M. le président. « Art. 7. - Il est ajouté au titre premier du code de la route (partie législative) un article L. 3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3-1. - Les officiers ou agents de police judiciaire font procéder sur tout conducteur d'un véhicule impliqué dans un accident mortel de la circulation, à des épreuves de dépistage et, lorsqu'elles se révèlent positives ou sont impossibles, ou lorsque le conducteur refuse de les subir, à des analyses et examens médicaux, cliniques et biologiques, en vue d'établir s'il conduisait sous l'influence de substances ou plantes classées comme stupéfiants.
« Les résultats de ces analyses sont transmis au procureur de la République du lieu de l'accident.
« Toute personne qui aura refusé de se soumettre aux vérifications prévues par le présent article sera punie des peines prévues au premier alinéa du paragraphe I de l'article L. 1er.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article. »
Sur l'article, la parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si j'ai souhaité intervenir à ce moment de notre discussion, c'est parce qu'il m'a semblé nécessaire de formuler une mise en garde à propos de notre perception de l'absorption de produits stupéfiants.
Le Sénat, à travers sa commission des lois, souhaite qu'à l'instar de ce qui se passe pour l'alcool la conduite sous l'empire de produits stupéfiants devienne, enfin, un délit. La mesure est essentielle et j'y souscris pleinement.
Si des difficultés apparaissent en cette matière, elles sont essentiellement d'ordre scientifique et technique. Alors que l'alcool est une substance unique, aisément détectable, les produits stupéfiants sont bien plus nombreux, ce qui rend leur dépistage plus délicat.
La commission relève que, compte tenu du faible état d'avancement des connaissances sur ce sujet, le Gouvernement n'a pas souhaité punir le délit qu'elle propose de créer. Il s'agit d'une première divergence d'opinion.
En revanche, la commission a reconnu que de nombreuses incertitudes subsistant, il n'était pas envisageable, à l'heure actuelle, de prévoir des dépistages systématiques de stupéfiants.
J'accepte de partager cette opinion, à la seule et unique condition que le Gouvernement nous assure que, dès l'apparition des progrès techniques permettant d'atteindre une certaine fiabilité, un nouveau texte sera voté, afin de permettre ces dépistages.
Je voudrais d'ores et déjà formuler, de manière assez ferme, une mise en garde à ce sujet. J'entends çà et là - la commission s'en est d'ailleurs fait l'écho dans son rapport - qu'il conviendrait sans doute, comme en matière d'alcool, de définir des seuils à partir desquels la conduite, sous l'empire de ces substances, serait considérée comme répréhensible.
Je rejette formellement cette approche. Les conséquences d'un tel raisonnement me semblent en effet désastreuses.
Si le code de la route est un jour modifié en ce sens, alors, nous assisterons, malgré nous et sans qu'un débat sur ce thème ait pris place, à la légalisation pure et simple de la consommation de stupéfiants.
De surcroît, de telles mesures auront pour effet immédiat d'anéantir tous les efforts entrepris en matière de prévention contre la drogue. Comment expliquerons-nous aux jeunes qui pourraient être tentés par l'expérience de la drogue qu'il s'agit d'un poison si, par ailleurs, le code de la route définit un seuil en deçà duquel ce poison n'est pas dangereux ?
L'article L. 628 du code de la santé publique dispose que « seront punis d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 25 000 francs (...) ceux qui auront, de manière illicite, fait usage de stupéfiants ». Comment osera-t-on, sans contrevenir à cet article, déterminer des seuils en deçà desquels la consommation de stupéfiants ne serait pas répréhensible ?
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il serait irresponsable de tenir deux discours différents dans ce domaine. Le premier, salutaire, qui vise à interdire toute consommation de drogue et le second, criminel, qui tolérerait la consommation limitée de ces produits.
Nous n'en sommes heureusement pas encore à ce stade. Aussi, pour ne jamais y parvenir, nous devons d'ores et déjà affirmer solennellement que, dès que la fiabilité des dépistages sera établie, le principe de condamnation des conducteurs ayant fait usage de stupéfiants sera adopté.
Ces condamnations devront alors intervenir sans conditions, quelle que soit la quantité de produits stupéfiants présente dans l'organisme du conducteur.
M. le président. La parole est à M. Lesein.
M. François Lesein. Dans son discours liminaire, M. le ministre a indiqué que le présent projet de loi se limite à prévoir, en cas d'accident mortel, un dépistage assorti d'analyses ou d'examens médicaux, cliniques et biologiques.
Je suis étonné que le contrôle ne soit pas prévu en dehors des accidents. Lorsqu'un procureur de la République demande à la gendarmerie de procéder à des contrôles d'alcoolémie de telle à telle heure, à tel ou tel endroit, ces contrôles ont lieu. A l'heure actuelle, on peut dépister, avec une simple analyse d'urine, la prise de stupéfiants ; ce n'est pas onéreux. On pratique de telles analyses chez les sportifs pour lutter contre le dopage. Il suffirait, dans l'optique de contrôles systématiques, de procéder à un examen qualitatif, l'aspect quantitatif n'étant pas opportun pour l'instant. En tout cas, je suis étonné que l'on ne se soit pas rapproché des médecins qui interviennent dans le milieu sportif pour savoir comment cela se passe.
