M. le président. « Art. 6. - Après le chapitre II du titre premier du livre II du code des postes et télécommunications, sont insérés les chapitres III et IV ainsi rédigés :
« Chapitre III
« Le service public des télécommunications,
«
Art. L. 35.
- Le service public des télécommunications est assuré
dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité. Il
comprend :
«
a)
Le service universel des télécommunications défini, fourni et
financé dans les conditions fixées aux articles L. 35-1 à L. 35-4.
«
b)
Les services obligatoires de télécommunications offerts dans les
conditions fixées à l'article L. 35-5.
«
c)
Les missions d'intérêt général dans le domaine des
télécommunications, en matière de défense et de sécurité, de recherche publique
et d'enseignement supérieur, assurées dans le conditions fixées à l'article L.
35-6.
«
Art. L. 35-1.
- Le service universel des télécommunications fournit à
tous un service téléphonique de qualité à un prix abordable. Il assure
l'acheminement des communications téléphoniques en provenance ou à destination
des points d'abonnements, ainsi que l'acheminement gratuit des appels
d'urgence, la fourniture d'un service de renseignements et d'un annuaire
d'abonnés, sous formes imprimée et électronique, et la desserte du territoire
national en cabines téléphoniques installées sur la voie publique.
« Il est fourni dans des conditions tarifaires et techniques prenant en compte
les difficultés spécifiques rencontrées par certaines catégories de personnes,
notamment en raison de leur niveau de revenu ou de leur handicap, dans l'accès
au service téléphonique.
« Toute personne obtient, sur sa demande, l'abonnement au téléphone auprès
d'un opérateur chargé du service universel dans les conditions prévues par le
présent code. Le propriétaire d'un immeuble ou son mandataire ne peut s'opposer
à l'installation du téléphone demandée par son locataire ou occupant de bonne
foi.
«
Art. L. 35-2.
- I. - Peut être chargé de fournir le service universel
tout opérateur en acceptant la fourniture sur l'ensemble du territoire national
et capable de l'assurer.
« France Télécom est l'opérateur public chargé du service universel.
« Le cahier des charges d'un opérateur chargé de fournir le service universel
est établi après avis de la Commission supérieure du service public des postes
et télécommunications et détermine les conditions générales de fourniture de ce
service et notamment les obligations tarifaires nécessaires, d'une part pour
permettre l'accès au service de toutes les catégories sociales de la
population, d'autre part pour éviter une discrimination fondée sur la
localisation géographique. Il fixe également les conditions dans lesquelles les
tarifs du service universel et sa qualité sont contrôlés.
« II. - L'acheminement gratuit des appels d'urgence est obligatoire pour tous
les fournisseurs de service téléphonique au public.
«
Art. L. 35-3.
- I. - Les coûts imputables aux obligations du service
universel sont évalués sur la base d'une comptabilité appropriée tenue par les
opérateurs. Cette comptabilité est auditée, à leurs frais, par un organisme
indépendant, désigné par l'autorité de régulation des télécommunications.
« II. - Le financement des coûts imputables aux obligations de service
universel est assuré par les exploitants de réseaux ouverts au public et par
les fournisseurs de services téléphoniques au public dans les conditions
suivantes :
« 1° Le financement du coût net des obligations de péréquation tarifaire
correspondant, d'une part aux obligations de péréquation géographique, d'autre
part au déséquilibre résultant de la structure courante des tarifs
téléphoniques, est assuré par une rémunération additionnelle à la rémunération
d'interconnexion mentionnée à l'article L. 34-8, versée à l'opérateur chargé du
service universel selon les mêmes modalités que la rémunération principale.
« Cette rémunération additionnelle est la contrepartie de l'universalité du
réseau et du service téléphonique. Elle est calculée au prorata de la part de
l'opérateur qui demande l'interconnexion dans l'ensemble du trafic
téléphonique. Son montant est constaté, sur proposition de l'Autorité de
régulation des télécommunications, par le ministre chargé des
télécommunications.
« Afin de favoriser le développement des radiocommunications mobiles, la
baisse des tarifs aux utilisateurs et compte tenu du supplément de trafic
qu'ils apportent, les opérateurs de radiocommunications mobiles soumis par
leurs cahiers des charges à des obligations de couverture à l'échelle nationale
sont exemptés de la part de cette rémunération additionnelle correspondant au
déséquilibre de la structure courante des tarifs téléphoniques ;
« 2° Il est créé un fonds de service universel des télécommunications. La
gestion comptable et financière de ce fonds est assurée par la Caisse des
dépôts et consignations dans un compte spécifique. Les frais de gestion exposés
par la caisse sont imputés sur le fonds.
« Ce fonds est affecté au financement des coûts nets des obligations de
service universel suivants : l'offre, mentionnée au deuxième alinéa de
l'article L. 35-1, de tarifs spécifiques à certaines catégories d'abonnés en
vue de leur assurer l'accessibilité au service ; la desserte du territoire en
cabines téléphoniques, l'annuaire universel et le service de renseignements
correspondant.
« La part des coûts nets que doit supporter chaque opérateur est calculée au
prorata de son volume de trafic.
« Si un opérateur accepte de fournir l'offre, mentionnée au deuxième alinéa de
l'article L. 35-1, de tarifs spécifiques à certaines catégories d'abonnés en
vue de leur assurer l'accès au service téléphonique dans les conditions fixées
par son cahier des charges, le coût net de cette offre est déduit de sa
contribution.
