SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Démission de membres de commissions et candidatures
(p.
1
).
3.
Réglementation comptable et publicité foncière.
- Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture (p.
2
).
Discussion générale : MM. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances
; Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois ; Philippe Marini,
rapporteur pour avis de la commission des finances.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er. - Adoption (p.
3
)
Article 2 (p.
4
)
Amendements identiques n°s 1 de la commission et 4 de M. Marini, rapporteur
pour avis. - MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, le ministre. -
Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
Article 3. - Adoption (p.
5
)
Article 6 (p.
6
)
Amendements identiques n°s 2 de la commission et 5 de M. Marini, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, le ministre. - Adoption des deux amendements rédigeant l'article.
Articles 7, 11, 17
bis
et 18
bis.
- Adoption (p.
7
)
Article 19 (p.
8
)
Amendement n° 3 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Adoption du projet de loi.
Suspension et reprise de la séance (p. 9 )
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
4.
Nomination de membres de commissions
(p.
10
).
5.
Prochain renouvellement des conseillers généraux.
- Adoption d'un projet de loi (p.
11
).
Discussion générale : MM. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur ; Christian
Bonnet, rapporteur de la commission des lois ; Alain Dufaut, Guy Allouche, Ivan
Renar, Jacques Larché, président de la commission des lois ; Michel Mercier.
PRÉSIDENCE DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
M. le ministre.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er (p. 12 )
MM. Guy Allouche, le ministre.
Adoption de l'article.
Articles 2 et 3. - Adoption (p.
13
)
Vote sur l'ensemble (p.
14
)
M. Paul Blanc.
Adoption du projet de loi.
6.
Transmission d'une proposition de loi organique
(p.
15
).
7.
Dépôt de propositions d'acte communautaire
(p.
16
).
8.
Ordre du jour
(p.
17
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
DÉMISSION DE MEMBRES DE COMMISSIONS
ET CANDIDATURES
M. le président.
J'ai reçu avis de la démission de M. Robert-Paul Vigouroux comme membre de la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Le groupe intéressé a fait connaître à la présidence le nom du candidat
proposé en remplacement.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à
l'article 8 du règlement.
J'ai reçu avis de la démission de M. André Vallet comme membre de la
commission des affaires économiques et du Plan.
J'invite en conséquence le groupe intéressé à faire connaître à la présidence
le nom du candidat proposé en remplacement.
J'informe le Sénat que le groupe du Rassemblement démocratique et social
européen a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour
siéger à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, en remplacement de
François Giacobbi, décédé.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à
l'article 8 du règlement.
3
RÉGLEMENTATION COMPTABLE
ET PUBLICITÉ FONCIÈRE
Adoption d'un projet de loi
en deuxième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi
(n° 189, 1996-1997), modifié par l'Assemblée nationale, portant réforme de la
réglementation comptable et adaptation du régime de la publicité foncière.
[Rapport n° 230 (1996-1997) et avis n° 257 (1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean Arthuis,
ministre de l'économie et des finances.
Monsieur le président, messieurs
les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le Sénat aborde aujourd'hui
la deuxième lecture d'un projet de loi très attendu par les investisseurs, par
les entreprises et par les professionnels de la comptabilité. Nous avons
longuement débattu de ses enjeux, qui sont parfaitement rappelés dans les
excellents rapports de M. Hyest, au nom de la commission des lois, et de M.
Marini, au nom de la commission des finances.
Permettez-moi de remercier MM. les rapporteurs pour la très grande qualité du
travail accompli et pour l'enrichissement certain qu'ils ont apporté à la
rédaction de ce texte, à sa pertinence juridique et à sa lisibilité.
Les échanges qui se sont déroulés dans cet hémicycle et à l'Assemblée
nationale ont permis, comme il est normal dans le débat démocratique,
l'expression de toutes les opinions et de toutes les sensibilités. Ils ont
surtout servi à affûter notre argumentation et à cerner très précisément nos
objectifs. En cela, les débats parlementaires constituent, avec le texte des
rapports, une précieuse clé de lecture.
A l'issue de ces lectures, vos commissions vous proposent aujourd'hui
d'adopter conformes seize articles sur dix-neuf. En fait, l'essentiel de la
discussion que nous devons encore avoir porte sur l'article 6, qui permet de
dispenser certaines sociétés de la présentation des comptes consolidés telle
qu'elle résulte des articles 357-3 à 357-8 de la loi du 24 juillet 1966 sur les
sociétés commerciales. Je vais donc concentrer mon propos sur cet article et
sur les modifications que vos rapporteurs entendent y apporter.
Quel but visons-nous au travers de ce dispositif dérogatoire ? Il s'agit bien
de prendre en compte les besoins des entreprises françaises, qui sont
confrontées de manière constante à la mondialisation de l'économie en ce
qu'elles mobilisent des ressources financières hors du territoire national.
Dans ce contexte, il apparaît nécessaire et urgent de disposer, au plan
interne, d'une capacité à valider les règles comptables internationales. Cette
faculté permettra d'autoriser certaines entreprises françaises qui lèvent des
fonds sur les marchés de capitaux étrangers à utiliser un langage comptable
mondialement reconnu.
L'unicité de la présentation des comptes permet, en effet, aux entreprises de
collecter des ressources à un moindre coût, donc d'accroître leur
compétitivité. Au surplus, elle donne aux investisseurs étrangers désireux de
prendre des participations dans ces sociétés des informations pertinentes et
comparables.
Les débats ont montré le consensus qui existait sur cet objectif. Ils ont
porté sur les frontières et la définition juridique du champ d'application de
cette dérogation à la présentation des comptes.
En première lecture, le Sénat a préféré la notion de négociation sur un marché
financier étranger à celle d'appel à l'épargne pour identifier les sociétés
françaises susceptibles de bénéficier de la dérogation. En outre, il a permis
au comité de la réglementation comptable, le CRC, de déterminer les conditions
d'application des normes qu'il proposera à l'homologation ministérielle, de
manière à éviter tout risque de vagabondage comptable. Le Gouvernement avait
accepté cette rédaction judicieuse.
Lors de la première lecture, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements
qui restreignent le champ d'application de la dérogation, contre l'avis et
l'analyse du Gouvernement.
Le premier excluait les marchés de gré à gré en précisant que les marchés
financiers étrangers visés au premier alinéa de l'article étaient organisés et
réglementés.
Je m'étais opposé à cette formulation. Vos rapporteurs me paraissent partager
cette appréciation. M. Hyest note à juste titre, dans son rapport, que « le
fait pour une société française de placer des billets de trésorerie sur des
marchés financiers étrangers traduit la dimension internationale du financement
de l'activité de celle-ci et justifie qu'elle puisse présenter aux
investisseurs étrangers des comptes consolidés établis selon des normes
internationales ». On ne peut être plus clair.
Le Gouvernement approuve donc totalement l'amendement du Sénat qui rétablit la
référence à la négociation sur un marché financier étranger.
Le second amendement de l'Assemblée nationale visait à inscrire, de manière
plus explicite, la préférence française pour la norme de l'
International
accounting standards committee,
l'IASC. Pour ce faire, l'Assemblée
nationale avait substitué aux termes « règles internationalement reconnues »
les termes « règles internationales », c'est-à-dire seulement l'IASC.
L'Assemblée nationale avait, par ailleurs, organisé une période transitoire
allant jusqu'au 1er janvier 1999, date théorique d'acceptation du corpus IASC
par l'Organisation internationale des commissions de valeurs mobilières, afin
de permettre aux entreprises utilisant ce référentiel US GAAP de continuer à le
faire.
La position du Gouvernement est sans ambiguïté ; je l'avais du reste exprimée
clairement, me semble-t-il, à l'Assemblée nationale. Je souhaite la réaffirmer
ici une nouvelle fois.
Sur les normes retenues, tout à l'heure, j'ai implicitement posé la question
en termes d'intelligence économique et de compétitivité des entreprises.
Dans un monde totalement ouvert, je crois qu'un corpus de règles
internationales doit exister et s'imposer à terme. C'est la raison pour
laquelle le Gouvernement français, comme la Commission de Bruxelles, regarde
d'un oeil favorable l'évolution des travaux de l'IASC et encourage leur bonne
fin.
Nous devons être conscients du fait que le dispositif actuel est encore
incomplet et que nous devrons attendre plusieurs années avant qu'il ait été
achevé.
S'agissant d'un organisme privé, il importe que les professionnels français,
les comptables comme les entreprises, s'investissent fortement dans les travaux
de normalisation. Il est bien entendu que l'interlocuteur privilégié de l'IASC
doit être le Conseil national de la comptabilité, en particulier au sein du
comité d'interprétation. J'observe que le processus est largement engagé dans
cette voie, et je m'en félicite.
Il n'en demeure pas moins que, en l'absence d'un référentiel international
complet et accepté par les principales places financières mondiales,
l'utilisation de normes du FASB ou de l'US GAAP doit encore permettre de
satisfaire les besoins de certaines entreprises françaises. J'observe de plus
que, pour certains secteurs, seules des normes FASB existent. Je pense
notamment au secteur pétrolier ou à celui des réseaux câblés. C'est la raison
pour laquelle le Gouvernement avait visé dans son texte initial les normes
internationalement reconnues.
La commission des lois et la commission des finances nous proposent une
nouvelle rédaction du texte adopté par l'Assemblée nationale, rédaction qui
distingue deux cas.
Le premier cas est celui d'un corps de règles IASC qui serait complété par
certaines règles US GAAP, homologuées par le CRC. Cette hypothèse couvre
notamment le secteur pétrolier, où seules existent les normes US GAAP.
Le second cas est celui où des règles IASC n'existeraient pas encore ou
n'auraient pas encore été homologuées. Dès lors, le CRC pourrait autoriser
l'utilisation des normes internationalement reconnues qu'il aurait homologuées
préalablement. Cette hypothèse vise la période transitoire sans pour autant
fixer de date butoir ; on ne s'enferme pas dans un calendrier.
Le Gouvernement approuve cette formulation. C'est ainsi que nous permettrons à
nos entreprises d'occuper la place qu'elles méritent dans l'économie mondiale.
C'est l'intérêt de la France, et je ne doute pas que nous le mesurerons en
termes d'emplois dans les années à venir.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes appelés à
examiner en deuxième lecture ce projet de loi qui comporte deux titres, l'un
portant réforme de la réglementation comptable, l'autre portant adaptation du
régime de publicité foncière.
Je traiterai très rapidement du titre II, puisque l'Assemblée nationale a
adopté le dispositif qui avait été voté par le Sénat en y introduisant
seulement une disposition interprétative relative à la législation applicable
en Alsace-Moselle en matière de privilège du syndic des copropriétaires.
Nous sommes toujours très sensibles à la réglementation particulière de ces
départements. Bien entendu, la commission des lois vous proposera, mes chers
collègues, de donner un avis favorable sur ce texte purement interprétatif,
sous réserve de préciser qu'il doit s'appliquer immédiatement, contrairement
aux autres dispositions concernant la modernisation comptable ou
l'informatisation des bureaux des hypothèques, qui demandent un certain délai
de mise en oeuvre.
M. le ministre a parfaitement explicité tout ce qui relève de la
réglementation comptable.
S'agissant de la nouvelle composition du CRC, il n'y a pas de divergence entre
l'Assemblée nationale et le Sénat. Le texte qui sort des travaux de l'Assemblée
nationale ne pose pas de problèmes, si ce n'est, bien entendu, qu'il prévoit
que siègent à ce comité un membre du Conseil d'Etat et un conseiller à la Cour
de cassation.
Nous préférons dire que la Cour de cassation est également représentée par
l'un de ses membres, qui ne sera pas forcément un conseiller.
Bien entendu, le problème majeur, qui portait sur l'un des objets principaux
du texte, demeure. Il concerne les comptes consolidés des sociétés qui font
appel à l'épargne sur un marché financier étranger.
La formule qui avait été trouvée par le Sénat était parfaitement cohérente.
Vous avez relevé, monsieur le ministre, l'importance économique que ces
dispositions revêtent pour les entreprises françaises et pour leur rayonnement
à l'étranger.
Dans cette perspective, continuer d'obliger ces sociétés à consolider leurs
comptes selon les règles françaises, d'une part, et les normes FASB
aujourd'hui, IASC demain, d'autre part, n'est pas satisfaisant et risque de
nuire à la crédibilité même des comptes consolidés.
C'est pourquoi vous avez proposé, et nous l'avons retenu, que ces sociétés
aient la possibilité de consolider leurs comptes selon des normes
internationalement reconnues.
Dans notre esprit, cela recouvrait, bien entendu, à la fois les normes
internationales quand elles existeront - les normes de l'IASC - et, ainsi que
vous l'avez dit, soit à titre supplétif soit à titre complémentaire, les normes
FASB.
Un débat intéressant a eu lieu à l'Assemblée nationale sur le sujet, mais, à
mon avis, en dehors du véritable objet du texte.
Il faut en effet rappeler que toutes ces normes seront contrôlées par le
comité de la réglementation comptable, puisque seules seront utilisables les
normes qu'il aura validées. J'indique au passage que l'obligation de traduction
en français, rappelée par l'Assemblée nationale, nous semblait aller de soi
sans qu'il fût besoin de l'inscrire dans la loi. Si tel n'était pas le cas,
nous aurions alors à mentionner cette obligation dans bien des lois !
J'en reviens au fond.
L'Assemblée nationale, comme le Gouvernement, comme nous tous d'ailleurs,
souhaite que des normes comptables internationales puissent s'appliquer dans
les meilleurs délais. Nous savons que les organismes chargés de les établir
sont très actifs en la matière. Le Gouvernement affirme que l'élaboration de
ces normes devrait être achevée avant 1999. Cela me paraît un peu irréaliste.
De surcroît - comme vous l'avez dit tout à l'heure, monsieur le ministre -,
dans certains secteurs, il n'y aura pas de règles internationales. Il faudra
donc bien accepter alors des règles internationalement reconnues.
C'est pourquoi nous proposerons au Sénat de retenir tout à la fois les règles
internationales et les règles internationalement reconnues, ces dernières
pouvant intervenir soit en complément des règles de l'IASC, soit, le cas
échéant, à titre exclusif, faute de règles internationales.
Sans être en opposition avec l'Assemblée nationale, nous pensons que le
dispositif doit être assez souple pour permettre aux sociétés qui interviennent
sur les marchés financiers étrangers d'être suffisamment efficaces.