Je voudrais aussi évoquer l'usage des neuroleptiques et même des psychotropes qui, combinés à l'alcool, peuvent plonger les conducteurs dans des états d'excitation qui les amènent à faire n'importe quoi et à provoquer des accidents. L'absence de détection de ces deux substances représente à mes yeux une lacune. Certes, ainsi qu'on nous l'a laissé entendre, le problème des médicaments est bien sûr plus difficile à régler. Quoi qu'il en soit, je souhaite ardemment que l'on se penche rapidement sur cette question, car j'ai le souvenir - beaucoup de médecins pourront vous dire la même chose - d'accidents apparemment inexplicables dont, après enquête, on s'est rendu compte qu'ils étaient dus à l'absorption de médicaments liée à la consommation d'un ou deux apéritifs.
Je souhaite donc vivement que vos services, monsieur le ministre, se rapprochent de ceux de Mme le ministre de la jeunesse et des sports. Ils vous expliqueront qu'il est assez facile de procéder à des examens en vue de la détection de stupéfiants. Pourquoi le procureur ne les demanderait-il pas systématiquement puisqu'ils sont, je vous l'assure, très simples à réaliser ? Vous affirmez qu'ils ne sont pas encore au point, mais je suis au regret de vous contredire. Je voulais vous sensibiliser à ce problème qui me paraît très grave. Ce que vous nous proposez, monsieur le ministre, constitue un bon début mais reste, à mon avis, insuffisant.
M. le président. La parole est à M. Fischer. M. Guy Fischer. Nous comprenons le souci du Gouvernement, exprimé dans cet article, de donner aux scientifiques les moyens juridiques d'évaluer le rôle de la drogue dans l'insécurité routière.
Des interrogations demeurent néanmoins quant à la liberté d'appréciation laissée au juge dans la définition de la sanction à l'encontre du conducteur concerné.
Les résultats obtenus seront-ils suffisamment précis pour établir le lien de causalité entre l'usage de drogues illicites et une modification de comportement du conducteur ayant entraîné l'accident mortel ?
Ce lien peut-il être déterminé dès lors que nous ne pouvons pas, en l'état actuel de nos connaissances, connaître les délais écoulés entre l'usage d'une drogue et le moment du dépistage ?
Enfin et surtout, l'obligation de soumettre aux diverses épreuves tout conducteur impliqué dans un accident mortel doit être entourée de précautions.
Nous en appelons, à cet égard, à la vigilance du Gouvernement, mais, je suis sûr, monsieur le ministre, que vous partagez nos préoccupations.
Nous souhaitons, en conclusion, que les débats parlementaires, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, permettent de placer des garde-fous juridiques et ainsi d'effacer les incertitudes quant à l'application de l'article 7 que notre groupe a relevées.
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. A ce moment du débat, nous nous posons un certain nombre de questions.
En effet, par cet article 7, monsieur le ministre, vous proposez d'instaurer un dépistage systématique des stupéfiants pour les conducteurs impliqués dans un accident mortel de la circulation.
Il serait utile de savoir si ce dépistage est facile ou compliqué à pratiquer. Nous nous interrogeons sur ce point. Pour ma part, je ne suis pas assez compétent et j'ignore si l'état actuel de notre recherche scientifique nous permet, d'une façon aussi pratique que pour l'alcool, de dépister ceux qui présentent tel ou tel danger, compte tenu du volume et de la teneur de la substance illicite qu'ils ont ingérée.
Dès lors, on peut se poser la question : comment va-t-on faire pour dépister ? Nous savons fort bien que les analyses de sang sont fiables dans ce domaine, mais nous savons tout aussi bien que les analyses d'urine, de salive et de sueur peuvent donner des indications insuffisantes, qu'il faut compléter par une analyse de sang. Voilà ce que j'ai retenu de la lecture de différents articles de spécialistes en la matière.
Par conséquent, s'il s'agit, monsieur le ministre, d'un effet d'annonce, ce que je comprends bien étant donné qu'il est question d'accidents mortels, bien évidemment, nous vous suivrons.
En revanche, s'il s'agit d'adapter la législation sur les stupéfiants à celle qui existe actuellement en matière d'alcool au volant, à ce moment-là, nous nous trouvons confrontés à une impossibilité : autant on mesure assez facilement le degré d'alcool à ne pas dépasser pour être effectivement dans la norme d'une « conduite apaisée » comme vous l'avez dit - j'aime bien cette expression - autant la prise de stupéfiants étant, par essence, illicite, nous ne pourrons en aucun cas mesurer quoi que ce soit. Il nous faudrait d'abord élaborer une loi sur la dépénalisation de certaines drogues, avant, éventuellement, de traiter ce problème. Par conséquent, on ne peut pas calquer la législation sur les stupéfiants sur les dispositions qui existent en ce qui concerne l'alcool.
C'est la raison pour laquelle je souhaite que notre assemblée se réfère uniquement au texte du projet de loi et que, dans un premier temps, cette détection n'intervienne qu'en cas d'accident mortel.
M. le président. Par amendement n° 34, M. Bimbenet propose, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 7 pour l'article L. 3-1 à insérer dans le code de la route, de remplacer le mot : « mortel » par le mot « corporel ».
La parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet. Il s'agit là d'un point de notre débat qui ne fait pas l'unanimité si j'en crois le nombre d'amendements déposés sur ce sujet, ainsi que le compte rendu des débats de la commission.
J'ai parfaitement entendu les arguments, tant scientifiques que financiers, qui s'opposent au dépistage systématique des stupéfiants. Pour les mêmes raisons, j'admets que ce dépistage ne puisse, en l'état actuel des connaissances, être opéré pour chaque accident de la circulation.
Un autre argument semble également s'opposer à une telle mesure : il s'agit simplement du fait que les forces de police ne peuvent pas intervenir à chaque accident matériel de la circulation.
