M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Tous deux sont présentés par MM. Girod, Delaneau, Hoeffel et Collard.
L'amendement n° II-94 rectifié tend à insérer, après l'article 81, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le deuxième alinéa du 2° du IV bis de l'article 1648 A du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« A compter du 1er janvier 1997, le prélèvement au profit du groupement dont les bases ont été écrêtées est fixé à 30 % au moins et 60 % au plus du montant de l'écrêtement. »
L'amendement n° II-95 vise à insérer, après l'article 81, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le deuxième alinéa du 2° du IV bis de l'article 1648 A du code général des impôts est ainsi rédigé :
« A compter du 1er janvier 1997, le prélèvement au profit du groupement dont les bases ont été écrêtées après le 31 décembre 1992 est fixé à 30 % au moins et 60 % au plus du montant de l'écrêtement. »
La parole est à M. Girod, ... de l'Aisne. (Sourires.)
M. Paul Girod. Je vous remercie, monsieur le président, de cette précision, d'autant plus que les arguments que je vais développer ne sont pas sans rapport avec ceux qu'a développés M. Girault, du Calvados (Sourires) - je n'ai pas dit de Caen et je vous expliquerai pourquoi dans un instant -, au sujet des fonds départementaux de péréquation de taxe professionnelle.
Ce matin, notre collègue M. Girault, du Calvados, mais probablement un peu influencé par les responsabilités d'une personnalité ayant une homonymie totale avec lui et s'occupant de la ville de Caen et du district qui l'entoure, a présenté une série d'amendements tendant à faire en sorte que la progression de l'intercommunalité soit facilitée par la disparition de l'écrêtement, que certains établissements inclus dans les périmètres intercommunaux et trop importants par rapport à leur commune d'origine sont amenés à consentir au bénéfice des fonds départementaux de péréquation de taxe professionnelle.
J'ai eu le sentiment que, en divers points de cette assemblée et pas seulement sur les travées des parlementaires, l'argumentation portait par certains côtés et que l'on considérait que la progression de l'intercommunalité serait grandement facilitée si l'on faisait disparaître certains prélèvements au profit des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle.
Je comprends le raisonnement de ceux qui sont à la tête d'un district ou d'une structure à fiscalité propre, ils se disent : Après tout, la mission dont nous nous sentons investis et l'oeuvre à laquelle nous nous consacrons pour partie seraient plus faciles à diffuser si ce genre d'obstacle n'existait pas. Mais c'est peut-être faire fi d'une autre solidarité, celle que les départements ont en charge, à savoir la solidarité entre milieux ruraux et milieux urbains, entre milieux à activité industrielle importante et dense et milieux dans lesquels cette activité ne peut pas s'implanter, entre milieux qui comptent nombre d'établissements de la grande distribution et milieux ruraux au sein desquels le petit commerce a disparu, tué par la grande distribution urbaine. Il y a peut-être, là aussi, quelques questions à se poser.
La solution qui consiste purement et simplement à dire que, l'intercommunalité étant la voie du futur, la solidarité à l'échelon départemental n'a pas à exister est sans doute un peu courte.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le président, me fondant sur une logique exactement inverse à celle en faveur de laquelle certains ont plaidé ce matin - ils prônaient l'appui à l'intercommunalité par cette voie un peu sommaire, selon moi - j'ai déposé une série d'amendements qui tendent plutôt à assurer la pérennité et le volume des recettes des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle.
En effet, ils prévoient une révision des mécanismes d'écrêtement en vigueur afin que les modifications juridiques de ces groupements n'aient pas pour conséquence de supprimer la péréquation à l'échelon du département. Il s'agit là d'un point auquel il faut être attentif.
M. René Régnault. C'est exact !
M. Paul Girod. Je pense, pour ma part, car je vois bien comment le débat va s'orienter dans quelques instants, que si l'on réfléchit, dans le cadre de la discussion d'un projet de loi à venir, sur les modalités d'appui à l'intercommunalité en remettant en cause la structure actuelle des prélèvements au profit des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, il faut poser le problème dans son ensemble, et ne pas prendre uniquement en compte le fait que tel ou tel groupement essaie d'échapper à l'écrêtement qui a été créé au profit d'un établissement exceptionnel.
C'est probablement sur ce point qu'il convient de réfléchir. Peut-être serait-il préférable d'aboutir un jour à un écrêtement modéré des sur-richesses fiscales, liées à la taxe professionnelle, de communes ou de groupements de communes par rapport au reste de leur environnement, au lieu d'être « coincé », si je puis dire, par le caractère exceptionnel de l'établissement auquel s'applique le prélèvement ? En effet, alors que, au départ, le dispositif avait été prévu pour les grands barrages hydroélectriques et les centrales nucléaires, il a été par la suite appliqué à d'autres situations.
Tel est l'objet de l'amendement n° II-94 rectifié. L'amendement n° II-95 est un amendement de repli.
Dans le système actuel, le retour automatique se situe, pour certains groupements, entre les deux tiers et les trois quarts de leur écrêtement et, pour d'autres, entre 30 % à 60 %, en fonction de la nature juridique ou de la date de leur création ou du changement de leur statut. Tout cela me semble incohérent.
C'est pourquoi l'amendement n° II-94 rectifié tend à placer tous les groupements dans la même situation, afin de ne pas « massacrer » ces fameuses situations acquises qui, en permanence, pèsent tant sur nos débats.
J'ai déposé un amendement de repli, n° II-95, qui vise à respecter la date fatidique du 31 décembre 1992 comme limite entre l'existence préalable et l'existence ultérieure de certains groupements.
Mais très honnêtement, monsieur le président, je crois me faire l'écho d'un problème de fond : y aura-t-il ou non, à l'échelon des départements, un minimum de solidarité entre ceux qui perçoivent un montant important de taxe professionnelle, eussent-ils créé des structures intercommunales, et ceux qui n'en ont pas du tout ? Nous savons bien qu'une solidarité nationale existe ; mais celle-ci est toujours compliquée du fait de l'introduction de pensées politiques variées quand il s'agit de redistribuer les fonds nationaux sur les collectivités territoriales : l'exemple de la DGF, qui sert maintenant à couvrir toute une série de politiques très différentes de celle qui a présidé à sa création, est là pour nous le rappeler. Je crois donc vraiment, monsieur le président, qu'il y a un problème de fond qui doit être posé dans son ensemble et non pas seulement au niveau du soutien à l'intercommunalité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s II-94 rectifié et II-95 ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je tiens tout d'abord à saluer la présence parmi nous de M. le ministre de l'économie et des finances.
Monsieur Paul Girod, dont nous connaissons et, surtout, dont nous envions la compétence en matière d'intercommunalité, vous avez écouté le débat de ce matin, et vous n'avez pas pu en conclure que la commission des finances aurait opté pour un écrêtement ou pour la suppression des écrêtements en vue de vider les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle. Ce n'est en effet pas ce qui a été dit. Rien ne serait pire que d'opposer les agglomérations à l'espace rural, car ce serait une vision mortelle pour les agglomérations comme pour l'espace rural. Il faut donc trouver des solutions équilibrées.
Ce que la commission des finances m'avait mandaté de faire ce matin, c'était d'expliquer les enjeux pour chaque amendement, d'indiquer s'il s'agissait d'un écrêtement ayant pour effet d'alimenter le fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle ou si le dispositif supprimait tout écrêtement et avait pour effet de faire perdre au fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle toute ressource qui lui était nécessaire pour soutenir les collectivités territoriales de l'espace rural.
Il nous faut trouver une solution équilibrée, qui assure toute sécurité aux communes et aux groupements de communes. En la matière, rien n'est pis que l'aventure. Si les décisions prises par les élus territoriaux - nous le sommes tous plus ou moins - le sont, certes, dans le cadre de budgets annuels, puisque telle est en effet la loi, elles sont néanmoins aussi inscrites dans une projection pluriannuelle ; dès lors qu'une ressource aussi importante que celle-ci vient à connaître des flux aussi immaîtrisables, c'est toute l'action de la commune ou du groupement de communes qui est en cause.
Il nous faut donc adopter une législation lisible, durable, qui ne donne pas lieu à des aléas annuels selon les idées géniales ou les caprices du Parlement, voire - mais je reconnais que cela lui arrive moins souvent - du Gouvernement.
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Merci !
M. Alain Lambert, rapporteur général. C'est la raison pour laquelle la commission des finances a considéré que l'amendement n° II-94 rectifié appelait sa sympathie. En effet, elle a eu l'impression qu'entre l'amendement qui avait été soumis à son examen lors de la préparation de la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier et l'amendement adopté en séance publique était intervenue une rectification dont l'impact n'avait pas été totalement maîtrisé.
La commission des finances, ayant pleine conscience de ses responsabilités, a estimé qu'il pouvait être opportun de recueillir l'avis du Gouvernement sur cet amendement, puis de s'en remettre à la sagesse du Sénat. En effet, au fond, cher Paul Girod, c'est la sagesse du Sénat, bonne ou mauvaise, qui a entraîné l'adoption de votre amendement, lors de la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.
S'agissant de l'amendement n° II-95, je le qualifierai d'« amendement de repli ». Pour être franc, l'amendement n° II-94 rectifié est vraiment moins « nocif » que l'amendement n° II-95. Si le Sénat, dans sa grande sagesse, souhaitait en adopter un, il ne faudrait pas qu'il ait la moindre hésitation ; mieux vaudrait qu'il choisisse l'amendement n° II-94 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s II-94 rectifié et II-95 ?
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement partage la conviction qu'a exprimée M. Paul Girod, à savoir que le département est une institution essentielle dans notre démocratie et qu'il est un bon espace de solidarité.
Depuis l'adoption de l'amendement lors de la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, qui a donné naissance à la loi du 12 avril 1996, le reversement du produit de l'écrêtement au profit des groupements à fiscalité propre additionnelle est différent selon leur date de création, à savoir avant ou après le 31 décembre 1992. En effet, une présomption pesait sur les groupements constitués depuis lors : leur constitution aurait pu être motivée plus par une opportunité financière que par un attachement à une solidarité intercommunale authentique.
Voilà donc ce qui a été décidé, et il est naturellement tentant de faire disparaître cette spécificité.