Quant à l'obligation de cotation sur un marché organisé ou réglementé, qui a
été introduite par l'Assemblée nationale, elle ne me paraît pas pertinente. Là
aussi, il faut retenir une formule plus large qui vise la négociation sur un
marché financier étranger sans renvoyer à des notions à la fois restrictives et
non définies. Il ne faut pas risquer d'empêcher les sociétés qui en ont besoin
de présenter des comptes consolidés selon des normes pertinentes au regard de
leurs sources de financement.
Aussi la commission des lois vous proposera-t-elle à l'article 6, mes chers
collègues, d'adopter un amendement important, allant dans le sens, souhaité par
tous, d'un large usage des règles comptables internationales ou, à défaut,
internationalement reconnues, afin de faciliter l'accès des sociétés françaises
aux marchés financiers étrangers dans de bonnes conditions.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Marini.
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, ce texte est important pour nos entreprises,
important pour les professions de la comptabilité. A vrai dire, ces professions
ne l'ont attendu que trop longtemps.
Il résulte d'une initiative prise par M. le ministre de l'économie et des
finances voilà environ un an, mais le calendrier parlementaire a été tel que la
navette ne s'est pas déroulée à un rythme suffisamment rapide.
C'est la raison pour laquelle, avant d'aborder le fond, je formulerai une
remarque sur l'inadéquation de nos procédures parlementaires à certaines
matières.
Il n'y a pas si longtemps, M. le président de la commission des lois, M.
Jacques Larché, s'est exprimé sur l'opportunité de prévoir une législation en
commission. Je crois qu'il a infiniment raison...
M. Jean Arthuis,
ministre de l'économie et des finances.
C'est très juste !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
... s'agissant de pans entiers de notre législation
économique, financière, fiscale et comptable, pour ne parler que des secteurs
de compétences de la commission des finances.
Procéder ainsi ne serait pas, à l'évidence, dessaisir le Parlement, bien au
contraire ! Ce serait accélérer l'examen des textes et, paradoxalement,
permettre que s'impliquent dans cet examen plus de collègues concernés que ce
n'est le cas dans le cadre de nos règles traditionnelles d'examen des
textes.
Je crois bon, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu'a l'occasion d'un
commentaire sur ce texte, qui en arrive à sa version définitive, de me livrer à
cette incursion dans le domaine de la pratique des institutions.
Enfin, je voudrais souligner, toujours sur le plan de la méthode, que la
commission des finances et la commission des lois ont travaillé main dans la
main, de manière tout à fait convergente et confiante. Ce travail d'équipe est,
à l'évidence, une nécessité pour tous les sujets qui concernent le droit
économique et financier ainsi que le droit de l'entreprise.
M. Jean Arthuis,
ministre de l'économie et des finances.
Bien sûr !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Si j'évoque ainsi la législation future qui
interviendra dans les mois prochains, c'est parce que je veux faire allusion à
la place des comptes consolidés dans la législation sur les sociétés
commerciales. En effet, nous faisons aujourd'hui un premier pas qui permettra à
terme l'approbation des comptes consolidés par les assemblées générales des
sociétés mères des groupes.
Si nous n'adoptions pas aujourd'hui le présent texte, nous nous trouverions
dans une position beaucoup plus fragile pour faire progresser les comptes
consolidés en termes de force patrimoniale et de force juridique.
C'est bien par une démarche commune aux juristes et aux financiers que doit
être défini le futur cadre juridique, le cadre compétitif des sociétés
commerciales françaises. Le droit des sociétés doit en effet être modernisé,
rénové à partir de notre loi, plus que trentenaire, sur les sociétés
commerciales, la loi du 24 juillet 1966.
Ce partenariat devra se poursuivre sur tous sujets concernant la comptabilité,
le rôle des commissaires aux comptes, les obligations auxquelles ils sont
soumis, la définition des compétence en matière de rapports spéciaux aux
assemblées générales, les critères de compétences liés à de ces rapports
spéciaux, mais aussi, plus généralement, sur tout ce qui a trait au droit des
valeurs mobilières et des relations entre le droit boursier et le droit des
sociétés commerciales.
Revenons-en maintenant à l'objet plus précis du texte qui nous est soumis et,
plus particulièrement, au point qui fait encore l'objet d'une divergence entre
l'Assemblée nationale et le Sénat.
J'ai constaté avec plaisir, monsieur le ministre, que les analyses de nos
commissions sont également les vôtres et que le fonctionnement du bicamérisme a
permis d'améliorer très substantiellement ce texte, de le rendre concrètement
utilisable par les entreprises pour lesquelles il est conçu.
Je rappellerai moi aussi d'un mot que le débat suscité par l'article 6 porte
tout à la fois sur le champ d'application d'une dérogation et sur la portée de
cette même dérogation.
En ce qui concerne le champ d'application, nous avons estimé que l'Assemblée
nationale n'était pas tout à fait réaliste en voulant limiter ladite dérogation
aux émissions faites à l'étranger sur les seuls marchés réglementés ou
organisés.
Il n'existe pas, en effet, de définition juridique des marchés organisés,
a
fortiori
pas de définition internationale.
Quant à la notion de marché réglementé, tout ce que nous pouvons en dire,
c'est qu'elle s'applique à un marché reconnu comme tel par les pouvoirs
publics, conformément à une directive européenne. S'agissant d'émissions ou de
recours à des procédés financiers hors de l'Europe, la notion de marché
réglementé ne peut donc avoir de contenu précis.
Dans ces conditions, tout en comprenant l'objectif de la modification
introduite par l'Assemblée nationale - c'est-à-dire interdire à des sociétés
dont les titres, par exemple de simples billets de trésorerie, comme le
rappelait M. le rapporteur, seraient occasionnellement négociés sur une place
étrangère de bénéficier de ce seul fait de la dérogation pour l'établissement
de leurs comptes consolidés -, nous estimons qu'il n'est pas atteint par la
rédaction de l'article 6 qui nous est soumise ; c'est pourquoi, avec la
commission des lois, nous proposons une rédaction légèrement différente.
Il convient de s'en tenir à la notion de marché financier étranger, qui
recouvre aussi bien les marchés de pur gré à gré que les marchés organisés et,
bien sûr, les marchés réglementés, qu'ils soient européens ou non.
S'agissant maintenant de la portée de la dérogation, force nous est de prendre
en compte une certaine réalité, que d'aucuns jugent d'ailleurs déplaisante :
nous vivons dans un monde où l'on est conduit à se procurer de l'argent là où
il existe des capitaux disponibles et où, par conséquent, les capitaux
circulent. Or, dans ce monde, nos normes comptables ne sont pas les seules à
s'appliquer, loin s'en faut.
Il nous faut néanmoins apporter à nos entreprises la sécurité juridique
nécessaire.
C'est pourquoi nous proposons, là encore avec la commission des lois, de
permettre l'utilisation de règles comptables internationalement reconnues,
adoptées, après avoir été traduites en français, par le Comité de la
réglementation comptable, mais de ne permettre cette utilisation qu'en
complément de règles internationales ou à la place de ces règles tant qu'aucun
corps de règles internationales n'est adopté.
La première hypothèse vise certains secteurs pour lesquels, vraisemblablement,
des règles internationales ne seront pas adoptées, l'industrie pétrolière, par
exemple. La seconde hypothèse vise le cas envisagé par l'Assemblée nationale
dans le paragraphe II de l'article 6. A l'heure actuelle, les normes
internationales élaborées par l'IASC, que vous avez évoquées, monsieur le
ministre, ne forment pas un corps complet de règles. Ce corps de règles ne
verra le jour probablement qu'à compter de 1999. Dans l'intervalle, il y a donc
lieu d'ouvrir une période transitoire et d'autoriser, parce qu'il n'existe pas
d'autre solution, les sociétés françaises qui le souhaitent à utiliser les
règles américaines, sous réserve que le CRC les ait validées.
Monsieur le ministre, en adoptant ce texte et en permettant aux groupes qui en
ont besoin de recourir aux marchés financiers internationaux sans s'astreindre
à tenir des doubles comptes consolidés, selon les normes françaises pour
satisfaire les autorités françaises, comme ils le font aujourd'hui de manière
tout à fait artificielle, et selon les normes internationales ou
internationalement reconnues pour faire face aux besoins d'information du
public et des investisseurs étrangers qui sont sollicités, étant entendu que
cette redondance comptable a en outre un coût, nous contribuerons à l'essor des
entreprises françaises.
Loin d'être défensive, notre démarche est, en l'occurrence, conforme à cet
esprit de conquête qui anime le Président de la République lorsqu'il se rend un
peu partout dans le monde pour défendre les entreprises françaises,
l'exportation française et l'internationalisation des grands acteurs de notre
économie.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles
est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas
encore adopté un texte identique.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. _ Il est institué un Comité de la réglementation comptable qui
établit les prescriptions comptables générales et sectorielles.
« Toute personne physique ou morale soumise à l'obligation légale d'établir
des documents comptables doit respecter les règlements du Comité de la
réglementation comptable.
« Les personnes morales de droit public soumises aux règles de la comptabilité
publique sont exclues du champ d'application du présent titre. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
M. le président.
« Art. 2. _ I. _ Le Comité de la réglementation comptable comprend :
« _ le ministre chargé de l'économie ou son représentant, président ;
« _ le garde des sceaux, ministre de la justice, ou son représentant,
vice-président ;
« _ le ministre chargé du budget ou son représentant ;
« _ un membre du Conseil d'Etat, désigné par le vice-président de celui-ci, et
un conseiller à la Cour de cassation, désigné par le premier président de
celle-ci ;
« _ le président de la Commission des opérations de bourse ou son représentant
;
« _ le président du Conseil national de la comptabilité ;
« _ cinq professionnels membres du Conseil national de la comptabilité, à
savoir le président du Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables et
le président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes ou leur
représentant, et trois membres du conseil représentant les entreprises, nommés
par arrêté du ministre chargé de l'économie. Les trois membres représentant les
entreprises ont des suppléants nommés dans les mêmes conditions.
« II. _
Non modifié. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 1 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission des
lois.
L'amendement n° 4 est déposé par M. Marini, au nom de la commission des
finances.
Tous deux tendent, dans le cinquième alinéa du paragraphe I de cet article, à
remplacer les mots : « un conseiller à la Cour de cassation, désigné par le
premier président de celle-ci » par les mots : « un membre de la Cour de
cassation, désigné par le premier président de celle-ci et le procureur général
».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 1.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Comme je l'ai indiqué précédemment, l'Assemblée nationale a
complété la composition du Comité de la réglementation comptable en prévoyant
qu'un membre du Conseil d'Etat et un conseiller à la Cour de cassation
devraient y siéger.
Il conviendrait, dans un souci de parallélisme, de prévoir plutôt la
désignation d'un « membre » de la Cour de cassation : ainsi, ce pourrait être
éventuellement un représentant du parquet spécialiste de ces questions. Bien
entendu, dans ces conditions, il doit être désigné par le premier président de
la Cour de cassation et par le procureur général.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n°
4.
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Notre amendement a strictement le même objet, et je
ne saurais l'exposer mieux que ne l'a fait M. le rapporteur de la commission
des lois lui-même.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Arthuis,
ministre de l'économie et des finances.
Le Gouvernement est favorable à
ces amendements, car la rédaction initiale était effectivement restrictive.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 1 et 4, acceptés par le
Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, ainsi modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
M. le président.
« Art. 3. _ Le Comité de la réglementation comptable adopte ses règlements au
vu des recommandations ou après avis du Conseil national de la comptabilité. »
(
Adopté.
)
Article 6
M. le président.
« Art. 6. _ I. _ Il est inséré, dans la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur
les sociétés commerciales, un article 357-8-1 ainsi rédigé :
«
Art. 357-8-1
. _ Les sociétés dont les titres sont admis aux
négociations sur un marché réglementé en France ou dans un État de la
Communauté européenne et sont négociés sur un marché financier étranger,
organisé et réglementé, sont dispensées de se conformer aux règles comptables
prévues aux articles 357-3 à 357-8 pour l'établissement et la publication de
leurs comptes consolidés dès lors qu'elles utilisent, dans les conditions
fixées par le Comité de la réglementation comptable, des règles
internationales, acceptées sur ces marchés et adoptées par un règlement du
Comité de la réglementation comptable. Ce règlement en comporte la traduction
intégrale en français. »
« II. _ Jusqu'au 1er janvier 1999, les sociétés mentionnées à l'article
357-8-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 précitée peuvent utiliser, dans
les conditions fixées par cet article, des règles internationalement reconnues.
»
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission des
lois.
L'amendement n° 5 est déposé par M. Marini, au nom de la commission des
finances.
Tous deux tendent à rédiger comme suit cet article :
« Il est inséré dans la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés
commerciales un article 357-8-1 ainsi rédigé :
«
Art. 357-8-1.
- Les sociétés dont les titres sont admis aux
négociations sur un marché réglementé de la Communauté européenne et sont
négociés sur un marché financier étranger sont dispensées de se conformer aux
règles comptables prévues pour les articles 357-3 à 357-8 pour l'établissement
et la publication de leurs comptes consolidés dès lors qu'elles utilisent, dans
les conditions fixées par le Comité de la réglementation comptable, des règles
internationales traduites en français et adoptées par un règlement du Comité de
la réglementation comptable.
« Le Comité de la réglementation comptable peut décider que les sociétés
visées à l'alinéa précédent peuvent utiliser, en complément de ces règles
internationales et dans les conditions qu'il fixe, des règles
internationalement reconnues qu'il adopte dans les conditions fixées à cet
alinéa. En l'absence d'un corps de règles internationales adoptées dans ces
conditions, il peut décider que ces sociétés peuvent utiliser, dans les
conditions qu'il fixe, dès règles internationalement reconnues qu'il adopte
dans les mêmes conditions. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 2.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Il s'agit là de l'amendement le plus important puisque
l'article 6 a fait l'objet de divergences d'appréciation entre l'Assemblée
nationale et le Sénat.
Il convient d'abord de rappeler que le champ d'application du texte comprend
les sociétés dont les titres sont négociés sur un marché réglementé de la
Communauté européenne et sur un marché financier étranger.
Nous avons expliqué que la notion de marché financier étranger devait
s'entendre dans un sens large car, à prévoir trop de restrictions, le
dispositif ne trouverait plus véritablement à s'appliquer.
Bien entendu, nous visons le même objectif que l'Assemblée nationale : il
s'agit de faire en sorte que les normes américaines ne s'appliquent qu'à titre
transitoire et de manière subsidiaire, car nous souhaitons que des règles
internationales soient adoptées le plus rapidement possible.
Cela étant, il nous paraît dangereux de fixer une date butoir. En outre, et
cela a été dit à plusieurs reprises, il apparaît que certains secteurs ne
seront pas couverts par des règles internationales et qu'il sera donc
nécessaire de pouvoir utiliser alors des règles internationalement reconnues.
