M. le président. La séance est reprise.
Je suis maintenant saisi de quatre amendements identiques.
Le premier, n° I-83, est présenté par MM. Pépin, Carle et Emin.
Le deuxième, n° I-108, est déposé par M. Carrère et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Le troisième, n° I-267, est présenté par MM. Delong, Lombard, Valade, Courtois, Rufin, Vasselle, Eckenspieller, Jourdain, Gerbaud et Oudin.
Le quatrième, n° I-278 rectifié, est déposé par MM. Faure, Bécot, Dulait, Lorrain, Richert, de Villepin et Mme Bocandé.
Tous quatre tendent à insérer, après l'article 25, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Au 2° du paragraphe II de l'article 1609 sexdecies du code général de simpôts, le taux de "1,20 %" est remplacé par le taux de "1 %".
« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-83 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Carrère, pour défendre l'amendement n° I-108.
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le ministre, je sais que vous n'êtes pas sans connaître la réalité forestière, même si elle ne vient que lécher la commune dont vous êtes l'élu. (M. le ministre sourit.)
Je tiens néanmoins à attirer votre attention sur les difficultés que connaissent en ce moment les professionnels de la transformation du bois et à vous convaincre du bien-fondé de l'amendement que, au nom de mon groupe, j'ai déposé.
Cet amendement vise à réduire le taux de la taxe forestière applicable aux industries de la première transformation du bois, qui assurent la mobilisation de notre ressource forestière nationale - en l'espèce aussi, régionale et locale - et l'approvisionnement, en aval, des industries de la deuxième transformation, qui engendrent, elles, une forte valeur ajoutée.
Les industries de la première transformation sont créatrices de richesses et d'emplois. Pour vous donner un ordre de grandeur, monsieur le ministre, en Aquitaine, elles sont sources de plus-values supérieures à celles de la production viticole. Ce n'est donc pas négligeable !
Or, ce secteur d'activité subit les conséquences des dévaluations compétitives des pays clients ou concurrents et voit ses marges se dégrader en raison d'une conjoncture très déprimée résultant des crises cumulées du BTP, de la pâte à papier et de l'ameublement.
Je veux également attirer votre attention sur deux autres phénomènes, monsieur le ministre.
Le premier, vous devez le connaître pour être, comme moi, du Sud-Ouest ; c'est la tempête qui a sévi dans le massif forestier aquitain et qui a engendré une forte « déprime » dans le milieu forestier.
Le second, c'est l'initiative positive, prise par différents partenaires, dont la région Aquitaine, « Compostella Forêt », qui nous met en synergie avec les régions du nord-ouest de l'Espagne et du nord du Portugal pour essayer de valoriser cette forêt et ses produits, toujours dans le souci d'accroître la valeur ajoutée, d'améliorer la culture de la forêt et, bien sûr, de favoriser l'emploi et de développer l'économie de ces régions.
La réduction de 0,2 point de la contribution, qui correspond, en fait, à 16,7 % des charges des entreprises considérées, soit l'équivalent d'une seconde taxe professionnelle, soulagerait la trésorerie de ces entreprises au moment où elles doivent impérativement investir pour affirmer leur compétitivité, maintenir leurs emplois et s'affirmer sur le marché.
J'espère, monsieur le ministre, que ces arguments vous auront convaincu de l'opportunité de ramener le taux de la contribution au fonds forestier national de 1,2 % à 1 %. L'Aquitaine en a grand besoin !
M. le président. La parole est à M. Rufin, pour présenter l'amendement n° I-267.
M. Michel Rufin. Cet amendement tend à assurer la mobilisation de notre ressource forestière nationale et l'approvisionnement des industries en aval, qui sont créatrices de richesses et d'emplois.
Les contraintes concurrentielles issues des dévaluations compétitives des pays clients ou de pays producteurs concurrents ainsi qu'une conjoncture très déprimée imposent de réduire très rapidement la charge que représente, pour ces entreprises, la contribution au fonds forestier national, qui est comparable à une seconde taxe professionnelle.
Il est urgent de revenir au taux antérieur de taxation, soit 1 %, afin de préserver la compétitivité, les emplois et la présence sur le marché des scieries françaises.
M. le président. La parle est à M. Dulait, pour présenter l'amendement n° I-278 rectifié.
M. André Dulait. L'amendement que je vous présente, au nom de mes collègues du groupe de l'Union centriste, a pour objet de ramener le taux de la taxe forestière applicable aux industries de la première transformation du bois à ce qu'il était auparavant, soit 1 %.
La forêt française ne représente une richesse que dans la mesure où elle est gérée, et elle n'est gérée que dans la mesure où elle représente un intérêt économique. Ce sont les industries de l'aval qui créent cet intérêt. Les industries de la première transformation, les scieries notamment, ne pourront, elles, être compétitives dans notre pays que si nous ne les chargeons pas d'une façon intempestive, surtout à l'heure actuelle, alors que la concurrence non seulement des pays de l'Union européenne mais aussi des pays voisins continue à être très forte.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s I-108, I-267 et I-278 rectifié ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Ces amendements sont signés par les plus éminentes personnalités de notre assemblée. Quoi d'étonnant, d'ailleurs, car la cause est juste et est l'objet de la préoccupation constante de la commission des finances.
La baisse proposée entraînerait une perte de 26 millions de francs pour le fonds forestier national. Or le Gouvernement, si j'ai bien compris, ne pourra pas consacrer de dotations budgétaires supplémentaires pour abonder ce fonds forestier à due concurrence.
C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, j'ai la redoutable mission de vous demander de bien vouloir retirer vos amendements, étant entendu que notre détermination à tous n'est pas en cause. Rendez-vous nous est donné pour la discussion du projet de loi d'orientation agricole. Il nous faut, d'ici là, trouver les 26 millions de francs manquants pour que, à l'occasion de la discussion de ce texte, la baisse souhaitée soit décidée.
Lorsque l'on examine l'histoire de cette taxe, on constate que son taux a déjà connu des réductions. Cela veut donc dire qu'en réunissant toutes les bonnes volontés, nous sommes parvenus jusqu'ici à doter à due concurrence le fonds forestier national. Aussi, et c'est le sens du message que j'ai à vous délivrer, vous pouvez compter sur la volonté déterminée de la commission des finances de réussir encore dans cette entreprise.
Franchement, puisque nous sommes entre nous, je peux le dire, nous avions l'espoir d'y parvenir pour la présente discussion. A l'heure où je vous parle, je ne suis pas en mesure, hélas ! de vous suggérer où trouver les 26 millions de francs nécessaires. Mes chers collègues, je vous invite donc à un acte de responsabilité collective. Ce n'est absolument pas un renoncement. Le rendez-vous ultime, et je pèse mes mots, sachant que vous pourrez me les opposer le cas échéant, devra être la discussion du projet de loi d'orientation agricole, car alors il nous faudra absolument réussir.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s I-108, I-267 et I-278 rectifié ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Je crains que le Gouvernement ne puisse accepter ces amendements, pour la raison que vient d'avancer M. le rapporteur général.
Je le rappelle, le fonds forestier national n'a pu être sauvegardé qu'au prix d'un ensemble de mesures que nous avons prises en 1993 et qui ont coûté 230 millions de francs par an.
Dans le cadre de cette réforme, le taux de la taxe sur les sciages avait été porté à 1,65 %. Par la suite, compte tenu des difficultés rencontrées par le secteur, notamment lorsque nous avons subi les effets de la hausse des monnaies scandinaves, le Gouvernement a accepté, à deux reprises, de réduire le taux de la taxe sur les sciages, qui a été ramené de 1,65 % à 1,25 %. Aussi, lorsque l'on prend le total de la fiscalité forestière, donc la fiscalité propre aux entreprises de la filière bois - taxe forestière et taxe BAPSA - et que l'on compare les prélèvements de 1990 et ceux de 1995, on constate qu'en francs constants 1995 ces prélèvements ont baissé de 650 millions de francs, c'est-à-dire de 66 %, et que cette baisse a profité à hauteur de 45 % aux scieries et aux fabricants de contreplaqué.
Donc, dans la période récente, la fiscalité qui pèse sur ces entreprises a connu un très fort allégement. Une nouvelle diminution de 0,2 % du taux de la taxe forestière compromettrait les actions menées par le fonds forestier national en faveur des 1 200 000 propriétaires forestiers privés. Certes, l'amendement n° I-83 de M. Pépin prévoyait une sorte de gage, en affectant une partie des droits de consommation sur les tabacs au fonds forestier national. Cependant, ce genre d'amendement n'est pas juridiquement recevable.
Donc, au total, avec cette nouvelle diminution du taux de la taxe forestière, le fonds forestier national perdrait encore des ressources.
Je voudrais m'associer à l'appel qui a été lancé par M. le rapporteur général. Tout en reconnaissant que nous devons effectivement faire plus pour aider ces entreprises, mais en prenant en compte le fait que la fiscalité qui s'impose à elles a déjà été sensiblement réduite ces dernières années, je donne au Sénat rendez-vous pour l'examen du projet de loi d'orientation agricole. Comme j'avais eu l'occasion de le faire dans la discussion générale, en réponse à votre excellent collègue M. Delong, qui, malheureusement est absent aujourd'hui en raison d'un deuil familial, je confirme que ce projet de loi d'orientation agricole comportera un important volet forestier et pourra être l'occasion d'examiner ce dossier au fond et de décider d'un certain nombre de mesures en faveur de la filière.
M. le président. L'amendement n° I-267 est-il maintenu, monsieur Rufin ?
M. Michel Rufin. Après les explications pertinentes données tant par M. le rapporteur général que par M. le ministre, je me rallie et, en accord avec mes collègues cosignataires de l'amendement, je le retire, sachant que nous aurons l'occasion de débattre de ce problème lors de l'examen du projet de loi d'orientation agricole.
M. Emmanuel Hamel. Un retrait dans l'espoir d'une reprise !
M. le président. L'amendement n° I-267 est retiré.
Monsieur Dulait, retirez-vous votre amendement ?
M. André Dulait. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-278 rectifié est retiré.
Monsieur Carrère, votre amendement est-il maintenu ?
M. Jean-Louis Carrère. Pour l'instant, oui, monsieur le président.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-108.
M. Roland du Luart. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart. Je remercie M. Carrère d'avoir eu l'obligeance de maintenir son amendement, ce qui me permet de m'exprimer.
