aux besoins de santé de l'enfant, de la
naissance à l'adolescence, dans sa famille, en milieu hospitalier ou dans les
structures d'accueil.
Pourtant, certaines écoles de puéricultrices ne forment pas actuellement
suffisamment de professionnelles pour satisfaire les besoins locaux, alors que
l'augmentation potentielle des besoins apparaît au travers de la circulaire du
5 janvier 1995, stipulant « l'affectation prioritaire des puéricultrices dans
les services de pédiatrie et de maternité ».
La baisse constante des subventions d'Etat attribuées par le ministère de la
santé met en danger les écoles de puéricultrices et a pour conséquence une
inégalité d'accès à la formation ainsi qu'une diminution du nombre des
candidats.
Depuis 1996, la DRASS, la direction régionale des affaires sanitaires et
sociales, attribue par élève et par an 4 500 francs au secteur public et 7 500
francs au secteur privé, soit une moyenne de quelque 6 000 francs par élève.
L'inégalité de cette répartition de la subvention s'est encore accrue en 1997
et s'établit entre 2 160 francs et 4 500 francs pour le secteur public et entre
4 500 francs et 9 400 francs pour le secteur privé.
Le désengagement de l'Etat a pour conséquence la mise en place de frais de
scolarité variant, selon les statuts des écoles, de 2 500 francs à 27 000
francs pour les écoles avec un support hospitalier et de 11 000 francs à 24 500
francs pour les écoles sans support hospitalier et le développement de la
formation continue.
Cette situation a pour effet une inégalité d'accès à la formation, une
diminution du nombre de candidats, donc de diplômes, ainsi qu'un déplacement
des activités des écoles vers des actions lucratives de formation continue, au
détriment de la formation initiale, mission première des écoles de
puéricultrices, selon nous.
Dans le même temps, on constate une diminution constante des aides financières
aux professionnelles en formation par les organismes collecteurs et les
employeurs.
Assurer la gratuité des études de puéricultrices et créer des postes
supplémentaires en engageant les financements d'Etat nécessaires à cela ne
seraient que justice envers ces écoles et leurs élèves qui préparent des
diplômes d'Etat. Ce serait aussi une contribution à l'atteinte des objectifs
ambitieux du Gouvernement en matière de santé publique et de prévention.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé.
Madame le sénateur, la formation de
puéricultrice, qui complète celle d'infirmière ou de sage-femme, a été mise en
place de longue date afin de répondre à la spécificité des soins à donner aux
jeunes enfants. Cette formation, d'une durée d'un an, dispensée dans plus de
trente écoles, a été récemment aménagée pour faciliter son suivi par les
professionnels en exercice sur une durée maximale de trois mois.
Cette spécialité fait de la puéricultrice une experte contribuant à
promouvoir, à maintenir ou à restaurer la santé de l'enfant dans son lieu de
vie habituel, dans les établissements hospitaliers ou dans n'importe quelle
structure d'accueil. La puéricultrice dispose, en outre, d'une compétence en
matière de prévention mise à profit dans les services de protection maternelle
et infantile.
Pour assurer cette formation, dont le coût moyen a été estimé, en 1995, par
l'inspection générale des affaires sociales à 36 000 francs - pardonnez-moi de
le rappeler - les écoles de puéricultrices perçoivent des subventions versées
par l'Etat.
Au titre de l'exercice 1997, les subventions allouées par l'Etat à ces écoles,
comme à toutes les structures de formation de professionnels paramédicaux,
avaient effectivement été réduites dans le cadre des mesures de régulation
budgétaire prises en cours d'année.
En revanche, la loi de finances adoptée par le Parlement en 1998 reconduit les
crédits votés en 1997. Cela correspond, en fait, à une augmentation puisque les
crédits effectivement disponibles en 1997 étaient très inférieurs aux crédits
votés dans la loi de finances initiale.
Les écoles de puéricultrices ont d'ores et déjà reçu un premier mandatement
représentant 95 % de la subvention qui leur a été attribué en 1997, ce qui a dû
atténuer - en tout cas, je l'espère - les difficultés de trésorerie qu'elles
ont effectivement connues l'an dernier.
Par ailleurs, la réflexion menée actuellement sur le financement de l'appareil
de formation devrait aboutir à des mesures destinées à améliorer à court, à
moyen, voire à long terme, leur moyens de fonctionnement.
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le secrétaire d'Etat, comme vous le savez sans doute, depuis trois
ans, le comité d'entente des écoles de puéricultrices poursuit un travail de
réactualisation du programme d'études au regard des nouvelles problématiques de
santé comme les naissances à risques liées à la prématurité et à la
vulnérabilité des mères, la fréquence d'accidents chez les jeunes enfants, les
conduites à risques chez les adolescents et la difficulté d'accès aux soins des
populations en situation de précarité.
Tous ces aspects ont été pris en compte lors de la Conférence nationale de
santé, où ont été déclarés « enjeu capital de santé publique le renforcement de
la prévention et la promotion de la santé des enfants, des adolescents et des
jeunes. ». Je sais que vous y êtes, tout comme moi, particulièrement
attaché.
Dans cette perspective, le comité d'entente vient d'élaborer un référentiel «
métier-compétences de la puéricultrice » qui me semble s'inscrire totalement
dans les axes de la politique de santé définis par le Gouvernement.
Pourtant, les élèves supportent des frais de formation de plus en plus
élevés.
Par ailleurs, je crois savoir qu'en 1994 les offres d'emploi émanant des
seules structures extra-hospitalières d'Ile-de-France étaient supérieures au
nombre de diplômées puisque l'on comptait 235 offres d'emploi pour 171
puéricultrices diplômées.
Cela pénalise les services en manque de personnel compétent et pose le
problème de l'adéquation entre les objectifs de la politique de santé, que je
partage, et la mise en oeuvre de cette politique.
Je vous saurais donc gré, monsieur le secrétaire d'Etat, de tout faire pour
qu'une réponse satisfaisante soit apportée à la demande des puéricultrices.
RÉCUPÉRATION DE TVA PAR LES COMMUNES SUR LES INVESTISSEMENTS IMMOBILIERS
RÉALISÉS EN FAVEUR DES PME
M. le président.
La parole est à M. de Menou, auteur de la question n° 267, adressée à M. le
secrétaire d'Etat au budget.
M. Jacques de Menou.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le problème que je soulève aujourd'hui concerne
le montant des loyers que peuvent percevoir les communes, communautés de
communes ou syndicats intercommunaux à vocation multiple, les SIVOM, sur les
investissements immobiliers qu'ils réalisent en faveur du commerce rural ou des
PME-PMI.
Le cas précis d'une commune du Finistère ayant acquis un immeuble pour le
rénover et y installer un commerce de proximité illustre ces abus. L'opération
a bénéficié d'une aide du conseil général, de l'Europe, de la région et du
fonds d'intervention pour la sauvegarde, la transmission et la restructuration
des activités commerciales et artisanales, le FISAC, l'aide en fonctionnement
de ce fonds prévoyant une réduction de loyer pendant trois ans à condition
qu'un effort comparable soit accompli par la commune.
Or, la direction des services fiscaux conteste aujourd'hui ce dispositif. Elle
estime que le loyer normal doit être au moins égal à 4 % de la valeur brute de
l'investissement total.
Cette position me paraît inacceptable, dès lors que l'administration
conditionne le remboursement de la TVA payée par la commune à la réévaluation
fictive du loyer et demande donc à la commune de verser la TVA sur cette base
fictive.
Il serait normal que le calcul de l'administration fiscale se fasse sur le
coût net de l'investissement par la commune - coût total de l'investissement
diminué des subventions reçues - et que les aides ainsi accordées aux communes
viennent en diminution réelle des charges de loyer facturées par elles aux
locataires, qui, en toute logique, doivent être, en tant que PME, PMI et petits
commerces, les principaux bénéficiaires de ce dispositif. C'est d'ailleurs
l'objet du FISAC de donner une subvention de fonctionnement pour faire baisser
le prix du loyer, en demandant à la commune d'en faire autant.
A l'heure où l'aménagement du territoire est prôné comme une priorité et où
les efforts pour dynamiser les communes rurales par des commerces relais et des
bâtiments industriels pour recevoir les PME se concrétisent grâce à des aides
européennes, régionales, départementales, voire de la dotation au développement
rural, la DDR, et du FISAC, dont l'objet est précisément de faire diminuer les
loyers, il semble injuste de pénaliser financièrement ces communes par des
mécanismes fiscaux qui me paraissent pour le moins inadaptés.
Je signale, en outre, qu'au regard des règlements européens qui, avec raison,
se préoccupent de la juste concurrence et des systèmes d'aides excessifs qui
faussent les lois de la concurrence, la règle
de minimis
s'applique en
l'espèce. Il s'agit en effet de petits commerces ruraux ou de petites PME dont
l'influence à l'échelon de la concurrence européenne est inexistante. La règle
de minimis
leur permet donc d'échapper aux contraintes européennes et
vous laisse, monsieur le secrétaire d'Etat, pleine liberté d'appréciation sur
ce dossier très important pour l'économie du monde rural.
J'ajoute que, le 7 novembre dernier, j'avais saisi de ce problème Mme
Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce
et à l'artisanat, que je connais fort bien puisqu'elle habite dans une ville
près de chez moi. Elle m'a indiqué qu'elle en saisirait M. Sautter le plus
rapidement possible. Le 30 janvier, M. Sautter m'a écrit en m'informant qu'il y
réfléchissait, qu'il examinait la question.
J'espère qu'aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat, vous pourrez me donner
cette réponse qu'attendent avec impatience les maires concernés.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé.
Monsieur le sénateur, je ne veux pas
m'immiscer dans le dialogue qui s'est engagé entre Mme Lebranchu et M.
Sautter.
Vous avez adressé votre question à M. le secrétaire d'Etat au budget, qui,
tenu de participer, ce matin, à une réunion, m'a prié de vous transmettre la
réponse suivante.
Le Gouvernement est particulièrement sensible aux questions d'aménagement du
territoire et aux efforts faits pour dynamiser les communes rurales. Tel est le
principe.
Mais vous comprendrez, monsieur le sénateur, que la taxe sur la valeur ajoutée
ne puisse pas être utilisée comme un moyen de subventionner les communes. Il
s'agit d'un impôt, qui, par définition, doit se traduire par des recettes pour
l'Etat et qui, de surcroît, obéit à des règles harmonisées par des directives
européennes, même si, en l'occurrence, vous l'avez signalé, la concurrence
s'exerce peu.
Or, l'un des principes fondamentaux de cet impôt, c'est que les recettes
soumises à la taxe incluent le coût des dépenses, et notamment des
investissements. Cette règle est essentielle pour les finances publiques, et
elle s'applique à tous les redevables sans distinction.
Pour les locations d'immeubles, il est admis que cette condition est remplie
si le loyer est au moins égal à 4 % du prix de revient de l'immeuble.
Mais il est vrai que, lorsque l'immeuble a été financé en grande partie par
des subventions, ce qui est généralement le cas pour les communes rurales, les
loyers sont souvent inférieurs à ce seuil de 4 %.
Aussi, pour que les collectivités locales qui sont placées dans cette
situation puissent néanmoins bénéficier de la déduction intégrale de la taxe
sur la valeur ajoutée supportée au titre de l'investissement, une règle
particulière a été mise en place.
La commune acquitte un montant de taxe sur la valeur ajoutée calculé sur une
base égale à 4 % du prix de revient même si le loyer est inférieur. En
contrepartie, elle peut déduire immédiatement l'intégralité de la taxe sur la
valeur ajoutée afférente à l'investissement.
J'espère, monsieur le sénateur, que cette disposition répond en grande partie,
sinon complètement, à votre préoccupation.
M. Jacques de Menou.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. de Menou.
M. Jacques de Menou.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de la clarté de votre
réponse, qui, malheureusement, ne fait que confirmer la position du fisc.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Eh oui !
M. Jacques de Menou.
Je ne puis que regretter que le fisc réalise des profits sur les aides que
nous accordons aux communes. Ce n'est pas normal.
M. le secrétaire d'Etat au budget fait valoir que la TVA n'est pas un moyen de
subvention. C'est vrai, mais en fonction du taux appliqué au loyer la TVA sera
remboursée plus ou moins vite. Or, il m'apparaît que, pour les communes de 300,
500, voire 1 000 habitants, qui consentent de gros efforts pour maintenir une
vie économique, le fisc pourrait accepter un délai de remboursement plus long
que pour les communes qui ne produisent pas ces efforts.
Je suis donc en total désaccord avec la réponse de M. le secrétaire d'Etat au
budget. Il faudra revoir cette question, car cette disposition est très mal
ressentie par les communes concernées, qui ne comprennent pas qu'on se fonde
sur un bail fictif, sur lequel on calcule une TVA fictive qui permet au fisc
d'être remboursé plus vite. Encore une fois, ce n'est pas normal.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Je transmettrai, naturellement, ces observations à M.
le secrétaire d'Etat au budget.
AVENIR DE L'ENSEIGNEMENT MARITIME
M. le président.
La parole est à M. Gérard, auteur de la question n° 261, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Alain Gérard.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'appelle l'attention de M. le ministre de
l'équipement, des transports et du logement sur le débat qui anime aujourd'hui
le monde de la mer, et plus particulièrement sur les questions liées à
l'enseignement maritime.
Je rappelle à M. le ministre qu'au moment où le pays tout entier réfléchit à
la mise en place d'une politique d'aménagement du territoire équilibrée, où la
concurrence internationale dans le secteur maritime ne cesse de se préciser, il
est impératif d'élaborer une politique maritime ambitieuse pour notre pays.
Dans ce contexte, nul ne peut en effet rester indifférent au cri d'alarme
lancé par les professionnels de la mer, qui s'inquiètent du désintérêt
grandissant des jeunes pour ces professions. Depuis quelques années, en effet,
l'image du métier de pêcheur s'est ternie. Je préconise d'en rechercher les
causes, si l'on ne veut pas voir disparaître de notre économie un savoir-faire
que nous envient nos voisins.
Concernant l'enseignement maritime proprement dit, M. le ministre de
l'équipement, des transports et du logement s'étant récemment exprimé sur le
passage des écoles maritimes sous statut de la fonction publique, je lui
demande quel sens il entend donner à ce rattachement et si de telles
orientations annoncent une dépendance à un autre ministère.
Par conséquent, je lui demande s'il est en mesure d'apporter des réponses aux
inquiétudes des professionnels de la mer et de préciser ses intentions
concernant l'avenir de l'enseignement maritime.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé.
Monsieur le sénateur, je vous prie
d'excuser M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement, qui,
retenu ce matin par une réunion du comité de sécurité intérieure, m'a chargé de
vous transmettre la réponse suivante.
La vocation maritime de la France étant toujours aussi forte, il est tout à
fait normal - je dirai même excellent - qu'il y ait dans notre pays un vivier
très important de jeunes attirés par les métiers de la mer.
Pour répondre à cette légitime aspiration autant qu'aux nécessités du
développement économique, il est nécessaire de leur offrir un système de
formation performant, répondant aux besoins et leur permettant de trouver un
emploi dans le monde maritime.
La politique maritime de la France doit tenir compte de deux impératifs.
Il s'agit, tout d'abord, de respecter les conventions internationales adoptées
sous l'égide de l'Organisation maritime internationale, qui définissent les
normes de formation, garantissent la sécurité des personnes et des biens et la
sauvegarde de l'environnement.
Il s'agit, aussi et bien évidemment, de satisfaire dans les meilleurs
conditions les besoins économiques et ceux de la profession.
L'aptitude du marin français à naviguer à l'étranger et, réciproquement, du
marin étranger à naviguer en France, tant à la pêche qu'au commerce, impose de
respecter ces normes internationales, qui constituent le bien commun du monde
maritime.
Le monde de la mer est unique et il a pour acteur principal un homme : le
marin.
Le souhait du marin est de naviguer tantôt au commerce, tantôt à la pêche.
C'est pourquoi les services des affaires maritimes, qui font partie intégrante
du ministère de l'équipement, des transports et du logement, oeuvrent pour
réformer les cursus de l'enseignement maritime secondaire et supérieur et pour
l'adapter aux exigences d'aujourd'hui.
Nos écoles ont accueilli des jeunes de plus en plus nombreux. Dans les écoles
maritimes et aquacoles, les EMA, ils sont passés de 1 200 en 1994 à 2 100 en
1998. Dans les écoles nationales de la marine marchande, les ENMM, la
progression annuelle a été de 20 % depuis deux ans et sera de 25 % à la
prochaine rentrée.
Le service public de l'enseignement maritime comporte aujourd'hui des
personnels sous statut privé qui ont exprimé le désir d'obtenir un statut
public.
Lors du dernier comité interministériel de la mer qui s'est tenu le 1er avril
dernier, le Gouvernement a décidé d'intégrer l'enseignement maritime et
aquacole dans l'enseignement public afin d'améliorer encore le fonctionnement
de l'enseignement maritime et aquacole.
Le Premier ministre a confirmé le ministre de l'équipement comme interlocuteur
unique pour la conduite des discussions interministérielles sur l'élaboration
des statuts de rattachement de ces personnels.
Avec les autres ministères directement concernés, celui de l'agriculture et de
la pêche et celui de l'éducation nationale, il pilote une mission destinée à
définir les conditions précises et les modalités de l'intégration ainsi que la
définition du ministère de rattachement.
Des propositions seront formulées à ce sujet dans les prochaines semaines.
Nous les tiendrons à votre disposition.
M. Alain Gérard.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Gérard.
M. Alain Gérard.
Ainsi que je l'avais indiqué lors de l'examen du projet de loi d'orientation
sur la pêche maritime et les cultures marines, les professionnels de la mer
sont inquiets et confrontés à de nouvelles difficultés, notamment celle
d'assurer l'avenir de leur profession. En effet, les armements à la pêche
artisanale et semi-industrielle recrutent mais, paradoxalement, ils ne trouvent
pas de personnels qualifiés en nombre suffisant.
Aujourd'hui, chacun garde en mémoire le douloureux souvenir des graves
incidents survenus à Rennes, en février 1994, jour sombre de notre histoire où
fut lancé un véritable appel au secours par l'ensemble d'une profession.
Depuis ces années noires, l'image du métier de pêcheur n'a cessé de se ternir.
Les professionnels de la mer quant à eux ne peuvent que constater le désintérêt
grandissant des jeunes pour ces professions.
Pourtant, ce métier offre à nouveau de bons salaires et des perspectives
d'emplois. Je pose donc la question : pourquoi cette désaffection ?
N'est-il pas de notre devoir d'en rechercher les causes et urgent de mettre en
place une politique maritime ambitieuse pour notre pays, car nous refusons que
décline une activité économique indispensable à l'équilibre de notre littoral,
une activité traditionnelle qui fait partie intégrante de notre patrimoine
culturel ?
J'ajoute que le système actuel de formation professionnelle de l'enseignement
maritime, en cultivant sa spécifité, me semble mal adapté à la réalité. Il
faudrait que les jeunes ayant reçu une formation technique ou paramaritime
puissent bénéficier de passerelles vers l'extérieur.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous m'avez donné un certain nombre d'éléments
de réponse, je vous en remercie et j'espère qu'ils seront de nature à apaiser
les inquiétudes de la profession.
AVENIR DE LA POLITIQUE DES « PAYS »
M. le président.
La parole est à M. Mouly, auteur de la question n° 265, adressée à Mme le
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Georges Mouly.
Madame la ministre, la large consultation et l'active participation dont
chacun a le souvenir lors de la préparation, en 1994, de la loi d'orientation
sur l'aménagement et le développement du territoire votée en 1995 ont largement
montré l'intérêt des Français pour une politique visant à ne pas faire de notre
pays un territoire où le développement s'opérerait à plusieurs vitesses.
Vous reconnaissiez, madame la ministre, voilà peu de temps, que cette loi de
1995 contenait des dispositions intéressantes, dont beaucoup cependant sont
soit inapplicables, soit inappliquées, ce qui est exact.
Or, les inégalités infrarégionales et interrégionales n'ont jamais été aussi
profondément ressenties.
Comme l'aménagement est - c'est heureux - l'expression spatiale de la
solidarité, il faut jeter les bases d'un développement durable, consolider la
décentralisation et réduire les inégalités territoriales.
Je note, madame la ministre, que, pour ce qui concerne l'initiative
économique, notamment les activités dans les zones de revitalisation rurale, un
autre projet de loi est prévu. Cette perspective est d'autant plus intéressante
que, voilà quelque temps, vous déclariez qu'il convenait « de rompre avec une
conception dépassée de l'aménagement du territoire qui laissait de côté la
question des villes pour se focaliser sur les territoires ruraux désertifiés
sur lesquels l'Etat devait porter son attention comme sur un grand malade ».
Je ne vous apprendrai rien, madame la ministre, si je vous dis que cette
déclaration suscita alors quelque émoi. Mais l'essentiel n'est pas là
aujourd'hui, et je me réjouis que les zones de revitalisation rurale puissent
apparaître comme l'une des préoccupations du Gouvernement.
Toutefois, vous comprendrez, je pense, madame la ministre, que le dépôt d'un
projet de loi ultérieur nous laisse quelque peu sur notre faim, d'où ma
première question qui touche, en fait, au délai prévisible de mise en oeuvre
d'une telle politique, que beaucoup appellent de leurs voeux.
La même question se pose pour d'autres projets de loi. Mais tout ne peut se
faire tout de suite, chacun en a bien conscience et nul ne saurait vous faire
le reproche de ne pas pouvoir examiner dans l'instant des textes importants
portant sur l'organisation urbaine et l'intercommunalité ou l'intervention
économique des collectivités locales.
Toutefois, comme pour les zones de revitalisation rurale, pourriez-vous,
madame la ministre, parce que beaucoup d'espoirs s'y attachent, nous donner de
plus amples précisions sur la date de discussion du projet de loi d'orientation
agricole ? Je vous pose cette question parce que vous faites, à juste titre, de
ce volet de la politique gouvernementale l'une des composantes de l'aménagement
du territoire.
Quant aux instruments de l'aménagement du territoire - le conseil national, le
schéma des services publics, les schémas régionaux, les contrats de plan, les «
pays » - leur mise en place et leur montée en phase opérationnelle ne sauraient
se faire aisément, je le reconnais. Cependant, l'échéance de l'élaboration des
contrats de plan arrivant à son terme, tout devrait maintenant aller bon train.
En tout cas, c'est une impatience légitime que j'exprime ici.
Mais, à propos de ces instruments, je souhaite vous interroger plus
spécialement, madame la ministre, sur les « pays ».
Regroupant des communes, des établissements publics, les « pays » pourront
passer des contrats avec l'Etat et les régions dans le cadre des contrats de
plan. Afin d'assurer la cohérence de ces nouveaux maillages, les commissions
d'aménagement du territoire devront se prononcer sur la question de savoir si
un espace peut être ou non reconnu comme un « pays ».
De ce point de vue, deux questions se posent. D'une part, que deviennent dans
ce contexte les « pays » tests ? D'autre part et surtout, quel sort sera
réservé aux territoires, qui sont en phase opérationnelle et qui se veulent une
préfiguration des « pays », l'évolution de leurs limites géographiques étant
évidemment envisageable ? Je ne pense pas que l'on puisse pénaliser cette
heureuse initiative.
Vous l'aurez compris, c'est l'importance et l'intérêt premier de ce volet de
la politique du Gouvernement, l'aménagement du territoire, dont vous avez la
responsabilité, qui m'ont conduit à vous poser ces quelques questions.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le sénateur, s'il est une qualité dont je me prévaux, c'est bien la lucidité.
Par le passé, plus on parlait des zones rurales, plus les inégalités
s'accentuaient. Cessons de regarder avec nostalgie les territoires ruraux, qui
ne sont plus ceux d'hier, et apprécions la vitalité, la créativité, les idées
des territoires ruraux d'aujourd'hui. Cessons de les considérer comme des
territoires malades, exsangues, paralysés, et mettons-nous à l'écoute de leurs
efforts pour accompagner leurs projets.
C'est dans cet esprit que j'ai entrepris de réviser la loi d'orientation sur
l'aménagement et le développement du territoire. Il s'agit de se fixer un
certain nombre d'objectifs simples et d'être extrêmement modeste dans les
outils à mettre en oeuvre pour réduire les inégalités territoriales, jeter les
bases d'un développement durable, consolider la décentralisation.
Un projet de loi devrait être présenté au Parlement dès la prochaine session.
Vous l'avez souligné : plusieurs échéances nous attendent, notamment
l'élaboration des prochains contrats de plan, qui doivent être signés avant le
31 décembre 1999.
S'agissant des territoires ruraux, sur lesquels vous m'interroger plus
particulièrement, la loi du 5 février 1995 prévoyait, en effet, plusieurs
dispositions intéressantes.
Mais, vous le savez bien, la plupart d'entre elles sont restées inappliquées,
tant par M. Pasqua lui-même que par M. Gaudin.
C'est ainsi que l'article 61 prévoyait la mise en place d'une loi spécifique
aux zones de revitalisation rurale avant juillet 1996.
Par ailleurs, la préparation d'un plan rural par le gouvernement précédent,
qui n'a pas abouti, a montré les difficultés de concevoir des mesures adaptées
dans ce domaine.
La tentation est grande de mettre en place des zonages, des régimes
dérogatoires, des mesures adaptées à telle ou telle situation locale. Mais la
formule, trop souvent employée « trop de zonage tue le zonage » me semble
exacte.
Quand la moitié du territoire national est zonée, on le voit bien, l'Etat ne
peut que pratiquer le saupoudrage, ce qui ne correspond pas aux besoins.
Je souhaite que la révision de la loi soit l'occasion de maintenir, mais aussi
de préciser les interventions en milieu rural. Elle visera évidemment les
quartiers en difficulté en milieu urbain qui ont été insuffisamment pris en
compte.
Une politique de la ville digne de ce nom est en effet nécessaire. Surtout,
nous souhaitons ne plus opposer le monde rural au monde urbain et réconcilier,
dans une démarche convergente, la ville et la campagne ainsi que restaurer les
continuités entre les secteurs ruraux, les périphéries des villes et les
centres des agglomérations urbaines.
Je dirai que nous souhaitons cette démarche à la fois pour les grandes villes,
pour les villes moyennes, mais aussi pour les petites villes dont dépend
beaucoup la vitalité des territoires ruraux qui les entourent. Nous souhaitons
que les bourgs-centres soient les pilotes de la vitalité des territoires
ruraux. C'est une idée, je crois, sur laquelle vous serez d'accord.
La révision de la LOADT doit permettre de renforcer les communautés
géographiques que l'histoire et l'économie ont façonnées, à travers la
constitution ou le renforcement des « pays » et des agglomérations. L'objectif
est de passer, le plus souvent possible, d'une logique de guichet à une
politique de projet. Il faut encourager, accompagner, susciter des initiatives,
des créations d'emplois avec les acteurs locaux.
Un article du projet de loi organise la politique des « pays » et prévoit le
regroupement des communes et des établissements publics de coopération
intercommunale. Cette politique sera reconnue au niveau régional ou
interrégional, notamment pour la validation des « pays » par les conférences
régionales d'aménagement et de développement du territoire. L'Etat est prêt
également à reconnaître les projets qui sont portés par les « pays » par le
biais des contrats de plan Etat-région.
De même, nous souhaitons pouvoir reconnaître les efforts d'organisation des
territoires dans les agglomérations, en prévoyant que les agglomérations
organisées avec une taxe professionnelle unique puissent être partenaires du
contrat de plan Etat-région.
En ce qui concerne les pays, une charte du territoire permettra de concrétiser
le projet de développement durable des pays regroupés au minimum en syndicats
mixtes.
En ce qui concerne les agglomérations, nous souhaitons aller plus loin et
faire en sorte qu'effectivement les outils fiscaux permettent de remédier à des
concurrences injustifiées entre les collectivités.
En ce qui concerne les zones de revitalisation rurale, les ZRR, qui
représentent 30 % des communes et près de 40 % du territoire, le rapport rédigé
par Jean Auroux, à ma demande, prévoit qu'elles soient reconduites pour cinq
ans, soit jusque fin 2004, mais qu'elles reposent sur des critères bien définis
et qu'elles soient concentrées sur le territoire. Elles répondraient ainsi
mieux à leur objectif, même si la délimitation des périmètres peut faire
l'objet d'ajustement, notamment pour prendre davantage en compte la place des
bourgs-centres dans le dispositif.
S'agissant des territoires ruraux de développement prioritaire, les TRDP, leur
manque de concentration et un choix des critères moins objectifs les
caractérisent. De fait, ces territoires ruraux correspondaient assez largement
au zonage de l'objectif européen 5 b, qui disparaîtra dès l'an 2000.
Les moyens qui leur sont consacrés permettront un redéploiement de ressources
dans un souci de plus grande efficacité. Nous y travaillons et nous aurons,
avec la représentation nationale, une concertation à ce sujet, tant sont
nombreux les outils financiers dont le ciblage est flou, les fonds faibles et
les moyens d'évaluation relativement inexistants.
Le projet de loi relatif à l'organisation urbaine et à la simplification de la
coopération intercommunale en constituera une prochaine étape, en cohérence
avec la dynamique d'organisation des territoires autour des projets qui sont
proposés dans le projet de loi d'aménagement durable du territoire.
Comme vous l'aurez noté, je n'ai pas parlé du projet de loi d'orientation
agricole, qui comportera un important volet consacré au développement rural,
volet sur lequel M. Le Pensec et moi-même avons travaillé en concertation. La
synergie de nos efforts sera nette.
Nous avons souhaité que le développement rural ne soit pas uniquement un
encouragement aux activités agricoles. Nous souhaitons qu'il associe bien
l'ensemble des acteurs de ce monde dans lequel l'agriculture reste importante,
mais ne constitue pas évidemment le seul facteur de vitalité. Je pense à tous
les efforts de charte du territoire, d'aménagement des espaces, protégés
notamment, qui sont l'objet de ce projet de loi.
M. Georges Mouly.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly.
Je vous remercie, madame la ministre, d'une réponse que je considère de
qualité, en tout cas complète, détaillée et circonstanciée.
Si je me suis permis de poser ces questions, comme représentant d'un
département et d'une région à dominante rurale, c'est précisément, madame la
ministre, parce que nous nous efforçons, nous aussi, dans la région, de ne pas
regarder dans le rétroviseur et de faire preuve de lucidité. C'est vrai que
parler ne suffit pas et qu'il importe de voir dans les régions rurales, d'une
part, autre chose qu'un passé à maintenir et, d'autre part, des possibilités de
créativité que vous avez évoquées.