Cela dit, je voudrais vous rappeler que le Gouvernement prépare un projet de loi sur l'intercommunalité, et que c'est a priori dans ce cadre global qu'une telle disposition devrait être étudiée et arrêtée.
Sous le bénéfice de ces observations, et étant bien précisé que le Gouvernement déposera un projet de loi sur l'intercommunalité au cours du premier semestre de 1997, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-94 rectifié.
M. Jean-Marie Girault. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Girault.
M. Jean-Marie Girault. Hier soir, cette nuit et ce matin, le débat sur l'intercommnunalité s'est développé à la faveur des différents amendements présentés.
J'en avais moi-même déposé un certain nombre, auxquels j'ai renoncé en fonction de deux logiques : celle du prochain collectif budgétaire, s'agissant de certains aspects de l'intercommunalité ; celle d'un projet de loi sur l'intercommunalité, qui est en préparation et qu'évoquait à l'instant M. le ministre de l'économie et des finances, s'agissant de problèmes très proches de ceux que nous évoquons cet après-midi.
J'indique à mon collègue Girod de l'Aisne (sourires) que je me suis rangé volontiers à cette logique. Je pense que notre vertueux rapporteur général a raison de convaincre nos collègues d'attendre le projet de loi sur l'intercommunalité à l'occasion de la discussion duquel nous pourrons débattre des ressources entre les départements et les établissements qui prônent l'intercommunalité.
C'est un problème fondamental dans l'optique de l'aménagement du territoire, et c'est pourquoi, sans exprimer une opinion définitive sur le fond à propos de ces amendements, je voterai contre eux, non pas par principe, mais par souci d'une organisation cohérente du débat sur l'intercommunalité dans ses rapports avec l'institution départementale.
M. Paul Girod. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Si j'en avais douté un jour, j'aurais été convaincu aujourd'hui de la sagesse du vieil adage selon lequel « qui n'entend qu'une cloche n'entend qu'un son » !
En effet, l'un de nos débats de ce matin portait sur le soutien à l'intercommunalité, et le moins que l'on puisse dire, c'est que l'on ne parlait des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle que de manière allusive, et pas forcément pour les défendre.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'avais demandé la parole contre l'amendement de M. Jean-Marie Girault, car je souhaitais expliquer quels effets nocifs pourrait entraîner son adoption.
Cet après-midi, j'ai été amené à souligner l'intérêt des fonds départementaux, et j'entends bien - je remercie M. le rapporteur général de nous l'avoir dit - que la commission des finances n'a pas pour objectif - je n'en doutais d'ailleurs pas une seconde - d'assassiner les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle. Toutefois, il était utile, à mon avis, que, au cours de ce débat et dans cette enceinte, soient posées dans des termes complémentaires ces deux approches d'un même problème, celui de l'excessive concentration des bases de taxe professionnelle à l'échelon municipal, sur certaines zones de notre territoire, qu'on l'apprécie à l'échelon d'une agglomération, d'un département ou de la nation tout entière.
J'ai bien entendu les appels de M. le rapporteur général et de M. le ministre de l'économie et des finances. Je voudrais tout de même rappeler au passage que les soupçons qui avaient poussé le Sénat à mettre en place, dans sa sagesse, un régime à deux vitesses n'étaient pas dénués de fondement ; or, ces fondements demeurent.
Je vous remercie d'avoir constaté que l'application de la règle de répartition « 30-60 » n'était pas si invertueuse que cela et de proposer plutôt l'extension de cette règle aux groupements constitués avant 1992 plutôt que le maintien de la césure.
Cela étant dit, j'ai bien saisi qu'un texte était actuellement en préparation. Pour l'instant, il s'agit d'un projet de loi sur l'intercommunalité. Je voudrais donc poser une question simple à M. le ministre : peut-il prendre l'engagement que ce texte aura pour objet l'intercommunalité, certes, mais également des solidarités complémentaires allant au-delà de l'intercommunalité ? S'il peut me répondre par l'affirmative, je retirerai mes amendements.
M. René Régnault. C'est une bonne question que j'ai moi-même déjà posée ce matin. C'est intéressant !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Le Gouvernement considère que la dimension financière et fiscale est indissociable de l'intercommunalité. Par conséquent, un texte sur l'intercommunalité devra mettre à plat l'ensemble de ces dispositions pour faire vivre un principe d'authentique solidarité à l'abri de toute suspicion.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je ne souhaite pas que mes propos soient mal interprétés. Tout à l'heure, je me suis mal exprimé, et je prie le Sénat de bien vouloir m'en excuser.
J'en ai appelé à la sagesse du Sénat ; en effet, lorsque je souhaite que l'auteur d'un amendement retire son texte, je le lui dis très simplement. Par conséquent, mon cher collègue, je ne vous ai pas invité à retirer votre amendement puisque je vous ai indiqué que l'amendement qui avait été adopté la dernière fois avait été rectifié après l'avis de la commission des finances, ce qui sous-entendait que la rectification m'était apparue comme audacieuse.
J'ai indiqué que votre proposition appelait la sympathie de la commission des finances. C'était une forme délicate et distinguée de signifier qu'il pouvait utilement prospérer. Je ne pourrai pas vous en dire davantage !
M. Paul Girod. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Je suis très ému de constater que, petit à petit, nous progressons dans le bon sens. Je suis d'ailleurs plus ému que vous ne le pensez car, dans ces débats difficiles, on a l'impression, chacun « avançant sur des oeufs », comme on le dit familièrement, que le pire serait le malentendu !
Dans ces conditions, je maintiens l'amendement n° II-94 rectifié, mais je retire l'amendement n° II-95.
M. le président. L'amendement n° II-95 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-94 rectifié.
M. René Régnault. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. « L'enfer est souvent pavé d'excellentes intentions », dirai-je.
Ici, nous ne sommes pas à mon avis, devant autre chose. En effet, à regarder les choses ponctuellement, qui pourrait être hostile à ce que tout fonds de péréquation soit le plus abondant possible afin que les collectivités les moins bien traitées voient leur situation s'améliorer ?
Mais l'idée avancée par M. le rapporteur général et par M. le ministre de relier tout cela au projet de loi sur l'intercommunalité et de déboucher ainsi, dans les meilleures conditions, sur des mesures globales nous a paru tout à fait séduisante. C'est la raison pour laquelle, depuis cette nuit, nous nous rangeons à cet égard aux avis de la commission des finances et du Gouvernement.
En effet, mes chers collègues, nous jouons aux apprentis sorciers, car il est clair que, lorsque nous aurons voté cette mesure, nous nous apercevrons que de nouvelles inégalités apparaissent.
Je considère qu'il nous faut enfin aborder ce problème dans sa globalité : après avoir fixé les objectifs, il faudra ensuite gérer les dimensions fiscales et financières en fonction de ces objectifs, avec le souci d'encourager l'intercommunalité, de mieux traiter les collectivités qui sont moins bien servies effectivement et de faire fonctionner la péréquation le mieux possible.
Il ne serait pas de bonne méthode de faire « un petit coup par-ci et un petit coup par-là », une approche globale me paraît beaucoup plus séduisante.
C'est parce que nous sommes très favorables à cette approche globale et à une rédéfinition des objectifs de l'intercommunalité à travers la loi, voire à travers le prochain collectif, comme on nous l'a promis ce matin, que nous sommes défavorables à l'amendement qui nous est soumis.
M. Jean-Marie Girault. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Girault.
M. Jean-Marie Girault. Notre collègue Paul Girod, après les explications de M. le ministre et de M. le rapporteur général, a retiré son amendement n° II-95, et c'est heureux, car son adoption aurait déstabilisé la réflexion sur le thème de l'intercommunalité vis-à-vis de la collectivité territoriale qu'est le département.
Mais il a maintenu l'amendement n° II-94 rectifié, qui ne me paraît pas conforme à l'état d'esprit que nous devons développer aujourd'hui.
Je voudrais dire à mon collègue Paul Girod, qui est un éminent président de conseil général, que l'intercommunalité fait aujourd'hui partie de la vie des départements : les collectivités ont des intérêts communs, elles ne sont pas concurrentes.
Comme M. Arthuis, je considère que nous ne pourrons pas faire l'économie, dans le prochain projet de loi sur l'intercommunalité, d'un débat approfondi sur les rapports entre les différentes collectivités territoriales. Tenons-nous en là aujourd'hui et n'engageons pas, en votant cet amendement, des dispositions qui pourraient être contredites lors du débat sur l'intercommunalité.
C'est pourquoi je vous demande instamment, mes chers collègues, de ne pas voter cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-94 rectifié, pour lequel la commission et le Gouvernement s'en remettent à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 81.
Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Tous deux sont présentés par MM. Paul Girod, Collard, Delaneau et Hoeffel.
L'amendement n° II-96 vise à insérer, après l'article 81, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le I quinquies de l'article 1648 A du code général des impôts, il est inséré un paragraphe I sexies ainsi rédigé :
« I sexies. Pour les districts créés avant la date de promulgation de la loi n° 92-125 du 6 février 1992, lorsque les bases d'imposition d'un établissement, rapportées au nombre d'habitants de la commune sur le territoire de laquelle est situé l'établissement, excèdent deux fois la moyenne nationale des bases de taxe professionnelle par habitant, il est perçu directement un prélèvement au profit du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle égal au produit du montant des bases excédentaires par le taux de taxe professionnelle du district. »
L'amendement n° II-97 rectifié bis a pour objet d'insérer, après l'article 81, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le I quater de l'article 1648 A du code général des impôts, il est inséré un I quater A ainsi rédigé :
« I quater A. Pour les districts existant à la date de promulgation de la loi n° 92-125 du 6 février 1992, lorsque les bases d'imposition d'un établissement, rapportées au nombre d'habitants de la commune sur le territoire de laquelle est situé l'établissement, excèdent deux fois la moyenne nationale des bases de taxe professionnelle par habitant, il est perçu directement un prélèvement au profit du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle égal au produit du montant des bases excédentaires multiplié par la différence positive entre le taux de taxe professionnelle du district l'année au titre de laquelle est opéré l'écrêtement et ce même taux pour 1996.
