ACCORD EUROPÉEN AVEC LA SLOVÉNIE
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 388, 1996-1997)
autorisant la ratification de l'accord européen établissant une association
entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, agissant dans le
cadre de l'Union européenne, d'une part, et la République de Slovénie, d'autre
part.
Rapport n° 422 (1996-1997).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des
affaires européennes.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur,
mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui vous est maintenant
présenté a pour objet d'autoriser la ratification de l'accord d'association
entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la
République de Slovénie, d'autre part. Cette ratification est justifiée par les
dispositions de compétence nationale qui figurent dans cet accord, fondé sur
l'article 238 du traité de Rome et sur l'article 98 du traité CECA. Cet accord
a déjà été ratifié par quatre Etats membres de l'Union européenne. Il se
substituera à l'accord de commerce signé le 5 avril 1993.
Mesdames, messieurs les sénateurs, un double processus d'élargissement de
l'Union européenne et de l'OTAN, s'ouvrira dans les mois à venir. La Slovénie
fait de sa participation à ce double mouvement un axe majeur de sa politique.
Cela répond, de manière légitime, au double souci de sécurité et d'affirmation
de son originalité d'un pays issu de l'ex-Yougoslavie et désireux de
concrétiser son ancrage européen.
L'adoption d'un mandat de négociation pour l'accord d'association, finalement
acquise sous présidence française en mars 1995, puis sa signature, une fois
l'accord paraphé, se sont heurtées, vous le savez, à de grandes difficultés. En
accédant à l'indépendance, dans un climat marqué par la fin de la guerre
froide, la Slovénie a retrouvé l'héritage de son passé. Derrière les
contentieux italo-slovènes qui ont retardé l'aboutissement de l'accord
d'association, ce sont en réalité les conditions offertes en Slovénie aux
Italiens expulsés de l'ex-Yougoslavie à la fin de la Seconde Guerre mondiale
qui étaient en jeu. L'acceptation d'un compromis a ouvert la voie à la
signature, le 10 juin 1996, de l'accord d'association. Cet accord n'a été que
récemment ratifié par le parlement slovène.
Ces difficultés, pour réelles qu'elles soient, ne doivent pas occulter le
remarquable consensus existant sur le modèle que la société slovène s'est
donné, celui d'une démocratie parlementaire, d'une économie de marché, d'une
société ancrée dans l'Europe. Le chemin parcouru en ce sens et le développement
considérable des relations entre la Slovénie et l'Union européenne, notamment
sur le plan commercial, manifestent, sans conteste, la vocation de ce pays à
l'adhésion. Ainsi, en 1996, plus de 67 % des importations de la Slovénie
provenaient de l'Union européenne, tandis que 57 % des exportations de ce pays
étaient destinés aux Etats membres. La Slovénie est devenue, parmi les pays
d'Europe centrale et orientale, le quatrième partenaire de la France, avec des
échanges croissants et marqués, il faut le souligner, par un excédent en notre
faveur. Cela a favorisé le développement sans heurts de relations politiques
bilatérales fructueuses.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la présentation de ce texte, qui sera suivi
des projets de loi autorisant la ratification des accords d'association avec
les trois Etats baltes, m'amène à vous présenter, de façon sommaire, les
préoccupations essentielles du Gouvernement s'agissant de l'élargissement de
l'Union européenne.
Dès le mois de décembre, le Conseil européen de Luxembourg devra prendre les
décisions nécessaires pour lancer le processus d'élargissement, sur la base des
avis et de l'Agenda 2000 présentés par la Commission le 16 juillet 1997.
Quelles que soient les décisions qu'arrêtera le Conseil à propos de l'ouverture
pratique des négociations d'adhésion, l'objectif le plus fondamental, pour la
France, sera de confirmer le caractère continu et évolutif de ce processus
d'élargissement, qui concerne, selon nous, tous les candidats. Le projet de
conférence européenne présenté par le Gouvernement français s'inscrit dans
cette optique.
