M. le président. « Art. 2. _ Il est inséré, après l'article L. 132-20 du code de la propriété intellectuelle, deux articles L. 132-20-1 et L. 132-20-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 132-20-1 . - I. _ A compter de la date d'entrée en vigueur de la loi n° ....... du ..............., le droit d'autoriser la retransmission par câble, simultanée, intégrale et sans changement, sur le territoire national, d'une oeuvre télédiffusée à partir d'un Etat membre de la Communauté européenne ne peut être exercé que par une société de perception et de répartition des droits. Si cette société est régie par le titre II du livre III, elle doit être agréée à cet effet par le ministre chargé de la culture.
« Si le titulaire du droit n'en a pas déjà confié la gestion à l'une de ces sociétés, il désigne celle qu'il charge de l'exercer. Il notifie par écrit cette désignation à la société, qui ne peut refuser.
« Le contrat autorisant la télédiffusion d'une oeuvre sur le territoire national mentionne la société chargée d'exercer le droit d'autoriser sa retransmission par câble, simultanée, intégrale et sans changement, dans les Etats membres de la Communauté européenne.
« L'agrément prévu au premier alinéa est délivré en considération :
« 1° De la qualification professionnelle des dirigeants des sociétés et des moyens que celles-ci peuvent mettre en oeuvre pour assurer le recouvrement des droits définis au premier alinéa et l'exploitation de leur répertoire ;
« 2° De l'importance de leur répertoire ;
« 3° De leur respect des obligations que leur imposent les dispositions du titre II du livre III.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions de délivrance et de retrait de l'agrément. Il fixe également, dans le cas prévu au deuxième alinéa, les modalités de désignation de la société chargée de la gestion du droit de retransmission.
« II. - Par dérogation au I, le titulaire du droit peut céder celui-ci à une entreprise de communication audiovisuelle.
« Les dispositions du I ne s'appliquent pas aux droits dont est cessionnaire une entreprise de communication audiovisuelle.
« Art. L. 132-20-2 . - Des médiateurs sont institués afin de favoriser, sans préjudice du droit des parties de saisir le juge, la résolution des litiges relatifs à l'octroi de l'autorisation de retransmission, simultanée, intégrale et sans changement, d'une oeuvre par câble.
« A défaut d'accord amiable, le médiateur peut proposer aux parties la solution qui lui paraît appropriée, que celles-ci sont réputées avoir acceptée faute d'avoir exprimé leur opposition par écrit dans un délai de trois mois.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article et les modalités de désignation des médiateurs. »
Je suis saisi de deux amendements, présentés par MM. Ralite, Renar, Mme Luc et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 4 tend, dans la seconde phrase du premier alinéa du I du texte proposé par l'article 2 pour l'article L. 132-20-1 du code de la propriété intellectuelle, à supprimer le mot : « Si ».
L'amendement n° 5 vise à supprimer le paragraphe II du texte proposé par l'article 2 pour l'article L. 132-20-1 du code de la propriété intellectuelle.
La parole est à M. Ralite, pour défendre ces deux amendements.
M. Jack Ralite. L'amendement n° 4 tend à rendre obligatoire l'agrément du ministère de la culture, y compris dans le cas d'une société de perception et de répartition européenne.
Nous avions déposé un amendement semblable lors de l'examen du projet de loi en première lecture, et nous le présentons à nouveau faute d'avoir trouvé dans les réponses qui nous ont été données à ce moment-là de véritables raisons de nous satisfaire.
La rédaction actuelle du texte proposé pour l'article L. 132-20-1 du code de la propriété intellectuelle prévoit que : « Si cette société est régie par le titre II du livre III, elle doit être agréée. »
Cela signifie, a contrario, que l'on peut imaginer des sociétés non régies par le titre II du livre III du code de la propriété intellectuelle, et donc des sociétés non soumises à l'agrément.
Il y aurait donc, d'un côté, des sociétés soumises à des contraintes, contraintes que nous approuvons dans l'intérêt des auteurs eux-mêmes - je pense aux sociétés d'auteurs de notre pays - et, d'un autre côté, des sociétés, telles les sociétés européennes, pour lesquelles un semblable agrément ne serait pas obligatoire.
Cette possibilité ne nous semble pas aller dans le sens de l'intérêt des auteurs et ouvre de façon inéquitable le champ d'une concurrence déloyale sur le terrain de la défense des auteurs.
Nous souhaitons, pour notre part, que l'ensemble des sociétés d'auteurs qui disposeraient du droit d'autoriser la retransmission par câble simultanée, intégrale, sur le territoire national soient soumises à la procédure de l'agrément.
J'en viens à l'amendement n° 5.
La cession des droits à des entreprises de communication audiovisuelle remettrait en cause la spécificité du droit d'auteur et des sociétés d'auteurs et serait, à terme, préjudiciable aux auteurs.
Les dispositions contenues dans le paragraphe II du texte proposé pour l'article L. 132-20-1 du code de la propriété intellectuelle prévoient que l'auteur peut céder ses droits à une société de communication audiovisuelle dans le cadre de la transmission ou de la retransmission par câble.
