Service des Commissions - Commission des Lois
La commission des Lois du Sénat renforce le suivi des délinquants sexuels afin de mieux lutter contre la récidive et cherche à prévenir la diffusion des messages pornographiques ou pédophiles sur l'Internet
Paris, le 22 octobre 1997 |
Réunie le mercredi 22 octobre 1977 sous la présidence de M. Jacques Larché (RI, Seine-et-Marne), la commission des Lois du Sénat a examiné, sur le rapport de M. Charles Jolibois (RI, Maine-et-Loire), le projet de loi relatif à la prévention et à la répression des infractions sexuelles.
Présenté par Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, ce texte a pour base l'architecture générale d'un projet de loi déposé en janvier dernier par M. Jacques Toubon.
Son principal objet consiste à permettre, au moment du jugement, le prononcé d'une peine complémentaire de suivi socio-judiciaire afin de surveiller les auteurs d'infractions sexuelles à leur sortie de prison. La durée de ce suivi pourrait aller jusqu'à cinq ans en cas de délit (exhibition sexuelle, atteinte sexuelle...) ou dix ans en cas de crime (viol, agression sexuelle sur mineur...). Le condamné pourrait être assujetti à diverses mesures tendant à prévenir la récidive (suivre une formation, ne pas exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs...) et notamment, si cela se révélait utile, à une obligation de suivre un traitement médical. L'inobservation du suivi socio-judiciaire pourrait, sur décision du juge de l'application des peines, donner lieu à un emprisonnement dont la durée maximale, fixée lors de la condamnation par le tribunal ou la cour d'assises, serait de deux ans en cas de délit et de cinq ans en cas de crime.
Le projet de loi s'efforce en deuxième lieu d'assurer une meilleure répression des infractions sexuelles, notamment :
- par un allongement de la prescription (qui courrait désormais à compter de la majorité de la victime, quel qu'en soit l'auteur, alors qu'elle court aujourd'hui, en principe, à compter de la date de l'infraction, sauf si l'auteur a autorité sur la victime) ;
- en luttant contre le " tourisme sexuel " (par la possibilité de poursuivre tout délit sexuel commis à l'étranger par un français, sans exiger que ce délit soit aussi puni par la législation du pays où les faits sont commis) ;
- par la création d'un fichier national des empreintes génétiques des auteurs d'infractions sexuelles ;
- par l'aggravation des peines encourues pour certaines infractions (viol, proxénétisme, atteintes sexuelles...) lorsqu'elles ont été commises en recourant à un réseau de télécommunications (minitel, Internet...).
Le projet de loi contient également des dispositions de procédure pénale dont l'une permet l'enregistrement audiovisuel de l'audition du mineur victime d'une infraction sexuelle afin d'éviter la multiplication des dépositions.
Enfin, il crée un délit spécial de bizutage.
M. Charles Jolibois a considéré que le projet de loi devait être complété afin d'assurer la meilleure prévention des infractions sexuelles, et plus particulièrement des actes de récidive. Sur la proposition de son rapporteur, la commission a adopté une soixantaine d'amendements tendant notamment à :
- renforcer l'efficacité du suivi socio-judiciaire. A cette fin, la commission a souhaité porter à dix ans en cas de délit et à vingt ans en cas de crime la durée maximale de cette mesure et porter à cinq ans les peines sanctionnant son inobservation (en cas de délit, comme en cas de crime) ;
- inciter, dans toute la mesure du possible, un délinquant sexuel à suivre un traitement médical en prison. Ainsi la commission a prévu qu'un condamné qui refuse de se soigner ne pourrait bénéficier de réductions de peine supplémentaires sans l'avis conforme de la commission de l'application des peines ;
- rendre plus strictes les conditions d'octroi des réductions de peine supplémentaires aux récidivistes en les subordonnant à l'avis conforme de la commission de l'application des peines ;
- assurer, à tous les stades de la procédure, la présence d'un avocat auprès de l'enfant victime d'une infraction sexuelle ;
- assurer la confidentialité des enregistrements audiovisuels, notamment en interdisant de les diffuser et en prévoyant leur destruction cinq ans après le procès. La commission a également souhaité que cet enregistrement ne puisse être utilisé à l'audience, l'état d'esprit du mineur lors de la réalisation de cet enregistrement (souvent proche de la date des faits) pouvant influencer à l'excès les juges, soit au dépens de l'accusé (en cas de dramatisation trop forte) soit à ceux de l'enfant (en cas d'impossibilité de sa part de s'exprimer) ;
- rembourser les soins dispensés à tous les mineurs victimes de sévices sexuels ;
- informer les offreurs de sites Internet de la diffusion par leurs cocontractants d'images à caractère pédophile ou pornographique. Pour ce faire, la commission a prévu que des agents du Conseil supérieur de l'audiovisuel seraient habilités à constater cette infraction et qu'une copie de leurs procès-verbaux serait adressée à l'offreur de site.
Afin de protéger les mineurs sans jeter le discrédit sur le recours aux méthodes modernes de communication comme Internet ou le minitel, la commission a prévu que le recours à un réseau de télécommunications ne constituerait une circonstance aggravante que pour les infractions contre les mineurs.
La commission a par ailleurs disjoint les dispositions créant un délit spécial de bizutage, constatant que le droit actuel permettait déjà de réprimer les actes répréhensibles, souvent même plus sévèrement que ne le prévoit le projet de loi.
Ce texte sera examiné par le Sénat en séance publique les 28, 29 et 30 octobre 1997.