Dans mon esprit, il n'était pas davantage question d'opposer la ville et la
campagne. J'apprécie la partie de votre réponse consacrée à l'importance des
petites villes et des bourgs-centres.
Quant aux pays, j'ai bien compris qu'ils devaient être reconnus par la
conférence régionale et par l'Etat, bien sûr.
Je souhaite simplement, pour conclure, que les initiatives prises en la
matière par tel ou tel département tiennent compte des éléments qui viennent
d'être évoqués, madame la ministre. Je vous remercie encore.
M. Gérard Delfau.
Très bien !
AVENIR DE LA SOCIÉTÉ ÉCO-EMBALLAGES
M. le président.
La parole est à M. Demuynck, auteur de la question n° 268, adressée à Mme le
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Christian Demuynck.
Madame le ministre, depuis quelques années, on parle beaucoup de collecte
sélective. En effet, la loi du 13 juillet 1992 prévoit qu'en 2002 les décharges
devront être exclusivement réservées aux résidus ultimes, c'est-à-dire non
valorisables. Les communes françaises, responsables de la collecte et du
traitement des déchets qu'elles génèrent, doivent donc mettre en place un
système de collecte permettant le tri en vue du recyclage.
Afin d'aider financièrement les villes, la société Eco-Emballages, qui gère un
fonds financier alimenté par les contributions des entreprises, a également été
créée en 1992. A ce titre, elle a reçu un agrément conjoint de plusieurs
ministères qui a d'ailleurs été renouvelé en 1996.
Mais de nombreux maires qui se lancent dans ce type de collecte, ou qui vont
prochainement le faire, ont été surpris d'apprendre que l'existence même
d'Eco-Emballages pourrait se révéler illégale. En effet, la presse a fait état
d'un jugement du tribunal de grande instance d'Auxerre selon lequel le décret
du 1er avril 1992, qui est à l'origine d'Eco-Emballages, ne serait pas conforme
à la directive européenne qu'il est censé appliquer.
La raison essentielle tient au fait que la règle technique de l'obligation de
marquage des emballages faite aux producteurs de déchets et qui est prévue dans
ce décret n'a pas été notifiée à la Commission européenne, comme le prévoit
pourtant la réglementation communautaire. La Commission, qui n'a pas été
informée des dispositions du décret du 1er avril 1992, n'a donc pas pu procéder
aux vérifications qui lui incombent, notamment en matière de libre circulation
des marchandises.
Les collectivités locales qui ont Eco-Emballages comme partenaire sont
inquiètes de cette information, d'autant plus que la presse a également déclaré
qu'une société a engagé une procédure pour contester la légalité de la taxe
payée par les entreprises sur les emballages, taxe qui a été instituée par
décret et non par un vote législatif.
Malgré ces difficultés, Eco-Emballages affiche sa volonté de remplir au mieux
ses missions. Il semble d'ailleurs que des modifications récentes dans le
fonctionnement interne de cette société aient permis, ces dernières semaines,
une meilleure efficacité de ses services. Mais il n'en reste pas moins que le
doute subsiste sur son avenir.
Madame le ministre, pouvez-vous aujourd'hui nous rassurer et nous préciser si
cette situation risque, oui ou non, de remettre en cause le bon fonctionnement
de cette société agréée par l'Etat et chargée d'une mission deservice public
?
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le sénateur, l'élimination des déchets d'emballages ménagers est soumise aux
dispositions du décret du 1er avril 1992, qui impose à tout producteur et à
tout importateur ou, si le producteur ou l'importateur ne peuvent être
identifiés, à la personne responsable de la première mise sur le marché des
produits commercialisés dans des emballages soit de pourvoir elle-même à
l'élimination des déchets résultant de l'abandon des emballages, soit de
recourir à une entreprise ou un organisme agréé.
Dans ce dernier cas, les personnes précitées, l'entreprise ou l'organisme
agréé passent un contrat précisant la nature de l'identification des
emballages. Cette identification est destinée à permettre le contrôle des
emballages mis sur le marché. Elle peut être opérée de différentes manières,
soit par l'apposition du numéro du code emballeur imposé par des
réglementations relatives à la sécurité des consommateurs, soit par la marque
du produit. Ne nécessitant pas de marquage ou de logo spécifique, elle ne
saurait être assimilée à une norme ou une réglementation technique et ne relève
donc pas des dispositions de la directive 83/189 du 28 mai 1983, qui impose que
le projet de texte, préalablement à sa publication, fasse l'objet d'une
notification préalable à la Commission.
En l'espèce, le décret du 1er avril 1992 a été notifié à la Commission
postérieurement à sa publication, le 26 octobre 1993, sur le fondement de la
directive-cadre du 15 juillet 1975 modifiée.
Ce décret du 1er avril 1992 a fait l'objet de quelques contestations devant
les juridictions pénales françaises.
Dans un jugement récent du 26 février 1998, le tribunal de grande instance
d'Auxerre a estimé que le décret précité aurait dû être notifié à l'état de
projet en application de la directive 83/189 du 28 mai 1983, compte tenu de
l'obligation imposée aux producteurs d'identifier les emballages qu'ils font
prendre en charge par un organisme agréé. Ne l'ayant pas été, le tribunal a
jugé que le décret n'était pas conforme à la réglementation communautaire. En
conséquence, selon lui, il ne pouvait pas servir de base à des poursuites
pénales.
La cour d'appel de Paris a été amenée récemment à statuer dans une affaire
comparable dans laquelle les parties avaient soulevé l'illégalité du décret du
1er avril 1992, au motif qu'il n'avait pas été notifié sur le fondement de la
directive 83/189. La cour a rejeté dans un arrêt du 28 janvier 1998 cette
exception d'illégalité.
Sur la base de la jurisprudence de la cour d'appel de Paris, le jugement du
tribunal de grande instance d'Auxerre du 26 février 1998 n'est pas de nature à
remettre en cause les missions, les objectifs ou le fonctionnement
d'Eco-Emballages, objectifs et fonctionnement que nous avons l'ambition
d'améliorer puisque, vous le savez, nous sommes en train de procéder à la
refonte des barèmes de cette société.
M. Christian Demuynck.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Je vous remercie de ces informations. Nous voilà rassurés, madame la ministre.
Les maires qui travaillaient avec Eco-Emballages, ou ceux qui se préparent à le
faire, seront satisfaits d'apprendre que cette société respecte les normes et
les règles en vigueur.
AVENIR DU THÉÂTRE DES AMANDIERS DE NANTERRE
M. le président.
La parole est à M. Duffour, auteur de la question n° 260, adressée à Mme le
ministre de la culture et de la communication.
M. Michel Duffour.
Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur la conduite que vous
comptez tenir dans le bref avenir à l'égard du théâtre des Amandiers.
Cette scène, avec des hauts et des bas comme partout, est depuis quinze ans un
des joyaux du théâtre français.
L'apport de Patrice Chéreau, puis celui de Jean-Pierre Vincent ont beaucoup
marqué ce lieu.
Peu après votre arrivée rue de Valois, vous avez été amenée, pour aider,
a-t-on dit, de nouveaux espaces de création, à proposer des coupes budgétaires
sévères pour quelques grandes scènes nationales. Nanterre a fait partie du
lot.
L'avenir de ce théâtre, j'entends bien de son rayonnement, est désormais
menacé. Les deux millions de francs manquants peuvent déstabiliser cette
aventure théâtrale.
Je ne pense pas, madame la ministre, qu'il soit juste de vous tourner
unilatéralement vers les collectivités locales qui ont beaucoup fait. La ville
de Nanterre, avec l'accord et l'appui de vos prédécesseurs, a déployé sa
politique sur d'autres champs culturels, convergeant certes avec le théâtre,
mais eux-mêmes coûteux. Dans l'étude faite par vos services en mars 1998, le
travail effectué est d'ailleurs salué.
Cela étant dit, la commune comme le département, je pense pouvoir l'affirmer,
sont prêts à un effort pour soutenir le théâtre. Mais il est nécessaire que
l'Etat revienne sur sa décision et fixe son niveau d'intervention en référence
à l'effort engagé en 1997 en francs constants. Ce seuil est obligatoire.
Nul ne nie les difficultés passées.
Mais ce sont là les aléas des expériences théâtrales. Ne faites pas payer les
prises de risques passées aux Amandiers. Il y en aura nécessairement
d'autres.
Les Amandiers, qui ont toujours fait preuve de rigueur budgétaire, sont
repartis aujourd'hui de l'avant. Le succès du
Jeu de l'amour et du hasard
est là pour le prouver. La baisse de fréquentation est enrayée.
Certes, rien n'est gagné d'avance. Chaque théâtre a sa vocation, sa façon
d'attirer et d'entraîner le public. Celui des Amandiers est implanté en
Ile-de-France, où il est ardu d'entretenir des relations de voisinage avec les
publics. Pourtant un travail de terrain est mené. J'en suis, madame la
ministre, le témoin. Mais rien ne peut suppléer l'excellence de gestes
théâtraux. La création authentique ne se dilue pas. Cela exige du talent - il y
en a - et un effort financier pour lui permettre de se déployer.
Le ministère est-il prêt à consentir un effort aussi important que naguère
?
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le sénateur, vous
avez bien voulu attirer mon attention sur les intentions du ministère de la
culture et de la communication à l'égard du théâtre des Amandiers de
Nanterre.
Je partage votre appréciation sur la qualité du travail de Jean-Pierre
Vincent, dont la récente création,
Le Jeu de l'amour et du hasard,
nous
a offert, en effet, une lecture tout à fait innovante de Marivaux.
Le ministère de la culture ne s'est pas désengagé financièrement de cette
institution. Vous savez que Stanislas Nordey, qui était associé au théâtre des
Amandiers, a été nommé à la direction du centre dramatique de Saint-Denis, et
que la dotation qui avait été ajoutée à celle du théâtre des Amandiers était
liée à cette association. En bonne logique, les moyens financiers qui
permettaient à Stanislas Nordey de faire vivre sa propre troupe de comédiens
ont donc été transférés de Nanterre à Saint-Denis.
Il n'en est pas moins vrai que l'analyse des comptes du théâtre des Amandiers
fait apparaître un déficit important.
Je souhaite contribuer à l'apurement de ce déficit, mais mon ministère ne
pourra pas le faire sans la participation financière de la ville de Nanterre et
du conseil général, dont, je tiens à le souligner, la contribution est
importante et qui m'ont rappelé tout récemment encore leur motivation.
Au sein du réseau des centres dramatiques, les Amandiers de Nanterre
bénéficient de la plus forte subvention de l'Etat, qui apporte 80 % du total
des apports publics. La ville de Nanterre apporte 4 millions de francs, le
conseil général des Hauts-de-Seine, 3 millions de francs, et l'Etat 29 millions
de francs, ce qui représente 11 % du total des subventions du ministère
destinées aux vingt-sept centres dramatiques nationaux.
L'existence du théâtre des Amandiers n'est pas menacée, mais le directeur
considère qu'il n'a pas les moyens de mener le projet artistique qu'il
souhaitait mettre en place, à l'occasion de son nouveau contrat de
décentralisation dramatique.
Une mission d'évaluation a été menée par le service de l'inspection de la
direction du théâtre et des spectacles ; elle a abouti à la mise au point d'un
schéma financier visant à répartir les efforts nécessaires entre tous les
partenaires, le théâtre réduisant ses dépenses d'ordre de marche et les
collectivités publiques - Etat, ville de Nanterre et conseil général des
Haut-de-Seine - revalorisant leur participation.
Ces propositions ont été soumises aux collectivités territoriales, et je
recevrai très prochainement leurs représentants pour que nous puissions arrêter
ensemble une position définitive sur cette question.
M. Michel Duffour.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Je vous remercie, madame la ministre, de ces précisions.
Vous l'avez dit, chaque théâtre a son histoire locale et, dans l'effort
accompli par les collectivités publiques, la participation de la ville de
Nanterre à l'entretien du théâtre compte énormément. C'est un des atouts de la
réussite.
En tout cas, j'accueille avec satisfaction la décision que vous avez prise de
rencontrer très prochainement les responsables des collectivités territoriales.
Nous souhaitons vivement qu'un accord intervienne rapidement de façon que le
projet artistique de M. Jean-Pierre Vincent ne soit pas amputé.
FORCES DE SÉCURITÉ PUBLIQUE
DANS LE DÉPARTEMENT DE L'HÉRAULT
M. le président.
La parole est à M. Delfau, auteur de la question n° 274, adressée à M. le
ministre de l'intérieur.
M. Gérard Delfau.
Madame la ministre, j'ai tenu à attirer l'attention de M. Jean-Pierre
Chevènement, ministre de l'intérieur, sur l'inquiétude suscitée par le rapport
remis au Premier ministre par M. Roland Carraz, député, et M. Jean-Jacques
Hyest, sénateur, et portant sur « une meilleure répartition des effectifs de la
police et de la gendarmerie pour une meilleure sécurité publique ».
S'agissant de l'Hérault, l'émotion s'est cristallisée sur le devenir du
commissariat de police de Pézenas et, dans une moindre mesure, de celui de
Frontignan, même si bien d'autres questions de fond sont posées par ce
département, qui se situe au sixième rang en termes de délinquance et au
soixante-sixième rang quant à sa dotation en forces de sécurité, gendarmerie et
police nationale. Le contraste est saisissant !
Pour en revenir à Pézenas, je rappelle que le ministre lui-même vient
d'annoncer au maire, par un courrier du 31 mars 1998, « l'arrivée d'un officier
de police » au 1er juin prochain, avec ce commentaire : « Le taux élevé de
délinquance justifie qu'une attention particulière soit portée à la situation
de cette circonscription de sécurité publique ».
Simultanément, l'annonce par voie de presse d'une possible disparition du
commissariat et de son transfert à la gendarmerie a plongé les élus dans la
stupéfaction, d'autant que la discussion en cours d'un contrat local de
sécurité a fait apparaître une flambée de la délinquance en 1996, après dix ans
de croissance et - bonne nouvelle - une légère diminution - moins 0,84 % - en
1997. Dès lors faut-il casser l'outil qui fait reculer la violence et les
petits délits ? Faut-il appliquer aveuglément des critères purement
démographiques dans la répartition entre police et gendarmerie sur le
territoire ?
La connaissance du terrain des policiers, la culture spécifique d'une commune
très touristique dotée de quatre lycées et qui regroupe 5 000 enfants
scolarisés en tout ne sont-elles pas à prendre en compte ? Aussi j'ai demandé à
M. le ministre de l'intérieur quelle procédure il comptait mettre en oeuvre
pour engager une discussion loyale avec les élus avant toute décision
prématurée.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le sénateur, dans
le cadre de la mission que leur avait confiée M. le Premier ministre, MM. Hyest
et Carraz ont formulé un certain nombre de propositions relatives à une
meilleure répartition des effectifs de la police et de la gendarmerie
nationales.
Parmi ces propositions, figure tout particulièrement le principe d'une
nouvelle répartition des compétences de la police nationale et de la
gendarmerie nationale, et ce par un transfert d'assise territoriale entre ces
deux forces de sécurité.
L'ensemble de ces propositions, qui confirment les termes de la loi
d'orientation et de programmation relative à la sécurité, a été retenu par le
conseil de sécurité intérieure lors de sa réunion du 27 avril 1998.
Un programme de travail confié aux ministères de l'intérieur et de la défense
a été défini, afin que soient examinés conjointement les secteurs pouvant faire
l'objet d'un transfert de compétences entre la police et la gendarmerie.
Cette phase d'expertise complémentaire comprendra une concertation approfondie
avec les élus locaux, au cours de laquelle le préfet de l'Hérault examinera
avec une particulière attention la situation de Pézenas et des communes situées
à la périphérie de Montpellier.
Bien évidemment, aucune décision n'a été prise tant que cette phase n'a pas
été menée à son terme. Le conseil de sécurité intérieure se prononcera à la fin
de l'année 1998, au vu des résultats de cette expertise et des éléments
recueillis lors de cette concertation.
Pour l'heure, les effectifs de la circonscription de sécurité publique de
Pézenas, au nombre de trente-huit fonctionnaires, seront maintenus au niveau de
la dotation actuelle, un lieutenant supplémentaire étant, de surcroît, appelé à
rejoindre ce commissariat dès le 1er juin prochain.
Voilà, monsieur le sénateur, ce que mon collègue M. le ministre de l'intérieur
m'a chargée de vous répondre.
M. Gérard Delfau.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Je vous remercie, madame la ministre, des informations que vous me donnez en
ce qui concerne le début de la phase de concertation.
Ainsi, les élus locaux participeront en tant que partie prenante à une
discussion avec le préfet ; je m'en réjouis.
Je suis également très satisfait de ce que la dotation actuelle en effectifs
du commissariat de police de Pézenas soit maintenue et qu'un lieutenant de
police supplémentaire y soit affecté.
Néanmoins, sur le fond, madame la ministre, je voudrais vous faire part de ce
que les élus locaux m'ont dit sur le sujet et de ce que j'ai pu constater
moi-même, puisqu'il se trouve que j'habite cette commune.
Bien sûr, je comprends tout à fait le souci de rationnaliser les forces de
sécurité. Il est normal, quand on est en charge de responsabilités nationales,
de chercher à mieux organiser l'intervention de l'Etat sur le plan local,
surtout quand celle-ci se manifeste de deux façons : la gendarmerie d'un côté,
la police de l'autre.
Cependant, je voudrais attirer l'attention du ministre de l'intérieur sur une
autre réalité : l'ancrage local d'un commissariat de police qui fait bien son
travail, qui est reconnu par l'ensemble de la population et qui a obtenu la
confiance de celle-ci.
Vous savez comme moi, madame la ministre, ne serait-ce que par les importantes
fonctions d'élue locale que vous avez assumées, à quel point les forces de
sécurité ont besoin de cette relation de confiance.
C'est la raison pour laquelle je tiens à mettre en garde le ministre de
l'intérieur : ne touchons pas sans y réfléchir à une organisation ancienne, la
rationnalisation que nous souhaitons appliquer pouvant se traduire par une
efficacité moins grande. C'est, en tout cas, ce que je crains.
RESPECT DES DROITS DE L'HOMME
M. le président.
La parole est à M. Sérusclat, auteur de la question n° 269, adressée à M. le
ministre des affaires étrangères.
M. Franck Sérusclat.
Monsieur le ministre, j'ai plaisir à vous voir parmi nous. Même si j'ai posé
ma question à M. le ministre des affaires étrangères, je suis persuadé que
votre connaissance de la coopération et vos options idéologiques fondamentales
vous permettront de me répondre aussi clairement qu'il l'aurait fait.
Force est de constater qu'actuellement, dans le monde, peu de pays respectent
à la lettre les droits de l'homme et du citoyen. Si l'on voulait en établir la
liste, la page serait pratiquement vierge, pour ne pas dire totalement.
Tous les jours, des hommes, des enfants meurent, sont torturés. L'indignité
est présente partout. Dernièrement, la lecture d'un texte relatif au Mexique
m'a fait douter de la sécurité de ses habitants, y compris des étrangers.
Même la France s'est attiré des remontrances en raison de comportements
discutables vis-à-vis de délinquants ou supposés tels.
Les conventions concernant les droits de l'homme sont trop fréquemment signées
avec une restriction mentale, un peu comme celle que préconisaient les
jésuites, dit-on : bien sûr, ces conventions s'appliqueront, mais en tenant
compte des us et coutumes du pays qui les ratifie ! Dès lors, on en oublie
l'essentiel.
Ma présente préoccupation, que d'autres partagent certainement, concerne nos
relations avec la Chine.
Nous avons reçu tout récemment le Premier ministre de ce grand pays. Il a
confirmé que la répression qui était intervenue sur la place Tian'anmen
recueillait tout à fait son assentiment et qu'il fallait alors « casser » le
mouvement comme on l'a fait.
Peu de temps auparavant, nous avions reçu des opposants notoires qui, après
des années de prison, avaient été chassés de leur pays, selon un procédé propre
aux pays totalitaires, et à qui avait été interdite toute rencontre avec le
personnel politique important.
Ce pays compte encore deux mille prisonniers politiques - certes, comme on me
l'a fait remarquer une fois, de façon ironique : par rapport à la population
totale, cela fait peu - prisonniers auxquels la Croix-Rouge ne peut pas rendre
visite.
La liberté d'expression, nous le savons, y est plus que contrainte.
Quant à la liberté d'information, si l'on en croit Reporters sans frontière,
son exercice ne peut qu'être périlleux puisqu'on peut encourir le risque
d'incarcération ou celui d'expulsion.
Tout récemment, la France n'a pas renouvelé sa signature, alors qu'en 1997
elle avait signé, avec le Danemark, les Pays-Bas et quelques autres pays de
l'Union européenne, une résolution mettant en question tout au moins dans une
certaine mesure, les comportements de la Chine.
Voilà des faits qui me troublent un peu. J'ai peut-être tendance à mettre trop
haut, dans le monde où nous vivons, l'exigence d'un respect aussi strict que
possible des droits de l'homme et du citoyen. Pourtant, je crois que c'est le
seul moyen de faire progresser peu à peu la paix dans les pays, entre les pays,
et le nôtre a un rôle à jouer en la matière. Ce rôle me semble d'autant plus
important ces jours-ci que l'Inde et le Pakistan ont procédé à des essais
nucléaires, suscitant une lourde inquiétude pour l'avenir. Une guerre ne
risque-t-elle pas de se déclencher entre ces deux pays en difficulté ?
Au demeurant, je trouve pour le moins indécent, de la part d'un pays comme les
Etats-Unis d'Amérique, de gronder le pays qui a réussi à faire comme lui, comme
on gronde un enfant qui a volé de la confiture en lui disant qu'il ne faut pas
le faire après avoir donné le mauvais exemple.
Excusez-moi de vous importuner avec ces questions, monsieur le ministre, mais
je pense qu'il n'était pas inintéressant que vous nous fassiez connaître les
réponses du Gouvernement français, auquel, vous le savez, j'accorde une très
grande confiance depuis longtemps, confiance que je ne perdrai pas même si, sur
ce point, je ne suis pas satisfait.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
sénateur, la France s'est engagée avec la Chine dans un partenariat global
destiné à aider à la construction d'un monde multipolaire. Nous avons en effet
quelques raisons de redouter ce qui résulterait d'un monde où il n'y aurait
qu'une seule grande puissance.
Ce partenariat nous amène à nous concerter avec ce pays, également membre du
Conseil de sécurité, sur toutes les questions d'intérêt commun, y compris sur
la situation des droits de l'homme, objet de votre question.
Cette question interpelle d'ailleurs aussi l'Union européenne, qui a, pour sa
part, adopté le 23 février dernier des conclusions sur la question des droits
de l'homme en Chine, en soulignant les premiers résultats encourageants du
dialogue que les Quinze avaient noué avec la Chine ; ce dialogue est régulier
puisque, depuis le mois d'octobre 1997, quatre réunions d'experts ont eu
lieu.
Il existe un programme de coopération qui comprend plusieurs volets concrets,
visant à apporter des réponses positives aux demandes de coopération des
autorités chinoises, qu'il s'agisse de l'application des textes, de la lutte
contre la pauvreté, des droits des femmes ou encore de la bonne gouvernance.
Tel est le cadre dans lequel nous dialoguons avec la Chine à propos des droits
de l'homme.
S'agissant des prisonniers politiques, l'Union européenne s'est réjouie des
libérations de personnalités de premier plan telles que M. Wei Jingsheng, que
j'ai moi-même reçu au nom du Gouvernement lorsqu'il est passé en France, voilà
quelques mois, M. Wang Dan ou Mgr Zeng Jianmu.
Vous avez tout à fait raison, monsieur le sénateur, d'insister sur le fait que
ces libérations de prisonniers politiques sont en réalité des expulsions. Au
demeurant, lorsque les amis de ces prisonniers politiques nous demandent
d'intervenir auprès des autorités chinoises pour leur libération, ils savent
très bien que cette libération signifiera leur expulsion. Il reste que la
nouvelle situation que connaissent les personnes concernées est bien vécue
comme une liberté, même si l'on peut évidemment en débattre.
Dans une démarche conjointe avec l'Union européenne, nous avons obtenu des
autorités chinoises qu'elles fournissent des informations sur d'autres
prisonniers d'opinion ayant fait l'objet d'une intervention des Quinze. L'Union
européenne continue d'intervenir pour que des gestes supplémentaires soient
accomplis, dès lors qu'ils apparaissent comme allant dans le sens des intérêts
des prisonniers concernés.
C'est dans le même esprit que le Premier ministre, recevant à Paris son
homologue chinois le 6 avril, a salué l'attitude ouverte du gouvernement
chinois pour promouvoir l'état de droit en Chine, en particulier son intention
de ratifier le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels, mais aussi de signer celui qui est relatif aux droits civils et
politiques.
La France estime que cet engagement témoigne d'une volonté de la Chine
d'améliorer la situation des droits de l'homme. Il faut, bien entendu,
souhaiter que cette volonté soit davantage concrétisée.
Par ailleurs, la France et l'Union européenne ne manquent pas de soulever
auprès des autorités chinoises la question des libertés religieuses, plus
particulièrement celle de la situation du Tibet, où notre ambassadeur à Pékin
se trouve en ce moment même.
Monsieur le sénateur, cette politique nous paraît conduire à des résultats,
qu'il faut évidemment apprécier dans leur dynamique. En tout cas, nous ne
cessons de prêter toute l'attention qu'il convient à la question des violations
des droits de l'homme sur le territoire chinois, car nous considérons, comme
vous, que des progrès importants restent à accomplir.
Vous avez, par ailleurs, interrogé M. le ministre des affaires étrangères sur
l'attitude de la France à l'égard de pays « ne respectant pas scrupuleusement
les droits de l'homme », citant notamment la Tunisie.
Monsieur le sénateur, je voudrais vous convaincre que les droits de l'homme
forment un ensemble constamment présent dans les relations que la France
entretient avec l'extérieur, en liaison avec d'autres préoccupations comme la
sécurité.
Nous pensons que, pour faire progresser les droits de l'homme, il faut
conjuguer exigence, pragmatisme, persuasion et coopération.
En Tunisie, comme partout dans le monde, la France est donc également
attentive à la situation des droits de l'homme. Premier partenaire de la
Tunisie, elle développe avec ce pays des relations traditionnelles d'amitié et
de coopération dans tous les domaines.
Les autorités françaises et tunisiennes entretiennent bien entendu un dialogue
régulier et confiant, et ne s'interdisent d'aborder aucun sujet ; la visite
d'Etat du président Ben Ali, en octobre dernier, l'a d'ailleurs confirmé.
Sans méconnaître l'environnement régional difficile dans lequel se situe la
Tunisie - et je pense là, notamment, aux pays voisins - la France encourage la
Tunisie à aller plus avant dans l'établissement de l'état de droit et dans le
développement des libertés publiques. Elle l'incite à poursuivre sur la voie
des mesures qui ont été annoncées à la fin de l'année 1997, notamment en faveur
d'une plus grande liberté de la presse.
Monsieur le sénateur, je me félicite que le trouble auquel vous avez fait
allusion nous permette de rappeler qu'il existe des réalités avec lesquelles
nous ne pouvons transiger.
M. Franck Sérusclat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat.
Je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, du soin que vous avez apporté
à cette réponse, évoquant notamment le cas de la Tunisie, que je n'ai pas
soulevé dans mon intervention orale.
Je suis persuadé que le sentiment profond du Gouvernement est bien celui que
vous avez décrit. Je suis également bien conscient qu'un premier ministre doit
être accueilli avec les honneurs qui lui sont dus. Il reste que les fastes qui
ont entouré la réception du premier ministre chinois m'ont paru un peu
excessifs au regard de la situation des personnes détenues en Chine qui ont été
libérées pour être aussitôt expulsées.
Vous avez d'ailleurs vous-même souligné qu'une expulsion n'est pas vraiment
une libération ; c'est surtout une façon de chasser à l'extérieur du pays des
gens qui défendent éventuellement des idées justes.
C'est pourquoi je pense qu'il n'était pas malséant d'interpeller le
Gouvernement sur un sujet qui nous préoccupe les uns et les autres, d'autant
qu'il suffit parfois de peu de choses pour que la réalité de notre action soit
conforme à nos engagements fondamentaux. Il ne serait pas admissible de faire
beaucoup pour accueillir unpremier ministre et de négliger tous ceux qui
subissent la suppression des droits politiques et civils dans différents pays.
ENSEIGNEMENT DES SCIENCES ET TECHNIQUES
DES ACTIVITÉS PHYSIQUES ET SPORTIVES
M. le président.
La parole est à M. Lesbros auteur de la question n° 271, adressée à M. le
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
M. Marcel Lesbros.
J'ai en effet souhaité interpeller M. le ministre de l'éducation nationale sur
les problèmes concernant l'enseignement universitaire dans les Hautes-Alpes, en
particulier à Gap.
Il y a deux ans, à Gap, nous avons créé un DEUG de sciences et techniques des
activités physiques et sportives, ou STAPS, et nous attendons la création de la
troisième année du cursus universitaire, qui nous a été récemment annoncée.
Or les responsables universitaires m'ont fait part de l'impossibilité de créer
cette licence, du fait d'une décision ministérielle.
Bien entendu, cette décision a soulevé, dans les Hautes-Alpes, les
protestations unanimes des élus, des enseignants et des étudiants. En effet, si
aucun poste n'était créé à Gap, les conséquences seraient très graves.
S'agissant des effectifs, les étudiants des Hautes-Alpes n'auraient plus aucun
intérêt à préparer uniquement un DEUG à Gap, sachant qu'ils devraient
poursuivre leurs études à Marseille. Ce serait donc, à terme, la mort des STAPS
à Gap, alors même que ces études sont financées en partenariat avec le
département et la ville.
Sur le plan économique, pour Gap et sa région, la perte serait de 4 000 francs
par mois et par étudiant, c'est-à-dire la somme que dépense chaque étudiant
dans les commerces, auprès des associations sportives et pour se loger.
Ce serait aussi la fin de la formation aux métiers des sports de montagne, qui
permet la promotion du sport et du tourisme dans notre département, dont ces
deux activités constituent la vocation essentielle.
En conséquence, je souhaite que M. le ministre de l'éducation nationale
veuille bien prendre une décision telle que puissent être créés les postes
indispensables à la survie de cette filière universitaire dans ce département
de montagne.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
sénateur, M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la
technologie n'ayant pu se libérer ce matin pour venir répondre à votre
question, il m'a chargé de vous prier d'excuser son absence et de vous faire
part des éléments qui suivent.
