M. le président. - « Art. 71 bis. _ I. _ L'article L. 80 B du livre des procédures fiscales est complété par un 3° ainsi rédigé :
« 3° Lorsque l'administration n'a pas répondu dans un délai de six mois à un redevable de bonne foi qui a demandé, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'avant-dernier alinéa du 2°, si son projet de dépenses de recherche est éligible au bénéfice des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts.
« Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application du présent 3°. »
« II. _ Les dispositions du I sont applicables aux demandes adressées à compter du 1er mars 1997. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° II-150, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer cet article.
Par amendement n° II-201, M. Lambert, au nom de la commission des finances, propose de rédiger comme suit ce même article :
« I. - L'article L. 80 B du livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
« 1. Dans le b du 2° de cet article, les mots : "ou 44 sexies du code général des impôts." sont remplacés par les mots : ", 44 sexies ou 44 octies du code général des impôts.".
« 2. Cet article est complété in fine par un 3° ainsi rédigé :
« 3° Lorsque l'administration n'a pas répondu dans un délai de six mois à un redevable de bonne foi qui a demandé, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'avant-dernier alinéa du 2°, si son projet de dépenses de recherche est éligible au bénéfice des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent 3°. »
« II. - Les dispositions du 2 du I sont applicables aux demandes adressées à compter du 1er mars 1997. »
La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° II-150.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Nous voici avec l'article 71 bis en présence d'une petite bizarrerie.
En effet, sous prétexte de normaliser les rapports entre l'administration fiscale et les entreprises, on nous propose d'avaliser une disposition susceptible de légaliser une forme de fraude au crédit d'impôt qui a connu, ces dernières années, un certain succès.
Au moment même où le Gouvernement supprime 1 400 postes dans l'administration fiscale, il tente de nous faire voter, une mesure en faveur du traitement accéléré de certaines demandes de crédit d'impôt dont jouissent les entreprises.
Le crédit d'impôt-recherche a été, on le sait, mis en place en vue de favoriser les dépenses de recherche-développement des entreprises.
Il est cependant, dans son principe, un peu superfétatoire, puisque les dépenses correspondantes sont comptabilisables en charges de production, que la poursuite d'un programme de recherche-développement est éligible à la déduction de la TVA ou encore que la valorisation de la recherche peut se traduire en réévaluation des actifs immobilisés.
Il conduit donc à une sorte de « multidéfiscalisation » des mêmes coûts de production.
Ajoutons que le succès limité du procédé démontre que les entreprises privées mènent une politique de recherche-développement relativement limitée, puisque ce sont les entreprises publiques qui assument aujourd'hui l'essentiel de l'effort national de recherche.
De plus et même si la bonne foi des contribuables n'est pas toujours en cause, les dépenses éligibles au crédit d'impôt sont des dépenses d'amortissement d'installation de processus de production - je pense par exemple aux logiciels - largement éprouvées par ailleurs.
Le crédit d'impôt-recherche a donc été dans les faits assez largement détourné de son objet.
La question de l'exonération partielle ou totale de l'impôt sur les sociétés des entreprises situées dans les zones d'aménagement du territoire prioritaires se pose d'ailleurs dans les mêmes termes aujourd'hui.
Le mitage progressif du territoire a conduit certains groupes à opter pour une délocalisation de certaines activités qu'ils exerçaient auparavant dans des zones non éligibles, mais aussi à une délocalisation des profits : de simples jeux d'écriture internes au groupe suffisant à majorer le résultat de la société éligible à l'article 44 sexies ou à l'article 44 octies, et à minorer le résultat de l'entreprise située dans une région encore soumise au droit commun.
Les dispositions relatives au crédit d'impôt-recherche et à l'exonération temporaire de l'impôt sur les sociétés ont induit des comportements de gestion particulièrement discutables de chasse à la prime fiscale et suscité un certain nombre de montages juridiques complexes pour optimiser les dispositions visées.
Déceler dans ces dossiers ce qui procède de la simple application du droit et ce qui procède de son utilisation à des fins moins avouables demande du temps.
Il est de surcroît patent que les contentieux relatifs à l'impôt sur les sociétés assez largement encombrés de cas d'interprétation assez élastiques des dispositions visées à l'article 71 bis.
