Séance du 19 mai 1998
POUR LES FORCES FRANÇAISES EN ALLEMAGNE
M. le président.
La parole est à M. Richert, auteur de la question n° 217, adressée à M. le
ministre de la défense.
M. Philippe Richert.
Monsieur le président, mes chers collègues, je voudrais attirer l'attention de
M. le ministre de la défense sur la situation des personnels civils ayant
travaillé pour les forces françaises en Allemagne, et plus particulièrement
celle des agents de droit privé qui sont touchés par les mesures de
restructuration des armées.
Contrairement à ce qui a eu lieu pour leurs collègues engagés sous contrat de
droit public, l'intégration de ces agents dans la fonction publique
territoriale n'a pas été retenue. Des mesures d'accompagnement social ont en
revanche été prises, telles que la mise en place d'une commission
franco-allemande itinérante, chargée d'aider et de conseiller ces personnes
dans leur recherche d'un nouvel emploi.
Il semblerait cependant, selon les personnes concernées, que ces mesures
n'aient pour l'instant que très peu d'effets et que de nombreux agents n'aient
pas encore trouvé de solution de reclassement.
Parallèlement, dans le cadre de la professionnalisation des armées, l'embauche
de plusieurs centaines de personnels civils est envisagée dans un proche
avenir.
Ne serait-il pas concevable dans ce cas de proposer certains de ces futurs
postes à des anciens agents civils de nos forces armées, compte tenu des années
qu'ils ont passées au service de la défense nationale ?
Par ailleurs, je souhaiterais être informé, dans la mesure du possible, de
l'état actuel des travaux de la commission franco-allemande chargée du suivi de
ces personnes, ainsi que du bilan provisoire de son action, et notamment du
nombre de personnes qui ont, aujourd'hui, retrouvé un emploi stable par ce
biais.
Je vous remercie par avance, monsieur le ministre, des réponses que vous
apporterez à mes interrogations.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Monsieur le sénateur, la réforme des forces
armées, que vous connaissez bien, inclut en effet une profonde transformation
de l'organisation des forces françaises stationnées en Allemagne. Ces
restructurations, notamment la réduction importante des effectifs, ont des
incidences sur les diverses catégories d'agents civils employés par les forces
et l'ensemble des organismes militaires ou civils de soutien de la communauté
française en Allemagne. Ces personnels étaient au nombre de 3 601 avant le
début des opérations de retrait, en 1997.
Au cours de l'année 1997, 446 personnes ont vu leur emploi supprimé, dont 103
fonctionnaires et agents publics relevant du ministère de la défense, 211
agents de droit privé allemand et 132 agents de droit privé français.
Des reclassements ont été effectués au sein même des forces françaises
stationnées en Allemagne - dont une partie doit encore séjourner au moins un an
et demi dans ce pays - et le nombre de licenciements effectifs s'est donc
trouvé ramené à 213, dont 147 Français.
Parmi ces derniers, seuls 86 résidaient ou sont revenus sur le territoire
national.
Sur ces 86 personnes, 68 sont des frontaliers, 55 ont retrouvé un emploi, 13
sont encore inscrits à l'Agence nationale pour l'emploi.
J'indique que ces opérations se sont déroulées pendant toute l'année 1997,
souvent au cours de l'été, et les personnes concernées ont donc perdu leur
emploi depuis moins d'un an.
Désormais, ce sont 3 134 agents civils qui restent concernés par des mesures
de reconversion qui, pour l'essentiel, prendront effet en 1999 : 702
fonctionnaires seront reclassés en France et 2 432 agents de droit privé, dont
1 848 personnels civils de droit allemand. Parmi les agents de droit privé,
signalons que, à ceux, nombreux, qui ne sont pas de nationalité française
s'ajoutent des Français conjoints d'Allemands et souhaitant rester
outre-Rhin.
Le Gouvernement a souhaité qu'un dispositif d'accompagnement crédible soit mis
en place pour chaque catégorie de personnels concernée, y compris et même
d'abord pour les agents de droit privé qui ne peuvent pas bénéficier d'un
reclassement dans les cadres de la fonction publique.
Bien entendu, ce reclassement est possible pour toutes les personnes qui se
soumettent à la procédure normale d'entrée dans la fonction publique,
c'est-à-dire le concours, qui, lui-même, est l'application du principe
d'égalité entre les citoyens, s'imposant à nous.
Ces dispositifs d'accompagnement social ont été négociés selon les règles
applicables avec les représentants élus de ces personnels. Outre le versement
de diverses indemnités, nettement améliorées par rapport aux règles
contractuelles, ils comportent surtout un volet significatif de formation,
d'aide à la recherche d'emploi et d'adaptation au nouvel emploi.
