M. le président. Sur le texte proposé pour l'article L. 34-9 du code des postes et télécommunications, je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 109, MM. Billard, Leyzour, Minetti et Ralite, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer le texte présenté par l'article 5 pour l'article L. 34-9 du code des postes et télécommunications.
Par amendement n° 194, MM. Leyzour, Billard, Minetti, Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après les mots : « sont désignés », de rédiger comme suit la fin de la seconde phrase du deuxième alinéa du texte présenté par l'article 5 pour l'article L. 34-9 du code des postes et télécommunications : « sous la responsabilité de l'Etat afin d'offrir aux industriels concernés toute garantie d'indépendance par rapport aux entreprises offrant des biens ou services dans le domaine des télécommunications ».
La parole est à M. Minetti, pour défendre l'amendement n° 109.
M. Louis Minetti. Cet amendement a pour objet d'éviter que l'on modifie la législation relative aux équipements terminaux actuellement en vigueur.
Aux termes de cette législation, les équipements terminaux sont agréés par les services du ministère chargé des télécommunications selon des procédures et des normes spécifiques destinées à préserver l'intérêt des consommateurs.
Une fois encore, le projet de loi confère à l'autorité de régulation des télécommunications des prérogatives de puissance publique, dessaisissant l'Etat de ses responsabilités.
L'ART, en fait, réunit en son sein les pouvoirs de contrôle - c'est le cas ici - d'arbitrage des conflits et, de plus, le pouvoir de sanction des opérateurs.
Il s'agit d'une dérive technocratique, voire bureaucratique, qui tourne le dos à une conception démocratique des télécommunications dans notre pays.
M. Larcher, dans son rapport écrit, fait part pourtant d'une certaine méfiance à l'égard d'une telle instance.
Je vous cite, monsieur le rapporteur : « Le choix d'une commission spécifique, extérieure à l'Etat, pour réguler un marché monopolistique s'ouvrant à la concurrence est typiquement anglo-saxon, et même plus précisément américain.
« Ce choix repose sur une longue tradition politique qui prône le culte de la libre entreprise et une relative méfiance à l'égard de l'Etat central. »
« Ces traditions sont fort éloignées des nôtres », poursuivez-vous. « En France, l'Etat a construit la nation et une part de son économie. Surtout, dans notre pays, c'est à l'Etat et aux élus du suffrage universel qu'incombe la responsabilité primordiale d'arbitrer, dans le sens de l'intérêt général, entre les intérêts collectifs divergents.
« Dans l'ordre politique français, l'idée que l'habilitation des opérateurs proposant au public l'accès à des réseaux ou à des services de télécommunications et la détermination de leur cahier des charges puisse être confiées, sous contrôle de l'Etat, à des instances dépourvues de légitimité démocratique ne serait pas acceptable. La perspective que le contenu et les tarifs du service universel puissent être décidés par d'autres que des responsables élus le serait encore moins. »
Après avoir écrit ces lignes, je pense, monsieur le rapporteur, que vous allez accepter notre amendement pour être cohérent avec vous-même, sinon expliquez-nous les raisons de votre attitude.
M. le président. La parole est à M. Billard, pour défendre l'amendement n° 194.
M. Claude Billard. L'Etat français, garant de la bonne application de la directive européenne 88/301 relative à la concurrence dans les marchés de terminaux de télécommunications, doit mettre en place une procédure de désignation des laboratoires habilités à procéder à l'évaluation de la conformité des équipements des terminaux aux exigences essentielles.
Aujourd'hui, le laboratoire d'études des télécommunications, le LET, est le seul organisme habilité à opérer dans le respect des critères d'indépendance et d'intégrité définis par l'Organisation commune européenne de normalisation.
Il convient donc, en priorité, de prévoir l'élaboration par l'Etat français d'une procédure de désignation permettant de garantir le même dégré d'indépendance pour d'autres organismes qui demanderaient à leur tour une telle habilitation.
Nous pensons que cette disposition permettrait d'offrir aux industriels concernés toutes garanties d'indépendance vis-à-vis des entreprises offrant des biens ou des services dans le domaine des télécommunications.
Tel est, mes chers collègues, l'objet de cet amendement, que je vous demande d'adopter, au nom du groupe communiste républicain et citoyen.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 109 et 194 ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. Les lectures de M. Minetti sont excellentes mais incomplètes, et je le renverrai à la page 61 de mon excellent rapport (Sourires), dont j'ai exposé la teneur en début de matinée.
Il constatera que les équilibres proposés ne sont pas de type anglo-saxon et qu'ils prennent en compte notre tradition. Voilà pourquoi je ne peux pas être favorable à l'amendement n° 109, sans me déjuger pour autant, et tout en réaffirmant mon attachement à un Etat impartial et à la manière dont s'est construite la nation, où l'Etat intervient, y compris en vue de favoriser le développement économique.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 194, car nous préférons la rédaction du texte tel qu'il nous vient de l'Assemblée nationale.
Cela m'amène, monsieur le ministre, à vous poser une question relativement au LET, le laboratoire qui évalue la conformité aux normes des équipements terminaux et qui dépend du Centre national d'études des télécommunications, le CNET. Cet important laboratoire, situé à Lannion, est un établissement de qualité ; de surcroît, il n'a pas d'équivalent. Je souhaiterais savoir comment vous envisagez son devenir dans le cadre de l'évolution des réglementations dans l'ensemble de l'Union européenne. Nous sommes, bien entendu, très attachés au maintien et au développement de ce laboratoire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
M. François Fillon, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 109.
Quant à l'amendement n° 194, auquel il est également défavorable, il me donne l'occasion de répondre à la question posée par M. le rapporteur sur l'avenir du LET.
Que les choses soient claires : nous ne retirerons pas à ce laboratoire les activités qu'il exerce aujourd'hui en matière d'essais préalables aux agréments de terminaux. C'est une mission tout à fait essentielle, qui n'a pas d'équivalent en France et qui a, par ailleurs, des retombées économiques extrêmement positives sur la région de Lannion.
Cependant, comme vous le savez, un arrêt récent de la Cour de justice des Communautés européennes nous impose de rechercher, avec l'accord de France Télécom, une organisation juridique différente de celle d'aujourd'hui. Nous y travaillons actuellement.
En tout cas, le Gouvernement s'engage à ce que cette organisation différente garantisse le maintien et le développement des activités d'essais à Lannion, mais aussi soit de nature à inciter les industriels à confier leurs tests au LET.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 109.
M. Louis Minetti. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti. Vous savez que l'éducation nationale entre en période d'examens, notamment en matière littéraire ; si nous en avions le temps, plume en main, nous pourrions examiner point par point le rapport - mais je le ferai sans doute hors séance avec M. le rapporteur - et démontrer que son auteur a été un peu « piégé ».
Je me demande d'ailleurs si, entre la période où il a rédigé le rapport et aujourd'hui où il prend position de la manière que nous avons tous entendue, il n'est pas allé à Canossa. En tout état de cause, il y a contradiction entre le rapport et l'attitude actuelle de M. le rapporteur.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 109, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 194, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le texte proposé pour l'article L. 34-9 du code des postes et télécommunications.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE L. 34-10 DU CODE DES POSTES
ET TÉLÉCOMMUNICATIONS