En application du principe d'autonomie des universités, ce sont le président
et le conseil d'administration qui décident de l'opportunité de mettre en place
des enseignements conduisant à la délivrance de diplômes nationaux sur un site,
dès lors que l'université - ce qui est le cas - a obtenu l'habilitation à
délivrer de tels diplômes, notamment pour l'ouverture d'une formation
universitaire. Cette décision est prise en fonction, d'une part, des
infrastructures existantes sur le site, et, d'autre part, des moyens en
personnels dont dispose l'université.
L'université Aix-Marseille II a obtenu, pour 1998, la création d'un poste de
professeur afin de conforter les enseignements en sciences et techniques des
activités physiques et sportives.
La décision d'ouvrir une préparation à la licence STAPS sur le site de Gap,
après qu'une formation au DEUG eut été ouverte en 1996, revient ainsi à
l'université.
En conclusion, monsieur le sénateur, je ne peux que vous souhaiter de
convaincre les responsables de l'université Aix-Marseille-II !
(Sourires.)
M. Marcel Lesbros.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Lesbros.
M. Marcel Lesbros.
Monsieur le ministre, vous avez vous-même occupé des responsabilités
importantes dans un département et vous comprenez donc sûrement l'inquiétude
des élus des Hautes-Alpes, un département au budget relativement modeste, 600
millions de francs, ce qui ne l'empêche pas de consentir de gros efforts
d'investissements.
Bien sûr, je le sais bien, le ministre ne peut faire, lui aussi, qu'avec les
moyens dont il dispose. Il reste qu'il ne s'agit que de trois postes et que
leur création permettrait de maintenir cette filière universitaire à Gap.
Chacun se rappelle que, autrefois, il était bien difficile, pour les étudiants
en médecine qui avaient effectué leurs deux premières années dans une faculté,
de poursuivre leurs études dans une autre faculté. Or nous risquons de
retrouver une telle situation avec les STAPS de Gap.
Je me permets de vous demander, monsieur le ministre, d'insister auprès de M.
Allègre sur l'importance que revêt cette filière STAPS pour Gap et pour le
département des Hautes-Alpes. Je suis sûr qu'il comprendra notre problème.
M. le président.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons
maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures, est reprise à seize heures cinq, sous la
présidence de M. René Monory.)
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
M. le président. La séance est reprise.
3
POLICES MUNICIPALES
Discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 414, 1997-1998),
adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux polices municipales. [Rapport n°
455 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, ce n'est pas la première fois que votre assemblée est appelée à
débattre des polices municipales.
Un projet de loi modifiant le code des communes et le code de procédure pénale
et relatif aux agents de police municipale a été déposé sur le bureau du Sénat,
le 2 décembre 1987, par MM. Chalandon, Pasqua et Pandraud, au nom du
Gouvernement de M. Chirac. Ce texte a été voté par votre assemblée le 20
décembre 1987, après déclaration d'urgence, mais la navette a été interrompue
par l'élection présidentielle de 1988.
D'autres projets de loi ont suivi : celui qui a été déposé sur le bureau de
l'Assemblée nationale, le 13 janvier 1993, par M. Paul Quilès, au nom du
Gouvernement de Pierre Bérégovoy, mais qui n'a pas eu le temps d'être examiné
avant les élections législatives de mars 1993 ; puis celui qui a été déposé le
15 mars 1995 par M. Pasqua, au nom du gouvernement de M. Balladur ; il a été
repris ensuite par M. Jean-Louis Debré, mais il n'a pas eu non plus le temps
d'être examiné avant les élections législatives anticipées des mois de mai et
juin 1997.
Aucun de ces textes n'a donc été voté.
Il n'en ira pas de même, j'en suis persuadé, du présent texte, voté par
l'Assemblée nationale le 30 avril dernier, par lequel nous nous efforçons de
reprendre le meilleur des projets précédents, en répondant au problème tel
qu'il se pose aujourd'hui.
En le soumettant à la représentation nationale, le Gouvernement ne fait que
respecter les engagements qui ont été pris lors du colloque de Villepinte, les
24 et 25 octobre derniers, par le Premier ministre.
Pour répondre à l'insécurité ressentie par beaucoup de nos concitoyens, c'est
à la sécurité de proximité qu'il convient de donner la priorité. C'est à cela
que répond le recrutement de 20 000 adjoints de sécurité, la signature de 26
contrats locaux de sécurité et l'élaboration de 515 autres contrats, la
redéfinition des zones de compétences respectives de la police nationale et de
la gendarmerie nationale, ainsi que d'autres mesures sur lesquelles je
n'épiloguerai pas.
Le projet de loi relatif aux polices municipales s'inscrit dans cette
politique.
Les polices municipales existent et elles se sont sensiblement développées
depuis un certain nombre d'années, en dépit du caractère embryonnaire de leur
statut. Le besoin de légiférer n'est donc pas contestable. Toutes les
formations politiques en ressentent la nécessité. En attestent les sept
propositions de loi qui ont été déposées, tant à l'Assemblée nationale qu'au
Sénat, en un peu plus de dix ans, en plus des projets de loi que je rappelais
tout à l'heure.
A la nécessité de légiférer, je vois au moins deux raisons qui se conjuguent :
d'une part, le développement constant des polices municipales et, d'autre part,
l'imprécision du droit.
L'expansion continue du nombre de communes dotées d'une police municipale et
du nombre des agents eux-mêmes est une réalité.
En 1984, un peu moins de 1 800 communes disposaient d'une police municipale,
comptant au total 5 600 agents. Dix ans plus tard, en 1993, elles étaient 2
850, soit 1 000 de plus, et comptaient 11 000 agents, soit 5 000 de plus.
Selon le dernier recensement auquel j'ai fait procéder, 3 030 communes sont
aujourd'hui dotées d'une police municipale ; les agents de police municipale
sont au nombre de 13 098.
L'augmentation est forte, même si elle semble s'infléchir quelque peu depuis
ces dernières années et même si, rapportées au total, 8 % seulement des
communes de France disposent d'agents de police municipale.
L'existence de polices municipales n'est pas fonction de la taille des
communes : de très petites communes ont créé de tels emplois. Toutes les
grandes villes de France, en revanche, n'en disposent pas.
Contrairement à ce qu'on veut bien dire ici ou là, la cartographie des polices
municipales n'est pas non plus liée à la cartographie de la criminalité, tant
il est vrai que la délinquance n'est pas le seul facteur de leur création.
Mieux, en l'état du dossier, on ne peut affirmer que le développement d'une
police municipale s'accompagne d'une diminution de la criminalité. C'est plus
simplement la demande croissante de sécurité par nos concitoyens que traduit le
développement des polices municipales.
Cette toile de fond étant brossée, quel est aujourd'hui le cadre juridique ?
Il est marqué par l'imprécision, qui conduit à l'ambiguïté des compétences des
agents de police municipale. C'est vrai tant pour la police administrative que
pour la police judiciaire.
Tout naturellement, les agents de police municipale participent à la mise en
oeuvre de la police administrative, dont le maire a la responsabilité
première.
Ils sont, selon le code général des collectivités territoriales, « chargés
d'assurer l'exécution des arrêtés de police du maire ». A ce titre, leur champ
d'action est presque illimité. Mais leurs moyens sont extrêmement réduits.
Au plan de la police judiciaire, ils sont agents de police judiciaire
adjoints, comme cela est mentionné au 2° de l'article 21 du code de procédure
pénale. Toutefois, ils ne peuvent pas verbaliser, sauf en matière de
stationnement gênant sur la voie publique. Leurs relations avec l'autorité
judiciaire qu'est le procureur de la République sont très indirectes.
Pour le reste, l'identification physique des agents n'est guère aisée, tant
les uniformes sont souvent proches de ceux de la police nationale. Les
conditions d'armement résultent de textes complexes, sujets à des
interprétations divergentes.
Il est donc indispensable de sortir de cette imprécision, non pas pour l'amour
du droit, mais pour éviter les ambiguïtés et les risques de confusion.
Avant d'en venir au texte, je formulerai une remarque liminaire. Ce projet de
loi est tout à fait conforme aux principes de la décentralisation définis par
le gouvernement de Pierre Mauroy en 1982. Il ne remet pas en cause la libre
administration des collectivités locales : il appartient aux communes de
décider ou non la création de polices municipales. Il n'affecte nullement les
pouvoirs de police du maire. Il clarifie, en revanche, dans un objectif de «
coproduction de sécurité », comme on dit aujourd'hui, les rôles respectifs des
forces de l'ordre et des polices municipales.
Je préciserai maintenant les grands axes de ce projet de loi, qui sont au
nombre de six : la clarté des attributions, la complémentarité des missions,
l'adaptation aux fonctions, l'efficacité des interventions, la transparence des
services et la valorisation du statut.
Je les examinerai successivement.
Il s'agit, d'abord, de sortir de l'ambiguïté dans laquelle évoluent
actuellement les polices municipales, pour leur donner un statut clair et sans
équivoque, en ce qui concerne tant les missions que les moyens matériels dont
elles disposent.
Le projet de loi répond à une première nécessité évidente : clarifier les
attributions des agents de police municipale. Tel est l'objet de l'article 1er
du texte.
Qu'en est-il aujourd'hui ? Certaines polices municipales se contentent
d'assurer les sorties d'écoles ; d'autres contrôlent le stationnement ;
d'autres encore, me dit-on, procèdent, à une échelle assez large, à des
interpellations.
En droit, les pouvoirs des agents de police municipale se résument pourtant à
deux propositions.
D'une part, ils sont chargés de l'exécution des arrêtés de police du maire ;
il s'agit plus d'une pétition de principe, importante certes, que d'une règle
efficiente.
D'autre part, en matière de police judiciaire, ils n'ont le droit de
verbaliser que le stationnement gênant, le défaut d'affichage du certificat
d'assurance des véhicules ainsi que la circulation et le stationnement dans les
cours de gare ! Ils peuvent aussi verbaliser les contraventions à quelques lois
spéciales, comme les bruits de voisinage, la publicité et les enseignes. C'est
peu, et c'est moins, d'ailleurs, que les gardes champêtres.
M. Jean-Jacques Hyest.
Eh oui !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Le projet de loi étend donc substantiellement
les pouvoirs de police judiciaire des agents de police municipale.
Ils pourront ainsi verbaliser les contraventions aux arrêtés de police du
maire, ce qu'ils n'ont pas le droit de faire aujourd'hui, comme vous le
savez.
Ils pourront également verbaliser certaines contraventions aux dispositions du
code de la route, qui seront précisées par décret. Concrètement, c'est la
circulation routière qui est visée. J'ai indiqué à votre commission des lois,
qui en fait état dans son rapport, les principales orientations retenues par le
Gouvernement dans la rédaction de ce décret.
L'extension du pouvoir de verbalisation des agents de police municipale en
matière de circulation routière me semble devoir s'inspirer de trois idées
simples.
Tout d'abord, les agents de police municipale doivent pouvoir verbaliser les
infractions qui mettent en cause la sécurité routière appréciée essentiellement
à l'échelon communal. Cela exclut, par exemple, les voies à grande circulation
ou les autoroutes.
Ensuite, certaines infractions doivent être laissées à la police et la
gendarmerie nationales, soit parce qu'elles touchent au domaine délictuel, soit
parce qu'elles entraînent la mise en oeuvre de procédures administratives ou
pénales connexes particulièrement lourdes et techniquement complexes.
Enfin, il doit être clair qu'une sanction ne peut varier selon la qualité de
l'agent verbalisateur, sauf à porter atteinte au principe de l'égalité devant
la loi. L'infraction qui pourra être verbalisée par un agent de police
municipale devra donc entraîner toutes les conséquences de droit qui y sont
attachées, soit au bénéfice du contrevenant - par exemple, le paiement de
l'amende forfaitaire minorée - soit à son détriment - par exemple, la
suspension de permis de conduire ou le retrait d'un certain nombre de
points.
C'est à la lumière de ces principes que sera élaboré le décret annoncé par
l'article 1er.
Il convient également de sortir de l'extrême confusion qui caractérise ce que
l'on appelle les équipements.
Vous le savez comme moi, il est parfois difficile, même à un oeil exercé, de
distinguer la tenue de certaines polices municipales des uniformes de la police
nationale.
Je sais qu'il s'agit là d'une question sensible, que je ne sous-estime pas.
Mais j'ai déjà dit qu'il existe dans le bleu, qui sied en effet à l'autorité,
de multiples nuances, dans lesquelles chacun, avec un peu de raison, doit
pouvoir trouver son compte.
Il faut que l'identification du représentant de l'autorité soit, dans toutes
les communes, immédiate et sans ambiguïté.
Il faut également, et cela participe de la même idée, que les tenues, les
types d'équipement et leurs signes extérieurs - je pense en particulier à la
sérigraphie des véhicules - soient les mêmes dans toutes les communes de
France.
Il faut, enfin, que les agents des polices municipales soient dotés d'une
carte professionnelle identique sur l'ensemble du territoire et portée en
permanence pendant le service.
Nos concitoyens doivent savoir ce qu'ils peuvent attendre du représentant de
l'autorité, et ce que celui-ci peut exiger d'eux. C'est cela aussi l'Etat de
droit.
Si les caractéristiques des équipements des agents de police municipale sont
fixées au niveau national, la sagesse commande qu'une consultation des
utilisateurs et des maires soit faite avant les choix, voire qu'un débat
s'instaure. C'est la raison pour laquelle il a été prévu que le décret portant
application de l'article 8 interviendrait après avis de la commission
consultative créée par l'article 3 du présent projet de loi.
Cette commission associera de manière égale des représentants de l'Etat, des
représentants des maires et des représentants des agents de police municipale,
comme l'Association des maires de France me l'avait demandé.
Le Gouvernement a eu une position ouverte sur ce sujet, lors du débat à
l'Assemblée nationale, tout en étant soucieux de ne pas porter atteinte aux
compétences du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, et à
l'unité de cette fonction publique, qui doit être protégée contre les risques
de balkanisation.
Il me paraît surtout important que la commission soit un lieu de concertation
entre les représentants de l'Etat, les maires et les représentants des agents
de police municipale. Le mode de désignation des uns et des autres peut être
l'objet de précisions. Nous y reviendrons à l'occasion de l'examen des
amendements. Néanmoins, s'agissant d'un organisme dont les avis peuvent avoir
des conséquences directes sur les modalités de fonctionnement des polices
municipales, il me paraît naturel, en fin de compte, qu'elle soit présidée par
un maire. Je suis persuadé que votre rapporteur n'y verra que des avantages.
(M. le rapporteur fait un signe d'assentiment.)
Le deuxième axe du projet de loi est des plus importants. Il s'agit de
l'indispensable complémentarité des missions exercées par les polices
municipales et de celles incombant aux forces de l'ordre qui sont sous la
responsabilité de l'Etat, tant en matière de police administrative qu'en
matière de police judiciaire.
Cette idée - la complémentarité - est si importante qu'elle se trouve, de
manière récurrente, dans la plupart des articles, mais surtout, bien sûr, dans
l'article 2, relatif au règlement de coordination.
Il est indispensable que les forces de police et de gendarmerie, d'une part,
et les polices municipales, d'autre part, lorsqu'elles interviennent sur un
même territoire, puissent se reconnaître et s'identifier. Il faut que, dans le
strict respect des compétences, l'on sache qui fait quoi et à quel endroit, en
matière de sécurité.
En quoi consiste le règlement de coordination prévu à l'article 2 ? Il ne
s'agit pas, bien sûr, d'opérer un partage du territoire communal, de réserver
aux uns ou aux autres la possibilité exclusive d'intervenir dans tel ou tel
secteur. Le territoire communal ne se partage pas, pas plus que ne se partage
la compétence des forces de sécurité de l'Etat.
Il convient, en revanche, dans le seul souci de l'efficacité et de la sécurité
publique, que soient formalisés les rapports des uns avec les autres,
organisées d'éventuelles patrouilles mixtes - dont l'utilité devra être
appréciée sur le plan local - et définis les moyens de communication.
C'est une nécessité absolue, surtout, et j'y reviendrai dans quelques
instants, compte tenu des modalités selon lesquelles les agents de police
municipale pourront procéder à des relevés d'identité.
Bien entendu, la mise en forme de cette indispensable complémentarité ne se
justifie que dans les communes dont l'effectif de police municipale permet une
véritable organisation structurée.
Il m'a semblé que l'on pouvait raisonnablement fixer à cinq le nombre d'agents
à partir duquel cette organisation est possible. Toutefois, j'ai admis que l'on
puisse avoir une appréciation différente sur ce seuil et j'ai accepté que
celui-ci, comme le souhaitait l'Assemblée nationale, soit ramené à trois. En
outre, même à titre facultatif, un tel règlement est toujours possible dans les
autres communes.
Il me paraît normal, en revanche, qu'à défaut d'accord le préfet puisse fixer
seul, mais toujours après avis du procureur de la République, le contenu du
règlement de coordination. C'est, j'en suis persuadé, presque une hypothèse
d'école. Je suis convaincu que le bon sens conduira dans l'immense majorité des
cas à trouver un terrain d'entente sur la coordination des forces ; et je
donnerai toutes les instructions nécessaires pour y parvenir.
Toutefois, si tel n'était pas le cas, il en irait à la fois de l'efficacité de
l'action publique en matière de sécurité et de la sécurité même des services de
police, nationale et municipale. Serait-il concevable, par exemple, que le
responsable de la police municipale ignore la présence, à tel endroit, d'une
brigade anticriminalité, ou que des agents des deux corps procèdent, au même
endroit et à la même heure, à des contrôles de circulation ? Evidemment, non
!
En ce qui concerne le travail de nuit, sur la durée de laquelle je suis prêt à
débattre avec vous - l'esprit ouvert, comme toujours - j'indique d'abord qu'il
ne sera en rien interdit aux agents des polices municipales dont l'effectif est
inférieur au seuil prévu pour l'obligation d'édicter un règlement de
coordination.
Il est bien clair que le lien entre le règlement de coordination et le travail
de nuit ne vise que les communes soumises à l'obligation légale d'établir un
tel règlement de coordination, c'est-à-dire les communes dont l'effectif
d'agents de police municipale excède le seuil qui sera fixé par la loi.
Il doit être clair également que l'existence d'un règlement de coordination
n'est gouvernée que par un souci de bon sens, celui d'éviter la mise en danger
de la sécurité des agents, des polices municipales comme de l'Etat, à
l'occasion d'une intervention.
Il pourrait être débattu de la nature du document instaurant cette
coordination : réglementaire, ainsi que l'a décidé l'Assemblée nationale, en
accord avec le Gouvernement, ou conventionnel, comme semble le souhaiter la
commission des lois du Sénat.
Nous sommes, je crois, assez fondamentalement d'accord sur la nécessité d'un
tel document et sur la démarche partenariale qui doit en accompagner
l'élaboration. Je souhaiterais réduire la portée de la divergence qui semble
exister entre nous et vous convaincre du bien-fondé de la nature réglementaire
du document, en recourant à un argument finaliste, bien que ce ne soit pas dans
mon tempérament.
Si la coordination est nécessaire, pour des raisons indiscutables de sécurité
et de rationalisation, l'absence d'un tel document affaiblirait le dispositif,
voire le rendrait inapplicable. C'est donc bien un règlement, dont le préfet et
le maire sont coauteurs, qui est nécessaire. Le choix d'une convention ou d'un
protocole, qui postule un accord de volonté, pourrait aboutir à un résultat
préjudiciable à la fois à la police municipale et à l'Etat. Je ne le souhaite
pas.
C'est la raison pour laquelle je préfère, au contraire, que ce soit un
règlement conjoint qui règle ce problème, en assurant la stabilité des
prescriptions qui y figureront.
Vous aurez noté que l'esprit partenarial auquel je suis attaché demeure. Même
en cas d'absence d'accord, le préfet n'a pas l'obligation d'édicter
immédiatement le règlement de coordination. C'est une possibilité, non une
obligation, et le préfet s'attachera en priorité à trouver un accord avec le
maire concerné.
La coordination trouve aussi sa traduction dans les missions de police
judiciaire.
Aujourd'hui, les rapports de l'agent de police municipale avec le parquet sont
très lointains, et même indirects. L'agent de police municipale ne verbalise,
pratiquement, que par le biais du carnet à souches, dont les avis de
contravention ne sont pas destinés au procureur de la République.
En vertu de l'article D. 15 du code de procédure pénale, il transmet ses
rapports à son chef hiérarchique, le maire ou le secrétaire général.
L'article 12 procède à une véritable professionnalisation de l'agent de police
judiciaire adjoint qu'est l'agent de police municipale.
Sans, bien entendu, affecter en rien le pouvoir hiérarchique du maire, à qui
il sera toujours rendu compte par les agents de police municipale des crimes,
délits ou contraventions dont ils auraient connaissance, les agents de police
municipale rendront également compte à l'OPJ - officier de police judiciaire -
de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, territorialement
compétent. Donc, il y aura une double transmission.
Leurs rapports et procès-verbaux seront transmis sans délai au procureur de la
République, par l'intermédiaire de cet OPJ.
L'intention du Gouvernement est de renforcer la professionnalisation, et donc
l'autorité, des agents de police municipale, en permettant à ceux-ci de prendre
toute leur place dans la structure de police judiciaire.
L'article 12 conforte ainsi le rapport direct avec le parquet, puisque ces
agents seront placés, en ce qui concerne la transmission de leurs procédures,
sur un pied d'égalité avec les agents de police judiciaire de la police
nationale ou de la gendarmerie nationale.
Pour autant, il n'est pas question, je le répète, que le maire soit dépourvu
de l'information qui lui est nécessaire, en qualité de premier magistrat
municipal. C'est pourquoi il sera informé simultanément des procédures
transmises par les agents placés sous son autorité.
L'Assemblée nationale a renforcé cette garantie, et je lui ai donné mon accord
à cet égard.
Le troisième objectif du projet de loi est d'assurer l'adaptation des moyens
des agents de police municipale aux missions qui leur sont confiées. C'est un
objectif important, et qui n'a pas été toujours parfaitement compris par
certains commentateurs du projet de loi, notamment en ce qui concerne
l'armement. On a vu naître quelques polémiques qui m'ont toujours paru
injustifiées et excessives. Je voudrais définitivement les « désarmer », si je
puis dire, bien que, après le débat à l'Assemblée nationale, il ne subsiste
guère de doute sur les intentions réelles du Gouvernement.
Aujourd'hui, 37 % environ des policiers municipaux sont porteurs d'une arme.
Les agents armés sont au nombre de 4 946. Cela signifie que, dans la majorité
des cas, les élus locaux eux-mêmes n'ont pas jugé utile à l'exercice de leurs
attributions de les doter d'une arme. M. Dreyfus-Schmidt le sait bien : à
Belfort, les agents de la police municipale n'ont pas d'arme, en tout cas pas
d'arme à feu.
(M. Dreyfus-Schmidt fait un signe d'assentiment.)
Cette approche réaliste
se retrouve, avec le souci de sécurité juridique qui est celui du Gouvernement,
dans le projet de loi. Je vais, si vous le voulez bien, préciser les règles
applicables en ce domaine.
L'idée principale est qu'il n'est pas nécessaire de porter une arme pour
assurer l'essentiel des tâches confiées aux agents de police municipale. En
revanche, des circonstances particulières et l'accomplissement de certaines
missions confiées par le maire peuvent le justifier. C'est cette logique simple
et concrète que traduit l'article 7 du projet de loi.
Le Gouvernement avait estimé que la détermination des catégories d'armes
susceptibles d'être utilisées par les agents de police municipale pouvait être
fixée par décret. L'Assemblée nationale a préféré que cette précision, non
dépourvue de conséquences pratiques, soit apportée par la loi.
La commission des lois du Sénat est, me semble-t-il, plus proche de l'analyse
du Gouvernement. Même si, comme vous le savez, une importante réflexion sur les
armes est en cours, l'essentiel est que le principe d'adaptation s'impose et
que, dans les cas où il y a nécessité de port d'arme, catégories et types
d'armes soient clairement définis.
Si l'on admet que le port d'armes est dérogatoire en droit comme il l'est
aujourd'hui dans les faits, encore convient-il de définir les types de missions
et les circonstances justifiant l'armement des agents de police municipale.
C'est l'objet du décret d'application qui sera élaboré.
Sans entrer dans le détail de ce projet de loi, je peux d'ores et déjà vous
indiquer que ce texte distinguera, d'une part, les missions et, d'autre part,
les types d'armes que pourront porter les agents de police municipale. J'ai
bien conscience que l'on n'est pas exposé aux mêmes risques, pour prendre les
exemples les plus parlants, lorsque l'on est affecté à des tâches de
surveillance nocturne, à la surveillance des écoles ou au relevé des
infractions aux règles de stationnement. Cette différence de situation devra
donc être prise en compte comme il convient.
Pour autant, le port d'armes sera soumis à autorisation préfectorale sur
demande motivée du maire. Cette demande sera d'ailleurs l'occasion de préciser
les fonctions des agents au bénéfice desquels le port d'armes est demandé. Le
Gouvernement, qui n'est pas insensible à l'intérêt de lier l'autorisation
préfectorale de port d'armes à une formation spécifique, a accepté le principe
d'une telle formation. Ces dispositions seront appliquées fermement, mais sans
tracasserie.
Pour des raisons pratiques que l'on comprendra aisément, l'autorisation du
préfet ne peut intervenir qu'autant qu'un règlement de coordination existe.
C'est une sécurité pour les agents de police municipale, pour les forces de
police d'Etat et pour les maires. Il est dangereux, en effet, que des agents
armés, exerçant des missions complémentaires, se trouvent sur le terrain en
même temps dans l'ignorance de ce que font les autres. C'est un facteur de
risque qu'il nous faut éviter.
Le projet de loi vise également à mieux définir les règles de détention
proprement dite des armes.
Il doit être entendu que seule la commune est propriétaire des armes qu'elle
met à disposition de ceux de ses agents pour lesquels le port d'armes sollicité
a été obtenu.
Les agents de police municipale n'ont pas, ès qualités, vocation à détenir
individuellement des armes, qu'ils utiliseraient dans le cadre de leur
service.
La détention d'armes par la commune doit, quant à elle, être entourée de
garanties. Le décret d'application déterminera donc les conditions dans
lesquelles les armes seront acquises et conservées par les communes. Il
prévoira notamment les mesures et les dispositifs de sécurité qui doivent
accompagner cette détention.
L'adaptation n'est pas seulement une affaire de moyens matériels. Elle
concerne aussi les hommes. Aussi ai-je attaché une attention particulière à la
formation des agents de police municipale. Comme vous le savez, ceux-ci doivent
recevoir une formation initiale dans le cadre statutaire qui est le leur. Mais
il est apparu utile à l'exercice de leurs fonctions qu'une formation continue
obligatoire leur soit dispensée en cours de carrière. C'est le sens de
l'article 15 du projet de loi. Je souligne qu'il s'agit là d'une spécificité
qui n'a pas de précédent dans la fonction publique territoriale et qui trouve
sa justification dans la mission particulière confiée à ces agents : la
sécurité de proximité.
Pour maintenir ou pour améliorer leur qualification professionnelle, les
agents de police municipale bénéficieront donc d'une formation organisée par le
Centre national de la fonction publique territoriale.
Pour assurer des prestations de qualité dans un domaine très spécifique, le
centre pourra passer convention avec des administrations ou avec des
établissements publics de l'Etat chargés de la formation des fonctionnaires de
la police nationale et de la gendarmerie nationale.
Je reviens, s'agissant de la formation, sur une disposition importante du
projet de loi initial ; ce dernier prévoyait en effet le versement d'une
redevance par les communes concernées. Contre l'avis du Gouvernement,
l'Assemblée nationale a supprimé cette redevance.
Est-il sain de faire supporter par 92 % des communes des dépenses afférentes à
une action qui ne concerne que 8 % d'entre elles ?
M. Jean-Jacques Hyest.
Non !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Il vous appartient d'en juger, mesdames,
messieurs les sénateurs, mais je crois que l'on peut émettre sur ce sujet un
avis réservé.
L'équité qui guide la réflexion du Gouvernement sur ce point invite à faire
supporter la charge financière de la formation continue des agents de police
municipale aux seules communes concernées, puisqu'il s'agit d'une faculté et
non d'une obligation. J'ai constaté avec plaisir que M. le rapporteur, dont je
salue le travail et qui sait de quoi il parle, a proposé par amendement, au nom
de la commission des lois, de rétablir la redevance pour prestations de
service.
J'en viens au quatrième point de mon intervention : l'adaptation aux missions
que je viens d'évoquer et, en particulier, la formation des agents de police
municipale seront un gage de la compétence de ces derniers.
Mais le projet de loi veut aussi garantir l'efficacité des polices
municipales, notamment sur deux plans : l'engagement des procédures pénales,
d'une part, la mise en commun des moyens et effectifs des polices municipales,
d'autre part.
S'agissant de l'engagement des procédures pénales, j'ai évoqué tout à l'heure
l'extension du pouvoir de verbalisation. Mais, pour pouvoir verbaliser, encore
faut-il pouvoir s'assurer de l'identité du contrevenant. Là est le problème.
C'est pourquoi le projet de loi, dans son article 14, organise une procédure
nouvelle, le relevé d'identité, procédure sur laquelle je voudrais m'attarder
quelques instants.
Il s'agit, en quelque sorte, d'une procédure intermédiaire entre le recueil
d'identité et le contrôle d'identité.
Le recueil d'identité vise à permettre aux agents de la SNCF ou de la RATP de
demander son identité au contrevenant sans cependant pouvoir exiger de lui la
présentation d'aucun document en justifiant. Ces agents doivent donc se
contenter de la bonne foi du contrevenant, sauf à requérir l'assistance d'un
agent ou d'un officier de police judiciaire.
Le contrôle d'identité n'a rien de commun. Il se situe à l'autre bout de
l'échelle de Richter, si je puis dire.
(Sourires.)
Il consiste à inviter une personne, dans les cas mentionnés
par l'article 78-2 du code de procédure pénale, à justifier par tous moyens de
son identité. Une preuve - et non une simple affirmation - est exigée de
l'intéressé. En pratique, un document d'identité doit être présenté par ce
dernier.
Ce contrôle peut lui-même conduire à une vérification d'identité, la personne
étant alors retenue sur place ou conduite dans un local de police pendant le
temps nécessaire, ce temps ne pouvant excéder quatre heures.
Quant au relevé d'identité prévu par l'article 14 du projet de loi, il s'agit
d'une mesure intermédiaire, plus efficiente que le recueil et moins
contraignante que le contrôle.
Cette procédure établit un équilibre entre l'exigence d'efficacité des polices
municipales et les impératifs de la protection des droits et libertés des
citoyens. Elle s'accompagne d'un temps de rétention incompressible, que la
rédaction proposée réduit cependant au minimum.
