M. le président. J'appelle en discussion l'article 92, qui est rattaché pour son examen aux crédits du log ement.
Je suis saisi d'une motion, n° II-72, présentée par Mme Luc, MM. Fischer et Leyzour, Mme Beaudeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et tendant au renvoi à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation l'article 92 du projet de loi de finances pour 1997. »
Je rappelle qu'en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de la motion ou son représentant, pour cinq minutes, un orateur d'opinion contraire, pour cinq minutes, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est à M. Fischer, auteur de la motion.
M. Guy Fischer. Je l'ai dit dans mon intervention liminaire, nous souhaitons un grand débat national sur la politique publique d'aide au logement, un débat qui permette d'éclairer les parlementaires que nous sommes sur tous les enjeux qu'elle implique.
La mise en oeuvre du droit des gens à se loger et les dizaines de milliers d'emplois dans le bâtiment et les travaux publics que cela engendre nous conduisent à penser qu'on ne peut agir à la légère ou dans la confusion en ce domaine.
Or, je l'ai déjà indiqué, il se trouve que le présent projet de loi de finances regroupe en son sein une dizaine de dispositions qui, prises dans leur globalité, constituent une véritable remise en cause profonde et durable des conditions de financement du logement social, en général, et du logement social, en particulier.
Nous avons donc déposé cette motion de renvoi en commission pour que l'on puisse procéder rapidement à une consultation des différents intervenants institutionnels, professionnels, syndicaux, associatifs et familiaux concernés par la politique publique d'aide au logement.
Par ailleurs, afin d'assurer une certaine cohérence à nos débats sur la politique nationale du logement, il nous paraît indispensable que nos trois commissions saisies puissent prendre toute la mesure de l'économie d'ensemble des multiples dispositions qui concernent le logement, et qui sont éparpillées dans les différentes parties de ce projet de loi de finances.
Il nous a donc semblé important que ces trois commissions puissent se réunir pour auditionner et bien réfléchir avant d'adopter les crédits du logement et l'article 92, qui en est le complément.
Or, il s'avère qu'une interprétation trop littérale, trop stricte de notre règlement nous permet de demander seulement la réunion de la commission saisie au fond et nous interdit, par conséquent, de saisir la commission des affaires économiques et celle des affaires sociales, qui ne sont, en l'occurrence, saisies que pour avis. C'est bien regrettable !
Ainsi, en cas d'adoption, notre motion permettrait de réunir tout de même la commission des finances sur les questions soulevées par l'article 92, qui concerne les modalités d'unification des deux formes d'APL.
J'ai expliqué, au cours de mon intervention générale sur les crédits du ministère, combien le vrai débat de fond que nous aurions dû avoir sur les problèmes du logement a été tronqué. Je constate que la procédure parlementaire, appliquée trop strictement, le corsète encore davantage.
L'adoption de notre motion aurait cependant l'avantage de permettre de bien mesurer, à travers l'unification de l'APL, l'ensemble des problèmes que pose l'évolution de l'aide à la personne dans ce pays et, parallèlement, les efforts qu'il convient de consentir en faveur de l'aide à la pierre.
Nous ne voulons pas, bien évidemment, en rester aux deux APL existantes. Nous sommes, nous aussi, pour une unification de l'APL, mais pour une unification qui ne se traduise en aucun cas par une diminution de l'APL pour certains.
Je rappelle que l'augmentation du volume de l'APL est due à la pression considérable exercée depuis trop longtemps sur les revenus des ménages et à la précarité du travail, qui entraîne la paupérisation d'un nombre de plus en plus important de personnes dans notre pays.
Il faut s'attaquer aux véritables causes de l'augmentation du volume de l'APL. Si les salaires et pensions étaient revalorisés de façon significative, l'Etat dépenserait moins pour l'APL et pourrait consacrer plus, par exemple, à l'aide à la pierre, ce qui relancerait la construction et contribuerait à créer des emplois.
Voilà le fond du problème, voilà l'un des thèmes concrets que pourrait aborder la commission des finances, voilà la piste à explorer !
S'il convient, certes, aujourd'hui, de « remettre à plat » la politique du logement de notre pays, il convient également d'envisager son développement, et non sa réduction. Il s'agit d'un enjeu majeur pour la bonne santé de notre économie.
