M. le président. Par amendement n° 47, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 6 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans la première phrase du premier alinéa du paragraphe I de l'article 29 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée, les mots : "deux ans", sont remplacés par les mots : "un an". »
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. L'amendement n° 47 vise à permettre le regroupement familial pour les ressortissants étrangers séjournant en France régulièrement depuis un an, et non depuis deux ans, comme c'est le cas actuellement.
Le regroupement familial a, en principe, pour finalité de garantir aux étrangers le droit à vivre en famille, droit consacré, rappelons-le, par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Or, la multiplication des conditions exigées pour faire venir en France son conjoint ou ses enfants a dénaturé complètement cette procédure, qui vise aujourd'hui davantage à entraver les regroupements qu'à faire respecter le droit de vivre en famille.
L'étranger ne peut déposer une demande de regroupement qu'après un délai de deux ans de résidence régulière sur notre sol, puis il doit attendre encore un an, voire un an et demi, pour que le regroupement soit autorisé. Cela signifie que pendant trois ou quatre ans il est privé de son conjoint ou de ses enfants, et réciproquement. C'est très long, trop long, surtout lorsqu'il s'agit de jeunes enfants.
Résultat, les familles viennent en France en dehors du dispositif légal. Bref, on fabrique des « sans-papiers » ! Comme on a pu le constater, l'augmentation du nombre de ces derniers a pourtant beaucoup de conséquences néfastes.
La lourdeur et la longueur de la procédure de regroupement familial ont d'ailleurs conduit le Conseil constitutionnel à préciser que la demande de regroupement pouvait être formulée avant l'expiration du délai de deux ans de résidence pour que le droit puisse être accordé dès l'expiration de ce délai.
Cependant, la solution préconisée par le Conseil constitutionnel n'est pas pleinement satisfaisante, car la durée de la procédure de regroupement reste variable selon les cas, les chances de voir le droit accordé au terme du délai de deux ans restant incertaines.
Nous proposons donc une autre solution, qui consiste à accorder le droit au regroupement familial à partir d'une année de séjour régulier en France. Nous vous invitons à l'adopter pour que la procédure du regroupement familial cesse d'être un obstacle à l'exercice du droit de vivre en famille.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur. L'amendement n° 47 tend à remettre en cause les règles relatives au regroupement familial issues de la loi de 1993. Or le projet de loi qui nous est soumis n'a en rien trait au regroupement familial. Cet amendement paraît donc inopportun.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Même avis que la commission.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 47, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 48, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 6 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le sixième alinéa du I de l'article 29 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée est supprimé. »
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Cet amendement, qui touche aussi au regroupement familial, a donc un caractère humanitaire.
Avant les lois Pasqua de 1993, il était possible de régulariser sur place un regroupement familial.
Ainsi, lorsque certains membres d'une famille résidaient en France sous le couvert d'un titre temporaire de séjour, ils pouvaient solliciter le regroupement familial et rester en France en changeant de statut.
Aux termes de la loi de 1993, ce n'est plus possible. Tous les membres de la famille doivent désormais résider à l'étranger.
Aussi, ceux qui étaient déjà en France devront-ils retourner à l'étranger pour que le regroupement familial puisse être sollicité.
C'est tout de même incroyable, monsieur le ministre ! D'autant que le prix des billets d'avion permettant à une femme et à ses enfants de retourner en Tunisie pour que la procédure puisse avoir lieu sur place pour ensuite revenir en France - et je peux vous dire que je connais des cas concrets - représente une somme considérable pour ces personnes qui ont souvent de faibles ressources.
Cette disposition est une entrave au droit de vivre en famille, à laquelle nous sommes, aujourd'hui comme hier, résolument opposés.
C'est pour ces raisons que nous proposons de supprimer le sixième alinéa de l'article 29 de l'ordonnance du 2 novembre 1945.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur. Défavorable, toujours pour les mêmes motifs.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 48, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 49, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 6 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le septième alinéa du I de l'article 29 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée est supprimé. »
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. L'amendement n° 49 que nous vous soumettons maintenant, mes chers collègues, complète les deux amendements que nous venons de vous présenter à propos du regroupement familial, amendements qui, hélas ! ont été rejetés avec un bel ensemble.
Il tend à supprimer l'obligation, pour l'étranger installé en France, de faire entrer en une seule fois sur notre territoire l'ensemble des membres de sa famille.
Exiger que le regroupement familial s'opère dans ces conditions revient à nier tout droit à vivre en famille.
En effet, comment un étranger qui a trois enfants peut-il remplir les conditions de ressources et de logement exigées à l'article 29 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ?
Comment peut-il, par exemple, obtenir un logement de type F 4 sans percevoir d'allocations familiales et d'allocation logement ?
Comment peut-il espérer trouver un emploi à durée indéterminée afin de répondre au critère de stabilité des ressources, alors que la politique du Gouvernement tend, au contraire, à faire de ces emplois une espèce en voie de disparition et que l'on préfère encourager la création d'emplois « flexibles » et donc précaires ?
Cela rend extrêmement difficile le regroupement familial, et vous le savez bien, monsieur le ministre. Celui-ci ne reste possible que pour les personnes disposant de moyens financiers importants.
Nous ne sommes pas de ceux qui crient : « Malheur aux pauvres ! »
Ne serait-il pas plus raisonnable, plus juste et plus conforme au droit fondamental de vivre en famille, de permettre aux étrangers de procéder à un regroupement familial progressif ? Cela ne pourrait que contribuer à une meilleure intégration.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Même avis que la commission.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 49.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je veux indiquer que nous sommes absolument favorables à cet amendement.
Quand des parents viennent vivre en France avec leurs jeunes enfants, le plus grand restant chez sa grand-mère, si celle-ci meurt, il faut bien que l'aîné puisse rejoindre ses parents ! Cela va de soi !
Je le dis simplement, sans prétendre convaincre nos collègues, qui sont là pour suivre aveuglément le Gouvernement ! (Exclamations sur les travées du RPR.)
Mais je veux aussi répondre à M. Chérioux.
Monsieur Chérioux, lorsque tout à l'heure j'ai parlé du Conseil constitutionnel, c'était pour vous éclairer !
M. Jean Chérioux. J'ai dit que vous n'aviez pas le droit de nous dicter notre vote !
M. le président. Je vous en prie, monsieur Chérioux ! Vous répondrez tout à l'heure, si vous le souhaitez.
M. Jean Chérioux. Puisque M. Dreyfus-Schmidt me prend à partie, il faut bien que je lui réponde !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je parlais évidemment d'un droit moral...
M. Jean Chérioux. Ah ! bon !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... et vous êtes passé outre, car il est bien évident que vous avez tous les droits,...
M. Jean Chérioux. Merci !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... et, vous en abusez singulièrement depuis quelques semaines ! (M. Guy Allouche sourit.)
M. Jean Chérioux. Pas plus que vous !
M. Pierre Fauchon. En l'occurrence, il n'y a pas de quoi rire !
M. Jean Peyrafitte. Vous-mêmes, vous ne rirez bientôt plus !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 49, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article additionnel après l'article 6 ter