Le 11 décembre 2019, la commission des lois a adopté avec d’importantes modifications la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet transmise par l’Assemblée nationale.
La commission a reconnu le besoin de mieux responsabiliser les grandes plateformes afin qu’elles participent davantage qu’aujourd’hui à la lutte contre la propagation de certains "discours de haine" sur internet. Elle a donc approuvé le renforcement de leur régulation par de nouvelles obligations de moyens et de coopération en la matière, sous la supervision du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Elle a également approuvé les mesures prévues par la proposition de loi destinées à favoriser une réponse judiciaire rapide et proportionnée ainsi qu’une meilleure prévention en milieu scolaire.
Selon Philippe Bas, président de la commission des lois, "si le législateur doit mener une lutte résolue contre le développement de contenus haineux sur internet, il doit prendre garde de ne pas remettre en cause une liberté démocratique fondamentale, la liberté d’expression, dont les restrictions doivent être proportionnées et appliquées sous le contrôle effectif de l’autorité judiciaire. Le texte adopté aujourd’hui par la commission témoigne de la recherche de cet équilibre toujours délicat".
En conséquence, la commission a adopté 45 amendements afin notamment :
– de supprimer le nouveau délit de "non-retrait" de contenu haineux. Selon Christophe-André Frassa, rapporteur, "malgré une intention qui ne peut être que partagée, le volet pénal au cœur du dispositif reste inabouti et porteur de risques pratiques et juridiques : déséquilibré aux dépens de la liberté d’expression, il encouragera mécaniquement les plateformes à retirer - par excès de prudence - des contenus pourtant licites ; contraire au droit de l’Union européenne, il semble en l’état inapplicable aux professionnels du parquet eux-mêmes…" ;
– de clarifier la régulation administrative des grandes plateformes pour mieux tenir compte des exigences du droit européen (directive "e‑commerce"), en proportionnant les obligations à la charge des plateformes au risque d’atteinte à la dignité humaine et en écartant toute obligation générale de surveillance des réseaux.
La commission a également complété le texte pour mieux s’attaquer à la viralité des discours de haine ainsi qu’à leur financement par la publicité, et pour promouvoir l’interopérabilité entre plateformes.
Le texte adopté s’est également enrichi des évolutions proposées par la commission de la culture et la commission des affaires économiques.
Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, dont les amendements ont permis de clarifier les conditions d’intervention du CSA, a rappelé "l’urgence absolue de faire évoluer la directive "e-commerce" pour élaborer une solution au niveau européen, seul moyen de réguler la position désormais hégémonique de grandes plateformes qui montrent chaque jour leur peu de considération pour les règles démocratiques".
Selon Yves Bouloux, rapporteur pour avis pour la commission des affaires économiques, "le cœur de la proposition de loi propose un nouveau modèle de régulation de l’économie numérique que nous estimons pertinent. Le Gouvernement choisit d’agir au niveau national dans l’attente de l’adoption de dispositions au niveau européen, c’est une démarche que nous soutenons".
La proposition de loi sera examinée par le Sénat en séance publique mardi 17 décembre 2019.
Philippe Bas (Les Républicains – Manche) est le président de la commission des lois. |
Mathilde DUBOURG
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