M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Schosteck, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Schosteck. Au terme de ce débat, le groupe du RPR tient à vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir déposé un projet de loi essentiel, qui nous prépare dans les conditions les meilleures à l'ouverture à la concurrence du secteur des télécommunications à compter du 1er janvier 1998.
Vous avez, en effet, réussi à répondre aux trois préoccupations majeures que sont la mise en place d'une régulation adaptée, la garantie du service public et du service universel et l'établissement de règles du jeu claires et prévisibles pour tous les acteurs concernés.
Je tiens également à féliciter tout particulièrement notre rapporteur, M. Gérard Larcher, pour la qualité du travail qu'il a effectué, pour la pertinence de son rapport et pour la richesse des explications qu'il n'a pas manqué de nous donner tout au long de ce débat.
M. Emmanuel Hamel. Que d'hommages mérités !
M. Jean-Pierre Schosteck. Tout à fait !
Après la large consultation à laquelle il a procédé, il a su, par ses propositions, enrichir le dispositif qui nous était proposé.
Ce texte marque une étape primordiale dans le développement d'un grand service public en réseau, les télécommunications.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RPR votera ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je serai bref : nous nous sommes exprimés à de nombreuses reprises au cours de ce débat sur ce que nous considérons comme une mise en cause du service public à la française, dont notre pays et dont les salariés auront sans doute à subir les conséquences, qui sont d'une particulière gravité.
C'est pourquoi nous voterons contre l'ensemble du projet de loi portant réglementation des télécommunications, sur lequel nous demandons un scrutin public.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Ce projet de loi n'a pas été modifié, malgré nos efforts.
Nous avons proposé de nombreux amendements, nous avons abordé ce débat avec un esprit ouvert parce qu'il nous semblait nécessaire de prendre en compte la révolution technologique. Malheureusement, aucun de nos amendements n'a trouvé grâce aux yeux du Gouvernement.
Nous considérons que, en l'état, ce texte risque d'instaurer en France un téléphone à deux vitesses : d'un côté, le « téléphone RMI » pour ceux qui ne pourront pas payer et, de l'autre, un téléphone qui offrira tous les progrès que la technologie pourra nous apporter dans les années qui viennent.
Nous pensons que seule une large diffusion des progrès techniques, tout particulièrement en matière de communications, peut être gage d'un développement égal de l'ensemble du territoire.
Par ailleurs, ce texte constitue la première étape, avec la création de l'ART, du processus de désengagement de l'Etat du secteur des télécommunications. Et la seconde étape nous sera proposée dès lundi prochain, avec la privatisation partielle de France Télécom.
Nous considérons que les télécommunications ne sont pas un secteur économique comme les autres en raison de leur impact en matière de cohésion sociale et d'aménagement du territoire.
Votre texte, monsieur le ministre, met en oeuvre un credo longuement égrené dans son exposé des motifs au sujet de la libre concurrence. Nous pensons que, contrairement à vos affirmations répétées, il fait la part belle aux nouveaux entrants, au détriment de France Télécom, qui est constamment traitée comme si cette société se rendait coupable d'un abus de position dominante.
Ce projet de loi prend le risque de casser notre opérateur national alors que celui-ci a été capable non seulement de nous donner l'un des services de téléphone les plus performants, mais également d'inventer et d'implanter gratuitement chez tous les Français le Minitel, ancêtre d'Internet, de devenir le quatrième opérateur mondial et de prendre d'importantes positions à l'international.
Il ne vous étonnera donc pas, monsieur le ministre, que le groupe socialiste vote contre ce texte.
Je conclurai en citant non pas M. Borotra - qui me pardonnera, je l'espère, cette infidélité - mais Eric Rohmer qui, en 1948, écrivait, dans la revue Les Temps modernes : « S'il est vrai que l'Histoire est dialectique, il arrive un moment où les valeurs de conservation sont plus modernes que les valeurs de progrès. »
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi était essentiel pour l'avenir, mais également très complexe à élaborer puisqu'il devait concilier l'ouverture à la concurrence et le maintien du service public, dont les intérêts peuvent apparaître tout à fait divergents.
Je voudrais féliciter M. le ministre qui, au cours de ces débats, a toujours recherché un juste équilibre entre ces intérêts et qui a accepté des amendements allant dans le sens de l'aménagement du territoire, ce dont je le remercie.
