Alors que le Gouvernement présente le projet de loi sur les outils de gestion des risques agricoles comme "un texte historique", les sénateurs de la commission des affaires économiques ont émis des réserves sur sa portée réelle. Cette proposition n’est assortie d’aucun engagement financier.
"Ces insuffisances du projet de loi ne sont pas étrangères au fait que la réforme ne soit pas encore aboutie" selon le rapporteur, Laurent Duplomb. À cet égard, l’inscription à l’ordre du jour de cette réforme, en toute hâte à quelques semaines de l’élection présidentielle, traduit une volonté politique de combler une des plus grandes lacunes du quinquennat dans le domaine agricole. "Le Gouvernement parle d’un projet de loi historique qui ne traite que des procédures d’indemnisation. Il serait historique, en effet, s’il levait enfin les freins à une vraie politique de prévention dans le domaine agricole favorisant la résilience des exploitations, combinant à la fois des investissements audacieux, des projets d’irrigation, de la sélection variétale, une évolution des pratiques culturales... Ce n’est pas le cas" estime ce dernier.
Bien qu’elle n’apporte pas une réponse complète aux défis posés au monde agricole par des aléas plus fréquents, plus intenses et plus étendus, les sénateurs ont estimé que cette réforme était toutefois rendue nécessaire par un système des calamités agricoles dont le changement climatique menace la pérennité, ce que le gel tardif du printemps 2021 et la succession des sécheresses depuis 2018 ont démontré.
Pour Sophie Primas, présidente de la commission, "à ce squelette financier, la commission des affaires économiques a voulu donner du muscle, dans le respect de la Constitution qui bridait, par construction, son pouvoir d’initiative. C’était une nécessité pour donner de la visibilité aux acteurs agricoles et les assureurs : sans des engagements plus clairs du ministre, c’est une réforme pour peu".
Tout en soutenant le principe de la réforme, les sénateurs ont en conséquence souhaité préciser le cap donné par ce projet de loi en suivant cinq axes :
1) Agir avec vigueur pour adapter les textes européens à la réalité du changement climatique, en appelant à porter à 70 % le taux de subvention aux primes d’assurances de ces contrats tout en baissant à 20 % le niveau des franchises comme le prévoit le règlement européen dit Omnibus. S’obstiner à le refuser alors que d’autres pays européens le font crée encore des distorsions de concurrence intra-européennes ;
2) Lever les freins au recours à l’assurance en créant des contrats simples qui répondent réellement aux besoins de couverture des exploitants, tout en valorisant les actions de prévention qu’ils mettent en œuvre ;
3) Mieux prendre en compte les réalités territoriales de notre agriculture en permettant aux agriculteurs de contester les évaluations indicielles anonymes proposées par satellite par des enquêtes de terrain et en prenant en compte le sort des filières non assurables ou faiblement assurées aujourd’hui, en appelant le Gouvernement à maintenir un taux d’intervention de l’État à compter 30 % de pertes ;
4) Placer les professionnels au cœur du pilotage du système en renforçant les missions de la commission d’orientation et de développement des assurances en agriculture (CODAR) où toutes les filières pourront siéger ;
5) Sécuriser le dispositif au regard du droit de la concurrence et donner de la visibilité aux acteurs par des engagements pluriannuels de l’État sur son niveau d’intervention filière par filière garantissant la stabilité du dispositif. Plutôt que de placer les agriculteurs et les assureurs dans une incertitude par un pilotage au jour le jour, les taux applicables filière par filière seront définis pour cinq années pour rendre le système lisible.
Le Sénat examinera ce texte en séance publique le mardi 8 février prochain.
La commission des affaires économiques est présidée par Mme Sophie Primas (Les Républicains – Yvelines). M. Laurent Duplomb (Les Républicains – Haute‑Loire) est rapporteur du projet de loi portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture. L’Essentiel sur ce projet de loi est consultable sur le site du Sénat. |
Philippe Péjo
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