M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Renar, pour explication de vote.
M. Ivan Renar. Ce projet de loi relatif à la réglementation des télécommunications est, en fait, un texte de déréglementation, qui tend à privatiser la plupart des activités de télécommunications dans notre pays et qui s'attaque directement au service public assuré par l'opérateur historique qu'est France Télécom.
Contrairement à un certain nombre d'idées reçues, il n'est nullement rendu indispensable par l'évolution des technologies.
France Télécom s'est en effet montrée capable de construire les réseaux et les services modernes et performants dont nous disposons aujourd'hui et de se hisser au rang de quatrième opérateur mondial.
L'entreprise publique a ainsi démontré que, loin d'être un handicap à la modernisation et à la recherche, le service public était un indispensable atout pour le développement économique et social et pour la satisfaction des besoins de l'intérêt général.
Le texte que l'on nous demande aujourd'hui d'adopter définitivement n'est donc justifié que par des considérations idéologiques qui légitiment la prise de contrôle par des intérêts privés de tout ce qui peut être la source de profits financiers.
La révolution informationnelle que nous vivons depuis une vingtaine d'années et qui sera sans doute l'un des moteurs de la croissance au xxie siècle attire bien des convoitises de la part des grands groupes multinationaux.
Ils voient dans ces technologies non seulement le moyen d'assurer leur domination dans le domaine économique comme dans celui des idées, mais aussi, et surtout, le moyen de mettre la main sur l'un des secteurs d'activité dégageant le plus de valeur ajoutée, le plus de profits à court terme par rapport aux investissements engagés.
Avec une telle logique, nous sommes donc à des années-lumière de la notion de « service public » qui contribue à l'intérêt général.
La nouvelle rédaction de l'article 35 du code des postes et télécommunications proposée par ce texte organise d'ailleurs le démantèlement du service public en trois tronçons : tout d'abord, le service universel, correspondant à un service minimum de base ; ensuite, les missions d'intérêt général, regroupant les missions de sécurité, de défense, de recherche et d'enseignement supérieur, difficilement rentabilisables, qui seraient du ressort de France Télécom ; enfin, les services obligatoires, qui seraient largement ouverts à la concurrence.
Un tel dispositif, qui va à l'encontre de toute péréquation tarifaire nationale, met en cause l'égalité d'accès des particuliers et des entreprises à tous les réseaux de télécommunications et ne peut qu'être très préjudiciable à un aménagement équilibré du territoire.
Les opérateurs privés nationaux et internationaux qui ne seront tenus à aucune mission de service universel ou d'intérêt général vont indiscutablement avoir intérêt à se situer en priorité sur les créneaux les plus immédiatement rentables, privant ainsi France Télécom des moyens nécessaires au développement des réseaux, des services et de la recherche.
L'ouverture du secteur des télécommunications à la concurrence renforcera le caractère éphémère des alliances entre opérateurs et ne pourra donc se faire qu'au détriment des indispensables coopérations nationales et internationales en matière de télécommunications, comme la téléphonie.
L'opérateur chargé des services de base, de la réalisation, de la gestion et de l'entretien des réseaux deviendra, à l'image d'un gregario du Tour de France, le « porteur d'eau » des opérateurs privés.
L'introduction d'une telle logique mercantile de guerre économique sur le marché des télécommunications entraînera globalement, à terme, une augmentation des tarifs des particuliers et, en définitive, portera globalement atteinte au statut des salariés et à l'emploi.
En définitive, ce projet de loi s'inscrit dans une perspective de privatisation accrue, qui sera préjudiciable à la mise en oeuvre du droit constitutionnel des citoyens à communiquer librement et dans les meilleures conditions.
Pour toutes ces raisons, et pour l'ensemble de celles qu'ils ont exposées en première lecture, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen confirment leur opposition la plus résolue à ce projet de loi. (M. Guy Fischer applaudit.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements n°s 1 et 2.

(Le projet de loi est adopté.)

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