Il est clair aussi que les agents de police municipale ne pourront user de
moyens de contrainte disproportionnés, tels les menottes, sans commune mesure
avec la gravité d'une infraction punie d'une simple peine
contraventionnelle.
En tout état de cause, la durée de la rétention et la proportionnalité des
moyens seront soumis, en tant que de besoin, au contrôle du juge, comme c'est
le cas pour les agents de la police nationale et de la gendarmerie
nationale.
L'Assemblée nationale, dans le souci de contrôler cette rétention, a imaginé
une procédure dite du « récépissé » : l'agent remettrait ainsi un récépissé au
contrevenant refusant de justifier de son identité ou ne pouvant le faire.
Cette idée, à mon sens, aboutit à mettre en oeuvre un système lourd et inutile.
En effet, ce récépissé n'aurait d'intérêt que si la tentative de relevé
d'identité était suivie d'une vérification d'identité par l'officier de police
judiciaire, ce qui ne sera pas toujours le cas, bien évidemment.
Or les alinéas 6 à 9 de l'article 78-3 du code de procédure pénale prévoient
la remise d'un procès-verbal à la personne qui a fait l'objet d'une telle
vérification d'identité lorsque celle-ci n'est suivie d'aucun acte d'enquête ou
d'exécution transmis à l'autorité judiciaire.
Ce procès-verbal précise notamment l'heure du début du contrôle d'identité.
Rappelons que, si la vérification d'identité est suivie d'une garde à vue,
celle-ci commencera dès le début de l'heure du contrôle d'identité.
Ce système sous-entend que,
a priori
, l'agent de police municipale,
pourtant agent de police judiciaire adjoint et, en tant que tel, soumis au
contrôle du procureur, est de peu de foi et qu'il trichera lorsqu'il rendra
compte à l'officier de police judiciaire.
Enfin, ce système n'existe pas lorsqu'une personne est interpellée ou lorsque,
au cours d'un contrôle d'identité, une personne refuse ou ne peut justifier de
son identité et est alors présentée à l'officier de police judiciaire.
Bref, ce récépissé n'apporte à mon avis aucune garantie supplémentaire au
citoyen dans la procédure du relevé d'identité, qu'il ne fait au contraire
qu'alourdir.
Si je suis soucieux de l'efficacité des polices municipales dans le domaine de
la police judiciaire, je le suis autant en matière de police administrative, et
j'ai bien entendu les préoccupations d'un nombre non négligeable d'élus qui
souhaitent pouvoir mettre en commun tout ou partie de leurs effectifs et moyens
de police municipale. C'est la justification de l'article 5 du projet de
loi.
Cette mise en commun ne pourra s'exercer qu'en matière de police
administrative, compte tenu de la compétence territoriale des agents de police
judiciaire adjoints. Concrètement, s'ils pourront participer à des missions de
surveillance ou d'îlotage, ils ne pourront verbaliser, au nom de cette règle de
compétence territoriale.
Seuls des événements à caractère exceptionnel - une manifestation sportive, un
concert d'ampleur inhabituelle - pourront justifier une mise en commun.
J'avais pensé utile, initialement, de prendre aussi en compte les afflux
importants de population liés à la saison touristique. L'Assemblée nationale a
estimé que cette disposition risquait d'entraîner des difficultés de gestion
pour les communes concernées. Je ne partage pas tout à fait cet avis, puisque,
en tout état de cause, il ne s'agirait là que d'une faculté. Dans mon esprit,
c'est bien l'afflux touristique qui était visé, et c'est ce que la commission
des lois du Sénat me semble avoir compris.
J'en viens au cinquième point de mon propos.
Vous en conviendrez avec moi, le projet de loi qui vous est soumis, mesdames,
messieurs les sénateurs, vise à renforcer considérablement les pouvoirs des
agents de police municipale. Il fait aussi de la complémentarité sa pierre
d'angle. Il est donc normal que l'Etat renforce son contrôle à la fois sur les
agents, compte tenu de leurs responsabilités nouvelles, et sur les services, le
tout dans un souci de transparence.
Deux dispositions du projet de loi traduisent ce souci, s'agissant des agents
de police municipale : le double agrément, d'une part, le code de déontologie,
d'autre part.
Les agents de police municipale sont actuellement agréés par le procureur de
la République. Cela n'a pas toujours été le cas, puisque, avant la loi du 2
mars 1982, ils l'étaient par le préfet.
L'article 6 prévoit qu'ils seront désormais agréés à la fois par le procureur
et par le préfet, après leur nomination par le maire. Cette solution figurait
dans les projets antérieurs. Elle se justifie pleinement.
Le projet de loi consacre en effet le rôle des agents de police municipale en
matière de police administrative, dans le domaine de la sécurité de proximité.
Il est donc parfaitement légitime que le représentant de l'Etat, dont j'ai au
surplus souligné le rôle dans l'élaboration du règlement de coordination,
intervienne dans la procédure d'agrément et s'assure de l'honorabilité et de la
moralité du candidat à la nomination. Il le fera parallèlement au procureur de
la République, dont l'intervention doit être plus que jamais maintenue, compte
tenu du renforcement sensible des compétences de police judiciaire des agents
de police municipale.
Ce mécanisme n'a rien de révolutionnaire, puisqu'il est déjà prévu par la loi
pour les agents de sûreté des ports et des aéroports.
Pour répondre à une interrogation plusieurs fois formulée, il est clair que le
double agrément ne peut intervenir que postérieurement à la nomination de
l'agent par le maire, car on voit mal comment pourrait être agréée comme agent
de police municipal une personne n'ayant encore aucun lien avec la fonction
publique. A cet égard, mesdames, messieurs les sénateurs, la commission des
lois semble vouloir rétablir, par amendement, un ordre logique dans la
succession des actes relatifs à l'entrée en fonction, qui veut en effet que
l'agrément succède à la nomination.
Pour lever une ambiguïté qui pouvait résulter du projet de loi, le
Gouvernement vous proposera un amendement explicitant le fait que,
naturellement, les agents aujourd'hui en fonctions, et qui ont déjà été agréés
par le procureur de la République, n'auront pas à être agréés à nouveau par
cette autorité judiciaire ; ils ne le seront donc que par le préfet.
Le Gouvernement a aussi estimé nécessaire de prendre en compte l'hypothèse du
retrait d'agrément en cours de service. Aujourd'hui, les règles de la fonction
publique territoriale enferment le maire dans l'alternative suivante : soit
recourir au licenciement pour insuffisance professionnelle, en respectant la
procédure disciplinaire, soit maintenir l'agent dans les effectifs budgétaires,
sans pouvoir l'affecter à d'autres missions, puisqu'il n'a pas le droit de le
détacher dans un autre cadre d'emploi dans sa commune. L'article 6 du projet de
loi donne aux maires un outil de gestion supplémentaire et accroît leur marge
de décision tout en favorisant le reclassement professionnel.
En effet, les maires pourront désormais, sans que cela soit obligatoire,
reclasser tel ou tel agent dans un autre cadre d'emploi selon les modalités
prévues en matière de reclassement pour inaptitude physique.
Enfin - c'est là une innovation - le projet de loi prévoit que les agents, une
fois agréés dans les conditions que l'on vient de mentionner, seront
assermentés.
Le code de déontologie dont le principe est fixé par l'article 9 est réclamé
depuis de nombreuses années, et je ne puis que souscrire à ce souhait. Nous
aurons l'occasion de reparler de la déontologie de tous les services, publics
ou privés, en charge de missions de sécurité lors de l'examen du projet de loi
portant création d'une instance supérieure de déontologie.
Pour ce qui nous intéresse aujourd'hui, oui, il est indispensable que les
agents de police municipale soient dotés d'un corps de règles déontologiques
qu'ils doivent respecter, comme les agents de la police nationale doivent
respecter le code de déontologie résultant du décret du 18 mars 1986.
Si la transparence s'impose, s'agissant des agents de police municipale, elle
s'impose de la même façon s'agissant de l'organisation et des modalités de
fonctionnement des services de police municipale. C'est pourquoi le projet de
loi prévoit que ceux-ci pourront faire l'objet d'une vérification sur
l'initiative soit du maire, soit du préfet, soit du procureur de la République.
Le ministre de l'intérieur décidera ensuite de cette vérification, après avis
de la commission consultative que j'ai évoquée tout à l'heure, et après en
avoir arrêté les modalités en concertation avec le maire. La solution la
meilleure et la plus expédiente consiste à avoir recours aux services
d'inspection générale de l'Etat compétents en ce domaine.
La vérification pourra éventuellement conduire le maire à engager les réformes
d'organisation nécessaires, voire à envisager des procédures individuelles,
s'il les estime justifiées. De la même façon, la vérification pourrait conduire
à la révision du règlement de coordination ou au réexamen, par les autorités de
l'Etat, de tel ou tel agrément.
J'en viens au sixième point de cette intervention.
En même temps qu'il vise à accroître les pouvoirs des agents de police
municipale, le projet de loi tend aussi à renforcer leurs responsabilités ; il
consacre leur participation effective à la mission de sécurité générale. Il est
donc normal que l'Etat prenne en compte cette responsabilité nouvelle et la
traduise au plan statutaire.
J'ai déjà parlé d'un aspect fondamental du statut, à savoir la formation
initiale et continue. Je n'y reviens pas.
L'article 16 du projet de loi s'inscrit clairement dans cette optique de
reconnaissance statutaire. Il prévoit des règles dérogatoires en matière de
réversion des pensions attribuées au profit des conjoints et des orphelins
d'agents de police municipale tués au cours d'une opération de police.
Dans cette hypothèse, qui s'est déjà produite dans le passé - heureusement
dans de très rares cas : trois ou quatre à ma connaissance - la pension est
portée au taux de 100 %, c'est-à-dire qu'elle est équivalente à ce qu'aurait
perçu le fonctionnaire territorial lui-même à l'âge de la retraite.
J'ajoute que ce relèvement s'accompagne d'une autre disposition favorable et
dérogatoire - qui nécessitait pour cela le recours à la loi - consistant en la
nomination de ces fonctionnaires tués en service au grade ou, à défaut, à
l'échelon supérieur à celui qu'ils avaient atteint.
Au cours de la discussion à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a présenté
un amendement étendant ces dispositions à l'ensemble des agents de police
municipale décédés en service et cités à l'ordre de la nation, et non seulement
à ceux qui ont été tués en opération de police.
Le rôle et l'importance des agents de police municipale sont ainsi pleinement
reconnus.
Je dirai un mot, enfin, de la question de l'accès à la catégorie B des
fonctionnaires d'encadrement des polices municipales.
Il s'agit là d'une question qui ne relève que du domaine réglementaire, mais,
ainsi que cela a été dit devant le Conseil supérieur de la fonction publique
territoriale et comme je m'y suis solennellement engagé devant l'Assemblée
nationale, le Gouvernement est prêt à donner la possibilité aux communes qui le
souhaiteraient de créer des emplois relevant de la catégorie B, dès lors que
leurs besoins le justifient. Je précise à cet égard que, dans la police
nationale, un commandant fait partie de la catégorie B.
C'est donc un décret qui créera un statut particulier, que je souhaite voir
examiner prochainement par le Conseil supérieur de la fonction publique
territoriale.
Pour le reste, je n'ignore pas qu'il y a d'autres revendications, de nature
essentiellement indemnitaires.
Ces revendications portant sur des avantages financiers ne me paraissent
justifiées ni par la spécificité des fonctions exercées par les agents de
police municipale ni par aucune autre considération. Elles pèseraient
d'ailleurs sur les budgets des collectivités territoriales - or je suis bien
placé pour connaître les difficultés auxquelles elles sont confrontées - comme
sur celui de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités
locales.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement ne les a pas retenues, ce qui ne
doit pas occulter les réelles avancées statutaires inscrites ou induites par ce
projet de loi.
En définitive, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui vous est
proposé est un ensemble équilibré : il accroît sensiblement les compétences et
les pouvoirs des agents de police municipale, il consacre ainsi leur apport à
la police de proximité, il garantit leur qualité par un encadrement législatif
précis, il est respectueux des libertés individuelles, le tout en préservant
rigoureusement la liberté des communes.
Il met également en évidence le monopole de la force publique détenu par
l'Etat, mais il établit, dans la plus grande clarté, la complémentarité des
services de police et de gendarmerie nationales et des polices municipales.
Ce projet de loi sert un objectif qui nous rassemble tous : la mise en oeuvre
du droit de chaque citoyen à la sûreté, que la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 classait déjà parmi les droits imprescriptibles
de l'homme.
D'autres textes, qui ont déjà été déposés ou discutés par la représentation
nationale ou qui le seront dans un avenir prochain, y contribuent aussi. Je
pense notamment au projet de loi sur les animaux dangereux, au projet de loi
sur la déontologie de la sécurité, au texte en cours de préparation sur les
sociétés de surveillance et de gardiennage et les agents privés de recherches ;
je pense aussi à la refonte globale de la réglementation des armes.
C'est à ce titre qu'au nom du Gouvernement je vous invite maintenant à
débattre du présent projet de loi et à en approuver la démarche.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
(M. Jacques Valade remplace M. René Monory au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Delevoye,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de
remercier tout d'abord le président et les membres de la commission des lois de
la qualité des travaux qui ont été menés au sein de cette dernière et de la
richesse des débats qui s'y sont déroulés.
Monsieur le ministre, vous nous avez présenté ce projet de loi. Il importe
maintenant, ainsi que vous l'avez souhaité, que nous analysions la
problématique des polices municipales d'une façon dépassionnée, en évitant les
clichés un peu simplificateurs.
Il est cependant possible de procéder à une lecture technique et, au-delà, à
une lecture politique : au coeur du problème posé apparaît l'articulation entre
l'Etat et les collectivités locales, entre les responsabilités des uns et des
autres. Nous sentons bien, à cet égard, qu'il nous faut aujourd'hui réfléchir à
un partenariat équilibré et efficace entre l'Etat et les collectivités
territoriales, et non pas à un partenariat par défaut.
Il serait difficile, pour les collectivités locales, d'imaginer devoir remplir
des fonctions en matière d'emploi, de sécurité, de justice, parce que l'Etat,
soit par incapacité budgétaire, soit face à l'explosion des problèmes, serait
dans l'impossibilité d'y faire face. Nous avons devant nous un vrai problème de
société, il nous faut donc réfléchir aux meilleures réponses capables de
garantir à la fois l'efficacité de l'action publique et le respect de l'éthique
républicaine.
Aujourd'hui, le débat est ouvert entre, d'un côté, des solutions fédéralistes
à l'allemande, avec des pouvoirs autonomes très forts accordés aux
collectivités territoriales et une césure entre les élus nationaux et les élus
locaux, et, d'un autre côté, une contractualisation, spécificité française dont
l'objectif politique est clairement affiché mais dont les moyens sont
éparpillés entre différents échelons afin d'obtenir une graduation des
réponses, une plus grande efficacité par la proximité, tout en garantissant
l'éthique républicaine.
Cela signifie qu'il faut que l'on sache bien qui fait quoi, qui est
responsable de quoi, de quels moyens dispose chaque autorité et quelles
garanties sont apportées aux citoyens et à la société. Ce partenariat ne peut
en effet se concevoir que dans l'équilibre, dans la confiance, cette politique
ne pouvant réussir que par le grand professionnalisme de celles et de ceux qui
la mettent en oeuvre.
La nécessaire évolution des relations entre l'Etat et les collectivités
territoriales est au coeur de nos réflexions et de nos propositions concernant
la sécurité, face à des perceptions ou à des attentes nouvelles de nos
concitoyens et, à tout le moins, à une évolution de la société qui nous livre
de nouveaux défis.
Vous évoquez souvent, monsieur le ministre, la fracture civique, émergence de
deux sociétés qui s'affrontent sur le même territoire, fragilisant, en le
remettant en cause, le pacte républicain ou la notion de « vivre ensemble ».
Si la peur du gendarme est le commencement de la sagesse, encore faut-il que
chaque acteur cultive et distille les bienfaits de cette sagesse et, plus
encore, que chacun soit convaincu de la nécessité de celle-ci.
Toute l'énergie que nous mettrons dans les dispositifs répressifs ne doit pas
nous faire oublier que ces derniers représentent l'échec de l'éducation d'une
société qui, ayant jeté ses repères aux orties, ne peut s'étonner d'être mise
en péril. Il n'y a pas d'Etat sans citoyen, ni de citoyen sans Etat.
Bien évidemment, nous avons à réfléchir les uns et les autres, au travers de
cette analyse relative aux polices municipales, à la symbolique des forces de
proximité, porteuses de valeurs et du respect des règles républicaines. Mais il
importe aussi que nous ne soyons pas comme ce héros hollandais en train de
mettre le doigt dans la digue parce que celle-ci semble se fissurer, alors
qu'une marée de problèmes est en train de nous envahir et de nous perturber.
Cette réflexion sur les polices municipales ne doit pas occulter le véritable
débat sur la prévention, car rien ne sera possible si le vice est récompensé
plus que la vertu, si la volonté des uns est anéantie ou neutralisée par le
laxisme des autres.
Si la richesse de nos territoires est celle des hommes, la force de notre
République est puisée dans leur force et leur fierté, les piliers de celle-ci
sont façonnés par la responsabilité et la responsabilisation des acteurs.
A cet égard, les élus que nous avons rencontrés ainsi que les représentants de
l'Etat que vous côtoyez, monsieur le ministre - c'était l'objet du colloque de
Villepinte - peuvent tous témoigner des problèmes rencontrés.
Un ascenseur social en panne, une difficulté de lire l'avenir, une diminution
de la responsabilisation parentale, une concurrence entre l'école de la rue et
l'école républicaine font qu'aujourd'hui les moyens d'expression sont des
moyens de violence ou d'agression et qu'il est essentiel de restaurer les
repères d'autorité de l'Etat, sauf à se heurter à des problèmes quasiment
insolubles. Cela pose l'articulation entre la justice, la police, la
gendarmerie et les réponses locales.
A partir de cette analyse « sociétale » à caractère politique - quelle est la
meilleure réponse et à quel niveau doit-elle être apportée - il convient de
constater que la réalité des polices municipales est incontestable. La montée
en puissance du phénomène est forte, puisque, de 1984 à 1998, le nombre des
communes concernées est passé de 1 700 à 3 000, le Centre national de la
fonction publique territoriale annonçant, de son côté, un flux annuel d'entrées
de 800.
Les gouvernements successifs ont toujours hésité sur la solution à apporter,
et il est vrai que le débat entre les maires a été centré sur le point de
savoir si, l'Etat étant responsable de la sécurité, il devait étatiser les
polices municipales. C'était l'objet, d'ailleurs, de l'article 88 de la loi du
7 janvier 1983. Mais chacun sait que, aujourd'hui, le réalisme budgétaire
interdit d'imaginer une telle solution. Certains maires soutiennent toujours
cette thèse, qui se justifie mais qui n'est malheureusement pas réaliste.
Sont ensuite intervenus les rapports Lalanne, Clauzel et Balkany, et vous avez
même confié une mission à M. Genthial, dont le Parlement souhaiterait
d'ailleurs connaître les conclusions. En outre, vous l'évoquiez vous-même,
monsieur le ministre, le 20 décembre 1987, le Sénat a adopté en première
lecture le projet de loi Pasqua, sur le rapport de notre collègue M. Paul
Masson.
Selon l'inspecteur général Jacques Genthial - je cite là une interview
accordée à
Maires de France
- en cas de problèmes, les citoyens se
tournent moins spontanément vers le commissaire de police que vers l'élu ; en
quarante ans le nombre d'infractions a été multiplié par sept ; de ce fait, les
maires ont essayé de réaliser leur propre système de sécurisation.
Dans cette interview, M. Genthial confirmait la coopération harmonieuse
existant entre la police nationale et la police municipale, et il justifiait la
police municipale par son activité.
Sur la situation en Europe, un très important travail de droit comparé a été
accompli par les services du Sénat. Il ressort de l'étude réalisée que la
France se distingue des pays voisins car il est le seul à ne pas avoir adopté
une loi en la matière. Ainsi, l'Espagne a adopté, en 1986, une loi sur les
forces et les corps de sécurité, l'Italie une loi sur les polices municipales
et le Portugal une loi sur les services municipaux de police en 1994, tandis
que les
Länder
allemands ont adopté différentes lois sur les services
municipaux chargés du maintien de l'ordre.
Les points de convergence de tous ces dispositifs législatifs sont,
premièrement, la définition d'un cadre juridique ; deuxièmement, des règles
établissant une coordination ; troisièmement, une participation des polices
municipales à l'ensemble des fonctions policières. Ces différents éléments
figurent dans le projet de loi que vous nous soumettez, monsieur le
ministre.
Nous avons interrogé les communes concernées par l'intermédiaire de
l'Association des maires de France. Nous avons obtenu un taux de réponse de 50
% et nous pouvons tirer quelques enseignements de ces réponses, qui sont
significatives.
Dans plus de 60 % des cas, la création des polices municipales a eu lieu bien
avant 1990. Les raisons de cette création s'expliquaient par la montée de la
petite délinquance et par le désengagement de l'Etat, dans plus de 50 % des
cas. Plus préoccupant - voilà qui devrait vous interpeller, monsieur le
ministre - un peu plus de 60 % des personnes interrogées estiment que, depuis
la création des polices municipales, l'Etat a eu tendance à se désengager.
Il convient donc que, dans le cadre du partenariat entre Etat et polices
municipales, s'ouvre une réflexion sur les moyens que doit mettre en oeuvre
l'Etat pour garantir la sécurité. Il est, en tout cas, exclu d'imaginer -
fût-ce un seul instant - que le partenariat que vous souhaitez instaurer
permette à l'Etat de ne pas assumer ses responsabilités. Mais je suis convaincu
que tel n'est pas votre état d'esprit !
M. Alain Gournac.
Ah !
M. Jean-Paul Delevoye,
rapporteur.
La grande majorité des personnes interrogées se prononcent en faveur de
l'armement. Un accord de coopération existe d'ailleurs dans la majeure partie
des communes importantes. Les maires sont par ailleurs favorables au
renforcement du contrôle de l'Etat, tandis qu'une collaboration a été instituée
avec les polices des communes voisines.
Voilà qui confirme - si besoin était - la grande sagesse des élus locaux et,
surtout, la très grande efficacité, constatée sur le terrain, de l'articulation
entre l'Etat et les communes s'agissant des réponses à apporter en matière de
sécurité.
Le contexte dans lequel nous examinons le présent projet de loi est connu de
tous : une réalité incontestable et un développement important des polices
municipales, avec une très grande disparité géographique - que vous avez
évoquée - puisque le ratio évolue de 0,5 à plus de 4 .
Ce mouvement n'a pas été freiné par le processus d'étatisation de la police
puisque, si la police est étatisée dans 1 625 communes, sur les 686 communes de
plus de 1 000 habitants qui disposent d'une police municipale, 495 sont sous le
régime de la police d'Etat. Cela confirme, si besoin était, la poussée d'une
demande forte d'une police de proximité, exprimée par nos concitoyens en raison
de la montée des incivilités, de la délinquance, de la violence. Tout le monde
réclame un plus grand confort de vie communale !
Nous ne devons pas non plus imaginer que ce projet de loi serait lié à une
augmentation brutale du pouvoir de police des maires.
Le pouvoir actuel des maires comporte trois aspects : tout d'abord, en tant
qu'autorité de police municipale, le maire est placé sous le contrôle
administratif du représentant de l'Etat. Cela concerne la police municipale, la
police rurale et l'exécution des actes de l'Etat qui y sont relatifs. Ensuite,
en tant qu'agent de l'Etat, le maire est sous l'autorité du représentant de
l'Etat chargé d'exécuter les mesures de sécurité générale. Enfin, en vertu de
l'article 16 du nouveau code de procédure pénale, il a la qualité d'officier de
police judiciaire, sous la surveillance du procureur de la République. Ses
pouvoirs sont encadrés, ils s'exercent sous le contrôle du juge administratif
et exclusivement sur le territoire communal.
Pour exercer ces pouvoirs, le maire est habilité à recruter des policiers
municipaux, dont les compétences et le statut - vous l'avez indiqué, monsieur
le ministre - restent à définir ; c'est précisément l'objet du présent projet
de loi.
C'est donc non pas un phénomène nouveau lié à une augmentation du pouvoir des
maires, mais le constat d'un vécu local : un grand nombre de policiers,
aujourd'hui, sont recrutés pour appliquer les arrêtés du maire.
Chacun se plaît cependant à reconnaître que les limites actuelles de leurs
pouvoirs nuisent à l'efficacité du service, tout en étant contraires à un
minimum de bon sens - vous l'avez dit - notamment en ce qui concerne les
infractions routières. De plus, le statut législatif des personnels municipaux
est très incomplet.
Tout cela plaide pour des réponses législatives visant à améliorer
l'efficacité des services, à régulariser l'existant, mais sans modifier le
nécessaire équilibre entre l'Etat et les collectivités locales.
Notre analyse, qui s'est fondée sur le vécu du terrain, nous a confirmé que
cela se passait bien entre les services de l'Etat et les communes, constat qu'a
d'ailleurs confirmé M. Genthial : il n'y a pas de dérapages ; la négociation
locale a su intelligemment concilier l'autorité nécessaire de l'Etat et
l'efficacité de la réponse de proximité, qui est forcément communale.
Le projet de loi tend à étendre les compétences des policiers municipaux,
notamment sur le plan judiciaire. Il importe d'en apprécier la symbolique et la
réalité.
Vous avez développé très longuement les objectifs de votre projet de loi,
monsieur le ministre. Permettez-moi de les examiner à la lumière des
propositions qu'a faites l'Assemblée nationale et de celles que fait la
commission des lois.
La commission des lois affirme que la sécurité est bien de la compétence de
l'Etat, mais elle constate que, souvent, c'est parce que les réponses aux
besoins sont insuffisantes que les communes sont conduites à mettre en place
des polices municipales.
Elle a approuvé l'extension des compétences. Elle vous a demandé des
précisions complémentaires - vous avez eu l'amabilité de bien vouloir les lui
fournir - notamment sur les infractions qui seraient déterminées par voie
réglementaire. Cela concerne surtout la police judiciaire, et notamment les
infractions qui pourraient entraîner le retrait de quatre points sur le permis
de conduire.
Au nom du pragmatisme, du vécu local, et en cohérence avec les possibilités du
travail de nuit, la commission des lois a posé très clairement le principe de
l'armement sous condition. Elle souhaite cependant l'adoption de la
classification Schengen des armes, estimant que la classification française est
obsolète. Vous avez d'ailleurs mis en place une réflexion à ce sujet. Pour
cette raison, la commission, qui a entendu l'avis d'un certain nombre de
techniciens, n'a pas souhaité faire référence dans la loi à la quatrième ou à
la sixième catégorie.
J'en viens à la coordination. Vous avez argumenté en faveur du règlement de
coordination, qui, à défaut d'accord entre le maire et le préfet, pourrait être
signé par le préfet seul. La commission a préféré privilégier une formule
conventionnelle. Vous avez d'ailleurs vous-même indiqué que vous ne
comprendriez pas pourquoi il ne pourrait pas y avoir un accord local.
Celles et ceux que nous avons reçus ont démontré à quel point les conventions
étaient rapidement signées entre les représentants de l'Etat et les maires.
Grâce à l'obligation qui est faite de parvenir à un partenariat entre le maire
et le préfet, tout en respectant les spécificités des uns et des autres, on
parvient effectivement, par la convention, à améliorer la sécurité des
policiers d'Etat et des policiers municipaux lorsqu'ils doivent travailler sur
le même territoire dans des conditions particulièrement dangereuses. Par
ailleurs, la convention-type renforce la capacité d'obtenir une référence
nationale fixant le cadre de négociation de cette convention et l'adaptation de
réalités ou de spécificités locales.
Nous avons pu constater qu'un certain nombre de conventions correspondaient
réellement à des besoins locaux et apportaient des réponses tout à fait
pertinentes.
Nous avons souhaité garder le seuil initial du projet de loi, que l'Assemblée
nationale avait fixé à trois agents, estimant que la partie facultative pour
les brigades de moins de cinq agents ne devait pas être transformée en
contrainte pour ceux qui avaient entre trois et cinq agents.
A défaut de signature de convention, il n'y a, bien évidemment, pas
d'armement, étant entendu que nous avons modifié la plage horaire prévue pour
la prohibition, dans ce cas, du travail de nuit. L'Assemblée nationale avait
adopté une plage horaire allant de six heures à vingt-trois heures. Il est
difficile d'adopter une plage horaire et d'avoir des références. Pourquoi six
heures, vingt et une heures, vingt-quatre heures ou deux heures ?
Nous avons préféré nous référer au code de procédure pénale et prévoir que, à
défaut de convention, il n'y a pas d'armement et que la plage horaire va de six
heures à vingt et une heures. Cela marche bien sur le terrain.
Nous sommes favorables au code de déontologie et nous approuvons la formation
initiale et la formation continue.
Pour ce qui est de cette formation continue, le président de la commission des
finances du CNFPT nous a clairement indiqué les difficultés de son financement.
Après avoir exploré la solution de la redevance, puis celle de l'amende de
police, la commission des lois n'a pas souhaité retenir un financement
particulier. Elle laisse aux communes concernées le soin de financer la
formation continue, charge évaluée, dans l'exposé des motifs, à peu près dix
jours à 1 000 francs tous les cinq ans, soit 2 000 francs par an et par agent,
ce qui paraît parfaitement compatible avec l'investissement des communes.
La commission approuve le contrôle et les vérifications nécessaires à la
garantie de la qualité, se contentant d'apporter quelques modifications.
Vous avez estimé logique, monsieur le ministre, qu'il y ait un double
agrément, un agrément du procureur de la République et un agrément du
préfet.
Reprenant les débats sur les projets de loi de décentralisation de 1982, nous
avons constaté qu'à l'époque l'Assemblée nationale avait estimé, à juste titre,
qu'au nom de la subsidiarité il convenait de compenser en la matière la
suppression de la tutelle par le préfet par un agrément donné par le seul
procureur, en rappelant bien évidemment que l'agrément n'était qu'une mesure
permettant de s'assurer de l'honorabilité du candidat et non de sa capacité
professionnelle.
A partir du moment où l'extension des compétences porte quasi exclusivement
sur la police judiciaire, nous estimons inutile le double agrément du préfet.
C'est une contrainte supplémentaire. La preuve en est que vous proposez un
amendement pour éviter que, pour les 13 000 policiers actuels, on puisse
recourir à l'agrément du préfet s'appuyant sur l'agrément du procureur.
