M. le président. « Art. 84. - Il est inséré, après l'article 1121-2 du code rural, un article 1121-3 ainsi rédigé :
« Art. 1121-3 . - I. - Les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricoles dont la retraite servie à titre personnel prend effet postérieurement au 31 décembre 1996 et qui justifient, dans le régime des personnes non salariées agricoles et dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires, d'une durée d'assurance et de périodes reconnues équivalentes au moins égale à celle requise en application de l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale pour ouvrir droit à une pension à taux plein du régime général de la sécurité sociale, ainsi que d'une durée minimum effectuée en qualité de chef d'exploitation ou d'entreprise agricoles à titre exclusif ou principal, peuvent bénéficier d'une majoration de leur retraite proportionnelle. Cette majoration a pour objet de porter le montant de celle-ci à un minimum qui est fixé par décret et qui tient compte de la durée d'assurance en tant que chef d'exploitation ou d'entreprise agricoles à titre exclusif ou principal. Ce décret fixe également les conditions dans lesquelles des années d'activité accomplies en qualité d'aide familial majeur pourront être assimilées à des années de chef d'exploitation pour déterminer ladite majoration.
« II. - Les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricoles, dont la retraite a pris effet avant le 1er janvier 1997 et qui justifient de périodes minimum d'activité non salariée agricole et d'assurance en tant que chef d'exploitation ou d'entreprise agricoles accomplies à titre exclusif ou principal, peuvent bénéficier d'une majoration de la retraite proportionnelle qui leur est servie à titre personnel. Cette majoration a pour objet de porter le montant de celle-ci à un minimum qui est fixé par décret et qui tient compte de leurs périodes d'assurance en tant que chef d'exploitation ou d'entreprise agricoles et d'activité non salariée agricole accomplies à titre exclusif ou principal. Ce même décret précise les modalités suivant lesquelles seront déterminées les périodes d'assurance précédemment mentionnées.
« III. - Les dispositions des I et II prennent effet au 1er janvier 1997. Toutefois, à titre transitoire, la majoration résultant de l'application desdites dispositions est prise en compte à concurrence du tiers pour les pensions versées au titre de l'année 1997 et des deux tiers pour les pensions versées au titre de l'année 1998.
« IV. - Les personnes dont la retraite a pris effet ou prendra effet avant le 31 décembre 1997 bénéficient, à compter du 1er janvier 1997 ou de la date de prise d'effet de leur retraite, d'une majoration de la retraite forfaitaire qui leur est servie à titre personnel, lorsqu'elles justifient de périodes de cotisation à ladite retraite ou de périodes assimilées déterminées par décret et qu'elles ne sont pas titulaires d'une retraite proportionnelle ou sont titulaires d'une retraite proportionnelle inférieure aux minima fixés en application du I ci-dessus pour celles prenant leur retraite en 1997 et du II ci-dessus pour celles dont la retraite a pris effet avant le 31 décembre 1996. Le montant de cette majoration, qui prend effet progressivement en 1997 et 1998, est fixé par décret en tenant compte des durées justifiées par l'intéressé au titre du présent alinéa.
« La majoration de la retraite forfaitaire prévue au présent paragraphe n'est pas cumulable avec la majoration de la retraite proportionnelle prévue aux I et II ci-dessus dont les dispositions sont appliquées en priorité.
« Toutefois, dans les cas où l'application de la majoration de la retraite forfaitaire s'avère plus favorable à l'intéressé, il bénéficie des dispositions du premier alinéa du présent paragraphe, dans des conditions et limites qui sont fixées par décret en fonction de sa retraite proportionnelle et de ses périodes d'assurance en qualité de chef d'exploitation ou d'entreprise agricoles visées aux I ou II ci-dessus. »
Par amendement n° II-53, MM. Minetti, Leyzour, Billard et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rédiger comme suit cet article :
« I. - Après le troisième alinéa de l'article 1121 du code rural, il est inséré deux alinéas ainsi rédigés :
« Le total des pensions de retraite forfaitaire et proportionnelle reversé à un assuré totalisant cent cinquante trimestres d'affiliation au régime agricole ne peut être inférieur à 75 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance.
« Pour les assurés ne totalisant pas cent cinquante trimestres, ce minimum est réduit en proportion. »
« II. - Les dispositions du I ci-dessus s'appliquent également aux retraites agricoles liquidées avant l'entrée en vigueur de la présente loi.
« III. - Les dépenses résultant de l'application de cet article sont financées à due concurrence par une taxe versée au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles.
« Cette taxe est calculée à partir de l'excédent brut d'exploitation des entreprises des secteurs de l'industrie agroalimentaire, du commerce de gros des produits agricoles et alimentaires ainsi que de celui des centrales d'achat de la grande distribution, des banques et des industries chimiques pour ce qui concerne leur activité liée à l'agriculture. »
La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti. On m'a invité à être bref, ce que je vais essayer de faire et ce que j'ai d'ailleurs fait toute la journée.
M. le président. Je vous en remercie, mon cher collègue.
M. Louis Minetti. Cet amendement concerne l'une des grandes questions centrales qui sont emblématiques d'une politique. En l'occurrence, il s'agit de la fixation à 75 % du SMIC des pensions de retraite du régime agricole. L'an dernier, j'avais déposé le même amendement ! Il y a deux ans, j'avais déposé le même amendement ! A chaque fois, par chaque ministre, il a été qualifié d'« intéressant » ou de « généreux », suscitant un « d'accord sur le principe ».