Voilà, en quelques mots, évoquées les raisons qui nous ont amenés, mes chers collègues, à déposer cette motion de renvoi en commission, que je vous demande maintenant de bien vouloir adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri Collard, rapporteur spécial. La commission des finances suit la question des aides personnelles depuis de nombreuses années. Elle a donc largement pris le temps de la réflexion.
De façon constante, elle a été favorable à la fusion des deux régimes d'aide. Elle ne peut donc qu'être défavorable à la motion présentée par le groupe communiste républicain et citoyen.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre-André Périssol, ministre délégué. Il partage totalement l'avis défavorable de la commission.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° II-72, repoussée par la commission et par le Gouvernement.
(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. Nous passons donc à l'examen de l'article 92, dont je donne lecture :
« Art. 92. - Les deux derniers alinéas de l'article L. 351-3 du code de la construction et de l'habitation sont supprimés. »
Je suis saisi de neuf amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° II-56 est présenté par MM. Piras, Vezinhet, Chervy, Fatous, Rouquet, Roujas, Mahéas, Debarge et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° II-68 est présenté par MM. Fischer et Leyzour, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
L'amendement n° II-69, présenté par MM. Fischer et Leyzour, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tend à rédiger comme suit l'article 92 :
« I. - L'article 93 de la loi de finances pour 1995 (loi n° 94-1162 du 29 décembre 1994) est abrogé.
« II. - Le taux prévu au I de l'article 39 quindecies du code général des impôts est relevé à due concurrence. »
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° II-58 rectifié est présenté par MM. Franchis et Egu.
L'amendement n° II-117 est présenté par le Gouvernement.
Tous deux tendent à compléter l'article 92 par les mots suivants : « à compter du 1er avril 1997 ».
L'amendement n° II-57, présenté par MM. Piras, Vezinhet, Chervy, Fatous, Rouquet, Roujas, Mahéas, Debarge et les membres du groupe socialiste et apparentés, tend à compléter l'article 92 par deux alinéas ainsi rédigés :
« L'abrogation mentionnée au premier alinéa et la révision du barème de l'aide personnelle au logement consécutive à cette abrogation ne peuvent avoir pour effet une diminution du montant de l'aide personnalisée au logement actuellement versée aux personnes occupant des logements locatifs visés par l'article L. 351-3 du code de la construction et de l'habitation.
« Un rapport sur les révisions annuelles ou les modifications du barème et leurs conséquences sur les bénéficiaires de l'aide personnalisée au logement sera présenté chaque année au Parlement dans les trois mois précédant leur application. »
L'amendement n° II-59, présenté par MM. Franchis et Egu, tend à compléter l'article 92 par deux alinéas ainsi rédigés :
« Au-delà des révisions annuelles, une modification du barème ne peut avoir pour effet, à situation du ménage inchangée, une diminution de l'aide attribuée aux ménages dont les ressources sont inférieures ou égales aux plafonds ouvrant droit à l'accès aux logements locatifs très sociaux.
« Un rapport sur les révisions annuelles ou les modifications du barème et leurs conséquences sur les bénéficiaires de l'aide personnalisée au logement sera présenté chaque année au Parlement dans les trois mois précédant leur application. »
Les deux derniers amendements sont présentés par MM. Vasselle, Ostermann, Balarello et de Menou.
L'amendement n° II-64 rectifié tend à compléter l'article 92 par un paragraphe ainsi rédigé :
« Un rapport sur les révisions annuelles ou les modifications du barème et leurs conséquences sur les bénéficiaires de l'aide personnalisée au logement, sera présenté chaque année au Parlement dans les trois mois précédant leur application. »
L'amendement n° II-65 tend :
I. - A compléter l'article 92 par un paragraphe ainsi rédigé :
« II. - Au delà des révisions annuelles, une modification du barème ne peut avoir pour effet, à situation du ménage inchangée, une diminution de l'aide attribuée aux ménages dont les ressources sont inférieures ou égales à 75 % des plafonds ouvrant droit à l'accès aux logements locatifs très sociaux. »
II. - En conséquence, à faire précéder cet article par la mention : « I. - ».
La parole est à M. Piras, pour défendre l'amendement n° II-56. (M. Piras se rapproche du banc du Gouvernement.)
M. Bernard Piras. Je me suis rapproché de vous, monsieur le ministre, parce que vous êtes encore en train de discuter. Je vous ai vu très dissipé dans ce débat !
