Le mercredi 25 novembre 2020, après avoir entendu la semaine précédente M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice, la commission des lois du Sénat a examiné les crédits dévolus à la justice judiciaire et à l’accès au droit et à la justice par le projet de loi de finances pour 2021.
Les rapporteurs, Agnès Canayer et Dominique Vérien, saluent l’augmentation significative du budget de la justice, notamment la mise en œuvre d’un programme immobilier ambitieux et les efforts consentis pour améliorer l’aide aux victimes. Néanmoins, cette hausse s’explique pour moitié par une évolution de son périmètre et ne constitue qu’un rattrapage sur la trajectoire prévue par la loi de programmation pour la justice de 2019, qui n’avait pas été respectée l’an dernier : "Sans nier l’effort budgétaire conséquent du Gouvernement, l’essentiel est toutefois que ces nouvelles ressources se concrétisent effectivement par des actions structurantes et pérennes sur le terrain".
Or, si 1 082 recrutements sont prévus entre fin 2020 et 2021, seuls 15 % correspondent à des emplois pérennes de magistrats et de greffiers. En effet, le ministère de la justice a fait le choix d’un recours massif à des agents contractuels pour apporter un soutien temporaire aux juridictions, plus particulièrement dans le domaine de la "justice pénale de proximité". Comme l’indiquent les rapporteurs, "ces "sucres rapides", pour reprendre l’expression du garde des sceaux, ne sauraient satisfaire les besoins structurels de la justice".
En outre, la commission déplore l’oubli de la justice civile dans la politique budgétaire du ministère. Comme l’a relevé le président François‑Noël Buffet : "Bien sûr, la justice pénale a besoin de moyens. Mais n’oublions pas que la justice du quotidien, celle à laquelle un grand nombre de nos concitoyens ont affaire au cours de leur vie, c’est la justice civile : 2,3 millions de décisions sontrendues chaque année en matière civile et commerciale, trois fois plus que les 799 000 décisions pénales".
Par ailleurs, alors que le sous-équipement de la justice en moyens informatiques est régulièrement dénoncé, le plan de transformation numérique du ministère est loin d’avoir produit les résultats attendus. À cet égard, les auditions menées par les rapporteurs et leur déplacement au tribunal de Paris ont démontré le décalage entre les effets d’annonce du ministère et la réalité vécue par les professionnels et les justiciables.
Enfin, les rapporteurs ont pris acte de l’augmentation modérée de la rétribution des avocats au titre de l’aide juridictionnelle , mais resteront attentifs à son financement à long terme, ainsi qu’aux suites que le Gouvernement donnera au rapport remis en juillet 2020 par Dominique Perben sur l’avenir de la profession d’avocat.
Sous ces réserves, la commission des lois a donné un avis favorable à l’adoption des crédits.
La mission "Justice" du projet de loi de finances pour 2021 sera examinée en séance publique le 4 décembre 2020.
M. François-Noël Buffet (Les Républicains - Rhône) est président de la commission des lois. Mmes Agnès Canayer (Les Républicains - Seine-Maritime) et Dominique Vérien (Union centriste - Yonne), sont co-rapporteurs des crédits des programmes nos 166, "Justice judiciaire", 101 "Accès au droit et à la justice", 310 "Conduite et pilotage de la politique de la justice" et 335 "Conseil supérieur de la magistrature" de la mission "Justice" du projet de loi de finances pour 2021. |
Mathilde DUBOURG
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