En revanche, la distinction opérée, selon laquelle seuls les accidents mortels donneraient lieu à dépistage, me paraît particulièrement inopportune, ce pour de multiples raisons.
La première concerne le fond du débat. Ce que nous recherchons, c'est la diminution du nombre de tués sur les routes. Mais il ne faut pas prendre le problème à l'envers. Diminuer le nombre de tués, c'est inévitablement réduire le nombre d'accidents.
Ce n'est donc pas aux conséquences des comportements fautifs qu'il faut s'attacher pour déterminer si ceux-ci sont ou non répréhensibles. C'est le fait même de conduire sous l'emprise de la drogue qui est condamnable, qu'un accident intervienne ou non, puisque, en tout état de cause, la prise de stupéfiants augmente le « facteur accident ». Chaque accident de la circulation est susceptible d'être mortel. Il est effectivement évident que, au moment même du choc, nul n'est en mesure d'évaluer quelles pourront en être les suites. C'est pourtant à ce moment précis qu'il faut se placer pour savoir si la drogue a pu être la cause de l'accident, quel qu'il soit, exception faite des accidents matériels, pour les raisons que je viens d'indiquer.
La deuxième raison qui s'oppose à cette distinction est de nature pratique et, hélas ! particulièrement sinistre.
Il est assez rare que les victimes d'accident de la circulation soient tuées sur le coup. Bien souvent, le décès intervient dans les heures qui suivent l'accident, soit pendant le transfert à l'hôpital, soit lors de l'éventuelle intervention chirurgicale.
Est-il raisonnable de distinguer les accidents immédiatement mortels de ceux qui ne le seraient qu'ultérieurement ?
Plus complexes encore sont les cas où le décès n'intervient qu'un ou deux mois après l'accident. Il est bien évident que, passé ce délai, il est trop tard pour procéder à un dépistage. Pourtant, le résultat est identique puisque l'accident s'est soldé par la mort de la victime.
En outre, les victimes d'accident de la circulation ne sauraient admettre, me semble-t-il, que leur vie puisse être pour toujours gâchée par un handicap, sans que l'on ait jamais cherché à savoir si le conducteur fautif était ou non sous l'emprise de la drogue.
Enfin, si l'on opère cette distinction, cela signifie qu'il faut plus de sévérité dans le cadre de la lutte contre l'alcoolisme au volant, où le dépistage est systématique en cas d'accident corporel, que dans le cadre de la lutte contre la drogue. Pour ma part, je ne saurais me résoudre à cette éventualité.
M. Gérard Braun. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier, rapporteur. Je suis obligé de dire que la commission n'est pas favorable à cet amendement.
Un très long débat s'est engagé au sein de la commission à ce sujet. Initialement, la commission avait envisagé de proposer une mesure semblable à celle qu'a présentée M. Bimbenet, c'est-à-dire de prendre en compte tout accident corporel. Elle y a renoncé pour deux raisons. Un accident corporel peut se traduire par une égratignure, mais peut aussi, neuf jours après l'accident, entraîner la mort ou une infirmité très grave.
Il a fallu alors considérer la lourdeur du dispositif de dépistage. Certains collègues, tels mon ami François Lesein, mais aussi Franck Sérusclat qui a déposé un amendement, sont orfèvres en la matière.
Tout à l'heure, M. le ministre nous a dit que, si l'absorption d'alcool était relativement aisée à détecter, celle de stupéfiants était encore aléatoire. En effet, pour y parvenir, il est procédé à un prélèvement de salive ou d'urine. Si la présence de drogue est décelée, est-elle due à la prise de stupéfiants ou bien à l'absorption par le conducteur d'une bonne dose d'Ephédrine pour se dégager le nez afin de pouvoir conduire sans être larmoyant ?
Par conséquent, la mesure proposée est plus difficile à mettre en oeuvre, me semble-t-il, qu'en matière d'alcool.
En 1996, on a dénombré 125 406 accidents corporels. Procéder à 125 000 dépistages alors que tous les moyens ne sont pas encore au point apparaît complexe et délicat. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 34 et demande à son auteur de le retirer, car elle proposera tout à l'heure un amendement qui pourrait lui donner satisfaction.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je souhaite attirer l'attention du Sénat sur le fait que nous proposons, avec ce texte, de lever un interdit.
J'ai indiqué à votre assemblée - M. le rapporteur vient de le dire - que nous ne disposions pas, aujourd'hui, de connaissances suffisamment fiables sur le lien entre la consommation de drogue et l'aptitude à la conduite.
L'objectif du Gouvernement - qui suit les recommandations du Livre blanc déposé il y a déjà trois ans et celles du Centre d'études et de recherche de médecine du trafic - est, précisément, de combler cette lacune.
L'instauration d'un dépistage à l'occasion des accidents mortels constitue un échantillon suffisant, si je puis dire, pour obtenir des résultats scientifiquement valables. Ces résultats, que nous aurons rapidement, nous permettront de prendre alors des mesures plus appropriées.
Je ne crois pas que, au moment où nous faisons le premier pas, il faille procéder à marche forcée. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Monsieur Bimbenet, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jacques Bimbenet. J'ai bien entendu l'appel de M. le rapporteur et celui de M. le ministre. Dois-je en déduire, monsieur le ministre, que dès que les moyens techniques seront à la portée de tout le monde, le renforcement du contrôle des produits stupéfiants sera réellement poursuivi et intensifié ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Pour l'instant, il nous faut établir, de manière sérieuse et responsable, les liens qui peuvent exister entre la consommation de drogue et l'aptitude à la conduite. Les chiffres dont nous disposons sont différents d'un pays à l'autre. Le Gouvernement suit, je le répète, les recommandations du Livre blanc et celui des experts du Centre d'études et de recherches de médecine du trafic qui viennent de se prononcer sur la manière d'agir en la matière.
