PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant le budget annexe des prestations sociales agricoles.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Bernard Seillier,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur
les grandes lignes du projet de budget annexe des prestations sociales
agricoles pour 1998. Elle viennent de nous être clairement présentées par M. le
rapporteur spécial.
Je voudrais surtout évoquer ici les débats que ce projet de budget annexe a
suscités au sein de la commission des affaires sociales.
En effet, la portée du BAPSA pour 1998 est difficile à appréhender en première
analyse, car, étant arrêté antérieurement au dépôt du projet de loi de
financement de la sécurité sociale, ce budget ne tient pas compte du
basculement de la majeure partie des cotisations maladie vers la contribution
sociale généralisée ou de la mise sous condition de ressources des allocations
familiales.
Par ailleurs, le Gouvernement a présenté tardivement, lors de l'examen du
BAPSA par l'Assemblé nationale, une mesure de revalorisation des petites
retraites, mesure revendiquée à juste titre par le monde agricole, et qui
constitue une avancée significative pour des personnes - souvent des femmes
d'agriculteurs - les pensions sont inférieures au revenu minimum
d'insertion.
En première lieu, le projet de BAPSA pour 1998 appelle, de la part de la
commission, un certain nombre de critiques.
Ces critiques sont liées aux mesures du projet de loi de financement de la
sécurité sociale, mesures qui rendront nécessaires, lorsque la procédure
d'examen du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la
sécurité sociale sera achevée, des ajustements substantiels.
Outre l'aspect problématique du vote du Parlement sur des montants qui devront
être largement révisés ultérieurement, on ne peut qu'être très réservé sur les
effets du transfert des cotisations maladie vers la CSG.
D'abord, il faut être prudent sur les chiffres transmis par le Gouvernement et
les gains de pouvoir d'achat attendus, qui ne tiennent pas compte des
prélèvements sur l'épargne et le patrimoine, comme l'a bien montré la
discussion, au Sénat, du projet de loi de financement de la sécurité
sociale.
Ensuite, il convient de souligner qu'un nombre très important d'agriculteurs,
qui bénéficiaient d'un allégement de cotisations sociales, vont perdre cet
avantage différentiel tout en devenant redevables de la CSG : il s'agit, en
particulier, des jeunes agriculteurs - 30 000 personnes environ - des
pluriactifs, des préretraités - 25 000 personnes - des veuves ayant acquis
l'exploitation de leur ex-conjoint, des retraités agricoles qui bénéficient de
prestations maladie d'une autre régime, des conjoints retraités qui bénéficient
de la seule retraite forfaitaire, des retraités titulaires de majoration de
pension pour enfants. Cette question a été longement évoquée à l'Assemblée
nationale sans réponse satisfaisante.
Enfin, pour respecter le principe de parité et permettre aux exploitants
agricoles de bénéficier du même gain de pouvoir d'achat que les salariés du
régime général - plus 1,1 % - la baisse des cotisations maladie aurait dû être,
selon les organisations professionnelles, de 6,5 points et non pas de 5,5
points. Il convient donc, à notre avis, de revaloriser l'effort particulier
opéré en faveur du monde agricole.
S'agissant de la mise sous condition de ressources des allocations familiales,
vous savez que la commission des affaires sociales a fait de son rejet une
position de principe, estimant que les conséquences directes et indirectes de
cette mesure sur notre système de protection sociale sont inacceptables.
Il convient de préciser que cette mesure, telle qu'elle est prévue par le
projet de loi de financement de la sécurité sociale, concernera environ 11 000
familles d'exploitants agricoles et entraînera une diminution du montant des
prestations d'environ 70 millions de francs.
En second lieu, les mesures positives du BAPSA, qui concernent notamment la
revalorisation des petites retraites agricoles mais également deux dossiers aux
enjeux essentiels pour la protection sociale agricole, ne sont pas exemptes
d'interrogations.
En ce qui concerne la revalorisation des petites retraites agricoles, vous ne
nous avez pas caché, lors de votre audition devant notre commission, monsieur
le ministre, toute l'importance que vous attachiez à cette question. Nous ne
pouvons que nous réjouir du fait que vous ayez pu, dans des délais rapides,
mener à bien ce dossier.
Toutefois, la commission des affaires sociales aurait évidemment préféré que
cette mesure figure dès l'origine dans le projet du BAPSA et n'apparaisse pas à
la dernière minute, sans pouvoir être retracée dans le document budgétaire
soumis à l'examen de la représentation nationale, altérant ainsi, sans que cela
soit recherché, la sincérité des comptes.
Ensuite, je relève que l'amélioration des retraites agricoles a été une
préoccupation constante des gouvernements qui se sont succédé depuis plusieurs
années. La mesure annoncée récemment ne doit donc pas faire oublier, en
particulier, la revalorisation intervenue dans le cadre des lois de finances
depuis 1994 jusqu'à 1997 en faveur des plus petites retraites.
Enfin, le coût de la mesure annoncée par vous-même, monsieur le ministre, soit
700 millions de francs, est couvert en partie seulement par la majoration des
crédits de la subvention d'équilibre de 500 millions de francs. Il est donc
permis de s'interroger - cela a déjà été fait - sur les ajustements qui seront
rendus nécessaires ; il serait en effet regrettable que ceux-ci s'opèrent au
détriment de la couverture maladie des exploitants agricoles.
S'agissant de votre action à la tête du ministère de l'agriculture, monsieur
le ministre, la commission des affaires sociales tient à souligner les
initiatives que vous avez prises à la suite du rapport de la Cour des comptes
de 1996, qui a fait apparaître de graves irrégularités dans la gestion de la
Caisse centrale de la mutualité sociale agricole.