« Pour les groupements mentionnés au premier alinéa du I ter, les dispositions du précédent alinéa s'appliquent aux bases excédentaires des établissements situés hors de la zone d'activité économique. Les dispositions du précédent alinéa ne s'appliquent pas aux groupements mentionnés au troisième alinéa du I ter. »
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. J'ai déjà retiré avant la séance l'amendement n° II-98 et je vous indique dès à présent que je vais également retirer ces deux amendements n° II-96 et II-97 rectifié bis, monsieur le président, parce qu'ils auront effectivement leur place - plus encore que l'amendement n° II-94 rectifié, que j'ai maintenu tout à l'heure - au sein du texte sur l'intercommunalité. M. le ministre ne nous a-t-il pas bien précisé que la dimension de la solidarité dépasserait celle de l'intercommunalité dans la loi qui est en préparation ? Ce sera en tout cas à ce niveau-là qu'il faudra régler le problème des districts.
En fait, il s'agit non pas de défaire - je réponds là à M. Jean-Marie Girault - mais de faire en sorte que nous réfléchissions vraiment aux motifs de l'écrêtement. Or, pour l'instant, toute la discussion tourne autour de l'établissement, alors que, dans des zones entières, des masses énormes de taxe professionnelle se sont concentrées sans qu'aucun des établissements situés dans la zone ne soit touché par le mécanisme de l'écrêtement. Plus l'intercommunalité se développera - et nous le souhaitons - plus ce phénomène risque de s'amplifier. La solidarité départementale sera donc, à terme, de plus en plus nécessaire.
Je suis heureux de savoir que le futur texte relatif à l'intercommunalité prendra en compte cette réflexion et, dans cette perspective, je vous confirme, monsieur le président - à moins que M. le rapporteur général veuille s'exprimer sur ce sujet - que je retire les amendements n° II-96 et II-97 rectifié bis.
M. le président. Les amendements n°s II-96 et II-97 rectifié bis sont retirés.
Je suis maintenant saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n°s II-93 est présenté par MM. Jean-Marie Girault, Souvet, Rausch, Lombard et Quilliot.
L'amendement n° II-183 est déposé par MM. Bialski, Régnault et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 81, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 5211-39 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art... - Lorsqu'un groupement de communes, district ou communauté urbaine, opte pour les dispositions de l'article 1609 nonies C du code général des impôts, il est assuré de percevoir, l'année où il lève pour la première fois la taxe professionnelle à taux unique, une attribution au titre de dotation globale de fonctionnement au moins égale à celle qu'il a perçue l'année précédente, augmentée comme la dotation forfaitaire prévue à l'article L. 2334-7. »
Les deux derniers sont également identiques.
L'amendement n° II-92 est présenté par MM. Jean-Marie Girault, Lombard, Souvet, Rausch et Quilliot.
L'amendement n° II-184 est déposé par MM. Bialski, Régnault et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 81, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 5211-39 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art... - Lorsqu'une communauté urbaine opte pour les dispositions de l'article 1609 nonies C du code général des impôts, elle est assurée de percevoir, l'année où elle lève pour la première fois la taxe professionnelle à taux unique, une attribution au titre de dotation globale de fonctionnement au moins égale à celle qu'elle a perçue l'année précédente, augmentée comme la dotation forfaitaire prévue à l'article L. 2334-7. »
La parole est à M. Jean-Marie Girault, pour défendre l'amendement n° II-93.
M. Jean-Marie Girault. L'un des principaux obstacles à l'adoption par les districts et les communautés urbaines du régime de la taxe professionnelle à taux unique réside dans la perte relative de dotation globale de fonctionnement que celle-ci entraîne.
Il est donc proposé de garantir aux districts et aux communautés urbaines qui opteraient pour les dispositions de l'article 1609 nonies C du code général des collectivités territoriales, la première année du changement de régime fiscal, une attribution de dotation globale de fonctionnement au moins égale à celle qui a été perçue l'année précédente.
Lors de la discussion au Sénat du projet de loi d'orientation sur l'aménagement et le développement du territoire, une disposition similaire avait été introduite en faveur des fusions de communes, afin que celles-ci n'aboutissent pas à une diminution de la dotation globale de fonctionnement.
Je demande donc au Sénat d'adopter, ne serait-ce que par parallélisme, cet amendement n° II-93.
M. le président. La parole est à M. Régnault, pour défendre l'amendement n° II-183.
M. René Régnault. Cet amendement, identique à l'amendement n° II-93, vient d'être excellemment présenté par M. Jean-Marie Girault.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Girault, pour défendre l'amendement n° II-92.
M. Jean-Marie Girault. Il s'agit d'un amendement de repli, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Régnault, pour défendre l'amendement n° II-184.
M. René Régnault. Je partage tout à fait ce que vient de dire M. Jean-Marie Girault.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s II-93, II-183, II-92 et II-184 ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je dois tout d'abord un mot à la Haute Assemblée pour que la commission des finances mérite toujours sa confiance. Si, il y a un instant, je n'ai pas découragé M. Paul Girod de persévérer avec l'amendement n° II-94 rectifié, c'est parce que la commission des finances entend rester fidèle à la position qu'elle a défendue lors de la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier : elle avait alors émis un avis favorable sur une rédaction que M. Paul Girod proposait déjà au Sénat d'adopter. L'amendement n° II-94 rectifié n'a donc pas apporté d'élément nouveau, car tout élément nouveau aurait en effet mérité d'être reporté à la discussion du projet de loi portant réforme de l'intercommunalité.
J'en viens aux quatre amendements sur lesquels vous m'interrogez, monsieur le président.
Les deux premiers posent une règle, les deux suivants sont des amendements de repli. Mais tous quatre sont déjà satisfaits ! Je pense donc que l'éclairage que le Gouvernement nous donnera dans un instant sera naturellement à même de lever les dernières réticences de leurs auteurs, à qui je propose dès maintenant de retirer leurs amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Je voudrais d'abord remercier M. Paul Girod d'avoir retiré ses amendements n°s II-96 et II-97 rectifié bis et lui dire que tous les districts et communautés n'ont pas été constitués à des fins d'opportunité financière ! Un certain nombre d'institutions intercommunales l'ont été pour des motivations très louables et les transferts de compétence ont été très clairs pour les communes de base et les groupements de communes.
Cela étant dit, s'agissant des amendements n°s II-93, II-183, II-92 et II-184, la commission des finances n'a pas besoin de l'appui du Gouvernement ! Quoi qu'il en soit, la préoccupation des auteurs de ces amendements est bien satisfaite par l'article L. 5211-36 du code général des collectivités territoriales.
Au demeurant, il peut y avoir difficulté non pas la première année de la constitution de la structure intercommunale, mais les années suivantes. Ce problème trouvera toutefois sa solution dans le cadre du projet de loi en cours de préparation sur l'intercommunalité.
M. le président. Dans ces conditions, monsieur Jean-Marie Girault, maintenez-vous les amendements n°s II-93 et II-92 ?
M. Jean-Marie Girault. Non, monsieur le président, je les retire.
M. le président. Et qu'en est-il des amendements n° II-183 et II-184, monsieur Régnault ?
M. René Régnault. Je les retire également, monsieur le président.
M. le président. Les amendements n°s II-93, II-183, II-92 et II-184 sont retirés.
Par amendement n° II-99, MM. Revet, Delaneau et Paul Girod proposent d'insérer, après l'article 81, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le I de l'article 1648 A du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l'application du présent paragraphe, les bases d'imposition de l'établissement sont complétées des bases d'imposition correspondant aux biens et services mis à sa disposition par les entreprises qui les contrôlent directement ou indirectement ou de personnes que ces entreprises contrôlent directement ou indirectement ou d'entreprises qu'il contrôle directement ou indirectement. »
La parole est à M. Revet.
M. Charles Revet. J'ai déjà présenté cet amendement à l'occasion de l'examen de la première partie du projet de loi de finances. Autant qu'il m'en souvienne, M. le ministre et M. le rapporteur général avaient alors considéré que la proposition que je leur soumettais avec mes collègues MM. Delaneau et Paul Girod permettait de résoudre un réel problème.
Quelle est la philosophie de cet amendement ?
Je partirai d'un cas concret, que je vis dans mon département. Une entreprise nationale importante y était écrêtée - le montant de son écrêtement était élevé et permettait d'alimenter le fonds départemental de péréquation - et elle a décidé, comme la loi l'y autorise, de se scinder en deux, une première partie étant constituée par une société au sein de laquelle ont été rattachés les biens et matériels, une seconde partie par une société regroupant les personnels. Mais le site est demeuré le même, les personnels de la seconde société travaillant dans les biens et avec les matériels de la première. De la sorte, cette entreprise a évité l'écrêtement, et a donc privé de taxe professionnelle le fonds départemental de péréquation.
Lorsque j'avais posé, ici même, une question orale sur ce sujet à M. Arthuis, celui-ci m'avait répondu qu'il faudrait revoir la situation, mais les responsables de Bercy se sont empressés de prendre les dispositions nécessaires pour que l'Etat, qui aurait dû verser une compensation, n'ait pas à intervenir.
Dans cette affaire, les conseils généraux ont été oubliés ! Si l'on maintient la situation en l'état, monsieur le ministre, mon conseil général subira, à travers le cas de cette entreprise, une perte importante. Et, fatalement, toutes les entreprises feront de même !
Au contraire, en adoptant l'amendement que je vous propose, vous ne pénaliserez ni l'entreprise, qui ne paiera ni plus ni moins d'impôts, ni l'Etat, qui n'aura de toute façon pas à assurer de compensation.
En fait, cet amendement vise à rétablir un système qui existait antérieurement, tout en répondant à la volonté exprimée par le Parlement d'assurer une certaine solidarité à travers le fonds de péréquation. Nous ne remettons pas en cause cette solidarité et nous permettons d'alimenter le fonds départemental de péréquation, qui pourra ainsi apporter aux communes ou aux villes défavorisées les ressources qui doivent leur revenir.
Cet amendement n'avait pas fait l'objet d'un avis défavorable lorsque je l'avais présenté en première partie et je ne pense pas que les choses aient changé aujourd'hui. Voila pourquoi, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, je souhaite que la Haute Assemblée puisse l'adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. Revet nous dit quelque chose qu'il faut retenir : pour les entreprises, aujourd'hui, l'enjeu de la taxe professionnelle est devenu plus important que l'enjeu de l'impôt sur les sociétés,...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Eh oui !
