M. le président. Par amendement n° 2, M. Souvet, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Au plus tard trois mois après la promulgation de la présente loi, le gouvernement présentera au parlement un rapport établissant les conséquences de la réduction du temps de travail sur la rémunération mensuelle minimale des salariés. Ce rapport envisagera les conséquences d'un abaissement de la durée hebdomadaire légale du travail sur la rémunération des salariés payés au SMIC, les grilles salariales et la rémunération des heures supplémentaires. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. L'abaissement de la durée légale hebdomadaire du travail pose un problème particulier relativement au SMIC, dans la mesure où le Gouvernement a annoncé la création d'une rémunération mensuelle minimale sur la base de 39 heures pour les salariés dont la durée de travail serait réduite à 35 heures.
Pour apprécier l'ensemble des conséquences d'une réduction autoritaire de la durée du travail sur le SMIC, la commission des affaires sociales demande au Sénat d'adopter cet amendement, qui prévoit que le Gouvernement présentera au Parlement, dans les plus brefs délais, un rapport relatif aux conséquences de la réduction du temps de travail sur le SMIC.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, que, d'ailleurs, je ne comprends pas très bien. La rémunération mensuelle minimale garantie sera en effet fixée après consultation des organisations patronales et syndicales - consultation qui a déjà commencé - et après avis de la commission nationale de la négociation collective.
Il n'y aura donc pas de conséquences de la réduction du temps de travail sur la rémunération mensuelle, mais fixation d'une rémunération minimale garantie, dont le montant sera rendu public dès que le Gouvernement aura pris la décision, après consultation de la commission nationale.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. La rédaction de l'amendement n° 2 n'est pas sans rappeler les travaux de la commission d'enquête relative aux conséquences des 35 heures.
Comment peut-on prétendre réaliser un rapport dans un délai de trois mois, c'est-à-dire en réalité sur le champ, sur les conséquences de la réduction du temps de travail sur la rémunération des salariés ? A l'évidence, ce dont il s'agit ici relève plus de l'étude préalable que du rapport sur des événements passés.
Je n'ose envisager que cet amendement puisse être dicté par le souhait d'effrayer les salariés sur les conséquences éventuelles de l'aménagement et de la réduction du temps de travail sur leur rémunération. Je n'ose envisager non plus qu'il réponde à quelque demande patronale et que l'on compte sur des conclusions aux termes desquelles l'application des 35 heures devrait s'accompagner d'une baisse du SMIC de 11,4 % et - pourquoi pas ? - proportionnellement, des autres rémunérations.
A cet égard, il me semble essentiel de rappeler que, hormis le niveau du SMIC horaire et de la rémunération mensuelle minimale, les rémunérations du secteur privé relèvent directement de la négociation entre les partenaires sociaux ainsi qu'entre les employeurs et leurs salariés.
Cette négociation devra se poursuivre durant les deux prochaines années pour tous ceux qui décideront de devancer la date du changement légal de la durée du travail. Il ne sera donc possible d'établir un bilan que lorsque l'on disposera de données en nombre suffisant. Encore un tel bilan devrait-il envisager toutes les données et pas seulement l'aspect salarial : l'amélioration des conditions de travail, la qualité des embauches réalisées, l'amélioration des services offerts...
Il nous paraît donc préférable de revenir au texte de l'article 9 du projet de loi, qui prévoit le dépôt devant le Parlement, dans un délai réaliste, d'un rapport portant sur les négociations qui auront alors été réalisées.
J'observe d'ailleurs que mon propos n'est pas très éloigné de ce qui figure dans l'amendement de la commission à l'article 9, même si nous ne sommes pas d'accord sur cette nouvelle rédaction.
L'amendement que nous examinons présentement est donc bien de nature strictement politicienne et n'apporte pas d'élément juridique nouveau au texte du projet de loi. Nous voterons donc contre.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Cet amendement apparaît en effet comme un raccourci des propositions de la commission parlementaire mise en place par le Sénat, à l'instigation de MM. Arthuis, Marini et Gournac.