Je sais bien que les affaires parisiennes peuvent vous préoccuper, mais nous discutons du budget du logement, dont vous êtes responsable et qui concerne un certain nombre de Français très défavorisés dans leurs conditions de vie. Voilà pourquoi j'aimerais que vous ayez au moins le respect d'écouter les différents intervenants. (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Charles Revet. Il ne faut tout de même pas exagérer ! C'est de l'intolérance !
M. Bernard Piras. Vous pouvez manifester, mes chers collègues, je l'accepte volontiers !
M. le président. Voilà déjà une minute que vous parlez, mon cher collègue ; il ne vous en reste plus que quatre !
M. Bernard Piras. Je défends un amendement, et mon temps de parole n'est donc pas limité !
M. le président. Je connais le règlement du Sénat (Sourires) : vous avez cinq minutes pour présenter votre amendement. Il ne vous en reste donc plus que quatre.
M. Jean Peyrafitte. Il ne faut pas chercher l'incident !
M. Bernard Piras. Nous serons dans les temps, monsieur le président !
Nous proposons de supprimer l'article 92.
L'objectif annoncé de votre réforme, monsieur le ministre, est de simplifier le régime des aides personnalisées au logement, mais aussi, selon vos écrits, de rendre ces aides plus efficaces.
En fait, la véritable finalité de l'article 92 de la loi de finances est de faire des économies sur le dos des populations les plus marginalisées.
Cette réforme de l'aide personnelle au logement porte sur deux points : la mise en place d'un nouveau barème de l'APL et une modification de la base des ressources prises en compte pour son attribution.
L'instauration d'un nouveau barème, tel que vous le présentez actuellement, est critiquable à trois points de vue.
Le premier porte sur le fait que le Gouvernement exige du Parlement de lui signer un chèque en blanc. En effet, le contenu de ce nouveau barème, à ce jour, n'est pas connu. Il ne semble pas que le conseil national de l'habitat se soit réuni pour débattre de cette question. Il est indispensable que les parlementaires, avant de voter - je m'adresse à tous les parlementaires - sachent à quoi ils s'engagent.
La deuxième critique concerne les conséquences pour les ménages de cette unification de barème.
La suppression de l'APL 1 et de l'APL 2 devant conduire à l'instauration d'un barème unique intermédiaire, elle va entraîner une réduction du montant des aides globales. En effet, si les bénéficiaires de l'APL 2 - 750 000 personnes environ - vont toucher un peu plus que ce qu'ils avaient sous le régime précédent, les bénéficiaires de l'APL 1 - 1 400 000 personnes - qui représentent le double en nombre, toucheront moins. En somme, si cette réforme est neutre ou légèrement positive pour 750 000 personnes, elle est négative pour près de 1 400 000 autres. Le taux d'effort des ménages va donc être accru.
Le seul point positif est qu'elle ne touchera pas les personnes bénéficiant des minima sociaux et les ménages isolés à très bas revenu. Mais cette satisfaction est malheureusement bien vite ternie, dans la mesure où ce sont les ménages ayant un revenu compris entre 1 fois et 1,5 fois le SMIC qui seront pénalisés. Cette réforme consiste donc à faire supporter aux moins pauvres parmi les pauvres les économies souhaitées.
Si le Gouvernement avait vraiment eu la volonté d'une plus grande justice sociale, il aurait ramené le barème de l'APL 1 au niveau de celui de l'APL 2.
La modification de la base de ressources et des conditions d'ouverture de droits, qui devrait faire l'objet d'un décret, et qui ne vise pas les bénéficiaires actuels de l'APL, est tout autant critiquable. Elle consiste à retenir désormais les revenus de transfert soit par la prise en compte de certains revenus de cette sorte - allocation maternité pour 200 000 personnes, allocation accident du travail pour 300 000 personnes - soit par la suppression de certaines déductions - abattement dont bénéficient les retraités, frais de garde pour enfants. En fait, la volonté d'élargir les bases de ressources prises en compte pour l'ouverture des droits conduit à écarter des ménages qui, dans l'état actuel du droit, auraient été bénéficiaires d'une APL.
M. Guy Fischer. Tout à fait !
M. Bernard Piras. Il ne semble pas que la situation des futures mères de famille, des futurs retraités, des travailleurs accidentés du travail, des colocataires soit si enviable pour que cela justifie une telle atteinte à leurs droits !