M. Alain Lambert, rapporteur général. ... ce qui les amène, effectivement, à se laisser tenter par des montages visant à des scissions ou autres, qui tronçonnent en quelque sorte les éléments de la base de la taxe professionnelle.
Cela étant, monsieur Revet, vous qui êtes, si j'ose dire, le père de l'article 12 de la présente loi, savez que la commission des finances ne se refuse jamais à approfondir un problème réel posé par un collègue.
Mais, dans l'état actuel des choses, nous ne savons pas faire ce que vous souhaitez, nous ne savons pas rédiger un texte qui n'ait pas un impact imprévisible que d'autres communes ou d'autres groupements pourraient nous reprocher ou un effet secondaire qui serait pire encore que ce qui existe.
Voilà pourquoi je vous demande - vous savez comment nous travaillons - de patienter quelques semaines de façon que le problème qui vous préoccupe à juste titre puisse faire l'objet d'un examen approfondi et que nous puissions éventuellement, lui apporter une solution.
Si l'avis du Gouvernement, que je sollicite, n'est pas plus optimiste que le mien, je vous demanderai, monsieur Revet, de bien vouloir retirer votre amendement, promesse étant faite que nous l'examinerons et que, le cas échéant, nous le ferons adopter par le Sénat dans une forme améliorée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Je suis dans le même état d'esprit que M. le rapporteur général.
Monsieur Revet, vous mettez l'accent, avec raison, sur un vrai problème. Vous subissez d'ailleurs les inconvénients de la situation que vous dénoncez dans votre propre département.
Nous avons la volonté d'avancer, je vous le confirme, mais je suis obligé aussi, par honnêteté, de dire qu'à l'heure actuelle nous ne voyons pas quelle rédaction pourrait régler ce problème sans avoir des effets contre-productifs.
Je me contenterai de citer deux catégories de problèmes que nous ne parvenons pas à surmonter aujourd'hui.
En premier lieu, les services des impôts qui déterminent les établissements exceptionnels et les montants de base écrêtés au moment de la notification des bases d'imposition aux collectivités locales n'ont pas connaissance des liens qui peuvent exister entre les entreprises dont dépendent les établissements de la commune. Seuls les services fiscaux dont dépendent les sièges sociaux pourraient éventuellement détenir les informations qui, en tout état de cause, ne permettraient pas d'établir l'existence de liens indirects ou d'un contrôle de fait.
Cela signifie que, pour rendre opérant le dispositif que vous envisagez, et que nous ne nous refusons pas à envisager, il serait nécessaire d'imposer à l'ensemble des entreprises et pour chacun de leurs établissements des obligations déclaratives complexes décrivant les liens de droit ou de fait les unissant entre elles.
Cet alourdissement des obligations déclaratives serait d'autant moins justifié qu'elles n'auraient aucun rapport avec la charge fiscale finalement supportée par l'entreprise, puisque le dispositif d'écrêtement lui est totalement étranger. Telle est la première catégorie de problèmes que nous rencontrons.
En second lieu, il serait nécessaire de limiter l'application du dispositif aux opérations intervenues à compter du 1er janvier 1996, afin de ne pas mettre en difficulté les communes susceptibles de se trouver confrontées à ce type de situation pour des opérations déjà intervenues et qui ont pris des engagements financiers.
En effet, une telle mesure, si elle devait être appliquée, serait susceptible d'avoir des effets redoutables pour les collectivités concernées puisqu'un établissement dont l'intégralité de la cotisation de taxe professionnelle allait auparavant à la commune pourrait devenir, du jour au lendemain, un établissement qualifié d'« exceptionnel » et voir ses bases écrêtées au profit du fonds départemental.
Vous le voyez, monsieur Revet, il est encore un certain nombre de difficultés que nous n'arrivons pas à surmonter. Je vous confirme toutefois, comme M. le rapporteur général, que nous sommes conscients du problème et que nous souhaitons lui trouver une solution. Malheureusement, cette solution, nous ne pouvons pas vous la proposer aujourd'hui.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Revet ?
M. Charles Revet. Tout d'abord, veuillez me pardonner, monsieur le ministre, mais l'Etat ne s'est pas posé autant de questions lorsqu'il s'est agi de prendre des dispositions pour ne pas avoir à payer la compensation ! Cela a été fait sur-le-champ, dès que j'ai posé le problème, ici même, à M. Arthuis.
M. Paul Girod. Très bien !
M. Charles Revet. Par ailleurs, j'avoue ne pas comprendre l'analyse que vous faites. Il s'agit non pas de soumettre à écrêtement des sociétés qui ne sont pas écrêtées aujourd'hui, mais de rétablir, en fait, la situation qui existait. L'écrêtement, il se faisait !
Que se passe-t-il, aujourd'hui ? La société - celle que je vise, mais aussi toutes les autres qui vont s'engouffrer dans la brèche si l'on ne prend pas de dispositions - ne paie pas un centime de plus ou de moins.
De même, l'Etat ne perd ni ne gagne rien puisqu'il a su, je l'ai dit, prendre les dispositions adéquates.
La seule différence, c'est que le dispositif permet à la commune d'implantation de toucher encore un peu plus, alors qu'elle touche déjà énormément en raison de l'écrêtement ; en revanche, il prive le fonds départemental de ressources et ne permet pas à la solidarité qu'a voulue le législateur de s'exercer.
Je suis navré, monsieur le ministre, mais j'ai le sentiment, à les observer, que les co-auteurs de l'amendement souhaitent, comme moi, son maintien.
Monsieur le ministre, je fais confiance à vos services pour trouver, dans les semaines qui viennent, les aménagements qui se révéleraient nécessaires.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Je ne voudrais pas allonger les débats, mais parce que le sujet est important et parce qu'il nous tient à coeur, tout comme à vous, monsieur Revet, je me permets de relire l'amendement : « Pour l'application du présent paragraphe, les bases d'imposition de l'établissement sont complétées des bases d'imposition correspondantes aux biens et services mis à disposition par les entreprises qui le contrôlent directement ou indirectement ou de personnes que ces entreprises contrôlent directement ou indirectement ou d'entreprises qu'il contrôle directement ou indirectement. »
Monsieur Revet, pour appliquer ce genre de disposition, avec tous les contrôles nécessaires, il faut monter des mécanismes formidablement complexes. Aujourd'hui, j'en suis désolé, je ne sais pas faire !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-99.
M. Paul Girod. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Je suis tout de même un peu étonné ! Je croyais que l'administration centrale avait de grandes capacités d'analyse et d'investigation. Or, nous nous trouvons, apparemment, devant des services croupions, aveugles ou à peu près, pas toujours muets, mais, en tout cas, incapables d'effectuer un contrôle.
Monsieur le ministre, puis-je me permettre de vous rappeler que la télévision nous vante au moins huit fois par jour, en ce moment, les mérites de « 3615 VERIF » ?
Par l'intermédiaire de ce serveur, on peut, paraît-il, tout savoir sur les sociétés. Vos services sont tout de même capables de pianoter sur un Minitel pour savoir qui contrôle qui puisque, pratiquement, cela relève du domaine public !
M. Alain Richard. C'est plus ou moins exact !
M. Paul Girod. Peut-être, mais cela permet au moins de dégrossir !
Il faut que cela soit juste et, par conséquent, qu'il y ait des spécialistes effectuant un travail pointu. On ne me fera jamais croire qu'il n'en existe pas.
Deuxième aspect des choses : le caractère équivoque de la richesse fiscale excessive liée à un seul établissement. Il suffit en effet de couper un établissement en deux pour se « désécrêter » et, ainsi, alimenter allègrement la collectivité territoriale sur laquelle on se trouve au détriment de la solidarité à l'échelon départemental, l'équivoque venant du fait que l'écrêtement ne joue que sur les établissements exceptionnels.
Monsieur le ministre, je veux attirer votre attention sur le fait que cette notion d'écrêtement par rapport à la valeur ajoutée aboutit à des horreurs, et je puis, à cet égard, vous citer d'autres pratiques extraordinairement astucieuses.
J'en donne un exemple. Une usine est contrôlée à 100 % par un holding qui s'est réservé la commercialisation grand public des produits qu'elle fabrique. Autrement dit, cette usine, juridiquement indépendante, a un seul client qui fixe seul les prix de vente de sa filiale, par conséquent le prix auquel il rachète.
Rien n'est plus simple que d'aboutir à ce que l'usine, entreprise indépendante, ait une valeur ajoutée faible dans une commune où les taux de taxe professionnelle sont forts. Le résultat, c'est que sa contribution est plafonnée et que l'Etat paie à sa place.
Puis, là où les taux de taxe professionnelle sont faibles et où l'on a implanté sans base de taxe professionnelle ou presque puisqu'il n'y a que trois bureaux, trois téléphones, cinq secrétaires rattachées et des commerciaux partis on ne sait où, là où se crée la réalité de la valeur ajoutée, c'est-à-dire là où se fait la différence entre le prix de vente de l'usine de production et le prix d'entrée sur le marché, là, bien entendu, il n'y a plus d'écrêtement sur la valeur ajoutée, et il n'y a pas de base de taxe professionnelle, car le taux est bas.
Résultat, on ne paie ni à un bout ni à l'autre, et c'est l'Etat qui paie pour l'usine.
Monsieur le ministre, vos services auraient intérêt à analyser à fond tous les mécanismes qui permettent aux groupes d'échapper à la taxe professionnelle, d'échapper aux écrêtements et d'échapper à la solidarité.
L'amendement de M. Revet me paraît donc parfaitement fondé. Je souhaite qu'il soit intégré dans le texte, au moins jusqu'à la commission mixte paritaire, ne serait-ce, monsieur le ministre, que pour que vous souscriviez au bénéfice de vos agents un abonnement à « 3615 VERIF ». (Sourires.)
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Mon cher collègue, je vais voter contre votre amendement et je veux vous en donner les raisons.
Cela tient, d'abord, à mon expérience personnelle, liée à la localisation d'établissements exceptionnels sur la plate-forme de Roissy.