Notre commission se félicite de ces initiatives, qui étaient nécessaires afin
d'éviter que les irrégularités de la Caisse centrale de la mutualité sociale
agricole ne jettent le discrédit sur l'ensemble des caisses de la MSA, leurs
administrateurs et leurs cadres, qui gèrent avec beaucoup de dévouement et de
compétence ce régime spécifique de sécurité sociale.
Enfin, nous avons suivi avec beaucoup d'attention les propositions visant à
régler le contentieux concernant les contrats dits COREVA. Le décret fixant
leur régime a, en effet, été partiellement annulé par le Conseil d'Etat en
1996, ce qui a suscité une vive inquiétude chez les 110 000 souscripteurs de ce
système de retraite complémentaire.
Au total, au vu de l'ensemble des dossiers, compte tenu, d'un côté, de
l'impact sur le BAPSA de dispositions de la loi de financement de la sécurité
sociale qui suscitent des observations critiques de la part de la commission,
mais compte tenu aussi, de l'autre côté, des mesures contenues dans le BAPSA
pour 1998 lui-même, la commission des affaires sociales s'on remet à la sagesse
du Sénat sur les crédits du BAPSA pour 1998.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, 6 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 5 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne
méconnais pas l'importance des soubresauts divers intervenus à la MSA et dans
quelques autres organismes financiers liés aux retraites agricoles et à la
couverture sociale.
Toutefois, ce soir, je centrerai mon intervention sur ce qui me paraît être
l'essentiel, à savoir les problèmes posés par les retraites des exploitants
agricoles, notamment les plus faibles d'entre elles.
Tout à l'heure, nous examinerons d'ailleurs l'amendement que j'ai déposé à ce
sujet et qui tend à une revalorisation de ces retraites à hauteur de 75 % du
SMIC brut dans un délai maximal de trois ans.
Il est effet insupportable que de nombreux retraités agricoles, ou leur
conjoint, disposent de pensions d'un montant souvent inférieur au RMI.
Les anciens exploitants agricoles, qui ont travaillé dans des conditions
difficiles, le plus souvent dès l'âge de quatorze ou quinze ans et dans bien
des cas au-delà de soixante ans, voire de soixante-cinq, bénéficient en général
de pensions de retraite d'un montant inférieur à celui des autres catégories de
salariés.
Quant aux femmes, leur situation est encore souvent plus mauvaise, alors elles
ont presque toujours joué un rôle essentiel dans l'exploitation agricole.
Mme Hélène Luc.
Ça, c'est vrai !
M. Louis Minetti.
Toutes celles qui dépendent de la mutualité sociale agricole au titre de
conjoint ont bien souvent à peine 1 500 francs par mois.
Cette situation est d'autant plus intolérable qu'en amont et en aval de
l'agriculture certaines firmes agro-alimentaires et certains organismes
financiers, profitant, par un système de vases communiquants, des fruits de
tout ce travail, sont devenus des fleurons de la finance internationale.
Dans ce contexte, monsieur le ministre, l'annonce par vous-même et par M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en octobre dernier,
d'un crédit supplémentaire de 500 millions de francs pour permettre une
amélioration de la situation est un premier pas intéressant, dont je me
félicite. Cela montre que les pressions que, depuis des mois, nous sommes un
certain nombre à exercer ont servi à quelque chose.
Je prends également en compte les exonérations sur la CSG.
Mais dans les faits, la revalorisation annoncée ne correspond qu'à une hausse
moyenne d'environ 500 francs par mois et par pension. Ce n'est certes pas
négligeable, mais on est encore loin du compte. Sachant que de nombreuses
pensions n'excèdent pas 1 500 francs, on ne saurait se contenter d'une telle
augmentation.
D'où, encore une fois, notre amendement, qui vise à ce que le niveau des
retraites soit porté à 75 % du SMIC, qui n'est d'ailleurs pas la seule
référence possible.
Nous proposons parallèlement que le Gouvernement soumette, à l'issue de ces
trois années, un rapport analysant l'état d'avancement de la question.
Un tel objectif nécessite une volonté politique - mais vous l'avez manifestée,
monsieur le ministre - d'engager des négociations entre les pouvoirs publics,
les organisations syndicales et les associations de retraités ainsi que les
organismes bancaires et agro-alimentaires en amont et en aval de la
profession.
Lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, j'avais
déposé un amendement tendant à augmenter les ressources financières à cet
effet. Il s'agissait de la taxation des bénéfices des entreprises
agro-alimentaires d'amont et d'aval et des entreprises financières. Cette
proposition demeure, même si son adoption a été reportée. J'ai d'ailleurs eu le
plaisir d'entendre M. le secrétaire d'Etat au budget me dire qu'elle était
intéressante et qu'il allait y réfléchir, peut-être pour l'inclure dans le
prochain projet de loi de finances rectificative. Nous verrons bien !
J'espère que le Gouvernement saura écouter tous ces exploitants agricoles,
répondre à leurs attentes, eux qui sont un élément essentiel de notre société,
et favoriser ainsi indirectement le renouvellement et l'avenir de ce secteur
fondamental pour notre pays. Mais j'ai confiance, car je crois, monsieur le
ministre, que vous écoutez beaucoup !
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Arzel.
M. Alphonse Arzel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
BAPSA que nous examinons aujourd'hui a été arrêté antérieurement au dépôt du
projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998. En conséquence,
il ne tient pas compte de certaines mesures ayant des effets directs sur son
équilibre financier telles que le basculement de la majeure partie des
cotisations d'assurance maladie vers la contribution sociale généralisée ou
bien encore la mise sous condition de ressources des allocations familiales.
Or l'appréciation que l'on peut porter sur le volet social de la politique
agricole doit désormais prendre en compte, non seulement le projet de loi de
finances, mais également le projet de loi de financement de la sécurité
sociale.