La fixation de clauses de rendez-vous annuelles constituera également un
élément important. L'évaluation de l'avancement de la préparation de chacun des
candidats à l'adhésion que la Commission présentera périodiquement au Conseil
pourra déboucher sur une recommandation d'ouverture au fur et à mesure des
négociations. Enfin, le processus d'élargissement comprendra la mise en place
d'une stratégie renforcée de préparation à l'adhésion.
Comme vous le savez, le Gouvernement estime également nécessaire que soient
bien comprises, dès à présent, nos préoccupations s'agissant des réformes
institutionnelles. Parce que nous souhaitons l'élargissement, et un
élargissement réussi, nous considérons que, avant la réalisation du premier
élargissement, devront être réalisées les réformes institutionnelles qui
garantiront le bon fonctionnement de l'Union dans l'avenir. Il est de l'intérêt
même des pays candidats d'entrer dans une Europe qui fonctionne, dans une
Europe qui soit capable de prendre des décisions.
Dans cette optique, le Conseil européen devra prendre en décembre une décision
sur la question de l'ouverture des négociations avec la Slovénie, recommandée
par la Commission. En tout état de cause, la ratification de l'accord
d'association permettra à la Slovénie de bénéficier pleinement de la stratégie
de pré-adhésion renforcée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le contenu de cet accord d'association ne
diffère qu'à la marge de celui des autres accords européens conclus
antérieurement.
L'entrée en vigueur de l'accord d'association permettra la mise en place d'un
dialogue politique, dans le cadre multilatéral et selon les formes et pratiques
établies avec les pays associés d'Europe centrale.
Cet accord, comme les autres accords d'association, tend à créer une zone de
libre-échange, réalisée de manière asymétrique sur une période de six ans.
Outre des dispositions de nature commerciale, il prévoit aussi des mesures
visant à faciliter la circulation des travailleurs et des capitaux. Il prévoit
également l'application, par la Slovénie, des règles de concurrence prévues par
le traité. Le volet commercial de l'accord d'association est d'ores et déjà mis
en oeuvre de manière provisoire dans le cadre d'un « accord intérimaire pour le
commerce et les mesures d'accompagnement », entré en vigueur le 1er janvier
1997.
Par ailleurs, et comme pour les autres accords, une vaste coopération
économique, technique et culturelle est instituée.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle l'accord
européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs
Etats membres, d'une part, et la république de Slovénie, d'autre part, qui fait
l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Alloncle,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, l'accord européen d'association avec la Slovénie ne diffère guère
des accords similaires conclus avec les pays d'Europe centrale et orientale. Il
tend à réaliser une zone de libre-échange entre la Slovénie et l'Union
européenne, et, plus généralement, il constitue un cadre pour le dialogue
politique et la coopération économique, culturelle et technique entre les deux
partenaires.
La Slovénie offre aujourd'hui l'image d'un pays stable, démocratique et
pacifique, qui tranche nettement avec son environnement balkanique.
Contrairement à ses anciens partenaires de la Fédération yougoslave, la
Slovénie se caractérise par un peuplement très homogène, composé à plus de 90 %
de Slovènes catholiques. L'indépendance, obtenue en juin 1991, s'est réalisée
sans heurts, dans un climat de cohésion nationale, avec un fort consensus en
faveur de l'instauration d'un régime parlementaire et démocratique.
Se tenant à l'écart du conflit yougoslave, la Slovénie a immédiatement affirmé
sa vocation européenne. Cette démarche a été rapidement couronnée de succès,
puisque ce pays a très vite intégré les différentes enceintes européennes : la
CSCE, la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, en mai 1992,
et le Conseil de l'Europe en mai 1993. Par ailleurs, il participe au
partenariat pour la paix de l'OTAN depuis mai 1992, et à l'Union de l'Europe
occidentale, l'UEO, en tant que partenaire associé, depuis l'été 1996.