Au-delà de cette réforme, il faut ajouter le maintien du gel des barèmes - la dernière revalorisation, de 1,5 %, remonte à juillet 1994, monsieur le ministre - qui renforce encore un peu plus le taux d'effort demandé aux familles les plus modestes. Il faut signaler que ce taux d'effort croît sans cesse : 23,7 %, en 1990, et 24,5 %, en 1995, pour une personne isolée disposant d'un revenu équivalent à un SMIC.
Si le concours de l'Etat au financement des aides personnelles est en hausse, pour 1997, de 8,5 %, il faut signaler dès à présent que ce montant sera insuffisant, compte tenu du fait qu'en 1996 la contribution totale de l'Etat a été de 32,105 milliards de francs. La dotation du projet de loi de finances que vous présentez est donc inférieure aux dépenses réelles de 1996. Même si la réforme de l'APL que vous préconisez entraîne des économies, cela sera insuffisant.
M. le président. Vous avez épuisé votre temps de parole, monsieur Piras. (Protestations sur les travées socialistes.)
La parole est à M. Fischer pour défendre l'amendement n°s II-68 et II-69.
M. Bernard Piras. Ce n'est pas très correct !
M. le président. La courtoisie, ici, doit être partagée.
M. Jacques Bialski. Vous ne la partagez pas, monsieur le président !
M. le président. Je l'ai toujours partagée.
M. Bernard Piras. La notion de partage est une notion qui se discute !
M. William Chervy. On n'a jamais vu ça !
M. Jean Peyrafitte. C'est la démocratie !
M. le président. Vous avez la parole, monsieur Fischer.
M. Guy Fischer. En proposant la suppression de l'article 92, nous ne refusons pas l'éventualité d'une unification des barèmes de l'APL.
Comme je l'ai dit, il y a quelques instants, nous essayons simplement de faire en sorte que le Gouvernement revoie sa copie, car nous n'acceptons pas que la réforme proposée à l'article 92 se traduise par une baisse du montant des allocations servies à certains bénéficiaires. Nous refusons de déshabiller Pierre pour habiller Paul. Nous refusons que les moins pauvres paient pour les plus pauvres.
Si l'APL existe, c'est pour permettre aux familles modestes de se loger décemment, quand l'insuffisance de leurs revenus ne le leur permet pas.
Il nous apparaît donc nécessaire soit d'accorder une APL qui corresponde réellement aux besoins des allocataires, soit d'agir pour que la feuille de paye ne soit plus l'ennemie de l'emploi.
Si l'APL a été conçue à l'origine pour corriger certaines situations, certaines inégalités, elle est aujourd'hui devenue incontournable pour bon nombre de familles.
Il semble dès lors inadmissible qu'on puisse raisonner en termes d'enveloppe globale à ne pas dépasser.
Je ferai d'ailleurs remarquer que, depuis une dizaine d'années, cette aide a perdu beaucoup de son pouvoir d'achat et qu'il conviendrait, au contraire, de la revaloriser de manière très significative, afin qu'elle puisse pleinement jouer son rôle.
Par conséquent, nous demandons la suppression de cet article 92 et nous suggérons au Gouvernement de nous faire d'autres propositions de réforme, après consultation des organismes, des associations compétentes du secteur, d'ici à la fin de ce débat budgétaire ou dans le prochain collectif budgétaire.
On va nous demander d'approuver avant d'avoir consulté. Cela, nous ne le trouvons pas normal.
J'en viens maintenant à l'amendement n° II-69.
Dans l'attente d'une autre réforme de l'APL, nous proposons de donner une toute autre portée à l'article 92.
Nous suggérons qu'il serve de support à l'abrogation d'une disposition de la loi de finances pour 1995 qui concernait les droits des bénéficiaires en matière de rappel.
En effet, depuis l'article 93 de cette loi, il n'est plus possible aux personnes qui ignoraient leurs droits à l'APL et qui, par conséquent, ont fait des demandes tardives, de récupérer plus de trois mois d'allocation antérieure non perçue, une fois leur demande acceptée. Cette mesure, qui lèse les allocataires, incite même les caisses d'allocations familiales à lésiner sur la publicité des allocations qu'elles accordent.
Pour compenser les dépenses supplémentaires que notre amendement engendrerait pour les finances publiques, nous proposons de relever le taux de la taxation des plus-values de cessions immobilières.
Il nous semble qu'il s'agirait là d'une mesure de justice sociale.