S'agissant particulièrement des prestations familiales, ce poste de dépenses
continue de baisser fortement, accusant une diminution de 6,5 % par rapport à
1997, en raison, il faut le préciser, de la décroissance rapide du nombre de
bénéficiaires.
Ces dépenses ne tiennent pas compte de la mise sous condition de ressources
des allocations familiales souhaitées par le Gouvernement. Cette mesure devrait
concerner près de 11 000 familles d'exploitants agricoles et entraîner ainsi
une diminution des dépenses d'environ 510 millions de francs pour le BAPSA.
S'agissant du basculement des cotisations de l'AMEXA sur la CSG, figurant dans
le projet de BAPSA pour 1998, il n'intègre pas le nouveau transfert prévu pour
1998 par le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cette absence
de cohérence est d'autant plus critiquable que les modalités d'examen du projet
de loi de financement de la sécurité sociale ont été conçues pour permettre une
coordination. Le Gouvernement a fixé à 5,5 points le taux de la baisse des
cotisations d'assurance maladie pour les exploitants agricoles en activité. Si
ce taux assure la neutralité du basculement des cotisations de l'AMEXA sur la
CSG, il ne respecte pas le principe de la parité de traitement avec les
salariés du régime général, ce qui pourtant avait été l'élément essentiel de la
réforme des cotisations sociales agricoles.
Contrairement à ce que vous avez prétendu, monsieur le ministre, le
basculement des cotisations sociales vers la CSG s'effectue dans des conditions
défavorables aux exploitants agricoles.
Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous
avions indiqué qu'il convenait d'être très prudent sur les chiffres transmis
par le Gouvernement et sur les gains de pouvoir d'achat attendus, qui ne
tenaient pas compte des prélèvements sur l'épargne et le patrimoine. Par
ailleurs, nous avions souligné qu'un certain nombre d'agriculteurs bénéficiant
d'un allégement de cotisations sociales, notamment les jeunes, allaient perdre
cet avantage différentiel tout en devenant redevables de la CSG.
C'est donc à juste titre que les organisations professionnelles voient dans le
choix du Gouvernement un grave manquement à l'esprit de la réforme.
Je voudrais donc rappeler l'action essentielle du Sénat, lors de l'examen, le
13 novembre dernier, du projet de loi de financement de la sécurité sociale, en
faveur non seulement des préretraités de l'agriculture, mais également des
jeunes agriculteurs.
La majorité sénatoriale, à cette occasion, a tenu à mettre en lumière le
manque de réflexion et de concertation qui a présidé au basculement des
cotisations maladie vers la CSG. Elle a rappelé que 25 000 préretraités
agricoles étaient exonérés de cotisations sociales maladie et que, pour ceux
d'entre eux - un tiers environ - qui étaient imposables, le basculement posait
le problème du respect des engagements de l'Etat. En effet, ces agriculteurs
sont partis en préretraite en abandonnant leur exploitation à des jeunes, et ce
en contrepartie de leur exonération de cotisations sociales. Le basculement
vient alors annuler l'aider promise. C'est donc dans un souci d'équité que la
majorité sénatoriale a supprimé l'article 3 du projet de loi de financement de
la sécurité sociale.
Par ailleurs, pour ce qui concerne les jeunes agriculteurs qui s'installent
aujourd'hui, ils bénéficient d'abattements dégressifs sur les cotisations
maladie. La majorité sénatoriale a donc proposé de réduire, dans les mêmes
proportions, l'assiette de la future CSG majorée, faute de quoi ces jeunes
agriculteurs verront leur prélèvement augmenter massivement.
Pour respecter le principe de parité, et donc permettre aux exploitants
agricoles de bénéficier du même gain de pouvoir d'achat que les salariés du
régime général, la baisse de cotisations d'assurance maladie aurait dû être de
6,5 points, et non pas de 5,5 points.
En nouvelle lecture, le 25 novembre dernier, l'Assemblée nationale n'a pas
souhaité retenir l'amendement voté par le Sénat en faveur des jeunes
agriculteurs et a rétabli, en outre, l'article portant sur la majoration des
taux de CSG. C'est notamment pour ces deux raisons, et égalemet du fait du
nombre important de familles concernées par la mise sous condition de
ressources des allocations familiales - environ 11 000 familles d'exploitants
agricoles, je le répète - que le groupe de l'Union centriste ne pourra pas,
dans sa globalité, donner son aval au projet de BAPSA pour 1998, puisque mes
collègues de la commission des affaires sociales s'abstiendront.
Le projet de BAPSA subit le contrecoup des mesures prévues par le projet de
loi de financement de la sécurité sociale qui sont, à nos yeux, inacceptables
et que nous avons suffisamment décriées, le 13 novembre dernier, au Sénat.
Le problème de l'intégration du BAPSA au sein de la loi de financement de la
sécurité sociale, pour ce qui est de la présentation des comptes, est posé ; le
ministre de l'agriculture a-t-il encore un droit de regard sur les crédits du
BAPSA ?
Pour conclure, je voudrais évoquer le problème de la revalorisation des
retraites agricoles. Avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, lors du
débat pré-budgétaire du 5 novembre dernier, nous nous sommes félicités de la
mesure exceptionnelle de revalorisation des petites retraites. Il s'agit là
d'une amélioration très significative pour les anciens aides familiaux, les
conjoints d'exploitants et ceux d'entre eux qui ont accompli une carrière
mixte. Nous ne pouvons que souhaiter que l'effort du Gouvernement continue dans
cette voie.
Je voudrais toutefois faire remarquer que les gouvernements précédents avaient
également accompli des efforts significatifs dans le domaine des retraites
agricoles, il ne faut pas l'oublier.
