M. le président. M. René Rouquet appelle l'attention de Mme le ministre de l'environnement sur le démarrage des travaux de construction d'une turbine à combustion par EDF sur le site Arrighi de Vitry-sur-Seine à l'heure où de graves problèmes de pollution atmosphérique se posent en Ile-de-France.
Choqué par le caractère pour le moins prématuré et inacceptable du début de ces travaux, décidés avant même d'avoir obtenu les résultats définitifs de l'étude globale de pollution réclamés à maintes reprises sur ce secteur qui paye déjà un lourd tribut aux nuisances atmosphériques, il lui demande de bien vouloir lui faire part de la position du Gouvernement sur cette situation, qui suscite les plus vives inquiétudes au regard de la santé publique. (N° 500.)
La parole est à M. Rouquet.
M. René Rouquet. Madame le ministre, je suis très heureux que vous soyez présente pour répondre à cette question, qui me tient énormément à coeur.
La mise en oeuvre effective du projet de loi sur l'air, qui vient d'être adopté en commission mixte paritaire, est désormais attendue avec une légitime impatience par de nombreux élus locaux, dont je suis, qui n'admettent pas de voir nos concitoyens subir plus longtemps les conséquences des nuisances atmosphériques sur leur santé.
Aussi, je voudrais appeler votre attention sur le lancement par EDF des travaux de construction d'une nouvelle turbine à combustion sur le site d'Arrighi de Vitry-sur-Seine, déjà amplement pourvu en unités à caractère polluant.
Cette situation provoque les plus vives inquiétudes dans ma commune d'Alfortville, qui est située juste de l'autre côté de la Seine. Il s'agit, en effet, d'un secteur d'habitations très proche du site, et des milliers d'habitants ont assisté, depuis la fin du mois de septembre, sous leurs fenêtres, à l'ouverture d'un chantier pour le moins prématurée. En effet, celle-ci est intervenue avant même que l'autorisation d'exploitation de l'établissement ait été officiellement notifiée par l'Etat et sans que mon conseil municipal ait eu connaissance des résultats définitifs, pourtant maintes fois réclamés, de l'étude globale de pollution sur ce site industriel.
J'attends, madame le ministre, que le Gouvernement adopte une position claire face à l'attitude hégémonique et pour le moins irresponsable d'EDF. L'attitude de cette entreprise est en effet hégémonique, parce qu'elle choisit de privilégier des intérêts fonciers en exploitant une installation sur un site dont elle est propriétaire, au mépris des craintes et des oppositions qui se sont exprimées à propos des risques réels que crée la concentration d'unités polluantes dans ce secteur ; l'attitude de cette entreprise est également irresponsable parce qu'elle n'hésite pas à engager des fonds publics, ceux que vous et moi alimentons de façon régulière par le paiement de nos factures d'électricité, pour financer à concurrence de plusieurs centaines de millions de francs un projet qui n'a pas encore obtenu officiellement, à ce jour, l'autorisation d'exploitation.
Madame le ministre, il s'agit de savoir si aujourd'hui, dans notre pays, une telle entreprise publique est au-dessus des lois pour qu'elle se permette, à l'heure où s'exerce un contrôle rigoureux des dépenses publiques, de se lancer ainsi dans de tels travaux. Il s'agit aussi de dire si aujourd'hui, dans notre pays, il y a deux poids, deux mesures et si les efforts de rigueur budgétaire qui sont demandés aux collectivités locales ne s'appliquent pas à une entreprise comme EDF.
Qu'adviendrait-il, madame le ministre, si d'aventure un maire ou un président de conseil général engageait ce type de dépenses sans plus de garanties ? Qu'adviendrait-il enfin si, à la suite du recours que notre commune vient d'introduire sur ce dossier, la justice établissait qu'une erreur a été commise et donnait satisfaction à Alfortville ?
Madame le ministre, les habitants d'Alfortville, de Maisons-Alfort, de Vitry-sur-Seine et de Choisy-le-Roi souhaitent aujourd'hui connaître votre position sur ce chantier et soulignent une fois de plus l'attitude hégémonique de cette grande entreprise publique, qui est vécue dans ma commune comme une véritable provocation doublée d'une profonde injustice.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement. Monsieur le sénateur, vous savez à quel point je suis soucieuse des problèmes de pollution atmosphérique. Je comprends donc l'inquiétude que vous avez manifestée. Je ne vous répondrai pas sur la question du permis de construire, qui ne relève pas de ma compétence. Vous savez que notre droit distingue la législation de l'urbanisme, qui aboutit à la délivrance du permis de construire, et la législation des installations classées, qui aboutit à l'autorisation d'exploitation. Ainsi, dans de nombreux cas, en application de la loi, même si l'on peut s'interroger du point de vue du bon sens, un permis de construire peut être délivré et une construction débuter avant qu'une autorisation d'installation classée soit délivrée.