M. le président. La parole est à M. Franchis, pour défendre l'amendement n° II-58 rectifié.
M. Serge Franchis. Par suite de l'abrogation des deux derniers alinéas de l'article L. 351-3 du code de la construction, un nouveau barème de calcul de l'APL pour l'ensemble du parc locatif social conventionné va faire l'objet d'un décret qui ne pourra être publié, au plus tôt, avant la mi-décembre.
La mise en place effective par les caisses d'allocations familiales exigera un délai d'au moins deux mois. Il paraît donc raisonnable, monsieur le ministre, de reporter au 1er avril 1997 la mise en oeuvre de cette réforme.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement n° II-117.
M. Pierre-André Périssol, ministre délégué au logement. Je voudrais apporter quelques précisions pour répondre aux remarques qui viennent d'être présentées.
Une concertation a été engagée, les principes de cette réforme ont été soumis, selon les règles en vigueur, d'une part, au Conseil national de l'habitat, d'autre part, au conseil d'administration de la Caisse nationale des allocations familiales, et ce, au cours des quinze premiers jours du mois d'octobre. Des avis ont été émis. La concertation va se poursuivre.
L'article 92 dispose simplement que deux barèmes distincts seront dorénavant réunis en un seul. Il ne porte que sur l'unification et non pas sur le niveau du barème.
Ce niveau du barème, qui a suscité un certain nombre d'observations de la part des uns et des autres, fait justement l'objet de la concertation qui va se poursuivre avec le Conseil national de l'habitat, la Caisse nationale des allocations familiales, et dans le cadre de la conférence de la famille, les associations de locataires et les bailleurs sociaux. Et vous avez raison, monsieur Franchis, de dire qu'il faut peut-être donner un délai supplémentaire à cette consultation.
Dans ces conditions, le Gouvernement est évidemment défavorable aux amendements visant à supprimer l'article 92. Il souhaite l'unification entre les deux barèmes qui seule permet d'aller dans le sens de la justice, d'éviter de créer des disparités entre deux ménages ayant le même niveau de ressources, payant le même loyer mais percevant des APL différentes, selon que le logement qu'ils habitent a été réhabilité avant ou après 1988.
En outre, le Gouvernement est favorable à la concertation sur le niveau du barème. Il estime, par ailleurs, comme M. Franchis, qu'il convient de reporter la mise en oeuvre du barème unifié au 1er avril 1997.
Le Gouvernement est donc favorable à l'amendement n° II-58 rectifié et défavorable aux amendements n°s II-56 et II-68, ainsi d'ailleurs qu'à l'amendement n° 69.
M. le président. La parole est à M. Piras, pour défendre l'amendement n° II-57.
M. Bernard Piras. Cet amendement a pour objet d'encadrer le contenu du nouveau barème, qui devrait être défini par voie réglementaire après la suppression juridique de l'APL 2 proposée par l'article 92, afin d'éviter que l'instauration de ce nouveau barème ne conduise à une diminution du montant de l'APL versée aux locataires qui en bénéficient aujourd'hui, qu'il s'agisse de l'APL 1 ou de l'APL 2.
Cet amendement tend à apporter une précision afin de ne pas augmenter le taux d'effort des ménages qui, actuellement, perçoivent l'APL et occupent un logement dans le parc HLM. C'est un élément de justice sociale.
Par ailleurs, alors que le Parlement est appelé chaque année à voter une dotation budgétaire pour les aides personnelles au logement, il paraît nécessaire, pour qu'il puisse se prononcer en toute connaissance de cause, qu'il soit préalablement informé avec précision de l'affectation sociale des aides budgétaires et de l'évolution de leur impact sur les bénéficiaires. Tel est l'objet de cet amendement dans sa seconde partie.
M. le président. La parole est à M. Franchis, pour défendre l'amendement n° II-59.
M. Serge Franchis. Il est important de s'assurer que le nouveau barème de l'APL aura bien une efficacité sociale suffisante. Il convient en particulier de veiller à ce que les locataires dont les ressources ouvrent l'accès aux logements très sociaux puissent continuer à bénéficier d'une aide à un niveau au moins équivalent, sinon supérieur, à celui de l'APL actuellement perçue.
Je rappelle que ces familles ne disposent pas de ressources excédant un SMIC pour une personne seule ou deux SMIC pour un ménage avec deux personnes à charge.
