M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Monsieur le Premier ministre, en provoquant la rupture du dialogue social et en imposant une loi-cadre sur les trente-cinq heures, vous venez de prendre une décision aux effets ravageurs pour notre pays.
Cette mesure autoritaire, appliquée de manière uniforme, ne va pas manquer d'affaiblir gravement les entreprises françaises dans la compétition internationale. Il suffit d'entendre vos amis Tony Blair et Gerhardt Schroeder pour s'en convaincre. Pour eux, cette décision archaïque va immanquablement disqualifier la France dans la guerre économique entre pays développés.
Peu importe si les études faites et refaites par tous les organismes économiques sur les trente-cinq heures débouchent depuis des années sur des conclusions sinon négatives, du moins vagues ou contradictoires. (« C'est faux ! » sur les travées socialistes.)
En tout état de cause, la réduction généralisée de la durée du travail à trente-cinq heures se traduira, que vous l'acceptiez ou non, par une baisse des revenus des salariés. Alors, cessez de leur faire croire qu'ils n'auront pas de perte de salaire ! (Protestations sur les mêmes travées.)
De leur côté, les entreprises ont fait leurs comptes. Les plus fragiles déposeront leur bilan. Celles qui vont se créer préféreront s'installer ailleurs et les seuils de dix à vingt salariés que vous voulez introduire vont définitivement les dissuader d'embaucher.
Ce sont surtout les PME qui seront touchées de plein fouet par cette mesure. Or les petites et moyennes entreprises jouent un rôle considérable dans l'économie française. Elles sont 2 300 000, emploient les deux tiers des salariés du secteur productif, assurent plus de la moitié de la production française et réalisent près de la moitié des investissements productifs. Elles sont aussi, et surtout, le terreau des emplois de demain. C'est donc sur elles que repose l'essentiel de l'équilibre social et économique de notre pays, et c'est elles que vous allez sacrifier. (Exclamations sur les travées socialistes.)
La loi-cadre sur les trente-cinq heures, l'abandon du plan textile, la surtaxe de 10 % de l'impôt sur les sociétés pour les entreprises qui réalisent plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires, le relèvement des taux d'intérêt et la baisse des crédits accordés aux PME dans le projet de budget pour 1998 sont autant de mesures qui vont fragiliser les PME et entraîner une aggravation de la précarité dans notre pays.
M. René-Pierre Signé. Arrêtez !
M. Philippe Richert. La réduction de la durée du travail librement négociée, entreprise par entreprise, en fonction de leurs possibilités, et que vous semblez d'ailleurs découvrir brusquement, eût été beaucoup plus souhaitable. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
C'est la raison pour laquelle nous vous demandons solennellement, monsieur le Premier ministre, de revenir sur votre décision. Les dégâts sont déjà considérables. (Protestations sur les travées socialistes.) Si vous persistez, vous porterez la très lourde responsabilité de mener l'économie française et la France sur la voie du déclin. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants. - Exclamations sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, je ne suis pas sûre que vous soyez bien informé de l'ensemble des sujets que vous avez traités (« C'est exact ! » sur les travées socialistes.) Aussi vais-je essayer de vous apporter quelques informations complémentaires. (Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - Applaudissements sur les travées socialistes.)
Un sénateur socialiste. Il faut tout leur expliquer !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous serez amenés, dans quelques jours, à examiner le projet de budget et vous verrez que les crédits destinés aux PME... (Exclamations sur les travées du RPR.)
J'essaie tout simplement d'apporter une information, parce qu'il me semble important, avant le vote du budget, que le Sénat soit informé. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Les crédits accordés aux PME, disais-je, sont en progression, qu'il s'agisse de l'aide à l'innovation et à la créativité, du capital risque ou de l'accès aux nouvelles technologies de l'information par exemple,...
M. René-Pierre Signé. Vous n'avez rien compris, messieurs !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... ou encore des apports de capitaux aux entreprises qui se créent.
En ce qui concerne la durée du travail, je crois que nous pouvons en parler, puisque nous avons tous échoué sur le chômage.
M. René-Pierre Signé. Eux surtout !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous avons tous échoué parce que nous avons trop attendu de la croissance et du traitement social.
Aujourd'hui en France, de manière pragmatique, nous essayons d'ouvrir de nouvelles pistes, de travailler sur les emplois de demain.
Nous avons évoqué les nouveaux besoins à propos du projet de loi relatif aux nouvelles activités et aux nouveaux emplois. Nous réfléchissons aussi à la capacité de réduire la durée du travail pour créer des emplois, sans porter atteinte à la compétitivité des entreprises, comme M. le Premier ministre l'a dit à plusieurs reprises. (« On verra ! » sur les travées du RPR.)
Cette dernière année, mille entreprises ont déjà signé des accords. (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. René-Pierre Signé. Continuons !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je ne veux pas croire que mille chefs d'entreprises ont signé des accords qui portent atteinte à leur compétitivité. Au contraire, ils ont signé ces accords pour être plus réactifs par rapport à leurs clients, pour garder de la souplesse dans l'organisation de leur travail, bref pour être mieux placés par rapport à la mondialisation.
Notre projet est souple, d'abord, car nous avons deux ans et demi pour négocier.
Notre projet est souple, ensuite, parce qu'il ne s'adresse pas aux plus petites des entreprises.
Notre projet est souple, également, car il aide les entreprises qui vont aller plus vite et plus loin.
Notre projet est souple, enfin, puisque nous ne définirons les mesures du passage aux trente-cinq heures au 1er janvier qu'après avoir dressé un bilan sur les accords, mais aussi sur l'état et la situation économique de notre pays à la fin de l'année 1999.
M. René Régnault. Très bien !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur Richert, je vous donne rendez-vous dans un an.
M. Philippe Richert. Ah !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous dites, je le note, qu'aujourd'hui ce projet est ravageur, qu'il nous disqualifie, que nous sacrifions notre pays. (Exclamations sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
Je rencontre tous les jours des chefs d'entreprise qui me disent le contraire. (Protestations sur les mêmes travées.)
Nous verrons, messieurs les sénateurs. Vous aviez les mêmes réactions à l'égard de la loi Robien et vous avez vu ce qu'elle a donné !
Nous verrons dans un an, nous ferons le bilan ensemble.
Nous verrons alors si les Italiens, les Néerlandais et les Belges, qui nous ont devancés dans ce processus, ont eu tort de le faire. Nous verrons si les Espagnols, qui viennent d'annoncer qu'ils allaient réduire les heures supplémentaires, se trompent.
Vos amis, en Autriche, aux Pays-Bas et en Espagne se posent les mêmes questions que nous !
Nous ne serons pas les seuls à rester en arrière, nous ne voulons pas échouer sur le chômage. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
MESURES CONCERNANT LES PERSONNES HANDICAPÉES