Je ne peux terminer mon propos sans évoquer le constat très critique fait par
la Cour des comptes à l'égard de la Caisse centrale de la mutualité sociale
agricole, qui ne peut qu'altérer l'image même de la mutualité sociale
agricole.
Avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, nous exprimons le souhait
que la Caisse centrale soit désormais gérée dans la plus grande transparence et
avec la plus grande rigueur, afin que ne puissent se reproduire de telles
irrégularités. Nous tenons, monsieur le ministre, à saluer votre intervention,
car vous avez su prendre rapidement les décisions énergiques qui s'imposaient
devant une telle situation.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Roujas.
M. Gérard Roujas.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si je devais
résumer en quelques mots le projet de budget annexe des prestations sociales
agricoles pour 1998, je dirais qu'il est marqué du sceau de la solidarité pour
l'assurance maladie et l'assurance vieillesse des non-salariés du régime
agricole.
Sachant qu'en 1996 le rapport entre actifs et retraités était d'un cotisant
pour 4 bénéficiaires en ce qui concerne l'assurance maladie, et d'un cotisant
pour 2,2 bénéficiaires, en ce qui concerne l'assurance vieillesse, nous
comprenons combien doit jouer la solidarité interprofessionnelle et la
solidarité nationale.
En 1998, sur un montant prévu de recettes, hors restitution de TVA, de 87,68
milliards de francs, la part issue de cette solidarité s'élève à 71,4 milliards
de francs, soit près de 81,5 % des recettes globales.
Les cotisations professionnelles proprement dites ne représentent, quant à
elles, que 18,5 % de ces mêmes recettes.
Je crois bon de préciser également que la subvention du budget de l'Etat
atteindra, en 1998, la somme de 7,8 milliards de francs, contre 7,2 milliards
de francs en 1997.
Dans un contexte budgétaire difficile, vous avez souhaité, monsieur le
ministre, et le Gouvernement avec vous, aller plus loin dans cette solidarité
en faveur de celles et de ceux qui, dans le monde agricole, ayant travaillé
dur, perçoivent des retraites que chacun d'entre nous juge notoirement
insuffisantes.
Ainsi, 13 000 aides familiaux retraités et quelque 170 000 conjoints retraités
verront leur retraite portée à 23 747 francs par an, alors que, sans votre
intervention dans le cadre de ce budget, ils n'auraient perçu que 18 647 francs
par an !
Il en est de même pour les 100 000 retraités ayant été successivement aides
familiaux ou conjoints et chefs d'exploitation, qui verront leur retraite
passer de 22 017 francs à 25 697 francs par an.
On pourra toujours vous rétorquer, monsieur le ministre, que les retraites
seront encore trop faibles ; il n'en reste pas moins vrai qu'il s'agit là d'un
effort important, marquant la volonté du Gouvernement de s'attaquer au
difficile problème des retraites agricoles.
Cet effort n'est, d'ailleurs, qu'une première étape puisque, vous l'avez
rappelé à diverses reprises, l'année 1998 sera marquée par l'élaboration d'un
plan sur les retraites agricoles.
Certains ont évoqué - c'est le cas de notre collègue Philippe Madrelle - une
retraite à 75 % du SMIC pour les retraitées agricoles conjointes
d'exploitants.
Il s'agit là d'une proposition intéressante, et cet objectif pourrait être
atteint au cours de la présente législature.
La solidarité, nous la retrouvons également dans le transfert de la cotisation
d'assurance maladie vers la CSG, qui permettra à quelque 700 000 petits
retraités agricoles non imposables au titre de l'impôt sur le revenu,
principalement des anciens chefs d'exploitation, de bénéficier d'un pouvoir
d'achat supplémentaire, puisque la cotisation maladie de 2,8 %, qui est
appliquée actuellement à leur pension de vieillesse, disparaîtra et qu'ils ne
seront pas assujettis à la CSG.
Le gain de pouvoir d'achat sera également sensible - environ 5 % en moyenne -
pour près de 200 000 exploitants dont les revenus sont particulièrement
faibles.
Soyez assuré, monsieur le ministre, que les bénéficiaires de ces mesures
sauront les apprécier à leur juste valeur, puisque la majoration de leur
retraite sera de l'ordre de 500 francs par mois en moyenne : 425 francs
d'augmentation de la retraite et 75 francs en raison du transfert de la
cotisation d'assurance maladie vers la CSG.
La philosophie qui sous-tend ces décisions est, nous le voyons bien, en
rupture avec la philosophie dominante de ces dernières années.
Ce budget de solidarité a été élaboré avec la volonté manifeste de préserver
et d'améliorer, chaque fois que possible, le régime de protection sociale des
agriculteurs. Sachez, monsieur le ministre, que, pour le mettre en oeuvre, vous
pouvez compter sur le soutien des sénateurs socialistes.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly.
Monsieur le ministre, en cette fin d'année 1997, votre budget est examiné dans
un contexte un peu spécial, celui, en particulier, des nouvelles mesures de
financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances ; mais cela
ne saurait aller, comme il fut déclaré à l'Assemblée nationale, jusqu'à rendre
contestable l'existence même du BAPSA. Il n'en demeure pas moins que
l'articulation entre les deux n'est pas évidente, avouez-le.
En l'état, le BAPSA pour 1998, pour imparfait qu'il soit - mais quel budget
est parfait ? - n'en revêt pas moins des aspects positifs. Ainsi, le bouclage
financier est assuré et la solidarité nationale est affirmée ; c'est,
précisément, l'autonomie du BAPSA.
Ce budget est en légère hausse, ce qui a permis au rapporteur de la commission
des affaires sociales de parler de « budget de stabilité ». Il enregistre la
progression des mesures prises en faveur de veuves depuis 1995, en même temps
que la revalorisation des petites retraites décidée en 1996.