En tant que rapporteur de la commission des finances, j'ai été solidaire de ce qu'a fait celle-ci en 1994 et 1995 pour sauver le fonds forestier national. Notre tâche était difficile, car la situation du fonds était gravement atteinte et nous n'avions plus d'argent pour faire face aux engagements.
Il est certain que, si l'on examine les problèmes de la fillière, on constate que la situation de ce secteur d'activité n'est pas brillante. Personnellement, je comprends les préoccupations des scieurs et des fabricants de contreplaqué. Nous avions, en 1996, ramené le taux de cette taxe de 1,3 % à 1,2 %. Aujourd'hui, il nous est proposé de le ramener à 1 %, ce qui représente 26 millions de francs.
Si nous voulons maintenir le fonds forestier national tel qu'il est afin qu'il continue de mener une politique forestière, il nous est impossible d'accéder à la demande formulée par les auteurs des différents amendements. Les recettes du fonds forestier national ont été surévaluées dans le projet de loi de finances pour 1996 et le ministère a dû geler certaines autorisations de programme. Cette année, elles ont été évaluées à 317 millions de francs. Or, nous savons que les recettes avoisineront 289 millions de francs. Il est donc impérieux, dans l'intérêt de la politique forestière française, que nous maintenions les recettes au niveau qu'elles ont atteint.
Dans la mesure où, aujourd'hui, nous ne pouvons pas demander au Gouvernement de nous donner une recette alternative - on ne voit pas ce qu'elle pourrait être - et compte tenu de l'engagement du ministre de rééxaminer la question à l'occasion de l'examen de la loi d'orientation agricole et forestière qui interviendra probablement au printemps prochain, il nous faudra profiter de l'occasion pour remettre tout à plat et trouver des solutions pour la filière dans son ensemble, des producteurs forestiers aux transformateurs du bois.
Je suis donc défavorable à l'amendement qui a été présenté par les différents groupes de cette assemblée. Je souhaite que l'on attende et que l'on sauvegarde ce fonds forestier national que nous avons eu tant de mal à sauver les années précédentes.
M. le président. Monsieur Carrère, qu'en est-il donc de votre amendement ?
M. Jean-Louis Carrère. Compte tenu des propos de M. le rapporteur général et de M. le ministre, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-108 est retiré.
M. Henri de Raincourt. Bravo !
M. Roland du Luart. Très bien !
M. le président. Par amendement n° I-268, MM. Delong, Jourdain, Rufin, Eckenspieller, Gerbaud et Oudin proposent d'insérer, après l'article 25, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est inséré dans le code rural, après l'article L. 112-17, un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Une taxe est perçue au profit de l'Etat à l'occasion de toute opération entraînant l'artificialisation de sols naturels agricoles et de sols forestiers visés par les alinéas 1 et 3 de l'article L. 311-2 et l'article L. 314-4 du code forestier. »
« II. - Il est inséré, après l'article L. 112-17 du code rural, une division additionnelle ainsi rédigée :
« Section ... - Taxation du changement de destination des sols.
« III. - La taxe prévue au paragraphe I de cet article est assise et recouvrée dans des conditions identiques à celles prévues à l'article L. 142-2 du code de l'urbanisme. Son taux est de 1 %. »
La parole est à M. Rufin.
M. Michel Rufin. Cet amendement a pour objet d'assurer d'une manière différente un financement régulier pour le fonds forestier national. A cette fin, il est proposé de créer une taxe sur le changement de destination des sols agricoles et de certains sols forestiers. Toute opération d'artificialisation des sols donnera lieu à perception au profit de l'Etat et au fonds de gestion de l'espace rural.
La taxe sera perçue au profit du budget général pour la partie de son produit correspondant au taux de 0,85 %. Elle sera perçue au profit du compte spécial du Trésor « Fonds forestier national » pour la partie de son produit correspondant au taux de 0,15 %.
La notion d'artificialisation des sols est, certes, difficile à cerner en raison de la diversité des opérations qui peuvent en devenir l'assiette. Cependant, il apparaît que la création d'une taxe pérenne est indispensable pour reprendre la modernisation de la politique forestière, qui, faute de moyens, s'étiole depuis plusieurs années ; les conséquences économiques pour être différées, n'en seront pas moins lourdement pénalisantes pour le budget de la France et des communes de France.
Il a fallu, l'an dernier, que les communes forestières fassent un effort considérable pour aider l'Office national des forêts. Or, pour 1997, le budget du fonds de gestion de l'espace rural est remis en cause de façon capitale. Le ministre de l'agriculture, à plusieurs reprises, a exprimé dans des discours officiels l'inquiétude qu'il éprouve quant aux moyens qui assurent ou qui devraient assurer la continuité d'une politique forestière dont les résultats jusqu'à présent ont été remarquablement bons.
C'est ainsi qu'est née l'idée de créer une taxe pérenne sur l'artificialisation des sols, terrains agricoles ou forestiers. Au cours de la décennie précédente, 40 000 hectares de terres ou de forêts ont été utilisés pour l'habitat, les réseaux divers et les industries. Ce rythme s'est probablement ralenti au cours de ces dernières années, mais on peut raisonnablement l'estimer au moins à 30 000 ou à 35 000 hectares par an.
Ce grignotage, pour ne pas dire cette boulimie d'espaces boisés, semi-boisés et agricoles appelle une compensation financière qui permette, par l'intermédiaire du fonds forestier national et des différents organismes qui contribuent directement à la conservation du patrimoine naturel, la reconstitution des espaces naturels ainsi détruits.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Son avis n'a pas varié par rapport à l'année dernière. Même si la commission trouve l'idée intéressante, il ne lui paraît pas actuellement souhaitable d'introduire une nouvelle taxe dans le code rural. Elle souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement sur ce sujet, mais le dispositif tel qu'il est actuellement prévu n'a pas atteint le degré de perfection que la commission des finances se fixe pour la loi fiscale en général.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Les auteurs de cet amendement ont eu raison d'essayer de rechercher des ressources nouvelles susceptibles d'alimenter en particulier le fonds forestier national, le FFN - nous venons de débattre de ses problèmes financiers - le fonds de gestion de l'espace rural, et l'office national des forêts, l'ONF.
La question qui se pose est de savoir si la technique fiscale proposée, qui consisterait à taxer ce qui est appelé ici l'« artificialisation des sols naturels agricoles et forestiers », est la plus adaptée.
Le Gouvernement a étudié, en 1996, surtout après avoir entendu un certain nombre de sénateurs, dont les auteurs de cet amendement, n° I-268, la création d'une taxe de ce genre pour assurer le financement de l'ONF, en compensation de la réduction du produit des frais de garderie acquittés par les collectivités locales.
Après expertise technique, il est apparu que la notion d'« artificialisation » était trop imprécise pour définir une nouvelle imposition.
En effet, l'introduction de cette notion risque de rendre plus coûteuses les opérations d'aménagement ou la réalisation de grandes infrastructures importantes pour le développement du territoire. On risque aussi de provoquer l'apparition d'une forme de taxation nouvelle pour les constructions.
Or, la création d'une nouvelle taxe d'urbanisme destinée à la couverture de dépenses étrangères à la construction et au développement urbain serait évidemment difficile à faire admettre par nos concitoyens.
Je rappelle d'ailleurs que la rentabilité de l'ensemble des taxes d'urbanisme a diminué de près de 24 % depuis 1994 compte tenu de la situation du marché immobilier.
Actuellement, il paraît donc difficile à la fois pour des raisons techniques, psychologiques, et, pour tout dire, politiques, de créer une taxe nouvelle susceptible d'avoir une assiette pénalisant un très grand nombre de contribuables français.
C'est pourquoi le Gouvernement propose que, dans le projet de budget pour 1997, les outils de la politique forestière et agricole en matière structurelle soient alimentés par le biais du budget, et non pas par un accroissement des prélèvements fiscaux.
Dans cet esprit, vous constaterez, en examinant le budget de l'office national des forêts, que nous proposons des dotations accrues de 170 millions de francs pour permettre à cet organisme de faire face aux frais de gestion des forêts communales.
M. Philippe Marini. C'est une bonne mesure !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Dans le même esprit, le Gouvernement a accepté un amendement de l'Assemblée nationale - peut-être les membres de cette assemblée en déposeront-ils sur ce sujet - qui affecte 100 millions de francs au fonds de gestion de l'espace rural, moyens qui, dans le projet de loi de finances initial, étaient tombés très bas ; c'est une litote.
C'est pourquoi le Gouvernement n'est pas favorable à la création de cette taxe nouvelle en 1997. En revanche, comme les autres sujets qui touchent au financement de la forêt, notamment le fonds forestier national, nous aurons l'occasion d'en reparler lors de l'examen de la loi d'orientation agricole.
Je demande donc à MM. Rufin et Delong ainsi qu'à leurs collègues de bien vouloir retirer leur amendement, acte étant pris de la préoccupation qui les anime et que partage le Gouvernement. Prenons rendez-vous lors de l'examen de cette loi d'orientation pour rechercher à ce moment-là les moyens financiers supplémentaires que nous pouvons imaginer au profit de la forêt et de la filière bois.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Rufin ?
M. Michel Rufin. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos explications claires.
Nous avons parfaitement conscience, je l'avoue honnêtement, que le procédé que nous avons proposé pour assurer un financement régulier du fonds forestier national, de l'office national des forêts et du fonds de gestion de l'espace rural est assez fragile.
En effet, notre étude n'est pas complète et, vous l'avez souligné, monsieur le ministre, nous devons être attentifs à l'habitat, aux taxes à la construction. Nous ne pouvons donc nous engager dans cette voie sans une enquête plus approfondie, nous le comprenons parfaitement.
D'ailleurs, je crois que M. Delong a eu un entretien avec vous, monsieur le ministre, à cet égard. Mais il s'agit d'une piste qui mériterait d'être étudiée de manière plus approfondie, car elle vous permettrait peut-être, à l'occasion de l'examen de la loi d'orientation agricole, de dégager une solution donnant satisfaction tant à l'Etat qu'aux défenseurs naturels de la forêt.
Dans ces conditions, je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° I-268 est retiré.