« Le montant des contributions nettes que les opérateurs versent ou reçoivent
est constaté, sur proposition de l'Autorité de régulation des
télécommunications, par le ministre chargé des télécommunications. Ces
contributions sont recouvrées par la Caisse des dépôts et consignations selon
les modalités prévues pour les créances de cet établissement.
« En cas de défaillance d'un opérateur, l'Autorité de régulation des
télécommunications prononce, selon la procédure prévue à l'article L. 36-11,
une suspension de l'autorisation. En cas de nouvelle défaillance, elle réduit
la durée de son autorisation ou la retire. Si les sommes dues ne sont pas
recouvrées dans un délai d'un an, elles sont imputées sur le fonds lors de
l'exercice suivant ;
« 3° Le déséquilibre résultant de la structure actuelle des tarifs
téléphoniques au regard du fonctionnement normal du marché devra être
progressivement résorbé par l'opérateur public, dans le cadre de baisses
globales des tarifs pour l'ensemble des catégories d'utilisateurs. Lorsqu'il
sera résorbé, et au plus tard au 31 décembre 2000, il sera mis fin au versement
de la rémunération additionnelle mentionnée au 1° ci-dessus et le financement
du coût net des obligations de péréquation géographique sera assuré par
l'intermédiaire du fonds mentionné au 2° ci-dessus.
« Le passage à ce nouveau régime de financement sera décidé, sur proposition
de l'Autorité de régulation des télécommunications, par le ministre chargé des
télécommunications, après avis de la Commission supérieure du service public
des postes et télécommunications.
« III. - Les méthodes d'évaluation, de compensation et de partage des coûts
nets liés aux obligations de service universel sont rendues publiques un an au
moins avant leur mise en application.
« IV. - Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission
supérieure du service public des postes et télécommunications, précise les
modalités d'application du présent article. Il établit notamment les méthodes
de l'évaluation, de la compensation et du partage des coûts nets du service
universel, ainsi que les modalités de gestion du fonds de service universel des
télécommunications.
« V
(nouveau). -
Le ministre chargé des télécommunications adresse
chaque année au Parlement un rapport sur l'application des dispositions du
présent article.
«
Art. L. 35-4. -
Un annuaire universel, sous formes imprimée et
électronique, et un service universel de renseignements sont mis à la
disposition du public. Sous réserve de la protection des droits des personnes
concernées, ils donnent accès aux coordonnées téléphoniques et aux adresses de
tous les abonnés aux réseaux ouverts au public.
« Un organisme juridiquement distinct des entreprises offrant des biens ou
services de télécommunications établit et tient à jour la liste nécessaire à
l'édition d'annuaires universels et à la fourniture de services de
renseignements universels et la met à disposition des opérateurs et
prestataires intéressés. Les opérateurs concernés ou leurs distributeurs sont
tenus de lui communiquer leurs listes d'abonnés.
« L'organisme visé à l'alinéa précédent fournit, dans des conditions
identiques, à toute personne qui lui en fait la demande, la liste consolidée
comportant, sous réserve des droits des personnes concernées, les noms,
adresses et coordonnées téléphoniques des abonnés. Cette fourniture donne lieu
à rémunération reflétant les coûts. Cet organisme ne peut éditer un annuaire
d'abonnés. France Télécom édite un annuaire universel.
« Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission supérieure du
service public des postes et télécommunications, détermine les modalités
d'application du présent article. Il fixe en particulier le mode de désignation
de l'organisme par le ministre chargé des télécommunications, les garanties à
mettre en oeuvre pour assurer la confidentialité des données, notamment au
regard des intérêts commerciaux des opérateurs, et la protection de la vie
privée.
«
Art. L. 35-5. -
Les services obligatoires comprennent une offre, sur
l'ensemble du territoire, d'accès au réseau numérique à intégration de
services, de liaisons louées, de commutation de données par paquet, de services
avancés de téléphonie vocale et de service télex.
« Le cahier des charges d'un opérateur chargé du service universel détermine
ceux des services obligatoires qu'il est tenu d'assurer, les conditions de leur
fourniture.
« France Télécom assure la fourniture de tous les services obligatoires.
«
Art. L. 35-6. -
Les prescriptions exigées par la défense et la
sécurité publique et les garanties d'une juste rémunération des prestations
assurées à ce titre, à la demande de l'Etat, par les opérateurs autorisés en
application des articles L. 33-1 et L. 34-1 sont déterminées par leur cahier
des charges.
« L'enseignement supérieur, dans le domaine des télécommunications, relève de
la responsabilité de l'Etat et est placé sous la tutelle du ministre chargé des
télécommunications. Il est à sa charge à compter de l'exercice budgétaire 1997
dans les conditions prévues par les lois de finances. Il bénéficie, de sa part
et dans les conditions prévues par les lois de finances, des moyens lui
garantissant une haute qualité.
« Les missions de recherche publique dans le domaine des télécommunications
sont exercées par l'Etat ou pour le compte de l'Etat et sous sa responsabilité
dans le cadre de contrats qui en précisent les modalités de financement.
«
Art. L. 35-7. -
Au minimum tous les cinq ans, un rapport sur
l'application du présent chapitre est, après consultation publique et avis de
l'Autorité de régulation des télécommunications et de la Commission supérieure
du service public des postes et télécommunications, remis par le Gouvernement
au Parlement. Il propose, le cas échéant, pour tenir compte de l'évolution des
technologies et services de télécommunications et des besoins de la société,
l'inclusion de nouveaux services dans le champ du service universel et la
révision de la liste des services obligatoires ou de leurs modalités
d'exécution.