Ce serait, nous semble-t-il, inutile, d'autant que nous affirmons clairement
que le préfet doit, dans la convention de coordination, être chargé de la
coordination des moyens et que le procureur doit veiller, comme c'est le cas
actuellement, à l'honorabilité du candidat.
Nous rétablissons la nomination par le maire avant l'agrément, car c'est la
seule procédure juridiquement valable.
En commission, le débat a porté sur le moyen d'éviter des formations inutiles,
c'est-à-dire le cas d'une personne qui pourrait être nommée et qui serait
entrée en formation mais qui ne serait pas agréée. A l'évidence, il y aurait là
un gâchis des finances publiques.
La logique intellectuelle voudrait donc qu'il y ait une présélection. Mais on
ne peut pas imaginer qu'il y ait une procédure d'agrément sans une nomination
qui territorialise le fonctionnaire. Voilà pourquoi nous rétablissons la
nomination avant l'agrément, mais en encadrant la procédure d'agrément dans un
délai de deux mois, de façon à éviter et les frustrations pour le fonctionnaire
qui ne se verrait pas octroyer l'agrément et, bien évidemment, les formations
inutiles.
Nous supprimons le retrait temporaire et nous réintroduisons le reclassement.
L'Assemblée nationale a voulu empêcher qu'on ne puisse reclasser un
fonctionnaire qui se verrait retirer un agrément. Mais la solution qu'elle a
retenue va à l'encontre du fonctionnaire puisque le maire se voit obligé de le
garder dans un service alors que ce fonctionnaire ne peut plus exercer la
fonction de policier municipal.
Nous réintroduisons donc le reclassement, de façon que le maire puisse
affecter le policier municipal qui se verrait retirer son agrément dans un
autre cadre d'emploi.
S'agissant de la commission consultative, nous avons accepté la proposition de
l'Assemblée nationale, qui vise à renforcer la place et le rôle des maires.
Vous aviez proposé 50 % de représentants de l'Etat, 25 % de maires et 25 % de
représentants du personnel. La répartition en trois tiers nous convient, la
présidence étant confiée aux maires.
Nous souhaitons qu'une voix prépondérante soit accordée au président et que,
bien évidemment, ne fassent partie de cette commission que les maires ayant une
police municipale, et des agents de police municipale et non pas simplement des
représentants de l'un et des représentants de l'autre.
Nous prenons acte de la volonté d'améliorer le statut ; cela répond à une
grande demande du personnel et était rendu nécessaire par la réalité locale.
Nous adhérons au principe de la création d'un emploi de cadre B. Mais il nous
faudra réfléchir à l'opportunité de la création d'un cadre A.
Il nous faut aussi nous préoccuper de la disparité de traitement entre toutes
celles et tous ceux qui travaillent au profit de la sécurité et intégrer
peut-être cette question à la légitime revendication de la bonification
d'annuités d'un an tous les cinq ans. Je sais qu'est demandée aussi
l'intégration de l'indemnité spéciale de fonction de 18 %.
Une des deux revendications mériterait d'être satisfaite, probablement la
moins onéreuse. Mais c'est là la responsabilité du Gouvernement. En tout cas,
il nous faut réfléchir à l'égalité de traitement de celles et de ceux qui
travaillent dans les mêmes domaines. Concernant la procédure du relevé
d'identité, nous avons pris acte de votre souci, d'un côté, de garantir la
liberté du citoyen et, de l'autre, de rendre efficient le contrôle quand on
constate une infraction. Vous avez bien indiqué la limite entre le recueil et
la vérification, et nous approuvons la procédure qui est envisagée.
Nous avons supprimé, en revanche, la procédure du récépissé imaginée par
l'Assemblée nationale pour - l'intention était louable - renforcer les
garanties du contrevenant et limiter les risques de contentieux. En effet, dans
les faits, ce serait totalement irréalisable.
Pour ce qui est de la tenue et des équipements, la commission a réaffirmé sa
volonté de ne voir aucune équivoque, aucune confusion s'installer entre les
forces de police nationales et les polices municipales. Elle a toutefois estimé
qu'il fallait garder une relative souplesse à l'échelon local. La commission
consultative se doit de proposer des références qui soient je dirai symboliques
de l'autorité ; l'aspect local pourrait afficher des critères d'identification
communale, ce qui interdit
stricto sensu
le caractère rigoureusement
identique des équipements. Cela permet donc de supprimer la dotation de premier
équipement.
Sauf divergences flagrantes ou intolérables, l'adaptation à la loi serait à la
portée de toutes les communes.
Concernant la vérification, nous avons accepté le principe de mobiliser, sous
votre autorité, les services de l'Etat concernés en tenant compte de la réalité
locale puisqu'un certain nombre de polices municipales côtoient exclusivement
des forces de gendarmerie et les autres des forces de police nationale.
La commission des lois, s'appuyant sur l'efficacité du contrat local entre
représentants de l'Etat et élus locaux, marqué du sceau de l'intérêt général et
de la nécessaire réponse de proximité, propose au Sénat d'adopter ses
amendements, qui vont dans le sens d'une politique municipale de qualité, avec
des agents formés, équipés, mais aussi contrôlés.
Probablement, au cours du débat, un certain nombre de nos collègues
interviendront sur des situations un peu particulières - je pense, notamment, à
la Guyane.
Mais, monsieur le président, monsieur le ministre, les meilleurs polices du
monde ne peuvent rien s'il n'y a pas une prise de conscience individuelle du
devoir civique et de la conduite citoyenne que chacun doit avoir par rapport au
mieux-vivre ensemble.
Montesquieu disait : « Plus une société est développée, plus les causes
morales la gouvernent et moins les causes physiques. »
Le débat que nous aurons ne devra pas se limiter à un aspect technique : il y
a un vrai problème politique de risque de déstabilisation de notre pacte
républicain, auquel, je le sais, vous êtes attaché.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 44 minutes ;
Groupe socialiste, 37 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 31 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 26 minutes.
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes.
La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet,
Monsieur le ministre, je commencerai mon propos, sans flagornerie excessive,
par un double compliment à votre égard, le premier étant d'avoir eu le courage
de vous attaquer à cette question des polices municipales, sur laquelle bien
d'autres se sont « cassé les dents ».
Voilà plus de quinze ans que l'on en parle.
La grande loi fondatrice de la fonction publique de 1984 a complètement ignoré
les policiers municipaux et, depuis cinq ans - cela a été rappelé - trois
projets successifs traitant de l'ensemble de la question n'ont pu aboutir. Si,
en 1994, le cadre d'emploi des policiers municipaux fut enfin reconnu, leurs
missions, dans leur étendue et dans leur limite, n'ont pas été clairement
fixées, ce qui est très fâcheux pour les agents, pour leurs employeurs et aussi
pour la vie des gens, certains pouvant avoir la tentation de s'engouffrer dans
les failles de la législation pour constituer je ne sais quelle garde
insuffisamment contrôlée.
Second compliment, monsieur le ministre, vous avez réussi en plus à nous
proposer un texte empreint de sagesse et d'équilibre, qui dédramatise cette
question passionnelle, une question que certains avaient voulu présenter, ici
ou là, même à l'Assemblée nationale, par exemple, je cite un député, comme un
projet « attentatoire à la personne humaine ».
Ces propos sont excessifs s'agissant d'un projet de loi qui sait, au
contraire, retenir les objectifs indispensables de sécurité, préserver la
plénitude nécessaire des droits régaliens, sans pour autant, grâce à la
coordination prévue, porter atteinte aux attributions du maire.
Bref, il s'agit d'un texte sage et équilibré, qui prend en compte les réalités
existantes, tant celles de la décentralisation que celles du besoin sécuritaire
qui s'empare de plus en plus de nos concitoyens.
Les pièges étaient pourtant nombreux.
Il existait le risque de télescopage des pouvoirs de police croisés du maire
et du préfet dans un domaine qui relève de l'Etat par excellence. Vous le
résolvez par cette coopération introduite par le règlement de coordination,
obligée au-delà de cinq ans, possible en deçà, et par le double agrément du
préfet et du procureur, aussi bien que par la réglementation des horaires
d'intervention ou du port d'armes.
Il existait le risque corporatiste, celui que j'appellerai de la vigilance des
fonctionnaires de police d'Etat et de gendarmerie, soucieux de leurs
prérogatives. Apparemment, à voir, ou plutôt à ne pas voir les réactions, à ce
stade de la discussion, les choses semblent se passer convenablement.
Il y avait surtout l'inquiétude des fonctionnaires territoriaux au statut
inexistant ou mal défini. Vous résolvez cette difficulté par une amélioration
sensible du statut de ces fonctionnaires et par un élargissement des
compétences de ce corps - je pense aux procès-verbaux et aux relevés d'identité
- qui, certes, reste un corps composé d'agents de police judiciaire adjoints,
mais qui trouve une place claire dans la hiérarchie fonctionnelle judiciaire.
Mais, là encore, l'équilibre est dans votre texte puisque le fait d'élargir
oblige au moins à inventorier et à clairement identifier les missions, et donc
à normaliser une profession qui, pour n'avoir pas jusque-là - sauf exceptions
rares - encouru le reproche de bavures, est tout de même naturellement exposée
à ce risque.
En résumé, les policiers municipaux sont donc confirmés comme agents de police
judiciaire adjoints mais ne sont pas des policiers de plein exercice. Ils
constituent une police administrative et de prévention, une police de
proximité. En cas de nécessité seulement et selon des règles établies
clairement, cette police municipale agit en coordination avec la police
nationale, seule à bénéficier d'une compétence de droit commun.
Tout cela, mes amis et moi-même l'approuvons pleinement. Je dirai même que
nous préférons, en général, votre rédaction, monsieur le ministre, à celle qui
est issue des travaux de l'Assemblée nationale ou d'ailleurs à celle que
propose notre commission des lois et qui vient d'être exposée par notre
rapporteur.
Ce dernier a réalisé un excellent travail et son rapport, pour être
synthétique, n'en est pas moins une mine de renseignements. Il présente une
analyse fine des raisons et de la montée du besoin sécuritaire, exprimé par la
forte progression des polices municipales, une évocation brillante de la dérive
négative de certains quartiers comme des pouvoirs du maire dans leur complexité
juridique, voire dans leur complexité fonctionnelle.
Mais cet excellent document, traduisant comme il se doit les travaux de la
commission des lois, n'emporte pas notre adhésion et, sans entrer dans le
détail des articles dont l'examen m'amènera à préciser notre position, je
voudrais souligner les divergences de fond qui, je le crois, dénaturent le
texte initialement proposé.
Monsieur le rapporteur, tout tourne autour de l'importance de l'Etat dont vous
regrettez qu'il joue un rôle excessif « dans l'encadrement et le contrôle des
polices municipales ».
Pourtant, vous ne contestez pas que cette mission de sécurité est d'abord une
mission de l'Etat, et qu'une partie importante des pouvoirs du maire lui sont
accordés au nom de l'Etat. Il y a peut-être là une contradiction mal levée.
Avant d'aller plus loin, monsieur le ministre, permettez-moi cependant
d'insister plus particulièrement sur ce point. Ce n'est donc que par
défaillance de l'Etat, en tout cas, surtout, par défaillance de l'Etat, que les
polices municipales se sont développées à ce point. Nous sommes donc là sur le
terrain des transferts de charges...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Eh oui !
M. Jean-Claude Peyronnet...
et si, comme moi, je crois, vous ne souhaitez pas un développement
exponentiel de ces polices, il faut, certes, redéployer les agents d'Etat au
profit des départements les plus défavorisés, les plus en difficulté, mais il
faut certainement aussi renforcer les effectifs et autrement que par l'apport -
non négligeable - des emplois-jeunes. C'est une condition presque suffisante
pour éviter les risques de dérive que, je le sais, vous condamnez.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Suffisante, mais pas forcément facile, monsieur le rapporteur ! En effet, il
n'est pas forcément réaliste d'espérer des embauches massives dans le contexte
budgétaire actuel, mais il me semblait nécessaire de resituer clairement les
responsabilités dans ce domaine.
J'y reviens, la fonction régalienne de l'Etat dans le domaine de la sûreté
n'est pas contestée et, pour ce qui me concerne, j'en tire des conséquences
radicalement différentes de celles qu'en a tirées la majorité de la commission
des lois.
Bien que fort décentralisateur, je me félicite de l'affirmation de l'Etat, de
ses pouvoirs renforcés et de son contrôle par l'agrément double du procureur et
du préfet, comme de la coordination obligatoire ou possible dans les conditions
que j'ai rappelées tout à l'heure, comme des limites à l'autorisation du port
d'armes.
Sur tous ces points, nous avons des divergences de fond avec la commission des
lois.
Pour ma part, je n'ai jamais pensé, au contraire, que la décentralisation
passait par l'abaissement du pouvoir de l'Etat. Et s'il est un seul domaine où
l'Etat doit pouvoir garder un pouvoir fort, c'est bien celui de la sécurité, de
la sûreté des personnes et des biens. Voilà pour la pétition de principe.
Dans le détail, ces divergences se déclinent au gré de plusieurs articles,
dont je retiens les principaux.
Si l'on peut discuter - nous le ferons - de la proposition de passer d'un
règlement à une convention, nous ne pouvons accepter que vous supprimiez le
pouvoir pour le préfet d'édicter seul en cas de désaccord persistant, car c'est
la porte ouverte au pouvoir incontrôlé du maire dans le domaine de la police,
ce qui est très dangereux. J'aurai l'occasion d'appronfondir notre position sur
cet article 2.
Nous ne pouvons pas accepter, à l'article 6, la suppression du double agrément
au profit de l'agrément simple par le procureur, d'autant qu'au prétexte de
simplification administrative - je suppose - vous établissez un agrément tacite
en cas de non-réponse.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Eh oui !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Compte tenu de l'engorgement des services des procureurs, il y a fort à parier
que, dans trop de cas, le maire sera amené à embaucher qui il veut comme il
veut, et, là encore, cela peut entraîner bien des dérives.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Concernant l'armement, qui fait l'objet de l'article 7, nous reprenons un
débat qui me semble à vrai dire apaisé, mais, quoi qu'il en soit, il n'est pas
neutre d'inverser les termes comme il est de fait proposé : le ministre et
l'Assemblée nationale ont posé le principe du non-armement et, par dérogation,
la possibilité d'être armé dans des conditions de lieux, de missions et de
temps clairement précisées. Vous, au contraire, vous inversez tacitement les
termes de la proposition et, qui plus est, vous rendez la possibilité
d'armement plus facile, puisqu'il ne s'agira plus de missions et de
circonstances particulières mais de l'une ou l'autre de ces conditions. Nous ne
pouvons vous suivre.
Enfin, il en est de même sur ce qui pourrait apparaître comme un point de
détail, à l'article 8
bis,
de la tenue. Vous proposez de supprimer cet
article additionnel de l'Assemblée nationale. Nous sommes favorables à cette
suppression mais pour des raisons différentes. En effet, nous estimons qu'il
serait logique de faire payer la tenue des agents à leurs employeurs et non à
l'ensemble des collectivités, comme vous l'avez proposé pour la formation. Au
demeurant, le coût ne sera pas très élevé puisqu'il est déjà supporté par les
collectivités employeurs et, pour peu qu'on leur laisse un peu de temps, le
renouvellement naturel des tenues permettra de supporter aisément ce
surcoût.
En revanche, nous ne pouvons vous suivre s'agissant de l'argument relatif au
fond, à la subsidiarité et à la diversité provinciale au nom des libertés
locales. En effet, à y regarder de plus près, il ne m'est pas indifférent, si
je suis contrôlé à Strasbourg, à Brest, à Lille ou à Marseille de savoir au
premier coup d'oeil par qui je le suis, cela me semble être une garantie forte
des libertés publiques.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
J'attire par ailleurs votre attention sur le fait que l'uniforme pour les
agents est le signe premier de leur appartenance à un corps reconnu partout en
France, assorti de la possibilité de mutation d'une commune à une autre. Voyez
comme les pompiers sont fiers de leur uniforme et demandez-vous si les agents
sont tellement favorables à la diversité.
J'ai été bref mais l'occasion me sera sans doute donnée d'intervenir à
l'occasion de l'examen des articles. Quelle sera
in fine
l'attitude de
mes amis et de moi-même à l'égard de ce texte ? Nous sommes favorables à ce
projet de loi ainsi qu'à certaines modifications introduites par la commission
des lois, notamment à propos de la commission consultative des polices
municipales, ou à certaines corrections des propositions de l'Assemblée
nationale, comme à l'article 15 rétablissant à la charge des communes
employeurs le financement de la formation continue. Mais sur les points que
j'ai cités précédemment, il existe trop de divergences de fond pour que nous
acceptions les propositions de la commission. C'est donc le choix de la
majorité du Sénat sur les points importants que j'ai énumérés qui entraînera
notre position finale.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées
socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi que nous examinons aujourd'hui aura fait couler beaucoup d'encre et
provoqué certains remous.
Je dois vous avouer, monsieur le ministre, que l'étude attentive du texte qui
nous a été transmis par l'Assemblée nationale ne m'a pas permis de saisir les
raisons de l'ampleur des mécontentements qui se sont exprimés.
Certes, quelques dispositions du projet de loi me semblent critiquables,
notamment celles qui sont relatives à l'armement. Pourtant, je dois reconnaître
qu'en conférant un réel statut aux polices municipales, ce texte répond à des
attentes qu'il était nécessaire de satisfaire.
Vous reconnaîtrez néanmoins que, malgré l'absence des dispositions que vous
nous proposez aujourd'hui, le fonctionnement actuel des polices municipales est
globalement satisfaisant, ce qui prouve combien les maires, qui ont choisi de
doter leur commune d'un tel service, ont eu à coeur d'agir dans le strict
respect de la légalité républicaine.
Face à la multiplication des services de police municipale, il convenait en
effet d'assortir leur développement croissant d'une certaine harmonisation. En
prévoyant la création d'une commission consultative des polices, l'édiction
d'un code de déontologie, en veillant à l'uniformisation des tenues et des
véhicules, le projet de loi permet d'atteindre cet objectif.
En dotant les agents de police municipale d'un réel statut, en exigeant de ces
personnels qu'ils soient astreints à des obligations de formation initiale et
continue, le projet de loi répond aux attentes de cette profession.
Vous l'aurez certainement compris, monsieur le ministre, votre texte est assez
satisfaisant pour ce qui concerne son aspect administratif.
Je proposerai toutefois d'y apporter certaines modifications en suggérant, par
exemple, la création de commissions régionales des polices municipales afin
d'assurer une meilleure application du texte au niveau local.
Dans le même esprit, je partage les souhaits de la commission quant à
l'extension des prérogatives de la commission consultative des polices
municipales et j'ai déposé plusieurs amendements à cet effet.
Enfin, je m'attacherai à démontrer qu'il est nécessaire de calquer le régime
des droits de retraite des policiers municipaux sur celui des sapeurs-pompiers
professionnels, notamment en raison des risques encourus par ces agents.
En revanche, je ne partage pas totalement la philosophie du texte adopté par
l'Assemblée nationale quant aux missions que la loi doit confier aux agents de
police municipale.
Il convient de reconnaître que le rôle de ces personnels ne saurait être
limité au relevé des infractions en matière de stationnement.
En effet, dans de nombreuses communes, la police municipale oeuvre aux côtés
de la police nationale et lutte avec beaucoup d'efficacité contre le
développement de la petite délinquance.
Monsieur le ministre, seules deux solutions s'offrent à nous.
La première consiste à augmenter considérablement le nombre de fonctionnaires
de police nationale et de gendarmerie afin de répondre aux attentes de nos
concitoyens en matière de sécurité : elle semble inapplicable en raison des
coûts qu'elle entraînerait.
La seconde solution consiste simplement à encadrer les policiers municipaux
et, sous le contrôle d'officiers de police judiciaire, leur redonner les moyens
d'assurer les missions qui incombent au maire telles que la surveillance du bon
ordre, de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publiques.
Pour certains de nos concitoyens, la nécessité exprimée par le garde des
sceaux de mettre en place une troisième voie judiciaire pour lutter contre la
petite délinquance urbaine, c'est-à-dire essentiellement les « incivilités »,
laisse entendre que l'Etat aurait baissé les bras. Il nous appartient de
prouver que tel n'est pas le cas.
Or, depuis quelque temps, nombreux sont les policiers municipaux qui
participent à la lutte contre ces désagréments notoires. En leur refusant de
poursuivre dans cette voie, vous ne ferez qu'accroître le sentiment
d'insécurité que partagent beaucoup des personnes résidant dans les zones dites
sensibles.
Il faut au contraire agir en faveur d'un rapprochement des compétences, sans
bien évidemment opérer de transfert.
J'en viens au problème de l'armement, qui a fait couler tant d'encre. Monsieur
le ministre, je crois que l'actuelle majorité commet une grave erreur en
voulant inscrire le principe du non-armement des polices municipales.
Il ne s'agit pas d'ériger les agents en justiciers ou en cow-boys, il s'agit
simplement de leur donner les moyens d'assurer leurs missions sans que leur
sécurité puisse un jour être atteinte.
Vous savez pertinemment, monsieur le ministre, que, dans certaines banlieues,
de petits groupes de délinquants s'en prennent, systématiquement et de manière
violente, à tout ce qui peut, de près ou de loin, représenter l'Etat :
policiers, chauffeurs de bus, fonctionnaires territoriaux, agents de l'EDF,
pompiers, et j'en passe.
Vous ne pouvez pas nier non plus que des policiers, qu'ils soient municipaux
ou nationaux, sont parfois victimes de ce que certains qualifient de « haine du
flic ». Comment, dans ces conditions, rejeter de façon aussi catégorique le
principe de l'armement en inscrivant dans la loi, « les agents de police
municipale ne sont pas armés » ?
Monsieur le ministre, voilà quelques années, il faisait bon vivre en Guyane ;
aujourd'hui, ce n'est plus le cas. La criminalité a repris le devant de la
scène. Les agressions sont de plus en plus violentes. Il n'est pas possible de
vivre dans cette situation de terreur éternellement. Les commerçants sont
régulièrement agressés et ils doivent baisser les rideaux de leurs magasins
avant la tombée de la nuit.
La société guyanaise ne se sent plus protégée par la police d'Etat, et tous
les dispositifs mis en place ont démontré leur incapacité à résoudre le
problème de l'insécurité dans ce département.
Récemment, les associations, les partis politiques, les syndicats et les
organisations socioprofessionnelles ont organisé une marche dans les rues de
Cayenne en signe de mécontentement et de protestation, et afin d'attirer
l'attention des pouvoirs publics sur la faiblesse dont fait preuve la police
nationale. Une motion a été d'ailleurs remise au représentant de l'Etat.
Lorsqu'une exaction a été commise par un délinquant et que le citoyen demande
secours au commissariat de police, l'agressé est souvent interrogé pour savoir
s'il y a mort ou blessures ; et, si ses réponses sont négatives, les policiers
ne se déplacent pas.
La Guyane est un pays sous-peuplé. Cependant, l'immensité du territoire, la
perméabilité des frontières facilitent l'entrée de populations des pays
voisins, dont la situation économique et sociale n'est pas au même niveau que
celui du département de la Guyane, ce qui crée ainsi un flux migratoire très
important.
Nous ne devons pas reprocher au seul phénomène de l'immigration la montée en
puissance de la délinquance et de l'insécurité. Force est de constater qu'il y
a suffisamment de policiers et de gendarmes tous corps confondus dans ce pays -
soit un agent pour huit habitants - pour ne pas en ajouter d'autres. Il serait
préférable de redéployer ces forces et de leur assigner des missions
compatibles avec la situation spécifique de la Guyane dans les différents
quartiers de l'île de Cayenne, de Kourou et de Saint-Laurent-du-Maroni pour
assurer une meilleure sécurité dans cette région.
La police municipale, lorsqu'elle n'est pas armée, n'a aucun pouvoir de
dissuasion face aux délinquants de toutes sortes ; ils mettent dans l'angoisse
une population qui risque de s'armer et à qui on ne pourrait pas reprocher
d'invoquer la légitime défense. Evitons la création de milices en Guyane.
Vous constaterez enfin, monsieur le ministre, que j'ai déposé plusieurs
amendements de nature à systématiser la possibilité de relever l'identité des
auteurs d'infractions.
Mes chers collègues, ne vous paraît-il pas choquant qu'un policier, même
municipal, puisse assister impuissant à la commission d'une infraction, sans
même tenter d'en identifier l'auteur ?
Le choix opéré par l'Assemblée nationale consistant à remettre un récépissé à
celui qui aura refusé de décliner son identité, puis de prévenir un officier de
police judiciaire et, enfin, d'arrêter éventuellement le contrevenant, s'il est
encore sur place, me semble particulièrement ubuesque.
Deux types de mesures nous sont aujourd'hui proposées par le présent projet de
loi : les premières, administratives, sont assez satisfaisantes ; les secondes,
plus concrètes, ne correspondent pas à la réalité et ne répondent pas aux
exigences actuelles en matière de sécurité.
En revanche, grâce aux travaux de M. le rapporteur, le texte que nous
examinons peut faire l'objet d'améliorations très significatives, et c'est le
rôle du Sénat. C'est donc à la position de la commission des lois que la
majorité des membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen
et moi-même nous en remettrons lors de l'examen des articles.
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées
du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
4
SOUHAITS DE BIENVENUE
A` UNE DÉLÉGATION
DE SÉNATEURS ESPAGNOLS
M. le président.
Mes chers collègues, j'ai le plaisir de saluer la présence dans notre tribune
officielle d'une délégation de sénateurs espagnols conduite par M. Emilio
Zapatero Villalonga, président du groupe Espagne-France du Sénat espagnol, qui
effectue une visite officielle en France à l'invitation du groupe sénatorial
d'amitié France-Espagne, que préside notre collègue M. Jacques Delong.
Leur venue coïncide avec le vingtième anniversaire de la promulgation de la
Constitution du royaume qui a réintégré l'Espagne dans le concert des nations
démocratiques.
Au nom du Sénat, je forme à leur intention des voeux chaleureux de bienvenue
et souhaite que leur séjour fortifie les liens entre nos deux assemblées et, à
travers elles, entre nos deux pays.
(M. le ministre, Mmes et MM. les
sénateurs se lèvent et applaudissent.)
5
POLICES MUNICIPALES
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi (n° 414, 1997-1998), adopté par
l'Assemblée nationale, relatif aux polices municipales.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de
loi, qui était d'ailleurs nécessaire, n'aborde qu'une petite partie des
problèmes de sécurité. Je pense qu'il faut l'étudier dans sa globalité, sous
peine de tomber dans les incohérences.
Le colloque de Villepinte, les 24 et 25 octobre dernier, a précisé les
orientations du Gouvernement en matière de sécurité publique, qui avaient été
annoncées lors de la déclaration de politique générale du Premier ministre, le
19 juin 1997, comme étant l'une des priorités du Gouvernement.
Nous considérons que les propos qui y furent tenus représentent une étape
importante dans la prise de conscience et le traitement de l'insécurité.
Nous partageons l'idée que la sécurité est l'affaire de tous et qu'elle exige
de fournir nécessairement un effort dans trois directions : citoyenneté,
proximité, efficacité.
Les quatre pistes qui ont été dégagées à ce colloque sont bonnes. Il s'agit de
la meilleure prise en compte de la dimension territoriale des politiques à
mener, de la restauration de la dimension personnelle et familiale de la
responsabilité, du traitement de la délinquance dans toutes ses composantes, de
la mise en cohérence des initiatives et de la recherche de complémentarités de
l'ensemble de la chaîne pénale.
Notre grand souci, c'est d'aborder le problème de l'insécurité urbaine, sans
tenir un discours démagogique et sécuritaire.
Le discours sécuritaire n'est d'ailleurs pas un discours sur la sécurité.
C'est, le plus souvent, un discours qui alimente les fantasmes, qui propose
d'éradiquer le mal en occultant les rapports sociaux, qui tue toute lueur
d'espoir à force d'être excessif.
Il nous faut impérativement trouver une alternative républicaine à ces
thèses.
Pour répondre au défi de l'insécurité, il y a non pas une seule solution, mais
une série de réponses, qui appellent un traitement à tous les niveaux et avec
tous les acteurs : les policiers, les éducateurs, les animateurs, les
enseignants, les militants associatifs, les travailleurs sociaux, les élus
locaux, etc.
Notre société est confrontée à des faits préoccupants qui entraînent un
sentiment d'abandon, de laisser-faire et conduisent à des réactions, des
comportements irrationnels trouvant malheureusement un prolongement électoral
dans le vote extrémiste de droite ou dans un repliement excluant tout intérêt
pour la vie citoyenne.
Si la sécurité occupe la seconde place, après l'emploi, dans les
préoccupations des Français, ces derniers ne sont pas égaux dans ce domaine. Ce
sont les personnes les plus démunies et les plus faibles qui sont les premières
victimes de la violence, et cette inégalité s'ajoute aux autres inégalités.
Face à ce phénomène, la lutte contre l'insécurité ne doit pas méconnaître la
mise en oeuvre d'une meilleure politique sociale. La crise et le drame du
chômage sont en effet un terreau favorable au brouillage des repères
essentiels. Les modèles d'intégration d'hier ne fonctionnent plus.
Quand le problème quotidien de beaucoup de nos compatriotes est de « survivre
», comment s'étonner dès lors que se développent trafics et économies
parallèles ? Les rapports de force se substituent dès lors aux rapports
humains.
Certains de nos concitoyens, jeunes et moins jeunes, ne croient plus aux
messages qui leur sont délivrés, et qui leur semblent si éloignés dans la
situation de détresse où ils sont.
Nous estimons que la politique de sécurité doit, pour être efficace,
s'inscrire dans celle de la réduction des inégalités, et ce à quelque niveau
que ce soit.
En matière de sécurité, les maires ont souvent été interpellés au cours des
quinze dernières années. En réaffirmant, à juste titre, que la sécurité est
l'affaire de l'Etat et non celle de la municipalité, ils n'ont probablement pas
su être suffisamment convaincants. Ils ont donc été conduits à créer des
polices municipales.
Même si l'on n'a pas observé ces dernières années de graves bavures, le
développement de ces polices a entraîné des dérives, voire des dérapages
inquiétants pour les libertés publiques, notamment dans les villes dirigées par
des élus qui sont loin d'être inspirés par une éthique républicaine. Je pense
en particulier à Vitrolles, où le maire a augmenté de façon considérable les
effectifs de police municipale.
