Jeudi 4 février 2021, après avoir entendu la position de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), la délégation aux entreprises du Sénat a organisé une table ronde sur « L’impact des nouveaux modes de travail et de management sur la santé », avec Émilie Vayre, professeure en psychologie du travail et des organisations à l'université Lumière Lyon 2 et secrétaire générale de l’Association française de psychologie du travail et des organisations (AFPTO), Marc-Éric Bobillier-Chaumon, professeur – titulaire de la Chaire de psychologie du travail au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) de Paris et membre du conseil d’administration de l’Association internationale de psychologie du travail de langue française (AIPTLF), Stéphane Pimbert, directeur général de l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), et Jean-Dominique Dewitte, président de la Société française de médecine du travail (SFMT).

Pour la CPME, il est prématuré d’évaluer les conséquences du télétravail. Alors que l’accord national interprofessionnel (ANI) de 2005 avait eu un effet contre-productif sur le télétravail, l’ANI signé en décembre 2020 est satisfaisant , étant entendu que le dialogue social doit prendre en compte la proximité des relations sociales au sein des TPE et PME.

La CPME a alerté sur le fait que l’initiative sur les travailleurs de plateformes que la Commission européenne présentera en 2021 fragiliserait la conception française du dialogue social si elle incluait la question des prix.

D’ailleurs, ce dialogue social a été « boosté » par le recours accru au numérique, tant dans les entreprises qu’au niveau national, les accords nationaux interprofessionnels, sur le télétravail d’une part et sur la santé au travail d’autre part, ayant été entièrement négociés par visioconférence.

Pour tous les intervenants, le télétravail a fait prendre conscience de l’importance de la présence physique dans les entreprises comme facteur de sociabilité, de partage, de soutien, et donc de qualité de vie au travail pour les salariés . Certaines entreprises ont pu anticiper mais d’autres ont subi un travail à domicile imposé. Tirant les leçons de cette « impréparation à l’imprévisible », le nouvel accord national interprofessionnel distingue le recours au télétravail en temps normal et en cas de circonstances exceptionnelles.

Pour les intervenants, s’il présente bien sûr des avantages, l’accroissement du télétravail - surtout quand il est subi et contraint - augmente la sédentarité, donc les risques physiques, mais également l’isolement et la solitude, donc les risques psychiques, avec, d’une part, la fracturation de la communauté du travail, la croissance des addictions ou du stress lié au « surtravail » et, d’autre part, la perturbation de l’organisation et de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

Cette évolution perturbe par ailleurs l’insertion des jeunes sur le marché de l’emploi, qu’ils soient en alternance dans une entreprise sans s’y rendre physiquement ou en premier emploi, et l’égalité professionnelle hommes – femmes. Ce problème n’est pas limité au travail à domicile : de plus en plus de salariés sont nomades ou travaillent dans des tiers lieux.

Le recours aux open space ou au flex office distancie souvent les relations de travail. L’externalisation liée au télétravail affecte encore davantage la reconnaissance de la contribution des salariés à l’entreprise. Elle a des effets géographiques ambivalents : l’opportunité d’un cadre de vie plus agréable et d’un meilleur aménagement du territoire s’accompagne d’un risque de délocalisation accru. Elle n’entraîne pas en revanche, et contrairement à une idée répandue, une rupture générationnelle quant aux usages du numérique en entreprise.

Les entreprises sont invitées à mieux prévenir les risques psychosociaux liés aux nouveaux modes de travail et à adapter leur management. L’accroissement de l’autonomie des salariés s’accompagne trop souvent d’une méfiance sur la réalité du travail effectué à domicile et du développement des outils de tracking (contrôle à distance du travail), sans d’ailleurs toujours donner aux salariés les outils appropriés au télétravail. Le management de proximité doit être davantage à l’écoute des salariés, au risque d’un surcroît d’activité, et doit s’adapter au management par objectif dans un climat de confiance envers les salariés concernés, ce qui requiert une formation préalable.

La prévention en matière de santé au travail, dans un contexte profondément et durablement modifié, doit conduire les entreprises à mettre à jour le document unique d'évaluation des risques professionnels (DUER) , que le code du travail a rendu obligatoire dans toutes les entreprises dès l'embauche du premier salarié, alors même qu’une entreprise sur deux n’a pas créé un tel document. En outre, la médecine du travail ne peut pas intervenir au domicile des salariés.

Pour Serge Babary ( LR – Indre-et-Loire), président de la délégation : « Le développement massif du télétravail, et plus généralement l’incidence croissante des technologies dans le contenu et les modes de travail, doit conduire à trouver de nouveaux équilibres entre participation au collectif dans l’entreprise et autonomie accrue des salariés, entre vie professionnelle et vie privée, et permettre aux entreprises de tirer parti de la crise pour travailler sur les conditions de travail et développer, dans le dialogue social, les actions de prévention des risques sanitaires, tant physiques que psychiques ».

La vidéo de cette rencontre : http://videos.senat.fr/commission.ENTR.p1

L a délégation aux entreprises du Sénat est présidée par Serge Babary (Les Républicains - Indre-et-Loire).

Martine Berthet (Les Républicains – Savoie), Michel Canévet (Union Centriste – Finistère) et Fabien Gay (communiste républicain citoyen et écologiste – Seine-Saint-Denis) sont les rapporteurs de la mission d’information de la délégation aux entreprises sur « les nouveaux modes de travail et de management ».

L'activité du Sénat se déroule dans le strict respect des conditions sanitaires dictées par la nécessité d'enrayer la pandémie de COVID-19.

Philippe PÉJO
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