S'agissant de la catégorie la plus nombreuse, celle des salariés de droit
privé allemand, leur statut relève du droit du travail et de la juridiction
allemandes.
Un réexamen des plans sociaux bénéficiant aux seuls agents de nationalité
française serait une remise en cause des règles définies jusqu'à présent avec
le ministre fédéral allemand, les représentants des forces alliées et les
représentants du personnel.
Un accord a été signé par les représentants du personnel le 10 octobre 1996.
Il comporte un ensemble de mesures qui témoignent du souci du Gouvernement de
prendre en compte, avec l'aide des autorités allemandes, la situation du
personnel civil ayant oeuvré au sein des forces françaises en Allemagne.
Le ministère fédéral des finances a décidé d'accorder au personnel frontalier
français de droit privé allemand le bénéfice de la convention sur la sécurité
matérielle propre au droit du travail allemand.
En vertu de ce dispositif, les salariés de plus de quarante ans ayant une
ancienneté supérieure à dix ans et dont l'emploi a été supprimé perçoivent une
indemnité différentielle leur assurant le maintien du niveau de rémunération
antérieur, lorsque leur nouveau salaire est inférieur ou lorsqu'ils se trouvent
au chômage. La durée du versement complémentaire varie de deux ans minimum à
cinq ans maximum ; elle est illimitée pour les salariés âgés de cinquante ans
ayant vingt-cinq ans d'ancienneté ou âgés de cinquante-cinq ans et ayant vingt
ans d'ancienneté.
Parmi les treize ex-personnels civils des FFSA encore inscrits à l'ANPE en
Alsace, douze bénéficient de ce dispositif.
Simultanément, ces personnes pourront recevoir des prestations de chômage en
France. Une commission mixte franco-allemande travaille à leur reclassement
avec une cellule placée auprès du général commandant les forces françaises
stationnées en Allemagne et en liaison avec l'ANPE, dont les effectifs ont été
renforcés par des agents du ministère de la défense mis à sa disposition.
L'ensemble de ces éléments montre la grande attention que le Gouvernement
porte à la situation des intéressés avec le concours efficace des autorités
allemandes.
Bien entendu, je reste à votre disposition, monsieur le sénateur, puisque vous
êtes élu d'un de ces départements frontaliers du nord ou de l'est de la France
où les représentants de ces personnels sont très actifs pour envisager les
mesures complémentaires qui pourraient encore être ajoutées à ce dispositif.
M. Philippe Richert.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
Je tiens à remercier M. le ministre des précisions qu'il m'a apportées et lui
donner acte des efforts que lui-même et ses services déploient pour répondre le
plus efficacement possible aux situations que j'ai évoquées et qui, pour
certaines, sont préoccupantes.
Je me permettrai cependant de formuler trois remarques.
En ce qui concerne les reclassements, il arrive très fréquemment que les
contrats qu'obtiennent ces personnels soient, comme il se doit aujourd'hui, des
contrats à durée déterminée. C'est ainsi qu'une grande partie d'entre eux n'ont
trouvé un emploi que jusqu'en 1999 ; après, point d'interrogation !
C'est un grand sujet de préoccupation pour des personnes dont la situation a
été « assurée » pendant de longues années et qui, aujourd'hui, se retrouvent,
avec leur famille, dans une situation totalement précaire.
A l'écoute des chiffres que vous avez cités, on pourrait imaginer que tout est
résolu. Or, si la situation est effectivement réglée pour un certain nombre
d'entre eux de façon ponctuelle, le problème se posera à la fin de 1999 de
façon accrue.
Ma deuxième remarque concerne la difficulté, pour ces personnes, de trouver un
emploi. En effet, très souvent, elles ont travaillé dans l'armée sur du
matériel très spécifique et parfois même, reconnaissons-le, un peu obsolète,
d'où la difficulté pour elles de se réadapter à du matériel actuel et à des
fonctions nouvelles. Je crois qu'il faut être très attentif à ces cas
particuliers.
Ma dernière remarque porte sur les concours.
Il est vrai qu'il reste à ces personnes la possibilité de se présenter aux
concours de la fonction publique, mais il ne faut pas oublier qu'elles
commenceront alors au bas de l'échelle. Or, pour une personne qui travaille
depuis vingt ans, parfois plus, recommencer une carrière au niveau zéro
constitue une épreuve difficile à surmonter. En effet, avec une famille, des
enfants à nourrir, il est très difficile de recommencer au bas de l'échelle
comme un jeune de dix-huit ans.
Je souhaitais, monsieur le ministre, évoquer ces trois cas pour montrer que,
malgré vos efforts, qui sont réels et que je ne mésestime pas du tout, ce
dossier doit recueillir toute notre vigilance.
POLITIQUE DE L'EMPLOI EN FAVEUR DES HANDICAPÉS