M. le président. Par amendement n° II-101, M. Oudin propose d'insérer, après l'article 68 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La première phrase du 2° de l'article 39-1 du code général des impôts est complétée par les mots : ", ainsi que ceux afférents aux fonds de commerce".
« II. - A l'article 38 sexies de l'annexe III du code général des impôts, les mots : "les fonds de commerce" sont supprimés.
« III. - Les pertes de recettes résultant des I et II ci-dessus sont compensées à due concurrence par une majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. La propriété commerciale, en l'occurrence le système du droit de bail, est une spécificité française. Le rachat du droit au bail fonds de commerce immobilise des capitaux souvent considérables et constitue un investissement non négligeable dans le secteur commercial. Dans le droit actuel, cet investissement ne peut être fiscalement amorti. Cela décourage les commerçants qui veulent s'installer, spécialement les jeunes qui ont peu de fonds propres.
Le Gouvernement a engagé une profonde réflexion sur les moyens de revitaliser le commerce de centre-ville. Il a engagé une réflexion identique sur le renforcement du commerce en zone rurale. Or les centres-villes des zones rurales cumulent les problèmes.
Aussi, des propositions de loi ont été déposées visant, notamment, à délimiter des zones prioritaires dans les centres-villes, mais elles n'ont pas été discutées à ce jour.
Aujourd'hui, la relance du commerce de centre-ville et de proximité passe notamment par un accroissement de la mobilité des fonds de commerce. Dans cette perspective, et en attendant la discussion d'un texte de loi sur le développement du commerce de centre-ville, la solution fiscale de l'amortissement que je propose pourrait donner au commerce une fluidité qui lui manque cruellement et dynamiser l'offre commerciale.
A un moment où le commerce de détail et de proximité des centres-villes souffre, où les plus-values ont fait place à des moins-values dans un marché des fonds de commerce en crise, surtout dans les zones rurales, la possibilité d'amortir le fonds de commerce constituerait une incitation au petit commerce dans des zones où il risque d'en être chassé.
C'est pourquoi le bail commercial portant sur un local dans lequel est exploité un fonds de commerce doit pouvoir être considéré comme un investissement ouvrant droit à amortissement.
Je ne sous-estime pas les deux arguments que l'on pourra m'opposer. Le premier serait celui du principe fiscal ancien de la non prise en compte de la dépréciation du fonds de commerce d'autant que, il est vrai, on peut toujours pratiquer des provisions. Encore faut-il faire des bénéfices, ce qui n'est pas évident dans les zones commercialement déprimées, comme les centres-villes, notamment ceux des zones rurales.
Le second argument serait l'applicabilité de cet amendement. Je réponds que ma proposition prendrait effet non en 1997, mais en 1988, ce qui lui éviterait de toucher à l'article d'équilibre.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Comme le sait M. Jacques Oudin, la commission pense que son amendement contrevient aux principes comptables et fiscaux déterminant les biens amortissables. En effet, les éléments incorporels ne sont pas amortissables. M. Oudin vient de le rappeler, des provisions peuvent cependant être constituées pour constater la dépréciation.
La commission souhaite comme M. Oudin la revitalisation des centres-villes, mais englober, comme le prévoit l'amendement, la totalité des fonds de commerce risque de rendre le coût du dispositif pratiquement prohibitif. Le Gouvernement pourra peut-être nous éclairer sur cette question.
Enfin, la commission des finances redoute que cet amendement ne modifie l'article d'équilibre, puisqu'il aura un impact dès le versement des acomptes dus sur l'impôt sur les sociétés en 1997. Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
D'une part, l'amortissement est la constatation comptable de la perte subie sur la valeur d'actif des immobilisations qui se déprécient avec l'usage et le temps. Les éléments incorporels de fonds de commerce, tels que la clientèle, le droit au bail ou le nom commercial font l'objet d'une protection juridique particulière et sont donc soustraits aux causes de dépréciation qui résultent du temps et de l'usure.
D'autre part, le coût serait considérable, de plusieurs milliards de francs.
Enfin, comme l'a dit M. le rapporteur général, l'amendement serait applicable dès l'année prochaine, il aurait donc plutôt trouvé sa place dans la première partie.
M. le président. Monsieur Oudin, maintenez-vous votre amendement ?
M. Jacques Oudin. Je ne mésestime pas les difficultés que viennent de souligner M. le rapporteur général et M. le ministre. Je suis donc prêt à retirer mon amendement, mais je ne suis pas d'accord sur les arguments qui m'ont été opposés.
On me dit qu'il y a un problème de principe. Or, lorsque les bases d'un principe sont vacillantes, il faut les changer. En l'espèce, le postulat selon lequel il n'y a pas de dépréciation d'un fonds de commerce est faux. En effet, il y a des centres-villes qui dépérissent et des zones rurales qui dépérissent. Lorsqu'un fonds de commerce est situé dans ces zones déprimées, sa valeur forcément décroît. Il y a donc un vrai problème d'amortissement. On ne peut partir du postulat qu'un fonds de commerce ne peut pas voir sa valeur décliner.
J'estime que les arguments qui m'ont été opposés contredisent tout à fait la volonté, maintes fois affichée dans cette assemblée par le Gouvernement, de revitaliser les centres-villes, notamment les centres-villes des zones rurales.
Je fais donc part de mon désaccord sur l'analyse qui a été faite, tout en me rangeant à l'argument du coût et en reconnaissant qu'effectivement cet amendement aurait dû être déposé en première partie. Mais, quels que soient les arguments, le problème demeure. C'est la raison pour laquelle je souhaite que le Gouvernement, la commission des finances et le Sénat puissent continuer à réfléchir sur ce problème.
M. le président. L'amendement n° II-101 est retiré.
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