Il s'agit d'apprécier en trois mois le résultat de la réduction du temps de travail au seul regard de la rémunération des salariés. Il est évident que ce n'est pas acceptable.
Une lecture un peu attentive des données que nous fournit l'INSEE, par exemple, nous permet de dire que ce n'est certainement pas d'un niveau trop élevé des rémunérations des salariés que souffrirait notre pays.
La part des salaires dans la richesse produite est en effet aujourd'hui à peine équivalente à ce qu'elle était en 1970, époque où notre pays ne comptait pas un nombre aussi élevé de chômeurs et de salariés précaires.
D'autres données également disponibles indiquent que la productivité apparente du travail a fortement augmenté dans notre pays, où elle dépasse de très loin celle qui est observée dans de nombreux pays dits concurrents, y compris les Etats-Unis ou l'Allemagne, ou dans les nouveaux pays industrialisés d'Asie du Sud-Est.
Comme le disait le secrétaire général de la CGT, d'une certaine façon les salariés ont déjà payé la réduction du temps de travail ; on peut juste regretter qu'elle n'ait pas été mise en oeuvre plus tôt et de façon plus massive.
S'agissant du SMIC, force est de constater qu'il nous semble important que la commission nationale de la négociation collective soit, lors de ses délibérations relatives à la fixation au 1er juillet du nouveau taux horaire, en situation de pouvoir prendre en compte la réduction du temps de travail dans le cadre de la revalorisation du SMIC.
L'économie générale du dispositif SMIC - on ne doit jamais oublier que le C signifie croissance - nous semble en effet tout à fait positive et, de notre point de vue, il serait difficile d'expliquer aux salariés que la baisse du temps de travail conduit à une réduction du niveau des rémunérations.
Le SMIC a été conçu pour permettre aux salariés les plus mal rémunérés de toucher une partie des fruits de la croissance, elle-même conditionnée par leur travail ; il nous semble indispensable de maintenir cette orientation, qui permet, bien entendu, en même temps, de relancer la consommation, ce dont notre pays a grand besoin.
Dans ces conditions, nous ne voterons évidemment pas cet amendement de la commission, dont on sent, à la simple lecture, qu'il procède d'une volonté de compenser la réduction du coût du travail, dont on connaît l'inefficacité en matière de création d'emplois.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Je crois que nos collègues de gauche n'ont pas du tout compris le sens de notre amendement, qui a pour objet de vous faciliter le travail, madame le ministre. (Mme le ministre remercie.)
Nous pensons en effet qu'aucune négociation n'aura lieu dans le secteur des petites entreprises ou des associations, secteur qui compte des centaines de milliers de salariés, si on ne sait pas par avance ce qui va advenir du SMIC.
Il existe, en effet, trois possibilités.
Ou bien est appliquée l'augmentation de 11,4 % réclamée par la CGT, ou bien on en reste à 39 heures et, dans ce cas, comme le déclarait M. Strauss-Kahn, les entreprises devront payer une majoration de 25 % sur les quatre heures comprises entre 35 et 39 heures et de ce fait rémunéreront leurs salariés sur la base de 40 heures, ou bien - c'est la solution que vous avez vous-même avancée, madame le ministre - cohabiteront deux systèmes : un système horaire et un système de garantie mensuelle.
Aucune négociation sérieuse de branche n'aura lieu au niveau des petites et moyennes entreprises si les intéressés ne savent pas ce qui va se passer pour le SMIC.
Ce que nous demandons est très simple : nous souhaitons que, trois mois après la publication de la présente loi, le Gouvernement nous informe, après consultation de la commission supérieure des conventions collectives bien évidemment, des décisions qui seront prises à l'égard du SMIC. A défaut d'une telle information, la négociation sera bloquée et nous nous dirigerons vers le scénario pessimiste des experts du ministère de l'économie.
Cet amendement n° 2 est donc important à nos yeux. C'est la raison pour laquelle je demande à nos collègues de bien vouloir le voter. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.
Article 2