« Chapitre IV
« La régularisation des télécommunications
«
Art. L. 36.
- Il est créé, à compter du 1er janvier 1997, une
Autorité de régulation des télécommunications.
«
Art. L. 36-1.
- L'Autorité de régulation des télécommunciations est
composée de cinq membre nommés en raison de leur qualification pour une mandat
de six ans. Trois membres, dont le président, sont nommés par décret. Les deux
autres membres sont respectivement nommés par le président de l'Assemblée
nationale et le président du Sénat, chacun sur proposition de la commission
permanente de l'assemblée qu'il préside, compétente pour le secteur des
télécommunications.
« Les membres de l'autorité nommés par décret sont renouvelés par tiers tous
les deux ans.
« Les membres de l'autorité ne sont pas révocables.
« Si l'un des membres de l'autorité ne peut exercer son mandat jusqu'à son
terme, le membre nommé pour le remplacer exerce ses fonctions pour la durée du
mandat restant à courir.
« Pour la constitution de l'autorité, le président est nommé pour six ans. La
durée du mandat des deux autres membres nommés par décret est fixée, par tirage
au sort, à quatre ans pour l'un et à deux ans pour l'autre. La durée du mandat
des deux membres nommés par les présidents des assemblées parlementaires est
fixée, par tirage au sort, à quatre ans pour l'un et à six ans pour l'autre.
« Le mandat des membres de l'autorité n'est pas renouvelable. Toutefois, cette
règle n'est pas applicable aux membres dont le mandat, en application de l'un
ou l'autre des deux alinéas ci-dessus, n'a pas excédé deux ans.
« Les membres de l'autorité ne peuvent être nommés au-delà de l'âge de
soixante-cinq ans.
«
Art. L. 36-2.
- La fonction de membre de l'Autorité de régulation des
télécommunications est incompatible avec toute activité professionnelle et
toute détention, directe ou indirecte, d'intérêts dans une entreprise du
secteur des télécommunications, de l'audiovisuel ou de l'informatique.
« Les membres de l'autorité sont tenus au secret professionnel pour les faits,
actes et renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en raison de leurs
fonctions.
« Le président et les membres de l'autorité reçoivent respectivement un
traitement égal à celui afférent à la première et à la seconde des deux
catégories supérieures des emplois de l'Etat classés hors échelle.
«
Art. L. 36-3. -
L'Autorité de régulation des télécommunications
dispose de services qui sont placés sous l'autorité de son président.
« L'autorité peut employer des fonctionnaires en position d'activité dans les
mêmes conditions que le ministère chargé des télécommunications. Elle peut
recruter des agents contractuels.
« Les personnels des services de l'autorité sont tenus au secret professionnel
pour les faits, actes et renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en
raison de leurs fonctions.
«
Art. L. 36-4. -
Les ressources de l'Autorité de régulation des
télécommunications comprennent des rémunérations pour services rendus et des
taxes et redevances dans les conditions fixées par les lois de finances ou par
décret en Conseil d'Etat.
« L'autorité propose au ministre chargé des télécommunications, lors de
l'élaboration du projet de loi de finances de l'année, les crédits nécessaires,
en sus des ressources mentionnées au premier alinéa, à l'accomplissement de ses
missions.
« Ces crédits sont inscrits au budget général de l'Etat. Les dispositions de
la loi du 10 août 1922 relative à l'organisation du contrôle des dépenses
engagées ne sont pas applicables à leur gestion.
« Le président de l'autorité est ordonnateur des dépenses. Il présente les
comptes de l'autorité au contrôle de la Cour des comptes.
«
Art. L. 36-5. -
L'Autorité de régulation des télécommunications est
consultée sur les projets de loi, de décret ou de règlement relatifs au secteur
des télécommunications et participe à leur mise en oeuvre.
« L'autorité est associée, à la demande du ministre chargé des
télécommunications, à la préparation de la position française dans les
négociations internationales dans le domaine des télécommunications. Elle
participe, à la demande du ministre chargé des télécommunications, à la
représentation française dans les organisations internationales et
communautaires compétentes en ce domaine.
«
Art. L. 36-6.
- Dans le respect des dispositions du présent code et
de ses règlements d'application, l'Autorité de régulation des
télécommunications précise les règles concernant :
« 1° Les droits et obligations afférents à l'exploitation des différentes
catégories de réseaux et de services, en application des articles L. 33-1 et L.
34-1 ;
« 2° Les prescriptions applicables aux conditions techniques et financières
d'interconnexion, conformément à l'article L. 34-8 ;
« 3° Les règles techniques applicables, le cas échéant, aux réseaux et
terminaux, en vue de garantir leur interopérabilité, la portabilité des
terminaux et le bon usage des fréquences et des numéros de téléphone ;
« 4° Les conditions d'établissement et d'exploitation des réseaux mentionnés à
l'article L. 33-2 et celles d'utilisation des réseaux mentionnés à l'article L.
33-3.
« Les décisions prises en application du présent article sont, après
homologation par arrêté du ministre chargé des télécommunications, publiées au
Journal officiel.
«
Art. L. 36-7.