C'est pourquoi il convient de faire mention à la fois des règles
internationales et, à titre complémentaire ou supplétif, des règles
internationalement reconnues.
Ce dispositif est conforme à ce que nous avions prévu en première lecture, qui
me paraissait plus clair. Mais, puisqu'il semble nécessaire d'apporter des
précisions formelles, nous le faisons par cet amendement, qui s'inscrit dans la
structure souhaitée par l'Assemblée nationale.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n°
5.
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Je ne peux que confirmer les propos tenus voilà
quelques instants à la tribune.
Nous sommes fidèles à l'appréciation que nous avons portée en première lecture
: sur le fond, nous ne changeons pas de position. La prise en considération du
débat qui a eu lieu à l'Assemblée nationale nous conduit à préciser la
terminologie. Au passage, nous rappelons que la France fait bien partie de
l'Union européenne
(Sourires).
Et nous indiquons que les normes à appliquer sont soit les
normes internationales, lorsqu'elles existent, soit des normes
internationalement reconnues pendant une période de transition et approuvées
selon une certaine procédure faisant intervenir le Comité de la réglementation
comptable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Arthuis,
ministre de l'économie et des finances.
Je confirme que ces amendements
ont au moins deux vertus : d'une part, celle de ne plus restreindre le champ
d'application de la dérogation aux sociétés dont les titres sont cotés sur des
marchés réglementés étrangers ; d'autre part, celle d'organiser une
articulation entre l'utilisation de règles internationales et de règles
internationalement reconnues.
Le Gouvernement ne peut donc exprimer qu'un avis favorable sur ces
amendements.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 2 et 5, acceptés par le
Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 6 est ainsi rédigé.
Article 7
M. le président.
« Art. 7. _ La loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au
contrôle des établissements de crédit est ainsi modifiée :
« I. _ Au troisième alinéa de l'article 8, après les mots : "Les
règlements du Comité de la réglementation bancaire et financière", sont
insérés les mots : "ainsi que les règlements du Comité de la
réglementation comptable".
« II à VI. _
Non modifiés.
» - (
Adopté.
)
Article 11
M. le président.
« Art. 11. _ L'article 2148 du code civil est ainsi modifié :
« I. _ Le premier alinéa et le deuxième alinéa sont remplacés par un alinéa
ainsi rédigé :
« L'inscription des privilèges et hypothèques est opérée par le conservateur
des hypothèques sur le dépôt de deux bordereaux datés, signés et certifiés
conformes entre eux par le signataire du certificat d'identité prévu au
treizième alinéa du présent article ; un décret en Conseil d'État détermine les
conditions de forme auxquelles le bordereau destiné à être conservé au bureau
des hypothèques doit satisfaire. Au cas où l'inscrivant ne se serait pas servi
d'une formule réglementaire, le conservateur accepterait cependant le dépôt,
sous réserve des dispositions de l'avant-dernier alinéa du présent article.
»
« II à V. _
Non modifiés.
» - (
Adopté.
)
Article 17 bis
M. le président.
« Art. 17
bis
. _ Le dernier alinéa du C de l'article 33 du même décret
est supprimé. » - (
Adopté.
)
Article 18 bis
M. le président.
« Art. 18
bis
. _ Le deuxième alinéa de l'article 47 de la loi du 1er
juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les
départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle est complété par une
phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, le privilège spécial du syndicat des copropriétaires prévu par le
1°
bis
de l'article 2103 du code civil est excepté de la formalité de
l'inscription. » - (
Adopté.
)
Article 19
M. le président.
« Art. 19. _ Le présent titre entrera en vigueur le premier jour du sixième
mois suivant le mois de la publication au
Journal officiel
de la
République française du décret en Conseil d'Etat pris pour son application et
au plus tard le 1er janvier 1998. »
Par amendement n° 3, M. Hyest, au nom de la commission des lois, propose de
rédiger comme suit le début de cet article : « Les articles 11 à 18 de la
présente loi entreront en vigueur... ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
J'ai déjà indiqué dans la discussion générale que l'Assemblée
nationale avait adopté un article interprétatif, l'article 18
bis
, qui
vise à confirmer, dans le droit local d'Alsace-Moselle, la dispense
d'inscription du privilège des copropriétaires.
Dès lors, il faut faire en sorte que cette disposition interprétative
s'applique immédiatement en la faisant « sortir » du champ d'application de
l'article 19, qui reporte l'entrée en vigueur des dispositions relatives à la
publicité foncière pour la mise en oeuvre des nouvelles procédures
informatiques.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Arthuis,
ministre de l'économie et des finances.
Figurent effectivement dans le
titre II des dispositions dont les dates d'entrée en vigueur doivent être
différentes. Cet amendement était absolument indispensable. Le Gouvernement
remercie donc M. Hyest de l'avoir déposé et donne naturellement un avis
favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 19, ainsi modifié.
(L'article 19 est adopté.)
M. le président.
Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l'objet de la deuxième
lecture.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons
interrompre maintenant nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures quarante-cinq, est reprise à seize heures
cinq, sous la présidence de M. René Monory.)
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
M. le président. La séance est reprise.
4
nomination
de membres de commissions
M. le président.
Je rappelle au Sénat que le groupe du Rassemblement démocratique et social
européen a présenté une candidature pour la commission des affaires étrangères,
de la défense et des forces armées et une candidature pour la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :
- M. André Vallet membre de la commission des affaires étrangères, de la
défense et des forces armées, en remplacement de M. Robert-Paul Vigouroux,
démissionnaire ;
- M. Robert-Paul Vigouroux membre de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale, en remplacement de François Giacobbi, décédé.
5
prochain renouvellement
des conseillers généraux
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 241, 1996-1997)
relatif à la date du prochain renouvellement des conseillers généraux et à la
réunion de plein droit suivant le prochain renouvellement des conseillers
régionaux. [Rapport n° 251 (1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
Je note que vous êtes souvent parmi nous en ce moment, monsieur le ministre,
ce qui nous réjouit !
(Sourires.)
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
C'est aussi un grand plaisir pour moi.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, conformément aux
dispositions du code électoral, trois élections générales doivent avoir lieu en
mars 1998, à savoir le renouvellement de l'Assemblée nationale, celui des
conseils régionaux et l'élection des conseillers généraux de la série de
cantons renouvelée en 1992. Il s'y ajoute, dans la collectivité territoriale de
Corse, le renouvellement de l'Assemblée de Corse.
Seuls deux conseils généraux ne sont pas concernés par le rendez-vous de mars
1998 : il s'agit, d'une part, de celui de la collectivité territoriale de
Mayotte et, d'autre part, de celui de la collectivité territoriale de
Saint-Pierre-et-Miquelon.
Quoi qu'il en soit, la concomitance dans le même mois de trois consultations
générales est sans précédent dans notre pays. Il est clair que ces trois
élections ne pourraient se dérouler simultanément sans soulever des difficultés
matérielles extrêmement graves ni susciter des risques sérieux de confusion
dans l'esprit des électeurs.
Par ailleurs, il faut maintenir à sa date normale le renouvellement de
l'Assemblée nationale.
Tout le monde est d'accord sur ce constat, ce qui implique le report de l'une
ou des deux consultations locales, conformément à un usage qui a déjà donné
lieu à plusieurs précédents sous la Ve République. C'est sur les modalités de
ce report que se sont manifestées, ici ou là, des divergences
d'appréciation.
La prorogation de la durée du mandat d'une catégorie d'élus locaux et le
report consécutif de la date de leur élection constituent une entorse au
principe du renouvellement à intervalles réguliers des assemblées délibérantes
des collectivités locales qui résulte lui-même du principe inscrit à l'article
72 de la Constitution, selon lequel les collectivités territoriales de la
République « s'administrent librement par des conseils élus ».
Ce faisant, le législateur doit donc s'assurer qu'il n'excède pas les limites
définies par le cadre constitutionnel.
A cet égard, la jurisprudence du Conseil constitutionnel reste peu abondante.
Ce dernier, en effet, n'a été saisi qu'à cinq reprises de textes de cette
nature et les seules décisions intervenues en ce domaine sont les suivantes :
la décision du 5 janvier 1988 à propos de la loi du 8 janvier 1988 prorogeant
de six mois le mandat des conseillers généraux renouvelables en 1988 ; la
décision du 6 décembre 1990 relative à la loi du 11 décembre 1990 organisant la
concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils
régionaux ; la décision du 13 janvier 1994 concernant la loi du 18 janvier 1994
rétablissant le renouvellement triennal par moitié des conseils généraux ; la
décision du 6 juillet 1994 à propos de la loi du 15 juillet 1994 relative à la
date du renouvellement des conseillers municipaux ; enfin, la décision du 6
février 1996 relative à la loi organique de la même date relative au
renouvellement des membres de l'assemblée territoriale de la Polynésie
française.
Tout en rappelant que le législateur reste compétent pour déterminer le régime
électoral des assemblées locales, le Conseil constitutionnel a énoncé cinq
règles dont le respect conditionne la conformité de la mesure aux principes
constitutionnels.
Premièrement, le report de l'élection doit répondre à un motif d'intérêt
général ; deuxièmement, il doit revêtir un caractère exceptionnel ;
troisièmement, la durée de la prorogation du mandat doit être limitée ;
quatrièmement, le choix opéré par le législateur ne doit pas être inapproprié
aux objectifs qu'il s'est fixés ; enfin, cinquièmement, ce choix ne doit créer,
ni dans son principe ni dans ses modalités matérielles d'organisation, de
confusion dans l'esprit des électeurs avec d'autres consultations
électorales.
Mais il va de soi que le législateur doit aussi tenir compte des
circonstances. Certaines peuvent avoir un caractère permanent. Il serait, en
effet, particulièrement inopportun, par exemple, d'organiser des élections
durant les mois de juillet et d'août. D'autres tiennent à des données plus
ponctuelles. C'est ainsi, des élections doivent se tenir en septembre 1998,
pour renouveler les sénateurs de la série A. La participation de plein droit
des conseillers régionaux et généraux aux collèges électoraux sénatoriaux
exclut que des élections locales se tiennent en septembre.
Ces données de fait et ces principes m'ont conduit à solliciter l'avis du
Conseil d'Etat. L'assemblée générale du Conseil d'Etat a rendu son avis le 30
janvier dernier.
Elle n'a relevé aucun obstacle constitutionnel à deux formules d'aménagement
du calendrier : l'une consisterait à reporter les élections régionales et
cantonales au mois de juin 1998 ; l'autre maintiendrait la date des élections
régionales au mois de mars, en même temps que les élections législatives, et ne
décalerait en juin que les seules élections cantonales.
En revanche, et il est important de le souligner, le Conseil d'Etat a exprimé
les plus vives réserves à l'égard d'une solution qui impliquerait d'organiser
tout ou partie des scrutins locaux à une date postérieure à celle des élections
sénatoriales de septembre.
S'il est vrai que des prorogations de mandat d'importance comparable ont été
pratiquées dans le passé, une mesure identique, souligne le Conseil d'Etat,
aurait pour conséquence, en 1998, que participeraient aux élections
sénatoriales un certain nombre de « grands électeurs » maintenus en fonction
plusieurs mois après la fin normale de leur mandat. Elle mettrait donc en
cause, toujours selon le Conseil d'Etat, pour l'élection du Sénat,
l'application du principe du droit au suffrage garanti par l'article 3 de la
Constitution.
C'est à la lumière des observations ainsi formulées par le Conseil d'Etat que
le Gouvernement a arrêté son choix, qui consiste à vous proposer le simple
report en juin de la date des seules élections cantonales. Ce faisant, le
Gouvernement est motivé par un double souci : il souhaite, d'une part, procéder
à une modification
a minima
et, d'autre part, limiter les désagréments
et les contraintes qui peuvent en résulter pour les électeurs.
Ce dispositif est, en outre, de nature à assurer la meilleure participation
aux élections régionales, qui seraient couplées avec le rendez-vous politique
essentiel que constitue l'élection des députés.
Telles sont donc les dispositions essentielles qui sont prévues dans le
présent projet de loi et qui figurent à l'article 1er.
Les trois autres mesures mentionnées dans ce texte n'en sont que les
conséquences directes.
En deuxième lieu, le second alinéa de l'article 1er dispose que le
renouvellement ultérieur de la série des conseillers généraux affectée par le
report aura lieu en mars 2004, et ce afin de rétablir la périodicité normale
des élections cantonales.
En second lieu, l'article 2 traite de la période durant laquelle peuvent être
recueillis des fonds en vue de la campagne des candidats aux élections
cantonales, en portant la durée de cette période de douze à quinze mois.
Toutefois, afin de ne pas pénaliser les candidats ayant engagé des dépenses de
campagne dès le 1er mars 1997, comme ils étaient fondés à le faire avant que
soit décidé le report de la date des élections cantonales, il est précisé que
les comptes de campagne ne devront retracer que les dépenses engagées au cours
de l'année précédant la date effective du scrutin.
Ces dispositions ne sont que le « décalque » de celles qui ont été insérées
dans la loi du 15 juillet 1994 reportant la date des élections municipales de
1995 ; elles avaient, je le rappelle, recueilli l'aval du Conseil
constitutionnel.
En troisième lieu, le dernier article du projet de loi vise à reporter après
le second tour des élections législatives la date de la réunion de plein droit
des conseils régionaux. Au cours de cette réunion, en effet, doivent notamment
être désignés le président et la commission permanente de chaque assemblée
régionale. Il importe que ces désignations puissent s'opérer dans la sérénité,
sans possibilité d'interférence avec le déroulement de la campagne électorale
en vue du second tour des élections législatives.
Telles sont, brièvement analysées, mesdames, messieurs les sénateurs, les
dispositions du projet de loi sur lequel le Gouvernement vous invite maintenant
à délibérer.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 1998 est une année
électoralement chargée, puisque doivent se dérouler quatre scrutins. Si celui
du renouvellement du tiers du Sénat ne fait pas problème, la concomitance, en
l'état actuel du droit, en mars prochain, des trois autres scrutins -
législatif, régional et cantonal - a conduit le Gouvernement à déposer sur le
bureau du Sénat un projet de loi dans le seul but d'éviter, comme vient de
l'expliquer M. le ministre, aux municipalités les complications et aux
électeurs les confusions qui naîtraient de cette triple consultation si elle
devait avoir lieu le même jour.
Cette seule phrase suffit à comprendre qu'il s'agit d'un texte de portée
limitée - c'est une affaire de calendrier - même s'il concerne un domaine qui
ne saurait laisser indifférent dans une démocratie, celui du suffrage -, je
dirai même de portée fatalement limitée, puisqu'une modification du mode de
scrutin des élections régionales, souhaitée par nombre d'élus, n'a pu voir le
jour, faute d'avoir pu réunir le large accord souhaité par M. le Premier
ministre sur une formule alternative.
