Mercredi 6 octobre 2021, sur la proposition du rapporteur Patrick Chauvet (Union Centriste - Seine‑Maritime), la commission des affaires économiques a rejeté la proposition de loi visant à maintenir les barrages hydroélectriques dans le domaine public et à créer un service public des énergies renouvelables , présentée par le sénateur Guillaume Gontard (Écologiste - Solidarité et Territoires – Isère) et plusieurs de ses collègues.
La commission est très attentive au devenir de nos concessions hydroélectriques, qui sont l’objet d’un contentieux avec la Commission européenne, ranimé en 2015 et 2019.
C’est pourquoi elle a constitué un groupe de travail transpartisan sur les réformes du marché de l’électricité , confié aux sénateurs Daniel Gremillet (Les Républicains - Vosges), Patrick Chauvet et Jean‑Claude Tissot (Socialiste, Écologiste et Républicain - Loire).
De plus, elle a fait adopter une proposition de loi tendant à inscrire l’hydroélectricité au cœur de la transition énergétique et de la relance économique, dont les dispositions ont été largement reprises dans le cadre de la loi "Climat et résilience" du 22 août 2021. L’obligation de "maintenir la souveraineté énergétique" a ainsi été reconnue dans le domaine de l’hydroélectricité. Par ailleurs, les concessions hydroélectriques ont été intégrées à la "loi quinquennale" sur l’énergie ainsi qu’au rapport annuel sur le "budget vert". Les maires et les présidents de groupements de communes seront informés en amont de tout projet de réorganisation des concessions porté à la connaissance de l’État. Ils pourront plus systématiquement participer aux comités de suivi de l’exécution des concessions. Ils pourront plus simplement constituer des sociétés d’économie mixte hydroélectriques (SEMH).
Forte de cet engagement et de cette expertise, la commission n’a pu que rejeter le texte qui lui a été soumis, en raison de trois difficultés.
- Une difficulté de principe : alors que des négociations globales sur le marché de l’électricité sont en cours avec la Commission européenne, la proposition de loi suggère un dispositif unilatéral et parcellaire car non négocié, qui n’éteindrait en rien le contentieux en cours sur les concessions du groupe EDF.
- Une difficulté de méthode : la quasi‑totalité des personnes auditionnées – acteurs économiques, syndicats professionnels, Gouvernement – sont opposés à la proposition de loi.
- Des difficultés de fond :
- Sur le service public des énergies renouvelables, la proposition de loi est largement satisfaite par le droit existant, le code de l’énergie consacrant déjà un service public de l’électricité et du gaz ;
- S’agissant des barrages hydroélectriques, le code de la commande publique prévoit déjà un dispositif de "quasi‑régie". En outre, la proposition de loi modifie le droit applicable à l’ensemble des concessions, échues comme en cours, du groupe EDF comme de ses concurrents, nationales comme transfrontalières, sans aucune sécurité juridique. Enfin, elle est muette sur les recapitalisations des sociétés, les indemnisations des concessionnaires et les transferts des salariés induits par un tel bouleversement.
Si le problème soulevé par le texte est réel, la réponse proposée, peu concertée et mal calibrée, n’est en définitive pas opportune. Pour autant, la commission sera très soucieuse, dans ses fonctions législatives et de contrôle, d’offrir aux concessions hydroélectriques une réponse à la hauteur des enjeux, le moment venu. Il en va de notre transition et de notre souveraineté énergétiques. Dans l’immédiat, il faut se garder de toute législation d’urgence et de tout effet d’affichage !
Pour Patrick Chauvet, rapporteur du texte, "la proposition de loi est une mauvaise réponse à une vraie question : celle du devenir de nos 400 concessions hydroélectriques, dont 40 sont échues. Rejetée par les acteurs de terrain, porteuse d’″effets de bord″ et exempte de financements, la proposition de loi ne constitue pas une solution solide à ce problème majeur. Pire, elle mettrait à mal l’ensemble des contrats en cours et supprimerait toute concurrence, ce que n’ont jamais prévu les lois de 1919, sur l’énergie hydraulique, et de 1946, sur la nationalisation de l’électricité".
Pour Daniel Gremillet, président du groupe d’études "Énergie" : "représentant un dixième de notre production d’énergie, dont la moitié de celle renouvelable, l’hydroélectricité est un pilier de notre mix énergétique. C’est pourquoi la commission des affaires économiques a fait adopter une proposition de loi, largement reprise dans le cadre du projet de loi ″Climat et résilience″. Ce faisant, elle a replacé les maires et les présidents de groupements de communes au cœur de la vie des concessions hydroélectriques. Je me félicite que nous ayons abouti sur un sujet aussi substantiel !"
Pour Sophie Primas, présidente de la commission : "La commission des affaires économiques est très attentive aux réformes du marché de l’électricité : ″Hercule″ hier et ″Grand EDF″ aujourd’hui. C’est en raison de cet engagement, et de cette expertise, qu’elle ne peut souscrire à des réponses inabouties dans ce domaine. Le Gouvernement doit offrir à nos concessions hydroélectriques une réponse négociée, solide et pérenne, pour régler par le haut ce différend européen, existant depuis bientôt dix ans. L’avenir de notre souveraineté et de notre transition énergétiques le commande !"
La commission des affaires économiques est présidée par Sophie Primas (Les Républicains - Yvelines). Patrick Chauvet (Union Centriste - Seine‑Maritime) est rapporteur de la proposition de loi. Le dossier législatif et l’Essentiel sont disponibles en ligne sur le site du Sénat. |
Philippe PÉJO
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