Pas plus qu’en 2020 et 2021, alors que se succédaient au plus fort de la crise les collectifs budgétaires à un rythme parfois soutenu, le Gouvernement n’a jugé nécessaire en 2022 de déposer un "collectif social". Principal motif invoqué : il n’y est pas juridiquement tenu.

Après les élections législatives, on pouvait espérer une autre approche, plus respectueuse de l’importance objective de la sécurité sociale, dont les charges représentent la moitié des dépenses publiques. Le nouveau cadre organique des finances sociales est de surcroît sans ambiguïté sur la nécessité que le Gouvernement revienne devant le Parlement en cas de dérapage des comptes sociaux en cours d’exercice.

Les hypothèses de construction de la LFSS pour 2022 sont largement caduques et cela ne tient qu’en partie à l’épidémie de covid-19. Ainsi, les choix politiques du nouveau Gouvernement en matière de soutien au pouvoir d’achat auront également un impact lourd sur les comptes sociaux, qu’il s’agisse des mesures d’urgence pour les hôpitaux, de l’augmentation du point d’indice (la masse salariale des hôpitaux représente 60 % de l’Ondam hospitalier) ou du futur texte "pouvoir d’achat", qui devrait porter pêle-mêle le triplement annoncé de la prime dite "Macron " la revalorisation anticipée des retraites et des minimas sociaux ou encore la réforme envisagée des cotisations sociales des travailleurs indépendants.

Dans ces conditions, présenter au Parlement, en même temps que le collectif budgétaire de juillet, un "collectif social" au sein duquel figureraient les mesures financées par la sécurité sociale ne serait pas qu’une figure de style. Pour Élisabeth Doineau, rapporteure générale, "un collectif social est à la fois une exigence démocratique et une opportunité politique dont le Gouvernement devrait se saisir afin d’offrir au pays une perspective sur ce bien commun qu’est la sécurité sociale".

En effet, seul un tel texte permettrait au Parlement (et à l’opinion) de prendre la mesure de l’impact des mesures adoptées sur les finances sociales. Et seul un collectif social permettrait d’éclairer d’autres sujets essentiels : quel est l’impact de la conjoncture sur les recettes ? De l’inflation sur les prestations ? Des taux d’intérêt sur la dette, dont une partie n’est ni amortie ni à maturité contrôlée mais émise en trésorerie à moins de 12 mois ? Sans loi de financement rectificative de la sécurité sociale, pas moyen de le savoir alors que la commission des comptes de la sécurité sociale "de juin" n’est pour l’heure pas convoquée.

"A minima, une loi de programmation des finances publiques doit très vite nous indiquer où vont les comptes sociaux, entre une accumulation de dépenses nouvelles et une réforme des retraites dont on ne distingue plus bien les objectifs, les contours ni l’effet financier", souligne René-Paul Savary, président de la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss).

Pour Catherine Deroche, "Le Gouvernement réfute toute contradiction entre les dépenses nouvelles et le rétablissement des finances publiques et somme les oppositions de s’expliquer dans l’hémicycle sur le financement de leurs propositions. Nous souhaiterions qu’il expose lui-même sa feuille de route pour les comptes sociaux alors que la hausse des impôts et de la dette est proclamée comme une ligne rouge".

La commission des affaires sociales est présidée par Catherine Deroche (Les Républicains – Maine-et-Loire), sa rapporteure générale est Élisabeth Doineau (Union centriste – Mayenne).

Juliette RULLIER-MAUGÜÉ
01 42 34 25 03 presse@senat.fr