J'ajoute que 60 % des dossiers en instance dans les services des organismes d'HLM entrent dans cette catégorie.
C'est dire combien est relative la solvabilité des candidats à un logement social. Ce que l'APL ne pourrait couvrir glissera donc vers le FSL. A défaut, les organismes d'HLM auront à connaître, par suite des impayés, d'importantes difficultés financières, en particulier les organismes qui ont procédé à une réhabilitation généralisée de leur parc. En effet, si la réhabilitation possède heureusement des vertus, elle génère aussi des effets négatifs, les organismes étant dans l'impossibilité de pratiquer dans le parc ancien des loyers réellement compatibles avec le taux d'effort supportable par les foyers aux revenus les plus modestes.
Cet amendement vise aussi à obtenir que le Parlement soit informé chaque année de la mise en oeuvre de l'allocation personnalisée au logement.
M. le président. La parole est à M. Vasselle, pour défendre les amendements n°s II-64 rectifié et II-65.
M. Alain Vasselle. Par l'amendement II-64 rectifié, je demande qu'un rapport soit présenté au Parlement chaque année sur les révisions annuelles ou les modifications du barème et leurs conséquences sur les bénéficiaires de l'aide personnalisée au logement, et ce dans les trois mois qui précèdent leur entrée en application.
Ce délai sera peut-être de nature, monsieur le ministre, à vous poser quelques problèmes, mais je suis prêt pour ma part, après m'être concerté avec mes collègues, à rectifier éventuellement cet amendement si vous en approuviez l'esprit.
L'amendement n° II-65, également cosigné par mes collègues MM. Ostermann, Balarello et de Menou, vise à apporter une réponse à la préoccupation que j'ai exprimée dans la discussion générale..
En effet, nous avons fait le constat, à partir des documents que vous avez bien voulu nous communiquer, monsieur le ministre, que certains ménages dont les ressources mensuelles se situaient entre 2 800 et 5 800 francs risquaient d'avoir à fournir un effort supérieur à celui qu'ils consentent aujourd'hui.
Je dois convenir - et je n'ai pas eu le temps de le faire lors de la discussion générale, mais je dois insister sur ce projet - qu'il est vrai que ceux dont les ressources seront inférieures à cette tranche de revenus verront leur situation s'améliorer très nettement, puisque le loyer qu'ils auront à supporter sera parfois de moitié inférieur à celui qu'ils acquittent aujourd'hui.
Cette réforme va donc dans le bon sens, puisqu'elle aboutira à alléger les charges qui pèsent sur les revenus les plus modestes.
En revanche, ceux dont les revenus sont supérieurs à 5 800 francs mensuels devront consentir un effort supérieur à celui qu'ils font aujourd'hui, mais cela me paraît aller dans le sens de la nécessaire solidarité nationale.
Il existe toutefois une frange de la population en faveur de laquelle, monsieur le ministre, il me paraîtrait souhaitable qu'un effort soit consenti, et peut-être pourrez-vous apaiser nos inquiétudes, car les ménages concernés, qui touchent entre 2 800 et 5 800 francs par mois, sont en nombre non négligeables et il serait bon, pour que cette réforme ait le succès attendu, qu'il en soit tenu compte.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements ?
M. Henri Collard, rapporteur spécial. Les amendements n° II-56 et II-68 tendent à supprimer l'article 92, lequel, comme je l'ai dit dans mon intervention liminaire - je ne suis d'ailleurs pas le seul - vise à fusionner les deux APL en tenant compte non pas de leur date de convention mais essentiellement des ressources et du nombre d'enfants, ce qui est plus simple et plus équitable.
La commission des finances est, bien entendu, défavorable à ces deux amendements de suppression.
L'amendement II-69 tend à revenir sur la rationalisation des versements d'aide personnelle décidée par la loi de finances de 1995. Or celle-ci avait notamment prévu que l'existence d'un droit à aide personnelle ne pouvait donner lieu qu'à un rappel de trois mois et non pas de deux ans et plus. En conséquence, nous considérons que ces amendements sont irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution.
Les amendements n° II-58 rectifié et 117 du Gouvernement tendent à reporter l'entrée en vigueur de l'article 92.