Par amendement n° 210 rectifié, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 25, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans la liste des entreprises inscrites à l'annexe de l'article 4 de la loi n° 86-793 du 3 juillet 1986 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, les lignes "Banque régionale de l'Ain", "Banque régionale de l'Ouest","Banque Scalbert-Dupont", "Crédit industriel d'Alsace-Lorraine", "Crédit industriel de Normandie", "Crédit industriel de l'Ouest", "Crédit industriel et commercial de Paris", "Société bordelaise de crédit industriel et commercial", "Société nancéienne de crédit industriel et Varin-Bernier", "Compagnie financière de crédit industriel et commercial" sont supprimées. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cet amendement porte sur une question placée au centre de l'actualité, celle du devenir du secteur bancaire et d'assurance, singulièrement des établissements qui demeurent propriété de l'Etat.
En 1986, le Gouvernement avait fait adopter le principe de la privatisation d'un certain nombre d'entreprises publiques, dont celles des banques régionales regroupées dans le groupe du Crédit industriel et commercial. Je tiens à les citer, car il y en a dans toutes les régions. Il s'agit de la Banque régionale de l'Ain, de la Banque régionale de l'Ouest, de la Banque Scalbert-Dupont, du Crédit industriel d'Alsace-Lorraine, du Crédit industriel et commercial de Paris, de la Société bordelaise de crédit industriel et commercial, de la Société nancéienne de crédit industriel et Varin-Bernier, et de la Compagnie financière de crédit industriel et commercial.
En 1996, la situation est pour le moins intéressante puisque la privatisation de ces banques n'a pas encore eu lieu.
Plusieurs raisons semblent empêcher la cession du secteur privé de ces établissements.
Première raison, et non la moindre : il convient de prendre en compte la réalité de l'actionnariat du CIC, notamment le fait que le principal actionnaire de l'ensemble CIC soit aujourd'hui le Groupe des assurances nationales, le GAN. Ce dernier figure lui aussi sur la liste des entreprises privatisables, mais il est confronté à une situation financière particulière.
En effet, comme la plupart des compagnies d'assurance et des établissements de crédit de la place de Paris, le GAN-CIC, tant pour lui-même que par ricochet, est confronté aux problèmes posés par la longue crise de l'immobilier que les multiples dispositions incitatives - les larges exonérations de droits de mutation ou les modifications des règles d'amortissement des investissements, par exemple - n'ont pas permis de résoudre de manière aussi positive que possible.
Le Crédit industriel et commercial est également pour partie en butte aux mêmes difficultés, même si un examen plus approfondi des ses comptes laisse apparaître une sensible amélioration de son résultat.
L'une des grandes raisons qui motivent le refus de privatisation du groupe CIC tient dans le rôle tout à fait particulier joué par l'établissement en faveur de l'aménagement du territoire.
En effet, nous avons souligné que le groupe était en fait un réseau de banques régionales, dont les liens avec les entreprises locales sont très forts et le rôle de soutien des activités économiques régionales très important.
Le CIC est en quelque sorte l'un des interlocuteurs privilégiés des petites et moyennes entreprises régionales, qui sont à la recherche de moyens de développement et de crédits pour mener à bien leurs opérations.
Ces liens pourraient être quelque peu distendus par une privatisation dont l'une des caractéristiques serait la revente par appartements de telle ou telle banque régionale, ou de tel réseau d'agences.
Pour donner un exemple de la situation, je voudrais relever quelques éléments que les salariés du groupe CIC ont eu l'obligeance de bien vouloir transmettre à notre groupe, mais, peut-être, d'autres en ont-ils eu connaissance.
Le CIC compte 30 000 salariés, regroupés au sein de ses banques régionales, de ses filiales, de ses 1 366 succursales et établissements.
Je citerai un exemple, parmi d'autres, que vous devez bien connaître en tant qu'élu du sud-ouest de la France, celui de la Société bordelaise de crédit industriel et commercial qui, avec ses 250 salariés, dispose de la clientèle du quart des petites et moyennes entreprises de la Gironde et d'un portefeuille de 100 000 clients dans l'ensemble du Sud-Ouest.
Voilà une banque bien implantée régionalement, bien connue et dont le public apprécie les actions.
Le trouble qui a donc saisi une partie des élus locaux, y compris, et j'allais dire surtout, certains membres de la majorité, doit donc être interprété comme un signe fort.
Les élus locaux concernés savent ce qu'il pourrait en coûter dans la vie économique de leur région de voir se disloquer ou se réduire la présence du groupe public que constitue le groupe CIC.
C'est la raison pour laquelle notre amendement propose de sortir ce groupe de la liste des privatisables.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Permettez-moi, monsieur le président, de répondre longuement à Mme Beaudeau. En effet, de nombreux amendements analogues tendent à insérer des articles additionnels après l'article 25 et je ne souhaite pas donner des explications détaillées sur chacun d'entre eux. Je voudrais donc répondre sur le fond en une seule fois aux questions soulevées par cette série d'amendements qui prévoient des nationalisations.
Tout d'abord, l'Etat est-il un bon actionnaire ? C'est une question que l'on pouvait se poser il y a quelques années ; nous disposons maintenant de la réponse : non, il n'est pas un bon actionnaire !
En effet, partout où il a été actionnaire, les résultats sont tangibles : cela s'est traduit par des pertes considérables, qui ont été comblées au moyen de prélèvements sur les ménages, mais aussi sur les entreprises. L'Etat n'est donc pas fait pour être actionnaire.
Mme Hélène Luc. Les nationalisations ont permis d'obtenir des résulats excellents, notamment sur le plan technique, mais on ne veut pas l'admettre !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je vous en prie, madame Luc.
Mme Hélène Luc. C'est le général de Gaulle qui les a faites !
M. Alain Lambert, rapporteur général. J'ai écouté Mme Beaudeau avec beaucoup d'attention, madame Luc, et je ne me laisserai pas interrompre, parce que ce n'est pas une façon pour moi d'entendre vos propositions. Celles-ci sont intéressantes, j'en suis sûr, mais je ne peux pas les écouter et parler en même temps. La nature ne m'a pas offert cette capacité.
Mme Hélène Luc. Vous répondez par avance, alors que vous ne savez même pas ce que nous allons vous dire !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je disais donc, mes chers collègues, qu'il est démontré que l'Etat n'est pas un bon actionnaire, et ce pour des raisons institutionnelles. En effet, il n'est pas organisé, me semble-t-il, pour assumer pleinement sa mission d'actionnaire : il existe un véritable problème de transmission des instructions entre l'appareil de l'Etat et ceux qui le représentent au sein des entreprises publiques.
S'il n'est pas un bon actionnaire en général, il est encore pire actionnaire quand il s'agit d'entreprises du secteur concurrentiel. Il n'est pas obligatoirement des plus efficace dans le secteur concurrentiel ; pis, il perturbe ce secteur par des interventions à contresens.
Je ne voudrais pas être désagréable, mais je ne suis pas sûr, prenant l'exemple du secteur bancaire précisément visé par l'amendement que j'ai sous les yeux, que les performances de l'Etat comme actionnaire dans le secteur bancaire aient été remarquées, dans le bon sens du terme - c'est un euphémisme - par nos concitoyens.
M. Emmanuel Hamel. Il fallait choisir d'autres présidents !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je ne suis pas sûr, monsieur Hamel, que cela aurait suffi.
M. Emmanuel Hamel. En êtes-vous bien sûr ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je considérais, tout à l'heure, que Mme Luc me perturbait mais c'est maintenant également le cas de M. Hamel, même si c'est très gentiment !
Cela veut-il dire pour autant qu'en n'étant pas actionnaire, il n'assumerait pas ses missions ? Je pose la question autrement : a-t-on encore besoin, dans une société moderne, d'un Etat ?
M. Michel Moreigne. Oui !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je vous rassure tout de suite, madame Beaudeau, en disant que je le crois vraiment, et de plus en plus.
En revanche, je ne suis pas sûr que l'Etat soit dans son rôle lorsqu'il fabrique des téléviseurs ; il n'y gagne plus beaucoup d'argent et il n'est plus en état d'assumer ses missions régaliennes, en particulier en matière de justice, sujet que je connais peut-être mieux que les autres. Si nous voulons que l'Etat, garant de la cohésion sociale, puisse pleinement assumer ses missions régaliennes, il ne faut pas l'engager dans des missions qui ne sont pas les siennes.
M. Christian Bonnet. Très bien !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Chers collègues du groupe communiste républicain et citoyen, je suis sûr que la meilleure manière de protéger les missions essentielles de l'Etat dans le monde moderne qui met nos concitoyens à l'épreuve c'est de ne pas alourdir encore sa tâche par des missions pour lesquelles il n'est pas bon, qui généreront des pertes et des coûts supplémentaires et qui affecteront les missions d'intérêt général dont il a la charge.
Mme Hélène Luc. On va donc laisser la Générale des eaux acheter la SFP. Pour en faire quoi ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Enfin, je suis sûr que l'Etat, s'il doit être le garant du bon accomplissement des missions d'intérêt général, ne doit pas en être l'exécutant.
Je ne crois pas en effet que l'exécutant soit le meilleur garant : dès lors qu'il ne sera pas engagé comme actionnaire dans des missions à caractère économique - puisque nous sommes sur ce sujet - il sera bien mieux placé pour juger des ajustements auxquels il doit procéder en tant qu'Etat pour que les plus défavorisés de nos concitoyens ne soient pas mis en péril par la situation économique.
Pour cette série de raisons, l'idée de nationalisation n'est pas bonne et ne répond pas aux nécessités de l'efficacité. Elle dépasse la dimension idéologique.
C'est aujourd'hui une simple question d'appréciation du rôle de l'Etat. Or, le plus sûr moyen de permettre que l'Etat joue tout son rôle dans notre pays, c'est précisément de ne pas lui en faire jouer un qui ne soit pas le sien !
M. François Blaizot. Très bien !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Par conséquent, la commission, je le dis par avance, sera défavorable aux amendements qui visent à retirer de la liste des entreprises privatisables un certain nombre d'établissements, et le long propos que je viens de tenir vaudra explication sur tous ces amendements.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Monsieur le président, je vous propose d'adopter une attitude complémentaire de celle de M. le rapporteur général, qui a donné les raisons politiques, au sens fort du terme, pour lesquelles le Gouvernement et sa majorité sont hostiles aux nationalisations et souhaitent poursuivre le programme de privatisations ; je n'y reviens donc pas.
