M. le président. Je vais mettre aux voix l'ensemble du projet de loi.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Sans alourdir le débat, je souhaite, au nom du Gouvernement, remercier le Sénat pour l'intérêt et le souci d'approfondissement du travail législatif qui a été mené sur ces articles.
Je constate que le Sénat et le Gouvernement se sont trouvés d'accord sur de très nombreux points formant l'ossature de ce projet de loi : le principe de la professionnalisation bien sûr, le rôle de l'éducation nationale dans l'acquisition des notions de défense des jeunes, l'importance du recensement, le développement des préparations militaires et leur continuité avec l'entrée dans les réserves ; un accord globalement assez complet est aussi intervenu sur les mécanismes de reports.
Il reste néanmoins des différences d'appréciation sur le principe de l'examen de santé - le Gouvernement souhaite rendre possible cette formule, mais en la détachant de l'organisation militaire - sur quelques limitations de l'étendue du volontariat et de son statut, ainsi que sur le contenu précis de la journée de préparation à la défense.
Le travail effectué aujourd'hui par le Sénat a été très constructif. Le Gouvernement nourrit l'espoir que la suite des échanges législatifs permettra de déboucher sur une solution pleinement acceptée par les deux assemblées.
M. le président. La parole est à M. Calmejane, pour explication de vote.
M. Robert Calmejane. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de ce débat, nous ne pouvons que regretter une fois de plus l'abandon du précédent projet de loi, qui était beaucoup plus ambitieux et qui tirait fidèlement les conséquences du projet de réforme de nos armées, voulu par le Président de la République, M. Jacques Chirac.
En effet, comme l'a rappelé notre excellent rapporteur, le présent projet de loi, s'il ne remet certes fondamentalement en cause - en apparence du moins - aucun des aspects majeurs de la réforme du service national engagée pour tirer les conséquences de la professionnalisation des armées, procède en réalité, à bien des égards, d'une logique radicalement différente du projet de loi précédent. Il en est ainsi de l'appel de préparation à la défense, très en recul au regard des précédents objectifs du rendez-vous citoyen, ou encore des contours du volontariat, qui répondent désormais à la seule logique de l'emploi et non plus à celle de la générosité.
De même, nous ne pouvons que regretter les ambiguïtés sur lesquelles repose le texte et qui tiennent en grande partie, comme cela a déjà été souligné, d'une part, aux difficultés pour leurs auteurs d'envisager le nouveau service national sans nostalgie du passé et, d'autre part, aux contradictions qui sous-tendent certaines de ces dispositions.
En conséquence, le groupe du RPR approuve la démarche constructive de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ainsi que les modifications apportées par la Haute Assemblée ; ces modifications sont cohérentes avec les mesures adoptées lors de l'examen du précédent projet de loi et contribuent ainsi à améliorer un texte essentiel pour notre défense et notre jeunesse.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RPR votera ce projet de loi tel qu'il a été amendé.
M. le président. La parole est à M. Trucy.
M. François Trucy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis s'inspire certes fortement du précédent projet de réforme du service national, mais il est, à nos yeux, moins ambitieux et quelquefois moins cohérent.
La commission et son rapporteur, M. Serge Vinçon, ont fourni un excellent travail pour tenter de corriger certaines erreurs de conception du projet de loi initial, sans toutefois parvenir à un résultat pleinement satisfaisant, selon nous.
Monsieur le ministre, les réponses que vous vous êtes efforcé d'apporter aux nombreuses questions que soulève ce texte n'ont pas permis de dissiper toutes les inquiétudes des membres du groupe des Républicains et Indépendants.
Votre attitude positive et compréhensive, que nous saluons, ne doit pas pour autant masquer les lacunes du projet de loi.
Que penser, en effet, de l'efficacité et du coût d'une Rencontre armées-jeunesse réduite à quelques heures ?
Quel sera le réel contenu d'un enseignement de la défense confié à la seule éducation nationale, dont ce n'est pas la mission naturelle et dont certains membres peuvent aujourd'hui se montrer réticents à le dispenser ?
Que deviendront les volontariats civils dont la définition précise est renvoyée à un futur projet de loi et qui semblent se confondre avec les emplois-jeunes ?
Qu'adviendra-t-il, enfin, de cette période de transition qui conditionne pourtant le succès de la réforme ?