Quand je vois l'évolution économique des entreprises, quand je vois les regroupements, les restructurations qui s'opèrent, je me dis que l'on ne peut pas statuer aujourd'hui pour l'avenir, c'est-à-dire, je l'espère, pour la décennie à venir, car il faut aussi tendre à une certaine stabilité des dispositifs fiscaux, au travers d'un texte aussi vague, aussi flou, aussi difficile à appliquer que le vôtre.
Si donc je peux comprendre votre objectif, qui est de faire échec à des montages tendant à la fraude ou à la réduction d'impôt, je crois préférable de laisser le soin au Gouvernement de trouver le moyen de faire obstacle à des mécanismes empreints de mauvaise foi, et surtout de ne pas bloquer des évolutions structurelles d'entreprises qui peuvent se révéler tout à fait nécessaires.
J'en viens à mon deuxième argument. On a évoqué l'hypothèse d'établissements exceptionnels retombant dans la catégorie des établissements classiques. Mais il peut y avoir des allers et retours et donc, au cours des années qui viennent, différentes situations, avec leurs incidences sur les ressources communales et sur les ressources des fonds départementaux. Là encore, tel qu'il est rédigé, l'amendement ne permet pas, me semble-t-il, de faire face à ce difficile problème.
J'ajoute - ce sera mon dernier argument - que le Sénat et l'Assemblée nationale, l'an dernier, à l'occasion du DDOEF, ont « bricolé » les mécanismes du fonds départemental.
L'expérience montre que, en l'absence de dispositif administratif précis susceptible d'être mis en oeuvre, en l'absence de simulations, quand on légifère pour un cas particulier sans regarder ce qui peut se passer dans d'autres secteurs géographiques, il est bien rare qu'on ne commette pas une erreur et qu'on ne soit amené, ensuite, à essayer de la corriger.
Pour toutes ces raisons, je me rallie à la position du Gouvernement et à celle du rapporteur général.
Je ne voudrais cependant pas que la moindre ambiguïté subsiste. Il n'y a pas de « lobby » des présidents de conseils généraux qui décideraient d'utiliser les fonds pour alimenter leur budget ou qui les utiliseraient comme un instrument de pouvoir. Il ne s'agit ni d'une ressource supplémentaire pour les conseils généraux ni d'un instrument de pouvoir. Il s'agit d'un mécanisme de répartition et de péréquation. Nous essayons de l'utiliser dans les meilleures conditions possibles. Ne le modifions donc qu'avec prudence, sagesse et sérénité, comme à l'habitude dans notre assemblée.
M. Jean Delaneau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delaneau.
M. Jean Delaneau. Cosignataire de cet amendement, je le voterai. Cela étant, je ne comprends pas très bien certains arguments qui lui sont opposés. On ne verrait pas très clair, paraît-il dans les montages inter-entreprises. Je rappelle tout de même qu'aujourd'hui les comptes des entreprises sont déposés au greffe du tribunal et que l'on peut les consulter par télématique. De surcroît, il suffit de se reporter au rapport annuel d'un certain nombre d'entreprises pour savoir exactement comment sont combinés les montages entres les différentes filiales ou entreprises « cousines ».
Que l'amendement soit imparfait, c'est probable ; que la bonne volonté du Gouvernement et de la commission des finances pour trouver une solution aux problèmes soit totale, c'est évident. Je pense cependant que cette volonté serait d'autant plus vite concrétisée que le Sénat émettrait maintenant un vote positif. Même si cet amendement doit disparaître par la suite, au moins, nous aurons marqué l'importance que représente une telle situation pour ce qui est de la constitution du fonds départemental d'écrêtement de la taxe professionnelle. J'invite donc mes collègues à le voter.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-99, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.) M. le président. Par amendement n° II-177, M. Régnault et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 81, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le délai d'un an à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement déposera devant le Parlement un rapport présentant des propositions de réforme de la taxe professionnelle.
« Ces propositions étudieront les conditions nécessaires à l'extension des régimes prévus aux articles 1609 quinquies C et 1609 nonies C du code général des impôts en matière de taxe professsionnelle de zone et d'agglomération.
« Ces propositions étudieront également les conditions nécessaires à un renforcement des mécanismes de péréquation de la taxe professionnelle.
« Ce rapport présentera enfin des propositions de modification de l'assiette de la taxe professionnelle par la prise en compte de la valeur ajoutée des entreprises, avec un abattement proportionnel à la masse salariale, et les simulations de ses conséquences. »
La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. Compte tenu de l'adhésion du Sénat à certains de nos amendements, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° II-177 est retiré.
Par amendement n° II-176, M. Régnault et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 81, un article additionnel ainsi rédigé :
« La dernière phrase du II de l'article 1609 nonies D est complétée par les mots :
« Lorsqu'est assuré au bénéfice des communes membres, directement ou par délégation, un service de collecte et de traitement des ordures. Dans ce cas, les communes ne peuvent instituer ces taxes. »
La parole est à M. Régnault. M. René Régnault. Nous avions pris rendez-vous pour cette deuxième partie afin d'évoquer de nouveau le problème de la DGF des groupements attribuée en fonction du coefficient d'intégration fiscale, le CIF.
Plus particulièrement, il s'agit ici de savoir si l'on intègre ou non dans le coefficient d'intégration fiscale la part de fiscalité levée pour assurer le service de la collecte et de l'élimination des déchets ménagers.
Sur le terrain, trois possibilités de financement au moins se présentent. Tout d'abord, le groupement peut avoir décidé de fiscaliser, auquel cas les crédits utilisés au service de la collecte et du traitement, ou de l'un des deux seulement, ne peuvent être isolés et repérés au sein du budget.
Ensuite, l'établissement public peut avoir créé soit une taxe d'enlèvement des ordures ménagères, soit une redevance. Les services qui instruisent les dossiers en sont aujourd'hui à considérer que le CIF ne doit pas prendre en compte les dépenses liées aux ordures ménagères si l'établissement public n'assure pas à la fois la collecte et l'élimination.
J'attire votre attention sur le fait que, dans le cadre, notamment, des directives européennes et des plans départementaux d'élimination des déchets, certaines structures d'élimination qui se mettent en place ne correspondent pas toujours aux structures intercommunales de collecte. Or, si on lit le texte comme autorisant la prise en compte de la dépense uniquement si les deux compétences - la collecte et l'élimination - sont exercées, on écarte, du même coup, beaucoup de structures intercommunales de la DGF au titre de la collecte et de l'enlèvement des ordures ménagères.
Nous avons donc déposé cet amendement auquel, monsieur le ministre, vous avez réservé, dès l'examen des articles de la première partie de ce projet de budget, un intérêt particulier. Nous y revenons en disant clairement qu'il faut tout faire pour que la DGF, au titre du service « collecte » ou du service « traitement », ou des deux, ne puisse aller en même temps à un établissement public et aux collectivités qui le composent. Le cas ne doit pas se présenter, mais cela pourrait peut-être se produire. Il n'est donc pas question pour moi de défendre l'idée selon laquelle on peut recevoir aux deux titres.
En revanche, il conviendrait, si l'on ne veut pas créer d'inégalités entre les établissements publics, monsieur le ministre, que cette DGF soit ou refusée à tout le monde - mais restera alors le cas de ceux qui auront fiscalisé - ou accordée aux établissements publics, sans se soucier s'ils assurent collecte et élimination, mais en tenant compte du fait qu'ils porteront la charge financière de la collecte et de l'élimination des déchets ménagers, quelles que soient les modalités retenues pour le faire.
Monsieur le ministre, cet amendement n'a d'autre objet que de poser un vrai problème et d'attirer votre attention, ainsi que celle de vos services, sur la situation créée pour rechercher, avec vous, car je suis très ouvert, une solution.
Encore une fois, il ne serait pas acceptable que des établissements publics soient traités différemment selon qu'ils ont choisi tel ou tel système de financement - fiscalité ou taxe et redevance - ou qu'ils assurent ou non les deux compétences de collecte et d'élimination.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La préoccupation de M. Régnault est de faire échec à une interprétation administrative qui interdit, en effet, à un groupement de lever la taxe ou la redevance d'enlèvement des ordures ménagères si le groupement n'exerce pas lui-même directement l'intégralité des compétences en cette matière.
La commission estime qu'il est toujours délicat de vouloir régler un cas particulier par des dispositions générales qui ont vocation à s'appliquer dans toute la France. Il lui semble préférable de procéder à une analyse globale de la situation de tous les groupements avant d'aller plus loin.
Cela étant dit, la préoccupation de M. Régnault est tout à fait légitime et il convient de régler le problème qu'il soulève. Il le sait, puisqu'il est très actif au sein de l'Association des maires de France.
Un groupe de travail a été constitué. L'administration a été appelée à travailler en son sein. Si le Gouvernement en était d'accord, il nous semble que cette question devrait être enfin tranchée à l'occasion de la discussion du projet de loi sur l'intercommunalité qui sera soumis au Parlement au cours du premier semestre de l'année prochainne.
Je le répète, la préoccupation de M. Régnault est légitime à mes yeux. Cependant, la commission hésite à y répondre par une mesure de portée générale, mais reconnaît qu'il est absolument indispensable que cette question soit réglée. Le groupe de travail doit éclairer les débats parlementaires qui vont bientôt s'ouvrir. Il faudrait, monsieur le ministre, que vous puissiez donner à M. Régnault des assurances en ce domaine. Sous ces conditions, peut-être accepterait-il de retirer cet amendement. Sinon, l'avis de la commission des finances sera défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Je confirme tout à fait que le Gouvernement partage la préoccupation de M. Régnault. Il souhaite qu'il y soit répondu par une disposition du type de celle qu'il nous propose lui-même à travers l'amendement n° II-176. Cependant, comme M. le rapporteur général, je crois préférable de traiter au fond ce problème à l'occasion de l'examen du projet de loi sur l'intercommunalité. En effet, il s'agit de savoir comment répartir une ressource entre le groupement de communes et les communes membres et de définir la notion de « service complet » ou de « service partiel ».
Je voudrais donner à M. Régnault une assurance complémentaire. Dans la préparation du projet de loi, je prendrai position, en tant que ministre du budget, en faveur de la disposition qu'il propose. Je crois que ce sera à ce moment-là, dans le cadre de ce texte, qu'il faudra régler définitivement le problème.