En revanche, je vais essayer de répondre point par point à chacun des amendements déposés par le groupe communiste républicain et citoyen sur ces sujets.
Le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° I-210 rectifié, car, comme l'a expliqué Mme Beaudeau, il vise à sortir les banques du groupe CIC de la liste des entreprises privatisables. Or le Gouvernement entend maintenir la privatisation du groupe du Crédit industriel et commercial.
Comme vous le savez, ce processus de privatisation, après un premier départ, fait aujourd'hui l'objet d'un retour à la case départ. Après une première phase qui a donné lieu au dépôt de deux offres, dans le cadre d'une procédure de gré à gré, dont une seule a été déclarée recevable par la commission de privatisation, le Gouvernement a décidé d'arrêter, à ce stade de la première phase, l'opération de privatisation qui était en cours et de la recommencer.
Le Gouvernement maintient sa volonté de privatiser le CIC et il a, en particulier, deux préoccupations fortes qui rejoignent celles des élus des régions concernées, des dirigeants des banques régionales concernées, ainsi que, tout au moins en ai-je le sentiment, des salariés de ces établissements.
Première exigence donc : maintien de l'unité du groupe CIC - il n'y aura pas de vente par appartement - et, seconde exigence : maintien de son caractère régional, qui est profondément original dans notre système bancaire. A ce propos, Mme Beaudeau a eu raison d'utiliser l'expression de « réseau », car il s'agit d'un réseau de banques régionales, puisque le CIC est constitué d'un ensemble de banques profondément implantées dans le milieu économique local. Je pense notamment à la Bordelaise de crédit, à laquelle Mme Beaudeau a fait allusion et dont je m'honore d'être l'un des 100 000 clients - je ne savais pas qu'il y en avait 99 999 autres !
Après l'arrêt du premier processus de privatisation, le ministre de l'économie et des finances a réuni les présidents de ces banques régionales et leur a demandé de faire des propositions nouvelles quant aux modalités de la privatisation du CIC qui respectent ces deux exigences : maintien de l'unité du groupe et maintien de son caractère régional.
J'en profite pour évoquer l'amendement n° I-213, relatif au Groupe des assurances nationales, le GAN, puisque, comme chacun le sait, le CIC appartient au GAN.
Je voudrais confirmer que le GAN fait partie de la liste des entreprises nationalisées dressée dans la loi du 19 juillet 1993. Le moment venu, le GAN sera donc également soumis à la procédure de privatisation.
Le Gouvernement a été conduit à changer les dirigeants du GAN et les modalités de la privatisation du GAN seront arrêtées en liaison avec ces nouveaux dirigeants.
Pour ces raisons, monsieur le président, le Gouvernement est hostile aux amendements n°s I-210 rectifié et I-213.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements présentés par Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° I-212 tend à insérer, après l'article 25, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans la liste des entreprises inscrites à l'annexe de la loi n° 93-923 du 19 juillet 1993 de privatisation, la ligne "Société marseillaise de crédit" est supprimée. »
L'amendement n° I-213 vise à insérer, après l'article 25, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans la liste des entreprises inscrites à l'annexe de la loi n° 93-923 du 19 juillet 1993 de privatisation, la ligne "Société centrale du Groupe des assurances nationales" est supprimée. »
L'amendement n° I-214 rectifié a pour objet d'insérer, après l'article 25, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la liste des entreprises inscrites à l'annexe de la loi n° 93-923 du 19 juillet 1993 de privatisation, la ligne "Compagnie générale maritime" est supprimée.
« II. - A compter de la promulgation de la présente loi, la Compagnie générale maritime est à nouveau nationalisée.
« III. - Le prix de cette entreprise et le montant de l'indemnisation de ses actionnaires est fixé à 20 000 000 de francs. L'opération de nationalisation est financée par des dispositions suivantes :
« Dans le texte du premier alinéa de l'article 163 unvicies du code général des impôts, les mentions : "500 000 francs et 1 000 000 francs" sont remplacées par les mentions : "350 000 francs et 700 000 francs". »
L'amendement n° I-215 tend à insérer, après l'article 25, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans la liste des entreprises inscrites à l'annexe de la loi n° 93-923 du 19 juillet 1993 de privatisation, la ligne "Crédit Lyonnais" est supprimée. »
L'amendement n° I-219 vise à insérer, après l'article 25, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les dispositions des articles 47 à 50 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier sont abrogées. »
La parole est à Mme Beaudeau pour défendre l'ensemble de ces amendements.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Les amendements n°s I-212, I-213, I-214 rectifié, I-215 et I-219, qui concernent des entreprises sous le coup d'une privatisation, à savoir respectivement la Société marseillaise des crédits, la Société centrale du groupe des assurances nationales, dont vient de parler M. le ministre, la Compagnie générale maritime, le Crédit Lyonnais et la Société d'économie mixte d'aménagement et de gestion du marché d'intérêt national de la région parisienne, ont pour objet de réaffirmer notre opposition déterminée aux privatisations d'entreprises nationalisées. Mais vous connaissez nos positions ; elles ont souvent été exprimées ici, y compris lors de la discussion générale de ce projet de loi de finances pour 1997.
Les salariés de ces entreprises et leurs syndicats connaissent notre détermination à soutenir les actions qu'ils mènent pour défendre, au-delà de leurs intérêts de salariés, l'intérêt national et le service public.
Aujourd'hui, les inquiétudes sont fondées, car, dans l'accomplissement de la gestion privée des entreprises concernées, déjà privatisées, sont survenus les plans de restructuration, de licenciement, qui ont conduit les élus de certaines régions à s'interroger sur le bien-fondé de ce dispositif.
C'est cela que l'on doit aujourd'hui éviter, car la modernisation, monsieur le rapporteur général, ce n'est pas licencier ni priver d'emploi des milliers d'employés, car ce sont des milliers de personnes qui sont concernées par les restructurations en question.
C'est parce que la démonstration a largement été faite de la nocivité des privatisations en termes d'emploi et de développement économique local qu'il convient, à notre avis, de ne pas poursuivre la privatisation de ces entreprises.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. La commission ayant par avance donné son avis sur ces amendements, quel est maintenant l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable aux amendements n°s I-212, I-213, I-214 rectifié, I-215 et I-219.
L'amendement n° I-212 concerne la Société marseillaise de crédit, qui a été, je le rappelle, recapitalisée par l'Etat en trois ans à hauteur de 3 milliards de francs. Compte tenu du bilan de cette banque, il s'agit d'une aide encore plus considérable que celle qui a été accordée au Crédit Lyonnais. Il est clair que la seule solution pour sauver cette banque passe par sa privatisation.
L'amendement n° I-213 concerne le GAN, dont j'ai parlé tout à l'heure. Je n'y reviens donc pas.
L'amendement n° I-214 rectifié, qui vise la Compagnie générale maritime, vient trop tard, madame Beaudeau, puisque, comme vous le savez, la cession des actions de la CGM est intervenue le 19 novembre dernier et ses nouveaux dirigeants se sont installés voilà quelques jours.
L'amendement n° I-215 vise le Crédit Lyonnais. Je ne ferai pas une très longue exégèse sur la gestion publique et nationalisée de cet établissement qui a obligé l'Etat à mettre en place un système de défaisance particulièrement complexe - lequel va se révéler, je le crains, particulièrement onéreux - et qui nous a conduits à engager des poursuites pénales contre les auteurs d'une partie de cette déconfiture.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-210 rectifié.
M. Emmanuel Hamel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Monsieur le ministre, votre responsabilité de ministre du budget est extrêmement lourde et on comprend l'énergie que vous déployez pour tenter d'améliorer la situation de nos finances publiques, ce qui pourrait permettre une évolution plus favorable de la situation de l'emploi.
Mais il est de notre devoir de vous le dire, car les hasards de la vie nous conduisent à avoir des contacts avec des salariés d'un certain nombre d'entreprises, il est incontestable qu'à l'heure actuelle - et c'est l'une des causes de l'atonie économique, laquelle est elle-même l'une des causes de l'aggravation du chômage - les salariés des entreprises concernées, que ce soit ceux du CIC, ceux du GAN ou encore ceux du Crédit Lyonnais, éprouvent une véritable angoisse quant à leur avenir.
Monsieur le ministre, même si vous faites le choix d'une perspective de privatisation, pouvez-vous nous donner l'assurance que le Gouvernement usera de toute son autorité pour que, dans le cas des entreprises privatisées et à l'occasion des modalités de transfert du secteur public au secteur privé, l'élément fondamental ne soit pas seulement l'équilibre des comptes et le rétablissement financier, mais qu'il soit aussi la prise en charge humaine de l'angoisse de tous ces salariés qui craignent pour leur emploi, pour leur avenir et, à travers le leur, pour celui de leurs enfants ?
M. Claude Billard. Quarante mille sont en cause !
Mme Hélène Luc. Les soixante-quinze banques que nous avons réunies l'autre jour au Sénat sont d'accord avec nos propositions !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Bien entendu, la réponse est oui, monsieur le sénateur.
A quoi bon vouloir recommencer le débat philosophique sur les avantages et les inconvénients des privatisations et des nationalisations ? Vous connaissez la vérité : le sauvetage de plusieurs des entreprises actuellement nationalisées passe par leur privatisation et leur retour à la concurrence.
L'expérience des nationalisations, en particulier de celles de 1981, a montré que la nationalisation ne garantissait ni la rentabilité, ni la compétitivité, ni même le maintien de l'emploi.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Oui, c'est exact !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. On a constaté que la plupart des entreprises nationalisées avaient réduit leurs effectifs, y compris les Houillères et la SNCF, sans parler des entreprises du secteur concurrentiel.
En réalité, l'histoire a déjà jugé ce débat. La France est d'ailleurs le seul pays où un parti politique réclame une augmentation des nationalisations.
M. Robert Pagès. Nous demandons de vraies nationalisations !
Mme Hélène Luc. Vous reniez le passé et ceux qui les ont faites, ces nationalisations !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-210 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-212, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-213, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-214 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-215, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-219, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° I-216, Mme Beaudeau, M. Loridant, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 25, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans la liste des entreprises inscrites à l'annexe de la loi n° 93-923 du 19 juillet 1993 de privatisation, la ligne "Thomson SA" est supprimée. »
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Par cet amendement, nous proposons à la Haute Assemblée de sortir Thomson de la liste des entreprises privatisables.