Mais ce projet de BAPSA prévoit surtout, par un apport supplémentaire, un
relèvement des pensions en direction de trois catégories de bénéficiaires, à
savoir les aides familiaux, les conjoints d'exploitant et les veuves, sur
lesquelles notre attention a toujours été appelée.
Certes, nous sommes encore loin d'une équité entre le régime général et le
régime agricole, et la solidarité nationale devra se manifester plus fortement
encore.
Votre attachement à cette situation, monsieur le ministre, est, je crois, bien
connu. Vous vous êtes engagé à aller plus loin dans les années à venir, à
prolonger l'effort réalisé cette année. Nous y serons attentifs.
Par ailleurs, se poursuit heureusement le nécessaire financement de
l'étalement des prises en charge partielles de cotisations pour les exploitants
en difficulté.
Pour ce qui concerne le gain de pouvoir d'achat, espéré pour certains, du
transfert des cotisations maladie sur la CSG, les chiffres que vous avez
avancés, monsieur le ministre, ont ici ou là été contestés. Je veux bien, pour
l'heure, partager votre analyse selon laquelle les bénéficiaires seraient à peu
près au nombre de 200 000, agriculteurs, salariés et retraités non
imposables.
Puis-je appeler en cet instant votre attention sur un point particulier ? Le
projet de BAPSA pour 1998 prévoit une décélération du secteur médicosocial,
pour les soins à domicile notamment. Nul n'ignore cependant que ce type de
soins est un élément important d'une politique sociale voulue par les uns et
les autres depuis des années. Or, de ce strict point de vue, il y a une
distorsion entre le sort réservé, en matière de fonctionnement, aux centres de
soins infirmiers des caisses de mutualité sociale agricole et aux centres du
régime général.
Aux fins d'établissement d'une parité, une proposition de loi a été déposée,
cosignée par une soixantaine d'entre nous. Certes, l'initiative de la venue en
discussion d'une proposition de loi n'est pas de votre responsabilité directe,
monsieur le ministre, mais j'espère que, si le sujet est un jour abordé - je le
souhaite, et mon souhait ne date pas d'aujourd'hui - il trouvera un écho
favorable auprès du Gouvernement.
Pour l'heure, l'avis de sagesse proposé par M. Seillier, l'excellent
rapporteur de la commission des affaires sociales - à laquelle j'appartiens -
sera pour moi un avis favorable.
(Applaudissements sur certaines travées de
l'Union centriste ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Moreigne.
M. Michel Moreigne.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
budget des prestations sociales agricoles s'élève à 87,7 milliards de
francs.
Les retraites constituent le principal poste de dépenses. Elles progressent de
2,2 %, malgré la diminution du nombre des retraités, mais il convient d'ajouter
à ce pourcentage la revalorisation des retraites modestes qui profitera aux
conjoints ayant travaillé sur les exploitations, aux anciens aides familiaux et
aux anciens chefs d'exploitation à carrière courte, dès lors que ces retraités
ont consacré la totalité ou l'essentiel de leur carrière à l'agriculture.
M. Raymond Courrière.
Très bien !
M. Michel Moreigne.
Cette majoration, pour 37,5 années de carrière, sera de 5 100 francs par an et
son montant sera dégressif pour une carrière comprise entre 37,5 et 32,5 années
d'activité.
Le nombre de bénéficiaires sera d'environ 275 000 petits retraités agricoles,
168 000 conjoints ayant participé à une exploitation, 13 000 anciens aides
familiaux et 94 000 retraités ayant eu une carrière mixte en tant que conjoints
ou aides familiaux, d'une part, et chefs d'exploitation pendant une brève
période, d'autre part.
Le coût global de la mesure représente 1 milliard de francs dans le projet de
budget pour 1998 et les dépenses supplémentaires s'élèveront à environ 700
millions de francs.
En outre, 700 000 retraités agricoles non imposables bénéficieront dès 1998 de
la suppression de leur actuelle cotisation maladie de 2,8 % sur leur pension,
sans devoir en contrepartie acquitter la CSG. Le coût de cette mesure est
estimé à 500 millions de francs.
Cette revalorisation était nécessaire, monsieur le ministre, mais pouvez-vous
nous préciser si un calendrier de revalorisation des retraites agricoles
jusqu'à un minimum représentant 75 % du SMIC figure dans vos objectifs ? Je
n'en doute point.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous avez résolu le problème du régime
COREVA, qui concerne près de 110 000 agriculteurs. La réforme de ce système de
retraite facultatif par capitalisation est intervenu à la suite d'une décision
du Conseil d'Etat, grâce à l'insertion d'un article additionnel dans le projet
de loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines.
Le système mis en place respectera les droits acquis. Les agriculteurs
pourront dorénavant souscrire auprès de l'assureur de leur choix, en
bénéficiant des mêmes déductions fiscales et sociales.
Les dépenses d'assurance maladie sont cohérentes avec les objectifs nationaux
qui sous-tendent le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Je note par ailleurs l'apparition d'un nouveau chapitre, doté de 100 millions
de francs : « contribution à la modernisation de l'assurance maladie ».
Si les dépenses au titre des prestations familiales diminuent fortement,
certaines dispositions - telle la majoration de l'allocation de rentrée
scolaire - n'apparaissent pas dans le BAPSA.
Enfin, comme l'an dernier, 110 millions de francs sont prévus pour financer
les étalements et prises en charge de cotisations en faveur des exploitants en
difficulté. En ce qui concerne les recettes, les cotisations professionnelles
progressent globalement de 2,3 % par rapport à celles qui figurent au décret de
financement de 1997.