En cas d'accident mortel, des prélèvements seront effectués. Nous pourrons ainsi mieux appréhender non seulement les effets des drogues illicites, mais également ceux des médicaments pris, le lien éventuel entre l'absorption de telles substances et la faute, le cas échéant, du conducteur qui est impliqué dans un accident mortel.
Le projet de loi tend, je le répète, à lever l'interdit qui existe à l'heure actuelle. Il faut le faire sans précipitation et avec sagesse, étant entendu, comme l'a dit M. le rapporteur, que, pour l'instant, nous ne disposons ni de certitudes scientifiques ni de moyens nous permettant de prendre en compte les conducteurs autres que ceux qui sont impliqués dans des accidents mortels.
D'ailleurs, avec M. le secrétaire d'Etat à la santé, nous avons demandé à l'Agence du médicament de s'assurer de la fiabilité des tests et des laboratoires. Il me paraît important de le souligner puisqu'il s'agit de l'un des points que vous avez évoqués, monsieur Mahéas.
M. le président. Monsieur Bimbenet, après avoir entendu M. le ministre, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jacques Bimbenet. Etant donné que le projet de loi prévoit que les épreuves de dépistage auront lieu en cas d'accidents mortels, je souhaite que les premières condamnations qui feront état d'absorption de stupéfiants aient valeur d'exemples.
Cela dit, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 34 est retiré.
Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 41, Mme Dusseau propose, à la fin du premier alinéa du texte présenté par l'article 7 pour l'article L. 3-1 du code de la route, de remplacer les mots : « classées comme stupéfiants » par les mots : « illicites ou détournées de leur usage capables de modifier l'aptitude à la conduite ».
Part amendement n° 30, M. Sérusclat propose de compléter in fine le premier alinéa du texte présenté par l'article 7 pour l'article L. 3-1 du code de la route par les mots : « , ou de médicaments classés comme psychotropes et dont la notice d'utilisation avertit d'une influence sur la conduite automobile. »
La parole est à Mme Dusseau, pour défendre l'amendement n° 41.
Mme Joëlle Dusseau. Nous nous situons dans une partie du débat qui est, me semble-t-il, fortement symbolique et qui, par son rôle d'effet d'annonce, tend à attirer l'attention sur des phénomènes susceptibles de modifier les comportements.
A ce titre, je serais profondément gênée si le texte conduisais à ne réprimer que l'usage des produits illicites, en sous-entendant que ces derniers sont forcément dangereux et que - ce qui est plus grave - les produits licites ne sont donc pas dangereux.
Or nous savons qu'il existe actuellement - tel était l'objet d'un amendement que j'ai présenté tout à l'heure - soit des produits médicamenteux, qui sont visés par l'amendement n° 30 de M. Sérusclat, soit des produits licites détournés de leur usage et capables de modifier l'aptitude à la conduite. Il n'y aura jamais de loi pour interdire les colles, les essences ou les médicaments. Nous savons pourtant que l'usage détourné ou non maîtrisé de ces produits peut entraîner des comportements dangereux.
Suivant l'une des recommandations inscrites dans le Livre blanc « Sécurité routière, drogues licites ou illicites et médicaments », mon amendement tend donc à étendre la notion de stupéfiants aux produits illicites ou détournés de leur usage capables de modifier l'aptitude à la conduite.
M. le président. La parole est à M. Sérusclat, pour défendre l'amendement n° 30.
M. Franck Sérusclat. Cette discussion me paraît, à certains égards, ubuesque. En effet, un projet de loi concernant le dopage des sportifs nous sera soumis prochainement et nous devrons alors caractériser ces produits que certains disent non caractérisables aujourd'hui.
Hier, j'ai interrogé le directeur du laboratoire de police de Lyon, où j'ai occupé la fonction de directeur adjoint pendant une trentaine d'années. J'ai eu la responsabilité de mettre en route les dosages d'alcool dans le sang à une époque où certains continuaient à prétendre qu'on ne savait pas faire et qu'il serait impossible d'arriver à de bons résultats. Ce discours était généralement tenu par ceux qui souhaitaient vendre de l'alcool.
Ces dosages d'alcool dans le sang sont désormais devenus la routine. Grâce aux alcootests, on sait maintenant obtenir un taux d'alcool dans le sang quasi-correct à partir de l'analyse de l'air expiré, taux qui est bien sûr, si nécessaire, contrôlé ultérieurement par un examen sanguin.
Nous en sommes pratiquement au même point aujourd'hui. En effet, dans les laboratoires de police, le dépistage de stupéfiants fait partie de la routine, par chromatographie en phase gazeuse. En l'occurrence, le terrain est sûr. Vous l'avez sans doute considéré comme tel, monsieur le ministre, puisque vous avez prévu ce dispositif dans votre article. Toutefois, vous n'avez pas ajouté les psychotropes. Or, aujourd'hui, ils sont eux aussi décelables, soit par chromatographie en phase gazeuse, soit par spectrographie de masse, soit par les méthodes immuno-enzymatiques.
Si l'on pouvait dire qu'il n'y a pas trace de ces substances, ce serait déjà important. Le fait de dire qu'il en existe, c'est aussi significatif.