Il me semble, monsieur le ministre, que cela correspond au souhait des Français et des salariés de Thomson en particulier, qui refusent que cette entreprise soit bradée et sorte du patrimoine national. Quand j'emploie le mot « brader », je fais évidemment référence aux propos de notre Premier ministre.
Nos concitoyens ne peuvent accepter que Thomson soit cédé à Matra-Lagardère, et surtout au coréen Daewoo, contre un franc symbolique, devenu le franc symbolique de la politique de gâchis des atouts nationaux mené par le Gouvernement et du peu de considération, pour ne pas dire du « mépris » affiché envers les salariés de Thomson et de leurs chercheurs.
M. Juppé a déclaré à la télévision : « Thomson, ça ne vaut rien, ça ne vaut que des dettes ».
La belle gaffe ! Quel mépris !
En effet, 74 milliards de francs de chiffres d'affaires, 27 sociétés, le troisième rang mondial pour l'électronique de défense, le quatrième pour l'électronique de loisirs, tout cela ne vaudrait qu'un franc !
Le travail des 96 000 salariés du groupe, celui des milliers de chercheurs, d'ingénieurs, de très haut niveau, tout cela ne vaudrait qu'un franc !
En tout cas, cette privatisation à tout prix représente quand même, aujourd'hui, pour le contribuable 11 milliards de francs de dépenses de recapitalisation, 11 milliards de francs qui viennent au secours du groupe Lagardère et du groupe Daewoo !
Comme l'a déclaré le ministre de l'économie et des finances : « Les privatisations ne s'accompagnent plus toujours de recettes pour l'Etat ». Bel euphémisme ! Cette privatisation se traduit par une dépense de 11 milliards de francs pour le budget de l'Etat.
Bien sûr, je ne veux pas nier la réalité de l'endettement du groupe Thomson : 25,3 milliards de francs pour la maison-mère et les filiales.
Mais, pour une part, cet endettement est dû au fait que l'Etat actionnaire n'a sans doute pas su quand il le fallait, au moment où il le fallait, accompagner les recapitalisations pour passer des caps et ne pas tomber dans le piège des frais financiers qui se cumulent.
Pourtant, avec la recapitalisation annoncée, le groupe n'affichera plus que 14 milliards de francs de dettes, pour un chiffre d'affaires de 72 milliards de francs. Il s'agit d'une structure financière qui ne me paraît pas tellement différente de celle d'autres groupes, en tout cas, qui semble viable pour une entreprise porteuse de potentialités très fortes.
Pourquoi donc le Gouvernement s'obstine-t-il dans la voie de la privatisation ?
Sans doute certaines de ces raisons sont-elles liées à la restructuration nécessaire des industries de la défense. Mais on peut se demander, sur cet aspect du dossier, si on a fait le bon choix.
En tout cas, en ce qui concerne l'électronique grand public, c'est le bradage complet. Thomson Multimédia, acquis par Daewoo, permet à cette entreprise de passer du statut de poids moyen à celui de poids lourds mondial de l'électronique de loisir.
Thomson Multimédia apporte non seulement des parts de marché en Europe et en Amérique du Nord, mais surtout - et c'est là le plus grave, monsieur le ministre - des avancées technologiques dans des domaines aussi cruciaux, fondamentaux que la télévision numérique, les écrans plats, qui représentent un pan entier de longs et fructueux travaux de recherche menés dans les laboratoires du groupe Thomson. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Je pense en particulier à celui de Corbeville, situé dans l'Essonne, à côté de l'université d'Orsay et de l'Ecole polytechnique. Voilà ce qui est bradé par la décision de vendre Thomson Multimédia à Daewoo. Vous savez, monsieur le ministre, les chercheurs de ce centre de recherche porteront une particulière attention à tous ceux qui auront engagé cette opération.
Mme Hélène Luc. Ça, c'est vrai !
M. Paul Loridant. Au total, cette privatisation apparaît comme un coup fatal porté à un pan entier de notre industrie de recherche, l'industrie la plus en pointe.
Je pourrais parler maintenant du coût lié aux pertes d'emplois. Il est difficile à chiffrer, c'est vrai. Mais nous savons d'ores et déjà qu'il y aura des doublons de postes entre Matra et Thomson et que les pertes d'emplois sont évaluées à ce jour par les syndicats à environ 5 000 à 6 000 postes. Du côté de Daewoo, aucune garantie n'existe quant au maintien de l'emploi.
Je pourrais ajouter l'impact économique et stratégique. Il est évident que c'est là un grand enjeu. L'électronique et les productions pour le multimédia, l'industrie de l'espace, l'industrie des communications sont des éléments indispensables, pour que nous soyons une grande puissance au XXIe siècle. Si nous n'avons pas les satellites, le câble et tous ces réseaux de multimédia, la France ne sera plus une grande puissance. (Mme Luc fait un signe d'approbation.)
Sacrifier Thomson Multimédia est une erreur stratégique majeure. Il est temps de réfléchir et d'agir, monsieur le ministre, en termes de ce que j'appellerai l'« intelligence économique ». Faites travailler le secrétariat général de la défense nationale sur ce sujet, et si tout le monde ne comprend pas ce que signifie l'intelligence économique, je vais employer le mot honteux, mais qui correspond à la réalité : travaillons en termes d'espionnage industriel.
Par cette opération, nous sommes en train de nous faire piller par l'entreprise coréenne Daewoo, et je regrette que ce soit ce Gouvernement qui le fasse lorsque, par ailleurs, il prétend être le meilleur défenseur de la France, ce qui n'est pas le cas.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous demande, mes chers collègues, de voter cet amendement afin de stopper l'opération scandaleuse de privatisation du groupe Thomson. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Monsieur Loridant, je vous ai laissé vous exprimer en toute quiétude, mais je ne pourrai pas vous permettre de le faire aussi longuement sur tous les amendements.
M. Paul Loridant. C'est dommage !
M. le président. M. le rapporteur général a déjà fait savoir que la commission était défavorable à cet amendement.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Défavorable.
Mme Hélène Luc. C'est court !
M. Henri de Raincourt. Cela suffit.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-216, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° I-220, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 25, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les dispositions des articles 52 et 53 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier sont abrogées. »
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Lors de la discussion du 12 avril dernier, l'émotion fut grande chez nos compatriotes et parmi le personnel de la Société française de production de voir anéanti, d'un coup, le rôle de l'Etat dans cette société en prévoyant sa privatisation au détour de la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, une nuit au Sénat.
Avec mon amie Marie-Claude Beaudeau, nous avons longuement défendu, ici même, les atouts de cette société et l'intérêt qu'elle représentait pour notre pays dans le paysage audiovisuel public.
Les difficultés rencontrées par la SFP sont anciennes et ont pour origine l'acharnement de l'Etat à vouloir privatiser ce dernier outil de production audiovisuel : les conditions scandaleuses de la vente de son patrimoine à la société Bouygues illustrent bien une politique orientée vers le seul démantèlement de la SFP.
Depuis avril, l'ensemble des personnels de la SFP, ainsi que de nombreuses personnalités ont interpellé le Gouvernement pour que la Société française de production reste dans le secteur public.
Dans le secret des cabinets ministériels, et sans véritable transparence, des tractations ont eu lieu pour sceller le sort de la SFP, mais les employés, dans l'unité et avec le soutien de notre groupe et du conseil général du Val-de-Marne, ont fait échouer ces manoeuvres jusqu'à présent. La SFP, dont il est inutile de rappeler la créativité, mérite un autre traitement que celui que veulent lui réserver Butler, Havas ou la Générale des eaux. Que fera, monsieur le ministre, la Générale des eaux pour sauvegarder et développer notre usine à rêves qu'est la SFP ?
Alors que les technologies informationnelles se développent, alors que de multiples chaînes télévisuelles se créent via le numérique, la Société française de production pourrait retrouver toute sa place.
La mise en oeuvre de véritables synergies entre cette société et France Télévision suffirait très largement à assurer l'équilibre financier, mais ces solutions sont sacrifiées au dogme du tout privé.
Le Gouvernement s'abrite derrière les sommations de Bruxelles, mais que faut-il réellement en penser ?
L'adoption du rapport « Tongue » au Parlement européen plaide pour le maintien de la SFP au sein d'un grand service public de l'audiovisuel. Ce rapport plaide pour une télévision publique indépendante des pouvoirs politiques et économiques, exigeante quant à ses contenus et qui ne renonce pas à son rôle civique de transmission des valeurs démocratiques.
Pour la qualité de notre audiovisuel, pour le devenir de l'ensemble des personnels de la Société française de production, nous vous demandons, monsieur le ministre, mes chers collègues, de revenir sur le processus de privatisation entériné en avril dernier.
L'amendement que nous vous proposons d'adopter vise à abroger les dispositions de l'article 52 et 53 de la loi du 12 avril 1996 et de revenir sur la privatisation de la SFP. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. M. le rapporteur général a déjà donné l'avis de la commission des finances.
Quel est celui du Gouvernement ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Je serais tenté - mais je résisterai à la tentation - d'argumenter longuement sur la SFP, qui est un sujet qu'un certain nombre d'entre nous connaissons bien.
J'étais jeune fonctionnaire, voilà vingt ans, lorsque a été mis au point le premier plan de sauvetage de la SFP. Combien y en a-t-il eu depuis ?
La vérité, c'est que la SFP n'a jamais été capable de résister à la concurrence des sociétés de production privées depuis maintenant une vingtaine d'années.
Mme Hélène Luc. C'est en partie parce que l'Etat n'a pas tenu ses engagements !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. L'Etat y a englouti des centaines et des centaines de millions de francs. La privatisation est aujourd'hui le seul moyen de sauver cette entreprise, et je me réjouis de constater que le nombre de candidats repreneurs est plus important qu'on ne le pensait, ce qui ne peut être qu'une bonne chose pour la société et pour ses salariés. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants.)
Mme Hélène Luc. Pourtant, cela n'a pas l'air si simple !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-220, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° I-211, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 25, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Avant l'article 978 du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art... - Les opérations sur valeurs monétaires effectuées sur le marché des changes sont soumises à un prélèvement à la source.
« Le taux de ce prélèvement porte sur le montant de chaque opération et est égal, en 1997, à 0,25 % de celui-ci. »
« II. - Le produit du prélèvement défini au I ci-dessus est affecté à un compte d'affectation spéciale appelé "fonds de financement des entreprises publiques".