En conclusion, je m'associe aux félicitations adressées à M. le rapporteur. Certes, il en a reçu beaucoup ce soir, mais il les mérite pour la qualité du travail qu'il a accompli depuis plusieurs mois et tout au long de ce débat. Il n'a jamais manqué d'énergie ces deux derniers jours, et encore cette nuit, malgré l'heure tardive.
M. René Trégouët. Très bien !
Mme Janine Bardou. Bien entendu, le groupe des Républicains et Indépendants votera ce texte.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est un rapporteur rougissant qui prend la parole ce matin.
Tout d'abord, je rappellerai une phrase prononcée ici même le 5 juin 1990 : « Comment affronter victorieusement la concurrence internationale si l'on craint comme la peste la compétition chez soi ? » C'est M. Paul Quilès qui s'exprimait ainsi en présentant la loi de 1990.
Mme Michelle Demessine. Il s'est trompé !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Au travers de ces débats, nous avons démontré les uns et les autres que nous nous étions fixé comme ligne de conduite de parvenir à un texte d'équilibre, un texte d'avenir, qui à la fois prenne en compte les valeurs auxquelles nous sommes attachés et relève les défis de l'internationalisation et de la concurrence. Nous avons montré que nous n'avions pas peur, ni de demain ni de nous diversifier.
Les préoccupations de la commission, partagées par la Haute Assemblée, se sont appelées d'abord service public.
Le service public sort renforcé de nos débats. Le caractère insaisissable du téléphone est une avancée sociale importante. Des clauses de rendez-vous régulières, au moins tous les quatre ans, voire avant puisque nous avons déjà un premier rendez-vous au travers de l'amendement proposé par M. Trégouët et adopté par le Sénat, sont prévues.
Vous l'avez constaté, monsieur le ministre, l'aménagement du territoire est au Sénat non pas une simple litanie, mais une volonté affirmée. Certes, il faudra ultérieurement procéder à quelques harmonisations : ce sera le travail de la commission mixte paritaire.
Le renforcement du respect de la vie privée des personnes, une concurrence qui ne soit pas écrasante et une réflexion sur le contenu, tout cela répond, me semble-t-il, aux préoccupations de l'ensemble des commissions du Sénat.
Ce texte constitue en même temps une ouverture à la concurrence, grâce aux moyens donnés à notre opérateur historique France Télécom, sur lequel nous fondons beaucoup d'espoirs pour demain. Contrairement à ce qui a été dit, ce texte n'est en aucun cas dirigé ou contre le service public ou contre un accès à bas prix au téléphone ou contre France Télécom. Il nous fournit les armes pour nous porter demain sur les nouveaux marchés, les marchés internationaux, et ce dans le cadre de la diversification.
Je voudrais remercier tout particulièrement l'ensemble de nos collègues, tout d'abord ceux de la commission des affaires économiques et du Plan, au premier rang desquels je tiens à citer M. Hérisson ; Mme Bardou ensuite, notre conscience en matière d'aménagement du territoire ; ceux de la commission des finances, notamment M. Trégouët qui nous a apporté beaucoup d'éclaircissements grâce à sa toute particulière connaissance scientifique de ce sujet.
Je voudrais également associer à ces remerciements des collègues d'autres commissions, MM. Cluzel et Rausch, parmi bien d'autres, qu'ils appartiennent à la majorité ou à l'opposition, qui ont participé à nos travaux. Nous avons eu un débat constructif.
Bien entendu, je n'oublierai pas de remercier l'ensemble des collaborateurs de la commission des affaires économiques qui m'ont accompagné tout au long de ce débat.
Monsieur le ministre, je vous sais gré particulièrement d'avoir été attentif tout au long de nos débats et de leur préparation. Celle-ci a commencé voilà bien longtemps, non pas pour ce texte en tant que tel, mais dans le cadre d'une réflexion sur l'avenir des télécommunications.
Je me souviens que, à peine appelé à cette importante fonction - c'était au début de l'été dernier - alors que tout paraissait encore lointain, vous aviez une volonté arrêtée, vous souhaitiez suivre un chemin bien précis, fait de perspectives d'avenir, mais aussi de volonté de concertation avec le Parlement, avec l'opérateur public, avec les représentants des travailleurs de ces entreprises, avec les forces syndicales. Tout cela, vous l'avez conduit, et vous avez bien voulu y associer le Parlement.