Aujourd'hui, je ne peux plus accepter de restriction. Je n'oublie pas que M. de Saint-Sernin, député, avec cent de ses collègues RPR, a mené bataille en 1993 sur le même thème. Je n'oublie pas non plus qu'actuellement M. Daniel Garrigue, député de Dordogne, a engagé le même combat et qu'il a déposé une proposition de loi sur le sujet. Je sais aussi qu'il a été chargé de mission par le Premier ministre.
Il n'est pas possible de laisser un certain nombre de députés ou de sénateurs de la majorité se faire ériger une statue en l'honneur des 75 %. Il faut clarifier la situation. Avant qu'il ne soit élu Président de la République, Jacques Chirac l'avait promis.
Si, tout à l'heure, dans sa réponse, M. le ministre me dit qu'il est d'accord, je retirerai l'amendement ; il le reprendra à son compte, et ce sera à lui de parler ! S'il n'est pas d'accord, alors je demanderai que le Sénat se prononce par scrutin public.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. L'amendement de M. Minetti appelle un certain nombre de remarques.
Je rappellerai que ce n'est que depuis 1993 que des mesures ont été prises en faveur des retraites agricoles les plus modestes.
Par ailleurs, un débat de fond sur ce sujet aura lieu dans le cadre de la loi d'orientation agricole, après la remise du rapport de M. Daniel Garrigue.
La commission a accepté, sans modification, l'article 84, qui représente une avancée certaine.
En effet, tout n'est pas possible tout de suite.
M. Félix Leyzour. On ne demande pas tout !
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Les lacaniens disent qu'il y a un principe de réalité et un principe de plaisir. En l'occurrence, le principe de plaisir, c'est de proposer des améliorations auxquelles il n'est pas possible de souscrire. Mais il y a aussi la réalité à laquelle la commission des finances doit se soumettre.
Je vous demande donc, monsieur Minetti, de retirer votre amendement car le sujet reviendra très prochainement en discussion. A défaut, malheureusement, je serai obligé d'invoquer l'article 40 de la Constitution.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Monsieur le sénateur, dans vingt ou trente ans, lorsque je serai parlementaire de l'opposition,...
M. Charles Revet. Ou plus tard que cela !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. ... peut-être pourrai-je souscrire au principe de plaisir ! (Sourires.) En l'instant, à la place qui est la mienne, vous me permettrez de m'en tenir au principe de réalité.
La réalité, comme cela a été rappelé, c'est que, depuis 1993, le Gouvernement a entrepris un effort de rattrapage des plus petites retraites. Cet effort se traduit cette année, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, par une somme supplémentaire de 2 200 millions de francs pour les retraités.
Je préfère le principe de réalité au principe de plaisir, qui me ferait brandir des chiffres dénués de signification. Or, ces 2 200 millions de francs que les retraités auront en plus - même si cela ne correspond pas à tout ce que je souhaiterais faire - sont une réalité tangible.
Est-ce pour solde de tout compte ? Non, bien entendu !
Poursuivons-nous l'objectif fixé par MM. de Saint-Sernin, Garrigue, Minetti et beaucoup d'autres en matière de revalorisation ? Oui, bien entendu ! Nous avons inscrit cette revalorisation des préretraites parmi les priorités du ministère de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.
La meilleure preuve en est qu'en dépit des fortes contraintes budgétaires qui nous sont imposées, nous avons augmenté la subvention d'équilibre au BAPSA, précisément pour tenir ces engagements. Et nous continuerons !
Ainsi, dans le cadre de la loi d'orientation, nous examinerons ce que nous devons faire pour le rattrapage des plus petites retraites.
Nous savons pertinemment que le système qui est mis en place permettra à ceux qui cotisent aujourd'hui au titre des cotisations nouvelles de parvenir à une égalité de traitement avec les retraités salariés.
Par conséquent, je crois que le principe de plaisir qui guide - ce que je comprends parfaitement - M. Minetti se heurte au principe de réalité et aux sommes que je viens d'évoquer.
Au demeurant, cet amendement n'est pas recevable. Dans ces conditions, il serait peut-être préférable que M. Minetti le retire, car une invocation de l'article 40, n'est pas très glorieuse pour la personne qui se la voit opposer ; cela fait un amendement de circonstance.
M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l'article 40 est-il applicable ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Il l'est, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° II-53 n'est pas recevable.
M. Louis Minetti. Mais notre amendement est gagé !
M. le président. Monsieur Minetti, l'application de l'article 40 ne fait l'objet d'aucun commentaire ! Je vais mettre aux voix l'article 84.
M. Louis Minetti. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti. Je suis contre l'article 84. On vient de dire qu'il n'était pas glorieux d'appliquer l'article 40...
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Non, c'est pour celui à qui il est opposé que ce ne l'est pas ! Appliquer la Constitution, c'est glorieux !
M. Louis Minetti. En fait, je veux surtout protester car mon amendement est parfaitement gagé.
Si vous voulez que je donne les détails...
M. le président. Mon cher collègue, je vous rappelle que l'application de l'article 40 de la Constitution ne peut faire l'objet d'aucun commentaire.
M. Louis Minetti. En tout cas, j'en ai assez dit pour faire savoir que je proteste et que nous ne voterons pas l'article 84.
Charles Revet. Ça, on le savait !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 84.
M. Félix Leyzour. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
M. Paul Raoult. Le groupe socialiste également.
(L'article 84 est adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant l'agriculture, la pêche et l'alimentation.
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