« III. - Ce fonds intervient au financement des investissements et refinancement de la dette des entreprises publiques par octroi de subventions, de prêts à faible taux d'intérêt ou par conversion d'emprunts existants.
« Il est administré par un conseil d'administration composé de représentants de l'Etat et des conseils d'administration des entreprises concernées. Un décret fixe la part respective de chaque catégorie de membres du conseil d'administration du fonds et veille notamment à y assurer la représentation des usagers et des organisations syndicales représentatives des salariés des entreprises publiques. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. La notion de service public à la française recouvre une originalité profonde.
Il convient de rappeler, en des temps où l'on a tendance à l'oublier, que ce service public a une longue histoire, qu'il a accompagné, conforté d'une certaine façon, la constitution de la nation française elle-même.
Une illustration éclatante en est le choix opéré par les mouvements de la Résistance nationale dans les années les plus noires de l'Occupation d'un programme économique et social faisant de la maîtrise publique d'un grand nombre de secteurs d'activités essentielles l'un des objectifs les plus importants et l'un des facteurs de la renaissance nationale.
Ainsi, à la Libération, sont confiées à la gestion publique quelques-unes des plus importantes missions.
Le développement du secteur public fut un élément moteur de la politique des gouvernements de la Libération et celui-ci s'est ancré de manière indélébile dans le champ même de la Constitution.
Ce champ est large : il couvre les transports ferroviaires, les besoins énergétiques du pays, les communications, les transports aériens ou urbains, la production industrielle stratégique, ainsi que le secteur des banques et des assurances.
Les entreprises publiques ont, dès lors, participé pleinement au redressement national, et c'est l'initiative publique qui, sur la base de principes comme l'égalité d'accès des citoyens ou la péréquation tarifaire, a permis à notre pays de disposer d'infrastructures de haut niveau, enviées dans le monde entier, facteurs de progrès économiques et sociaux fondamentaux.
Mais cet irremplaçable acquis a été progressivement attaqué, miné, dilapidé.
Il a d'abord été l'objet de politiques dites « d'autonomie de gestion », qui ont conduit, dans un contexte de nécessaire modernationalisation des infrastructures, les principales entreprises publiques à faire largement appel à l'épargne et à l'emprunt pour assurer leurs missions.
Cette attitude des pouvoirs publics consistant à laisser les entreprises publiques aux prises avec les marchés s'est accentuée dès le milieu des années soixante-dix et n'a pas, depuis, été réellement remise en cause.
Dans le même temps, des choix stratégiques aussi importants que la mise en oeuvre du TGV, l'automatisation et la numérisation du réseau téléphonique ou le développement du programme électronucléaire nécessitaient d'importants investissements en recherche et développement ; en l'absence d'une intervention publique décisive, les entreprises publiques risquaient, de ce fait, d'être livrées à la loi des marchés financiers.
Le retournement de la situation financière dans les années 1980-1990 a conduit, par la hausse des taux, le poids des intérêts de la dette des entreprises publiques à croître, mettant en cause, dans les faits, le devenir même de ces entreprises. Voilà la réalité !
Ces entreprises ont-elles été mal gérées ? Non, assurément !
Posons-nous donc cette question : si les services de télécommunication, de transport ferroviaire ou de distribution d'électricité avaient été assurés par des entreprises privées, aurait-on assisté à la mise en oeuvre de ce que la France connaît, c'est-à-dire le Minitel, le TGV ou le réseau de nos centrales nucléaires ? Bien sûr que non !
Que le sachent tous ceux qui prennent prétexte des directives européennes, d'évolutions technologiques inévitables ou d'une libéralisation prétendument nécessaire pour tenter, après s'être attaqués aux moyens financiers, de s'attaquer aux fondements et aux principes de notre service public !
Car ce sont désormais les fondements et les principes du service public à la française qui font aujourd'hui l'objet de toutes les attaques ; d'où un risque grave de démantèlement.
Et, pendant ce temps-là, les intérêts de la France sont véritablement remis en cause.
Dans une société comme la nôtre, il faut, au contraire, affirmer avec force l'originalité du service public à la française et le libérer du secteur financier qui l'étouffe et le menace.
L'amendement n° I-211, en mettant à contribution les spéculateurs qui participent, tous les jours, aux 200 milliards de francs de transactions quotidiennes sur le marché des changes, permettrait de dégager les 500 millions de francs de ressources qui sont quotidiennement nécessaires à nos entreprises publiques.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Une proposition de cette nature aurait, au contraire, pour effet d'affaiblir notre pays dans une économie aussi ouverte à l'international. C'est la raison pour laquelle la commission des finances est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Le Gouvernement partage l'avis de la commission. Il demande donc également le rejet de cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-211, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° I-217, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen proposent d'insérer après l'article 25, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A compter du 1er janvier 1997, il est institué une taxation spécifique des délocalisations d'entreprises dans un pays extérieur à l'Union européenne.
« II. - Cette taxe est fixée au taux de 10 % de la valeur comptable des actifs délocalisés tels qu'inscrits au bilan de l'entreprise concernée, majorée des éventuelles reprises sur provisions ou amortissements associées à l'opération de délocalisation.
« III. - Le produit de la taxe définie au II ci-dessus est affecté au compte de prêts n° 903-17 "Prêts du Trésor à des Etats étrangers et à la Caisse française de développement".
« Il est mobilisé sous forme de prêts à faible taux d'intérêt, de créances participatives ou de prêts convertibles en subventions pour faciliter la mise en oeuvre de programmes bilatéraux et multilatéraux de développement économique. »
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Cet amendement a pour objet de dissuader des entreprises de délocaliser des activités économiques hors des frontières de l'Union européenne. J'attire votre attention sur ce point : il s'agit non des frontières de notre seul pays, mais des frontières de l'Union européenne.
La France est aujourd'hui confrontée à une double exigence : faire face à la menace de délocalisation pesant sur un certain nombre d'activités économiques et participer au développement économique des pays du tiers monde, qui sont souvent « choisis » pour accueillir les entreprises délocalisées.
La mondialisation - la loi des marchés, devrait-on dire de manière plus limpide - n'est pas une fatalité dont il faudrait s'accommoder, une règle à laquelle il faudrait se soumettre.
Il ne suffit pas, pour résoudre la question, de se dire : « Abandonnons nos industries traditionnelles, qui sont dépassées, obsolètes, et concentrons nos efforts sur le développement d'industries ou de services à forte valeur ajoutée, permettant de participer à la guerre économique tout en assurant la rentabilité du capital investi. » Il importe de se rappeler les aspects essentiels de la situation.
La mondialisation et les délocalisations procèdent de choix de gestion, souverainement décidés par des conseils d'administration. Le déménagement d'une usine de chaussures vers le Maroc ou le Mexique n'a jamais procédé d'une opération du Saint-Esprit ! C'est avant tout le choix stratégique d'une direction d'entreprise qui joue la compétitivité sociale, la déflation salariale - et, vraisemblablement, prévoit de plus gros dividendes - contre l'emploi.
Pour autant, cela participe-t-il de l'essor économique des pays d'accueil ? J'ai l'intime conviction que la réponse est négative.
En tout cas, les délocalisations n'offrent qu'un minimum d'emplois aux pays d'accueil, sans permettre, notamment du fait de la déflation salariale, au marché intérieur de ces pays de se développer réellement.
Pour toutes ces raisons, nous proposons d'instaurer une taxe spécifique frappant les délocalisations d'entreprise dans un pays extérieur à l'Union européenne. Il faut voir là l'amorce d'une réflexion stratégique, politique, à l'échelle de la Communauté, pour faire en sorte que les délocalisations soient, non pas interdites, mais pleinement assumées. C'est le début d'une clause sociale aux frontières de l'Europe.
Entre autres effets concrets, l'adoption de cet amendement permettrait aussi de lutter contre le travail des enfants.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. M. Loridant paraît nous dire que tous les grands problèmes du monde pourraient être résolus par le Sénat grâce au vote de cet amendement !
M. Robert Pagès. On peut agir, tout de même !
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission des finances a estimé que l'institution de cette taxation spécifique ne pouvait être compatible avec nos autres engagements. En tout cas, elle a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Cet amendement méconnaît complètement les réalités de l'économie internationale actuelle.
M. Henri de Raincourt. Absolument !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Comment celles de nos entreprises qui, grâce à leur dynamisme, au courage et à la créativité de leurs ingénieurs et de leurs salariés, sont parvenues à être parmi les plus rentables et les plus compétitives du monde pourraient-elles continuer à exporter et à faire de la France le troisième ou le quatrième exportateur mondial si elles n'avaient, dans le même temps, la possibilité d'investir au plus près des marchés à conquérir ?
Lorsque l'on veut conquérir le marché américain, il vaut mieux s'installer aux Etats-Unis ou, désormais, grâce au traité ALENA, au Mexique ou au Canada. Lorsque l'on veut conquérir le marché asiatique, il faut évidemment s'installer à Hongkong, à Singapour, en Malaisie, en Chine.
Mme Hélène Luc. Et faire travailler des enfants !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. J'ajoute que, si un pays avait la folie d'adopter une mesure de ce genre - et j'observe qu'aucun pays ne l'a fait -, cela donnerait évidemment lieu à des mesures de rétorsion de la part des autres pays. Or nous sommes bien heureux de recevoir en France des investissements étrangers créateurs d'emplois.
Je rappelle que la France est, après la Grande-Bretagne, le pays du monde qui accueille le plus d'investissements étrangers et que cela a permis, l'année dernière, la création de 15 000 emplois.
Mme Hélène Luc. Mais combien en a-t-on supprimé ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Le Gouvernement est donc hostile à cet amendement archaïque.
M. Jean Huchon. Très bien !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-217.
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. J'avoue ne guère goûter l'ironie dont cet amendement vient de faire l'objet.
A mes yeux, je l'ai dit, il s'agit en fait d'un amendement d'appel au débat, à la réflexion sur une autre façon de construire l'Europe.
Il n'est pas sérieux de nous dire que nous méconnaissons les règles de l'économie internationale, monsieur le ministre !