Je suis d'accord avec vous sur la difficulté de doser. Aujourd'hui, c'est faisable. Des professeurs de la faculté de Bordeaux avec lesquels j'ai pris contact ce matin m'ont confirmé que cela peut être fait, même si c'est plus long et plus difficile. Je regrette d'être en contradiction avec M. Mahéas, qui a, lui aussi, émis des doutes sur ce sujet.
Par ailleurs, je ne veux pas donner l'impression que, par mes relations scientifiques anciennes et en raison de ma formation professionnelle, j'en sais un peu plus que d'autres. En effet, j'ai moi aussi des hésitations. Cependant, on n'a pas le droit aujourd'hui d'affirmer que l'on ne sait pas caractériser ces substances, sinon cet argument sera repris lors de l'examen du projet de loi que j'ai évoqué à l'instant. Nous devrons alors trouver des solutions pour des situations plus difficiles, je pense, en particulier, à la nandrolone, dont vous avez entendu parler.
Aussi, j'insiste pour que, dans l'article 7, soient visés les médicaments classés comme psychotropes et dont la notice d'utilisation avertit d'une influence sur la conduite automobile. Par conséquent, on pourrait sérier davantage les initiatives à prendre. Je le répète : on ne peut pas dire que le dépistage de ces produits est aujourd'hui impossible.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 41 et 30 ?
M. Lucien Lanier, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 41, car il n'apporte pas d'éléments supplémentaires. En cas de dépistage positif un médecin sera conduit à vérifier si le dépistage est positif à cause de l'absorption de substances prescrites sur ordonnance médicale ou s'il y a eu un usage de stupéfiants qui ne correspond pas à une prescription médicale.
Il n'est sans doute pas utile d'ajouter des termes qui peuvent être incertains. C'est le sens de ce que j'ai dit tout à l'heure. Je ne suis ni médecin ni pharmacien. Le préfet que j'ai été...
M. François Lesein. Un grand préfet !
M. Lucien Lanier, rapporteur. ... est, par essence, généraliste, mais pas dans le domaine médical, sauf quelquefois en matière de sauvetage. (Sourires.) Cela étant, l'ajout des mots « capable de modifier l'aptitude à la conduite » pourrait créer une incertitude. Ces termes sont effectivement importants, mais, en l'état actuel et d'après ce qui nous a été dit, à l'heure actuelle il ne serait pas possible de discerner les médicaments qui ont une influence sur la conduite automobile.
Il existe de nombreuses drogues pour lesquelles le dépistage est si évident que la question ne se pose même plus.
S'agissant de l'amendement n° 30, la commission souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement avant de se prononcer. En effet, M. le ministre semble avoir des notions précises sur les substances psychotropes.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 41 et 30 ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Les notions précises que je peux avoir sont résumées dans le projet de loi qui vous est présenté. Le Gouvernement a fait un choix simple, en s'appuyant sur le code de la santé publique, afin de ne pas avoir des approches juridiques différentes dans des codes différents.
Pour cette raison et compte tenu de ce que j'ai dit tout à l'heure, je suis défavorable aux amendements n°s 30 et 41.
M. le président. Quel est donc l'avis de la commission sur l'amendement n° 30 ?
M. Lucien Lanier, rapporteur. La commission partage l'avis du Gouvernement : elle émet un avis défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je met aux voix l'amendement n° 41, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 30.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Je veux insister à nouveau sur le fait qu'il ne faut pas accréditer l'idée selon laquelle les produits illicites étant forcément dangereux, les produits licites ne le seraient pas. On constate en effet dans notre pays, qui occupe le premier rang mondial dans ce domaine, un usage massif et généralisé de calmants, de psychotropes et d'autres médicaments entraînant des conséquences lourdes pour le comportement en général et pour l'aptitude à la conduite en particulier. En l'occurence, il s'agit de l'effet réel de telle ou telle drogue sur la conduite automobile, et non pas de sa légalisation ou non. D'après le texte, le fait d'avoir consommé une drogue, quelle qu'elle soit, même si elle a un effet extrêmement faible sur la conduite ou pas d'effet du tout, sera poursuivi. En revanche, le fait pour un conducteur d'avoir avalé beaucoup de comprimés met en péril à la fois sa vie et celle des autres, ne sera pas puni dès lors qu'il s'agit de produits licites.
Il faut vraiment attirer l'attention des usagers de la route sur cette situation. Contrairement à ce qui a été dit tout à l'heure, les médecins dans leur ensemble n'attirent pas l'attention de leurs patients sur les dangers de ces médicaments. Ces produits sont tellement banalisés que neuf médecins sur dix, et je dois être en deçà de la réalité, n'attirent jamais l'attention de leurs patients sur les conséquences de la consommation de tels médicaments.
Il faut vraiment que nous prenions conscience de ce problème et, surtout, que l'opinion publique en prenne conscience.
Aussi je soutiens l'amendement de notre collègue M. Sérusclat.
M. François Lesein. Moi aussi !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 30, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 18, M. Lanier, au nom de la commission, propose d'insérer, après le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 7 pour l'article L. 3-1 du code de la route, deux alinéas ainsi rédigés :
« Toute personne qui aura conduit après avoir fait usage, de manière illicite, de substances ou plantes classées comme stupéfiants sera punie de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 F d'amende.