Lorsque l'on connaît les moyens de pression dont disposent certaines grosses sociétés audiovisuelles privées, on est en droit d'avoir des craintes pour la défense des intérêts des auteurs. Cette disposition ne risque-t-elle pas de soumettre les artistes à un chantage à l'emploi en offrant aux sociétés audiovisuelles la possibilité de ne pas faire appel à un artiste qui refuserait de céder ses droits ?
Il y a là, selon nous, une réelle atteinte aux principes qui ont prévalu, à la spécificité du droit d'auteur dans notre pays. Et la frontière entre droits d'auteur, d'un côté, et copyright, de l'autre, ne serait pas loin d'être franchie si une telle disposition était maintenue.
Lors de la première lecture de ce texte, en mars dernier, nous vous avons rappelé notre attachement au droit d'auteur, monsieur le ministre.
Depuis, l'actualité est venue mettre sur le devant de la scène nombre des craintes que nous pressentions alors pour l'ensemble de la création culturelle de notre pays.
Est-il bien opportun d'ajouter encore aux difficultés que rencontrent les artistes dans la mise en oeuvre d'une politique culturelle du moindre coût ?
La retranscription dans notre code de la propriété intellectuelle des deux directives du Conseil de l'Europe nous impose-t-elle de laisser le champ libre à ceux pour qui la création n'est que le prétexte à de précieux profits aux dépens même de la qualité et de la valeur culturelle de ce qui est difficilement créé ? Nous ne le pensons pas ! C'est pourquoi l'amendement n° 5 tend à supprimer le paragraphe II du texte qui nous est proposé, afin que, en matière de diffusion par câble, l'édifice juridique du droit d'auteur, qui fait l'originalité de notre pays, reste applicable.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Laffitte, rapporteur. Sur l'amendement n° 4, nous nous étions déjà expliqués en première lecture.
Je vous rappelle que, si l'agrément n'est imposé qu'aux sociétés de perception et de répartition des droits régies par le droit français, c'est pour deux raisons très simples.
D'abord, il s'agit d'une mesure qui s'inscrit dans le cadre du contrôle, d'ailleurs restreint, que le ministère de la culture exerce sur les sociétés régies par la loi française. Les sociétés étrangères sont, quant à elles, contrôlées en vertu de leurs lois nationales, souvent, d'ailleurs, de manière beaucoup plus rigoureuse qu'en France.
Ensuite, et surtout, imposer un agrément des autorités françaises aux sociétés communautaires qui exerceraient leur activité en France serait considéré comme une entrave à la liberté de prestation de services. Ou alors, il faudrait les agréer automatiquement, ce qui n'offrirait aucune garantie aux titulaires de droits et serait au désavantage des sociétés françaises.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
S'agissant de l'amendement n° 5, nous ne pouvons pas supprimer le paragraphe II de l'article, car c'est la directive qui prévoit que les titulaires de droits de retransmission câblée devront soit les confier à une société de gestion collective, soit les céder directement aux entreprises de communication audiovisuelle.
Cette disposition est d'ailleurs conforme à la pratique actuelle, car, très souvent, le diffuseur primaire acquiert lui-même les droits de rediffusion des émissions pour pouvoir ensuite céder son programme libre de droits aux câblo-distributeurs.
La commission est très consciente des préoccupations exprimées par M. Ralite en ce qui concerne le « chantage à l'emploi » parfois exercé par certains producteurs de disques ou de programmes audiovisuels à l'égard des artistes, et qui est effectivement tout à fait condamnable. Mais, là, il est question de la cession de droits effectuée par le producteur de programmes au diffuseur.
Pour toutes ces raisons, la commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. S'agissant de l'amendement n° 4, le Sénat a déjà repoussé en première lecture une disposition identique. Comme je l'avais alors dit, il ne serait pas compatible avec le droit communautaire d'instituer un agrément à l'égard des sociétés européennes non françaises.
Le Gouvernement ne peut donc qu'être défavorable à cet amendement.
Quant à l'amendement n° 5, il est directement contraire à la directive.
Le Gouvernement y est donc également défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 4.
M. Jack Ralite. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. J'ai bien entendu les arguments qui ont été avancés, mais cela me fait craindre un phénomène de délocalisation. En effet, les sociétés d'auteurs étrangères seront régies par certaines règles tandis que les sociétés françaises seront régies par d'autres règles.
Quant à l'amendement n° 5, il concerne les sociétés audiovisuelles. A ce sujet, j'ai évoqué tout à l'heure les sept points de la stratégie américaine, qui sont d'ailleurs bien connus à Bruxelles. Le septième, qui consiste à avoir discrètement des relations avec les grandes compagnies privées en Europe qui sont en opposition avec les quotas, telles TF1, et les mesures que la France défend avec certains de ses partenaires européens risque d'ouvrir une brèche, une fissure, au point de « tordre » les principes, et c'est parfaitement regrettable.
Je considère que nos amendements sont bons et j'invite la Haute Assemblée à les adopter.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article additionnel après l'article 4