Cette situation est certes - et fort heureusement - marginale. Elle ne nous
laisse pas pour autant indifférents. Les policiers municipaux, dans leur grande
majorité, sont, au même titre que les autres fonctionnaires territoriaux,
au-dessus de tout soupçon. Mais nous souhaitons un encadrement fort et strict
de ces polices, sous l'autorité de l'Etat, certains élus pouvant être tentés de
constituer un corps entrant en concurrence avec les agents de la police
nationale du seul fait du calibre des armes. Notons que les données
statistiques montrent que de telles dérives sont limitées.
L'expression « police municipale » recouvre des réalités bien différentes.
Qu'y a-t-il de commun entre des élus locaux ayant doté leur ville d'une police
municipale non armée chargée de l'application d'arrêtés municipaux de la
régulation de la circulation locale et du bon déroulement des manifestations
festives, et des élus désireux d'avoir une véritable police tout-terrain,
armée, concurrençant la police nationale ?
Dans ce contexte, il est devenu indispensable de donner un cadre légal aux
polices municipales et de mieux définir les missions imparties à leurs agents.
C'est ce que vous faites, à juste titre, monsieur le ministre.
Légiférer ne doit toutefois pas être interprété comme un encouragement à
recourir aux polices municipales. Nous pensons que ce risque existe. Evitons
donc de donner l'impression que l'Etat se désengage de ses missions
régaliennes.
Il ne faut pas non plus entretenir l'idée selon laquelle la sécurité de
proximité relèverait non pas des missions de l'Etat mais de celles de la police
municipale.
Mme Hélène Luc.
Très bien.
M. Michel Duffour.
En réalité, cette assertion est tout à fait inexacte. La police nationale fait
un grand travail sur le terrain, en rapprochant les forces de sécurité des
citoyens, en dialoguant avec les représentants de la vie associative. C'est le
constat que je dresse dans de nombreuses communes des Hauts-de-Seine. Est-ce le
cas partout ? Pas encore, certes ! Mais la preuve est faite que c'est désormais
du domaine du possible. Il convient d'encourager ce processus sans entretenir
l'idée que certains secteurs seraient hors de portée pour la police
nationale.
Il aurait probablement mieux valu que ce projet de loi se borne à encadrer les
polices municipales existantes et à mieux marquer un coût d'arrêt à leur
développement afin de limiter au maximum leur croissance.
Le projet de loi aurait été moins loin qu'il n'en serait pas moins bon. Mais,
s'agissant d'un compromis, nous l'acceptons.
Nous portons donc un avis positif sur l'ensemble du texte. Toutefois, nous ne
souhaitons pas qu'il y soit apporté d'infléchissement en vue d'étendre les
missions des polices municipales.
Nous estimons d'ailleurs que le projet de loi initial - comme l'a dit mon
collègue socialiste, M. Peyronnet - avant les modifications apportées par
l'Assemblée nationale, affirmait davantage la responsabilité de l'Etat en
matière de sécurité. A ce titre, il était donc meilleur.
Je crains que la commission des lois, par ses amendements, ne restreigne un
peu plus encore la responsabilité de l'Etat. A la convention librement négociée
entre le maire et le préfet, nous préférons le règlement de coordination tel
qu'il nous est proposé.
Nous estimons ainsi qu'il est indispensable que l'avis du préfet intervienne
en dernière instance afin de confirmer l'Etat dans ses fonctions régaliennes de
sécurité publique.
S'agissant de l'armement, le texte pose pour principe que les policiers
municipaux ne seront pas armés, et nous en sommes d'accord. Toutefois, lorsque
la nature de leurs missions et des circonstances particulières le justifient,
ils peuvent être autorisés par le préfet à porter une arme, dont la nature -
quatrième ou sixième catégorie - a été précisée par les députés.
L'armement est en fait intimement lié à « la nature des missions » et aux «
circonstances particulières », à savoir essentiellement le travail de nuit.
C'est prendre le problème à l'envers que de s'appuyer sur le fait que les
missions de police municipale s'étendent jusqu'à vingt-trois heures au lieu de
vingt heures pour affirmer que l'armement devient nécessaire. Limitons d'abord
les missions de ces polices.
Il existe un risque réel de détourner de l'objectif initial le contenu du
projet de loi et le rôle des polices municipales, lesquelles, dans leur grande
majorité, avaient été créées à l'origine pour faire appliquer les arrêtés
municipaux et jouer essentiellement un rôle de prévention, de dissuasion et
d'accompagnement des personnes fragilisées.
Nous estimons que la création, annoncée par M. le ministre, d'un cadre
d'emploi de catégorie B, relevant certes du domaine réglementaire, offre, à
juste titre, une certaine garantie contre toute inflation des effectifs.
A contrario,
envisager la création d'un cadre d'emploi de catégorie A
traduirait une volonté d'aller vers un accroissement du nombre des policiers
municipaux et d'une extension du champ de leurs missions, ce que nous ne
souhaitons pas.
Nous nous demandons si le texte ne va pas trop loin à propos de
l'élargissement des pouvoirs des policiers municipaux en matière de
vérification d'identité.
Le texte leur permet en effet d'effectuer des vérifications d'identité en cas
d'infraction aux arrêtés de police du maire, pour des contraventions au code de
la route, mais également pour des contraventions qu'ils peuvent constater en
vertu d'une disposition législative expresse.
Le libellé du texte, certes, apporte des apaisements, ainsi que vos propos à
l'instant, monsieur le ministre. Le policier municipal demande au supposé
contrevenant ses pièces d'identité, mais son interlocuteur n'a pas à
obtempérer. Un officier de police judiciaire est alors joint et prend la
responsabilité d'intervenir ou non. Cependant, n'entre-t-on pas ainsi dans des
processus au cours desquels les dérapages risquent d'être nombreux ? N'y a-t-il
pas, dans certains cas, sous pression de certains maires, le risque d'un
questionnement répété et fastidieux des commissariats par certains policiers
municipaux ?
Sait-on aujourd'hui que des maires multiplient les pressions pour éviter toute
expression pluraliste de la vie politique dans des quartiers, prennent des
arrêtés interdisant toute distribution de tracts et chargent leurs policiers de
faire respecter la décision ? Ne place-t-on pas les commissaires de police
devant des contradictions supplémentaires ? Je crois indispensable, mais cela a
été dit, d'éviter toute confusion visuelle entre les uns et les autres et de
bien distinguer les uniformes pour ce faire.
Pour ce qui est du volet social, peu de mesures semblent répondre aux
revendications des syndicats, à l'exception des pensions de réversion à taux
plein et des rentes viagères d'invalidité susceptibles d'être attribuées aux
conjoints et orphelins des agents de police municipale. C'est toutefois un pas
appréciable.
La question importante de la formation, tant initiale que continue, est
abordée par le projet de loi dans ses articles 15 et 15
bis.
C'est une question essentielle. Ne faudrait-il pas que l'agrément prenne au
moins en compte une première phase de la formation initiale ?
Restent l'organisation de cette formation et son financement.
Certaines villes se sont lancées, certainement un peu imprudemment, dans le
développement de polices municipales. Cela peut devenir difficile pour certains
budgets. Nous ne sommes toutefois pas partisans que, sous une forme ou une
autre, les collectivités qui n'ont pas choisi cette orientation soient amenées
à la financer.
Notre position nous amène, après avoir émis, comme vous l'avez entendu, des
restrictions sur l'avenir des polices municipales, sans remettre en cause leur
existence actuelle, à demander à l'Etat qu'il fasse le maximum dans le domaine
de la sécurité et que les moyens dont vous disposez, monsieur le ministre,
aillent bien vers les secteurs et les missions qui sont devenues aujourd'hui
prioritaires.
Il est plus que temps, en ce domaine, de se donner les moyens en personnels,
en équipements, en formation, afin d'obtenir des résultats concrets et lisibles
par la population, lesquels doivent s'accompagner d'une reconquête
indispensable sur le plan de l'emploi, de la formation et du pouvoir d'achat
des familles pour ouvrir une réelle perspective d'avenir.
C'est sur ces mots que je termine mon intervention, en attendant la fin de
l'examen des articles et amendements pour exprimer la position de mon groupe
sur l'ensemble du texte amendé.
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis qu'a
été lancé le débat sur les polices municipales tout ou presque tout, ce qui
pouvait être écrit ou dit sur le sujet l'a été. Aussi mon intervention se
veut-elle, plus qu'un argumentaire, le témoignage d'un sénateur-maire - espèce
en voie de disparition si prévalent les dispositions arrêtées par l'Assemblée
nationale -...
M. Jean-Jacques Hyest.
Ce n'est pas encore fait !
M. Daniel Eckenspieller.
... un sénateur-maire qui est confronté quotidiennement, dans sa ville de 16
000 habitants de l'agglomération mulhousienne, à des problèmes de violence
urbaine et d'insécurité.
Je me réjouirai, d'abord, du fait qu'un texte de loi relatif aux polices
municipales puisse enfin - après des tentatives qui ont avorté pour des raisons
diverses - clarifier le rôle et les conditions de fonctionnement de nos polices
municipales.
Je me réjouirai, ensuite, que ce texte, après l'annonce qui en a été faite en
termes catastrophiques, ait pris en compte, lors de la discussion à l'Assemblée
nationale, un certain nombre de demandes inspirées par l'expérience du terrain,
notamment en ce qui concerne la composition des commissions consultatives des
polices municipales, la possibilité, dans certains cas précis, de relever
l'identité des contrevenants, la possibilité d'autoriser le port d'arme dans le
cadre d'un règlement de coordination, ainsi que les dispositions arrêtées en
faveur des conjoints des policiers décédés en service commandé.
C'est dire que le projet de loi, tel qu'il vient en discussion au Sénat,
n'appelle plus qu'un nombre relativement restreint de réserves, mais elles sont
d'importance, ainsi que l'a souligné notre excellent rapporteur, Jean-Paul
Delevoye.
Si la loi finira sans doute par offrir un cadre acceptable pour les uns et
pour les autres, elle renvoie à des décrets sur des points essentiels : liste
des contraventions aux dispositions du code de la route que les policiers
municipaux peuvent constater, trame du règlement de coordination, mise en place
de la commission consultative des polices municipales, fixation des types de
mission et des conditions dans lesquelles les agents de police sont autorisés à
porter une arme, caractéristiques de l'équipement des polices municipales, code
de déontologie, formation des policiers municipaux, régime des pensions.
Il s'agit donc de près d'une dizaine de décrets dont le contenu - nous
aimerions que vous nous en donniez l'assurance, monsieur le ministre - doit
s'inscrire dans l'esprit du projet de loi dont nous débattons ici, sans le
rendre plus restrictif au détriment du pouvoir des maires et des prérogatives
des policiers municipaux.
Si près de 3 000 maires ont éprouvé le besoin de créer des polices
municipales, malgré les contraintes financières très lourdes qui pèsent sur
leurs communes, c'est qu'elles répondaient à un réel besoin. Leurs effectifs
sont, au demeurant, généralement très modestes.
Dans mon département, celui du Haut-Rhin, six villes seulement comptent plus
de cinq policiers, alors que quarante-deux en comptent un ou deux seulement.
Quant au coût d'un tel service, il est suffisamment dissuasif pour que l'on
n'ait pas à redouter un développement déraisonnable.
Le budget de ma ville supporte une charge annuelle d'environ 1 million de
francs pour un service de police assuré par six agents.
J'ai dû en faire une priorité, au détriment d'autres besoins, pour répondre à
une sollicitation insistante de mes concitoyens, sollicitation légitimée par
des situations vécues très douloureusement et d'une manière récurrente. Cela ne
dispense pas, pour autant, la ville de tout un arsenal d'actions de prévention
qui mobilisent, elles aussi, près de 2 millions de francs.
Certes, les policiers municipaux s'efforcent de faire respecter les arrêtés
municipaux dans les domaines de compétence qui sont ceux des maires.
Certes, ils assurent la sécurité des enfants en réglant la circulation à la
sortie des écoles.
Certes, ils veillent au respect des places de stationnement réservées aux
personnes handicapées.
Certes, ils interviennent, dans un esprit de médiation, dans les problèmes de
voisinage, et ils constatent, notamment en matière d'atteinte à
l'environnement, diverses infractions.
Certes, aussi, ils assurent le bon déroulement des grands rassemblements et
des manifestations organisées par la ville et par le monde associatif : autant
de missions qui justifieraient très largement, à elles seules, l'existence des
polices municipales.
Mais nos agents assurent également une présence dissuasive autour des lieux de
pratique sportive et de diffusion culturelle, où malheureusement les gens se
font racketter, où les voitures sont fracturées lorsqu'elles ne sont pas
incendiées. Ils contactent régulièrement les conducteurs de bus urbains pendant
leur attente solitaire aux extrémités des lignes situées dans nos villes de
banlieue. Ils rassurent, par des passages réguliers, les habitants qui vivent
au voisinage des secteurs difficiles de nos cités.
Et cela, ils le font surtout en soirée et au cours de la première moitié de la
nuit.
Ils le font pratiquement partout en coordination et en liaison permanente avec
les unités de la police nationale ou de la gendarmerie, sans empiéter sur des
prérogatives qui ne sont pas les leurs.
Sans doute, la sécurité relève-t-elle du pouvoir régalien de l'Etat.
Mais il faut bien convenir qu'aujourd'hui, pour des raisons multiples et
diverses, cette sécurité n'est pas garantie partout et à chacun.
Et le maire, qui est interpellé, ne peut pas ne pas prendre en compte, de la
manière la plus efficace possible, la demande pressante de ses concitoyens.
Aussi la question est-elle, aujourd'hui, moins de savoir si, ce faisant, il
n'outrepasse pas ses prérogatives, que de savoir si l'on n'assiste pas à un
tranfert partiel de charges, induit par une situation qui n'est plus vraiment
maîtrisée.
En assumant délibérément une partie de la mission de sécurité, le maire
accepte non seulement de faire supporter aux contribuables de sa ville une
charge financière significative, mais encore il prend, sur les plans
administratif et judiciaire, une très lourde responsabilité.
Aussi, son souci de la formation des policiers revêt-il une importance
particulière. Elle n'a pas, jusque-là, dans la plupart des cas, été
négligée.
Dans mon département, la formation organisée par le CNFPT s'assure le concours
de membres éminents du Parquet et d'officiers chevronnés de la police nationale
et de la gendarmerie.
Chacun des six policiers de ma ville va au stand de tir dix fois dans l'année
et y exécute chaque fois cinquante tirs. Ce sont donc cinq cents tirs par an
qu'exécute chacun des agents sous la conduite d'un moniteur de tir de la police
nationale. Je ne suis pas convaincu que, dans la police d'Etat et dans la
gendarmerie, ce quota soit régulièrement atteint.
La police de proximité qu'est la police municipale est aujourd'hui
indispensable au maire. Elle est particulièrement appréciée des habitants de
nos villes. Et nous soulèverions des tempêtes d'indignation si nous devions
annoncer que les policiers municipaux ne peuvent plus sortir la nuit, quand
leur présence est la plus attendue et la plus appréciée.
Aussi est-il essentiel pour leur sécurité et pour leur crédibilité qu'ils
puissent être armés, dès lors que certaines conditions très précises sont
remplies, comme le sont les policiers auxiliaires issus du dispositif
emploi-jeunes après seulement deux mois de formation.
Nous demandons, à cet égard, que les règlements de coordination ne soient pas
trop restrictifs et que soit encore accordée aux maires la confiance dont les
faits ont démontré, ces dernières années, qu'elle était pleinement justifiée ;
nous demandons aussi que les dérives tout à fait ponctuelles qui ont pu être
observées dans un nombre marginal de villes ne soient pas l'arbre qui cache la
forêt.
Dans leur immense majorité, nos collègues maires sont pétris d'un authentique
esprit républicain qui ne doit pas être mis en doute, et c'est bien parce
qu'ils sont attachés à nos valeurs communes qu'ils entendent contribuer à la
sécurité à laquelle ont droit leurs concitoyens et dont eux aussi se sentent
responsables.
La police municipale, par sa proximité et par la relation directe qu'elle
entretient avec le maire, constitue, dans cette perspective, un outil
extrêmement précieux qu'il eût été désastreux de réduire à un rôle congru.
La situation que connaissent actuellement 99 % des unités de police municipale
est celle qui s'est construite autour des réalités du terrain et de
l'expérience du quotidien.
La sagesse consiste donc à pérenniser et à formaliser ce qui s'est ainsi,
presque spontanément, construit au fil des ans, puisque cette construction
n'était pas autre chose que la réponse, touche après touche, à des attentes
fortes pour lesquelles les élus de nos villes sont quotidiennement interpellés.
Pour terminer, j'exprimerai un souci concernant le reclassement des policiers
municipaux actuellement en service et qui ne seront pas confirmés dans leur
fonction.
Notre pays compte, à l'heure actuelle, plus de 12 000 agents. Ils ont tous été
recrutés en bonne et due forme, à bon ou à moins bon escient.
S'ils l'ont été à bon escient, ils seront nécessairement agréés selon les
nouvelles modalités. Si tel n'est pas le cas, il est indispensable qu'ils
soient reclassés dans une autre fonction, au sein des services de la ville
concernée, car il ne serait pas convenable qu'ils payent de leur emploi
l'adoption du présent projet de loi.
La rédaction du texte qui nous est soumis paraît rendre cette obligation
relativement aléatoire. J'ai donc déposé un amendement tendant à introduire,
sur ce point, une plus grande clarté.
Je serai très attentif, monsieur le ministre, aux assurances que vous voudrez
bien apporter quant à l'esprit qui présidera à la rédaction des décrets
d'application complétant le présent projet de loi. Vous en avez déjà donné
certaines dans votre propos liminaire. Je serai également très attentif au sort
réservé aux propositions formulées par la commission des lois.
Ces réserves levées, je pourrai, avec mes collègues du groupe du Rassemblement
pour la République, voter ce projet de loi qui clarifie l'environnement
juridique dans lequel s'exercent les fonctions des agents des polices
municipales, auxquels je voudrais, depuis la tribune de la Haute Assemblée,
rendre publiquement l'hommage qu'ils méritent.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE. - M. Peyronnet applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quel curieux
paradoxe, alors que la tendance était à l'étatisation de la police depuis les
années vingt, en passant par la loi de 1941, jusqu'à la loi du 21 janvier 1995,
que de délibérer aujourd'hui sur le statut des agents de police municipale.
Parallèlement à ce mouvement d'étatisation, le nombre de communes se dotant
d'une police municipale n'a cessé d'augmenter. Le nombre de policiers
municipaux a plus que doublé en quinze ans, ce qui ne peut que susciter
quelques interrogations.
Si les communes rurales avaient, de tradition, un garde-champêtre, les
municipalités ont souvent créé des services de police pour faire face, dans un
premier temps, à l'asphyxie progressive des villes par l'augmentation de la
circulation et par les problèmes de stationnement. Dans un deuxième temps,
nombre d'élus se sont résolus à créer une véritable police de proximité, certes
dissuasive puisque répressive, mais sans beaucoup de compétences, pour répondre
au sentiment d'insécurité de leurs concitoyens.
Sauf exception, c'est souvent l'incapacité de la police nationale à assumer
ces missions qui a entraîné ce mouvement. On compte presque un policier
municipal pour quatre policiers affectés à la sécurité publique.
Face à cette situation et après plusieurs tentatives de vos prédécesseurs,
monsieur le ministre, vous nous proposez un statut des polices municipales,
dont M. le rapporteur et vous-même avez développé les grandes lignes.
Certains lui reprochent de ne pas être assez décentralisateur ; c'est le moins
que l'on puisse dire, l'action du maire étant très strictement encadrée
s'agissant de la gestion des personnels.
M. le rapporteur a cité des exemples étrangers, mais comparaison n'est jamais
raison dans ce domaine, puisque chacun a sa tradition. Il est vrai que,
notamment dans les pays à organisation fédérale, la police, sauf la police
judiciaire, est confiée aux échelons régionaux ou municipaux ; telle n'est pas
notre tradition.
Reconnaissons cependant que le projet assure une cohérence entre les pouvoirs
de police du maire tels que définis par l'article L. 131-2 du code des
communes, qui est maintenant codifié dans l'article L. 2212-2 du code général
des collectivités territoriales, et ceux des agents de police municipale.
Il est peut-être bon de rappeler, pour rassurer un certain nombre de nos
collègues, que les pouvoirs du maire sont largement théoriques dans le domaine
de la sécurité. En effet, en zone de police d'Etat, lui est retiré notamment
tout ce qui concerne la tranquillité publique - certains maires en sont surpris
- pour être confié au commissaire de police.
L'article L. 131-1 du code des communes rappelle d'ailleurs que le maire agit
sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat. C'est dans ce cadre
que nous devons rester pour régler le problème du statut des polices
municipales.
On ne peut que se féliciter du fait que les agents de police municipale se
voient dotés d'un véritable statut, que leurs compétences, largement définies
par le pouvoir réglementaire, soient clarifiées et que soit prévue une
véritable coordination entre la police nationale ou la gendarmerie nationale et
les polices municipales.
Sur le terrain, la plupart du temps, la coopération fonctionne bien. J'ai pu
le vérifier dans un certain nombre de départements à l'occasion d'une mission,
qui ne concernait d'ailleurs pas les polices municipales. Bien des responsables
de police et de gendarmerie considèrent les policiers municipaux comme des
auxiliaires précieux.
Néanmoins, il faut prévoir un cadre juridique à cette coopération. Le
Gouvernement propose un règlement ; la commission des lois propose une
convention. Entre les deux, il s'agit plus d'une nuance que d'une opposition.
Quel maire refusera de passer rapidement une convention pour que les nouveaux
textes soient applicables dans sa commune et que les pouvoirs de ses policiers
municipaux soient étendus ?
D'ailleurs, monsieur le ministre, au moment où, dans beaucoup de communes,
sont élaborés des contrats locaux de sécurité, qui tiennent une place
importante dans votre politique d'ensemble sur la sécurité publique, il est
incontestable que l'utilisation des polices municipales fait intégralement
partie du dispositif.
Parmi les dispositions importantes du projet de loi figure tout ce qui a trait
à la formation. Si la formation initiale d'application est une des constantes
de la fonction publique territoriale, le projet de loi prescrit une formation
continue, dispensée en cours de carrière et adaptée aux besoins du service, en
vue de maintenir ou de parfaire la qualification professionnelle des agents et
leur adaptation aux fonctions qu'ils sont amenés à exercer. Le texte s'inspire
largement des dispositions figurant dans le statut de la police municipale,
puisque les mêmes termes sont utilisés.
C'est donc une innovation importante pour les personnels des collectivités
territoriales, cette formation continue obligatoire n'existant pour aucun autre
corps, si ce n'est celui des sapeurs-pompiers qui, dans certaines spécialités,
sont obligés de se recycler.
Le projet de loi confie cette responsabilité nouvelle au Centre national de la
fonction publique territoriale, le CNFPT, ce qui est logique, mais pose un
véritable problème de financement.
Malgré les efforts faits pour assainir les finances de l'établissement, il est
bien évident que les coût de cette formation continue, qui ont été évalués dans
l'étude d'impact à 25 millions de francs environ par an, ne pourraient, sans
graves inconvénients, être pris en charge sans compensation par le CNFPT.
Le projet de loi initial avait prévu le versement par les communes concernées
d'une redevance pour prestations de services, ce qui semblait la meilleure
formule.
En effet, s'agissant d'une décision volontaire de la part d'une commune, la
mutualisation peut-elle s'appliquer sans léser les autres fonctionnaires
territoriaux ?
On ne peut charger indéfiniment le baudet. Aussi, dans le cadre d'un
partenariat existant entre les collectivités et le CNFTP, il semble préférable
que le coût de la formation continue soit pris en charge par la collectivité
employant des agents de police municipaux.
M. le rapporteur, qui a bien analysé le problème, contrairement à nos
collègues députés, avait proposé une solution alternative qui avait sa logique,
mais qui risquait d'ouvrir une brèche dans les principes de répartition du
produit des amendes de police. Nous sommes donc revenus au texte du
Gouvernement, qui prévoit une redevance pour services rendus, et je m'en
réjouis particulièrement.
On pourrait peut-être d'ailleurs étendre cette formule à d'autres cadres, y
compris à ceux de l'Etat. La formation continue me semble indispensable dans
une carrière ; il est bon de le rappeler quelquefois. Tel qu'amendé par la
commission des lois du Sénat - et à cet égard, il convient de saluer le travail
remarquable de notre rapporteur - le projet de loi ne peut, me semble-t-il, que
fortifier la coopération nécessaire entre l'Etat et les communes dans le
domaine de la sécurité publique. Cela n'enlève rien, bien entendu, à la
nécessité impérieuse qui s'impose à l'Etat de veiller à mieux répartir les
forces de police et de gendarmerie en fonction de l'évolution démographique et
de la délinquance. Je sais, monsieur le ministre, que telle est votre
volonté.
Bien entendu, le groupe de l'Union centriste votera ce texte. Qu'il me soit
permis cependant d'exprimer un regret : une fois de plus, les territoires
d'outre-mer ne figurent pas dans le projet de loi. Je sais que des dispositions
particulières sont en cours d'élaboration mais, à la demande de mon collègue M.
Millaud, je me dois de vous rappeler que les problèmes de police municipale en
Polynésie française méritent une rapide solution.
Je pense, monsieur le ministre, que vous prendrez devant nous l'engagement de
permettre à ces territoires d'outre-mer de bénéficier, eux aussi, de
dispositions comparables.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Balarello.
M. José Balarello.
Le journal
Le Monde
du 14 mai rappelait que, lors de la séance de
questions d'actualité à l'Assemblée nationale, parlant de trois meurtres
d'adolescents survenus quelques jours auparavant à Marseille, Créteil et
Aulnay-sous-Bois, vous estimiez, monsieur le ministre, que ces actes « sont
révélateurs d'une crise extrêmement profonde, que les conflits de bandes
s'enracinent dans une culture de haine ».
Vous évoquiez, par ailleurs, la crise de nos villes, le chômage, la
précarisation, la ghettoïsation, mais aussi une perte complète de repères. Une
autre fois, vous avez justement parlé de « ces jeunes sauvageons, vivant dans
un monde virtuel ».
Le journal
Le Figaro
du même jour, sous le titre : « La vendetta des
cités », écrit : « D'après les renseignements généraux, les expéditions
punitives ont fait l'an passé, dans les banlieues, trente-six morts et près de
2 000 blessés. »
Un hebdomadaire fait état de plaques d'égout jetées sur les agents, en région
parisienne. Dans notre région - c'était il y a deux mois - un caddie chargé de
batteries usagées a été jeté du septième étage sur une voiture de pompiers
venus éteindre un incendie allumé volontairement.
L'hebdomadaire
Le Point
du 23 mai fait état, pour un seul week-end
d'avril, de vingt-sept jeunes interpellés à la suite de l'incendie de
quarante-six véhicules, dix-huit pour coups portés à des enseignants et à des
élèves avec détention de pistolets et de bombes lacrymogènes. Il signale
également des autobus « caillassés » dans sept villes différentes, des
chauffeurs et contrôleurs agressés, dont l'un au moyen d'un marteau.
La liste - vous la connaissez mieux que moi, monsieur le ministre - est
impressionnante.
Malheureusement, si au cours des treize dernières années, comme l'indique M.
le rapporteur, la délinquance a augmenté de 20 %, les coups et blessures et
dégradations volontaires ont plus que doublé. Ils sont le plus souvent le fait
de mineurs, sous l'effet cumulé des causes que vous avez énumérées et
auxquelles j'ajouterai la drogue, les voitures et la violence à la télévision.
J'envisage d'ailleurs, monsieur le ministre, de déposer une proposition de loi
sur ce sujet délicat, qui, même aux Etats-Unis, n'est plus tabou, puisque
quatre universités américaines étudient en ce moment le phénomène.
Face à ce vaste problème, depuis plusieurs années, empêtré dans des activités
où il n'a rien à faire et où il dépense inconsidérément l'argent du
contribuable, l'Etat n'assume plus qu'imparfaitement ses tâches régaliennes.
M. Christian de La Malène.
Très bien !
M. José Balarello.
Les effectifs de policiers n'ont suivi ni la progression démographique, ni le
phénomène d'urbanisation, ni la multiplication des tâches souvent liées à une
immigration mal contrôlée, qui ont modifié l'aspect de certains quartiers.
Les commissariats de quartier, donc de proximité, ont disparu au profit des
îlotiers, ce qui a été une erreur qui n'a d'égale que la suppression des
justices de paix cantonales. Dans les Alpes-Maritimes, où j'ai présidé le
cinquième office HLM de France, dans un grand ensemble de 3 000 logements au
demeurant sans histoires, en accord avec la police nationale, voilà trente ans,
j'avais installé un commissariat de police où devaient se trouver vingt-trois
fonctionnaires de police. Quelques années plus tard, ils n'étaient plus que
deux, qui se barricadaient la nuit. Depuis, après moultes démarches, il reste
un bureau de police avec huit agents sur le terrain, ce qui, compte tenu des
congés, des horaires, des services de nuit, fait peu de monde.
Tel est le contexte dans lequel, monsieur le ministre, vous avez décidé de
reprendre le dossier des polices municipales, que trois de vos prédécesseurs,
MM. Quilès, Pasqua et Debré, pour des raisons de durée de législature n'ont pu
mener à bien.
Précisons tout d'abord que, contrairement à ce que certains médias laissent
entendre, les polices municipales existent dans presque tous les pays
européens. Au demeurant, en France, elles ne sont pas nées avec les lois de
décentralisation de 1982 puisqu'elles sont en fait plus anciennes que la police
d'Etat : c'est la Révolution qui invente la notion de police municipale en
1789, alors que c'est le Consulat centralisateur qui crée les commissaires de
police, tout en laissant exister les polices municipales.
Précisons ensuite que, le 23 avril 1998, un grand quotidien qui ne peut être
taxé de partialité à l'égard de votre majorité, monsieur le ministre, faisant
état du rapport que vous avez demandé à l'inspecteur général Genthial sur les
polices municipales, et dont notre commission des lois a souhaité avoir
communication, écrivait : « Après un audit réalisé dans dix-sept communes, il
apparaît qu'en dix-sept ans les policiers municipaux n'ont commis pratiquement
aucune bavure. » Et le rapport d'ajouter : « Les polices municipales occupent
le terrain en matière de proximité ; la police nationale, malgré les slogans
qu'elle développe à ce sujet, s'en éloigne, la gendarmerie aussi... Quant aux
commissaires de police, ils estiment que les polices municipales sont des
forces d'appoint mises à leur disposition. »
C'est en ayant présent à l'esprit ce contexte qu'il nous faut examiner,
monsieur le ministre, le présent projet de loi.