« Lorsqu'il y aura lieu à l'application des articles 221-6 et 222-19 du code pénal à l'encontre de l'auteur de l'infraction définie à l'alinéa précédent, les peines prévues par ces articles seront portées au double. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 35, présenté par M. Bimbenet, et tendant, dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 18 pour être inséré après le deuxième alinéa de l'article L. 3-1 du code de la route, à remplacer les mots : « deux ans » par les mots : « trois ans » et le montant : « 30 000 F » par le montant : « 50 000 F ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 18.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Madame Dusseau, les deux alinéas que la commission propose d'insérer vont sans doute vous donner satisfaction.
Nous avons mesuré l'influence exacte de la consommation de drogues sur la conduite, mais il est actuellement difficile de la déterminer avec autant de précision que pour l'alcool.
Cependant, il est invraisemblable, alors que l'on pénalise l'absorption d'alcool, que l'on donne l'impression de ne pas pénaliser l'absorption de drogue ; ce serait tout de même un comble. C'est la raison pour laquelle la commission a cherché à combler cette lacune. Il faut donc prévoir une sanction à l'encontre des personnes qui conduisent sous l'empire de stupéfiants. C'est d'ailleurs ce que notre collègue M. Edouard Le Jeune avait prévu dans une proposition de loi qui est jointe à notre rapport écrit.
Cet amendement précise que la conduite sous l'empire de stupéfiants doit subir les mêmes peines que celles qui sont prévues pour la conduite en état alcoolique. Il prévoit, en outre, que la consommation de stupéfiants est un facteur aggravant en cas de blessures ou d'homicide involontaire.
La consommation de drogue est un acte très grave, déjà puni par le code de la santé publique. Le projet de loi reportait toute punition, si j'ose m'exprimer ainsi, ou toute pénalité au code de la santé publique. La commission a estimé que c'était insuffisant. Elle a considéré qu'il est plus grave de prendre le volant après avoir consommé de la drogue et que, en conséquence, devaient figurer dans la loi les mêmes pénalités que pour la conduite sous l'empire de l'alcool, afin d'établir une analogie. Nous proposons donc de créer un délit spécifique réprimant la conduite sous l'empire de stupéfiants. Il paraît difficile de prévoir un dépistage de stupéfiant sans prévoir aucune sanction particulière.
M. le président. La parole est à M. Bimbenet, pour défendre le sous-amendement n° 35.
M. Jacques Bimbenet. Alors que le Gouvernement ne souhaitait pas punir la conduite sous l'influence de substances classées comme stupéfiants, la commission, fort heureusement, choisit d'agir ainsi en déposant l'amendement n° 18.
Au moment d'établir les maxima encourus, la commission a décidé de s'en référer à la législation en vigueur et, par analogie, de reprendre les peines qui sont prévues pour la conduite sous l'empire d'un état alcoolique.
Je regrette que la commission n'ait pas souhaité faire de distinction entre les deux types d'infraction, et c'est la raison pour laquelle j'ai déposé ce sous-amendement.
Il s'agit en effet de dire que, si l'abus d'alcool est un fléau dont les conséquences peuvent se révéler désastreuses sur la route, on ne saurait néanmoins y assimiler la consommation de stupéfiants, et ce pour une raison simple : la consommation d'alcool est autorisée, dans une certaine mesure, alors que la consommation de stupéfiants est un délit.
Dans les faits, cela se traduit de la façon suivante.
Premièrement, en dehors des dispositions spécifiques du code de la route, la consommation d'alcool est autorisée, quelle qu'en soit la quantité ; la consommation de stupéfiants est interdite, et ce dès la première prise.
Deuxièmement, s'agissant des dispositions spécifiques du code de la route, la consommation d'alcool est autorisée, pourvu que la présence d'alcool dans le sang ne dépasse pas un certain taux ; la consommation de stupéfiants, elle, demeure interdite, et ce toujours dès la première prise.
Ainsi, la faute commise par celui qui aura conduit un véhicule tout en ayant fait usage de stupéfiants sera nécessairement plus lourde que celle qui a été commise par celui qui aura conduit sous l'empire d'un état alcoolique.
Cette faute est nécessairement plus lourde dans la mesure où elle s'inscrit d'emblée hors la loi, ce qui n'est pas le cas de la conduite après absorption du premier verre de vin ou de whisky. En revanche, la première prise de stupéfiant est intentionnellement délictuelle et donc parfaitement condamnable.
Une distinction de fait et de droit existe donc bel et bien. C'est cette distinction que je vous demande d'introduire au sein de l'amendement de la commission, en prévoyant des peines plus sévères pour la conduite sous l'emprise de la drogue, qui n'est tout de même pas la même chose que la conduite sous l'emprise de l'alcool.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 35 ?
M. Lucien Lanier, rapporteur. Ce sous-amendement vise à alourdir encore les peines prévues pour le délit de conduite sous l'empire de stupéfiants, dont la commission des lois a proposé la création. La commission a souhaité établir un parallélisme avec l'alcool, non seulement pour que la drogue ne soit pas mieux traitée que l'alcool, mais aussi parce que la détection du stupéfiant - on me l'a dit de tous bords - est plus difficile que celle de l'alcool.
J'ajoute que la conduite sous l'empire de stupéfiants constitue une circonstance aggravante en cas d'homicide ou de blessure involontaire.
Est-il nécessaire d'aggraver les peines alors que l'on demandait tout à l'heure leur diminution ?