- L'Autorité de régulation des télécommunications :
« 1° Instruit pour le compte du ministre chargé des télécommunications les
demandes d'autorisation présentées en application des articles L. 33-1, L. 34-1
et L. 34-3 ; délivre les autres autorisations et reçoit les déclarations
prévues par le chapitre II ; publie, lorsque les autorisations sont délivrées à
l'issue d'un appel à candidatures, le résultat de la procédure de sélection
qu'elle conduit ;
« 2° Délivre ou fait délivrer les attestations de conformité prévues à
l'article L. 34-9 ;
« 3° Contrôle le respect par les opérateurs des obligations résultant des
dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables en vertu
du présent code et des autorisations dont ils bénéficient et sanctionne les
manquements constatés dans les conditions prévues aux articles L. 36-10 à L.
36-11 ;
« 4° Propose au ministre chargé des télécommunications, selon les principes et
les méthodes élaborés dans les conditions prévues à l'article L. 35-3, les
montants des contributions au financement des obligations de service universel
et assure la surveillance des mécanismes de ce financement ;
« 5° Emet un avis public sur les tarifs et les objectifs tarifaires
pluriannuels du service universel ainsi que sur les tarifs des services pour
lesquels il n'existe pas de concurrents sur le marché, préalablement,
lorsqu'ils y sont soumis, à leur homologation par les ministres chargés des
télécommunications et de l'économie ;
« 6° Attribue aux opérateurs et aux utilisateurs, dans des conditions
objectives, transparentes et non discriminatoires, les ressources en fréquences
et en numérotation nécessaires à l'exercice de leur activité, veille à leur
bonne utilisation, établit le plan national de numérotation et contrôle sa
gestion ;
« 7° Etablit, chaque année, après avis du Conseil de la concurrence publié au
Bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression
des fraudes
, la liste des opérateurs et marchés concernés par les
dispositions du II de l'article L. 34-8 et considérés comme exerçant une
influence significative sur le marché. Est présumé exercer une telle influence
tout opérateur qui détient une part supérieure à 25 p. 100 d'un marché
pertinent du secteur des télécommunications. L'Autorité de régulation des
télécommunications tient aussi compte du chiffre d'affaires de l'opérateur par
rapport à la taille du marché, de son contrôle des moyens d'accès à
l'utilisateur final, de son accès aux ressources financières et de son
expérience dans la fourniture de produits et de services sur le marché.
«
Art. L. 36-8.
I. - En cas de refus d'interconnexion, d'échec des
négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l'exécution
d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de télécommunications,
l'Autorité de régulation des télécommunications peut être saisie du différend
par l'une ou l'autre des parties.
« L'autorité se prononce, dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat,
après avoir mis les parties à même de présenter leurs observations. Sa décision
est motivée et précise les conditions équitables, d'ordre technique et
financier, dans lesquelles l'interconnexion ou l'accès spécial doivent être
assurés.
« En cas d'atteinte grave et immédiate aux règles régissant le secteur des
télécommunications, l'autorité peut, après avoir entendu les parties en cause,
ordonner des mesures conservatoires en vue notamment d'assurer la continuité du
fonctionnement des réseaux.
« L'autorité rend publique ses décisions, sous réserve des secrets protégés
par la loi. Elle les notifie aux parties.
« II. - L'Autorité de régulation des télécommunications peut également être
saisie des différends portant sur :
« 1° Les conditions de la mise en conformité, prévue par le dernier alinéa de
l'article L. 34-4, des conventions comportant des clauses excluant ou
restreignant la fourniture de services de télécommunications sur les réseaux
mentionnés au premier alinéa dudit article ;
« 2° Les possibilités et les conditions d'une utilisation partagée entre
opérateurs, prévue à l'article L. 47, d'installations existantes situées sur le
domaine public et, prévue à l'article L. 48, d'installations existantes situées
sur une propriété privée.
« Elle se prononce sur ces différends dans les conditions de forme et de
procédure prévues au I.
« III. - Les décisions prises par l'autorité de régulation des
télécommunications en application des I et II peuvent faire l'objet d'un
recours en annulation ou en réformation dans le délai d'un mois à compter de
leur notification.
« Le recours n'est pas suspensif. Toutefois, le sursis à exécution de la
décision peut être ordonné, si celle-ci est susceptible d'entraîner des
conséquences manifestement excessives ou s'il est survenu, postérieurement à sa
notification, des faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité.
« Les mesures conservatoires prises par l'autorité de régulation des
télécommunications peuvent, au maximum dix jours après leur notification, faire
l'objet d'un recours en annulation ou en réformation. Ce recours est jugé dans
le délai d'un mois.
« IV. - Les recours contre les décisions et mesures conservatoires prises par
l'autorité de régulation des télécommunications en application du présent
article sont de la compétence de la cour d'appel de Paris.
« Le pourvoi en cassation formé le cas échéant contre l'arrêt de la cour
d'appel est exercé dans le délai d'un mois suivant la notification de cet
arrêt.
«
Art. L. 36-9.
- L'autorité de régulation des télécommunications peut
être saisie d'une demande de conciliation en vue de régler les litiges entre
opérateurs ne relevant pas de l'article L. 36-8, par toute personne physique ou
morale concernée, par toute organisation professionnelle ou association
d'usagers concernée ou par le ministre chargé des télécommunications. Elle
favorise alors toute solution de conciliation.
« L'autorité de régulation des télécommunications informe de l'engagement de
la procédure de conciliation le Conseil de la concurrence qui, s'il est saisi
des mêmes faits, peut décider de surseoir à statuer.
« En cas d'échec de la conciliation, le président de l'autorité de régulation
des télécommunications saisit le Conseil de la concurrence, si le litige relève
de sa compétence.
