M. le président. Sur le texte proposé pour l'article L. 36-7 du code des postes et télécommunications, je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 121, MM. Billard, Leyzour, Minetti et Ralite, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer le texte présenté par l'article L. 36-7 du code des postes et télécommunications.
Par amendement n° 40, M. Gérard Larcher, au nom de la commission, propose, dans le 1° du texte présenté par l'article 6 pour l'article L. 36-7 du code des postes et télécommunications, de remplacer les mots : « le résultat » par les mots : « le compte rendu et le résultat motivé ».
Par amendement n° 197 rectifié, M. Gérard Larcher, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit les deux premières phrases du dernier alinéa (7°) du texte présenté par l'article 6 pour l'article L. 36-7 du code des postes et télécommunications :
« 7° - Etablit, chaque année, après consultation du Conseil de la concurrence publiée au Bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes , la liste des opérateurs concernés par les dispositions du paragraphe II de l'article L. 34-8 et considérés comme exerçant une influence significative sur un marché pertinent du secteur des télécommunications concerné par ces mêmes dispositions. Est présumé exercer une telle influence tout opérateur qui détient une part supérieure à 25 p. 100 d'un tel marché. »
Par amendement n° 122, MM. Billard, Leyzour, Minetti et Ralite, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après la référence : « L. 34-8 » de supprimer la fin du dernier alinéa (7°) du texte présenté par l'article 6 pour l'article L. 36-7 du code des postes et télécommunications.
La parole est à Mme Luc, pour défendre l'amendement n° 121.
Mme Hélène Luc. L'article L. 36-7 du code des postes et télécommunications dispose des pouvoirs de l'autorité de régulation des télécommunications en des matières particulièrement significatives.
Il est notamment précisé que l'autorité de régulation des télécommunications « instruit pour le compte du ministre chargé des télécommunications les demandes d'autorisation présentées en application des articles L. 33-1 et L. 34-1, délivre les autres autorisations et reçoit les déclarations prévues au chapitre II, publie, lorsque les autorisations sont délivrées à l'issue d'un appel de candidatures, le résultat de la procédure de sélection qu'elle conduit. »
Par ailleurs, l'autorité de régulation délivre ou fait délivrer les attestations de conformité prévues à l'article L. 34-9.
L'autorité est également investie des capacités de contrôle des obligations des opérateurs, propose au ministre le montant des contributions acquittées par les opérateurs pour le financement du service universel.
L'autorité est aussi investie d'un droit de regard sur les fixations de tarifs du service universel et dispose du droit d'attribuer aux différents opérateurs les fréquences nécessaires à l'exercice de leur activité.
Enfin, elle établit la liste des opérateurs.
Cet article L. 36-7 fixe donc le cadre des compétences « domestiques », si je puis dire, de responsabilité de l'autorité de régulation des télécommunications.
Le moins que l'on puisse dire est que ce champ de compétences est singulièrement étendu et qu'il participe d'un mouvement général d'abandon de la responsabilité publique sur un élément pourtant indispensable du service public et du développement économique et social.
On est d'ailleurs obligé, dans le cadre de l'examen des dispositions de cet article du code des postes et télécommunications, de se poser quelques questions sur le sens de ce que l'on peut appeler le rôle de l'Etat.
Ce projet de loi s'inscrit en effet pleinement dans la démarche plus globale du Gouvernement, qui consiste à recentrer les missions de l'Etat sur le minimum vital et à ne distinguer, pour ainsi dire, aucun sanctuaire pour les missions de service public.
Comment ne pas lier la mise en place de la libéralisation des télécommunications, c'est-à-dire l'abandon de la notion même de service public au profit de celle de marché à clientèle pour le moins captive, à des décisions diverses et variées comme la réforme de l'armée, avec l'abandon de la conscription, ou encore le souci exprimé ici même lors du débat d'orientation budgétaire de voir se réduire l'intervention publique, seul outil de la baisse des prélèvements obligatoires ?
A ce sujet, permettez-moi simplement de rappeler que le fait de réduire les dépenses publiques a comme corollaire la désocialisation d'un grand nombre de fonctions collectives dont la raison d'être est, précisément, d'être confiées à la puissance publique pour répondre aux besoins de la population.
Il y a un lien idéologique dans l'ensemble de ces dispositions : c'est la logique du « moins d'Etat pour mieux d'Etat ».
Mais, derrière ce discours, il y a déjà, depuis le printemps de 1995, une hausse de 125 milliards de francs de prélèvements sur les acteurs économiques, et surtout sur les ménages, et il n'y a pas « mieux d'Etat », puisque la dépense publique est globalement détournée de son sens.
Derrière le « moins d'Etat » du discours officiel, il y a aussi le « plus de marché », et singulièrement l'ombre portée des marchés financiers sur les choix budgétaires et politiques du Gouvernement.
Comment, d'ailleurs, justifier autrement le sens même des compétences accordées à l'autorité de régulation des télécommunications ?
Comment admettre que, sous prétexte de plus grande souplesse dans la gestion des règles et la définition des principes de fonctionnement du secteur des télécommunication, l'intérêt général puisse être ainsi concentré dans les mains de quelques techniciens n'ayant aucun compte à rendre, sauf dans des cas limites, devant la collectivité nationale ?