Affaire de calendrier, mais récurrente, puisque, aussi bien, la Ve République,
pour nous limiter à elle seule, a connu quatre précédents : deux du fait
d'élections législatives et deux par suite d'élections présidentielles. En 1967
et en 1973, ce fut le report du scrutin cantonal de mars à septembre pour cause
d'élections législatives. En 1988, pour cause d'élection présidentielle, ce fut
le report de ce scrutin à septembre-octobre. En 1995, ce fut le report des
élections municipales en juin.
Cette fois, l'innovation est double. D'une part, il s'agit de trois scrutins,
et non de deux. D'autre part, il s'agit, pour la première fois, d'une année de
renouvellement partiel du Sénat.
Les principes constitutionnels qui régissent la matière sont bien établis,
puisque le Conseil constitutionnel a été amené à se prononcer à plusieurs
reprises sur des reports d'élections locales. Je dis bien « locales », car un
tel problème de report ne s'est jamais posé, sous la Ve République du moins,
pour les élections législatives et il n'en n'est pas davantage question
aujourd'hui.
Le législateur, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, est fondé à
« modifier librement les règles concernant le régime électoral des assemblées
locales », sous une double réserve, à savoir que les modalités retenues ne
soient pas manifestement inappropriées aux objectifs - tel est bien le cas - et
que le droit de vote puisse s'exercer suivant une périodicité raisonnable - tel
est encore le cas. Le report de trois mois est d'ailleurs identique à celui qui
avait été prévu en 1995.
Dès lors qu'il ne peut être question de modifier la date des élections
législatives non plus que celle des élections sénatoriales, dès lors que, sauf
à s'exposer à des abstentions massives, il ne pouvait être question de
convoquer par trois fois les électeurs au suffrage direct, le seul problème
était de savoir quels scrutins seraient affectés par le report. Les cantonales
et les régionales ? Les cantonales seules ? Les régionales seules ?
Le Gouvernement a choisi, comme vous venez de l'indiquer, monsieur le
ministre, de reporter les élections cantonales de mars à juin, et il avance
pour ce faire les raisons suivantes, que je fais miennes.
Tout d'abord, il existe un précédent au couplage législatives-régionales :
celui de 1986, et aucune difficulté ne s'est fait jour.
Ensuite, les élections régionales ont un degré de politisation plus proche de
celui des élections législatives car il s'agit d'un scrutin de liste dans
lequel les appareils politiques jouent un rôle prépondérant. Les élections
cantonales sont, à l'inverse, le plus souvent, des élections de proximité, ce
qui en fait l'originalité, dominées par des enjeux fatalement locaux. Elections
de proximité, élections de personnes, pourrais-je dire également.
Enfin, les élections cantonales, à la différence des élections régionales,
n'intéressent que la moitié du corps électoral.
On eût pu imaginer de les reporter au mois d'octobre, après les élections
sénatoriales, mais, sollicité par le Gouvernement de donner un avis sur ce
point, comme vous venez de le rappeler, monsieur le ministre, le Conseil d'Etat
a estimé que cela pourrait « mettre en cause, pour l'élection du Sénat,
l'application du droit au suffrage, exprimé à l'article 3 de la Constitution
».
La chose est peut-être contestable du strict point de vue du droit. En effet,
l'article 3 dispose seulement : « Le suffrage peut être direct ou indirect dans
les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et
secret. » Par ailleurs, un conseiller général dont le mandat est prorogé de
quelques mois a toujours la même légitimité juridique. En témoigne, d'une part,
le fait que, à plusieurs reprises, des conseillers généraux dont le mandat a
été prorogé ont participé à une élection sénatoriale partielle. En témoigne,
d'autre part, le parrainage, en 1995, par des maires dont le mandat a été
prorogé, des candidats à l'élection présidentielle. Tout cela n'a fait l'objet
d'aucune contestation et, dans le second cas, d'aucune observation du Conseil
constitutionnel.
La chose est contestable mais, en matière constitutionnelle, il existe
toujours un risque, et cela explique très certainement le choix opéré par le
Gouvernement, au regret d'ailleurs de bon nombre de personnalités.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Tout à fait !
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Telles sont les raisons qui conduisent la commission à vous
proposer, mes chers collègues, d'adopter en son état actuel l'article 1er du
projet de loi.
Restent deux articles, qui ne sont que la conséquence du premier.
Tout d'abord, l'article 2, qui vise à porter de douze à quinze mois la période
pendant laquelle les candidats à l'élection du mois de juin 1998 auront pu
recueillir des fonds, les comptes de campagne ne retraçant que les dépenses des
douze mois précédant le scrutin.
Les députés se penchent actuellement sur les différents problèmes posés par le
véritable casse-tête que représente la réglementation des dépenses électorales
en son état actuel. Le président Séguin en a saisi les groupes parlementaires
de l'Assemblée nationale, et il me revient que M. Mazeaud a déposé deux
propositions de loi, l'une organique et l'autre ordinaire, dont nous aurons
très certainement à connaître au printemps.
Ensuite, l'article 3, qui prévoit que la première réunion des conseils
régionaux se tiendra le deuxième mardi suivant leur élection, dans un souci de
sérénité - je reprends le terme que vous avez employé voilà quelques instants,
monsieur le ministre -, pour éviter, précise l'exposé des motifs, « toute
interférence entre la désignation des présidents et des bureaux et la campagne
du deuxième tour des élections législatives ».
En conclusion, la commisssion vous propose, mes chers collègues, d'adopter
sans modification le projet de loi que nous a présenté M. le ministre de
l'intérieur.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 30 minutes ;
Groupe socialiste, 25 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 21 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Dufaut.
M. Alain Dufaut.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi qui nous est soumis aujourd'hui répond à un objectif simple : éviter qu'on
ne procède à trois élections en même temps, pour des raisons autant techniques
que politiques.
Bien qu'il ne s'agisse ici que de définir les modalités techniques pour les
échéances de 1998, nous touchons, M. le rapporteur l'a rappelé, à l'un des
fondements de notre démocratie, à savoir l'exercice du droit de suffrage.
En partant du problème posé par un calendrier électoral particulièrement
chargé en 1998, puisque viendra s'ajouter à l'échéance des mandats des députés,
des conseillers régionaux et de la moitié des conseillers généraux le
renouvellement de la série A du Sénat, le Gouvernement avait à choisir entre
différentes formules.
La période des élections législatives et celle des élections sénatoriales, qui
sont des échéances majeures touchant au Parlement, ne pouvant raisonnablement
pas être modifiées, ce choix portait donc inévitablement sur les élections
régionales et sur les élections cantonales.
Précisons tout de suite que la solution proposée par le Gouvernement à la
Haute Assemblée, à travers ce texte, nous paraît la plus satisfaisante, et à
plus d'un titre.
M. René-Georges Laurin.
Très bien !
M. Alain Dufaut.
Considérant qu'il n'y avait pas d'obstacle incontournable à l'organisation de
deux scrutins au mois de mars 1998 et qu'il était même souhaitable, pour des
raisons évidentes, de procéder ainsi, le couplage des élections régionales avec
les élections législatives semble le choix le plus logique.
De fait, le report des élections cantonales est préférable, au moins pour deux
types de raisons.
En premier lieu, ce scrutin ne concernera, en effet, que la moitié des
électeurs et ne nécessitera la mise en place que de la moitié des bureaux de
vote. Cela causera donc moins de perturbations et aboutira à une économie pour
les collectivités locales.
En second lieu, il est primordial que les élections cantonales, très éloignées
des grands enjeux politiques du pays, plus proches des préoccupations du
terrain, ne soient pas troublées par un degré de politisation trop sensible,
caractérisant les élections législatives. C'est un des arguments que
développait M. le président du Sénat dans un article de presse, le 7 février
dernier, avec beaucoup d'à-propos.
A cet égard, je suis profondément convaincu que l'entité départementale, dans
la gamme des institutions décentralisées de l'Etat, est plus proche du citoyen
que la région.
Il est vrai que le conseiller général, élu dans son canton, est moins soumis
aux vagues politiques nationales et tisse des liens de proximité très forts
avec ses électeurs, qui prennent bien souvent l'ascendant sur son appartenance
politique.
Les contacts fréquents que j'ai depuis 1989 avec des conseillers généraux de
toute la France, en ma qualité de secrétaire général de l'Union des conseillers
généraux de France, me confirment, si besoin était, que l'élu cantonal est
enraciné dans son territoire, surtout lorsqu'il s'agit d'un canton rural, et
que, aux yeux de ses électeurs, son étiquette politique a moins d'importance
que sa disponibilité, sa notoriété et sa présence au quotidien auprès des élus
et de la population de son canton.
Les élections régionales en revanche, de par leur mode de scrutin, à savoir un
scrutin de liste, présentent, en tout état de cause, un caractère politique
plus accusé, même si ce sont bien des élections territoriales. Mais personne ne
peut nier que, pour nos concitoyens, l'appartenance à une région est beaucoup
moins marquée que l'appartenance à un département.
Ces arguments militent par conséquent en faveur de la solution retenue par le
Gouvernement, d'autant plus qu'elle est consacrée par la pratique électorale de
notre pays, comme l'a rappelé M. le rapporteur voilà quelques instants.
Une fois le choix effectué, il est bien sûr possible de disserter longtemps
sur ses avantages et ses inconvénients. Les candidats aux élections régionales
peuvent ainsi s'inquiéter d'une politisation excessive liée à l'association
avec les élections législatives - les candidats aux élections cantonales
auraient fait de même si la situation avait été inversée. Cependant, les
conseillers généraux renouvelables seraient également en droit de s'interroger
sur les conséquences de la concomitance de deux événements majeurs. Ceux qui,
parmi mes collègues, sont les plus sportifs l'auront immédiatement compris, je
veux parler de la Coupe du monde de football en France, qui se déroulera à la
même époque l'an prochain.
Lorsque l'on constate que le coprésident du comité d'organisation de ce
Mondial 1998, Michel Platini, a rencontré en Amérique du Sud presque autant de
succès que le Président de la République française, comment ne pas s'interroger
sur les capacités des candidats à mobiliser les électeurs ?
L'organisation des élections cantonales fin septembre, selon un usage
désormais bien établi, aurait permis, involontairement sans doute, d'éviter cet
éventuel problème mais aurait ouvert un débat juridique complexe relatif aux
incidences de ce report sur le renouvellement de la série A du Sénat, comme M.
le ministre l'a rappelé fort justement à l'instant.
Au regard de ces deux arguments, force est de constater que le projet de loi
soumis aujourd'hui à l'examen du Sénat, s'il ne peut prétendre résoudre toutes
les difficultés, présente néanmoins le meilleur compromis possible pour une
année 1998 de toute manière trop chargée sur le plan du calendrier
électoral.
Permettez-moi maintenant, monsieur le ministre, de m'attarder sur l'article 2
de ce projet de loi, relatif aux modalités de mise en oeuvre de la législation
sur le financement des campagnes électorales lors du prochain renouvellement
cantonal.
Le dispositif proposé reprend celui de la loi du 15 juillet 1994 reportant de
mars à juin les élections municipales de 1995 : la perception des recettes
devra nécessairement transiter par le compte de campagne des candidats à
compter du 1er mars 1997, tandis que la comptabilisation des dépenses ne
débutera qu'au premier jour des douze mois précédant la date effective du
scrutin, soit le 1er juin 1997.
Nous le savons, la seule exception à cette règle concerne les candidats dans
des cantons de moins de 9 000 habitants, qui ne sont pas soumis aux obligations
de présentation d'un compte de campagne.
Mais, dans la majorité des cas, les candidats se heurteront aux difficultés
liées à l'absence de définition légale explicite de cette notion de dépense
électorale.
C'est ainsi, par exemple, qu'un doute persiste sur les conséquences de la
diffusion par un élu d'une publication à caractère électoral - une plaquette
cantonale, par exemple - financée par des recettes publicitaires entre le 1er
mars et le 1er juin 1997, c'est-à-dire en ce moment.
Cette action doit-elle s'analyser comme contraire aux dispositions de la loi
du 19 janvier 1995 ou comme un avantage en nature devant être inscrit au compte
de campagne du candidat ? Le Conseil d'Etat, dans un arrêt récent, se prononce
pour la seconde hypothèse, sous réserve que cette diffusion n'ait pas pour
effet de faire franchir le plafond du compte de campagne.
Mais cette décision n'a reçu, depuis, aucune confirmation. Les élus
doivent-ils, par mesure de prudence, renoncer actuellement à une telle
diffusion ? Telle est l'une des questions qui nous sont couramment posées par
les candidats renouvelables.
Il est donc souhaitable, monsieur le ministre, que des incertitudes de ce type
soient rapidement levées. Je crois savoir que certains députés se penchent
sérieusement sur le sujet et, dans l'attente du résultat de leurs travaux, je
vous remercie des précisions que vous pourrez nous fournir aujourd'hui.
Au-delà de ces légitimes demandes de clarification dans un domaine d'une
grande complexité, celui du financement des campagnes électorales, je voterai
sans modification, comme l'ensemble du groupe du RPR du Sénat, le projet de loi
que vous nous présentez opportunément cet après-midi.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE).
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'année 1998
sera une année électorale particulièrement chargée. Quatre élections doivent en
effet avoir lieu : trois au suffrage universel direct, en principe au mois de
mars selon les dispositions en vigueur, et une au scrutin universel indirect,
en septembre. Espérons que les électeurs, fortement sollicités, répondront
massivement à l'appel des urnes !
La concomitance des trois élections au suffrage universel direct - élections
législatives, élections régionales et élections cantonales - comporte de
sérieuses difficultés d'organisation matérielle des scrutins, des risques de
confusion dans l'esprit des électeurs et des interférences entre les campagnes
électorales en vue, d'une part, d'un scrutin national - les élections
législatives - et, d'autre part, d'élections qualifiées de locales que sont les
élections régionales et les élections cantonales.
Même si les modes de scrutin sont différents et si l'enjeu des campagnes
électorales n'est pas identique, toutes les élections - je tiens à l'affirmer -
ont un caractère politique évident. De ce fait, je me distinguerai de M.
Christian Bonnet qui, dans son rapport écrit, fait un sort particulier aux
élections cantonales, au motif que ce sont des élections de proximité - c'est
vrai - et que la personnalité des candidats et les enjeux locaux prennent le
pas sur les appartenances politiques.
M. Philippe de Bourgoing.
C'est vrai !