«
Art. L. 36-10.
- Le président de l'Autorité de régulation des
télécommunications saisit le Conseil de la concurrence des abus de position
dominante et des pratiques entravant le libre exercice de la concurrence dont
il pourrait avoir connaissance dans le secteur des télécommunications. Cette
saisine peut être introduite dans le cadre d'une procédure d'urgence, auquel
cas le Conseil de la concurrence est appelé à se prononcer dans les trente
jours ouvrables suivant la date de la saisine. Il peut également le saisir pour
avis de toute autre question relevant de sa compétence. Le Conseil de la
concurrence communique à l'Autorité de régulation des télécommunications toute
saisine entrant dans le champ de compétence de celle-ci et recueille son avis
sur les pratiques dont il est saisi dans le secteur des télécommunications.
« Le président de l'Autorité informe le procureur de la République des faits
qui sont susceptibles de recevoir une qualification pénale.
«
Art. L. 36-11. -
L'Autorité de régulation des télécommunications
peut, soit d'office, soit à la demande du ministre chargé des
télécommunications, d'une organisation professionnelle, d'une association
agréée d'utilisateurs ou d'une personne physique ou morale concernée,
sanctionner les manquements qu'elle constate, de la part des exploitants de
réseaux ou des fournisseurs de services de télécommunications, aux dispositions
législatives et réglementaires afférentes à leur activité ou aux décisions
prises pour en assurer la mise en oeuvre. Ce pouvoir de sanction est exercé
dans les conditions ci-après :
« 1° En cas d'infraction d'un exploitant de réseau ou d'un fournisseur de
services à une disposition législative ou réglementaire afférente à son
activité ou aux prescriptions du titre en vertu duquel il l'exerce, l'autorité
le met en demeure de s'y conformer dans un délai déterminé. Elle peut rendre
publique cette mise en demeure ;
« 2° Lorsqu'un exploitant de réseau ou un fournisseur de services ne se
conforme pas dans les délais fixés à une décision prise en application de
l'article L. 36-8 ou à la mise en demeure prévue au 1° ci-dessus, l'autorité
peut prononcer à son encontre une des sanctions suivantes :
« a)
Soit, en fonction de la gravité du manquement, la suspension
totale ou partielle, pour un mois au plus, la réduction de la durée, dans la
limite d'une année ou le retrait de l'autorisation.
« Pour les autorisations soumises aux dispositions du III de l'article L.
33-1, le retrait peut intervenir sans mise en demeure préalable, en cas de
changement substantiel dans la composition du capital social.
« b)
Soit, si le manquement n'est pas constitutif d'une infraction
pénale, une sanction pécuniaire, dont le montant est proportionné à la gravité
du manquement et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 3 p. 100
du chiffre d'affaires hors taxe du dernier exercice clos, taux porté à 5 p. 100
en cas de nouvelle violation de la même obligation. A défaut d'activité
permettant de déterminer ce plafond, le montant de la sanction ne peut excéder
un million de francs, porté à deux millions et demi de francs en cas de
nouvelle violation de la même obligation.
« Les sanctions sont prononcées après que l'opérateur a reçu notification des
griefs et a été mis à même de consulter le dossier et de présenter ses
observations écrites et verbales.
« Les sanctions pécuniaires sont recouvrées comme les créances de l'Etat
étrangères à l'impôt et au domaine ;
« 3° L'Autorité de régulation des télécommunications ne peut être saisie de
faits remontant à plus de trois ans, s'il n'a été fait aucun acte tendant à
leur recherche, leur constatation ou leur sanction ;
« 4° Les décisions sont motivées, notifiées à l'intéressé et publiées au
Journal officiel.
Elles peuvent faire l'objet d'un recours de pleine
juridiction et d'une demande de sursis à exécution devant le Conseil d'Etat.
Lorsqu'elles concernent des sanctions pécuniaires, les demandes de sursis à
exécution sont suspensives.
« Art. L. 36-12
. - Pour l'accomplissement des missions qui sont
confiées à l'Autorité de régulation des télécommunications, le président de
l'autorité a qualité pour agir en justice.
« Art. L. 36-13
. - L'Autorité de régulation des télécommunications
recueille les informations et procède aux enquêtes nécessaires à l'exercice de
ses missions, dans les limites et conditions fixées par l'article L. 32-4.
« Art. L. 36-14
. - L'Autorité de régulation des télécommunications
établit chaque année, avant le 30 juin, un rapport public qui rend compte de
son activité et de l'application des dispositions législatives et
réglementaires relatives aux télécommunications. Ce rapport est adressé au
Gouvernement et au Parlement. Il est adressé également au président de la
Commission supérieure du service public des postes et télécommunications.
L'autorité peut suggérer dans ce rapport toute modification législative ou
réglementaire que lui paraissent appeler les évolutions du secteur des
télécommunications et le développement de la concurrence.
« L'autorité et, le cas échéant, la Commission supérieure du service public
des postes et télécommunications peuvent être entendues par les commissions
permanentes du Parlement compétentes pour le secteur des télécommunications.
Ces dernières peuvent consulter l'autorité sur toute question concernant la
régulation des télécommunications.
« L'autorité peut procéder aux expertises, mener les études, recueillir les
données et mener toutes actions d'information sur le secteur des
télécommunications. »
Sur l'article, la parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti.
La rédaction de cet article 6 appelle plusieurs observations qu'il me semble
déterminant de placer dans le cadre de ce débat.