M. le président. Je vais vous demander de conclure, madame Luc.
Mme Hélène Luc. On peut presque s'interroger sur les caractéristiques de la validité constitutionnelle de ces dispositions quand on sait, par exemple, que le Conseil d'Etat est tout à fait habilité, de par ses fonctions, à rendre en lieu et place de l'ART un avis clair et précis sur les compétences jurisprudentielles dont elle va se trouver parée par la loi.
M. le président. Concluez, madame !
Mme Hélène Luc. Cette notion exorbitante de nos habitudes juridiques nous conduit naturellement à recommander, dans le droit-fil de nos amendements précédents, la suppression des dispositions de l'article L. 36-7 du code des télécommunications.
M. le président. Madame Luc, je ne pourrai continuer à tolérer les dépassements de temps de parole. Je le regrette, mais nous sommes tenus par l'horaire !
Mme Hélène Luc. Je vous demanderai tout à l'heure la parole pour un rappel au règlement, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre les amendements n°s 40 et 197 rectifié.
M. Gérard Larcher, rapporteur. L'amendement n° 40 vise à introduire plus de transparence dans les décisions de l'autorité de régulation lorsqu'elle procède à des sélections.
L'amendement n° 197 rectifié est un amendement de clarification d'une disposition importante du texte : il précise quels sont les opérateurs assujettis à l'obligation de publication d'une offre technique tarifaire et d'interconnexion.
M. le président. La parole est à Mme Demessine, pour défendre l'amendement n° 122.
Mme Michelle Demessine. L'article L. 36-7 du code des postes et télécommunications, tel qu'il résulte de la rédaction actuelle du projet de loi, dispose :
« 7° Etablit chaque année - il s'agit évidemment de la fameuse autorité de régulation des télécommunications - après avis du Conseil de la concurrence... la liste des opérateurs et marchés concernés par les dispositions du II de l'article L. 34-8 et considérés comme exerçant une influence significative sur le marché. Est présumé exercer une telle influence tout opérateur qui détient une part supérieure à 25 p. 100 d'un marché pertinent. L'autorité de régulation des télécommunications tient aussi compte du chiffre d'affaires de l'opérateur par rapport à la taille du marché, de son contrôle des moyens d'accès à l'utilisateur final, de son accès aux ressources financières et de son expérience dans la fourniture de produit et de services sur le marché. »
Derrière les apparences techniques, cet article a d'importantes implications de caractère financier qui nous font nous interroger légitimement sur le problème de fond : qui va payer les coûts de développement du réseau et qui va toucher les dividendes des investissements réalisés ?
En effet, les coûts d'interconnexion entre réseaux ont comme caractéristique d'être évidemment imputables à l'usager. Mais il apparaît à l'évidence que, dans le cas qui nous occupe et en l'état actuel du marché et de la part relative de chacun des opérateurs, il semble bien que les opérateurs privés nouvellement arrivés dans le secteur des télécommunications - où l'essentiel a déjà été fait et de longue date grâce à des fonds publics - pourront arguer de leur faible part de marché pour se dispenser de toute participation à l'interconnexion des réseaux.
Nous avons indiqué que le développement des technologies en matière de télécommunications allait avoir, parmi d'autres opérations, la particularité de mettre en place, à la fin de l'année, une nouvelle numérotation téléphonique, ouvrant autant de nouveaux espaces destinés à être occupés par de nouveaux abonnés ou de nouveaux services de télécommunication.
L'une des fonctions de l'autorité de régulation sera d'ailleurs de distribuer - de façon dite non discriminatoire - une partie de ces nouveaux canaux.
Pour autant, nous l'avons souligné, le coût essentiel de cette avancée technologique a été supporté par l'opérateur public. Il continuera de l'être puisque l'article L. 36-7, dans la rédaction que je viens de rappeler, dispense les nouveaux opérateurs, en attendant la montée en charge de leur présence sur le marché, de contribuer à ces coûts.
Un adage circule parmi les étudiants en économie aux prises avec les modèles macroéconomiques que l'on soumet à leur sagacité : « socialisation des pertes et privatisation des profits ».
C'est exactement cela que nous propose le projet de loi : le coût de l'interconnexion aux abonnés et à l'exploitant public, la haute profitabilité aux nouveaux opérateurs privés.
Voilà, sans doute, ce que l'on appelle les conditions d'une « concurrence effective, loyale et bénéfique aux utilisateurs », selon les termes de l'article 2 du projet de loi.
Une fois de plus, force est de constater que les principes n'ont en matière de nouvelle réglementation des télécommunications pas grande valeur face aux pressions des groupes d'intérêts économiques et financiers qui lorgnent depuis déjà quelque temps sur le service public et sa haute valeur ajoutée.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite à adopter cet amendement n° 122.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 121 et 122 ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 121, pour des motifs que nous avons déjà largement expliqués.
L'amendement n° 122 vise à supprimer, pour l'ART, la possibilité de déterminer quels sont les opérateurs qui influenceront significativement le marché. Cela nous semble contraire aux principes d'équilibre et de concurrence. L'avis de la commission est donc également défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 121, 40, 197 rectifié et 122 ?
M. François Fillon, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 121 et à l'amendement n° 122 pour des raisons que j'ai déjà évoquées à de multiples reprises.
En revanche, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 40, qui répond à un souci de transparence que je partage, ainsi qu'à l'amendement n° 197 rectifié, qui est un amendement rédactionnel.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 121, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 40 rectifié, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 197 rectifié, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 122 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 36-7 du code des postes et télécommunications.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE L. 36-8 DU CODE DES POSTES
ET TÉLÉCOMMUNICATIONS