Nous souscrivons entièrement aux dispositions prévues aux titres Ier et III,
sous réserve des modifications proposées par la commission des lois, concernant
l'intégration des policiers municipaux dans la fonction publique territoriale,
la formation des policiers, les augmentations des droits revenant aux conjoints
et aux orphelins de policiers municipaux tués en service, qui ont droit à la
reconnaissance de la République.
Dans le titre Ier, la commission des lois propose de rétablir le texte du
Gouvernement, modifié en première lecture par l'Assemblée nationale, exigeant
un règlement de coordination entre le préfet et le maire à partir non pas de
trois, mais de cinq policiers municipaux. Elle propose en outre de remplacer le
règlement par une convention, terme qui sous-entend l'égalité contractuelle.
Notre rapporteur, M. Delevoye, également président de l'Association des maires
de France, ne pouvait que défendre l'esprit des lois de décentralisation,
battues en brèche par ce texte.
Nous sommes d'accord avec la rédaction de l'Assemblée nationale modifiant
l'article 3 et recomposant la commission consultative des polices municipales
en trois tiers : un pour l'Etat, un pour les maires et un pour les
représentants élus des agents des polices municipales, étant précisé qu'un
maire sera président de droit.
A l'article 5, qui a trait à l'utilisation en commun par des maires voisins de
moyens et d'effectifs de police municipale, la commission des lois propose
également une modification, car elle n'a pas voulu limiter l'afflux important
de populations au seul afflux touristique. C'est une initiative à laquelle nous
ne sommes pas étrangers. Les afflux périodiques importants et souvent imprévus
de nomades dans certaines communes doivent en effet être gérés au mieux, dans
le cadre de l'agglomération.
Sur l'initiative de notre rapporteur, il sera proposé que l'agrément des
policiers municipaux ne dépende plus que du seul procureur de la République,
par la suppression de l'aval du préfet. Les procureurs étant beaucoup moins
liés au pouvoir en place que les préfets, nous considérons que c'est là une
excellente suggestion.
En définitive, ce sont, dans le titre Ier, les articles 7 et 8 et, dans le
titre II, les articles 12 et 14 qui posent des problèmes.
En abordant la question sans
a priori,
il est possible de trouver une
solution non onéreuse pour les communes aux difficultés que soulève l'article
8, qu'il s'agisse du choix d'une tenue vestimentaire uniforme pour les
policiers municipaux ou de celui de la couleur des véhicules de service, étant
entendu que la commission tripartite prévue à l'article 3 sera obligatoirement
consultée. Des casquettes d'une couleur différente de celle des casquettes de
la police nationale - pourquoi pas bleu ciel ou grenat, monsieur le ministre ?
- devraient suffire et ménageraient l'argent du contribuable, les gendarmes,
quant à eux, portant le képi.
S'agissant de l'article 12, la commission des lois a élaboré une rédaction
différente, à laquelle je souscris.
Il en va de même pour l'article 14, qui concerne la procédure de contrôle
d'identité par les policiers municipaux. L'obligation de délivrer un récépissé
à un casseur qui se refuse à produire ses papiers constituait une mesure
vexatoire inutile à l'égard des policiers municipaux, ne pouvant que les
démobiliser, d'autant que les bandes de petits délinquants seront rapidement au
courant du système. Or celui-ci fera naître dans certains secteurs - les
problèmes humains ne peuvent être occultés - des tensions artificielles entre
police nationale ou gendarmerie et police municipale, alors que, partout, elles
s'entendent fort bien.
Reste l'article 7.
Monsieur le ministre, par cet article, vous demandez un blanc-seing au
Parlement. En effet, tel qu'il est issu de l'Assemblée nationale, son texte
précise : « Les agents de police municipale ne sont pas armés. » Il laisse
toutefois au préfet la possibilité de les autoriser à porter une arme de
quatrième ou sixième catégorie « lorsque la nature de leurs missions et des
circonstances particulières le justifient », et ce après demande du maire. Mais
c'est un décret en Conseil d'Etat qui doit préciser les modalités d'application
de cet article. D'ailleurs, si j'ai bien compté, à huit reprises, vous recourez
à une telle mesure d'ordre réglementaire. Sur vingt articles, cela fait
beaucoup !
La classification des armes mérite quelques motsd'explication.
C'est le décret-loi du 18 avril 1939 qui fixe le régime des matériels de
guerre, armes et munitions. Le groupe A comprend les matériels de guerre
proprement dits. Ce qui nous intéresse ici, ce sont les armes et munitions de
quatrième et de sixième catégories, non considérées comme matériels de guerre,
appartenant au groupe B et dont le port par les policiers municipaux pourra
être autorisé, suivant leurs missions ou en fonction de circonstances
particulières, par arrêté préfectoral.
Les armes de quatrième catégorie sont les armes à feu dites de défense et
leurs munitions.
Quant aux armes de sixième catégorie, ce sont, selon les textes, les « armes
blanches ». La Cour de cassation a précisé, à travers plusieurs arrêts, que
font partie de cette catégorie les couteaux à cran d'arrêt, les rasoirs à main,
un nerf de boeuf, un tube d'acier, un rondin de bois et des pieds de chaise
métalliques, cette liste n'étant pas exhaustive.
C'est dire que, si les délinquants chevronnés sont munis d'armes de première
ou quatrième catégorie, les bandes évoquées par la presse, dont nous avons
parlé, sont quasiment toujours armées de matériel de sixième catégorie, ou s'en
procurent sur leur passage.
En face, nous verrons des policiers municipaux organisés par groupes, parmi
lesquels certains n'auront pas le droit de porter une matraque ou un bâton,
donc inutilisables sur le terrain lors de coups durs par nature imprévisibles
et incapables de prêter main-forte à la police nationale ou à la gendarmerie.
D'autres porteront un revolver, lorsque le préfet aura estimé que les
circonstances le justifient et à condition que le futur décret en Conseil
d'Etat soit rédigé par des fonctionnaires faisant preuve, comme je le souhaite,
de pragmatisme et de bon sens, ce bon sens que Descartes considérait -
dubitativement, d'ailleurs - comme la chose du monde la mieux partagée.
Ainsi, suivant ce que sera finalement la rédaction de ce décret en Conseil
d'Etat, il existe un risque de démobiliser un personnel qui a prouvé sa valeur
et sa probité, mais qui refusera, à juste titre, de s'exposer à mains nues
devant des personnes circulant armées ou de maîtriser un individu porteur d'un
couteau à cran d'arrêt et agressant un conducteur de bus, par exemple.
En conséquence, monsieur le ministre, il convient que presque tous les
policiers municipaux puissent porter des armes de sixième catégorie et qu'un
grand nombre restent munis, comme aujourd'hui, d'armes de quatrième
catégorie.
Mes chers collègues, ne nous le dissimulons pas, les polices municipales se
développent car, sauf dans le centre de Paris, la présence policière visible
diminue. Les commissariats de quartier ont fermé ou se barricadent, la nuit
venue, dans les secteurs à risques.
Quant aux gendarmeries, de grâce ! qu'on ne les redéploie pas : de nombreuses
suppressions dans un même canton ont déjà eu lieu et les autres ne se
justifient pas.
Sachez que, d'ores et déjà, compte tenu des réductions d'horaires de travail
des gendarmes, si un accident grave ou un incident survient le week-end à cinq
cents mètres d'une unité de gendarmerie - tel a été le cas dans mon canton, qui
est traversé par une route internationale, où passent souvent 20 000 véhicules
par jour - deux week-ends sur trois, le téléphone va basculer sur un central
situé à cinquante kilomètres, lequel avertira ensuite une autre gendarmerie
d'astreinte, située, elle, à vingt-cinq kilomètres.
Heureusement, dans ces cas, un policier municipal ou le garde champêtre,
quelquefois un élu, seront sur place dans les minutes qui suivent, avec les
sapeurs-pompiers.
Ce qui me fait craindre ce redéploiement, ce sont les déclarations du
Gouvernement qui ont suivi le conseil de sécurité intérieure du 27 avril
dernier. Il m'apparaît en effet comme relevant d'une mauvaise politique, à un
moment où certaines grandes villes subissent l'insécurité, de généraliser
celle-ci à l'ensemble du territoire national en redéployant, de façon interne,
1 200 gendarmes vers les zones périurbaines, ce qui entraîne la suppression
d'un certain nombre de gendarmeries, alors que les lois que nous avons votées
sur l'aménagement du territoire, après un vaste débat national, font
interdiction de supprimer les écoles, les bureaux de poste et, d'une manière
générale, les équipements publics.
Comme, en outre, la gendarmerie va être privée du recrutement d'auxiliaires
effectuant leur service militaire, les perturbations dans le monde rural
risquent d'être importantes.
Sur tous ces problèmes de sécurité intérieure, monsieur le ministre, vous
allez à nouveau devoir vous pencher lors de la rédaction des textes
d'application. Nous attirons, avec beaucoup d'insistance, votre attention sur
le fait que ces problèmes constituent, avec le chômage, la préoccupation
majeure des Français.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union
centriste et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Vallet.
M. André Vallet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les polices
municipales font aujourd'hui partie intégrante du paysage de nos cités et nous
savons tous, nous, maires, qui pouvons encore nous exprimer au Sénat
(Sourires)
, le rôle qu'elles jouent dans le maintien de la sécurité
communale.
Ce rôle est essentiel, d'autres que moi viennent de le rappeler : les polices
municipales contribuent, pour peu que la complémentarité avec la police
nationale soit intelligemment assurée, à maintenir la sécurité des biens et des
personnes dans nos communes ; elles permettent aux maires de répondre, même
partiellement, à l'immense besoin de sécurité de notre population.
Vous avez indiqué, monsieur le ministre, que le nombre des policiers
municipaux avait doublé en quinze ans. Mais ce n'est pas une volonté
sécuritaire nouvelle des maires qui a provoqué cette inflation. Celle-ci tient
avant tout au fait que la police nationale et la gendarmerie ne peuvent, en
raison d'un manque évident de moyens, assurer toutes les missions qui leur
échoient.
Permettez-moi, monsieur le ministre, d'évoquer un seul exemple, celui de ma
commune.
Cette commune de près de 40 000 habitants, Salon-de-Provence, est aujourd'hui
confrontée, du fait de la construction d'un centre pénitentiaire, au problème
de la garde des détenus à l'hôpital.
A Salon-de-Provence, on compte cinquante gardiens de la paix. Actuellement,
nous devons assurer la garde de trois détenus dans trois services différents à
l'hôpital. Or deux gardiens de police doivent être présents en permanence
devant la porte de chaque chambre. Cela représente trois fois huit heures de
garde en trois endroits différents, le tout multiplié par deux. Si l'on prend
en compte les récupérations et les congés, cela signifie que huit gardiens sont
mobilisés à toute heure pour chaque détenu malade, soit au total vingt-quatre
gardiens de la paix sur cinquante !
Autrement dit, s'il n'y avait pas la police municipale, ma ville ne serait
absolument pas protégée !
M. Christian Demuynck.
Belle démonstration !
M. André Vallet.
Je veux être associé, monsieur le ministre, à ceux qui vous ont félicité pour
avoir voulu - enfin ! - donner un statut à cette institution aujourd'hui sans
réalité juridique. Mais je tiens aussi à évoquer à mon tour ce que je considère
comme une détestable disposition : l'article 7 du texte que vous nous
présentez, qui pose le principe du non-armement des polices municipales.
La situation présente est simple : les maires décident librement de
l'opportunité d'armer ou non leurs services de police municipale sur un simple
visa du préfet. Il est à noter que le pouvoir du représentant de l'Etat est ici
des plus réduits puisqu'il se borne à un simple visa
a posteriori,
à
l'exclusion de toute autorisation préalable.
L'article 7 de ce projet de loi, qui dispose que l'armement est possible dans
des circonstances particulières, sur autorisation nominative du préfet, à la
demande motivée du maire d'une commune ayant un règlement de coordination, ne
me paraît absolument pas répondre à la réalité du terrain.
Je suis convaincu, en effet, que les missions délicates ou dangereuses ne
doivent en aucun cas être confiées à des policiers municipaux si ceux-ci ne
sont en mesure d'assurer ni la sécurité des biens et des personnes ni, bien
sûr, leur propre sécurité.
Le droit à la sûreté, consacré par l'article 2 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen - auquel vous faites si souvent référence, monsieur le
ministre - ne peut être efficacement assuré que si ceux qui sont le plus
souvent chargés de le faire respecter ne sont pas limités dans leurs missions
et dans les moyens de les remplir.
Le dispositif de l'article 7 n'est pas satisfaisant, car il est trop
restrictif. Il constitue une régression par rapport à la situation actuelle
puisque, d'un régime de simple déclaration à la préfecture, l'armement des
polices municipales dépendra désormais d'une autorisation administrative
préalable du représentant de l'Etat. Selon les tâches qu'ils leur confient et
qu'ils sont les seuls à même d'apprécier, les maires, et eux seuls, doivent
garder à la fois la liberté et la responsabilité de doter ou non d'une arme
leurs policiers municipaux.
Que craignez-vous donc pour refuser à ces agents de la sécurité les conditions
matérielles de leur efficacité ?
On ne relève pas - cela vient d'être dit - de bavures dans ces polices de
proximité, notamment parce que le policier municipal évolue au sein d'un tissu
social qu'il connaît bien. J'ai une grande confiance dans la police municipale
de ma ville : elle est armée depuis de très nombreuses années et je n'ai jamais
eu à déplorer le moindre incident.
Les polices municipales méritent beaucoup mieux que le climat de suspicion
dont on veut les entourer et que, malheureusement, votre projet de loi
entretient largement.
En outre, je tiens à souligner le rôle important des maires dans le recul de
l'insécurité : chaque maire s'implique directement et exerce son autorité sur
les personnels qui lui sont confiés. C'est à lui que revient la responsabilité
de faire en sorte que la police municipale agisse en complément de la police
nationale. C'est au maire que fait d'abord appel la population qui est
confrontée à ces difficiles problèmes.
J'aimerais, monsieur le ministre, que vous teniez compte de ces réalités et
que les polices municipales soient mieux reconnues, qu'elles disposent de plus
d'autorité et continuent, selon la volonté du maire, à être armées.
Il me semble qu'à partir du mauvais exemple de Vitrolles...
M. Christian Demuynck.
Très bien !
M. André Vallet.
... - mais Vitrolles n'est pas toute la France ! - votre projet de loi va
réduire et affaiblir les polices municipales ; il va donc réduire et affaiblir
la nécessaire sécurité intérieure de notre pays.
C'est la raison pour laquelle je ne peux que souhaiter que ce texte soit
amendé et qu'il reprenne les sages conclusions de la commission des lois.
M. le président.
La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi que nous examinons aujourd'hui concerne les polices municipales, qui sont -
chacun s'accorde à le reconnaître - efficaces, compétentes et responsables.
Leurs activités ne donnent lieu à aucun problème, comme certains le
craignaient, et la coopération avec la police nationale ou la gendarmerie se
passe, dans la majorité des cas, parfaitement bien, dans un souci d'efficacité
et de coordination intelligente.
A partir de cette constatation, il suffisait donc de rassurer les syndicats de
la police nationale et de leur démontrer que la présence de cette police à leur
côté leur permettait de se recentrer sur les tâches les plus importantes.
Ainsi, par votre projet de loi, monsieur le ministre, vous auriez dû vous
contenter de clarifier et de préciser les attributions exactes de cette police
en prenant en compte - je le répète - l'excellente coordination et l'efficacité
de toutes les forces de police sur le terrain.
Malheureusement, loin de répondre à cette attente, le texte que vous nous
présentez a la particularité de réduire les possibilités d'un maire de se
battre contre l'insécurité, alors que, dans le même temps, le Gouvernement se
targue de leur reconnaître des pouvoirs de police et d'en faire des partenaires
de la lutte contre la délinquance.
Encore une fois, c'est un nouveau texte purement idéologique qui est proposé
au Parlement, comme l'a été d'ailleurs celui qui concernait les 35 heures ou
comme le sera prochainement celui qui est relatif à la lutte contre les
exclusions.
Outre cette discordance étonnante, sur laquelle je reviendrai, je souhaite,
monsieur le ministres, attirer tout spécialement votre attention, comme l'ont
fait un certain nombre de mes collègues, sur les conséquences de l'adoption de
l'article 7 du projet de loi que vous nous présentez et qui précise les
conditions d'armement ou plutôt de désarmement des policiers municipaux.
Mais ne convient-il pas d'y voir tout simplement une décision politicienne
destinée à rassurer certains lobbies anti-police municipale, tout en confortant
une partie d'un électorat qui est peu confronté à la réalité de certains
quartiers et qui considère les policiers municipaux comme la garde prétorienne
d'un maire ?
Faut-il rappeler, monsieur le ministre, les raisons de la création de ces
polices municipales et de leur armement, notamment dans des départements
difficiles ? Je le ferai puisque,
a priori
, l'article 7 n'en tient pas
compte.
Les polices municipales ont été créées pour répondre au développement
endémique de deux principaux facteurs d'insécurité, particulièrement dans les
zones urbaines.
Le premier facteur est lié à l'aggravation de la petite et moyenne
délinquance. Il s'agit d'une réalité qui, je vous l'assure, est vécue
quotidiennement par de nombreux Français.
Le second facteur tient aux carences de plus en plus marquées des moyens
humains et matériels de la police nationale, qui sont bien souvent comblées par
le travail des polices municipales, sans pour autant suffire à répondre au
développement inquiétant des actes délictueux en tout genre.
Nous sommes bien loin, vous en conviendrez, de l'image d'Epinal véhiculée par
certains élus médisants associant les 13 000 policiers municipaux à des
cowboys.
Je préfère, pour ma part, rendre hommage au courage et à l'abnégation de ces
hommes et de ces femmes qui réalisent un formidable travail de proximité et qui
répondent véritablement aux besoins de sécurité de nos administrés. En effet,
et permettez-moi de reprendre vos propos, « la sûreté est reconnue par
l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen à l'égal de
la liberté ». Vous convenez, de plus, « qu'il n'y a pas de liberté concevable
si la sécurité n'est pas assurée ». Je rajouterai, pour ma part, que la
sécurité est le premier droit du citoyen et la première mission de l'Etat.
Par conséquent, si l'on constate les carences de la police nationale mais que,
dans le même temps, vous retirez les moyens d'intervention des agents de la
police municipale, je ne vois pas comment pourront être réglés les problèmes de
délinquance auxquels de nombreuses villes sont confrontées. Les principales
victimes de ce choix politique seront, encore une fois, nos administrés.
Afin d'imager mon propos, permettez-moi de prendre l'exemple de la police
municipale de la ville de Neuilly-Plaisance, que je connais bien : six
policiers répondent aux demandes des administrés 24 heures sur 24, 7 jours sur
7 et 365 jours par an ! L'une de leurs missions est d'intervenir au domicile
des Nocéens à la suite du déclenchement d'une téléalarme, dont la majorité des
personnes âgées est équipée.
Grâce à ce service, de nombreux Nocéens ont pu être sauvés. En général, quatre
à cinq minutes après le déclenchement de l'alarme, les policiers sont sur les
lieux, sans toutefois connaître les données de l'intervention.
Si, demain, ils ne sont plus armés, ils ne seront plus à même de veiller à
leur propre sécurité, même si leur arme à balle de caoutchouc - je précise
qu'ils ne s'en sont jamais servi depuis 1983 - tien plus de la dissuasion que
de la capacité de s'opposer réellement à des agresseurs fortement armés.
Enfin, vous en conviendrez, l'exposition au danger doit avoir pour
contrepartie de permettre aux policiers municipaux d'assurer leur propre
protection.
Par ailleurs, selon votre projet de loi, si le règlement de coordination n'a
pas été établi, ils ne pourront même plus porter secours à ceux qui sont en
extrême détresse, compte tenu de l'application de l'article L. 2212-6 du code
général des collectivités territoriales, qui leur fera interdiction de
travailler en dehors de la tranche horaire sept heures-vingt heures. Par
conséquent, du fait que la police nationale ne se déplace pas pour de telles
interventions, ce sont les Nocéens qui en assumeront les conséquences.
Ainsi donc, si cette loi est adoptée en l'état, l'article L. 412-51 du code
des communes sera appliqué et les policiers municipaux se retrouveront du jour
au lendemain sans arme. En résumé, par cette loi, vous désarmez les policiers
municipaux, mais pas les délinquants, monsieur le ministre. J'aurais préféré
que ce soit l'inverse !
Je suis impatient de voir la façon dont vous justifierez cette décision devant
les commerçants, les habitants, les jeunes rackettés ou encore les employés du
service public, dont les institutions sont bafouées quotidiennement.
Tout à l'heure, je soulignais l'excellente collaboration entre les services de
la police nationale et ceux de la police municipale. Vous n'êtes pas sans
savoir que, vraisemblablement pour des raisons d'effectifs, certains postes de
police ferment leurs locaux vers dix-huit heures ou dix-neuf heures, la police
municipale restant la seule force de police à « occuper le terrain ». Elle
assume alors des situations parfois difficiles pour maintenir la sécurité des
habitants.
Vous comprendrez donc qu'une fois cet article adopté il ne sera pas question
pour les maires, dont je fais partie, de maintenir certaines missions qui
peuvent exposer ces hommes à des délinquants armés, dont certains d'ailleurs
sont accompagnés de pitbulls. Encore une fois, c'est la réalité quotidienne,
notamment en Seine-Saint-Denis.
A titre d'exemple, puisque j'aborde le sujet des pitbulls, je citerai
l'intervention récente d'agents de la police nationale au domicile d'une femme
âgée qui était attaquée par l'un de ces animaux dangereux. Mis eux-mêmes en
difficulté, il leur a fallu tirer cinq fois sur ce chien pour le mettre hors
d'état de nuire, oserai-je dire le tuer ! Je ne puis imaginer un policier
municipal dans la même situation, mais sans arme.
Non, monsieur le ministe, cet article ne correspond pas à la réalité
quotidienne de certains départements. D'ailleurs, je crois savoir que M.
Jacques Genthial, inspecteur général de la police nationale, a souligné dans un
rapport à votre intention que les policiers municipaux étaient utiles et
efficaces et qu'en dix-sept ans d'activité seules cinq bavures avaient été
commises. Bien entendu, elles ne sont pas excusables pour autant, mais elles
témoignent quand même du sérieux de ces agents, qu'on ne considère pas toujours
comme des professionnels qu'ils sont pourtant.
J'en veux pour preuve également un sondage IPSOS effectué en février dernier :
57 % des Français ont confiance en leurs policiers municipaux, 56 % préfèrent
qu'ils soient armés, 80 % les considèrent comme rassurants et 58 % les trouvent
efficaces.
Et puis, monsieur le ministre, comment expliquez-vous que vous puissiez, dans
le même temps, désarmer des policiers entraînés à leurs missions, qui
connaissent parfaitement leur secteur et remplissent leur rôle de police de
proximité et, par ailleurs, recruter vingt mille adjoints de sécurité, dont
certains seront armés pour effectuer des missions d'îlotage, comme le fait la
police municipale, mais qui, à l'évidence, n'auront aucune connaissance de ce
métier, même si vous prévoyez deux mois de formation ! J'attire d'ailleurs
votre attention sur l'extrême importance de la qualité du recrutement de ces
jeunes.
Je pense également à l'humiliation qui sera inévitablement ressentie par les
policiers municipaux de se voir moins considérés que des jeunes inexpérimentés.
Et je ne parle pas du ridicule éprouvé par ces mêmes hommes lorsqu'ils se
retrouveront sans arme face à des délinquants qu'ils connaissent et pour qui
l'armement fait partie, quoi qu'on en dise, de la fragile respectabilité de
l'ordre public.
Par ailleurs, les missions des policiers municipaux sont différentes d'une
ville à l'autre et l'évolution de la délinquance en France est, là encore,
inégale. Seuls les maires sont donc en mesure de prendre la décision d'armer ou
de ne pas armer leurs policiers municipaux. Il convient de leur laisser cette
libre appréciation en l'accompagnant d'une formation plus adaptée.
J'espère, par ces exemples, avoir attiré votre attention, monsieur le
ministre, sur les dangers d'un désarmement de ces formes de police et sur leur
grande utilité dans le contexte actuel. Ne considérez-vous pas que ces agents
sont susceptibles d'être soumis aux mêmes risques que les agents de la police
nationale et de la gendarmerie dans le cadre de leurs missions de sécurité,
notamment lorsqu'ils effectuent des rondes d'îlotage ?
En conclusion, la mainmise de l'Etat dans la gestion des affaires communales
relatives à la sécurité sera difficilement acceptable par les maires concernés.
Votre projet de loi pose, en effet, un principe général : la décision du préfet
est souveraine en matière d'organisation et de gestion des polices municipales.
Les pouvoirs du maire en la matière sont donc recentralisés au niveau du
représentant de l'Etat dans le département.
Cette centralisation des pouvoirs de police s'affirme, par exemple, par la
notion de voie prépondérante du préfet, notamment dans la rédaction du
règlement de coordination de l'action des polices municipales. Désormais,
celles-ci seraient, en quelque sorte, gérées par l'Etat, mais payées par les
collectivités.
Cette procédure ne prend pas en compte les réalités du contexte local puisque
le préfet a la possibilité d'imposer sa volonté. On peut donc craindre une
prise de position partiale de ce dernier dans le cadre législatif que vous avez
prévu.
Enfin, ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que le préfet a déjà
suffisamment de travail, notamment avec l'expansion de la délinquance des
mineurs ou encore la gestion du dossier relatif à l'immigration clandestine,
pour le faire intervenir en plus dans la gestion des polices municipales, dont
le bon fonctionnement est reconnu par tous !
Vous comprendrez donc, monsieur le ministre, que votre projet de loi ne puisse
être accepté en l'état. Je souhaite, par conséquent, que votre volonté affirmée
de rester attentif aux observations formulées par les parlementaires soit
réelle et que le texte que vous nous proposez soit largement amendé.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi dont nous discutons aujourd'hui nous est présenté après plusieurs
tentatives qui avaient échoué. Nous devons donc remercier M. le ministre de
l'intérieur d'avoir su persévérer dans la recherche des voies et moyens
permettant de combler une lacune.
Il nous faut également féliciter M. Delevoye pour la présentation d'un rapport
réaliste qui prend largement en compte les problèmes ressentis sur le terrain.
Or, c'est essentiellement à eux que la population nous demande de répondre.
J'évoquerai successivement, d'une part, les raisons qui justifient
l'élaboration d'une loi et, d'autre part, les quelques principes qu'il me
paraît essentiel de préserver.
Les raisons qui motivent la présentation et le vote d'une loi ont été
largement évoquées depuis le début de ce débat. Permettez-moi cependant d'en
rappeler brièvement quatre qui me paraissent fondamentales.
Premièrement, les polices municipales ont été créées à des époques très
différentes. J'évoquerai, aux deux extrêmes, les créations les plus anciennes,
telle la police municipale de Strasbourg, résultant d'une délibération du
conseil municipal de 1791, et des créations beaucoup plus récentes, rendues
nécessaires par la montée de la délinquance et de l'insécurité. L'esprit dans
lequel les unes et les autres ont été créées n'est évidemment pas forcément le
même, et il convient donc de trouver les voies et moyens pour harmoniser tout
cela.
Deuxièmement, alors que les communes concernées connaissent entre elles des
différences importantes en termes de taille, d'effectif et de pratiques, il
importe de trouver malgré tout un dénominateur commun permettant de préserver
un certain nombre de principes communs.
Troisièmement, à l'heure actuelle, dans les villes où ont été créées des
polices municipales, cohabitent la police d'Etat, la police municipale, et
souvent aussi la gendarmerie. Mais une juxtaposition ne suffit pas : il faut
passer à une coopération concertée pour éviter que des actions en ordre
dispersé ne nous fassent passer à côté de l'objectif principal, qui doit être
l'efficacité dans la lutte contre l'insécurité.
Quatrièmement - ce point a d'ailleurs été largement évoqué - il est nécessaire
d'élaborer un statut clair pour les polices municipales, ce qui fait
actuellement défaut. La carrière, l'action, les perspectives, les moyens
doivent pouvoir être insérés dans un cadre commun afin que les polices
municipales fondent leur action sur des éléments solides.
Dans l'ensemble, il faut reconnaître que peu de problèmes et peu de bavures
ont été recensés dans les actions de police municipale jusqu'à présent. Il n'en
est pas moins nécessaire d'harmoniser, de coordonner, de clarifier et de
codifier. Pour ce faire, nous pouvons et devons probablement nous inspirer de
beaucoup d'expériences réalisées chez nos voisins et partenaires européens où
les polices municipales répondent souvent à une tradition déjà ancienne.
Au-delà, je tiens à rendre hommage à nos polices municipales qui, je crois,
ont dans l'ensemble le sens du devoir et des responsabilités et qui savent
respecter l'esprit républicain - c'est important, et vous avez raison
d'insister sur ce point, monsieur le ministre -, sans que cet hommage rendu aux
polices municipales soit à interpréter comme une quelconque critique ou un
quelconque manque de confiance en la police d'Etat, dont le rôle est et doit
rester absolument fondamental et irremplaçable.
J'en viens à trois principes qu'il me paraît essentiel de préserver dans les
textes concernant les polices municipales.
Le premier principe, qui est reconnu, je crois, dans le texte, est celui de la
proximité. De plus en plus, le maire est en première ligne sur tous les
problèmes, que ces derniers relèvent de la compétence de l'Etat ou de celle de
la commune. Ainsi, lorsque, dans une commune, la sécurité vient à être mise en
cause, les habitants s'adressent naturellement au maire. C'est à lui que l'on
demande de répondre par des actes et de rendre des comptes à la population. Or
la police municipale est incontestablement un élément de réponse concret dont
peut disposer le maire. En effet, la police municipale, dont la présence est
visible, rassure : elle connaît le terrain, les quartiers. C'est donc
incontestablement, aux côtés du maire, un élément d'intervention concret et
efficace qui témoigne de la volonté du maire d'agir efficacement et de sa
capacité à le faire.
Nul ne conteste et ne doit contester que la sécurité est une fonction
régalienne de l'Etat.
M. Paul Blanc.
Tout à fait !
M. Daniel Hoeffel.
Nous ne devons pas remettre en cause cette fonction régalienne. Cependant,
l'Etat, compte tenu d'un certain nombre de contraintes, dont toutes, nous le
savons, ne sont pas d'ordre budgétaire, n'a plus toujours tous les moyens
nécessaires pour l'exercer.
Il faut donc, s'agissant de la création et de l'action des polices
municipales, que l'accent soit bien mis sur la complémentarité de
l'intervention des communes par rapport aux interventions de l'Etat.
