M. le président. « Art. 8. - Par dérogation aux articles 10 et 11 de la loi n° 83-557 du 1er juillet 1983 portant réforme des caisses d'épargne et de prévoyance, les mandats des membres des conseils consultatifs et des conseils d'orientation et de surveillance des caisses d'épargne, en fonction à la date de promulgation de la présente loi, sont prorogés jusqu'au 1er mars 1999. »
Sur l'article, la parole est à M. Marini.
M. Emmanuel Hamel. Quelle chance nous avons là !
M. Philippe Marini. Il s'agit là d'un article fort intéressant, monsieur le ministre.
Il nous est proposé, à la suite d'un amendement présenté par le Gouvernement à l'Assemblée nationale, de repousser la date de renouvellement des mandats des membres des conseils consultatifs et des conseils d'orientation et de surveillance des caisses d'épargne.
L'exposé des motifs de cet amendement précisait que l'objectif à atteindre était d'entrer dans une phase active de redéfinition juridique du réseau des caisses d'épargne.
Vous savez que la commission des finances du Sénat a beaucoup travaillé sur ces sujets, notamment dans le cadre du rapport piloté avec une grande maestria par M. Lambert et qui s'intitulait Banques, votre santé nous intéresse . Nous avions tâché d'établir un panorama complet du secteur financier et bancaire de notre pays, et notamment approché les questions concernant les réseaux de nature spécifique.
Plus tard, notre collègue M. Lambert a déposé une proposition de loi concernant la rénovation et la restructuration du statut juridique des caisses d'épargne.
Que vous vous engagiez dans une telle direction ne peut - une fois n'est pas coutume, semble-t-il - que susciter l'approbation, même si, naturellement, nous serons là encore très vigilants quant à la nature même de ce que vous serez amené à proposer, car la nécessité d'une réforme est claire.
Cela dit, cette réforme doit être menée, selon nous, de telle sorte que les caisses d'épargne conservent leur spécificité, mais soient ouvertes au vent de la concurrence et puissent participer à celle-ci à armes égales, mais aussi à devoirs égaux. C'est l'idée générale qui anime le plus souvent mes collègues de la majorité au sein de la commission des finances, et nous souhaitons bien sûr que la réforme que vous étudierez s'inscrive dans ce cadre général.
Toutefois, monsieur le ministre, je voudrais vous dire qu'à la lecture de cet article j'ai éprouvé une petite surprise. Je sais bien que le domaine de la loi et celui du règlement sont clairement définis. Je pense néanmoins qu'il y aurait peut-être une anomalie à repousser la date de renouvellement des conseils consultatifs et des conseils d'orientation et de surveillance des caisses d'épargne sans repousser également la date de renouvellement des instances centrales, en particulier du conseil de surveillance et, surtout, du directoire du centre national des caisses d'épargne.
Des échéances sont assez proches. Il serait peut-être déséquilibré de renouveler le directoire alors que les conseils d'orientation et de surveillance et les conseils consultatifs seraient maintenus dans leur composition actuelle jusqu'au 1er mars 1999.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous préciser vos intentions à ce sujet et nous confirmer que la situation de l'ensemble du réseau sera gelée de bas en haut et de haut en bas de sorte que la sérénité la plus complète prévale au sein de ce groupe au moment où la concertation s'engagera sur les conditions et sur les objectifs d'une réforme aussi importante ?
M. le président. La parole est à monsieur Angels.
M. Bernard Angels. L'article 8, qui prévoit le report des élections aux conseils consultatifs et aux conseils d'orientation et de surveillance des caisses d'épargne et la prorogation des mandats de leurs membres jusqu'au 1er mars 1999, doit permettre que la réforme des statuts des caisses d'épargne se fasse dans la sérénité et la concertation. Je crois donc que c'est une très bonne mesure.
Du fait de la transformation du monde bancaire français et de la nouvelle donne européenne, une évolution du statut des caisses d'épargne et de leur rôle dans l'économie de notre pays apparaît en effet nécessaire.
Mais cette évolution ne peut aboutir à la banalisation de cette institution, qui est le premier interlocuteur financier des Français, avec 40 millions de comptes gérés.