La commission des lois préfère donc son amendement, qui est plus clair et qui établit un parallélisme entre les deux fléaux. Aussi inviterai-je M. Bimbenet à retirer son sous-amendement n° 35.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 18 et sur le sous-amendement n° 35 ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Il n'existe pas à ce jour d'études scientifiques solides sur la drogue et la conduite automobile. Lors de la dernière conférence des ministres européens des transports, qui s'est tenue le 3 mars dernier, nous avons examiné le rapport du centre d'études et de recherches en médecine du trafic. Celui-ci a présenté la situation dans chaque pays européen et a recommandé aux différents gouvernements de mener des études de détection de drogue chez les conducteurs accidentés, d'évaluer les tests de dépistage sur le terrain, en particulier ceux qui sont réalisés à partir de la salive et de la sueur, d'évaluer les méthodes de confirmation des laboratoires, y compris pour le sang et les urines.
Les dispositions prises par le Gouvernement sont conformes à ces recommandations. Un certain retard a peut-être été pris en la matière. Il nous faut le rattraper pour avoir le plus rapidement possible les connaissances nécessaires à l'action publique.
Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de masquer le retard pris en faisant de la surenchère. Il n'est pas utile de créer une sanction nouvelle dans le code de la route. En l'état actuel de la législation française, les juges peuvent, dans le cadre des enquêtes ouvertes à la suite d'accidents mortels - une enquête est toujours ouverte en ce cas - poursuivre les faits incriminés et en tenir compte en s'appuyant sur le code pénal ou sur le code de la santé publique dans le prononcé de leur jugement.
Pour ces deux raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 18 et sur le sous-amendement n° 35.
M. le président. Monsieur Bimbenet, le sous-amendement n° 35 est-il maintenu ?
M. Jacques Bimbenet. Je suis un peu navré que, ce soir, on fasse la part belle à la drogue. (M. le ministre proteste.)
Lorsque j'ai vu, sur un parking de l'autoroute que j'emprunte chaque jour, un jeune en train de chauffer avec son briquet un produit dans une cuillère et prendre la route ensuite, j'aurais sans doute dû le signaler aux gendarmes ; peut-être l'aurait-on empêché de poursuivre son voyage. Si on laisse les personnes se droguer et conduire sous l'emprise de stupéfiants, je ne suis plus d'accord !
De surcroît, monsieur le ministre, bien que n'étant pas médecin ou pharmacien, je suis persuadé, après avoir assisté à des auditions de sportifs entre autres, qu'il est bien facile de déceler la drogue dans le sang.
Mais je ne veux pas faire ma mauvaise tête et contredire notre si aimable rapporteur. Je retire mon sous-amendement, mais je resterai ferme quant à la surveillance de ce problème.
M. le président. Le sous-amendement n° 35 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 18.
M. Guy Fischer. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Parce qu'il s'agit d'un terrain mal connu et difficile à appréhender, faute de données statistiques fiables et complètes, le Gouvernement proposait d'avancer de façon mesurée et pragmatique sur le problème des conséquences de l'utilisation de stupéfiants sur la conduite de véhicule.
Cette démarche était, du reste, celle qui était préconisée par les auteurs du Livre blanc sur les effets des médicaments et des drogues sur la sécurité routière.
L'article 7, ainsi rédigé, bien qu'imparfait à certains égards, pouvait faire l'objet d'un consensus sur ces bancs.
L'objectif du projet de loi est simple : améliorer nos connaissances scientifiques sur l'influence des drogues illicites sur la conduite.
A cette fin, il est proposé de soumettre tout conducteur impliqué dans un accident mortel à des analyses médicales.
La sanction porte uniquement sur le refus de se soumettre aux tests.
Certes, l'exposé des motifs précise que le juge peut tenir compte des résultats obtenus s'il y a homicide. Mais, en tout état de cause, il devra le faire à partir de la législation existante.
Or, l'amendement de la commission, faisant fi des précautions gouvernementales, pose une fois de plus le problème de la pénalisation renforcée de la drogue.
Sanctionner le consommateur de stupéfiants de façon unilatérale, alors que nous ignorons l'étendue des effets des drogues sur la conduite, relativement à leur nature et à leur condition d'utilisation, relève d'une interprétation discutable.
On tend ainsi à privilégier une logique sécuritaire et purement répressive sur une exigence de santé publique. (M. Eckenspieller proteste.)
Le débat sur la sécurité routière ne doit pas servir de « cheval de Troie » pour une répression accrue de l'usage de stupéfiants. Le problème est posé.
En conséquence, le groupe communiste républicain et citoyen refuse d'entrer dans le débat souhaité par la droite sur la pénalisation ou la dépénalisation de la drogue.
Ce débat sera nécessaire, le moment venu ; mais ce n'est certainement pas ici et maintenant que nous le réglerons.
Traiter de façon détournée et pernicieuse de questions aussi sensibles ne nous satisfait pas. Le problème est suffisamment grave pour qu'il soit traité autrement, dans d'autres conditions.
Monsieur le ministre, votre démarche, qui se souhaite consensuelle et progressive, se voit condamnée par cet amendement.
Notre groupe, bien évidemment, votera contre l'amendement n° 18 et souhaite que, s'il était adopté par le Sénat, l'Assemblée nationale le rejette lorsqu'elle aura à l'examiner.
M. Jacques Mahéas. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. J'ai été pour ma part tout à fait convaincu par ce que vient d'affirmer M. le ministre : l'état actuel de nos recherches ne nous permet pas d'adopter la même attitude concernant l'alcool et la drogue.
A partir de ce moment, je trouve assez indécent - j'emploie à dessein un mot un peu provocateur - de nous faire, à la fin d'une séance de travail bien remplie, une proposition chère aux hommes de droite, qui se manifeste par des annonces tout à fait intempestives. Permettez-moi de dire que, quand on n'a pas les outils pour déceler quelque chose, on reste modeste et on s'interroge ! (Exclamations sur les travées du RPR.)