Participant à une mission parlementaire en Chine à la fin du mois de septembre et au début du mois d'octobre, j'ai circulé de Canton à Hongkong, j'ai vu visité la centrale nucléaire de Daya Bay, j'ai vu, dans un pays qui connaît une croissance annuelle de 15 à 20 %, des chantiers partout ! Je crois donc avoir tout de même quelque idée de ce qui se passe ailleurs !
Dites-nous que notre amendement dérange en ce qu'il ouvre un débat sur une autre façon de construire l'Europe, mais ne nous dites pas que c'est un amendement archaïque ! Allez donc expliquer cela à nos collègues qui défendent l'industrie textile, MM. Poncelet Schumann, par exemple ! N'attirent-ils pas régulièrement notre attention sur le fait que cette politique de délocalisation a des conséquences absolument dramatiques dans leurs départements ?
Monsieur le ministre, dites-moi que cet amendement ne trouve pas sa place dans le projet de loi de finances, mais ne dites pas que le problème ne se pose pas ! Parce qu'il se pose très concrètement, dans des régions qui voient leurs emplois disparaître et leur tissu social se déliter.
Loin d'être archaïque, cet amendement me paraît au contraire d'une singulière actualité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-217, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° I-221, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 25, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est créé une taxe sur les produits importés en France, en provenance des pays extérieurs à l'Union européenne dont l'Organisation internationale du travail a reconnu qu'ils méconnaissaient les conventions internationales signées par la France concernant le travail des enfants.
« Pour 1997, le taux de la taxe est fixé à 5 % du prix d'achat à l'entrée du territoire français de ces produits.
« II. - Le contrôle, le recouvrement, le contentieux, les garanties et sanctions relatifs à cette taxe sont régis par les règles applicables en matière de taxe intérieure de consommation des produits pétroliers.
« III. - Le produit de cette taxe est affecté à un compte d'affectation spéciale appelé "Fonds de coopération internationale destiné au développement des pays les moins avancés".
« IV. - Ce fonds est notamment destiné au financement, par prêts ou subventions, de projets de développement en matière agro-alimentaire, artisanale, industrielle ou de services collectifs. »
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. La France a ratifié voilà maintenant sept ans la convention internationale des droits de l'enfant.
Cet engagement international à respecter la dignité et les droits des enfants est l'une des obligations fondamentales de la France au regard de ses rapports avec la communauté internationale.
Nous ne pouvons d'ailleurs que nous féliciter une nouvelle fois que, sur l'initiative de notre groupe, ait été instituée, après un vote à l'unanimité, la journée du 20 novembre, destinée à marquer cet événement au travers de manifestations diverses et multiples.
Dans notre pays, la violation des droits de l'enfant ne se compare pas, certes, à ce qui se passe dans les pays du tiers monde. Il n'en reste pas moins que les enfants sont les premières victimes de la précarisation des conditions de vie et d'emploi de leurs parents.
Des maux que l'on croyait oubliés, tels que le saturnisme, la tuberculose, les retards de croissance, la malnutrition, réapparaissent en France et ne laissent de nous préoccuper. C'est là un problème complexe, qui exige de la collectivité nationale une réflexion profonde et des actions adéquates.
S'agissant de nos relations commerciales internationales, il apparaît clairement que notre pays maintient des rapports, parfois privilégiés, avec des pays où le droit de l'enfant à la santé, à l'éducation, à des conditions de vie honorables estbafouée de façon plus ou moins ouverte.
Il en est de même dans quelques régions de pays membres de l'Union européenne. Au Portugal, dans certaines régions d'Irlande, dans le Mezzogiorno italien, en Grèce ou dans le sud de l'Espagne, de très nombreux enfants travaillent.
S'agissant de la France, l'émission télévisée La Marche du siècle nous a montré des enfants de onze ans travaillant treize heures par jour pour un salaire mensuel de 3 000 francs.
Les produits que ces enfants contribuent à fabriquer contiennent une si faible part de coût salarial qu'ils sont « compétitifs » et facteurs de graves distorsions de concurrence.
Cela vaut a fortiori pour les produits fabriqués dans des pays dits « en voie de développement », où le travail des enfants est pleinement intégré comme facteur de production.
Le schéma est relativement simple. Dans un pays du tiers monde, une entreprise d'origine française agit en donneur d'ordre auprès d'une filiale locale. Celle-ci bénéficie, en général, de dispositions fiscales favorables et tire partie du faible niveau des cotisations sociales. De surcroît, elle confie une partie du travail à des sous-traitants locaux qui, pour se plier aux conditions « draconiennes » du contrat de sous-traitance, n'hésitent pas à utiliser de la main-d'oeuvre enfantine, moins coûteuse encore et a priori plus corvéable.
Ce schéma est évidemment transposable à toute entreprise, de quelque pays développé que ce soit, qui dispose d'une vocation à être présente sur l'ensemble des marchés et recherche, pour la compétition internationale, le moindre coût et la plus forte marge.
Le processus est bien évidemment encouragé par le fait que les pays où sont le plus exploités les enfants ne disposent ni d'un véritable marché intérieur ni d'un système de transferts sociaux susceptible de permettre aux familles d'éviter le recours au travail des enfants.
Nous proposons donc de pénaliser ce processus en imposant, à l'entrée du territoire, les produits en provenance de ces pays et destinés à être vendus en France.
Le produit de cette taxation serait affecté à un compte spécial destiné à financer des projets de développement des pays du tiers-monde.
Il nous apparaît, en effet, que cette solution est préférable pour plusieurs motifs : pour des raisons de solidarité internationale de notre pays envers les pays du tiers-monde et d'obligation pour la France de participer au développement de ces pays à la hauteur de ce que recommande l'ONU elle-même.
Au moment où les dépenses du ministère de la coopération subissent le même mouvement que les autres dépenses ministérielles, il nous semble important de tenir cette priorité.
Ensuite, nous devons être en mesure d'agir, y compris dans le cadre d'un soutien à des projets de développement d'origine associative et non gouvernementale, rompant avec certaines des habitudes passées.
Une part non négligeable des travailleurs émigrés de notre pays est ainsi prête à prendre part à de tels projets à l'instar, par exemple, des ressortissants maliens d'origine Soninké qui ont organisé le financement de projets de développement du district du Tringa.
Ce sont de telles initiatives qu'il faut soutenir en vue de tarir à la source même les raisons de l'exploitation des enfants, c'est-à-dire la pauvreté, la malnutrition, les inégalités sociales.
Je vous invite donc à adopter cet amendement qui pourra être interprété comme la volonté de notre pays à traduire dans la réalité les droits de l'enfant.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. S'il s'agit d'un « amendement d'appel », pour reprendre une expression utilisée tout à l'heure par M. Loridant, qui vise à condamner les abus concernant le travail des enfants, qui n'y souscrirait pas, au sein de cette assemblée ? (M. Machet fait un signe d'approbation.)
M. Robert Pagès. Justement, nous y souscrivons !
M. Alain Lambert, rapporteur général. La seule question qui se pose est de savoir si la solution proposée par cet amendement est opérationnelle sur le plan de la méthode législative. J'imagine que les membres du groupe qui l'ont déposé savent très bien que tel n'est pas le cas. Ce serait leur faire injure que de leur faire croire que la solution législative proposée a une quelconque faisabilité.
Nous ne pouvons pas, mes chers collègues, les uns ou les autres, faire de la surenchère en matière de condamnation des faits que vous venez de rappeler ! Toutefois, je suis certain que la manière choisie n'est pas la plus efficace. Par conséquent, j'émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Comme M. le rapporteur général, je considère qu'il s'agit d'un amendement d'appel, pour reprendre également l'expression utilisée par M. Loridant. D'ailleurs, je tiens à préciser à M. Loridant que je n'ai pas du tout voulu ironiser s'agissant de son amendement précédent, qui posait également de vrais problèmes. J'ai simplement indiqué que la solution ne me paraissait pas adaptée.
Il en va de même pour la question que vous évoquez, monsieur le sénateur, et qui est très importante. En effet, tel qu'il est rédigé, l'amendement n° I-221 n'est pas recevable : d'une part, il est incompatible avec l'ordonnance portant loi organique relative aux lois de finances et, d'autre part, il est contraire à nos engagements internationaux, notamment au traité de Marrakech. Mais là n'est pas l'essentiel !
Je comprends que vous attiriez notre attention sur l'intérêt qu'il y a à faire un lien entre les accords de commerce et le respect, par tous les pays qui participent à ces accords, non seulement - c'est l'objet direct de votre amendement - des conventions internationales de l'OIT sur le travail des enfants, mais, au-delà, de ce que j'appellerai les conventions internationales de base de l'OIT, qui prohibent à la fois le travail des enfants et le travail forcé, ou qui prévoient la liberté syndicale.
Le gouvernement français - il s'agit du gouvernement précédent - a été le premier parmi tous les membres de l'ancien GATT, devenu désormais Organisation mondiale du commerce, à proposer que l'on introduise ce lien entre les accords commerciaux et le respect des conventions de base de l'OIT. Les Etats-Unis d'Amérique nous ont soutenus, plus rapidement d'ailleurs, je dois le dire, que nos autres partenaires européens.
Dans quelques jours se tiendra à Singapour la réunion annuelle, à l'échelon ministériel, de l'Organisation mondiale du commerce. Entre-temps, cette idée a fait son chemin, et c'est l'un des sujets qui pourront être étudiés en marge de cette réunion. Il est en effet choquant que des pays puissent bénéficier d'un certain nombre d'accès à nos marchés et de tous les avantages de la participation au commerce mondial, alors même que les droits élémentaires de l'homme ou de l'enfant sont bafoués chez eux.
Toutefois, nous connaissons la complexité du problème : nous savons que des progrès ne sont pas partout possibles immédiatement. Nous devons donc aider ces pays, vous l'avez dit, monsieur le sénateur, par un ensemble de mesures, de manière qu'ils puissent sortir de l'état de sous-développement dans lequel ils se trouvent et qui aboutit parfois à cette situation tout à fait répréhensible et souvent scandaleuse.
Le Gouvernement ne peut pas accepter l'amendement tel qu'il est, mais je puis vous assurer qu'il partage la préoccupation qui le sous-tend. Y répondre constitue l'un des principaux objectifs de sa diplomatie en matière commerciale et en matière de droit du travail.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-221.
M. Robert Pagès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Monsieur le ministre, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt votre réponse, dont je prends acte.