Cet article organise en effet la définition du service universel de
télécommunications et prévoit des conditions de contrôle et de régulation de
l'activité des différents opérateurs de téléphonie.
Ma première observation porte sur le problème déontologique même qui préside à
la rédaction des articles du code général des télécommunications quant à la
définition du service universel et des divers services téléphoniques.
Il convient ici de rappeler les principes fondamentaux de la notion de service
public à la française.
Le choix opéré, notamment et spécifiquement à la Libération par les
gouvernements de ce pays en matière de service public, est un choix politique
clair, répondant d'ailleurs à plusieurs exigences.
La maîtrise publique s'était ainsi exprimée par la poursuite de l'activité
particulière de la SNCF dans le domaine du transport ferroviaire, par la
constitution d'Electricité de France et de Gaz de France dans le domaine de
l'énergie, par la prolongation de l'activité de la compagnie nationale Air
France et par la constitution, dans le cadre d'une administration spécifique,
d'un grand secteur des postes et des télécommunications.
L'existence d'un secteur public déterminant dans le cadre de la reconstitution
des infrastructures de communication et de transport du pays se situait sous le
double signe de la volonté politique de faire de l'Etat, autrement dit de la
nation, un acteur de la renaissance du pays, et de démontrer, de surcroît, la
validité de la gestion publique face à l'échec patent et aux errements de la
gestion privée.
Il est évident que, malgré certaines pesanteurs, c'est la notion de service
public et sa traduction concrète dans les faits en termes de développement des
infrastructures du pays qui a sans doute permis à la France de connaître un
haut niveau de développement économique et de répondre aux défis de son
temps.
Les principes de ce service public à la française sont connus. Il s'agit,
d'une part, de l'égalité d'accès des citoyens, et pas uniquement dans le sens
du mot : « clients », aux services proposés, quelles que soient les contraintes
existant en termes, notamment, d'éloignement géographique et de difficulté
d'accès au réseau.
Il s'agit, d'autre part, de la péréquation tarifaire, qui donc ne crée pas de
clientèle dite privilégiée, l'entreprise étant traitée comme le particulier,
avec la même considération et le même souci de la qualité de service. Je
souligne que cette qualité constitue, en elle-même, un principe de
l'organisation de nos services publics.
Dans la définition que nous offre l'article 6 du projet de loi, je relève tout
d'abord une sorte d'abus de langage.
En effet, service universel ne veut pas dire service public : ce n'est pas
parce que le service sera universel qu'il couvrira l'ensemble des prestations
que les particuliers sont en droit d'attendre d'un opérateur public de
télécommunications. Même si sa définition paraît large
a priori
, le
service universel n'a en fait d'universel que le nom.
Il s'agit de figer, dans la lettre et dans l'esprit de notre réglementation
directement issue des recommandations de la Commission de Bruxelles - laquelle
a d'ailleurs opté, nous ne le répéterons jamais assez, pour une procédure fort
peu démocratique, celle de l'article 90-3 du traité de Rome - la distinction
entre ce qui est plus ou moins - je souligne ces termes - rentable en matière
de télécommunications.
En gros, car nous avons tout le temps d'entrer dans les détails en examinant
les dispositions de l'article, il s'agit de consacrer le caractère
concurrentiel des services de la téléphonie mobile, de la téléphonie vocale et
de la transmission de données par voie télématique, voire d'aller plus loin en
matière de conquête de parts de marché sur la clientèle des particuliers et des
entreprises.
La question qui nous est posée est donc très simple : le service public tel
qu'il est conçu aujourd'hui, et qui est assuré par l'exploitant public France
Télécom, a-t-il failli ?
Cette conception du service public que je viens de décrire, et qui a fait ses
preuves depuis des décennies, serait-elle à ce point archaïque qu'il faille
limiter le champ de son intervention ?
M. le président.
Monsieur Minetti, je vous signale que vous avez dépassé votre temps de
parole.
M. Louis Minetti.
Puisque vous m'obligez à conclure, monsieur le président, je vais m'y
employer.
En quoi les géants de la téléphonie américaine seraient-ils plus qualifiés ?
En quoi les groupes tels que Bouygues ou la Générale des Eaux, dont on connaît
les méthodes, sont-ils plus qualifiés ? Je le rappelle : ces deux sociétés ont
précisément maille à partir avec la justice, ce qui montre dans quel engrenage
nous mettons le doigt. C'est pourquoi il n'est pas certain que l'opération
menée par Bouygues en matière de téléphonie mobile ne porte pas d'ores et déjà
les germes de la destruction.
Ce sont ces questions que ne résout pas le concept de « service universel »,
et c'est à ces abus que nous conduirait l'adoption de l'article 6.
M. le président.
Monsieur Minetti, je ne vous empêche pas de parler ; je me contente de faire
respecter le règlement. Au reste, votre groupe ne manquera pas de s'exprimer, à
un titre ou à un autre, sur cet article.
La parole est à Mme Fraysse-Cazalis.
Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis.
Parmi les dispositions de l'article 6 que nous examinons, figure la mise en
place d'une autorité de régulation des télécommunications.
Cette autorité pose en son principe même un certain nombre de questions tout à
fait fondamentales, qui tendent d'ailleurs à se généraliser.
Il est aujourd'hui entré dans les habitudes du Gouvernement et des idéologues
qui inspirent son action de concevoir, quel que soit le domaine envisagé, une
sorte d'autorité non élue, réputée indépendante et complètement imperméable aux
pressions comme aux turbulences de la vie politique. Une instance décidément
rare !