Je crois savoir que cela a été bien expliqué, dit et redit par les uns et les autres.
M. Alain Gérard. Demandez donc à M. Sérusclat.
M. Jacques Mahéas. Nous n'avons à aucun moment légiféré sur l'éventuelle dépénalisation des drogues. Par conséquent, à partir de quel degré de prise de drogue pourra-t-on prévoir une peine ?
Soyons directs : la consommation de drogues dures, considérée à juste titre par l'un de nos collègues comme un danger manifeste, sera-t-elle mise au même niveau que le joint fumé par un jeune ? On en est là ! Je crois donc que les instruments ne sont pas suffisamment fiables et que cet amendement est malvenu.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Je regrette une chose due, peut-être à l'heure tardive, à la fatigue, ou à une certaine inconscience : alors que nous avions évité jusque-là de mêler les problèmes dont nous discutons, qui sont de première importance, du fait des 8 000 morts par an sur les routes et 125 000 accidents corporels, à des discussions politiques...
M. Alain Gérard. Absolument !
M. Lucien Lanier, rapporteur. ... vous mettez maintenant sur le dos de la droite je ne sais quelle prétention ! Je ne l'admets pas ! J'ajoute d'ailleurs que cela al'air de faire de la gauche le défenseur des drogués ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Monsieur le rapporteur, je voudrais être bien sûre de comprendre le sens de cet amendement, qui porte sur l'article 7, lequel impose des analyses en cas d'accident mortel.
L'amendement n° 18 vise à ajouter deux alinéas.
Le premier est ainsi rédigé : « Toute personne qui aura conduit après avoir fait usage, de manière illicite, de substances ou plantes classées comme stupéfiants sera punie de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 francs d'amende. »
A ma connaissance, nous nous situons là non pas dans le cas des accidents mortels mais dans le cas général.
Dans l'hypothèse d'un accident mortel, c'est l'alinéa suivant qui intervient : « Lorsqu'il y aura lieu à l'application des articles 221-6 et 222-19 du code pénal à l'encontre de l'auteur de l'infraction définie à l'alinéa précédent, les peines prévues par ces articles seront portées au double. »
Monsieur le rapporteur, je ne suis pas juriste, mais je crois pouvoir déduire ceci de la lecture de votre amendement : la commission propose que, dans l'hypothèse d'un accident mortel et lorsque la présence d'une drogue, quels que soient sa nature et son degré, est décelée, les peines prévues au premier alinéa soient doublées, ce qui aboutirait à quatre ans d'emprisonnement et à 60 000 francs d'amende. En tout cas, je ne vois pas d'autre lecture possible des deux aspects de l'amendement que vous proposez au nom de la commission, monsieur le rapporteur.
Tout à l'heure, vous expliquiez longuement que les personnes qui s'étaient rendues coupables deux fois en un an d'un grand dépassement de vitesse ne pouvaient pas payer des amendes de 30 000 francs et qu'il fallait prévoir une amende inférieure !
Quant à envisager au maximum six mois d'emprisonnement, c'était impossible, sous peine de porter atteinte aux droits de l'homme !
M. Hilaire Flandre. Quel cinéma !
Mme Joëlle Dusseau C'est vous qui faites du cinéma !
Et maintenant, vous dites que toute personne qui aura conduit après usage de substances illicites sera passible de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 francs d'amende, et qu'en cas d'accident mortel, en dehors des conséquences légales de l'accident et de la cause de la mort, la peine sera doublée, soit 60 000 francs d'amende et quatre ans d'emprisonnement.
Mes chers collègues, je vous assure que vous n'avez pas vraiment pesé vos termes ! Faites attention de ne pas développer dans l'esprit des gens la confusion entre l'illicite et le dangereux et, ce qui est peut-être plus grave encore, entre le licite et le non-dangereux.
Je suis donc contre cet amendement, dont le deuxième paragraphe me paraît dangereux.
M. Franck Sérusclat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. Aux termes du deuxième paragraphe de l'amendement n° 18, sera condamnée « toute personne qui aura conduit après avoir fait usage, de manière illicite, de substances... ». Cela signifie-t-il que, si cette personne a fait usage de ces substances le mardi et qu'elle conduit le samedi, elle sera en faute ?
Mme Joëlle Dusseau. Les substances seront encore présentes dans les urines !
M. Franck Sérusclat. Non, peut-être pas, mais il y aura eu usage ! Par conséquent, le simple fait de faire usage rend fautif quel que soit le délai écoulé, même un mois après.
Il faut, par conséquent, que l'on puisse établir la présence du stupéfiant dans l'organisme, et donc effectivement le rechercher et le doser.
La rédaction de cet amendement en rend elle-même l'application impossible.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Aucun des arguments qui ont été invoqués ne m'ont convaincu.
C'est la raison pour laquelle je considère que la commission des lois a parfaitement raison de vous soumettre l'amendement n° 18, que je maintiens, bien entendu.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 19, M. Lanier, au nom de la commission, propose, dans le troisième alinéa du texte présenté par l'article 7 pour l'article L. 3-1 du code de la route, de remplacer les mots : « vérifications prévues » par les mots : « analyses et examens médicaux, cliniques et biologiques prévus ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Cet amendement montre la volonté de la commission des lois d'établir un parallélisme entre la consommation d'alcool et la consommation de drogue s'agissant des vérifications opérées.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7, ainsi modifié.
(L'article 7 est adopté.)
Section 6
Dispositions diverses
Article additionnel avant l'article 8