Nouveaux rapports au travail, crise du management, code du travail à adapter : voici les principaux sujets débattus lors de la table ronde organisée par la délégation aux entreprises du Sénat, dans le cadre de sa mission relative aux nouveaux modes de travail et de management.

Elle a réuni François Dupuy, sociologue, expert à l’EDHEC ; Jean-Emmanuel Ray, professeur à l'École de Droit de Paris I – Sorbonne, spécialiste en droit du travail ; et Martin Richer, fondateur et dirigeant de Management & RSE.

Pour Serge Babary ( LR - Indre-et-Loire), président de la délégation : "Nouvelles attentes des salariés et des managers, transformation des entreprises, défis de la compétitivité : il faut trouver un équilibre vertueux pour toutes les parties prenantes".

Si la révolution en cours de l’organisation du travail résulte de phénomènes engagés depuis les années 1960, la crise économique liée à la pandémie de coronavirus marque une rupture à plusieurs titres :

  • La continuité de l’activité économique en 2020 est largement le fruit des efforts des managers de proximité qui ont dû et su s’affranchir du "fatras bureaucratique des entreprises" (process, reporting, indicateurs de suivi, etc.), complexité croissante qui, selon François Dupuy, a des effets contre-productifs. En outre, le manager de proximité voit se renforcer son rôle dans la protection de la santé de ses collaborateurs ;

  • Le développement soudain et massif du télétravail remet en cause le modèle fordien sur lequel le code du travail a été bâti . On assiste à une "polarisation du monde du travail " avec, d’un côté, une minorité de travailleurs intellectuels qui peuvent travailler en jouissant d’une autonomie accrue, et de l’autre, une majorité soumise à des contraintes et contrôles croissants et conçus sur des modèles anciens, alors que c’est précisément l’autonomie qui est aujourd’hui recherchée. "On entre dans l’avenir à reculons" selon Jean-Emmanuel Ray ;

  • Les actifs d’aujourd’hui ont une relation au travail très différente des actifs d’hier : la précarité, y compris lorsque l’on détient un diplôme, est désormais normalisée et intégrée dans les aléas de la vie professionnelle ; les salariés recherchent du sens, un meilleur équilibre dans leur vie privée et davantage d’autonomie, le salaire n’étant pas la seule source de motivation. Or "le sens ne se décrète pas, il se construit tous les jours dans les interactions de travail"selon Martin Richer ;

  • La productivité des entreprises elles-mêmes nécessite une créativité renforcée des travailleurs, que favorise une plus grande autonomie ;

  • Comment le chef d’entreprise peut-il concilier un code du travail construit pour une communauté dans l’entreprise et l’application des règles de la sécurité et de la santé au travail au domicile des télétravailleurs, ainsi que le lien de subordination qui fonde le salariat ?

  • Par ailleurs, il y a lieu de s’inquiéter du fossé qui se creuse entre les salariés et la hiérarchie , particulièrement prononcé en France. 62 % des non-managers ne veulent pas le devenir, selon une étude CEGOS d’avril 2019 ; et seuls 18 % des managers disent avoir une visibilité suffisante de la stratégie de leur entreprise, selon une enquête IFOP-LISPE d’avril 2018.

La délégation donnera très prochainement la parole à des chefs d’entreprise pour apporter une vision pratique et de terrain de ces problématiques.

La vidéo de cette rencontre :

http://videos.senat.fr/video.2082623_601278ce3ee7a.table-ronde-sur---les-nouveaux-modes-de-travail-et-de-management-

La délégation aux entreprises du Sénat est présidée par Serge Babary (Les Républicains - Indre-et-Loire).

Martine Berthet (Les Républicains - Savoie), Michel Canévet (Union Centriste - Finistère) et Fabien Gay (communiste républicain citoyen et écologiste - Seine-Saint-Denis) sont les rapporteurs de la mission d’information de la délégation aux entreprises sur "les nouveaux modes de travail et de management".

L'activité du Sénat se déroule dans le strict respect des conditions sanitaires dictées par la nécessité d'enrayer la pandémie de COVID-19.

Philippe PÉJO
presse@senat.fr