Le deuxième principe auquel nous devons rester attachés, s'agissant des
polices municipales, est la décentralisation.
La loi ne doit à mon avis sous aucun prétexte conduire à une recentralisation,
à une accentuation de la tutelle ou à une remise en cause de la libre
administration des collectivités locales.
En général, les polices municipales sont créées non par plaisir, mais par
nécessité. Elles sont créées non pour faire concurrence à l'Etat, mais pour
compléter l'action de ce dernier. Elles ne sont pas là pour se substituer à
l'action de la police d'Etat.
Je prendrai l'exemple que vous connaissez bien, monsieur le ministre, des
villes d'Alsace : les policiers municipaux y sont nommés par les maires sans
être agréés par le procureur de la République, et ils ont obligation de prêter
serment. Cette pratique leur a procuré deux siècles de fonctionnement à la
satisfaction générale, je crois. Un retour en arrière me paraît ni opportun ni
souhaitable. L'esprit de décentralisation doit donc pouvoir, à mon avis, être
concilié avec l'élaboration d'un statut des polices municipales.
Enfin, le dernier principe concerne l'armement. Le débat sur ce point doit
être dédramatisé, et je pense que la majorité de nos collègues en est d'accord.
Un même schéma ne peut probablement pas être appliqué partout compte tenu de la
très grande diversité des situations. Pour les uns, le sentiment dominant est
l'inquiétude devant des polices municipales armées ; pour d'autres, c'est le
souci de l'efficacité des polices municipales qui prime.
Je crois, pour ma part, que, s'agissant de l'efficacité, la police municipale
doit être présente de jour et, en cas de nécessité, de nuit, en tenant compte
des réalités du terrain.
L'armement peut être un élément de prévention et de dissuasion face à des
délinquants dont nous savons qu'ils ont de moins en moins de scrupules quant à
leurs méthodes d'intervention ; il faut donc, dans une certaine mesure,
rétablir l'équilibre.
Peut-on refuser l'armement aux polices municipales, alors qu'on l'accorde - et
je ne le conteste pas - aux adjoints de sécurité qui, parfois, ont moins
d'expérience ?
Bien entendu, l'essentiel - nombre d'intervenants ont d'ailleurs insisté sur
ce fait - est que la formation soit sérieuse et fondamentale, qu'elle soit non
pas seulement technique, mais aussi civique, pour que l'esprit républicain et
la déontologie soient préservés. Il s'agit là d'un élément fondamental dans
toute action de formation en direction des polices municipales.
Il me paraît donc nécessaire d'ordonner l'intervention de toutes les forces
chargées de la sécurité sous la responsabilité de l'Etat. Cela me semble
parfaitement compatible avec la préservation de la libre administration des
collectivités locales.
Il ne saurait être question de cloisonner les différents corps ; il faut les
associer tous pour assumer la mission commune de sécurité car, lorsque celle-ci
n'est pas assurée, c'est non seulement l'Etat, mais aussi le maire qui,
ensemble, se trouvent placés par l'opinion sur le banc des accusés. Etat et
communes sont des partenaires et sont condamnés à le rester. Soyons-en
conscients dans la recherche des solutions au problème.
Enfin, la police n'est évidemment pas tout, loin de là. En effet, le problème
de l'insécurité est lié à la conception de l'urbanisme, à la concentration
urbaine, à l'évolution des mentalités et des moeurs et, hélas ! à la dilution
de l'esprit civique auquel nous assistons d'une manière générale.
En conclusion, le texte qui nous est présenté, sous sa forme révisée par la
commission des lois - ce qui n'amoindrit en rien l'initiative que vous avez
prise, monsieur le ministre, ni la persévérance dont vous avez fait preuve pour
nous présenter ce projet de loi -, est un texte utile. Il présente une réponse
- mais pas toute la réponse - aux problèmes de sécurité, si prioritaires pour
nos concitoyens.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du
RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne
pouvons que nous réjouir de l'arrivée en discussion de ce projet de loi, qui va
enfin donner un contenu plus consistant au statut des polices municipales, mais
aussi mieux définir et renforcer leur rôle.
Jusqu'à présent, l'inexistence d'un cadre juridique adéquat conduisait à une
grande diversité de pratiques et à des interprétations fluctuantes pour adapter
la police municipale aux évolutions de la société.
Ce texte contribue au débat sur la sécurité, mais ne nous leurrons pas : s'il
peut être compris comme une avancée, grâce aux réelles améliorations proposées,
il ne doit pas être considéré pour autant comme la solution à tous les
problèmes de sécurité rencontrés par nos concitoyens, ni, surtout, rejeter dans
l'ombre les efforts qu'il reste à consacrer en matière de prévention. Je
souhaitais le dire d'entrée, pour éviter toute discussion ultérieure sur ces
manquements que nous aurions commis dans notre prise en compte de la
sécurité.
Après ces appréciations positives, je formulerai, monsieur le ministre, deux
réserves de forme.
La première concerne le nombre élevé de renvois, dans les articles du projet
de loi, à un décret en Conseil d'Etat. Plusieurs intervenants l'ont d'ailleurs
déjà souligné. Aussi, j'aurais souhaité que vous vous engagiez, monsieur le
ministre - mais vous l'avez déjà fait en partie - à veiller à une publication
rapide de ces décrets afin qu'un éventuel retard n'entame pas l'efficacité du
présent texte. Par ailleurs, il est regrettable que des dispositifs essentiels
de ce texte soient ainsi pris par décret en Conseil d'Etat, car leur contenu
échappe totalement, dès lors, à l'avis du Parlement.
La seconde de mes réserves concerne le recours systématique au préfet pour
l'agrément des nominations, l'armement, le travail de nuit et les règlements de
coordination. L'instauration de ces procédures lourdes ne risque-t-elle pas de
retarder la mise en oeuvre de ce texte ?
Par ailleurs - j'y reviendrai tout à l'heure - est-il souhaitable que, par ce
biais, l'action des polices municipales se trouve définie et contrôlée par le
représentant de l'Etat et non par le maire ?
S'il est vrai qu'il est nécessaire d'éviter les dérives, de garantir des
procédures irréprochables et de s'assurer qu'il ne se crée pas, dans certaines
villes, des forces de police plus ou moins indépendantes de l'autorité de
l'Etat - sans parler de l'apparition éventuelle de rivalités entre les
différentes forces de police - cette suprématie du préfet, qui peut devenir de
fait le patron des polices municipales dans son département, est
surprenante.
Jusqu'à présent, la sécurité était une des responsabilités régaliennes de
l'Etat, et elle doit le rester. Mais, à partir du moment où l'Etat n'est plus
en mesure de faire face à l'insécurité sous toutes ses formes et où il confie
unepartie de ses missions aux communes, via les polices municipales, il me
semblerait normal que nous en tirions toutes les conséquences.
De plus en plus, par les textes législatifs et réglementaires qui se
multiplient, l'Etat définit la façon dont les collectivités territoriales
utilisent leurs moyens. N'est-ce pas une forme de tutelle qui s'instaure
progressivement ?
S'il est indispensable qu'il y ait une bonne coordination avec la police
nationale et une réelle complémentarité, je m'interroge sur ce rôle
prépondérant du préfet.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que vous donnerez aux préfets
des instructions très strictes pour l'application de ce texte afin qu'ils
prennent leurs décisions en étroite collaboration avec les maires ?
L'amélioration de la sécurité dans nos villes passera sûrement par la
recomposition des tissus sociaux, et je crois fermement que la présence de
policiers municipaux, véritables « agents de proximité », activera la
restauration de la confiance et des liens qui se sont distendus
progressivement.
Si proximité et non-armement sont deux notions complémentaires et si un
certain nombre de tâches peuvent très bien être exercées par des policiers
municipaux non armés, il en va autrement de l'intervention dans les zones dites
difficiles, où les bandes de délinquants sont parfois tout autant, si ce n'est
plus, armées que les policiers.
Les policiers municipaux ne peuvent pas se risquer à faire régner la paix sur
des territoires soumis à la loi du plus fort sans avoir les moyens de riposter
en cas de besoin. Non armés, ils réduiront tout bonnement leur champ
d'intervention, et l'efficacité de leur action en pâtira.
Ces policiers municipaux - et je parle en connaissance de cause, comme M.
Hoeffel tout à l'heure, du fait de l'expérience très positive et ancienne de
Strasbourg - recrutés sur des critères sélectifs stricts, bien formés,
régulièrement entraînés et agissant en complémentarité avec la police
nationale, doivent être armés en permanence. Vous savez qu'il n'y a quasiment
jamais eu de bavures ! Alors pourquoi vouloir traiter la police municipale en «
police de seconde main » à qui on ne pourrait pas confier d'armes ?
M. Christian Demuynck.
Très bien !
M. Philippe Richert.
Si j'insiste autant sur la formation initiale et continue des policiers
municipaux, c'est qu'elle me paraît une condition incontournable pour une bonne
efficacité. Et, s'il est fondamental de les former au maniement des armes et à
la déontologie, il me paraît tout aussi important de les former à l'écoute, à
la pédagogie ou à la psychologie car, dans la plupart des cas, l'incivisme et
les infractions mineures seront le lot commun des policiers municipaux.
Mais, de la petite à la grande délinquance, nous devons être vigilants,
d'autant que la petite délinquance préfigure souvent la grande.
Rappelons qu'être citoyen c'est avoir, certes, des droits, mais également des
devoirs et des obligations envers la société. Nous devons donc agir contre
toutes les formes d'incivilités et d'agressions que nous subissons
quotidiennement.
Sans vouloir reproduire à l'identique les expériences de « tolérance zéro »
menées à New York ou encore outre-Manche, les résultats obtenus dans les deux
cas doivent être relevés, même s'ils ne sont pas parfaits et méritent une
analyse critique.
Devant les dérives réelles que nous connaissons et l'exaspération, voire la
peur, qui sont le lot commun d'un grand nombre de nos concitoyens, nous devons
réagir sans tomber dans le sécuritaire à tout prix.
C'est pourquoi il me semble que deux approches peuvent retenir notre
attention.
La première concerne la mise en place d'actions « transversales ». Sur un
territoire urbain, tous les acteurs du quotidien - personnels de l'éducation
nationale, auxiliaires de justice, milieu associatif ainsi que policiers
nationaux et municipaux - se réunissent régulièrement pour travailler ensemble
et coordonner leurs actions sur le terrain. Je suis sûr que la police
municipale, police de proximité, y aura toute sa place.
Par ailleurs, les horaires de service des officiers de police sont fonction
des « horaires de délinquance ». Des études ont ainsi permis de délimiter
précisément dans le temps les périodes de la journée pendant lesquelles les
actes délinquants se produisaient et, durant ces périodes, les effectifs de
police sont renforcés. C'est une question de bon sens et cela répond
parfaitement aux besoins de l'offre et de la demande.
La présence policière ainsi adaptée permet de répondre plus efficacement aux
actes et opère, de plus, un effet psychologique dissuasif sur les délinquants.
Pourquoi ne pas s'inspirer de ces expériences ? Il paraît difficilement
acceptable que des commissariats soient fermés et que des policiers soient hors
service dans des quartiers sensibles où l'on sait pertinemment que, à certaines
heures définies, des infractions vont être commises !
Je sais qu'il s'agit là d'un dossier délicat, monsieur le ministre, mais c'est
le moment de l'aborder de façon sereine, et nous vous faisons confiance pour
aller de l'avant.
Par ailleurs, nous ne pouvons que souhaiter que les règlements de
coordination, avancée incontestable en matière de complémentarité entre police
municipale, police nationale et gendarmerie, mettent fin à ces problèmes
d'organisation et que des permanences soient assurées non seulement dans les
bureaux, mais surtout sur le terrain à toute heure de la journée.
Incontestablement, ce texte, malgré ses imperfections, va dans le bon sens.
Mais ne devrions-nous pas aller plus loin ?
Je me suis souvent interrogé : si les maires venaient à être responsables de
la sécurité au quotidien de la cité qu'ils gèrent, en termes de prévention mais
aussi de police, n'aurions-nous pas plus de mobilisation et de résultats contre
ce fléau de la délinquance ? Je ne vise pas, bien sûr, les délits graves et la
criminalité, qui resteraient de la compétence exclusive de l'Etat, mais les
actes de malveillance qui sont aujourd'hui si fréquents, tels que les vols, les
violences ou l'incivisme.
Finalement, c'est bien les maires que les administrés viennent voir lorsqu'une
difficulté surgit sur le terrain et, dans bon nombre d'esprits, ils ont d'ores
et déjà l'entière responsabilité des dysfonctionnements recensés.
Je terminerai mon intervention sur la question du coût des polices
municipales. Ce texte peut être aussi interprété, en effet, comme un
désengagement financier de l'Etat : ce dernier garde la responsabilité de la
sécurité et ce sont, d'une certaine façon, les collectivités qui paient sans
qu'il y ait transfert de moyens.
Pour conclure, permettez-moi de redire que, malgré ses qualités indiscutables,
ce texte s'arrête un peu au milieu du gué. Il me paraît pouvoir être encore
amélioré, en particulier grâce aux amendements qui seront proposés par la
commission, que je tiens à remercier - son rapporteur particulièrement - de la
grande qualité du travail qu'elle a accompli.
J'exprime donc le voeu que nous allions plus loin dans notre oeuvre de
législateurs et je vous demande, monsieur le ministre, un engagement :
pourriez-vous nous proposer, au terme d'une période d'observation de deux ou
trois ans, un bilan critique de la mise en oeuvre de la loi et, le cas échéant,
remettre l'ouvrage sur le métier ?
Compte tenu de ces assurances et sous réserve des amendements que nous
proposera la commission des lois, je voterai, bien sûr, ce projet de loi.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si je
reconnais volontiers que le projet de loi qui nous est présenté a le mérite
d'offrir un cadre juridique utile - pour ne pas dire nécessaire, mais en tout
cas bienvenu - à des polices municipales dont les effectifs ont plus que doublé
depuis quinze ans, je crains cependant qu'il ne réalise pas pleinement les
conditions d'un partenariat équilibré entre les communes et l'Etat. En effet,
ce texte contient un certain nombre de dispositions propres à renforcer de
manière importante le pouvoir de l'Etat au détriment de celui des communes,
alors même que - cela a déjà été dit - de récentes études concluent à un
fonctionnement globalement satisfaisant des polices municipales.
Toutefois, mon intervention, qui sera brève, aura pour objet non pas de
développer cet aspect du projet de loi - ce qui a d'ailleurs été fait
remarquablement par les précédents orateurs - mais d'attirer l'attention sur
une regrettable insuffisance dont souffre, à mes yeux, ce texte : je veux
parler, en l'occurrence, de l'action menée dans les communes touristiques.
Ainsi, de nombreuses collectivités reçoivent un afflux saisonnier massif de
touristes - dans certains cas seulement l'été, mais parfois aussi l'hiver - et
elles ont traditionnellement recours aux services de policiers municipaux
vacataires pour faire appliquer les arrêtés municipaux de police ou pour
assurer la fluidité de la circulation pendant quelques mois.
Cette pratique, qui avait cours de manière très généralement satisfaisante, a
été remise en cause par le décret du 24 août 1994, aux termes duquel les agents
municipaux doivent avoir une formation minimale de six mois et ne peuvent être
vacataires.
Le précédent ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de
la décentralisation, M. Perben, que j'avais saisi de ce problème, avait permis
de trouver un début de solution en acceptant, lors de l'examen du projet de loi
relatif à l'emploi dans la fonction publique, à la fin de 1996, l'amendement,
déposé par l'un de nos collègues députés, qui est devenu l'article L. 412-49-1
du code des communes.
Dans cet article, il était précisé que « l'agrément mentionné à l'article
précédent peut aussi être accordé à des agents titulaires de la commune,
habituellement affectés à des emplois autres que ceux de la police municipale,
ou non-titulaires chargés d'assister temporairement les agents de la police
municipale dans les communes touristiques ».
Cet article, qui prévoyait également que les agents vacataires ne peuvent
porter une arme, avait été reçu par nombre de maires des communes concernées
comme une avancée positive de nature à régler un problème qui réapparaît à
chaque saison estivale ou hivernale.
Or, en l'état, l'article 11 du projet de loi dont nous débattons supprime
totalement ce dispositif.
En outre, lors de l'examen de ce texte devant l'Assemblée nationale, la
référence aux communes touristiques, qui subsistait à l'article 5, a totalement
disparu.
Dans ces conditions, il me semble inacceptable, monsieur le ministre, de
laisser pour compte ces collectivités dans le domaine de la sécurité et de la
police municipale, de ne pas les doter de moyens adaptés à l'ampleur des
responsabilités qui sont les leurs en période touristique.
Ces collectivités ne peuvent ni supporter la charge financière que représente
l'emploi permanent de policiers municipaux titulaires, ni se décharger sur la
gendarmerie nationale de la surveillance de la voie publique et du maintien de
la fluidité de la circulation, conditions essentielles à la qualité du séjour
des résidents dans nos communes et stations, et d'un minimum de bonne
organisation de la vie collective dans les communes touristiques.
Aussi, je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir prendre en
compte cette situation et de veiller à ce que puisse être dégagée une solution
qui soit tout à la fois conforme à l'esprit du projet de loi que nous
examinons, à commencer par l'exigence de formation, et propre à répondre aux
préoccupations légitimes des très nombreuses collectivités concernées.
Cela pourrait se faire, par exemple, en reprenant le principe, posé par
l'article L. 412-49-1 du code des communes, d'une affectation temporaire de
certains agents des collectivités, habituellement employés à d'autres tâches, à
des missions de police municipale.
Voilà pourquoi j'ai tenu à demander le maintien de ces dispositions par le
dépôt d'un amendement à l'article 11 du projet de loi.
Je vous remercie d'avance, monsieur le ministre, de votre réponse et du soin
que vous accepterez de réserver à ma proposition.
J'ajoute, en terminant, et en m'associant aux félicitations qui ont été
adressées à M. le rapporteur, que je voterai, bien entendu, ce projet tel
qu'amélioré par les amendements proposés.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, étant dans l'obligation de quitter la Haute Assemblée rapidement, je
répondrai brièvement - vous voudrez bien m'en excuser - à ceux qui se sont
exprimés à la tribune, étant entendu que nous aurons l'occasion de revenir sur
tous les sujets abordés demain lors de la discussion des articles.
Je tiens, tout d'abord, à mon tour, à rendre hommage au travail solide,
sérieux et constructif du rapporteur. Bien entendu, nous ne sommes pas d'accord
sur tous les points, mais nous avons une base pour engager un débat de qualité,
dépassionné pour ce qui est de l'affrontement politicien et qui devrait
permettre d'aller au fond des choses.
La compétence en matière de sécurité appartient toujours, en dernier ressort,
à l'Etat. Il ne peut en être autrement. Par conséquent, il faut bien clarifier
le statut des polices municipales et encadrer ce qui est d'ores et déjà très
largement un état de fait reposant sur des bases juridiques fragiles.
C'est la raison pour laquelle j'ai estimé, comme d'ailleurs presque tous mes
prédécesseurs, que ce texte était nécessaire.
Ce projet de loi s'insère dans un ensemble de textes - sur la sécurité, sur le
gardiennage - et de mesures - contrats locaux de sécurité - consécutifs au
colloque de Villepinte.
Il n'y a pas, me semble-t-il, de désaccords majeurs entre nous. On peut, bien
entendu, essayer de ressusciter la querelle - assez théologique, du reste - sur
l'armement. J'y reviendrai tout à l'heure. Ce débat devrait pouvoir être assez
facilement désarmorcé, si je puis dire. En effet, un principe est posé par le
projet de loi, celui du non-armement ; mais, aussitôt après, pour des missions
particulières, dès lors qu'elles sont précisées dans un règlement de
coordination, des dérogations sont prévues.
D'ailleurs, les faits sont là : 37 % des policiers municipaux sont armés, ce
qui signifie que 63 % ne le sont pas ! Dès lors, où faut-il mettre le principe,
où faut-il mettre les dérogations ?
L'observation de la réalité nous conduit à poser comme principe le
non-armement, tout en tolérant, naturellement, des dérogations qui
correspondent à des habitudes déjà prises.
Mais, dépassons l'habitude : c'est dans le cadre de la définition des
missions, du règlement de coordination, que, naturellement, dès lors que la
mission impliquera l'armement, cet armement pourra être plus précisément
prévu.
Je relève que, sur de nombreux points, la commission est revenue au texte
initial. Je pense, entre autres, au relevé d'identité, à la redevance versée au
CNFPT, à la coordination des moyens au niveau de plusieurs communes.
Il y a aussi quelques divergences. Outre celles qui portent sur l'armement,
j'ai entendu dire que le projet était trop centralisateur. De ce point de vue,
MM. Peyronnet et Duffour, que je remercie de leur soutien, ont clairement
montré qu'il n'était pas possible de revendiquer à la fois la place de l'Etat
comme garant en dernier ressort de la sécurité et de retirer toute compétence
aux préfets, non pas, bien évidemment, pour gérer les corps de police
municipale - il ne s'agit pas de cela - mais pour définir avec le maire, au
départ, le cadre de leurs activités et les modalités de rapprochement avec la
police nationale.
Faut-il renoncer à l'agrément du préfet ? On a dit que l'extension des
compétences des agents de police municipale concernait surtout la police
judiciaire. Je ne le crois pas, car, ce qui est en cause, ici, c'est la mission
de prévention des polices municipales, c'est leur rôle en matière de sécurité
de proximité, la contribution qu'elles peuvent apporter à l'îlotage. Comme l'a
d'ailleurs très bien dit M. Eckenspieller, mon voisin de Mulhouse, la police
municipale est là pour surveiller, pour être présente sur le terrain, pour
rassurer.
Faut-il un règlement de coordination ou une convention ? Cette discussion
aurait certainement passionné Byzance en 1453 ; c'étaient d'ailleurs des gens
remarquables, qui oubliaient peut-être ce qui se passait autour d'eux, mais
dont les discussions ne devaient pas manquer d'intérêt !
Très franchement, le Gouvernement et l'Assemblée nationale ont préféré le
règlement. Pourquoi ? D'abord, le règlement a pour lui la durée. Il est établi
pour une situation donnée et non pas en fonction de telle ou telle
personnalité. Le règlement type n'a pas vocation à intervenir dans le détail
des situations qui relèvent d'une appréciation locale, j'ai eu l'occasion de le
dire ; il doit définir des rubriques. La commission des lois a, je crois,
repris cette idée.
J'en profite pour dire que les décrets resteront, naturellement, dans l'esprit
de la loi : encadrer et non pas régir.
S'agissant de l'armement, on me permettra une simple réflexion : on ne peut
confier des armes à la légère. Pourquoi faudrait-il être moins circonspect pour
les policiers municipaux que pour les autres détenteurs d'armes ? Le projet se
borne à évoquer un règlement de coordination ; c'est bien le moins pour éviter
le risque de face-à-face inattendus !
Il y a tellement d'armes qui traînent qu'il faut tout de même bien un
règlement qui prévoit les conditions dans lesquelles on les met en sécurité
!
Franchement, M. Demuynck m'a paru beaucoup plus idéologue que moi ! Pour ma
part, j'estime que ce problème peut être traité de manière très
dépassionnée.
MM. Othily et Hyest se sont préoccupés de l'application de la loi aux
départements d'outre-mer, notamment à la Guyane, et aux territoires
d'outre-mer, notamment aux communes polynésiennes. Cet aspect du problème n'a
pas échappé au Gouvernement. D'ailleurs, la création de nouvelles communes a
été présentée récemment au conseil des ministres par M. Queyranne. Le
Gouvernement n'a donc pas oublié les départements et les territoires
d'outre-mer. Compte tenu du statut spécifique de ces derniers, des dispositions
très similaires à celles qui figurent dans ce projet de loi seront incluses
dans le texte en cours d'élaboration au secrétariat d'Etat à l'outre-mer.
Certes, je suis conscient du nombre important de décrets d'application. Mais
cela n'est pas mon fait. C'est l'application de la Constitution, qui prévoit,
en ses articles 34 et 37, l'exercice d'un large pouvoir réglementaire.
Je ne souhaite pas que l'on oppose les polices municipales à la police
nationale. Bien entendu, certains d'entre vous ont évoqué des oppositions
rémanentes. En fait, il faut prendre du champ et voir en quoi la police
nationale et les polices municipales peuvent être complémentaires sur le
terrain.
A mes yeux, ce projet est excellent, car il permettra de clarifier les
choses.
Certes, des dérapages se produisent parfois çà et là. Mais quelle est
l'institution qui fonctionne sans dérapages ? Il nous appartient, précisément,
de répartir clairement les rôles, les responsabilités, afin d'éviter toutes les
déviations.
A cet égard, je tiens d'ailleurs à dire à M. Duffour que ses craintes quant au
développement des polices municipales me paraissent injustifiées, dès lors que,
précisément, les rôles auront été bien définis.
Quant à M. Eckenspieller, il craint les transferts de charges ! Comme quoi il
peut arriver que les préoccupations de MM. Eckenspieller et Duffour se
rejoignent !
Pour le reste, je suis assez d'accord avec certaines propositions qui ont été
évoquées, et qui reviennent parfois sur des dispositions adoptées par
l'Assemblée nationale en première lecture : le seuil à cinq agents.
En revanche, je ne crois pas, monsieur le rapporteur, qu'il soit nécessaire de
mentionner le cadre A. Rien n'empêche de rattacher une police municipale à un
secrétaire général ou à un cadre de la ville qui appartient à la catégorie
A.
Comme l'a dit M. Peyronnet, ce projet est équilibré. C'est un projet de bon
sens. La tonalité générale des interventions l'a d'ailleurs montré. M.
Balarello lui-même a déclaré souscrire à ses objectifs. Peut-être aurons-nous
quelques divergences sur les points d'application.
M. Hoeffel a bien voulu considérer qu'il s'agissait d'un texte utile, tout en
faisant valoir qu'il ne répondait pas à tous les problèmes de sécurité. Certes
non, monsieur le sénateur, on ne saurait y répondre à travers ce seul
projet.
Toutefois, après une dizaine d'années au cours desquelles nous avons eu à
connaître de propositions plus ou moins avortées, ce texte va poser, enfin, des
bases claires, stables, qui conforteront, d'une certaine manière, les polices
municipales et préciseront leur rôle. Nous aurons ainsi fait oeuvre utile,
au-delà des oppositions qui, par ailleurs, peuvent être légitimes.
Je suis d'accord avec M. Richert pour que, dans deux ou trois ans, un bilan
soit fait de l'application et des conditions d'application de ce texte.
La commission consultative des polices municipales associera des maires -
probablement comprendra-t-elle des sénateurs - ou des représentants des maires,
des adjoints, par exemple.
(Sourires.)
M. Serge Vinçon.
Le premier adjoint au maire !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
On verra ! Je ne veux pas m'avancer sur un
terrain trop glissant...
Mais nous aurons l'occasion de reparler de tout cela demain lors de la
discussion des articles.
J'ai écouté avec attention tous les intervenants et je tiens à les remercier
tous pour leur ton posé et le sérieux de leurs interventions. Ils ont fourni
l'exemple d'un débat dépassionné, au bon sens du terme, mais au service de
l'intérêt public.
MM. Serge Vinçon et Christian Demuynck.
C'est le Sénat !
M. le président.
Monsieur le ministre, les sénateurs sont sensibles à vos remerciements et vous
sont gré d'avoir répondu, fût-ce brièvement, à leurs interventions.
La suite de la discussion du projet de loi est renvoyée à la prochaine séance.
6
ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
M. le président.
J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de procéder à
la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein d'un organisme
extraparlementaire.
En conséquence, j'invite la commission des finances et la commission des lois
à présenter chacune deux candidats appelés à siéger, l'un en qualité de
titulaire, l'autre en qualité de suppléant, au sein du comité des finances
locales.
Les nominations des sénateurs appelés à siéger au sein de cet organisme
extraparlementaire auront lieu ultérieurement dans les conditions prévues par
l'article 9 du règlement.
7
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale, relatif à la limitation du cumul des mandats électoraux
et des fonctions et à leurs conditions d'exercice.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 464, distribué et renvoyé à la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
8
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. Bernard Joly une proposition de loi visant à généraliser
l'interdiction des candidatures multiples aux élections.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 465, distribuée et renvoyée à
la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par la règlement.
9
TRANSMISSION DE PROPOSITIONS DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi,
adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'acquisition et à la détention
des armes à feu.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 468, distribuée et renvoyée à
la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi,
adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la reconnaissance du génocide
arménien de 1915.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 469, distribuée et renvoyée à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.10
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président.
J'ai reçu de M. Nicolas About, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au
nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi instituant une commission
consultative du secret de la défense nationale.
Le rapport sera imprimé sous le n° 467 et distribué.
11
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président.
J'ai reçu de MM. Marcel Deneux et Jean-Paul Emorine un rapport d'information
fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan par la mission
d'information chargée, en application de l'article 21 du règlement, d'étudier
l'avenir de la réforme de la politique agricole commune.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 466 et distribué.
12
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mercredi 3 juin 1998, à quinze heures et le soir.
Suite de la discussion du projet de loi (n° 414, 1997-1998), adopté par
l'Assemblée nationale, relatif aux polices municipales.
Rapport (n° 455, 1997-1998) de M. Jean-Paul Delevoye, fait au nom de la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale.
Aucun amendement n'est plus recevable.
Délai limite pour les inscriptions de parole
dans la discussion générale
et pour le dépôt des amendements
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à l'élimination
des mines antipersonnel (n° 410, 1997-1998).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 3 juin 1998, à dix-sept
heures.
Projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à l'application de
la convention du 13 janvier 1993 sur l'interdiction de la mise au point, de la
fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur
destruction (n° 405, 1997-1998).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 3 juin 1998, à dix-sept
heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions (n° 445, 1997-1998).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
lundi 8 juin 1998, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 9 juin 1998, à douze
heures.
La séance est levée.
Personne ne demande la parole ?...
(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Nuisances sonores causées
par le TGV Paris-Lyon
298.
- 2 juin 1998. -
M. Jean Pépin
appelle l'attention de
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement
sur les importantes nuisances sonores que subissent les habitants de la commune
de Grièges, riverains de la ligne SNCF Paris-Lyon sur laquelle circulent les
trains à grande vitesse. La mise en place d'aménagement de type écrans
antibruit permettrait d'atténuer de manière considérable ces incommodités. En
conséquence, il lui demande s'il entend proposer une adaptation en ce sens de
la ligne à grande vitesse Paris-Lyon, sur le territoire de la commune de
Grièges.