Le basculement des cotisations maladie sur la CSG apparaît pour 1998 :
l'augmentation de 4,1 % de la CSG des actifs sera compensée par une diminution
de 5,5 % de la cotisation maladie. Je ne polémiquerai pas sur ces différents
pourcentages, qui semblent quelque peu diviser les sénateurs. Quoi qu'il en
soit, il serait équitable que, sur ce point, les agriculteurs bénéficient du
même gain de pouvoir d'achat que les salariés, ne serait-ce qu'au nom de la
parité.
Monsieur le ministre, je constate les progrès accomplis par cette nouvelle
étape dans la revalorisation des petites retraites ainsi que le progrès que
constitue la remise en ordre de la Caisse centrale de mutualité sociale
agricole, sans oublier la solution que vous avez apportée au problème du régime
COREVA.
Pour ces différentes raisons, le groupe socialiste vous apportera son soutien
en votant le projet de BAPSA pour 1998.
(Applaudissements sur les travées
socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
Avant de donner la parole à M. le ministre, je souhaite rappeler que, ce
matin, la conférence des présidents a considéré que, étant donné les délais qui
nous sont imposés pour la discussion budgétaire, une certaine concision devait
être de mise.
Une quinzaine de minutes ont ainsi été prévues, monsieur le ministre, pour
vous permettre de répondre aux différents orateurs. Naturellement, le
Gouvernement dispose du temps qu'il souhaite, mais je crois qu'il est
important, pour l'équilibre de nos débats, que nous nous en tenions aux
engagements pris lors de la conférence des présidents.
Mme Hélène Luc.
Vous avez le temps,... mais !
(Sourires.)
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Je confirme vos propos, monsieur
le président, tout en soulignant qu'il ne s'agit pas d'une décision prise de
manière arbitraire par la conférence des présidents : M. le ministre chargé des
relations avec le Parlement nous a donné son accord pour que les délais soient
respectés, afin que nous puissions, dans les vingt jours qui sont impartis au
Sénat, examiner le projet de loi de finances.
M. le président.
Je suis sûr que nous aurons été entendus !
La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le président, j'ai
bien entendu l'appel à la concision que vous-même et le président de la
commission des finances venez de lancer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à remercier vos rapporteurs, MM.
Bourdin et Seillier, ainsi que les différents intervenants de la qualité de la
discussion.
Plutôt que de détailler les chiffres, je voudrais mettre en évidence les
points clefs de ce projet de BAPSA et répondre aux questions que vous m'avez
posées et qui portent sur des sujets essentiels pour les agriculteurs, actifs
et retraités.
Le BAPSA devrait s'élever, en 1998, hors restitutions de TVA, à 88,2 milliards
de francs, soit une progression de 1,1 %.
Les prestations de vieillesse s'élèveront, après l'amendement adopté par
l'Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement pour revaloriser les
faibles retraites, à 49 milliards de francs. Elles constituent le principal
poste de dépenses du BAPSA.
Les retraites proprement dites progresseront de près de 4 % par rapport à
celles qui étaient prévues dans le BAPSA de 1997.
Cette augmentation s'explique, pour 300 millions de francs, par la deuxième
étape du dispositif prévu en faveur des retraites agricoles par la loi de
finances pour 1997. Elle s'explique surtout par la mesure décidée par le
Gouvernement de relever en 1998 les faibles retraites agricoles.
Vos rapporteurs, comme tous les intervenants, ont exprimé leurs préoccupations
au sujet du niveau des pensions servies à beaucoup d'anciens agriculteurs ou
agricultrices.
C'est un sujet sur lequel j'avais été, comme vous, fortement sensibilisé dès
avant ma nomination au ministère de l'agriculture et de la pêche.
J'ai donc fait procéder à un état des lieux qui a révélé que certaines
catégories de retraités n'avaient pas été prises en compte dans les mesures
antérieures et percevaient des retraites d'un niveau très faible.
La majoration que j'ai prévue profitera donc aux conjoints ayant travaillé sur
les exploitations et aux anciens aides familiaux, comme à ceux de ces retraités
qui ont été chef d'exploitation pendant une courte période.
Cette majoration sera, pour une carrière pleine, de 5 100 francs par an.
Ainsi, un retraité ayant travaillé trente-sept années et demie en qualité de
conjoint participant à l'exploitation, qui perçoit, cette année, 18 150 francs,
verra, en 1998, grâce à cette mesure, sa pension portée à 23 750 francs, soit
une majoration de 30 %.
Au total, 275 000 petits retraités agricoles, dont 168 000 conjoints,
bénéficieront ainsi d'un relèvement de leur pension.
Le coût de cette mesure est de 1 milliard de francs en année pleine. Elle
entraînera, en 1998, des dépenses supplémentaires de 760 millions de francs, ce
qui, compte tenu des économies mécaniques sur le fonds de solidarité
vieillesse, correspondra à un coût net de 680 millions de francs. Celui-ci sera
couvert par une économie de 180 millions dont bénéficiera le BAPSA sur la
dotation globale hospitalière au titre d'une année précédente et par une
augmentation de 500 millions de francs de la subvention du budget de l'Etat.
Par ailleurs, la substitution de la CSG aux cotisations maladie que prévoit la
loi de financement de la sécurité sociale entraînera, en 1998, la suppression
pure et simple des cotisations maladie, sans contrepartie de CSG, pour les
retraités agricoles non imposables. Ainsi, 700 000 petits retraités agricoles
bénéficieront, en 1998, de la suppression de leur cotisation maladie de 2,8 %
et, de ce fait, d'un gain de pouvoir d'achat de 500 millions de francs.
C'est donc, au total, avec la majoration des petites retraites, un effort
supplémentaire de 1,5 milliard de francs que je retiens en faveur des retraités
agricoles. Je remercie vos rapporteurs et l'ensemble des intervenants,
particulièrement MM. Mouly, Roujas et Moreigne, d'avoir souligné le caractère
significatif de cet effort et, à ce titre, l'aspect positif de ce projet de
BAPSA.