Le Conseil national de l'habitat a déjà été saisi du nouveau barème de l'APL, qui est connu depuis le mois de septembre dernier. Il ne devrait donc pas y avoir de problème pour une entrée en application dès le 1er janvier prochain. Cependant, puisque M. le ministre vient d'indiquer qu'il était favorable à un report, la commission est favorable au 1er avril, à ces amendements.
L'amendement n° II-57 a pour objet d'empêcher que la fusion des barèmes de l'APL 1 et de l'APL 2 ne se traduise par une baisse de l'APL versée à certains ménages. Il vise, en outre, à ce qu'un rapport soit présenté chaque année au Parlement sur les conséquences de la modification des barèmes.
La commission n'a pas examiné cet amendement mais, comme je viens de le dire, en adoptant l'article 92, elle a pris acte du surcoût global, évalué à 200 millions de francs, qui semble montrer que la fusion des barèmes sera globalement favorable aux ménages. La réforme de l'APL ne devrait donc pas se traduire par une détérioration des barèmes. Mais il est vrai que la commission n'en a pas eu connaissance.
Il serait préférable de procéder, sur cet amendement, à un vote par division, monsieur le président, car, si je suis défavorable, bien entendu, au premier alinéa, je suis favorable au second alinéa relatif au rapport qui pourrait être présenté.
L'amendement n° II-59 tend à faire en sorte que les modifications de barème de l'APL ne se traduisent par une baisse de l'aide accordée aux ménages dont les ressources sont inférieures au plafond PLATS. Il vise également à demander la présentation d'un rapport de la même nature que celui qui est demandé par l'amendement n° II-57.
Il est très improbable que les modifications du barème entraînent à l'avenir une baisse de l'aide accordée aux ménages les plus modestes. M. le ministre pourrait peut-être nous apporter quelques chiffres à cet égard. Toutefois une telle baisse peut théoriquement être envisageable en cas de baisse du loyer, de baisse du coût de la construction ou de baisse des prix. Un tel verrouillage ne nous paraît pas nécessaire sur le plan économique.
Là encore, la commission est défavorable au premier alinéa et favorable au second, mais peut-être M. Franchis accepterait-il de retirer son amendement, car l'amendement n° II-64 rectifié de M. Vasselle a pour objet de demander la présentation d'un rapport annuel sur les modifications du barème et la commission y est favorable.
M. Alain Vasselle. Merci, monsieur le rapporteur.
M. Henri Collard, rapporteur spécial. L'amendement n° II-65 tend à faire en sorte que les modifications de barème de l'APL ne se traduisent pas par une baisse de l'aide accordée aux ménages dont les ressources sont inférieures à 75 % du plafond de ressources donnant accès aux logements PLATS.
Monsieur Vasselle, votre amendement étant proche de l'amendement n° II-59 de M. Franchis, peut-être accepteriez-vous de le retirer ? Dans le cas contraire, la commission y serait défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s II-57, II-59, II-64 rectifié et II-65 ?
M. Pierre-André Périssol, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° II-57 défendu par M. Piras.
L'amendement n° II-59, présenté par MM. Franchis et Egu, comporte effectivement deux paragraphes.
Le premier tend à ce que le montant de la nouvelle APL unifiée ne puisse pas être inférieur à l'aide actuelle pour les ménages dont les ressources n'excèdent pas 75 % des plafonds de ressources.
Cette préoccupation tendant à garantir que l'unification de l'APL ne se traduise pas par des pertes d'aide pour les ménages les plus modestes rejoint, bien entendu, celle du Gouvernement. Toutefois, un tel dispositif serait, en pratique, extrêmement difficile à appliquer puisque les ressources ne sont aujourd'hui pas déterminées dans les mêmes conditions, selon qu'il s'agit du plafond d'accès aux logements très sociaux ou du calcul de l'APL. Il imposerait de plus, dans la définition du nouveau barème, une grande rigidité qui ne pourrait que contredire l'effort de simplification auquel le Gouvernement est attaché.
La concertation qui est engagée avec les organisations d'usagers et de bailleurs tiendra certainement compte de cette même préoccupation.
L'objet de cet amendement se retrouve dans le premier paragraphe de l'amendement n° II-65.
Dans les deux cas, si le Gouvernement comprend, j'allais dire partage, la préoccupation de leurs auteurs, il préfère qu'il en soit tenu compte lors de l'élaboration du barème et à l'occasion de la concertation qui sera mise en oeuvre plutôt qu'à l'occasion de dispositions législatives. Je souhaite, par conséquent, en fonction des explications que je viens de vous donner et sachant que le Gouvernement partage votre souci, que les amendements n° II-59 et II-65 soient retirés.