Sous le bénéfice de ce double engagement, peut-être pourra-t-il accepter de retirer son amendement ?
M. le président. Monsieur Régnault, dans ces conditions, maintenez-vous l'amendement ?
M. René Régnault. Je vais le retirer, non sans avoir remercié M. le rapporteur général et M. le ministre des explications qu'ils viennent de nous fournir et de l'engagement qui vient d'être pris.
M. le président. L'amendement n° II-176 est retiré.
Par amendement n° II-182, M. Courteau et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 81, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le quatrième alinéa de l'article L. 2334-33 du code des collectivités territoriales, est inséré un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« Les établissements publics de coopération intercommunale dont la population excède 20 000 habitants dans les départements de métropole et 35 000 habitants dans les départements d'outre-mer sont éligibles lorsqu'ils exercent la compétence voirie au nom de leurs communes membres qui, elles, seraient éligibles si elles n'appartenaient pas à cet établissement. »
La parole est à M. Courteau.
M. Roland Courteau. Il s'agit d'un amendement identique à celui que j'avais proposé voilà quelques jours avec, notamment, mon collègue M. Courrière.
Cet amendement n'avait pas été retenu, mais je n'avais pu obtenir la moindre explication sur le fond du problème de la part du ministre, qui s'était contenté d'opposer un avis défavorable, sans autre forme de commentaire.
Je veux donc, monsieur le président, rappeler, comme je l'ai déjà fait voici quelques jours, l'incohérence technique qui résulte du nouveau dispositif de la dotation globale d'équipement, la DGE.
En vertu de plusieurs circulaires, lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale exerce la compétence « voirie », par exemple, au nom des communes membres, celles-ci n'ont plus compétence en ce domaine, puisqu'elles l'ont déléguée. De ce fait, elles ne sont plus directement éligibles à la DGE, et c'est donc le groupement de communes qui peut, seul, en bénéficier.
De surcroît, si le groupement a une population supérieure à 20 000 habitants, il se trouve écarté du bénéfice de la DGE en vertu des dispositions adoptées l'année dernière. Résultat ? Des communes petites et moyennes perdent le bénéfice de la DGE au seul prétexte qu'elles adhèrent à un groupement de communes de plus de 20 000 habitants, tandis que d'autres communes, de même population, resteront éligibles, soit parce qu'elles n'adhèrent à aucune structure intercommunale, soit parce que le groupement auquel elles appartiennent compte une population inférieure à 20 000 habitants.
Monsieur le ministre, estimez-vous normal qu'il y ait une telle inégalité devant la loi ? N'est-ce pas, par ailleurs, un coup mortel ainsi porté à l'intercommunalité ? Quelles explications allez-vous me donner ? De grâce, monsieur le ministre, ne me dites pas, comme cela m'avait été opposé la dernière fois, que le débat a eu lieu voici un an, car le problème, à l'époque, ne se posait pas dans les termes dans lesquels je viens de l'évoquer : aucune circulaire, alors, n'indiquait qu'une commune adhérant à un groupement de communes n'était plus éligible à la DGE pour la compétence qu'elle avait déléguée.
Monsieur le ministre, quels arguments justifient que nous en restions à un dispositif aussi injuste vis-à-vis des petites et moyennes communes ? Je serais curieux de les connaître, et mon collègue M. Courrière avec moi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Il est dommage que notre collègue pense que nous ne souhaitons pas lui donner d'informations. Le Sénat, pendant deux longues heures, a déjà débattu du sujet et notre collègue avait pris une part active à ce débat. J'imagine que le Gouvernement lui donnera un complément d'information. En tout cas, l'avis de la commission des finances n'a pas changé : il est défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. Alain Lamassoure, ministre délégué. M. Courteau a posé une bonne question car il s'agit là d'un vrai débat politique.
Ce débat a eu lieu l'année dernière, car le Gouvernement et le Parlement ont été conduits à réformer la dotation globale d'équipement à l'occasion de la discussion de la loi de finances de 1996. La DGE est désormais réservée aux collectivités locales ou à leurs groupements de moins de 20 000 habitants.
Cette mesure a été acquise après un long débat, parce qu'il fallait tenir compte de nombreux arguments, notamment des observations parfaitement respectables qui viennent d'être exprimées.
Finalement, le choix qui a été fait s'explique par la volonté de mettre fin au saupoudrage de la première part de la DGE sur toutes les communes, notamment sur les grandes villes, qui se traduisait par un taux de concours de l'Etat au financement des investissements excessivements faible, puisqu'il était inférieur à 2 %. On a voulu mieux concentrer la DGE, notamment au profit des petites communes.
C'était la raison de la réforme de l'année dernière et, en l'état actuel de notre information, nous n'envisageons pas de revenir sur cette question à l'occasion de la loi de finances pour 1997.
Le Gouvernement n'est donc pas favorable à cet amendement. Cela dit, monsieur Courteau, comme pour d'autres amendements qui ont été débattus tout à l'heure, c'est un sujet sur lequel on pourra éventuellement revenir lors de la discussion du projet de loi sur l'intercommunalité. Si l'on découvre que cette disposition a eu finalement des effets pervers et contreproductifs sur l'intercommunalité en zone rurale, nous ne serons pas a priori opposé à la revoir.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-182, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 189 rectifié, MM. Badré, Poirier et Fourcade proposent d'insérer, après l'article 81, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Au début du huitième alinéa de l'article L. 2531-13 du code général des collectivités territoriales, les mots : "En 1996" sont supprimés.
« II. - La perte de recettes en résultant pour les collectivités locales est compensée par le relèvement à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement.
« III. - La perte de recettes pour l'Etat est compensée par le relèvement à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Le Fonds de solidarité de la région d'Ile-de-France, le FSRIF, est un instrument de solidarité entre les communes les moins favorisées et les communes les moins défavorisées d'Ile-de-France. Lors de sa mise en place, il a été très judicieusement prévu que les communes appelées à cotiser au fonds entreraient dans le système en sifflet, avec une étape à 50 % la première année.
Ce dispositif avait été retenu, d'abord pour réduire les hostilités au système - elles étaient fortes - et, surtout, pour permettre aux communes concernées d'absorber ce choc, qui peut être souvent très difficile à supporter, dans les conditions budgétaires les moins désagréables possibles.
Le club des donateurs n'est cependant pas fermé. De nouveaux membres se présentent pour rejoindre les membres fondateurs, et c'est bien. L'amendement a donc pour objet que ces nouveaux membres soient traités de la même manière que les anciens, les mêmes raisons militant toujours dans le même sens.
J'ajoute qu'il est très important de retenir ce dispositif pour les nouveaux membres. En effet, ils arrivent juste à accéder aux ratios fiscaux requis après avoir fait de gros efforts de développement. Il serait dommage qu'ils ne supportent pas le choc et se retrouvent juste en dessous du seuil dès l'année suivante, du fait même qu'ils doivent acquitter dès la première année la totalité de la cotisation et non pas la moitié.
Il s'agit d'aider ces communes à s'installer durablement dans le groupe des communes les moins défavorisées. Il vaut donc mieux, me semble-t-il, qu'elles cotisent à 50 % la première année, puis à 100 % jusqu'à la fin des temps, plutôt qu'à 100 % dès la première année, puis plus jamais.
Cet amendement me paraît aller dans le sens de la bonne gestion et je vous demande de le retenir.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. M. Denis Badré est un éminent commissaire des finances, il connaît donc déjà la réponse de la commission, qui a considéré que son amendement présentait certes beaucoup d'intérêt, mais qu'il convenait de mesurer quelque peu sa portée.
Il a formulé quelques objections, qui nous ont conduits à procéder à des recherches supplémentaires.
Le dispositif auquel il fait allusion est un dispositif temporaire, qui a été mis en place en 1996, et non pas un dispositif ancien. Dans ces conditions il est apparu difficile à la commission des finances d'émettre un avis favorable.
Ce n'est pas très courageux de sa part, mais elle a pensé que le Gouvernement pourrait très utilement éclairer le Sénat sur cette question et elle a proposé de s'en remettre à l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Malgré la sympathie et l'estime que je porte, comme nous tous ici, à M. Denis Badré, le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement.
Comme l'a rappelé M. le rapporteur général, c'est une disposition tout à fait transitoire qui avait été adoptée l'année dernière. Elle avait un objet précis : corriger les effets, pour les communes contribuant pour la première fois au Fonds de solidarité de la région d'Ile-de-France, de l'adoption tardive de la loi du 26 mars 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.
En effet, certaines communes avaient déjà adopté leur budget primitif de l'année, sans avoir tenu compte de ce prélèvement. Pour 1997 toutefois, on ne peut plus invoquer le caractère imprévisible de la réforme, et cette disposition n'a donc pas vocation à être pérennisée.
En outre, le Fonds de solidarité de la région d'Ile-de-France est un outil de solidarité financière entre collectivités locales dans lequel l'Etat n'est pas financièrement partie prenante. Or, l'adoption de cet amendement contraindrait l'Etat à alimenter ce fonds et à se substituer aux communes bénéficiant de l'abattement.
A ce titre, cet amendement aurait d'ailleurs dû être examiné lors de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances, puisque son adoption entraînerait des conséquences financières pour l'Etat - limitées, je le reconnais, mais réelles quand même - et ce dès l'année 1997.
Le Gouvernement n'est donc pas favorable à cet amendement, et peut-être M. Badré pourrait-t-il, compte tenu de ces indications, le retirer.
M. le président. Monsieur Badré, acceptez-vous la suggestion du Gouvernement ?
M. Denis Badré. Non, monsieur le président, je maintiens l'amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-189 rectifié.
M. Alain Richard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Richard.
M. Alain Richard. Il est peut-être utile qu'un orateur s'exprime sur ce sujet en défendant le point de vue des communes bénéficiaires du Fonds de solidarité de la région d'Ile-de-France.
Je voudrais apporter mon soutien à l'amendement présenté par M. Badré, car je pense - dans la logique constante que je suis depuis 1991, c'est-à-dire depuis que les systèmes de solidarité intercommunale ont été mis en place - qu'il est vital que ces systèmes soient acceptés par tous.
