Deux jours après l’approbation par le Parlement européen du compromis sur la révision de la directive "détachement des travailleurs" de 1996, la commission des Affaires européennes du Sénat, présidée par M. Jean Bizet (Manche - Les Républicains), a adopté, le 31 mai dernier, une proposition de résolution européenne et un rapport présentés par Mme Fabienne Keller (Bas-Rhin - Les Républicains) et M. Didier Marie (Seine-Maritime - Socialiste et républicain) portant sur cette question.
Le Sénat relève plusieurs points sur lesquels le nouveau dispositif peut s’avérer encore insuffisant. Il pointe ainsi l’absence de prise en compte des chaînes de sous-traitance, l’application du barème du pays d’envoi pour le calcul des indemnités d’hébergement et de nourriture, ou la faiblesse des mesures destinées à lutter contre la fraude au détachement ou les sociétés "'boîte aux lettres". Le Sénat souhaite que les débats à venir sur la future Autorité européenne du travail puissent permettre de confier à celle-ci la tâche d’élaborer un registre des entreprises qui détachent et une liste noire des sociétés condamnées pour fraude.
L’amélioration des conditions de détachement et la recherche d’une plus grande égalité de traitement avec les travailleurs locaux ne saurait, par ailleurs, se résumer à la révision de la directive de 1996. Le Sénat insiste pour que les négociations en cours sur la refonte des règlements de coordination des régimes de sécurité sociale puissent permettre de sécuriser les certificats A1, qui attestent l’affiliation des salariés au régime de sécurité sociale des pays d’envoi. Il souhaite que ces attestations soient désormais numérisées, qu’elles prévoient une photographie du titulaire et qu’elles puissent être reliées à un numéro de sécurité sociale européen. Ce numéro faciliterait une plus grande interconnexion des systèmes de sécurité sociale européens aux fins de contrôle. Plus largement, le Sénat souhaite que les États membres puissent déqualifier ce certificat dès lors qu’il existe des doutes sérieux sur son origine. Il s’inquiète, dans le même temps, du recours croissant au statut de travailleur pluriactif, qui ne présente pas les mêmes garanties en termes de protections.
Le Sénat souhaite enfin que le régime du détachement des travailleurs s’applique pleinement au secteur du transport international routier de marchandises, soit dès le premier jour d’entrée dans le pays de livraison. Il s’alarme des projets de la Commission européenne de relier l’application du détachement à une libéralisation complète du cabotage. Celle-ci serait lourde de conséquences pour le transport routier français (700 000 emplois), dont l’activité s’est concentrée sur le marché domestique, faute de pouvoir rivaliser à l’international avec les entreprises polonaises, espagnoles ou roumaines aux coûts moins élevés. Le Sénat appelle dans le même temps à un renforcement des moyens de contrôle et au lancement concomitant d’une réflexion sur le statut de travailleur hautement mobile européen qui permettrait une harmonisation des conditions d’exercice du métier de chauffeur routier européen.
Le texte négocié par le Parlement européen et le Conseil le 28 février dernier contient, par ailleurs, plusieurs avancées qu’il convient de saluer : principe de l’égalité de rémunération pour une même tâche sur un même lieu de travail, réduction de la durée du détachement et détermination à deux ans de la période de transposition du nouveau texte.
Les opérations de détachement, hors transport, ont concerné plus de 516 000 travailleurs européens en France en 2017, soit une augmentation de 46 % par rapport à 2016. Plus de 880 000 attestations de livraison ont, par ailleurs, été présentées par des entreprises européennes en France en 2017.
Le rapport et la proposition de résolution européenne sont disponibles à l’adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2017/r17-528-notice.html
Tina MIQUEL
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