M. Guy Allouche.
Mes chers collègues, l'importance prise par les conseils généraux depuis la
décentralisation témoigne du rôle politique de cette collectivité territoriale.
A ma connaissance, un conseiller général membre du collège électoral
sénatorial, parrain potentiel d'un candidat à l'élection présidentielle, est
bien un élu politique et non l'élu d'un syndicat ou d'une organisation
professionnelle. M. Dufaut affirmait que l'appartenance régionale était moins
forte que l'appartenance cantonale mais, selon moi, il se trompe.
M. Alain Dufaut.
J'ai donné mon avis !
M. Guy Allouche.
En effet, toutes les enquêtes de l'Observatoire interrégional du politique
montrent que les Français connaissent aujourd'hui la région. Allez questionner
un habitant d'une grande ville sur ce qu'est un conseiller général et, si vous
obtenez une réponse, apportez-la moi ! Autant, je le reconnais, en milieu rural
ou semi-urbain, un conseiller général a un rôle certain, autant, dans les
grandes villes - peut-être devrais-je le regretter ? - il ne jouit pas de
l'importance qui devrait être la sienne. L'élu régional que je suis constate
que l'appartenance régionale est de plus en plus forte dans notre pays, et
c'est bien ainsi.
La volonté d'éviter les inconvénients précédemment énoncés constituerait le
seul motif d'intérêt général justifiant le report de la date des élections
locales ou de l'une d'entre elles. Or, le Gouvernement ne s'en tient pas à la
seule concomitance. En différant la première réunion de droit qui suit le
renouvellement des conseils généraux, le projet de loi modifie l'organisation
de l'institution régionale, ce qui ne se justifie ni juridiquement ni
techniquement.
C'est bien pour des raisons politiques sur lesquelles je reviendrai que le
Gouvernement propose cette modification.
Cette question du calendrier électoral et du mode de scrutin régional est un
véritable casse-tête pour le Gouvernement et sa majorité. Entre les adeptes de
la représentation proportionnelle à un tour, avec prime majoritaire régionale,
et les sectateurs de la représentation proportionnelle à deux tours, inspirée
du système municipal, entre les thuriféraires des élections cantonales en
octobre et les défenseurs d'un couplage des élections régionales et des
élections cantonales, aucun compromis n'a pu être trouvé.
Mes chers collègues, dois-je rappeler ici que les membres de la formation
politique à laquelle j'ai l'honneur d'appartenir ont clairement affirmé leur
préférence pour un mode de scrutin régional avec une prime majoritaire, afin
que se dégage une majorité ?
Nous avons pu constater qu'il n'en était pas de même dans toutes les
formations politiques démocratiques et républicaines de ce pays. C'est la
raison pour laquelle aucun compromis n'a pu être trouvé entre les composantes
de la majorité.
Las de ces tergiversations, le Premier ministre a tranché dans le vif au point
de mécontenter grandement l'UDF, formation majoritaire dans les régions ; cette
dernière s'inquiète - je cite l'un de ses leaders - de prendre de plein fouet
le « vote sanction » des élections législatives. Ce même responsable parle
aussi d'une « erreur politique fondamentale ». Il en fait une question de
principe, considérant que la région est un échelon administratif et que, «
partisans de la décentralisation, les élus UDF ne peuvent pas le laisser
escamoter pour des raisons d'opportunité électorale ».
Si l'UDF proteste tant contre ces propositions, c'est que l'enjeu est de
taille. Il a surtout pour fondement politique la volonté de l'autre composante
de la majorité de rééquilibrer à son avantage le partage des présidences de
régions, largement dominées par l'UDF.
Pour atteindre cet objectif, le mouvement de M. Juppé...
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
C'est le RPR !
M. Guy Allouche.
C'est le RPR ? Cela m'avait échappé !
(Sourires.)
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Cela m'étonnerait de vous !
M. Guy Allouche.
J'ai dit « M. Juppé », et non « M. le Premier ministre ». J'ai distingué la
fonction de président d'un parti de celle de Premier ministre !
M. Claude Estier.
Il est président du RPR !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Le mouvement de M. Juppé, c'est le RPR !
M. Guy Allouche.
Mais si vous nous rassurez sur ce point, j'en conviens ! Cela m'avait échappé.
Je vous remercie de me l'avoir rappelé, monsieur le ministre !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je m'étonne que de telles choses puissent vous
échapper !
M. Guy Allouche.
M. le Premier ministre, par ailleurs président du RPR, compte donc sur la
composition d'un maximum de listes communes à la faveur d'une concordance de
temps avec les élections législatives, car il serait difficilement concevable
que la majorité adopte deux stratégies le même jour : l'union aux élections
législatives et la division aux élections régionales. En d'autres termes, le
RPR veut, en quelque sorte, ficeler et tenir l'UDF.
(M. le ministre s'exclame.)
J'en veux pour preuve la position de M. Fourcade, qui a été connue le 13
mars dernier : M. Fourcade, ancien vice-président du conseil régional
d'Ile-de-France, a déclaré non seulement qu'il n'était pas d'accord avec les
propositions contenues dans ce projet de loi, mais aussi que, craignant que des
listes communes ne connaissent l'échec, il voulait, comme quelques-uns de ses
amis, la constitution de listes séparées dans toutes les régions. Je vous
renvoie aux déclarations de M. Fourcade, mes chers collègues.
M. René-Georges Laurin.
Mais de quoi se mêle-t-il ?
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Il veut s'inscrire au RPR !
M. Guy Allouche.
Pour ceux qui douteraient de mes propos, je tiens ici à leur disposition la
dépêche rendant compte de cette déclaration.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Mais il se peut que M. Fourcade ait changé d'avis ! On a le droit de changer
d'avis !
M. Guy Allouche.
Cher monsieur Ceccaldi-Raynaud, je n'ai pas lu de dépêche nous informant que
M. Fourcade a changé d'avis. Peut-être êtes-vous son avocat, mais je ne le
crois pas !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Il ne m'a pas constitué !
(Sourires.)
M. Guy Allouche.
Sans vouloir anticiper sur le débat que nous aurons en deuxième lecture, je
dirai que nous avons appris l'intention de l'une des composantes de la
majorité, à l'Assemblée nationale, de déposer deux amendements : l'un tendant à
la modification du mode de scrutin régional, l'autre visant à découpler les
élections régionales et les élections législatives.
A propos du premier d'entre eux, je dirai qu'une réforme du mode de scrutin
régional ne se fait pas par voie d'amendement. Une réforme aussi importante
doit faire l'objet d'une proposition de loi ou d'un projet de loi et ne peut
résulter d'un simple amendement. Qui plus est, si amendement en ce sens il
devait y avoir, ce serait à mes yeux un « cavalier », car il serait hors
sujet.
Monsieur le ministre, le Gouvernement a-t-il arrêté définitivement sa position
sur la réforme du mode de scrutin régional, compte tenu du débat qui nous est
annoncé à l'Assemblée nationale ?
Par ailleurs, nous avons appris que, suite aux difficultés d'adoption du
budget en Haute-Normandie et en région d'Ile-de-France, un dispositif serait
proposé - une arme de procédure - permettant d'avoir un budget voté même en
l'absence de majorité absolue. D'ailleurs, M. Mazeaud, président de la
commission des lois de l'Assemblée nationale, a déposé une proposition de loi
en ce sens. Il s'agirait d'un vote de défiance constructive à l'image de ce qui
a été prévu pour l'exécutif de l'assemblée de Corse qui jouit, comme chacun le
sait ici, d'un statut tout particulier.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Très particulier !
M. Guy Allouche.
Merci de m'approuver, monsieur Ceccaldi-Raynaud !
Sur ces deux points, il serait bon que M. le ministre éclaire la Haute
Assemblée en nous faisant part des intentions du Gouvernement.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je vais vous éclairer, monsieur Allouche.
M. Guy Allouche.
Merci, monsieur le ministre, vous serez bien bon !
Au regard des principes constitutionnels, le report des élections locales ne
soulève aucune difficulté, et M. le rapporteur a fort opportunément rappelé les
précédents en la matière. Il n'en demeure pas moins que les justifications
avancées pour modifier le calendrier électoral en conservant la simultanéité
d'une consultation nationale et d'une élection locale ne résistent guère à
l'analyse.
De plus, aucune raison décisive n'apparaît de reporter l'une plutôt que
l'autre des élections locales. Cela prouve que le choix opéré par le
Gouvernement, et approuvé par la commission des lois, procède d'une analyse
strictement politique. C'est également l'objet de l'article 3 du projet de
loi.
Comme l'ont dit tant M. le ministre que M. Hoeffel, en commission, et M. le
rapporteur, ce que l'on vise, au travers de ce dispositif, c'est la sérénité.
Naturellement, nous souhaitons tous que les scrutins et les installations des
assemblées territoriales se déroulent dans la sérénité !
Mais on nous dit aussi que c'est pour éviter une interférence entre la
campagne en vue du second tour des législatives et la désignation des
présidents de conseils régionaux que la première réunion des nouveaux conseils
régionaux aura lieu le mardi qui suit le deuxième tour des élections
législatives.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
C'est vrai !
M. Guy Allouche.
Que ce soit au premier ou au second tour, dès l'instant que nous couplons deux
élections de nature et d'enjeu différents, il y a nécessairement interférence.
Nous savons dès à présent, monsieur le ministre, que la campagne pour les
élections législatives prendra le pas sur celle des élections régionales.
Aussi, pour éviter ce que l'article 3 prétend corriger, n'y aurai-il pas lieu
de fixer les élections régionales avec le deuxième tour des élections
législatives ? Cele ne nécessiterait aucune modification du code général des
collectivités territoriales, et la réunion des conseils régionaux aurait lieu
le premier vendredi qui suit le renouvellement. Ainsi, on pourrait éviter cette
modification.
En fait, la raison est autre. Ayant fait le choix de coupler les élections
régionales avec le premier tour des élections législatives, le Gouvernement,
pas toujours sûr du comportement de sa majorité
(Exclamations sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains
et Indépendants),
craint que des accords peu orthodoxes passés avec
l'extrême droite pour l'élection des présidents de conseils régionaux...
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Oh ! là ! là !
M. René-Georges Laurin.
Mais enfin !
M. Guy Allouche.
... si celle-ci devait avoir lieu le vendredi qui suit, ne viennent perturber
le déroulement du deuxième tour des législatives. Evidemment, de tels accords
seraient du pire effet sur l'électorat et compromettraient l'issue des
législatives !
Pour les collègues qui auraient la mémoire courte - ce que je ne veux pas
croire - je renvoie à ce qui s'est passé en 1992 - ce n'est pas vieux ! - et
dans la région Languedoc-Roussillon, et dans la région Provence-Alpes-Côte
d'Azur.
M. Paul Blanc.
C'est faux !
M. Guy Allouche.
C'est sur cela que j'étaie mon argumentation politique.
Concernant sa stratégie d'alliance électorale, le Gouvernement affirme sans
cesse qu'il sera d'une extrême rigueur et d'une totale intransigeance, et,
personnellement, je fais crédit au Président de la République et au Premier
ministre lorsqu'ils nous disent ce qu'ils pensent du comportement d'un parti
néo-fasciste. Je leur donne acte de leurs déclarations et je m'en réjouis, mais
je crains que le Gouvernement ne laisse sous-entendre qu'il fermera les yeux
si, ici ou là, en raison du contexte électoral, un accord est subrepticement
passé avec l'extrême droite pour sauver telle ou telle présidence de région.
Tels sont les motifs qui sous-tendent le dispositif prévu par l'article 3 du
projet de loi.
M. René-Georges Laurin.
C'est vous qui le dites !
M. Guy Allouche.
C'est mon analyse, mon cher collègue.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Sur quoi se fonde-t-elle ?
M. René-Georges Laurin.
Expliquez-nous maintenant ce que vont faire les socialistes devant une
situation aussi compliquée !
M. Guy Allouche.
Mon cher collègue, si vous pensez une seconde que les socialistes vont passer
un quelconque accord avec la droite ou avec l'extrême droite, ...
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Avec les communistes !
M. Guy Allouche.
... c'est que vous n'avez rien retenu de l'histoire !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Avec les communistes, les « Verts », les « Roses
», les « Bleus » !
M. Claude Estier.
C'est comme le Front national, les « Verts », les « Roses », les « Bleus »
?
M. Guy Allouche.
Tout d'abord, si vous estimez que l'union de la gauche,...
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
La désunion de la gauche !
M. Guy Allouche.
... l'union de la gauche, dis-je, et une éventuelle alliance droite-extrême
droite, c'est la même chose, vous faites, je le crains, un raccourci de notre
histoire, et je ne pense pas que ce soit à votre honneur !
M. Claude Estier.
M. Léotard s'est fourvoyé !
M. Guy Allouche.
De plus, vous semblez découvrir l'union de la gauche. En 1981, nous avons
gagné ensemble et, dans nombre de collectivités territoriales, l'union de la
gauche est une réalité que nous n'avons pas l'intention de remettre en
question.
Enfin, vous m'offrez l'occasion, deux jours après, d'évoquer une déclaration
scandaleuse, abjecte - je dis bien « abjecte » - d'un leader de la majorité,
qui a mis sur le même plan le Front populaire et le Front national.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
C'est abject de sa part.
C'est là le réveil d'une vieille droite que l'on croyait résolument dépassée
par l'histoire. Voir aujourd'hui un leader, qui se prétend présidentiable,
faire un tel raccourci, mélanger Léon Blum et Pétain, Jospin et Le Pen, en
oubliant qu'il a été ministre sous François Mitterrand, président républicain
et démocrate, est une insulte à l'histoire.
(Très bien ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
M. Hue vous a traité de « fadasses » !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur
Allouche ?
M. Guy Allouche.
Je vous en prie, monsieur le ministre.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Juste un mot : puisqu'il faut éviter de faire
des comparaisons, il faut aussi éviter, comme on l'a fait récemment, de
comparer le gouvernement actuel à Vichy !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Raymond Courrière.
Ce n'est pas nous qui avons fait cela !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
C'est vous qui avez commencé !
M. Raymond Courrière.
Non !
M. Claude Estier.
Nous n'avons jamais dit cela ici, et vous le savez fort bien !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
C'est qui, alors ? Le Pen, peut-être !
M. Raymond Courrière.
Nous sommes responsables !
M. Claude Estier.
Alors, monsieur le ministre, approuvez-vous les propos de M. Léotard ?
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Allouche.
M. Guy Allouche.
Monsieur le ministre, j'aurais souhaité que vous réagissiez aux propos de M.
Léotard ; vous ne voulez pas le faire, c'est votre droit.
