Le 20 novembre 2019, la commission des lois du Sénat a donné un avis défavorable à l’adoption de la mission "Immigration, asile et intégration" du projet de loi de finances pour 2020, estimant que, malgré sa progression (+ 4,5 % en autorisations d’engagement), le budget de cette mission présentait de trop nombreuses incohérences et n’était pas à la hauteur du défi migratoire.
Concernant la politique d’asile, s’il convient de saluer le renforcement significatif des moyens de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) grâce à la création de 200 emplois supplémentaires et une subvention augmentée de 30 %, cette année encore, les hypothèses sur lesquelles est construit le budget paraissent bien peu réalistes.
Selon François-Noël Buffet, rapporteur pour avis, "le Gouvernement prévoit contre toute logique une stabilisation de la demande d’asile à partir de 2020, nous avons donc de sérieuses réserves sur la sincérité de la programmation budgétaire". Il a ainsi déploré le sous-financement prévisible de plusieurs programmes clés : en particulier, les crédits prévus pour financer le versement de l’aide aux demandeurs d’asile (ADA) en 2020 devraient être inférieurs aux montants effectivement versés en 2019. En outre, alors qu’à peine un demandeur d’asile sur deux est aujourd’hui hébergé dans une structure appropriée, le Gouvernement n’entend créer aucune nouvelle place en 2020.
Enfin, la lutte contre l’immigration irrégulière reste une pure politique d’affichage : la France est tombée cette année à un plus bas historique en termes de taux d’exécution des décisions d’éloignement (environ 15 %). Le volume des obligations de quitter le territoire (OQTF) prononcées explose, sans que les services chargés de mettre en œuvre les éloignements aient les moyens de suivre (132 000 mesures ont été prononcées, mais seulement 20 000 exécutées en 2018).
En la matière, la lutte contre la fraude documentaire reste un maillon essentiel de la maîtrise de nos flux migratoires.
En définitive, selon Philippe Bas, président de la commission, "plutôt qu’une hausse sans fin du budget consacré à l’immigration, c’est d’une véritable politique migratoire dont nous avons besoin. Le Gouvernement semble redécouvrir aujourd’hui les solutions concrètes portées par le Sénat dès 2018 et dont il ne voulait pas à l’époque : réforme de l’aide médicale d’État, conditionnalité de la délivrance de visas pour les ressortissants des pays non coopératifs, éloignement systématique des étrangers dangereux… Que de temps perdu !".
Les crédits de la mission "Immigration, asile et intégration" seront examinés par le Sénat en séance publique le jeudi 28 novembre 2019.
M. Philippe Bas (Les Républicains - Manche) est président de la commission des lois. |
Mathilde DUBOURG
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