En effet, contrairement à ceux qui sont de fervents partisans de la banalisation, nous pensons que, plus que jamais, notre pays a besoin de conserver le caractère spécifique de ces établissements financiers, dont la finalité n'est pas le profit, mais l'intérêt général, et qui peuvent ainsi concourir à réduire la fracture sociale.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Bernard Angels. La réforme des statuts permettra aux caisses d'épargne de renforcer leur développement dans le respect des valeurs inscrites dans la loi de 1983, que je rappelle : la promotion et la collecte de l'épargne ; le développement de la prévoyance en vue de la satisfaction des besoins familiaux et collectifs ; l'utilisation de leurs ressources au profit de l'économie sociale et locale, en liaison avec les collectivités territoriales ; la primauté de leur rôle dans le financement du logement social et dans l'aménagement du territoire.
Nous sommes nombreux à partager ces valeurs, même au-delà de la majorité gouvernementale. Je sais que c'est dans ce sens que se fera la réforme.
Le groupe socialiste approuve donc cet article, qui permet de lancer la concertation dans de bonnes conditions. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Jean Cluzel, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, à qui la référence à la loi de 1983 doit rappeler quelque chose, puisqu'il en fut le rapporteur. (Sourires.)
M. Jean Cluzel, rapporteur. Cet article est effectivement à la fois opportun et raisonnable. M. Marini a posé une question que nous avions nous-mêmes soulevée en commission des finances.
Comme il s'agit d'une organisation à deux niveaux, s'il y a report des élections pour le premier niveau, les effets doivent concerner également le second niveau. Nous serions heureux, monsieur le ministre, que vous nous confirmiez que notre interprétation est la bonne.
Je veux rappeler que le Sénat a, dans l'élaboration des deux réformes de 1983 et de 1991, pris toute sa part, et sa légitime part. Nous pouvons vous assurer, monsieur le ministre, qu'il prendra la même part dans l'élaboration de la prochaine réforme.
La commission est donc favorable à l'adoption de cet article.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je veux remercier le Sénat de l'approbation qui se manifeste sur toutes les travées - Mme Beaudeau s'est elle-même exprimée tout à l'heure - sur la proposition qui est faite par le Gouvernement. Je crois en effet que c'est la sagesse. Ce réseau a besoin d'une réforme et elle ira dans le sens de l'adaptation de ce grand réseau à la concurrence non seulement française mais aussi internationale.
J'ai bien entendu ce que M. Angels disait des préoccupations qui sont celles de son groupe. Le Gouvernement a évidemment l'intention d'en tenir compte.
Une question précise a été posée par M. Marini et reprise par M. le rapporteur. Il va sans dire que ce qui relève du domaine de la loi, c'est le report des élections qui vous est soumis aujourd'hui ; mais il convient évidemment que l'ensemble de la pyramide reste en l'état pendant la réforme.
L'objectif est simple. Une campagne électorale au sein des caisses d'épargne prend plusieurs mois, et ce n'est évidemment pas alors le moment de discuter avec les différents partenaires de l'organisation de la réforme. La campagne électorale pour les organismes centraux est moins virulente mais elle existe aussi, et elle aurait les mêmes effets un peu dévastateurs sur une concertation sereine.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement vous propose de « geler » - le terme est satisfaisant - la situation de haut en bas et de bas en haut, comme vous l'avez dit, monsieur Marini.
Le froid règne sur les caisses d'épargne et, jusqu'au 1er mars 1999, nous conserverons donc les structures qui sont en place aujourd'hui !
Avec votre concours - et je vous remercie, monsieur le rapporteur, d'avoir à l'avance indiqué que le Sénat, qui a déjà beaucoup travaillé sur le sujet, notamment M. Lambert, nous l'apporterait - la réforme devrait pouvoir être présentée au Parlement, avec un peu de chance, au printemps prochain. Dans ces conditions, tout sera en ordre pour qu'elle puisse être mise en place et que des élections, telles qu'elles seront définies par ladite réforme - et de toute façon il y aura bien, d'une manière ou d'une autre, des élections - puissent être organisées au mois de mars 1999.
Je remercie le Sénat de son approbation.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté.)
M. le président. Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l'objet de la nouvelle lecture.
Vote sur l'ensemble