Adopter cet article en l'état serait en fait prévoir une dérogation au droit commun - c'est-à-dire les trois ans de reprise accordés à l'administration pour vérifier la comptabilité des contribuables - et instituer une nouvelle source fructueuse d'évasion fiscale pour les intéressés.
la situation des comptes publics permet-elle vraiment que ce genre de cadeau soit fait à certains contribuables ? Nous ne le pensons pas. Voilà pourquoi nous proposons, par cet amendement, de supprimer l'article 71 bis.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général pour défendre l'amendement n° II-201 et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° II-150.
M. Alain Lambert, rapporteur général. L'amendement n° II-201 vise à étendre la procédure de l'accord tacite de l'administration aux contribuables qui souhaitent bénéficier de l'exonération de l'impôt sur les bénéfices pendant cinq ans, applicable dès le 1er janvier prochain dans les zones franches urbaines.
Les entreprises seront exonérées d'impôt sur les bénéfices, mais uniquement sur les seuls bénéfices réalisés dans ces zones, et ce dans un plafond de 400 000 francs.
Cette disposition nécessite le calcul d'une clef de répartition des bénéfices par établissement qui est relativement complexe.
L'application du rescrit fiscal à cette exonération particulière permettrait de sécuriser les entreprises qui s'implantent dans ces zones franches urbaines, ce qui va dans le sens de l'objectif visé par le Gouvernement dans ces zones.
En défendant son amendement, Mme Beaudeau a qualifié de bizarres les dispositions de l'article 71 bis. Mais il n'y a rien de bizarre, madame ! Au contraire, la commission se réjouit de pouvoir voter des dispositions qui tendent vers plus de stabilité, vers plus de lisibilité et vers plus de sécurité de la législation fiscale. Aussi a-t-elle émis un avis défavorable sur l'amendement n° II-150.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s II-150 et II-201 ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° II-150.
En réalité, la procédure de rescrit qui a été instituée a pour objet de faciliter la création d'entreprises. Elle améliore la situation juridique des entreprises à l'occasion d'opérations complexes dont la remise en cause ultérieure serait lourde de conséquences pour leur équilibre financier.
C'est la raison pour laquelle a été rédigé cet article 71 bis, qui répond à une préoccupation très concrète des entreprises.
En ce qui concerne l'amendement n° II-201, j'éprouve également une certaine réticence car, autant la procédure du rescrit paraît utile lorsqu'il y a création d'une entreprise nouvelle - notamment dans les zones privilégiées au titre de la politique de l'aménagement du territoire - autant, dans le cas de la zone franche urbaine, à partir du moment où les avantages fiscaux s'appliquent aussi bien aux entreprises existantes qu'aux entreprises nouvelles, il n'y a pas besoin de mettre en place un système de ce genre.
Par conséquent, je serais tenté de proposer à la commission des finances que l'on attende de voir comment va fonctionner la procédure du rescrit, qui va s'appliquer à partir de l'année 1996, et comment fonctionnera le système fiscal privilégié dans les zones franches. Au vu de cette expérience, nous déterminerons ensuite s'il faut ou non envisager un élargissement du rescrit aux zones franches, comme le propose la commission des finances.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-150, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-201.
M. Alain Lambert rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Monsieur le ministre, j'ai écouté avec beaucoup d'attention la réponse que vous venez de nous donner. Mais je tiens à vous dire que l'aléa économique est si grand dans notre pays pour les entrepreneurs qu'il ne faut pas que la loi fiscale vienne décourager ceux qui veulent se lancer, et ils sont nombreux.
Toutefois, depuis hier, vous nous avez donné bien des preuves de votre volonté d'élaborer la meilleure législation fiscale possible à cet égard. Aussi, je ne vous ferai pas ce matin de procès d'intention. Vous me dites que vous êtes prêt à examiner cette procédure. Je voudrais lire dans vos yeux - je n'attends même pas que vous me répondiez oralement ( M. le ministre sourit. ) - que vous êtes favorable au principe de l'extension du rescrit fiscal, qui donne une sécurité fiscale totale dont les entreprises ont besoin pour prendre des risques économiques ce que nous attendons d'elles.
Dès lors que vous me donnez une sorte de rendez-vous pour améliorer le dispositif, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° II-201 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 71 bis.
(L'article 71 bis est adopté.)
Article additionnel après l'article 71 bis