Ce texte est l'aboutissement de ce travail. D'ailleurs, un certain nombre de signes témoignent que le chemin sur lequel vous avez souhaité conduire la modernité et les télécommunications est compris dans notre pays.
J'associerai encore à mes remerciements vos collaborateurs, monsieur le ministre, que nous avons beaucoup sollicités ; ils ont été particulièrmeent attentifs et ouverts à l'ensemble de nos propositions.
Monsieur le président, nous achevons tardivement nos travaux, ce qui n'est plus dans les habitudes du Sénat. Mais que l'ensemble du personnel trouve ici la gratitude du rapporteur et des membres de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RDSE.)
M. Emmanuel Hamel. Ils le méritent !
M. le président. Je vous remercie d'avoir associé le personnel du Sénat à vos remerciements.
M. François Fillon, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre délégué. Monsieur le président, je voudrais, à mon tour, remercier Gérard Larcher et l'ensemble des sénateurs qui ont participé à ce débat. Celui-ci a été long et riche, même si Mme Luc l'a trouvé trop court, et il a permis d'améliorer et d'enrichir un texte qui est important car il va nous permettre d'entrer de plain-pied dans la société de l'information.
Ce texte, nous l'avons préparé longuement. J'ai beaucoup insisté sur la consultation publique qui a été organisée à l'automne 1995 et à l'occasion de laquelle tous les acteurs du secteur des télécommunications ont pu s'exprimer. Peu de réformes ont fait l'objet d'une consultation aussi longue et peu de réformes ont fait l'objet d'un tel travail de concertation avec les organisations syndicales. Je me plais à rappeler que nombre de revendications émanant d'organisations syndicales qui ont accepté de négocier avec le Gouvernement sont traduites dans ce projet de loi que, je l'espère, vous allez adopter dans quelques instants.
Cette réforme réalise une synthèse originale entre nos valeurs républicaines, notamment le service public auquel nous sommes attachés, et l'ouverture à la concurrence, synthèse originale qui est permise par les directives européennes, parce que, depuis dix ans, les gouvernements français ont défendu le service public à la française au sein des instances européennes, et qui aboutit à la prise en compte progressive des principes du service public à la française dans cette législation. Grâce à ces directives, nous avons pu oeuvrer dans le respect du service public et ouvrir à la concurrence un secteur extraordinairement porteur pour l'avenir, pour notre économie, mais aussi pour notre organisation sociale et pour notre organisation culturelle. Le service public est préservé ; il est mieux défini et mieux garanti que par le passé puisque la loi en fixe désormais l'étendue et les modes de financement.
Quant à la concurrence, elle va très vite se traduire par une offre de services accrue sur tout le territoire et par une baisse des tarifs qui va entraîner une augmentation du trafic et des créations d'emplois. Cette ouverture à la concurrence nous permettra notamment de rattraper notre retard dans le domaine des autoroutes de l'information et des services en ligne. Il n'y a en effet pas de raison pour que notre pays qui, par bien des aspects, est en avance sur le plan des technologies, accumule des retards dans le domaine des services en ligne ou du téléphone mobile. Ce n'est pas la technologie, là, qui est en cause, c'est bien notre organisation, en particulier le monopole.
Enfin, comme j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, nous contribuons, avec ce texte et par les débats que nous avons eus, à introduire les principes du service public à la française dans la législation européenne. Je suis convaincu que l'exemple que nous allons donner avec ce texte dans le domaine des télécommunications contribuera à faire triompher ces valeurs auxquelles nous sommes attachés.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'oeuvre législative que vous venez d'accomplir ne serait cependant pas complète si nous ne donnions pas, demain, à notre opérateur historique, les moyens non seulement d'affronter cette concurrence, de rester l'opérateur du service public dans notre pays, mais de partir à la conquête des marchés dans le domaine des télécommunications aussi bien en Europe qu'en Amérique et en Asie. C'est à cette deuxième réforme que le Gouvernement vous invitera dès lundi prochain. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une de la commission, l'autre du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 98:
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour l'adoption | 223 |
Contre | 93 |
M. Gérard Larcher. Très bien !
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