Cela dit, je vous rappelle la législation actuelle en matière d'installations classées, qui relève de ma compétence.
La demande d'autorisation d'exploiter, déposée par EDF le 20 novembre 1995, a été instruite conformément aux dispositions de la loi du 19 juillet 1976. Une enquête publique, au cours de laquelle vous vous êtes du reste exprimé, s'est déroulée du 21 mai au 20 juin 1996. Simultanément, l'ensemble des services administratifs ainsi que les conseils municipaux de Vitry-sur-Seine et des communes avoisinantes ont été consultés. Le conseil départemental d'hygiène du Val-de-Marne a donné un avis favorable le 22 octobre 1996 et un arrêté préfectoral d'autorisation d'exploiter a été délivré le 22 novembre 1996.
L'arrêté réglemente les émissions polluantes de l'installation à des niveaux très bas correspondant à la mise en oeuvre des meilleures technologies actuellement disponibles. Les rejets soufrés de l'installation ne devraient pas dépasser le centième, c'est-à-dire 43 tonnes par an contre 5 000, et les rejets d'oxyde d'azote le cinquantième, soit 54 tonnes par an contre 2 500, des rejets de la centrale thermique existante.
La faiblesse de ces augmentations confirme la justesse de l'avis favorable du conseil départemental d'hygiène du Val-de-Marne et devrait permettre d'exclure les vives inquiétudes pour la santé publique dont vous faites état.
Cela dit, monsieur le sénateur, je vous rappelle que nous sommes dans le cadre d'une législation des installations classées et que si, d'aventure, les dispositions paraissaient insuffisantes dans les années à venir, elles pourraient toujours être modifiées.
M. René Rouquet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Rouquet.
M. René Rouquet. Vous vous doutez bien, madame le ministre, que je ne suis pas satisfait de votre réponse. Bien sûr, elle fait référence à des textes et à des décisions, mais il n'en reste pas moins que ce secteur comprend déjà un certain nombre d'installations très polluantes. Celle dont nous parlons n'accroîtra sans doute pas énormément la pollution, mais elle en ajoutera un peu plus. On vient en effet d'autoriser sur le site d'Arrighi l'installation d'une turbine, mais d'autres viendront s'y ajouter.
Par ailleurs, une usine d'incinération des déchets sera construite en plein centre urbain, sur le site d'Alfortville-Vitry.
Nous avions déjà demandé à M. le préfet ainsi qu'à vous-même, madame le ministre, qu'une étude soit menée dans ce secteur pour recueillir des données globales sur la pollution. Or, à ce jour, nous n'avons pas encore obtenu satisfaction. A chaque fois, on nous dit que ces installations n'augmentent que très peu la pollution. Malheureusement, elles sont toujours situées au même endroit. On installe des turbines d'appoint pour l'hiver en plein centre-ville dans la région parisienne ! Pourquoi pas boulevard Haussmann ?
Pourquoi Alfortville-Vitry ? Pourquoi toujours l'est parisien ? Pourquoi ce sont toujours les mêmes qui « trinquent » ? Demain, il s'agira de l'usine d'incinération d'ordures ménagères, puisque le SIVOM a obtenu un vote favorable du conseil général pour l'installer sur le site d'Alfortville-Vitry, afin de brûler les ordures ménagères de Paris et de la Seine-Saint-Denis. On va convoyer par train et par voie fluviale, nous dit-on, des ordures de Romainville, et c'est une fois de plus ce secteur très urbanisé et très industrialisé du Val-de-Marne qui paiera.
Les habitants de cette région en ont plus qu'assez et ils vont finir par se révolter !
J'attire votre attention, madame le ministre, pour que l'on étudie tous ces dossiers d'une façon un peu plus humaine, en tenant compte des impératifs de santé publique plutôt qu'en considérant les problèmes de législation, de droit, d'installations classées. Je vous remercie de ce que vous pourrez faire à l'avenir pour ce secteur.
FINANCEMENT DES TRAVAUX DE PRÉVENTION
DES RISQUES NATURELS PRÉVISIBLES