La situation de la Slovénie sur la scène européenne est confortée par son
niveau de développement et les bons résultats de son économie. En effet, la
croissance économique se situe entre 3 % et 5 % par an depuis 1994, et le
budget et les paiements extérieurs sont en équilibre. Les indicateurs de niveau
de vie la placent, aujourd'hui, en tête de tous les pays d'Europe centrale et
orientale, devant la République tchèque.
Ces différents éléments font de la Slovénie l'un des candidats les plus
sérieux à l'élargissement de l'Union européenne, et c'est précisément cette
adhésion future que l'accord d'association a vocation à préparer.
On doit toutefois remarquer que la conclusion de cet accord a été retardée,
comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, par les incidences du différend
historique opposant l'Italie à la Slovénie au sujet des propriétés des Italiens
ayant quitté l'Istrie à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Un compromis a
finalement été trouvé, et le gouvernement slovène s'est engagé à rendre
possible, au terme d'une période transitoire de quatre ans, l'acquisition de
biens immobiliers par les ressortissants européens. L'accord d'association a pu
être signé au mois de juin 1996.
Son dispositif est très proche de celui des accords similaires conclus avec
les pays associés d'Europe centrale et orientale.
Ainsi, il fixe un cadre pour le dialogue politique entre la Slovénie et
l'Union européenne et comporte un important volet commercial permettant
d'établir, à l'issue d'une période de six ans, une zone de libre-échange entre
la Slovénie et l'Union européenne, un calendrier spécifique étant établi pour
l'acier, les produits textiles et les produits agricoles.
L'accord donne en outre un début d'application à certains principes
communautaires, tels que la liberté de circulation des travailleurs et,
surtout, la liberté d'établissement, la libre prestation de services et la
libre circulation des capitaux.
Enfin, une large part de l'accord est consacrée à l'énumération des domaines
de la coopération euro-slovène. En matière financière, le bénéfice des prêts de
la Banque européenne d'investissement et des crédits du programme est confirmé
à la Slovénie.
Cet accord est conçu par les deux partenaires comme une première étape
indispensable sur la voie de l'adhésion de la Slovénie à l'Union européenne.
Cet objectif est reconnu dans le préambule, et cette perspective semble
désormais se présenter sous un jour favorable : en effet, la Commission
européenne a proposé de retenir la Slovénie parmi les premiers pays appelés à
participer aux négociations d'élargissement.
Certes, l'avis de la Commission comporte des nuances. Ainsi, la libéralisation
du marché se heurte à des réticences liées tout autant à un certain attachement
au rôle de l'Etat, hérité du régime précédent, qu'à une crainte de l'ouverture
vers l'extérieur. Les tentations protectionnistes demeurent fortes, et les
modalités de privatisation laissent peu de place aux sociétés étrangères, si
bien que la faiblesse de l'investissement étranger risque de constituer un
handicap pour la modernisation de l'économie slovène.
Des efforts restent donc à accomplir pour que la Slovénie réussisse pleinement
son insertion dans l'ensemble européen et valorise ses incontestables
atouts.
Au terme de cette analyse, on peut souhaiter que cette association européenne
soit l'occasion, pour la France, de renforcer ses relations, encore trop
modestes, avec la Slovénie, dont le marché offre des opportunités de
développement très intéressantes, particulièrement pour des petites et moyennes
entreprises.
Dans cette perspective, mais aussi en raison de l'intérêt politique que
représente l'ancrage à l'Europe de ce pays jusqu'alors tourné vers les Balkans,
la commission des affaires étrangères vous propose d'adopter le présent projet
de loi.
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique.
- Est autorisée la ratification de l'accord européen
établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats
membres, agissant dans le cadre de l'Union européenne, d'une part, et la
République de Slovénie, d'autre part, fait à Luxembourg le 10 juin 1996, et
dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
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