Nous retrouvons dans l'amendement n° II-59 et dans l'amendement n° II-64 rectifié le souhait qu'un rapport soit présenté au Parlement trois mois avant le début de l'examen du projet de loi de finances.
Sur ce point, je suis très clair : je souhaite bien entendu que le Parlement soit informé je rappelle d'ailleurs que nous répondons à toutes les questions. Par ailleurs, nous élaborons ce rapport ne serait-ce que pour le présenter au Conseil national de l'habitat et probablement au niveau de la CNAF.
En revanche, je suis gêné, monsieur le sénateur, par le délai de trois mois que vous évoquez et qui est un peu rigide.
Je prends l'engagement au nom du Gouvernement, que l'information du Parlement sera complète. Sous le bénéfice d'un tel engagement, je vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement n° II-65.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s II-56 et II-68, repoussés par la commission et par le Gouvernement.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je rappelle que l'amendement n° II-69 a été déclaré irrecevable par la commission des finances.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n° II-58 rectifié et n° II-117, acceptés par la commission.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Nous allons procéder à un vote par division de l'amendement n° II-57.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le premier alinéa de l'amendement n° II-57, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(Ce texte n'est pas adopté.)
M. Henri Collard, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Henri Collard, rapporteur spécial. Monsieur le président, la commission et le Gouvernement étant favorables à la présentation d'un rapport, je demanderai aux auteurs des amendements n° II-57 et II-59 de les retirer au profit de l'amendement n° II-64 rectifié de M. Vasselle.
M. Serge Franchis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Franchis.
M. Serge Franchis. Compte tenu des explications données par M. le ministre et sachant que le Gouvernement partage notre préoccupation, je retire cet amendement et fais toute confiance à M. le ministre pour que nos objectifs soient atteints.
M. le président. L'amendement n° II-59 est retiré.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le second alinéa de l'amendement n° II-57 et l'amendement n° II-64 rectifié, qui sont identiques.
(Ce texte est adopté.)
M. le président. Monsieur Vasselle, maintenez-vous l'amendement n° II-65 ?
M. Alain Vasselle. Il s'agit d'un amendement d'appel destiné à attirer l'attention du Gouvernement sur les risques que faisait courir l'application stricte du dispositif, tel qu'il nous était présenté.
A partir du moment où le Gouvernement a conscience des effets pervers qui pourraient résulter de l'application de ce dispositif, notamment pour certaines tranches de revenus - le tableau qui nous avait été communiqué prenait pour exemple une famille de deux enfants et dressait un état comparatif de l'effort que consentirait cette famille par rapport à la réforme - et à partir du moment où, monsieur le ministre, vous nous assurez que, dans le cadre de la concertation, vous allez faire en sorte que les effets négatifs qui pourraient résulter de cette application seront gommés ou corrigés, je vous fais tout à fait confiance et nous vous donnons rendez-vous l'année prochaine ; il ne sera pas nécessaire, le moment venu, d'avoir à intervenir sur ce dossier. C'est la raison pour laquelle j'accepte, au nom de mes collègues et en accord avec M. Ostermann, de retirer cet amendement.
M. le président. L'amendement n° II-65 est retiré.
M. Guy Fischer. Je le reprends, monsieur le président.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° II-65 rectifié, présenté par M. Fischer.
Vous avez la parole pour le défendre.
M. Guy Fischer. Une des remarques qui auraient pu être faites sur cet amendement était qu'il n'était pas gagé. J'aurais alors pu faire une proposition. Mais ce n'est pas ce qui a déterminé M. Vasselle à le retirer.
Cet amendement a une qualité : il pose un vrai problème. Malgré les assurances données par M. le ministre, il nous semble important de le reprendre pour prendre date à la veille d'une concertation.
Aujourd'hui, c'est ce que j'ai cru comprendre, vous êtes prêt, monsieur le ministre, à faire un pas pour que ces familles ne soient pas touchées par la réforme de l'APL, comme le montrait le graphique dont faisait état M. Vasselle.
Toutefois, pour prendre date, comme je viens de le dire, je demande un scrutin public sur cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-65 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 44:
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 317159 |
Pour l'adoption | 94 |
Contre | 223 |
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 92, modifié.
(L'article 92 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 92