Par ailleurs, m'avez-vous jamais entendu, tout au long du débat relatif à
l'immigration, faire un parallèle entre Vichy et ce que fait le gouvernement
actuel ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Pas vous !
M. Raymond Courrière.
Personne, au parti socialiste !
M. Guy Allouche.
Permettez-moi de rendre hommage au président, de la commission, M. Jacques
Larché, qui, dans son intervention en deuxième lecture, a rappelé ce qui avait
été dit en commission par deux hommes ô combien respectables, M. Paul Masson et
M. Robert Badinter, dont chacun sait ici ce qu'ils ont fait et ce qu'ils
pensent de cette période.
Je ne fais aucun analmagame. Etant né à cette époque, je ne l'ai pas vécue. Ce
que j'en sais, c'est l'histoire qui me l'a appris. Jamais il ne me viendrait à
l'idée de faire une telle comparaison.
M. Chirac a été élu ô combien démocratiquement ; c'est notre Président de la
République. Le Gouvernement a été nommé démocratiquement, et je le respecte
profondément. L'Assemblée nationale a également été élue démocratiquement et je
la respecte tout autant. Ce faisant, je me conduis tout simplement en
républicain et en démocrate.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
J'en viens au report des élections cantonales au mois de juin et non
après les élections sénatoriales. C'est la première fois que le problème du
report de ces élections se pose véritablement, car il ne s'est jamais présenté
l'année d'un renouvellement partiel du Sénat.
On avait donc pris l'habitude - M. le rapporteur l'a fort bien rappelé -
d'organiser les élections cantonales au mois de septembre.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Là, on ne peut pas !
M. Guy Allouche.
En contestant les fondements juridiques sur lesquels s'est appuyé le Conseil
d'Etat pour déclarer que le report des élections cantonales après les élections
sénatoriales risquait d'être entaché d'inconstitutionnalité - « une telle
disposition constituerait une solution manifestement inappropriée aux objectifs
poursuivis » a dit le Conseil d'Etat - le rapporteur s'est fait, en quelque
sorte, le porte-parole du président du Sénat, qui souhaitait le report des
élections cantonales après les élections sénatoriales.
En réalité, il s'agit non pas de contester ici la légitimité politique ou
juridique des conseillers généraux dont le mandat est prorogé, mais de
reconnaître que le report des élections cantonales en octobre affecterait,
cette fois-ci, le collège électoral sénatorial. C'est ce qui différencie
l'année 1998 des années 1967, 1973 et 1988.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Eh oui !
M. Guy Allouche.
D'ailleurs, M. le rapporteur le dit lui-même dans son rapport. Craignant que
cette discussion juridique ne se transforme en arguties, il finit par admettre
que le choix du mois de juin ne soulève aucune difficulté de principe.
Chacun comprendra, par ailleurs, que l'argument tiré du déroulement de la
Coupe du monde par le président du Sénat ne résiste à aucune analyse
juridique.
M. le président.
Monsieur Allouche, le président du Sénat n'a jamais fait référence au
déroulement de la Coupe du monde ; il a seulement fait état des souhaits des
sénateurs.
(Sourires.)
M. Guy Allouche.
C'est la première fois depuis treize ans que je vois un président de séance
prendre ainsi part au débat !
M. René-Georges Laurin.
Vous le mettez en cause !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
C'est la première fois qu'on met en cause le président du Sénat.
M. Guy Allouche.
M. le président du Sénat est un sénateur comme les autres. Il a fait une
déclaration publique, et c'est sur elle que je me fonde.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Mais ne le mettez pas en cause pendant qu'il préside !
M. le président.
Monsieur Allouche, il n'y avait aucune intention polémique dans la précision
que j'ai apportée.
M. Guy Allouche.
Mes chers collègues, je vais conclure parce que le temps passe.
Nous sommes en première lecture. La commission des lois, par la voix de son
rapporteur, demande au Sénat de voter le projet de loi tel qu'il est proposé
par le Gouvernement. Le Gouvernement est maître du choix qu'il fait. Je viens
de formuler les remarques que ce projet de loi nous inspire.
Nous considérons, nous socialistes, qu'il ne nous appartient pas de
départager, par notre vote, les composantes de la majorité actuellement en
désaccord.
En l'état actuel du débat, et sans préjuger la position qu'il adoptera à
l'issue de la navette, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe
socialiste ne prendra pas part au vote.
(Applaudissements sur les travées socialistes. - Exclamations sur les travées
du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. René-Georges Laurin.
C'est courageux !
M. Christian de La Malène.
Tant de temps pour expliquer cela !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Les patrons sont ailleurs !
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte
dont nous discutons aujourd'hui crée une situation qui ne constitue pas une
innovation. A plusieurs reprises dans le passé, nous avons en effet assisté à
des regroupements d'élections, notamment en 1986 et 1992, pour ne citer que les
cas les plus récents.
Je tiens à affirmer d'entrée que, pour nous, la question essentielle, en
matière de scrutin électoral, est non pas la date de leur organisation, pour
nous, mais bien celle de leur mode, majoritaire ou proportionnel. Je reviendrai
sur ce point.
Sur le problème soulevé par le projet de loi, à savoir le déplacement des
élections cantonales de mars 1998 à juin 1998 et, de ce fait, le couplage des
scrutins législatif et régional en mars, nous avons eu, au sein même de notre
groupe, des avis ou des analyses différents. C'est tout à fait naturel, car,
sur un tel point, l'expérience d'élu, l'appartenance à telle ou telle région, à
tel ou tel département, rural ou urbain, peuvent apporter un éclairage
différent.
Il faut bien reconnaître que, dans l'absolu, le couplage des régionales et des
législatives a des arguments en sa faveur, tout comme, d'ailleurs, le couplage
des régionales et des cantonales.
Faut-il réunir les deux scrutins locaux pour isoler l'élection nationale qui
met en question la notion de souveraineté, c'est-à-dire l'élection législative
? Cette analyse est tout à fait pertinente.
Doit-on considérer, au contraire, que l'élection régionale est une élection
politique, animée par les partis politiques, du fait même du mode de scrutin
proportionnel, considération qui ferait coïncider élections législative et
régionale ? On peut également le penser.
Enfin, le fait que l'élection régionale concernera l'ensemble du territoire,
alors que les cantons seront renouvelés par moitié, n'est pas négligeable.
La discussion au sein de notre groupe a toutefois mis en évidence que
l'essentiel était ailleurs.
Premièrement, il est primordial, selon nous, de préserver le mode de scrution
régional actuel.
Nous sommes en effet attachés, d'une part, au système de représentation
proportionnelle en vigueur et, d'autre part, au vote dans le cadre
départemental, qui permet une certaine proximité entre l'électeur et l'élu,
contrairement au cadre régional, ainsi qu'une représentativité pluraliste de
tous les départements, conforme au choix des électeurs et à l'influence
respective des formations politiques.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Ivan Renar.
C'est pourquoi nous repoussons les propositions soutenues par certaines
composantes de la majorité qui visent notamment à introduire une prime
attribuée à la liste majoritaire, le prétexte étant l'absence de majorité ici
ou là, ce qui poserait problème pour le vote des budgets.
Cette modification, ainsi que d'autres qui sont suggérées, aurait pour
principale conséquence de favoriser les partis politiques les plus importants,
au détriment des listes minoritaires, déjà brimées par la barre des 5 %.
Le pluralisme serait ainsi gravement menacé.
Nous considérons, pour conclure sur ce point, qu'en aucun cas la modification
d'un mode de scrutin ne doit être utilisée en elle-même pour dénouer une crise
politique fondée sur l'absence de majorité.
Pour parler clair, ce ne sont pas des manoeuvres juridiques de ce type qui
permettraient de contrer l'influence du Front national dans certaines
régions.
L'influence du Front national ne pourra être combattue que par la mise en
oeuvre d'une politique économique et sociale nouvelle qui, en quelque sorte,
couperait l'herbe sous les pieds de cette extrême droite qui se nourrit de la
misère, de l'exclusion et de la précarisation de la société.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Et de la publicité qui lui est faite !
M. Ivan Renar.
L'influence du Front national se combattra par une attitude sans concession à
l'égard de ce parti, tant sur le fond que sur la forme.
La démagogie du parti de M. Le Pen doit être dénoncée avec force et le travail
des démocrates doit être de rétablir la vérité face aux discours de haine.
C'est notamment vrai en matière de politique d'immigration.
Il faut constater, pour le regretter, que le projet de loi récemment adopté en
deuxième lecture par notre assemblée conforte l'extrême droite dans sa campagne
xénophobe et raciste.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Ivan Renar.
En résumé, nous estimons donc que la volonté de réduire la proportionnelle,
qui est notamment celle de MM. Giscard d'Estaing et Léotard, a pour objectif
essentiel de renforcer le pouvoir de l'actuelle majorité, qui domine déjà
fortement les assemblées régionales.
Mme Hélène Luc.
C'est parce qu'ils ne veulent pas de femmes !
M. Jean-Jacques Hyest.
Il ne faut pas tout mélanger !
M. Ivan Renar.
Nous rejetons toute modification du mode de scrutin régional qui revêtirait,
de toute évidence, le caractère d'une manoeuvre politicienne.
Ces réflexions ne sont pas sans rapport avec le projet de loi dont nous
discutons aujourd'hui.
En effet, le couplage entre l'élection régionale et l'élection cantonale
pourrait apparaître aujourd'hui comme une concession faite sous la pression de
ceux qui veulent ramener l'élection régionale à son seul caractère local pour
exiger par la suite la modification de son mode de scrutin.
J'en viens à la deuxième question, essentielle à nos yeux, celle de la
nécessaire généralisation de la proportionnelle dans notre pays.
La crise du rapport entre la population et les partis politiques tient pour
beaucoup, selon nous, à la représentation biaisée qu'entraîne le système
majoritaire à deux tours. La clef de cette nécessaire modernisation de la
démocratie réside, sur le plan des institutions, dans le choix de la
proportionnelle contre le système majoritaire et les déformations de la
représentation politique qu'il entraîne.
Nous pensons, quant à nous, que chaque voix exprimée par un électeur doit
avoir la même valeur. N'est-ce pas là un élément fondamental en matière
démocratique ?
Comment concevoir que, pour ce qui est des législatives, les candidats de la
droite aient obtenu, aux dernières élections, 84 % des sièges alors qu'ils ne
rassemblaient que 44 % des voix exprimées ?
Ne s'agit-il pas là d'un élément important du fossé qui grandit entre les
Français et la politique, même s'il n'est pas essentiel, l'essentiel étant
certainement qu'une nouvelle démocratie politique soit à inventer et à mettre
en oeuvre afin d'éviter que l'on soit citoyen uniquement le jour du vote et
simple électeur au pouvoir politique confisqué - et bien souvent trompé - tous
les autres jours ?
Peut-on parler de scrutin démocratique quand un député de la majorité
représente en moyenne 23 200 électeurs, alors qu'un député communiste en
représente 103 200 ?
Mme Hélène Luc.
Eh oui !
M. Ivan Renar.
Nous proposons donc, pour l'élection de l'Assemblée nationale, que soit
instauré un scrutin de liste à un tour, avec répartition proportionnelle des
sièges sur une base départementale et utilisation des votes au niveau
national.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Etrange manière de combattre le Front national !
M. Ivan Renar.
Le renforcement de la proportionnelle, je le répète, c'est la garantie du
pluralisme, de la diversité, mais aussi et surtout de la juste représentation
de l'état politique d'un pays. C'est aussi une bonne façon de limiter le cumul
des mandats.
C'est encore un élément déterminant de transparence en matière politique. Je
dois faire remarquer que le scrutin sénatorial demeure fort éloigné d'une telle
transparence. La faible part de proportionnelle et le scrutin à deux tours
favorisent les manoeuvres et l'éloignement des préoccupations des électeurs.
De plus, la répartition départementale des sièges sénatoriaux, en fonction du
recensement de 1975, renforce l'image d'archaïsme qui est attachée à notre
assemblée. Nous allons d'ailleurs proposer d'adapter, pour le prochain
renouvellement de 1998, cette répartition au recensement de 1990.
Enfin, je terminerai ce rapide tour d'horizon en soulignant que la
proportionnelle constitue un outil incontournable d'amélioration de la
représentation des femmes dans la vie politique.
Mme Hélène Luc.
Ah !
M. Ivan Renar.
De fait, le mode de scrutin uninominal favorise les personnalités déjà bien
ancrées et détentrices de plusieurs mandats. Seul le choix de la
proportionnelle offrirait le cadre institutionnel pour une avancée décisive et
rapide de la nécessaire parité. Il reviendrait, ensuite, aux partis politiques,
c'est leur responsabilité, de proposer aux femmes leur juste place.
Mmes Hélène Luc et Michelle Demessine.
Très bien !
M. Ivan Renar.
Vous l'aurez compris, notre attitude sur ce projet de loi est pour le moins
mitigée. Bien entendu, il apparaît nécessaire de scinder l'organisation des
trois élections prévues en 1998. L'idéal aurait été que chaque élection ait
lieu de façon indépendante et en fonction de la spécificité de chacune des
structures élues et de chacune des élections.
La question du couplage législative-régionale ou régionale-cantonale ne nous
apparaît pas déterminante. Nous apprécions toutefois le refus de la remise en
cause du scrutin régional.
En revanche, nous regrettons fortement qu'une nouvelle fois aucun pas ne soit
effectué vers la généralisation d'un mode de scrutin plus juste, plus
démocratique, permettant la pleine expression du pluralisme.
Pour toutes ces raisons, les sénateurs du groupe communiste républicain et
citoyen s'abstiendront sur ce projet de loi.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
C'est un souci d'objectivité et d'exactitude
qui me pousse à prendre la parole en cet instant. J'ai entendu des propos
indignés de M. Allouche, justifiés peut-être par une citation d'un orateur qui
ne s'était pas exprimé au sein de cette assemblée, ni même au sein d'une
assemblée politique d'ailleurs.
Permettez-moi de lire sans citer : « Pour la première fois depuis
l'Occupation, le droit fondamental d'accueillir "son prochain" est
menacé, la délation officialisée avec sanctions et fichiers à l'appui. Triste
souvenir d'une sombre période de notre histoire contemporaine ! »
Et l'on a prétendu tout à l'heure que cela n'avait pas été dit !
Deuxième propos : « Il s'agit là d'un article qui, comme certaines
associations le dénoncent, en faisant notamment circuler une pétition,
constitue une véritable "déclaration-délation" aux "vieux
relents de Vichy". »
Voilà ce qui a été dit.
Enfin : « Cette absence de France, nous l'avons connue entre 1940 et 1944.