Quand, grâce à la compréhension de M. Perben, nous avons pu, l'année dernière, réformer le Fonds de solidarité de la région Ile-de-France, d'après des suggestions que nous avions été plusieurs, sur diverses travées, à formuler, nous avions bien pris soin que les budgets des communes qui alimentent le Fonds ne soient pas trop brutalement sollicités.
J'ai été frappé pour ma part que ce dispositif, qui avait été instauré dans un climat tout de même un peu orageux, fasse maintenant partie du paysage financier de l'Ile-de-France et se traduise effectivement par des transferts de commune à commune qui sont significatifs.
Par la loi de février 1996, on a baissé le seuil de contribution et, aujourd'hui, une commune qui atteint 140 % du potentiel fiscal de l'Ile-de-France est donc contributrice. Cela représente un niveau de ressources communales certes appréciable mais pas extraordinaire, et certaines de ces communes devront verser, alors que leur croissance financière est relativement modeste, une première contribution importante. Pourtant, pour l'équilibre général de ce fonds régional, cet apport est négligeable.
Je comprends tout à fait l'objection de M. le ministre, selon lequel il n'appartient pas à l'Etat de combler un éventuel manque à gagner. Il faudra donc, certainement, au cours de la navette, corriger ce dispositif, et je pense que les communes bénéficiaires pourraient parfaitement accepter que le faible manque à gagner se répercute sur elles.
Dans la démarche visant à l'acceptation par tous de ce fonds régional et des modalités de contribution, cette disposition est sage et n'a pas de conséquence financière négative.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Si la rédaction de cet amendement n'est pas modifiée, je voterai contre en raison de sa deuxième phrase qui entraîne une contribution de l'Etat au FSIR.
J'approuve le mécanisme de solidarité, de même que l'entrée en sifflet dans le dispositif ; en revanche, je suis hostile à un financement de l'Etat.
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Je ne suis pas, si je puis dire, partie prenante à ce dispositif, puisque je ne représente pas un département d'Ile-de-France.
Malgré tout, j'ai été attentif au débat, et je suis sensible à un point : c'est la nécessaire stabilité des budgets de nos communes. On ne peut pas changer les règles du jeu chaque année.
Je comprends donc la démarche de notre collègue M. Denis Badré et, par sympathie pour cette démarche, je voterai son amendement.
Le nouvel article qui résulterait de l'adoption de cet amendement étant bien entendu compris dans la navette et dans le champ de compétence de la commission mixte paritaire, tous les ajustements rédactionnels seront possibles, ce qui est une incitation de plus pour voter cet amendement.
En outre, l'adoption de cet amendement permettrait de remettre l'article en navette et d'être soumis à la commission mixte paritaire. Tous les ajustements rédactionnels seront alors possibles, ce qui et une incitation de plus pour voter cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-189 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 81.
Par amendement n° II-86, MM. Girault, Dufaut, Lombard, Rausch, Souvet et Quillot proposent d'insérer, après l'article 81, un article additionnel rédigé comme suit :
« I. - A compter du 1er janvier 1997, France Télécom est assujettie dans les conditions de droit commun aux impositions directes locales perçues au profit des collectivités locales et des établissements et organismes divers.
« II. - Les pertes de recettes résultant du I. ci-dessus seront compensées par un relèvement de la cotisation minimum de taxe professionnelle de 0,35 % à 1 % de la valeur ajoutée. »
La parole est à M. Jean-Marie Girault.
M. Jean-Marie Girault Avec cet amendement, on aborde un classique : le devenir de la taxe professionnelle versée par France Télécom et La Poste.
Ce sujet fait souvent sourire, mais il est sérieux.
Je me souviens de débats auxquels j'ai participé au mois de novembre 1993 et au mois de novembre 1994.
Ainsi, 1993 fut l'année de la confiscation d'une ressource qui devait par nature revenir aux collectivités territoriales et dont l'Etat a décidé qu'elle était destinée à alimenter le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle. On découvrit ce soir-là - ce fut rapide, car le débat ne fut pas long - que l'Etat allait alimenter les compensations de taxe professionnelle ont il était l'auteur, avec l'argent des collectivités territoriales, puisque la taxe professionnelle de France Télécom et de la Poste allait désormais tomber dans ses poches.
L'année suivante, en 1994, à l'occasion de la discussion d'un projet de loi relatif à l'aménagement et au développement du territoire, dont j'étais rapporteur à certains égards, un amendement restituant ces sommes aux collectivités territoriales fut voté par le Sénat. Et je garderai longtemps le souvenir de cette seconde délibération qui a amené la Haute Assemblée à revenir sur une décision qu'elle avait prise contre l'Etat.
J'étais rapporteur, et je dois reconnaître - c'est d'ailleurs l'une des sujétions du rapport dont on a la charge - que la revendication exprimée n'avait pas sa place dans un texte sur l'aménagement du territoire.
A l'occasion de la seconde délibération, le Sénat était revenu sur un amendement qu'il avait voté et qui visait à restituer aux collectivités locales ces 4 milliards ou 5 milliards de francs auxquels l'Etat n'a pas droit.
Le débat est à nouveau ouvert à l'occasion de la discussion de la loi de finances pour 1997. J'ai donc rédigé cet amendement et, même si le combat n'a pas lieu aujourd'hui, je désire que le Gouvernement sache qu'il se poursuivra. Qu'il ne se fasse aucune illusion, le combat n'est pas terminé !
M. Philippe Marini. Absolument !
M. Jean-Marie Girault. Il n'est pas possible que, sur des sommes aussi considérables et parce que l'Etat a besoin d'argent pour diminuer son déficit, les collectivités territoriales soient éternellement privées d'une ressource qui leur revient naturellement.
L'Etat cherche à diminuer son déficit, et les remarques qui vont suivre ne s'adressent à personne en particulier, il s'agit d'un problème d'état d'esprit et de considération.
Les représentants des collectivités territoriales n'ont pas le droit - et c'est bien ainsi - de voter des budgets en déséquilibre. Seul l'Etat peut se permettre des déficits.
Les fonctionnaires des finances, que j'aime beaucoup, nous font des remontrances continuelles, au nom de la vertu financière, sur la manière dont nous équilibrons ou dont nous déséquilibrons nos budgets. Pourtant Bercy est le siège de tous les déficits, c'est tout quels que soient les ministres successifs. Chacun est bien conscient que les déficits sont là et que seul l'Etat a le droit d'en faire.
Nous sommes horrifiés aujourd'hui de constater que l'on emprunte même pour financer les dépenses de fonctionnement ; cela ne date d'ailleurs pas d'aujourd'hui, et je ne sais pas comment on s'en sortira.
En attendant, les 4 milliards de francs ou les 5 milliards de francs de la taxe professionnelle de France Télécom constituaient une espèce de trésor, et l'Etat nous l'a confisqué.
Ce débat devra être ouvert à nouveau. Si, aujourd'hui, monsieur le ministre, je vous annonce que je vais retirer cet amendement, ce n'est pas que j'abandonne la conviction, qui est partagée par la plupart des élus, c'est parce que vous pourriez me dire que l'amendement serait irrecevable, qu'il aurait dû être présenté dans la première partie de la loi de finances. Je veux bien en convenir. Vous m'auriez également opposé l'article 40 de la Constitution avec un naturel que je comprends. Pourtant, l'amendement est gagé.
L'une des raisons pour lesquelles je le retire aujourd'hui - mais il y aura des contre-offensives dans les temps à venir, qui seront, je l'espère, soutenues par l'ensemble du Parlement - c'est que nous avons débattu hier soir des entreprises de services qui souhaitent que l'on augmente la cotisation minimale de la taxe professionnelle. La mesure que je propose pour gager cet amendement est aussi fondée sur une augmentation de cette cotisation, qui est payée par un certain nombre de commerçants ou d'artisans dans ce pays et dont on semble ignorer, mais je n'en crois rien, le montant du produit qu'elle rapporte à l'Etat.
J'ai entendu au cours du débat d'hier soir que, à la fin de mai 1997, nous saurions enfin la vérité. Je sens bien l'argument qui va m'être opposé : vous parlez d'un gage, monsieur le sénateur, mais vous n'en connaissez pas le montant réel. Alors, en attendant de le connaître, patientons !
Je veux bien patienter, puisque vous avez pris hier soir l'engagement de nous dire ce que représente le produit de cette cotisation dont certains ont dit qu'il fallait la doubler, voire la tripler. Mais, fin mai, lorsque nous connaîtrons la vérité - vérité que, j'en suis persuadé, vous connaissez déjà ; cela doit être de l'ordre de 4, 5, 6 ou 7 milliards de francs - nous repartirons à l'assaut.
Comme M. Charasse ou l'un de ses amis socialistes le disait hier soir, à l'occasion du débat relatif au remplacement de la patente par la taxe professionnelle - mon souvenir est un peu lointain - pour ne pas affoler une partie de monde du commerce et de l'artisanat, les moins gagnants d'entre eux, ceux dont on craignait qu'ils soient « assassinés » par la taxe professionnelle que l'on créait, on a précisément instauré une cotisation minimale, tellement minimale que nous voudrions, monsieur le ministre, savoir enfin la vérité ! A une époque où vous demandez beaucoup aux citoyens, ne faudrait-il pas revoir le problème de la répartition entre ceux qui paient ? Nous attendons une vérité qu'il faut donc nous révéler.
Voilà ce que je voulais vous dire en retirant cet amendement n° II-86, quoiqu'il aurait pu, j'en ai le sentiment, recueillir un large soutien au sein de cette assemblée.
M. Alain Lambert, rapporteur général. C'est vrai !
M. Jean-Marie Girault. Je le retire donc, mais c'est un avertissement, et nous y reviendrons.
Notez bien, monsieur le ministre, qu'il ne s'agit pas de la taxe professionnelle à laquelle est assujettie La Poste. Nous reconnaissons le caractère de service public de La Poste et nous ne voulons pas l'entraver. La situation de France Télécom est profondément différente. Quand on sait aujourd'hui...
M. le président. Monsieur Jean-Marie Girault, je vous invite à conclure votre intervention. Vous parlez déjà depuis dix minutes. Certes, c'était très intéressant...
M. Jean-Marie Girault. Alors, laissez-moi finir !
M. le président. C'est précisément pourquoi je vous ai laissé vous exprimer, mais tout a une fin, d'autant que cet amendement va être repris !