Vous avez été également unanimes à souhaiter que l'effort que nous
accomplirons en 1998 soit poursuivi au cours des années ultérieures.
A cet égard, il me paraît difficile de se fixer dès maintenant, comme le
propose M. Minetti, un objectif chiffré à terme de trois ans, ne serait-ce que
parce que nous ne connaissons pas les contraintes que supporteront les finances
publiques et les comptes sociaux d'ici là.
Plus généralement, en réponse aux préoccupations que vous avez exprimées, je
souligne que la majoration décidée pour 1998 constitue une première étape dans
le relèvement des retraites agricoles. L'effort sera poursuivi.
(Très bien !
sur les travées socialistes.)
Nous le ferons, comme cette année, avec le souci de traiter les cas qui n'ont
pu être réglés auparavant, et d'améliorer en priorité la situation des
titulaires des pensions les plus modestes.
Par ailleurs, votre rapporteur spécial, M. Bourdin, a fait part de ses
préoccupations concernant la retraite complémentaire des agriculteurs, à la
suite de l'annulation par le Conseil d'Etat du décret qui créait le régime
COREVA.
Les dispositions que le Parlement a adoptées en votant la loi du 18 novembre
1997 d'orientation sur la pêche permettront aux exploitants agricoles de
continuer de s'assurer une retraite complémentaire dans des conditions
dorénavant conformes aux règles prévues en la matière par l'Union
européenne.
Les textes d'application de ces dispositions législatives seront publiés dans
les tout prochains jours. Ainsi, les droits que se sont constitués les 110 000
agriculteurs ayant adhéré au régime COREVA seront intégralement préservés dans
le nouveau dispositif : les adhérents à ce régime pourront continuer de
s'assurer, à partir du 1er janvier 1998 et sans interruption, des droits à
retraite complémentaire avec la déductibilité fiscale et sociale de leurs
cotisations.
Les dépenses d'assurance maladie, maternité et invalidité sont évaluées, pour
1998, à près de 33,8 milliards de francs, ce qui représente approximativement
le même montant que celui qui était prévu dans le BAPSA de 1997, compte tenu de
l'application des mesures générales de régulation des dépenses de santé.
S'agissant des crédits pour l'assurance veuvage, je confirme à M. Mouly que la
légère diminution des crédits constitue, comme il le pense, un simple
ajustement à l'évolution des dépenses constatées.
Les dépenses de prestations familiales, évaluées à 4,1 milliards de francs,
diminuent en raison de la baisse du nombre des bénéficiaires.
Je tiens à cet égard à rassurer M. Arzel et à lui préciser que la mise sous
condition de ressources des allocations familiales diminuera en 1998 cette
catégorie de dépenses du BAPSA de 70 millions de francs seulement et non de 510
millions de francs, comme il a pu le dire.
M. Alain Vasselle.
Ce sont 70 millions de francs de diminution de trop !
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Enfin des crédits de 110
millions de francs sont prévus, comme en 1997, pour financer les étalements et
les prises en charge partielles de cotisations pour les exploitants en
difficulté.
J'en viens maintenant au financement du BAPSA, tout d'abord, aux contributions
professionnelles, cotisations et CSG, puis aux ressources provenant de la
solidarité interprofessionnelle et de la solidarité nationale.
Des modifications importantes affectent les contributions professionnelles
figurant dans ce projet de BAPSA à la suite du transfert d'une partie des
cotisations maladie sur la CSG que prévoit la loi de financement de la sécurité
sociale.
Il faut distinguer les cotisations et la CSG.
Les cotisations des agriculteurs sont, depuis 1996, calculées intégralement
sur leurs revenus professionnels. Elles évoluent donc comme ceux-ci.
Les cotisations qui ne sont pas concernées par le transfert sur la CSG,
c'est-à-dire des cotisations prestations familiales, vieillesse et des
cotisations maladie qui subsistent, progressent d'environ 2 % par rapport à
celles qui sont effectivement attendues en 1997, compte tenu du niveau des
revenus agricoles en 1995 et en 1996.
A côté des cotisations, la CSG représentera dorénavant une part de plus en
plus importante du financement de notre protection sociale.
A cet égard, la majoration, en 1998, de la CSG destinée au financement de
l'assurance maladie aura des conséquences différentes pour les exploitants en
activité et pour les retraités agricoles.
Pour les premiers - les exploitants en activité - la CSG sera majorée, comme
pour les actifs des autres catégories sociales, de 4,1 points en 1998.
En contrepartie, le taux de leurs cotisations maladie sera diminué de 5,5
points. Cette baisse prend ainsi en compte les caractéristiques propres de
l'assiette de la CSG pour les agriculteurs, ce qui - je le signale à M. Arzel -
n'avait pas été le cas lors du transfert réalisé l'an dernier.
Le tiers des exploitants ayant les plus faibles revenus - inférieurs à 30 000
francs par an - bénéficieront d'un gain de pouvoir d'achat de 5 % en moyenne.
Pour la plupart des autres agriculteurs, la substitution de la CSG aux
cotisations sera neutre.
Globalement, cette opération entraînera pour les agriculteurs actifs un gain
de pouvoir d'achat de 140 millions de francs.
J'ai cependant bien noté l'observation de MM. Seillier et Mouly sur l'effet de
ce transfert pour un certain nombre de jeunes agriculteurs, et j'examinerai si
nous pourrons en tenir compte dans le calcul des cotisations.
A propos de ce transfert, les rapporteurs et M. Arzel ont remarqué que, pour
les exploitants agricoles en activité, la diminution des cotisations maladie
aurait dû être non de 5,5 % mais de 6,5 % pour leur assurer le même gain de
pouvoir d'achat qu'aux salariés.