»
J'insiste sur ce troisième propos, du même genre que ceux qui devaient
jalonner ce débat, non pas que je n'aie pas attaché d'importance aux deux
premiers, mais parce qu'il était tenu par un ancien Premier ministre. J'ai cru
d'ailleur devoir interrompre l'orateur - je pense que le Sénat s'en souvient -
et, avec son autorisation, je l'ai rappelé à un peu plus de décence.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Et on a prétendu que les socialistes n'avaient
rien dit !
M. le président.
La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes
donc appelés à délibérer cet après-midi, à la demande du Gouvernement, sur les
conséquences de la concomitance de trois scrutins différents au mois de mars
1998.
S'agissant de problèmes électoraux, il nous faut, pour les examiner, faire
preuve d'une certaine relativité. On peut noter d'ailleurs que, dans son
ouvrage
L'Idée républicaine en France,
M. Claude Nicolet note que «
l'instabilité du mode de scrutin, les variations de la loi électorale sont une
des caractéristiques de notre histoire politique. Il est d'ailleurs tout à fait
remarquable qu'aucune de nos constitutions n'ait jamais voulu fixer la loi
électorale, en faisant toujours une loi de droit commun à la discrétion, en
réalité, du Parlement ou du Gouvernement. »
Il s'agit là d'un domaine essentiel puisque c'est celui du droit de suffrage.
Il comporte peu de règles de valeur constitutionnelle, quelques grands
principes républicains et, je crois, beaucoup de pragmatisme.
C'est à la lumière des remarques précédentes qu'il nous faut maintenant
considérer tout d'abord les questions que posent ces trois scrutins de mars
1998, questions à la fois nombreuses et complexes. Le projet de loi que nous
présente le Gouvernement y apporte une réponse limitée mais acceptable.
Les trois scrutins de mars 1998 soulèvent des questions nombreuses et
complexes, qui tiennent à la fois à la simultanéité des scrutins et au mode de
scrutin prévu pour les élections régionales.
S'agissant de la simultanéité des scrutins, les problèmes posés sont, à
l'évidence, d'ordre matériel. Il s'agit de savoir comment organiser dans des
mairies parfois très petites trois élections en même temps. Cependant, ces
questions matérielles sont certainement secondaires comparées à celles qui ont
trait à l'expression claire de l'opinion des électeurs. Comment, en effet,
demander aux électeurs de se prononcer le même jour, lors de trois scrutins
concernant trois échelons différents : l'élection des députés, l'élection des
assemblées ayant vocation à gérer les régions et l'élection des assemblées
ayant vocation à gérer les départements ?
Si nous voulons que les citoyens participent pleinement à la vie publique, il
faut leur donner l'occasion d'exprimer clairement leur opinion, qui est le
fondement même de la République, et de la façon la plus simple possible.
De ce point vue, l'idée selon laquelle il faudrait regrouper les élections
pour que les citoyens participent à la vie publique prêterait selon moi à
sourire si elle ne partait, en fait, d'une constatation assez triste, à savoir
que nous n'aurions même pas quelques minutes à prendre sur notre temps pour
aller jusqu'au bureau de vote !
Je pense que cette idée de regrouper les élections est finalement mauvaise,
parce qu'elle ne permet pas aux citoyens de s'exprimer clairement pour chaque
type d'élection. On ne peut se prononcer deux, voire trois fois le même jour
sur des questions qui sont très diverses.
Telles sont donc les questions qui me semblent posées par la simultanéité de
ces trois scrutins. Pour ma part, je pense que la seule et vraie solution
serait probablement de faire en sorte qu'il n'y ait pas de simultanéité.
La seconde catégorie de problèmes auxquels nous sommes confrontés tient au
mode de scrution retenu pour les élections régionales, ou du moins, au
fonctionnement des conseils régionaux.
Je le disais, le projet de loi apporte à ces questions une réponse qui est
limitée mais acceptable, puisque le Gouvernement nous propose de reporter les
élections cantonales au mois de juin 1998 et d'organiser la réunion des
conseils régionaux après l'élection de telle façon qu'il n'y ait pas
concomitance avec le second tour des élections législatives. Ce second point me
paraît répondre à un légitime souci de bonne administration de la
République.
Quant au report des élections cantonales, je souhaite rappeler tout d'abord,
qu'il n'y a pas beaucoup de règles de droit qui s'imposent au Gouvernement et
au Parlement.
En fait, la règle, la seule règle résulte de la décision du Conseil
constitutionnel du 6 décembre 1990, que notre rapporteur a excellemment
rappelée : les électeurs doivent être appelés à exercer leur droit de suffrage
pour la désignation des membres élus des collectivités territoriales selon une
périodicité raisonnable. Il s'agit, pour nous, de savoir ce qu'il faut entendre
par là.
Je veux simplement rappeler à ce propos qu'en 1993 nous avons été appelés à
voter une loi qui a porté à sept ans la durée du mandat des conseillers
généraux élus en 1994 et que personne n'a contesté cette loi. On peut en
déduire que la périodicité raisonnable se situe entre six ans et sept ans, soit
la durée du mandat des conseillers généraux élus en 1994.
De ce point de vue, la règle est claire et le droit est simple. On ne peut
donc pas arguer du déroulement des élections sénatoriales au mois de septembre
1998 pour dire que, cette année-là, la périodicité devrait être différente.
Le fait d'être élu confère des droits qui sont établis par la loi et la
Constitution. Ainsi, de nombreux conseillers généraux dont le mandat avait été
prolongé ont participé à des élections partielles de sénateurs.
Le Conseil d'Etat a été saisi de cette question. Je note à ce sujet que
lorsqu'il rend un avis, il ne dit pas le droit, il émet une opinion. Il lui
arrive même de juger au contentieux que l'avis qu'il a pu donner n'est pas le
droit.
Ainsi, sans vouloir anticiper sur la décision que va prendre dans quelques
jours l'assemblée plénière du contentieux du Conseil d'Etat, j'ai vu que le
commissaire du Gouvernement de cette haute formation avait recommandé
l'annulation de la déclaration d'utilité publique de l'autoroute la «
Chablaisienne », qui avait pourtant été rendue en Conseil d'Etat.
Dans ce domaine, le Conseil d'Etat émet simplement des avis, et la seule règle
constitutionnelle et de droit qui existe, c'est celle que j'ai rappelée. Le
Gouvernement et le Parlement disposent donc d'une assez grande liberté.
Cette liberté, le Gouvernement l'a utilisée et il nous propose de fixer les
élections cantonales au mois de juin 1998. J'ai tout simplement envie de dire,
monsieur le ministre : pourquoi pas ? Cette solution ne nous pousse à dire ni
tout à fait oui ni tout à fait non ; elle est tout à fait acceptable.
Je voudrais cependant vous poser quelques questions sur votre choix ; elles
sont d'ordre technique et ressortissent aux principes républicains affirmés
depuis toujours.
Si le droit de suffrage doit s'exercer librement, les électeurs doivent être
éclairés, et tel est bien le rôle de la campagne électorale. On peut donc
regretter que la loi concernant les campagnes électorales ne soit pas toujours
observée.
Mes remarques seront simples, pratiques et pragmatiques.
D'une part, le Gouvernement a fixé les congés scolaires. Nous n'y pouvons
rien, le décret est publié et tout le monde le connaît : les vacances scolaires
de la Pentecôte se finiront le 2 juin 1998. D'autre part, la durée de la
campagne électorale est fixée par l'article R. 26 du code électoral - à cela
non plus nous ne pouvons rien ! - et elle prend fin le jeudi à minuit. En
l'occurrence, nous disposerons donc, pour le premier tour, de deux jours utiles
: le mercredi et le jeudi. On peut juger que ce délai est suffisant pour les
élections locales, mais, peut-être est-il tout de même un peu court.
Pour le deuxième tour, nous n'aurons pas beaucoup plus de temps parce que le
premier match du Mondial de football aura lieu le samedi 13 juin, c'est-à-dire
la veille du second tour des élections cantonales, ce qui concernera très
directement six départements.
Si nous voulons que les conseillers régionaux puissent voir leur rôle reconnu
en milieu urbain, il est nécessaire qu'ils puissent utiliser, pendant la
campagne électorale, les grands médias, la presse écrite notamment. Or, je
crains que ces médias ne soient plus tournés vers le football que vers les
questions de politique locale pendant la semaine du 7 au 14 juin 1998 !
(M.
Raymond Courrière proteste.)
Ce sont là des questions pratiques qui ont, je crois, leur importance et qui
méritent en tout cas d'être posées, monsieur le ministre, afin que vous y
apportiez réponse.
En effet, si le mois de juin présente des inconvénients pour les élections
cantonales, il ne faudrait pas qu'il en présente plus que le mois d'octobre.
Cela dit, je crois qu'il faut éviter toute solution trop théorique et qu'il
convient de faire preuve du plus grand pragmatisme.
Dans cette optique, nous pourrions emprunter notre conclusion à M. François
Goguel qui, dans ses nombreux travaux sur les lois électorales en France, a
montré qu'en fin de compte ce n'est jamais la loi électorale qui constitue le
facteur premier et qui détermine la qualité et la quantité de chaque fraction
de l'opinion, mais que ce sont bien les électeurs eux-mêmes qui se font leur
propre opinion. C'est en leur faisant confiance que nous approuverons votre
projet de loi, monsieur le ministre.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
(M. Michel Dreyfus-Schmidt remplace M. René Monory au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
vice-président
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je voudrais tout d'abord répondre à M.
Mercier.
D'une part, les problèmes techniques qui se poseraient si, le même jour, on
organisait trois scrutins seraient très difficiles à régler dans les petites
communes, car il faudrait trois isoloirs, trois tables et, toute la journée,
des personnes pour tenir les bureaux de vote. D'autre part, si, en quelques
semaines, on convoquait les électrices et les électeurs trois fois de suite,
cela risquerait d'entretenir l'absentéisme.
Je suis persuadé que trois scrutins consécutifs, ce serait trop. L'expérience
le prouve. Il faut donc essayer de rassembler les scrutins.
M. Michel Mercier.
Il y en a même eu quatre, parfois !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a
choisi le jumelage entre les élections législatives et les élections
régionales, les élections cantonales se déroulant plus tard. De plus, je vous
le rappelle, les élections législatives et les élections régionales ont lieu
dans toute la France, alors que les élections cantonales ne concernent que la
moitié du pays.
Monsieur Mercier, lors de la prolongation d'un an de la durée du mandat des
conseillers généraux élus en 1994, la loi avait été contestée. Le problème
important réside donc non pas dans la périodicité, mais dans la correspondance
des moyens et des objectifs.
Je vous signale que ce report d'un an avait été décidé parce que l'on voulait
atteindre, en 2001, une concordance entre les élections cantonales et les
élections municipales. Nous ne sommes pas aujourd'hui dans le même cas de
figure.
Enfin, la fixation précise du jour des élections relève du décret. A ce sujet,
il est vraisemblable que, pour éviter toute confusion avec d'autres événements,
en particulier la Coupe du monde de football, les élections cantonales auront
lieu au début du mois de juin.
Monsieur Alain Dufaut, la proposition de loi qui a été déposée par le
président de la commission des loi de l'Assemblée nationale interdirait, si
elle était adoptée, le financement des journaux électoraux, dans l'année qui
précède l'élection, par les personnes morales, sociétés, entreprises et
associations. Par conséquent, même un simple encart publicitaire d'une société,
d'une entreprise ou d'une association dans l'année qui précède le scrutin
serait interdit.
En réalité, plus aucune publicité émanant de collectivités publiques ou de
personnes morales de droit privé ne serait autorisée et les journaux pourraient
être financés seulement par des dons personnels, par l'apport personnel ou par
l'aide publique, qui est une aide
a posteriori
. Si cette proposition de
loi était votée il n'y aurait plus aucun doute à ce sujet.
Monsieur Allouche, le Gouvernement s'en tient à son projet de loi. Il a arrêté
sa position. Et, quand vous avez sélectionné les dépêches des agences de
presse, vous auriez pu sélectionner celles dans lesquelles M. le Premier
ministre a dit clairement quelle était la position du Gouvernement dans ce
domaine.
Je sais bien qu'il est facile de faire des procès, ou des faux procès. Mais,
si nous avions organisé les élections régionales lors du second tour des
élections législatives, comme vous l'avez suggéré, nous aurions pris le risque,
dans les circonscriptions où le député a été élu au premier tour, de déplacer
une deuxième fois les électeurs. Par conséquent, il nous a paru plus logique de
faire en sorte que le premier tour des élections législatives coïncide avec le
premier tour des élections régionales.
Voilà la vraie raison ! Mais vous pouvez en chercher d'autres, on peut
toujours faire tous les procès d'intention que l'on veut.
Je voudrais, monsieur Allouche, vous répondre enfin sur le problème de
l'extrémisme.
Ma position, comme celle du Premier ministre et du Gouvernement, est très
claire dans ce domaine. Je peux vous le dire à vous, parce que je sais que, sur
ce point, nous avons les mêmes positions à l'égard de celles et ceux qui
véhiculent des idées de haine, d'antisémitisme, de violence : tout ce qui est
excessif, nous ne l'acceptons pas.
Cependant, monsieur Allouche, évitez de nous donner des leçons parce que, en
1985, c'est M. Fabius qui, par une modification de la loi électorale, a permis
l'entrée au Parlement du Front national.
(Protestations sur les travées socialistes.)
C'est lui qui l'a voulu ;
c'est lui qui l'a fait !
(Très bien ! sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Par conséquent, faites attention quand vous donnez des leçons !
Personnellement, je n'ai de leçons sur ce sujet à recevoir de personne, pas
plus de M. Fabius que de quelqu'un d'autre parce que je n'admets pas, moi, que
l'on banalise les extrémistes en les faisant entrer au Parlement français !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur
les travées socialistes.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - Par dérogation aux dispositions des deux premiers alinéas de
l'article L. 192 du code électoral, le renouvellement des conseillers généraux
de la série renouvelable en 1998 aura lieu en juin 1998.
« Le mandat des conseillers généraux de la série renouvelée en 1998 expirera
en mars 2004. »
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Je vais profiter de l'occasion qui m'est donnée pour présenter quelques
observations après les propos que vient de tenir M. le ministre.
Monsieur le ministre, depuis que je n'exerce plus ma profession, je ne donne
plus de leçons !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Oh !
M. Guy Allouche.
J'ai cessé de le faire le jour où je suis entré au Sénat. Je ne fais donc la
leçon à personne.