M. Jean-Marie Girault. J'imagine !
M. Paul Girod. Il vaut de l'or !
M. Jean-Marie Girault. Quand on sait que des sociétés privées vont établir dans nos villes des réseaux de télécommunications et qu'elles paieront aux collectivités territoriales la taxe professionnelle, comment est-il possible qu'il y ait une exception au profit de l'Etat pour ce qui est de France Télécom ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. L'amendement n° II-86 est retiré.
M. Paul Girod. Je le reprends, monsieur le président.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° II-86 rectifié.
Vous avez la parole pour le défendre, monsieur Paul Girod.
M. Paul Girod. Pour faire sourire le Sénat, s'il me le permet, je ne reprendrai cet amendement que le temps d'une explication.
L'Etat ne doit vraisemblablement pas avoir tellement confiance en la pérennité d'une taxe professionnelle issue de France Télécom du fait - et cela me sidère, moi qui aime beaucoup cette maison et qui salue tous les matins ses prouesses techniques - que certaines communications n'ont pas l'air de très bien passer, au moins au niveau interne du Gouvernement. Mais il est vrai que les communications entre les services passent par les réseaux publics, comme pour tout le monde. J'imagine que vos craintes, monsieur le ministre, naissent de là, et que vous préférez garder la taxe professionnelle pour vous !
Sinon, monsieur le ministre, comment expliquer que vous ne puissiez pas, vous nous l'avez dit tout à l'heure, travailler sur l'amendement n° II-99, au motif que vous ne disposez pas des éléments nécessaires alors que d'autres administrations de votre propre ministère sont en mesure de travailler sur un texte identique ?
Cela dit, c'était une incidente en matière de communication, pour faire remarquer à M. le ministre qu'on ne peut pas dire qu'une administration ne sait pas faire quelque chose au bénéfice des collectivités locales quand, sur le même texte, elle fait la même chose au bénéfice de l'Etat ! Mais, bien entendu, je retire l'amendement.
M. le président. C'était en quelque sorte un détournement de procédure ! (Sourires.)
M. Paul Girod. Ce n'est pas entièrement faux, monsieur le président, je le confesse humblement ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. L'amendement n° II-86 rectifié est retiré.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Je comprends qu'à la fois le combat est clos, mais que la guerre continue ! (Sourires.)
M. Jean-Marie Girault. La guerre continue !
M. Alain Richard. C'est un cessez-le-feu, monsieur le ministre !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Nous allons aboutir à un cessez-le-feu. Mais, auparavant, je répondrai à quelques salves ! (Sourires.) Je vous rassure, monsieur le président, je le ferai sans alourdir le débat.
Je ne voudrais pas laisser mettre en cause - et je le dis avec toute l'amitié et l'estime que nous portons tous à Jean-Marie Girault - devant le Sénat les fonctionnaires de Bercy.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très bien !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Si vous avez des reproches à leur faire, le ministre délégué au budget est là pour cela, et lui seul !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, et M. Paul Girod. Très bien !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Ce n'est d'ailleurs pas non plus dans les habitudes de Bercy ; en tout cas, vous n'avez jamais entendu dans la bouche du ministre de l'économie et des finances ou de l'actuel ministre délégué au budget, ni d'ailleurs dans celle de leurs prédécesseurs, des reproches contre les méthodes et les résultats de gestion des collectivités locales !
En revanche, il est vrai que les chambres régionales des comptes peuvent présenter des observations et des remarques. Mais, en aucun cas, ce ne peut être le ministère de l'économie et des finances.
C'est si vrai que, lors de la présentation, sur l'initiative de Jean Arthuis, aux sénateurs de plusieurs groupes du Sénat et à la commission des finances, des graphiques sur la situation financière de l'Etat, lorsque nous avons fait la comparaison avec la situation financière des collectivités locales, nous avons fait apparaître que si ces dernières avaient été aussi mal gérées que l'Etat, elles seraient toutes en faillite depuis longtemps ! Ce n'est donc pas un sujet sur lequel nous pouvons prétendre, nous gestionnaires de l'Etat, donner l'exemple.
En revanche, nous mettons tout en oeuvre, au prix de choix politiques particulièrement difficiles et je crois pouvoir dire particulièrement courageux - choix qui sont ceux de cette majorité, pour rétablir une situation financière plus saine dans les délais les plus brefs possible.
C'est la raison pour laquelle, malgré la valeur de votre amendement, cher ami sénateur, nous ne pouvons pas laisser s'envoler 5 milliards de francs dont nous avons besoin pour 1997.
M. Philippe Marini. Et pour la suite !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. La guerre continue, je comprends !
De la même manière, je ne voudrais pas que le Sénat croie que je lui cache des éléments d'information dont je disposerais, mais que je ne voudrais pas lui communiquer.
Nous avons longuement débattu hier, en particulier sur l'initiative du président de votre commission des finances, de la question de savoir combien rapportera la cotisation minimale de la taxe professionnelle. Je n'en sais rien, mais je puis vous assurer que si j'avais des éléments d'information suffisants, je vous les transmettrais, et que, dès que je les aurai, en février prochain, je les donnerai naturellement au Sénat.
Il ne faudrait pas que le Sénat s'imagine qu'il s'agit d'une caverne d'Ali Baba dont on va retirer des milliards de francs. L'ordre de grandeur sera plutôt de quelques centaines de millions de francs mais, encore une fois, je n'en sais pas plus pour l'instant.
Je voudrais faire remarquer à M. Jean-Marie Girault que la mesure qu'il préconise pour gager son amendement, à savoir le relèvement de la cotisation minimale de taxe professionnelle, est déjà précomptée à la suite du vote, hier soir, d'un amendement sur l'initiative du président de la commission des finances. Elle ne pourra donc pas servir deux fois, dans le cadre de notre combat qui continue ! (Sourires.) Il faudra, le moment venu, trouver un autre gage.
Enfin je voudrais répondre à M. Paul Girod, qui nous a fait le reproche aimable tantôt de ne pas savoir faire et, tantôt, de savoir faire quand cela avantage le Gouvernement ! Non ! Il y a une différence fondamentale entre l'article 12, auquel vous faisiez, je crois, allusion, et l'amendement n° II-99 de M. Revet.
Dans le cas de l'article 12, la charge de la preuve incombe à l'entreprise, alors que, dans le cas de l'amendement de M. Revet, la charge de la preuve incombait aux services fiscaux. C'est complètement différent !
En effet, quand la charge de la preuve incombe à une entreprise, c'est elle qui vient voir l'administration et qui étale ses comptes. Dans ce cas-là, et dans ce cas-là seulement, l'administration peut regarder et refuser l'avantage demandé si elle juge que les pièces justificatives, les preuves présentées par l'entreprise sont insuffisantes.
En sens inverse, si l'on souhaite que tous les services fiscaux contrôlent toutes les entreprises pour savoir quels sont les liens de groupe, directs ou indirects, qu'elles peuvent avoir les unes avec les autres, il s'agit alors d'une tâche qui déborde nos moyens administratifs actuels. Telles sont les précisions que je voulais vous apporter.
M. le président. Par amendement n° II-155, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 81, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Au I de l'article 1383 du code général des impôts, les mots : "deux ans" sont remplacés par les mots : "dix ans".
« II. - Les dispositions du troisième alinéa de l'article 1384 A du code général des impôts sont abrogées.
« III. - Au I de l'article 1384 du code général des impôts, les mots : "quinze ans" sont remplacés par les mots : "vingt-cinq ans".
« IV. - Pour compenser les pertes de recettes résultant des I à III ci-dessus, le taux prévu au I de l'article 39 quindecies du code général des impôts est relevé à due concurrence. »
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Notre amendement tend à revenir à la situation antérieure en ce qui concerne l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties.
Chacun peut mesurer les difficultés vécues par les familles, des difficultés accrues par une pression fiscale grandissante.
Tout le monde s'accorde pour souligner qu'on ne peut laisser les choses en l'état sur cette question dufoncier bâti.
Il s'agit également d'aider les offices d'HLM et, par ce biais, de permettre une modération de l'augmentation des loyers.
Une telle disposition pourrait réellement favoriser la construction de logements sociaux.
Il en est de même pour ce qui concerne les ménages, pour qui la réduction de l'exonération de taxe foncière bâtie de dix ans à deux ans avait été très mal vécue, et n'avait pas, pour le moins, aidé l'accession à la propriété.
C'est pourquoi, dans un souci de limiter la pression fiscale pour les ménages, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen vous proposent de revenir à la situation antérieure sur cette question.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Cette question a longuement été évoquée lors de l'instauration du prêt à taux zéro. La commission y est défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Défavorable également.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-155, repoussé par la commission et par le Gouvernemnt.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 154 rectifié, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après article 81, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le 2e alinéa de l'article 1761 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour ce qui concerne la taxe d'habitation et la taxe foncière sur les propriétés bâties, aucune majoration n'est appliquée avant le 31 octobre. »
« II. - Le taux prévu au I de l'article 39 quindecies du code général des impôts est relevé à due concurrence. »
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Notre amendement est fort simple, mais fort intéressant pour les familles.
Nous proposons de repousser la date de recouvrement de l'imposition directe locale pour les ménages.
En effet, aujourd'hui, la date du 15 septembre coïncide avec le recouvrement du solde de l'impôt sur le revenu. Or, même si le ministre chargé du budget peut, par arrêté, repousser la date de recouvrement des impôts locaux au 15 octobre, il nous semble plus clair et en tout cas plus intéressant pour les familles de porter cette date au 31 octobre, et surtout que cela soit inscrit dans le code général des impôts.
J'ajoute que le 15 septembre est une période très difficile pour les ménages du fait de la rentrée scolaire, vous le savez tous, mes chers collègues. C'est pourquoi nous souhaitons décompter officiellement la date de majoration applicable aux impôts locaux payés par les ménages des autres impôts.
Tel est le sens de cet amendement, qui est favorable aux ménages et à la consommation et que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen vous proposent d'adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Monsieur le sénateur, cette révision est annoncée, et M. le ministre va sans doute nous le confirmer. Par conséquent, je réitère à M. Loridant ma demande de retrait de cet amendement. A défaut, la commission des finances y serait défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Défavorable également.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-154 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 82