Il s'agit ainsi de rassembler quelques professionnels de la communication et
d'en faire les membres d'un conseil supérieur de l'audiovisuel venu, dans les
faits, remplacer le Gouvernement, qui, lui, est responsable devant le pays et
qui exerçait dans le passé un contrôle direct par l'intermédiaire du ministre
ou du secrétaire d'Etat à l'information.
Le fait que les membres du CSA soient désignés, pour un tiers, par le pouvoir
exécutif et, pour les deux tiers restants, par les présidents des deux
assemblées parlementaires nous est présenté comme un gage d'indépendance.
De la même façon, lors du récent examen du projet de loi portant transposition
de la directive européenne sur les services d'investissement, nous avons été
amenés à débattre de la constitution d'une instance de régulation, elle-même
issue du marché sur lequel elle est destinée à faire régner la discipline et
respecter les règles du jeu de la déréglementation financière !
Sur le fond, on le voit, la fameuse autorité de régulation des
télécommunications procède de la même logique.
Il s'agit clairement de définir un instrument de contrôle propre au secteur
des télécommunications, ajoutant en fait un élément au pouvoir discrétionnaire
du Gouvernement et, dans la lettre de ce qui a été voté par l'Assemblée
nationale, un peu plus de pouvoirs aux présidents des deux assemblées en leur
permettant de désigner chacun un membre de ladite autorité.
En matière de télécommunications, notre histoire est certes celle de la
tutélarisation. Mais est-ce le fin du fin de l'émancipation de ce secteur que
de confier le soin de veiller sur le respect des règles de concurrence et sur
la déontologie professionnelle à un aréopage de techniciens, sans doute très
qualifiés, mais dont la désignation se fera soit par voie réglementaire, pour
les membres désignés par le Gouvernement, soit par une élection - le mot est
presque de trop -, au quatrième degré pour ce qui concerne le membre désigné
par le président de la Haute Assemblée ?
Il y a là, au-delà de tout autre considération, un déficit démocratique pour
le moins patent qui pose en soit de nombreuses questions.
La première tient au fait qu'il existe, dans le cadre du secteur public,
d'autres moyens, plus démocratiques, de faire valoir les impératifs de la
loyauté commerciale ou les exigences d'une desserte équilibrée du territoire
par les services de télécommunication.
L'autorité de régulation des télécommunications n'aurait, dans les faits, de
compte à rendre à personne, alors que se pose réellement, de notre point de
vue, la question cruciale d'une maîtrise citoyenne de ce que peuvent constituer
comme formidable outil d'échange et de culture les réseaux de
télécommunication.
Ainsi, le Gouvernement créé désormais en chaque domaine une sorte de cour
suprême gardienne de la loi et de la foi qui tourne le dos à nos traditions et
dont le pouvoir est exorbitant au regard des exigences mêmes de la simple
démocratie.
Quel paradoxe, en effet, de constater que le destin de France Télécom est de
compter bientôt en son sein des salariés ayant deux statuts différents, dont un
d'ailleurs de plus en plus dévalorisé, et de voir monter en charge une sorte de
superstructure technocratique sans autre légitimité que celle résultant du seul
fait du prince.
La création de l'autorité de régulation des télécommunications présente, par
ailleurs, la caractéristique de se substituer à ce qui devrait procéder de
l'action publique.
Cela nous conduit à poser la question suivante : le rôle de l'Etat est-il, oui
ou non, de fixer des règles, de les faire respecter, et de les modifier
éventuellement - nos débats parlementaires servent à cela, jusqu'à plus ample
informé - ou bien seulement de définir le contenu de tel ou tel cahier des
charges et de faire respecter les dispositions de ces cahiers par une autorité
n'émanant absolument pas de l'expression du suffrage universel ?
L'Etat doit-il rester sur le bord de la route ouverte par la discussion et la
promulgation des lois ou participer activement à leur mise en oeuvre, avec
autant d'instruments que ceux que peuvent, par exemple, lui fournir l'existence
d'un secteur public fort et structuré ?
Peut-on laisser le seul marché dicter sa loi ? Le téléphone n'est-il pas
pourtant, dans la vie de chacun un instrument essentiel, comme peuvent l'être
le train, la poste ou l'électricité ?
La future ART, si elle se met en place, pourra sans doute prendre des
dispositions diverses, adresser des recommandations.
Pour autant, les défis de la démocratisation des services téléphoniques ne
seront pas relevés comme ils auraient pu l'être si on avait laissé plus
simplement France Télécom mener à bien sa mision de service public.
M. le président.
Par amendement n° 110, MM. Billard, Leyzour, Minetti et Ralite, les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer cet article.
La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart.
L'article 6 du projet de loi est l'un des éléments clés de ce texte, en ce
qu'il nous précise les compétences de l'autorité de régulation des
télécommunications, nouvelle instance d'arbitrage indépendante créée pour
organiser les conditions de la concurrence sur le marché des
télécommunications.
L'un des fondements du texte consiste à consacrer la disparition de la notion
de « service public multiforme des télécommunications » pour faire place à la
notion de « marché des télécommunications ».
On est donc passé de la situation d'usager du service public à celle de client
des opérateurs du marché, ce qui n'est pas qu'une petite nuance.
L'usager du service public, par essence, n'est pas nécessairement « rentable »
; il est un citoyen qui attend légitimement de pouvoir tirer parti d'un service
de qualité.