Vous avez repris ce que j'ai dit à propos du choix entre le premier et le
deuxième tour. Votre argument est fort, je le reconnais. Mais, en 1992, il y a
eu concomitance des élections régionales et cantonales, et des électeurs ne
sont pas allés voter au premier tour parce qu'ils se réservaient de départager
les candidats au deuxième tour ; certains pensaient même qu'il y aurait un
deuxième tour pour les élections régionales, et ils n'ont pas participé à ce
scrutin.
Votre argument est certes fort, mais il est réversible. Nous savons tous que
des électeurs attendent la décantation du premier tour pour aller voter et
faire leur choix définitif au deuxième tour. Donc, mon argument est tout aussi
fort que le vôtre.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Monsieur Allouche, me permettez-vous de vous
interrompre ?
M. Guy Allouche.
Je vous en prie, monsieur le ministre.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je conviens parfaitement que votre argument est
fort et que le mien l'est également. Ce que je voulais dire, c'est que, si j'ai
choisi la solution qui vous est proposée, c'est non pas par calcul
machiavélique ou politique, mais parce que j'ai considéré que, techniquement,
cette solution était aussi bonne que la vôtre. Par conséquent, chacun a
raison.
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Allouche.
M. Guy Allouche.
Je vous remercie de reconnaître que chacun a raison, monsieur le ministre. Je
me permets de rappeler que, tout à l'heure, j'ai dit que le Gouvernement était
maître de ses choix. Je respecte ses choix. Mais arrêtons-là sur cet
argument.
En ce qui concerne votre deuxième remarque, monsieur le ministre, vous avez
cité 1985 et M. Fabius. Permettez-moi de vous faire observer que ce n'est pas
une surprise, y compris pour les Français. En effet, en 1981, en élisant le
président de la République François Mitterrand et, quatre ou cinq semaines
après, une Assemblée nationale de gauche, dans leur majorité, les Français se
sont prononcés pour un programme dans lequel figurait l'introduction de la
proportionnelle aux élections législatives.
M. Jean Delaneau.
Ils ne l'avaient pas lu !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Il y avait cent une propositions !
M. Guy Allouche.
Cent une propositions ont été réalisées, mais il y en avait cent dix !
(Sourires.)
M. René-Georges Laurin.
Vous n'avez pas réalisé cent une propositions !
M. Guy Allouche.
Monsieur le ministre, je ne conteste pas votre deuxième remarque, parce qu'il
s'agit d'une évidence. Toutefois, je le répète, en élisant et François
Mitterrand et une majorité de gauche à l'Assemblée nationale, les Français se
sont prononcés pour un programme politique dans lequel figurait la
proportionnelle aux élections législatives.
M. René-Georges Laurin.
Et le vote des immigrés aux élections municipales !
M. Raymond Courrière.
Non, ce n'était pas dans les cent dix propositions !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
M. Ivan Renar.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient sur chacun des articles
ainsi que sur l'ensemble du projet de loi.
M. Henri de Raincourt.
Pourquoi ?
M. Guy Allouche.
Le groupe socialiste ne prendra part au vote ni sur les articles ni sur
l'ensemble du projet de loi.
(L'article 1er est adopté.)
Articles 2 et 3
M. le président.
« Art. 2. - Pour l'élection mentionnée au premier alinéa de l'article
précédent, la durée de la période pendant laquelle les candidats peuvent avoir
recueilli des fonds dans les conditions prévues par l'article L. 52-4 du code
électoral est portée de douze à quinze mois. Toutefois, les comptes de campagne
établis par ces candidats ne retracent que les dépenses engagées ou effectuées
en vue de l'élection au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4. » -
(Adopté.)
« Art. 3. - Par dérogation aux dispositions de l'article L. 4132-7 du
code général des collectivités territoriales, la première réunion des conseils
régionaux renouvelés en 1998 se tiendra le deuxième mardi suivant leur
élection. ». -
(Adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Blanc, pour explication de vote.
M. Paul Blanc.
Par ce projet de loi, monsieur le ministre, vous nous proposez de reporter au
mois de juin 1998 les élections cantonales et de maintenir ainsi la
concomitance des élections législatives et régionales en mars de la même
année.
Ce choix semble le meilleur. En effet, il a déjà été retenu en 1986, lors des
premières élections régionales au suffrage universel, sans qu'il en résultât
d'inconvénient particulier.
En outre, un couplage des élections régionales avec des élections cantonales
aurait été inopportun, car ces élections répondent chacune à des logiques
politiques différentes, que consacrent et renforcent les modes respectifs de
scrutin.
Dans le cas de l'élection régionale, l'électeur est appelé à opter pour une
liste où les partis politiques jouent un rôle prépondérant dans la confection
des listes et dont le programme collectif de politique régionale passe avant
l'action individuelle de tel ou tel candidat de la liste.
Dans le cas de l'élection cantonale, au contraire, l'électeur choisit entre
des candidats isolés, jugés sur leur action propre.
Le regroupement de ces deux élections aurait contraint l'électeur à exprimer
simultanément des choix reposant sur des motivations inconciliables et aurait
abouti à une politisation extrême des deux élections.
Un sénateur du RPR.
Très juste !
M. Paul Blanc.
Enfin, la concomitance des élections régionales et des élections cantonales
aurait créé les conditions idéales pour modifier, à terme, le mode de scrutin
des conseillers généraux et servir d'argument aux promoteurs de la
représentation proportionnelle aux élections cantonales. Le groupe socialiste
nous en a fait la démonstration.
Pour cet ensemble de raisons, le groupe du Rassemblement pour la République se
félicite du choix retenu par le Gouvernement et votera ce projet de loi.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
6
TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION
DE LOI ORGANIQUE
M. le président.
J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi
organique, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la fiscalité
applicable en Polynésie française.
La proposition de loi organique sera imprimée sous le numéro 261, distribuée
et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de
la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le règlement.
7
DÉPÔT DE PROPOSITIONS
D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- communication du gouvernement de la République fédérale d'Allemagne. Sixième
directive communautaire en matière d'harmonisation de la TVA. Accords
internationaux (article 30 de la sixième directive communautaire).
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-800 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- proposition d'adaptation des perspectives financières aux conditions
d'exécution présentée par la Commission au Parlement européen et au Conseil en
application du paragraphe 10 de l'accord interinstitutionnel du 29 octobre
1993.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-801 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord de
coopération entre la Communauté européenne et le royaume du Cambodge.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-802 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord de
coopération entre la Communauté européenne et la République démocratique
populaire lao.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-803 et
distribuée.
8
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mercredi 19 mars 1997, à quinze heures :
Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur la politique européenne de
la France ;
Aucune inscription de parole dans ce débat n'est plus recevable.
Délais limites
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme de la
procédure criminelle (n° 192, 1996-1997) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
lundi 24 mars 1997, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 25 mars 1997, à dix-sept
heures.
Proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale, en
deuxième lecture, relative à l'examen des pourvois devant la Cour de cassation
(n° 227, 1996-1997) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 25 mars 1997, à dix-sept
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-sept heures trente-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
NOMINATION DE MEMBRES
DE COMMISSIONS PERMANENTES
Dans sa séance du mardi 18 mars 1997, le Sénat a nommé :
M. Robert-Paul Vigouroux membre de la commission des lois constitutionnelles,
de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration
générale, en remplacement de M. François Giacobbi, décédé.
M. André Vallet membre de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, en remplacement de M. Robert-Paul Vigouroux,
démissionnaire.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Avenir de l'Institut Gustave-Roussy
609.
- 14 mars 1997. -
M. Claude Billard
attire l'attention de
M. le ministre du travail et des affaires sociales
sur la situation faite à l'Institut Gustave-Roussy, à la suite du non-respect
par l'Etat des engagements pris dans le cadre de la signature du contrat
d'objectif. Il lui demande en particulier dans quel délai seront alloués les
douze millions de francs manquants pour que l'engagement financier de l'Etat
soit honoré.
Conséquences en Dordogne
de la limitation des effectifs de l'enseignement agricole
610.
- 14 mars 1997. -
M. Gérard Fayolle
appelle l'attention de
M. le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation
sur les conséquences pour l'avenir du monde rural de la limitation des
effectifs de l'enseignement agricole et, plus particulièrement, de
l'enseignement technique dispensé par les maisons familiales rurales.
L'enseignement agricole et notamment les maisons familiales rurales
enregistrent de remarquables succès en Dordogne : + 72 % d'effectifs en 3 ans ;
leurs résultats aux examens tout comme leur taux d'insertion professionnelle
sont tout à fait satisfaisants. Le ministère de l'agriculture souhaite, en
raison d'impératifs budgétaires limiter à 2 % la croissance des effectifs de
l'enseignement agricole et rural. Cette exigence risque d'aboutir à des
résultats contraires aux objectifs visés. En effet, en Dordogne, les activités
autres que la production agricole, auxquelles préparent les maisons familiales
rurales, l'agri-tourisme, les services d'éducation, de santé, d'artisanat, y
sont particulièrement importants. Si l'on considère que sauver la ruralité,
c'est permettre aux jeunes de rester dans le milieu rural et d'y exercer une
activité, il lui demande s'il ne conviendrait pas d'envisager les prochaines
rentrées sous un autre angle que celui des seuls impératifs budgétaires et des
réductions d'effectifs et s'il ne vaudrait pas mieux considérer les enjeux
économiques d'une région en matière d'emplois ?
Conséquences des réductions budgétaires imposées
au centre hospitalier universitaire de Montpellier
611.
- 17 mars 1997. -
M. Gérard Delfau
attire l'attention de
M. le ministre du travail et des affaires sociales
sur les conséquences néfastes des réductions budgétaires imposées au centre
hospitalier universitaire (CHU) de Montpellier. Au lieu d'effectuer un plan de
rattrapage, en faveur des hôpitaux publics les moins bien dotés, ces dernières
années, il a été choisi de pénaliser les plus performants, comme celui de
Montpellier, sans tenir compte des efforts qu'il a déjà consentis : 300 lits
ont été fermés en trois ans. Chiffre considérable ! De plus, la CME (Commission
médicale d'établissement) a mis sur pied un courageux projet d'établissement.
Or, le CHU n'est pas un établissement comme les autres : à sa fonction de
soins, il ajoute celle d'enseignement et de recherche, tout en maintenant
l'accueil des exclus. C'est au service public qu'une fois de plus le
Gouvernement s'attaque, malgré le discours du Président de la République sur la
« fracture sociale ». Il souhaite connaître comment le Gouvernement compte
assumer cette contradiction et, plus particulièrement, quelles mesures de
soutien seront prises en faveur des établissements hospitaliers en danger,
comme celui de Montpellier.
Excès de vitesse des chauffeurs routiers
dans la région lyonnaise
612.
- 18 mars 1997. -
M. Emmanuel Hamel
signale à l'attention de
Mme le secrétaire d'Etat aux transports
le comportement criminel de nombreux conducteurs de camions français et
étrangers sur les autoroutes dans le département du Rhône : dépassement souvent
très important des vitesses autorisées, appels de phares pour inciter les
voitures respectant les limitations de vitesse à accélérer, approche à quelques
mètres de voitures, d'où risque volontairement assumé d'accidents mortels en
cas de freinage de la voiture précédant le camion, franchissements fréquents de
lignes blanches sur les routes et autoroutes. Ces comportements criminels sont
inadmissibles. Ils appellent de la part de la police et de la gendarmerie une
action de répression beaucoup plus énergique et une publicité délibérée des
sanctions, amendes, condamnations judiciaires de ces comportements meurtriers.
Il lui demande combien de contraventions et de condamnations ont été prononcées
dans le département du Rhône en 1995 et 1996 pour infraction au code de la
route et notamment excès de vitesse des chauffeurs routiers ; quel va être, en
1997, le nombre de radars et autres équipements (caméras, photographies, films)
installés le long des autoroutes du Rhône pour renforcer les moyens de
dissuasion de la police et de la gendarmerie à l'encontre des chauffards qui,
vu leur nombre actuel, devraient être condamnés par centaines chaque trimestre
dans le département du Rhône à des peines non seulement de fortes amendes, mais
de prison afin d'obliger les criminels au volant à modifier leur comportement
et leur conduite.
Protection de la jeunesse
contre les comportements déviants ou dangereux
613.
- 18 mars 1997. -
M. Jean-Paul Hugot
rappelle à
M. le garde des sceaux, ministre de la justice,
que la signalétique pour la protection de l'enfance et de l'adolescence à la
télévision est un premier pas attendu depuis longtemps en direction d'un
meilleur contrôle des émissions de télévision de nature à porter atteinte
gravement à la sensibilité des plus jeunes et des adolescents. Cette politique
de prévention engagée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et
appliquée par TF 1, France 2, France 3 et M 6, a le grand mérite de mettre en
garde le spectateur contre les émissions de type violent ou pornographique par
un effort de responsabilisation à la réception. Ces mesures vont dans le bon
sens mais ne sont pas suffisantes. Dans le cadre du prochain projet de loi
relatif à la prévention et à la sanction contre les abus sexuels à l'égard des
jeunes enfants et des adolescents, il souhaite savoir quelle politique le
Gouvernement entend mener pour remédier à ces travers desquels résultent un
encouragement ou une incitation aux comportements déviants et dangereux dont la
presse se fait de plus en plus l'écho.
Calcul des subventions allouées pour l'acquisition
de bâtiments industriels par les communes rurales
614. - 18 mars 1997. - M. Jean Bizet attire l'attention de M. le ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration sur une disposition contenue dans le décret du 6 mai 1982 relatif à la prime d'aménagement du territoire et fragilisant le développement des communes situées en zone rurale dans le cadre de l'acquisition de bâtiments industriels. Il s'avère en effet que le montant des subventions allouées à l'acquisition et à la rénovation de ces bâtiments industriels fait obligation de se référer à la valeur vénale du bâtiment, valeur sur laquelle s'applique un plafond de 25 %. Or, dans le cadre de la mission confiée à l'administration des domaines, en charge d'évaluer la valeur de l'immobilier, il y a inévitablement fixation de cette valeur en fonction du marché local particulièrement pénalisant pour les communes rurales. En d'autres termes, un même dossier sur deux communes différentes, l'une rurale et l'autre urbaine, se voit ainsi subventionné à des niveaux différents. Si, de plus, l'on intègre que les risques inhérents à la pérennité de toute implantation industrielle sont beaucoup plus grands en zone rurale qu'en zone urbaine, il lui semblerait pertinent de corriger cette distorsion de concurrence et rester ainsi dans l'esprit de la loi d'aménagement du territoire. Il serait envisageable soit de majorer le taux de subvention pour toute acquisition-réhabilitation réalisée en zone rurale, soit de prendre en compte non plus la valeur vénale du bâtiment, mais le coût réel de la construction.