Voilà autant de questions essentielles demeurées sans réponse malgré les efforts méritoires de la commission et de son rapporteur.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, la suspension de la conscription est un acte majeur, non seulement pour notre jeunesse, mais aussi pour la nation tout entière. Elle constitue un véritable choix de société qui dépasse les seuls intérêts militaires et budgétaires. A ce titre, elle mériterait mieux qu'une réforme incomplète qui ne garantit ni le maintien de l'esprit de défense ni la préservation du lien entre l'armée et la jeunesse.
Enfin, le service national participait directement à la cohésion sociale.
Organiser une seule journée au nom d'économies budgétaires espérées, se contenter de recenser les jeunes gens, abandonner l'enseignement de l'esprit de défense à l'éducation nationale, substituer la logique des emplois-jeunes à la générosité des volontariats, c'est oublier le rôle social qu'ont joué jusqu'à ce jour les armées de la République.
Pour toutes ces raisons, la majorité des membres du groupe des Républicains et Indépendants, bien qu'elle approuve la réforme dans son principe, s'abstiendra sur ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Delanoë.
M. Bertrand Delanoë. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de notre débat sur le même sujet, au mois de mars dernier, j'avais tenu, par-delà nos différences, à saluer la qualité de nos échanges de points de vue, d'informations et de jugements tant au sein de la commission que dans l'hémicycle.
Le même état d'esprit a prévalu aujourd'hui et, comme en mars dernier, le président de la commission et le rapporteur y sont pour beaucoup.
L'actuel ministre de la défense a contribué fortement, par sa qualité d'écoute des divers points de vue, par le respect profond qu'il a témoigné de tous les avis et par l'ouverture d'esprit dont il a fait preuve dans la recherche de solutions communes, à nous faire avancer. Voilà pour le climat !
Sur le fond, le fait que, sur ces sujets essentiels, nous soyons plus proches aujourd'hui qu'il y a quelques mois est bon pour le pays et bon pour la défense nationale.
Que ce projet, par rapport au texte précédent, ait évolué, tout en restant dans le cadre de la professionnalisation, que, quoi qu'en pensent certains collègues, aient été mieux pris en compte, notamment, un certain nombre d'aspects de la défense du territoire et des intérêts vitaux, qu'ait été mieux pris en compte ce qui prépare le nouveau lien armée-nation dans le cadre d'une défense nationale dont l'armée est professionnalisée, que des nouveaux jalons aient été posés pour inventer cette relation entre l'ensemble des citoyens et la préoccupation de défense, que cela devienne effectivement pour tous les citoyens une préoccupation très importante, tout cela constitue un grand progrès.
Bien qu'appartenant à la minorité du Sénat, je considère que le travail qu'a effectué la majorité de la commission a été constructif. Si je ne la suis pas sur un certain nombre de points - on en a débattu largement, je n'y reviens pas - elle n'a pas changé la nature, le sens du projet.
Voilà pourquoi, n'étant pas d'accord avec un certain nombre d'amendements qui ont été adoptés - c'est la loi de la majorité ! - nous ne pourrons pas voter le projet de loi tel quel. Pour autant, nous nous garderons bien de voter contre, car l'esprit est sauf.
M. le rapporteur avait employé l'expression « comportement constructif » ; je dirai que nous aurons une abstention constructive.
Je veux remercier tous ceux qui ont contribué à faire réellement progresser la prise de position de la représentation nationale sur un sujet qui sera majeur dans les années à venir.
Nous aurons d'autres rendez-vous sur ce sujet. Je l'ai dit, il faudra voir alors comment le dispositif se met en oeuvre, quelles sont les difficultés rencontrées, y compris celles auxquelles aucun de nous n'a pu penser, et, à l'aune de ces résultats, des objectifs que nous partageons, faire évoluer encore cette préparation des jeunes citoyens au sentiment de défense.
Enfin, j'espère aussi que nos aurons d'autres rendez-vous pour faire participer, tous les citoyens, de tous âges, à ce sentiment collectif de défense.
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Après avoir félicité notre excellent rapporteur, je me contenterai de dire que le groupe du RDSE, à la quasi-unanimité, votera le projet de loi et que, à titre personnel, pour les raisons que j'ai exposées en m'exprimant sur l'article 5, je ne participerai pas au vote.
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. J'avais, en mars dernier, voté contre le projet de loi soutenu par M. Charles Millon ; je ne puis, hélas ! monsieur le ministre, quelle que soit la sympathie personnelle que je vous porte - si vous me permettez publiquement de l'évoquer - que voter contre le projet de loi que vous soumettez aujourd'hui au Sénat.