Le client du marché des télécommunications est, lui, l'élément d'un public à
cibler, à séduire, une petite parcelle dans la part de marché, et il doit être,
par nature, source de rentabilité dans son acte de consommer un service de
télécommunication.
Le silence est d'or, dit l'adage. Mais ce que veulent demain les opérateurs du
marché des télécommunications, c'est faire de l'or avec les paroles que nous
nous échangerons sur les lignes et les réseaux.
Le libéralisme a cependant ceci d'ennuyeux que les principes de libre
concurrence et de liberté du commerce qu'il défend sont, trop souvent, dans les
faits, contredits par l'évolution même des activités économiques et
sociales.
Alors, pour ne pas faire le choix d'un libéralisme sauvage qui ferait bientôt
place à un monopole privé en lieu et place de l'actuel monopole public des
télécommunications, le projet de loi tend à créer une autorité de
régulation.
Il s'agit, en gros, de faire en sorte que la libéralisation ne devienne pas
insupportable au commun des mortels.
Mais alors, pourquoi confier à une autorité indépendante la fonction
d'arbitrer le combat qui ne manquera pas d'avoir lieu et qui connaîtra
alliances de circonstance, ruptures violentes et désordre tarifaire ?
On nous explique que, depuis une bonne quinzaine d'années, on n'a cessé, dans
notre pays, de créer de telles autorités indépendantes.
La liste est longue de ces organismes créés pour répondre aux exigences de
déontologie et de fixation de règles de bonne conduite après chaque ouverture
libéraliste.
Je prendrai un exemple intéressant : le CSA, Conseil supérieur de
l'audiovisuel, censé intervenir dans la régulation du marché de
l'audiovisuel.
Les pouvoirs du CSA apparaissent réels, puisqu'il dispose, notamment, de la
possibilité de définir l'identité des concessionnaires de réseaux hertziens,
mais sont-ils aussi étendus que cela ?
En 1986, lors de la discussion de la loi Léotard, que la plupart des membres
de la majorité sénatoriale, déjà élus à cette époque, ont voté des deux mains,
on avait remplacé la Haute Autorité de l'audiovisuel par la Commission
nationale de la communication et des libertés.
La première tâche de ladite commission avait été de procéder aux consultations
relatives à la cession du réseau TF 1, privatisé aux termes des dispositions du
titre II de la loi Léotard.
On sait que, à l'issue de cette consultation, c'est le groupe Bouygues - oui,
celui qui a remporté l'appel d'offres sur le troisième réseau de téléphonie
mobile - qui avait obtenu la concession du réseau.
Le bilan de dix ans de concession est clair : destruction du statut du
personnel, suppression massive d'emplois, soutien plus que limité au
financement de la création audiovisuelle, etc.
La dernière trouvaille des responsables de la branche « audiovisuel » de
Bouygues est aujourd'hui de concevoir des modes d'utilisation des caméras de
plateau sans cadreur.
Ainsi, sur la chaîne câblée LCI, les trois caméras de plateau utilisées pour
les entrevues avec invités sont désormais pilotées par ordinateur.
Mais c'est surtout en matière de contenu des programmes et de respect des
normes du cahier des charges que la concession a vite montré ses limites.
Nous passerons rapidement sur les feuilletons comme
Hélène et les garçons,
abusivement qualifiés de créations audiovisuelles françaises, sur la
surabondance de films d'origine américaine prônant ouvertement le recours à la
violence, sur le pluralisme des idées et des débats politiques,
particulièrement mis à mal par TF 1, ou encore sur la réalisation de ces
émissions illustrant le fascisme ordinaire et qui appellent à la délation,
sollicitent le passionnel et l'irrationnel en lieu et place de la confrontation
libre et démocratique des idées.
Que dire des scénarios de séries policières directement tirés des affaires
criminelles les plus sordides ?
M. le président.
Monsieur Bécart, votre groupe s'étant déjà longuement exprimé sur l'article,
je vous prie de conclure.
M. Jean-Luc Bécart.
J'en termine, monsieur le président.
Devant tout cela, qu'a fait le CSA ? Il a, dans la discrétion, reconduit sans
difficulté la concession de TF 1 aux mêmes opérateurs. C'est sans doute ce qui
nous attend demain avec l'autorité de régulation des télécommunications. Alors,
non merci !
Aussi, sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers
collègues, à supprimer l'article 6.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Larcher,
rapporteur.
Peut-être ai-je eu un moment d'inattention, mais les
arguments invoqués ne concernaient pas me semble-t-il, le secteur en cause. Ils
n'ont donc pas conduit la commission à modifier sa position.
En l'occurrence, il s'agit des articles relatifs au service public. La
proposition visant à les supprimer nous surprend de la part de nos collègues
communistes.
A l'évidence, nous ne pouvons pas être favorables à la suppression de ces
articles, car nous sommes attachés au service public. Celui-ci repose, comme
nous l'avons dit hier, sur trois piliers : le service universel, les services
obligatoires et les missions d'intérêt général. Aussi, la commission émet un
avis défavorable sur cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon,
ministre délégué.
Cet amendement tend à supprimer la définition du
service public, mais toute l'argumentation vise l'autorité de régulation, ce
qui n'a rien à voir. Par conséquent, je ne sais plus si je dois émettre un avis
défavorable sur les propos qui ont été tenus ou sur l'amendement. En tout cas,
s'agissant de l'amendement, le Gouvernement est contre.
M. le président.
Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 110, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
ARTICLE L. 35 DU CODE DES POSTES
ET TÉLÉCOMMUNICATIONS