Je leur répondrai, tout d'abord, que, sur les bases prévues, l'opération
entraînera globalement, en 1998, pour les agriculteurs actifs et retraités, un
gain important de pouvoir d'achat de 660 millions de francs et que celui-ci
bénéficiera aux plus modestes d'entre eux, qu'il s'agisse des actifs et des
retraités. Je ne crois pas que ce soit le grave manquement que signalait tout à
l'heure M. Arzel...
Ensuite, la disparité de traitement qui pourrait ainsi exister par rapport aux
salariés devra être examinée lors de la préparation de l'assurance maladie
universelle, réforme qui implique l'harmonisation des efforts contributifs des
différentes catégories sociales.
Les financements provenant de la solidarité interprofessionnelle et de la
solidarité nationale s'élèvent à 71,4 milliards de francs et concernent tout
d'abord les transferts de compensation démographique pour un montant de 32,5
milliards, en progression d'environ 1 % par rapport à ceux qui étaient prévus
au BAPSA de 1997 ; ensuite, les recettes de taxes, principalement celles de
TVA, pour un montant de 26,1 milliards de francs, compte tenu de la révision à
la baisse des recettes attendues en 1997 par rapport aux évaluations initiales
; enfin, les remboursements des fonds de solidarité vieillesse et invalidité
pour un montant de 3,4 milliards de francs.
Au total, la subvention du budget de l'Etat s'élèvera, après l'abondement de
500 millions de francs prévu pour financer la revalorisation des faibles
retraites, à 7 806 millions de francs contre 7 225 millions de francs dans le
BAPSA de 1997.
M. Marcel Charmant.
Très bien !
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je voudrais maintenant essayer
de répondre aux importantes questions que vous avez soulevées concernant, d'une
part, les conséquences sur le BAPSA des lois de financement de la sécurité
sociale, d'autre part, les irrégularités de gestion de la Caisse centrale de
mutualité sociale agricole et leurs incidences sur le régime agricole.
S'agissant des conséquences sur le BAPSA des lois de financement de la
sécurité sociale, je voudrais dire d'entrée de jeu que mon sentimentrejoint
celui des rapporteurs de vos deux commissions.
Il me paraît normal que le Parlement puisse, en discutant le BAPSA, continuer
de procéder à un examen particulier et approfondi des dépenses de prestations
sociales agricoles et de leur financement, notamment en raison de l'importance
des concours publics en jeu.
Pour ce qui est de la cohérence entre BAPSA et loi de financement de la
sécurité sociale, j'ai bien noté les suggestions de vos rapporteurs.
Je voudrais maintenant faire écho aux propos de M. Mouly sur l'importance du
maintien à domicile des personnes âgées.
Dans cet esprit, il a présenté, avec d'autres sénateurs, une proposition de
loi visant à permettre à la mutualité sociale agricole de faire bénéficier le
centre de soins infirmiers qui dépend d'elle de l'avantage dont bénéficient les
centres de santé du régime général, c'est-à-dire d'une subvention égale à une
partie des cotisations sociales dues pour le personnel médical.
Le maintien d'une disparité de traitement entre les centres relevant des
différents régimes ne me paraît pas, en effet, justifié. Je vais donc étudier
cette proposition sur laquelle je ne peux pas, à ce stade, donner de réponse
définitive.
Vous avez évoqué les graves irrégularité relevées par la Cour des comptes dans
la gestion de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole et vous avez
été nombreux à vous inquiéter de leurs conséquences possibles sur le régime
agricole.
Ainsi que cela a été dit, dès que j'ai eu connaissance des faits constatés par
la Cour des comptes, j'ai demandé des explications au président de la Caisse
centrale et, ne les ayant pas obtenues, j'ai suspendu, par arrêté du 7 juillet
dernier, le conseil d'administration et nommé un administrateur provisoire en
la personne de M. Babusiaux, conseiller maître à la Cour des comptes.
Celui-ci a pris rapidement les mesures d'urgence nécesaires au redressement de
la caisse centrale.
A la suite de la démission des membres du conseil d'administration survenue en
octobre, l'assemblée générale de la mutualité sociale agricole se réunira
demain pour élire un nouveau conseil d'administration. Il aura dorénavant la
responsabilité de poursuivre l'effort de redressement et d'assurer le
fonctionnement régulier de la Caisse centrale.
Par ailleurs, afin que des abus tels que ceux qu'a constatés la Cour des
comptes ne puissent se reproduire, les textes concernant notamment les
contrôles sur la Caisse centrale et ses relations avec ses partenaires seront
modifiés. Le Parlement en sera donc saisi.
Le projet de BAPSA que je vous présente ce soir, monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, marque, je le répète, un effort résolu pour
revaloriser les plus faibles retraites. Je souhaite le poursuivre pour parvenir
à assurer aux deux millions d'anciens agriculteurs et agricultrices le niveau
de retraite qu'ils méritent. J'ai bien entendu ce qui a été dit dans cet
hémicycle.
C'est dans cet esprit que je vous demande d'adopter ce projet de BAPSA.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen, du RDSE et de l'Union
centriste.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le budget
annexe des prestations sociales agricoles et figurant aux articles 32 et 33 du
projet de loi.
Services votés
M. le président.
« Crédits : 92 100 627 785 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 32, au titre des services
votés.
(Ces crédits sont adoptés.)
Mesures nouvelles
M. le président.
« II. - Crédits : 942 372 215 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits inscrits au paragraphe II de l'article 33, au
titre des mesures nouvelles.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
En accord avec la commission des finances, j'appelle maintenant en discussion
l'amendement n° II-31, tendant à insérer un article additionnel après l'article
62
quater.
Article additionnel après l'article 62 quater