Je rappelle à votre jeunesse, qui n'a connu ni la guerre, ni la défaite, ni l'Occupation, que la France a tragiquement payé, au xixe et au xxe siècle, par l'insuffisance de son effort de défense, l'incapacité de ses armées à faire face aux menaces le jour où elles s'exprimaient, venant du Rhin ou d'ailleurs.
L'idée que je me fais de la patrie, le sentiment que j'éprouve que la chute du mur de Berlin ne supprime pas les menaces qui peuvent venir de l'Est, la conscience que nous devons tous avoir que d'autres menaces peuvent venir du sud de l'Europe et de la Méditerranée, voire de plus loin, le risque qui pourrait naître pour la République, pour la paix civile, d'une armée professionnelle sans conscription, sans service national, le souci que j'ai d'accélérer, d'intensifier les procédures d'intégration de ces jeunes d'origine étrangère qui ont acquis notre nationalité, mais qui ne sont pas réellement français et qui auraient pu le devenir plus facilement s'ils avaient passé quelques mois de leur vie sous les plis du drapeau, tout cela me crée le devoir voter contre un texte dangereux peut-être, à terme, pour la paix civile, dangereux pour la sécurité nationale et qui prive la France du rayonnement plus grand qu'elle pourrait avoir sans conteste dans le monde si elle cessait de refuser de porter son effort de défense au niveau nécessaire à sa sécurité.
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le service national a été pendant des siècles un élément essentiel de la cohérence de notre pays et la marque de sa volonté de se prémunir contre tous les risques. A l'instant même, M. Hamel a d'ailleurs rappelé combien la structure du service national était indispensable à notre pays.
Mais, aujourd'hui, nous n'avons pas à discuter du maintien ou non du service national. La réforme des armées a été avalisée ; nous avons voté la suppression du service national tel qu'il existait.
Maintenant, nous avons à trouver les nouvelles modalités du lien qui doit exister entre les jeunes et la nation, à faire en sorte que ce moment fort dans la vie de notre jeunesse puisse être sauvegardé et à définir les meilleurs perspectives possibles.
Je veux, moi aussi, relever la qualité exceptionnelle du travail qui a été mené par la commission, notamment par son rapporteur et son président.
Le texte qui nous est proposé vise très largement à atteindre les objectifs qui nous ont été fixés. C'est donc bien volontiers que le groupe de l'Union centriste le votera.
Cela étant, bien sûr, nous resterons vigilants dans les autres domaines qui concernent la défense. En particulier, il ne faudra pas oublier que, dans le cadre de la réforme, les moyens qui ont été définis l'ont été strictement, en fonction des objectifs, et il faudra faire en sorte qu'aucun crédit, qu'aucun moyen ne manque, car ce serait attenter au système de défense de notre pays que de le permettre.
M. le président. La parole est à M. Vigouroux.
M. Robert-Paul Vigouroux. Comme d'autres avant moi, je veux remercier l'ensemble des participants pour la sérénité et le sérieux de leurs interventions, sérénité et sérieux qui caractérisent d'ailleurs notre assemblée.
Dans notre groupe, on le sait, la liberté de vote est la règle. Bernard Joly a exprimé l'opinion de la majorité du groupe ; on me permettra d'exprimer l'opinion d'une autre partie.
Il est parfois difficile de faire comprendre au public que l'on s'abstient parce que l'on est pour. Mais c'est pourtant bien parce que le texte a été trop amendé sur certains points que, alors que je suis pour, avec d'autres je m'abstiendrai. Il n'empêche qu'aujourd'hui nous aurons fait des progrès.
M. le président. La parole est à M. Habert. M. Jacques Habert. Ce projet de loi fait une large place aux Français expatriés, dont il reconnaît la spécificité et la particularité. Il tient compte, à tous égards, de leur situation et prévoit, notamment, l'intervention du Conseil supérieur des Français de l'étranger et de son bureau permanent.
Nous remercions le président et le rapporteur de notre commission de la défense et des forces armées ; les amendements qu'ils ont présentés étaient tout à fait judicieux ; nous les avons votés.
Nous vous remercions aussi, monsieur le ministre, pour votre compréhension et votre modération.
Pour toutes ces raisons, les sénateurs non inscrits, unanimes, voteront le texte tel qu'il ressort des travaux du Sénat.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
M. Emmanuel Hamel. Je vote contre.
(Le projet de loi est adopté.)8