Je souhaite simplement ajouter que « amendement d'appel » ne signifie pour autant « amendement baroud d'honneur ». Cela veut dire qu'il faut poursuivre la réflexion dans ce domaine.
Je suis sénateur d'une région qui a connu, au XIXe siècle, le travail des enfants dans des conditions épouvantables ; je fais allusion à la région d'Elbeuf et au travail dans le secteur du textile. J'ai retrouvé des textes de l'époque où il était question d'empêcher le travail des enfants : ils comportent une série de plaidoiries en faveur du travail des enfants sur le thème : « Il faut bien aider les familles à vivre, donc autoriser le travail des enfants. D'ailleurs, quand ils sont au travail, ils ne font pas de bêtises, etc. » Vous connaissez sans doute ces textes malheureusement célèbres.
Il a donc fallu une volonté politique considérable pour aller à l'encontre de ce qui était dans l'air du temps ; il a fallu se battre, y compris parfois contre les familles elles-mêmes.
Par notre amendement, nous demandons que se manifeste, en cette fin de XXe siècle, une volonté politique très forte pour que puissent être obtenus, sur le plan mondial, des droits qui protègent réellement l'enfant et lui permettent de s'épanouir.
Nous avons ratifié la convention des droits de l'enfant ; nous l'avons soutenue par l'organisation de cette journée des droits de l'enfant. Je crois que notre devoir est d'avoir véritablement cette volonté politique. Je maintiens donc cet amendement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-221, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° I-218, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 25, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Avant l'article 978 du code général des impôts, il est inséré deux articles additionnels ainsi rédigés :
« - Art... A compter du 1er janvier 1997, la capitalisation des titres boursiers est soumise à un prélèvement forfaitaire au taux de 0.2 %.
« - Art... A compter du 1er janvier 1997, les opérations sur marchés réglementés sont soumises à un prélèvement forfaitaire de 0,15 %, portant sur l'encours des transactions effectuées.
« II. - Le produit fiscal de l'application des dispositions du paragraphe I ci-dessus est affecté à un compte d'affectation générale dénommé « Fonds de développement de la formation permanente ».
« Ce fonds est également alimenté par des dotations budgétaires de l'Etat, par des concours financiers des collectivités territoriales et par des versements spontanés ou volontaires effectués par les entreprises ou les organismes habilités à percevoir la participation des entreprises au financement de la formation permanente, de la formation continue, de la formation en alternance et de l'apprentissage.
« III. - Le fonds est doté de la personnalité morale et dispose du statut d'établissement public.
« Son conseil d'administration est composé à parts égales, de représentants de l'Etat, des employeurs, des organisations syndicales représentatives de salariés et des collectivités territoriales.
« En tant que de besoin, il peut constituer en son sein des commissions régionales ou départementales.
« IV - Les missions assignées au fonds sont, notamment, de permettre un développement de la formation permanente des salariés dans le domaine de la prévention des mutations professionnelles, du développement des compétences et capacités professionnelles des salariés, de l'insertion sociale et professionnelle des salariés privés d'emploi ou placés en situation précaire.
« Il dispose pour ce faire de la faculté d'accorder des prêts ou subventions sur les fonds dont il dispose. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Selon certaines estimations objectives de la situation économique et sociale, la fiscalité du capital s'est considérablement allégée dans la dernière période, tandis qu'a crû la pression fiscale pesant sur les salaires.
Dans sa résolution 355, le Parlement européen évalue la baisse de la pression fiscale sur le capital à 10 % et la hausse de la pression fiscale sur les revenus du travail à 20 % entre 1980 et 1990.
L'exemple « reaganien » du début de la décennie et l'expérience « thatchérienne » en Grande-Bretagne ont donc largement inspiré des politiques fiscales avantageuses pour le capital et sans cesse plus difficiles à supporter pour les salariés.
D'ailleurs, le débat sur cette question a même inspiré les termes de la campagne électorale du Président de la République l'année dernière.
Comment, pourtant, ne pas regretter ici que, pour rééquilibrer la situation, on ait commencé par créer le RDS, augmenter la TVA et mis au point une réforme de l'impôt sur le revenu qui profite à ceux dont les revenus non salariaux sont plus importants ?
Il est vrai que chaque homme, fût-il Président de la République, est pétri de contradictions, à moins que cette contradiction ne soit qu'apparence et que le discours ait masqué les intentions réelles.
Si l'on peut oser une image, disons que la France peut manger des pommes, mais que ce sont toujours les mêmes qui tiennent l'échelle et les mêmes qui cueillent les fruits et croquent dedans.
Notre amendement a donc pour objet, surtout dans un contexte où le CAC 40 se bonifie aussi vite que grimpe le nombre des chômeurs, de mettre à contribution la capitalisation boursière, dans son volume comme dans ses mutations, pour apporter un financement à une mission essentielle, sinon prépondérante, de l'action publique : la lutte contre le chômage.
On me répondra que tout prélèvement sur les opérations boursières est antiéconomique, position déjà ancienne et guidée par la raison de la commission des finances de la Haute Assemblée.
J'incline à penser que, ce qui est plutôt antiéconomique, c'est de dégager le capital financier et la spéculation qu'il engendre de toute contribution nécessaire au financement des charges publiques.
Le produit des taxes instaurées dans le cadre de l'adoption de cet amendement serait donc affecté à un compte spécial, mutualisant par ailleurs des versements issus du budget général et des ressources issues de contributeurs agréés.
Je formulerai une remarque à ce propos.
Il existe aujourd'hui un volume de dépenses budgétaires pour l'emploi de l'ordre de 135 milliards de francs, composées essentiellement de dépenses passives liées à des exonérations sociales des entreprises et à l'existence de dispositifs particuliers de soutien à la création d'emplois précaires.
Un véritable débat est ouvert dans le pays sur l'utilité de ces dépenses et sur l'efficacité sociale et économique de telle ou telle mesure.
Ici même, dans la discussion générale de ce projet de loi de finances, M. Fourcade, président de la commission des affaires sociales, s'est interrogé sur le bien-fondé des 43 milliards de francs que nous consacrerons en 1997 à la prise en charge de l'abattement famille, qui a des effets pervers en encourageant au développement du travail non qualifié ou non reconnu, en tout cas sous-payé.
Cela a été dit, alors même que M. Fourcade n'a pas été l'un des défenseurs les moins ardents de la loi quinquennale sur l'emploi ou de la loi de août 1995 relative à des mesures d'urgence pour l'emploi et la sécurité sociale.
Posons la question : faut-il réduire la dépense publique pour l'emploi, au motif premier de son éventuelle inefficacité ou au motif « secondaire » qu'elle pèse sur les comptes publics et nous met donc en difficulté au moment d'atteindre les critères de convergence de l'union économique et monétaire ?
En clair, le marché est-il apte à résoudre par lui-même le problème de l'emploi ?
Pour notre part, nous estimons nécessaire et indispensable, au contraire, une intervention publique, la plus efficiente possible, en matière d'emploi et de formation.
Au moment où la lutte contre l'exclusion devient une réalité incontournable, une priorité s'impose à nous de toute évidence : donner une véritable chance aux salariés privés d'emploi et aux trop nombreux emplois précaires que compte notre pays.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. En vertu de l'article 18 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, j'invoque l'irrecevabilité de l'amendement n° I-218.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° I-218 est irrecevable.
Par amendement n° I-223, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 25, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les taux de prélèvement libératoire prévus au deuxième alinéa de l'article 187 du code général des impôts sont relevés de 1 %.
« II. - Il est créé un fonds national pour l'hébergement des personnes âgées alimenté par les recettes dégagées par le I ci-dessus.
« Ce fonds est utilisé pour l'octroi de prêts sans intérêts ou de subventions, destinés à favoriser la constuction et la rénovation de structures et d'établissements à but non lucratif. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Voilà quelques semaines, notre assemblée a discuté de la proposition de loi, présentée avec l'accord du Gouvernement, instituant une prestation spécifique dépendance.
La dépendance des personnes âgées est un thème qui, d'année en année, prend incontestablement de l'ampleur et qui appelle des solutions appropriées techniques et financières, certes, mais surtout humaines.
Nous y sommes bien évidemment confrontés en raison de l'allègement de l'espérance de vie depuis un siècle dans notre pays où les hommes ont gagné vingt-huit années et les femmes trente-cinq.
Aujourd'hui, selon une étude de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs datant de 1994, près de 700 000 personnes âgées connaissent actuellement des problèmes de dépendance, et leur nombre pourrait doubler dans les vingt-cinq prochaines années.
Une des réponses est la création de l'allocation dépendance, la prestation autonomie, qui avait d'ailleurs été une des promesses de M. Jacques Chirac pendant la campagne pour l'élection présidentielle.
Mes amis Mme Michelle Demessine et M. Jean-Luc Bécart ont démontré que, selon nous, lors des débats sur la prestation autonomie, il s'agissait non pas de faire droit à la promesse de M. Chirac, mais de créer une prestation qui ne serait en fait, pour l'essentiel, qu'un simple redéploiement des moyens actuels.
C'est d'ailleurs en substance ce que clamaient les milliers de retraités qui ont manifesté le 22 octobre dernier.
Mais, au-delà du problème crucial de la prestation dépendance, nous regrettons que l'ensemble des problèmes des personnes âgées n'aient pas été traités.
A cet égard, nous regrettons qu'un véritable plan d'investissement destiné à répondre aux besoins des personnes âgées et de leur famille en matière de structures d'accueil et de places en établissement d'hébergement n'ait pas été élaboré.
Mes chers collègues, nous sommes tous régulièrement interpellés sur ces questions dans nos départements par des familles qui doivent effectuer un véritable parcours du combattant pour trouver à un de leurs parents une place dans un établissement.
On a institué le prêt à taux zéro pour l'accession à la propriété. Aujourd'hui, il s'agit d'imaginer un financement qui permettrait de débloquer la situation.
Par conséquent, utilisons ces mesures à bon escient, en l'occurrence pour la construction et la rénovation de structures et d'établissements à but non lucratif.
Fondé sur une nouvelle conception de la solidarité, ce dispositif permettrait de dégager près de deux milliards de francs, afin de satisfaire rapidement les besoins de notre pays en matière de places en établissement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. En vertu de l'article 18 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959, j'invoque l'irrecevabilité de l'amendement n° I-223.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° I-223 est irrecevable.
Article 26